The Project Gutenberg EBook of Essai d'Introduction à l'Histoire Généalogique, by Oscar de Poli This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org/license Title: Essai d'Introduction à l'Histoire Généalogique Author: Oscar de Poli Release Date: August 18, 2012 [EBook #40530] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ESSAI D'INTRODUCTION À *** Produced by Mireille Harmelin, Hélène de Mink, and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
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PAR
LE VICOMTE OSCAR DE POLI
Président du Conseil Héraldique de France
La distinction la moins exposée à l'envie
est celle qui vient d'une longue suite
d'ancêtres.
Fénelon.
PARIS
CONSEIL HÉRALDIQUE DE FRANCE
21, AVENUE CARNOT, 21
1887
Mon cher Ami,
Après avoir écrit l'Histoire Généalogique des Courtin, je conçus la nécessité de la faire précéder d'une étude aussi succincte que possible sur les vicissitudes de l'ancienne Noblesse, sur ce qu'on peut appeler l'envers de ses priviléges et de sa gloire. Le sujet était tentant, presque nouveau, n'ayant guère été qu'effleuré, il y aura bientôt deux siècles, par le comte de Boulainvilliers.
Comme le poëte, contentus paucis lectoribus, je ne m'attendais pas à ce que cette modeste étude méritât à son auteur des suffrages dont il s'honore. On a bien voulu me dire que, détachée de votre généalogie, elle pourrait servir à faire justice 6 de plus d'un des préjugés et des mensonges accumulés contre la France d'autrefois par les pseudo-philosophes et les coryphées de la révolution. C'était faire, à mon patriotisme, à ma foi monarchique, un appel auquel je n'avais pas le droit de me dérober.
Voici donc cette Introduction. Souffrez que je vous la dédie, à vous dont les pères ont connu les amères vicissitudes de l'état de noblesse et se sont relevés brillamment, au soleil de Louis XIV, au prix du sang versé pour le Roi et pour la Patrie; à vous qui, fidèle à leurs saintes amours, à leurs généreuses traditions, à leur chevaleresque devise, Fortis et Fidelis, honorez ce qu'ils honorèrent et glorifiez ce qu'ils glorifièrent.
Vte Oscar de POLI.
Prophétie de saint Remi.—La fausse égalité.—Si la noblesse fut une caste.—La hiérarchie sociale.—Opinion d'un vrai philosophe sur les distinctions héréditaires.—La patrie et l'humanité.—Emulation féconde.—Contre la séduction des richesses.—Juvénal et Boileau réfutés.
Lorsque l'eau sacrée du Baptême eut fait de Clovis le vassal du Christ, il demanda: «Jusques à quand durera le royaume des Francs?» Saint Remi répondit: «Tant qu'y régneront la Religion et la Justice!» Ce n'est pas sans un sentiment vif de patriotique tristesse, que je rappelle cette parole prophétique du grand Évêque, à l'heure où, sur la terre de France, la foi chrétienne 8 est officiellement bafouée, où la justice n'est qu'une arme hypocrite aux mains de la tyrannie, où l'abaissement de la Patrie Française apparaît comme l'inéluctable conclusion de la grande mystification révolutionnaire.
Il y aura bientôt un siècle qu'au nom de l'égalité, passant un niveau grossier et barbare sur toute grandeur et toute supériorité, la fausse démocratie a détruit l'antique hiérarchie sociale qui n'était pas la part la moins splendide du patrimoine de la Nation; comme si la véritable égalité n'était pas celle qui permet à tout ce qui est beau, noble et généreux de se produire, de s'épanouir et de monter! La Noblesse, en France, ne fut jamais une caste, c'est-à-dire une classe fermée; dans tous les temps, ses rangs furent libéralement ouverts au mérite, au talent, à la vertu, à l'honneur; elle constituait la plus magnifique récompense, à la portée même des plus humbles, et fécondait héréditairement, pour le bien de l'État, l'esprit de devoir, de dévouement et de sacrifice. Le bas orgueil des peuples démocratisés répugne aux distinctions transmissibles; mais, dans une société hiérarchisée, elles n'humilient pas plus que le soldat n'est humilié d'avoir des chefs.
«La gloire d'une antique origine, a dit un philosophe 9 du XVIIIe siècle, est injustement traitée de chimère, et quand bien même elle seroit fondée sur un préjugé national, la politique serait intéressée à le perpétuer comme une erreur utile que le philosophe ne peut combattre sans déroger au titre de citoyen. Les distinctions accordées à la noblesse héréditaire sont fondées sur des motifs d'utilité et de justice. Le premier dont une race s'honore fut un citoyen utile. Ses travaux ne se sont pas bornés à procurer le bonheur et la gloire de son siècle; les générations suivantes en ont recueilli le fruit: c'est donc à la postérité à reconnaître dans les descendans de ses bienfaiteurs les services rendus à la patrie et à l'humanité. Ce principe d'équité, qui établit et qui justifie les prérogatives de la noblesse héréditaire, est encore un germe fécond d'émulation: quiconque a l'avantage de compter des aïeux illustres doit se croire engagé à marcher sur leurs traces. Son âme embrasée par les exemples s'élève sans effort au-dessus des obstacles et des périls. Les sentiers de la gloire, aplanis par ses ancêtres, ne lui offrent rien de pénible et de rebutant: tout homme naît imitateur et c'est dans ses aïeux qu'il aime à trouver des modèles. La prospérité d'un État est assurée lorsque les honneurs y tiennent lieu de récompenses, lorsqu'on n'y fait pas un 10 vil trafic de son sang et de ses travaux, lorsqu'enfin les hommes en place sont assurés que leurs descendants jouiront de leur gloire. Cette idée est le plus fort rempart qu'on puisse opposer à la séduction des richesses; une nation est toujours florissante lorsque les citoyens sont persuadés que la reconnaissance publique est le plus bel héritage qu'ils puissent laisser à leurs enfants.»[2]
«Tout l'effort de ceux qui débitent ironiquement les satires de Juvénal et de Boileau contre la Noblesse ne peut prouver que deux choses: ou qu'un homme sans sens et sans droiture est indigne de la noblesse, ou qu'un Noble véritablement généreux doit imiter ses ancestres et marcher comme eux dans les voyes de l'honneur et de la vertu; mais ces deux vérités sont hors de contestation.»[3]
La civilisation féodale.—Le grand artisan national.—Balzac et Madame de Staël.—Royer-Collart et Viollet-Leduc.—La peine de naître.—Habitués de père en fils à se faire tuer.—L'envers des privilèges nobiliaires.—Cent ans bannière, cent ans civière.—Cadets de noblesse.—Labeur de restauration familiale.
Quand la civilisation féodale jeta ses premières lueurs, les idées morales de la grandeur, en se rattachant au nom, firent sentir le prix de la gloire héréditaire, et la Noblesse devint réellement une institution sociale. La féodalité, maintenant conspuée par l'ignorance et la mauvaise foi, fut le grand artisan de l'épanouissement national; Balzac a dit que ses ruines «sont sublimes et frappent aujourd'hui d'admiration les vainqueurs ébahis», et Mme de Staël a vu dans la féodalité «le chef-d'œuvre de l'esprit humain». Royer-Collart et Viollet-Leduc en pensaient de même, et ce sont là des autorités dont le jugement est d'un autre poids que certains préjugés 12 et certaines diatribes. A les en croire, il semblerait que les Nobles n'eussent à peu près d'autre peine que celle de naître, et que le privilège de la naissance leur assurât immuablement la possession de grands biens, les richesses, les jouissances, les honneurs. Ils avaient le devoir d'aller à la guerre pour les autres, et c'était bien quelque chose que de faire de sa poitrine un rempart au Roi et à la Patrie; mais, comme disait un bon paysan d'autrefois, ne se doutant pas qu'il faisait le panégyrique du principe de la Noblesse, «ces gens-là étaient habitués de père en fils à se faire tuer!» A part ce léger désagrément, le gentilhomme, entend-on dire, ne payait pas d'impôts, et ses hoirs recueillaient régulièrement la gloire et le bien paternels. Il ne pouvait perdre ses avantages que s'il dérogeait, en usurpant le fructueux privilège des non-nobles, c'est-à-dire en se livrant au négoce.
Comme il en faut rabattre lorsque l'on étudie, ses titres en main, les fastes d'un lignage chevaleresque! Combien d'amères vicissitudes dans son histoire! Combien de déboires, de brisements, d'écroulements souvent irrémédiables, sont le lamentable dénouement de la plupart de ces pages épiques! La décadence par l'appauvrissement, puis la déchéance, telle fut pour maintes races 13 illustres, traditionnellement prodigues de leur bien et de leur sang, la récompense ordinaire de l'héroïsme chevaleresque, du loyalisme royaliste, de la piété patriotique. Le bon sens populaire,—une autre ruine du passé,—avait traduit ces fatales alternatives de grandeur et de fléchissement dans un adage expressif et poignant: «Cent ans bannière, cent ans civière!»
Encore étaient-ce les plus heureux parmi les bannerets, ceux qui, après un temps d'épreuves plus ou moins prolongé, parvenaient à reconquérir la fortune et la noblesse; mais combien ne se relevaient pas! Au cours de cette étude, on verra les cadets de noblesse, les «juveigneurs d'aînés»[4], et souvent les aînés mêmes, abdiquant leur onéreux privilège, se réfugier dans les villes, s'agréger à la bourgeoisie et chercher dans le trafic les moyens de redorer leur vieux blason. Deux, trois générations se consacraient à cet âpre labeur de restauration familiale, que consacraient des lettres royales de relief de dérogeance. Parfois les anciens titres s'adiraient, le souvenir même de l'extraction noble se perdait[5], 14 et c'était par les charges d'échevinage ou par l'exercice des professions libérales que se recouvrait d'abord la noblesse personnelle, puis la noblesse héréditaire.
Homère et Bayard.—L'honneur.—La Croix ou l'Épée.—Soldats de Dieu ou du Roi.—Esprit de sacrifice.—Honneur triomphe de tout.—Défense du sol national.—Bien vivre et bien mourir.—Pierre d'Origny.—Le comte de Saint-Pern.—Chant du départ pour la croisade.—Du Guesclin et Bayard.—La doulce France.—L'envers de la gloire.
Homère, voulant peindre d'un trait un guerrier de grande race, dit de ce preux qu'il était «sans peur et sans reproche»[6]. Trois mille ans après le poëte de l'Iliade, Bayard héritait cette immortelle devise, dont l'origine, on le voit, remonte aux âges héroïques. Ce fut la devise de la chevalerie de France; après Dieu, l'honneur fut son dieu. La Croix ou l'Épée, tel était le dilemme de la vie dans les premiers temps de la féodalité; tout homme était prêtre, moine ou 16 guerrier, c'est-à-dire soldat de Dieu[7] ou du Roi. L'esprit de sacrifice germait en pleine terre, au grand soleil de l'Honneur, et l'on ne croyait jamais avoir assez fait pour son Dieu, pour son Roi, pour son pays. «Honneur triomphe de tout!» disait une vieille devise, purement française celle-là. Tous les rouages de l'organisme féodal tendaient au même but, à la défense du sol national, ad defensionem patriæ[8], traditionnellement[9] considérée comme la loi la plus sainte après celle de Dieu, et la Noblesse, «habituée à se faire tuer», était le rempart vivant de la Patrie. La volonté du sacrifice, l'ambition d'un glorieux trépas l'animaient héréditairement; c'était l'enseignement des pères à leurs fils, des vieillards aux jeunes, des Rois aux peuples. Lisez cette épitaphe d'un chevalier du XVIe siècle, Jehan de Meaux[10]: «Le premier degré à la vertu est de naistre de parens nobles et pleins de mérites, 17 mais le plus asseuré chemyn de la vraye gloire est de bien vivre et de bien mourir[11].» Lisez encore ces lignes si chrétiennes et si patriotiques par lesquelles, en 1578, Pierre d'Origny termine son Hérault de la Noblesse Françoise: «Faisant ainsy..., tu auras faict acquest singulier de Noblesse, non seulement pour toy mais pour ta postérité travaillant en mesme imitation généreuse, afin que d'un si grand et seul bien proposé en ce monde à ce pauvre homme terrien, le fruict en redonde à la gloire de Dieu, service du Roy et repos du pays.» Quand le Roi confère à des Français la noblesse ou quelque titre de dignité, les lettres patentes stipulent que c'est «afin que laissant à la postérité des marques de leurs mérites, leurs successeurs, incités d'une juste émulation, fassent gloire de sacrifier leurs biens et leurs vies pour la deffense et conservation de l'Estat.[12]» Et qu'importait la vie en regard de l'honneur? Sous Louis XV, dans une bataille, le comte de Saint-Pern voit son régiment ébranlé par une volée de boulets: «Eh bien! quoi, mes enfants, dit-il tranquillement, c'est du canon! Cela tue, et voilà tout!» Parole sublime, digne 18 des temps épiques où les croisés, vaincus, traînés en captivité, menacés des plus affreux supplices, oubliaient leur effroyable misère pour jeter vers le Ciel la sainte prière d'Ézéchias: Domine, salvum fac Regem! Et quel dédain superbe de la vie dans ce chant du départ pour la Terre-Sainte: «Celui de nous qui mourra pourra dire à Dieu: Si tu es mort pour moi, ne suis-je pas mort pour toi?» Pas un de ces rudes guerriers qui ne tombât, comme plus tard Du Guesclin et Bayard, en recommandant à Dieu son âme, son prince et sa patrie. Leur fin glorieuse avivait, grandissait l'auréole de leur lignage, et les fils la consignaient avec un légitime orgueil dans les actes[13]. Ceux des croisés qui revirent «la doulce France», couverts d'indulgences, de lauriers et de dettes, durent la plupart aliéner leurs domaines pour payer leur gloire[14].
Appauvrissement et dépopulation de la Noblesse.—Chevaliers pleuvent.—Magnanime mot d'ordre.—Morts au lict d'honneur.—Rallye au Roy!—Etats Généraux de 1483.—La république et la chose publique.—Vive qui vainque!—Les casaniers.—Dégradations de noblesse.—Sully et sa chevalerie d'honneur.—Louis XIV et la croix de Saint-Louis.—Ils se battaient pour nous!
Ce qui, dans l'histoire de la chevalerie de France, est plus frappant encore que son appauvrissement jusqu'à la ruine, c'est son amoindrissement numérique, sa constante dépopulation. Dans les vieux cartulaires, à partir du XIe siècle, les chevaliers abondent, «chevaliers pleuvent», comme disait la devise des sires de Chauvigny; puis, progressivement, ils se raréfient; les guerres saintes ont dévoré les seigneurs et les fiefs; les survivants, à quelques-uns près, ne sont plus assez riches pour tenir le rang de chevalier; trois cents ans de batailles contre les Anglais, puis la fureur des guerres de religion, achèvent 20 l'œuvre d'extermination, de spoliation, de dénobilisation. A Crécy, à Poitiers, à Cocherel, dans les champs d'Azincourt, le sang des chevaliers coula jusqu'à l'épuisement; telle bataille faucha presque toute la Noblesse d'une province[15]; mais les traditions d'honneur et de sacrifice ne mouraient pas; elles se transmettaient de génération en génération comme un magnanime mot d'ordre; Bayard, tué à Rebec, était fils, petit-fils, arrière-petit-fils, neveu, petit-neveu de gentilshommes «morts au lict d'honneur». Tant que l'on pouvait, on servait, on sacrifiait la fortune et la vie avec une généreuse obstination, en disant la devise des Montesson: «Rallye au Roy!» Le Roi! auguste et prestigieuse incarnation de la majesté, de la grandeur et de la pérennité de la Patrie française, dont la Noblesse était, je l'ai dit, le premier et le vivant rempart; vérité que proclamèrent les États généraux du Royaume, assemblés à Tours en 1483: «L'estat de Noblesse est nécessaire à la tuition et garde de la république, car c'est le nerf et la force du Royaulme.» La république, en ce temps-là, c'était la chose publique; ce n'est plus, hélas! la même chose. Aux États 21 généraux de 1589, il fut demandé «qu'on restablist la chevallerye, comme la seule institution capable de réprimer les désordres du Royaulme[16].» C'est que non seulement les rangs de la Noblesse apparaissaient décimés, mais le désordre des choses fomentait l'indécision, le découragement, et plus d'un gentilhomme se tenait à l'écart des luttes, prêt peut-être à crier comme en Italie: «Vive qui vainque!» Un arrêt de la cour des aides, donné à Tours en 1593, déclara roturiers les nobles qui n'allaient pas à la guerre[17], tant le nom de noblesse était synonyme de service militaire, et cette affirmation se retrouve, en 1596, dans les remontrances des trois ordres du bailliage de Loudunois, aux États généraux de Rouen: «Les cazaniers et qui auront demeuré en leurs maisons sans avoir faict service à Sa Majesté seront déclarez roturiers et dégradez de noblesse, paieront une somme de deniers à Sa Majesté pour avoir manqué à leur debvoir et [seront] doresnavant taillables[18].» Deux ans avant la mort d'Henri IV, 22 Sully pensait rendre à l'État sa splendeur et sa force par la création d'une chevalerie d'honneur[19]; patriotique conception que devait réaliser le génie de Louis XIV; et l'on sait quels miracles de vaillantise enfanta le noble appât de la croix de Saint-Louis[20].
Ainsi noblesse était synonyme de «service de guerre»; le gentilhomme se devait en tout temps, à tout âge[21], à la défense du pays, et c'était, on le verra, une charge grandement en disproportion avec ses avantages honorifiques; le culte des traditions et la passion de l'honneur pouvaient seuls la rendre supportable. «Nos nobles! disait avec un tendre orgueil un paysan de l'héroïque Vendée. Ils se battaient pour nous!»—Cela, c'était leur devoir et leur droit, c'était l'honneur!
L'Impôt du sang.—Héroïsme de la vieille France.—Le sang bleu.—Fourmillement de héros.—Le marquis de Gesvres.—Le maréchal de Choiseul.—Onze Fautrières tués dans les guerres de Louis XIV.—Treize frères tués à Azincourt.—La folie de l'honneur.—Le duc de la Feuillade.—Les comtes de Chabot et de Frotté.—Noblesse oblige.—Tout son sang à sa patrie!
D'Hozier a laissé sous ce titre, L'Impôt du sang, ou La Noblesse de France sur les champs de bataille, un manuscrit que Mr Louis Paris a publié, en 1874, non sans avoir longuement essuyé le mauvais vouloir du gouvernement impérial; comme si les Napoléons eussent appréhendé que leur jeune gloire ne fût éclipsée par ce colossal témoignage de l'héroïsme de la vieille France! L'œuvre de d'Hozier a formé six volumes in-octavo, et l'on peut dire que le «sang bleu» y coule par torrents. Pourtant ce recueil est outrageusement incomplet; ce n'est rien que la compilation du Dictionnaire de la Noblesse, 24 de La Chenaye-Desbois, et de l'Histoire des régiments, de M. de Roussel; le compilateur y a pris note des blessés et des morts, et c'est tout. Il faudrait plus de vingt in-folios pour composer la simple nomenclature des gentilshommes dont le sang coula pour la défense de la civilisation chrétienne et de la patrie, depuis les croisades jusqu'à nos temps. Toutefois la compilation en question constitue un éblouissant panégyrique de la valeur, du patriotisme et de l'esprit traditionnel de la Noblesse. Ce fourmillement de héros saisit l'âme d'une orgueilleuse admiration et d'une généreuse envie; ici, c'est le marquis de Gesvres, mourant, au siège de Thionville, de sa trente-neuvième blessure; là, Charles de Choiseul, dont le bâton de maréchal représente vingt-deux blessures, quatre-vingts sièges ou batailles, et ses trois fils, tués à l'ennemi. Onze frères du nom de Fautrières périssent dans les guerres de Louis XIV[22]; quand l'aîné tombe, le suivant, comme au temps des croisades, part et va prendre sa place. Les treize fils aînés de Gervais Auvé et de Guillemette de Vendôme meurent à Azincourt[23]. Et voilà comme 25 quoi les Nobles n'avaient d'autre peine que celle de naître! Ils avaient bien aussi celle de mourir, et de se ruiner, ces hommes atteints de l'incurable folie de l'honneur, comme les croisés aliénant leurs terres pour aller au secours de la Terre-Sainte, comme les ducs de Berry et de Bourbon[24] vendant leurs domaines pour aller au secours du Roi, comme La Feuillade volant au secours de Candie avec trois cents gentilshommes équipés à ses frais. «Mieux on est né, disait le comte de Chabot à son jeune neveu, l'illustre Louis de Frotté, mieux on est né, plus on a d'obligations à remplir dans la société, et plus on doit de sacrifices au Roi et à l'État[25].» Belle paraphrase du dicton populaire: Noblesse oblige! «Mon père, dit le comte de Puisaye[26], avoit pour principe qu'un gentilhomme devoit tout son sang à sa patrie pendant la guerre, mais qu'une vie indépendante et employée à se rendre utile à ses concitoyens et à faire le bonheur de ses vassaux, quand sa fortune lui en donne les moyens, est celle qui lui convient à la paix. Cette opinion était alors partagée par beaucoup de seigneurs 26 assez riches pour se passer de grâces et de faveurs, et trop fiers pour acheter par le sacrifice de leur indépendance une élévation factice, à laquelle ils attachaient peu de prix.» Je pourrais multiplier les citations; aucune ne serait plus éloquente, plus probante que ce mot du comte de Puisaye: «Tout son sang à sa patrie!» Il résume magnifiquement l'histoire et l'esprit de la Noblesse française.
Officiers d'emblée.—Stage militaire.—François de la Noüe Bras-de-fer et les Ecoles militaires.—Gentilshommes simples soldats.—La Vernade, Beauharnais, Praslin, Rohan, Dampierre, La Guiche, Biron.—Marc Courtin.—Le Tiers-État, séminaire de Noblesse.—La révolution et les privilèges.—La terre aux paysans.—Les naufrageurs.—In sudore sanguinis.
Un préjugé très répandu, c'est que tout noble était officier d'emblée; pas plus, cependant, que de nos jours, un Saint-Cyrien. Le stage militaire était aussi rigoureux autrefois qu'à présent. Avant l'institution des Écoles militaires, réclamée dès 1580 par François de la Noüe[27], les jeunes gentilshommes l'accomplissaient aux XIVe et XVe siècles, sous la conduite des chevaliers ou des écuyers; plus tard, dans les compagnies d'archers, puis dans les régiments. Une ordonnance du 30 septembre 1668, rendue par Bouchu, 28 intendant de Bourgogne, appelle à faire les preuves de leur noblesse les gentilshommes alors au service du Roi comme «simples soldats de cavallerye ou d'infanterye»[28]. En 1641, Jean de la Vernade est cavalier au régiment de Sirot[29]; en 1673, Mr de Beauharnois, cavalier au régiment des Fourneaux; Mr de Praslin, cavalier au Régiment Royal; Mrs de Rohan, de Renouard, de Cochefillet, de Dampierre, de la Guiche, cavaliers au régiment Royal-Wallon[30]; en 1693, Mr de Biron, cavalier au régiment de Girardin, et Mr de Praslin, au régiment de Florensac[31]. On trouvera, dans cette histoire généalogique, Marc Courtin, mort brigadier des armées du Roi, servant d'abord comme simple soldat[32]. On verra plus loin ce qu'il faut penser de cet autre préjugé que les nobles seuls pûssent parvenir aux grades. Et quand il en eût été ainsi, les rangs de la Noblesse n'étaient-ils pas ouverts au mérite? Encore une fois, elle ne constituait pas une caste, la caste étant exclusive, «mais une classe de familles illustres dans laquelle chacun pouvait 29 aspirer à se faire admettre, ou à faire admettre ses enfants; d'où l'adage ancien: Le Tiers-Estat est séminaire de Noblesse[33].»
La révolution se glorifie de la suppression des privilèges, c'est-à-dire qu'elle a lésé toutes les classes, car chacune avait les siens: la bourgeoisie, le privilège du commerce; les travailleurs, le privilège de rester à leurs travaux et de ne payer pas l'impôt du sang. La révolution a dit au peuple qu'elle supprimait des barrières, quand elle supprimait les échelons par lesquels les citoyens de la condition même la plus modeste pouvaient, le mérite aidant, monter jusques à la cîme sociale[34]. Elle a, tout au contraire, dressé des barrières à peu près infranchissables pour la masse du peuple, parqué désormais dans son milieu comme dans une galère; elle lui donne à ronger l'os de la prétendue gratuité de l'enseignement primaire; mais l'élévation croissante du niveau des études supérieures creuse entre le peuple et les privilégiés de l'instruction un fossé dont les ouvriers intelligents perçoivent seuls la largeur et la profondeur. La révolution les a même dépouillés des avantages qui découlaient de l'association 30 corporative, et qu'elle n'a compensés par rien.
Au peuple des champs, elle a dit qu'elle lui donnait la terre; niaise duperie qui ne leurre plus que l'ignorance. A toute époque, on le verra, le paysan fut propriétaire, et les familles anoblies sont innombrables dont la fortune eut pour point de départ la culture de leurs terres. Le censitaire, l'emphytéote, le serf même les avoient acquises originellement au prix de redevances ou de services librement stipulés, réciproquement utiles. En confisquant les biens des moines et du clergé, la révolution spoliait surtout les pauvres; en confisquant ceux des Nobles, elle perpétrait un vol aggravé d'ingratitude. Quelques habiles, légers de scrupules, comme les naufrageurs, ont bénéficié des épaves; mais la plus grosse part de ce bien mal acquis devait sombrer dans le gouffre de la banqueroute révolutionnaire.
Aujourd'hui, dépouillée de sa puissance, la Noblesse garde encore un mystérieux prestige, comme ces splendeurs du soleil couchant qui ressemblent à des aurores. Quand le penseur s'arrête à contempler les grandes tombes de l'histoire, couchées aux pieds du Dieu de Clovis et de saint Louis, une grave et fière leçon s'élève de la poussière des hommes: il n'y a point, sur la noble 31 terre de France, de droits de fraîche date, et la génération vivante doit tous les siens au labeur, au courage, aux sacrifices de ses devancières. A l'exemple des Rois, la Noblesse a cimenté l'édifice national «à la sueur de son sang», comme dit une devise qui m'est chère, et quel fut son salaire? La calomnie, l'outrage, la spoliation, l'exil, les supplices. Examinons si elle avait mérité cet excès d'ingratitude et ces indignités.
Royaume en petit.—Stipendiaires.—Le génie du Christianisme et la chevalerie.—Tancrède.—La fraternité vraie.—La charité devient la grande loi féodale.—Coup d'œil sur les concessions des seigneurs aux populations rurales.—Les forêts du Roi.—Opinion de Pecquet.—Influence de la Religion.—Esprit de réciprocité.—La féodalité, plus libérale que la révolution et l'état moderne.—Risum teneatis!
Au début de la féodalité, chaque seigneur a ses barons[35], ses pairs, généralement de son estoc, qui composent sa cour et son conseil; car chaque fief est un royaume en petit, avec ses gens de justice et ses gens de guerre, milites, tant nobles que non nobles[36], aux gages du seigneur[37]; et cet état de stipendiaire, considéré comme dérogeant,
33 jette sur les milites un vernis de défaveur et même comme une sorte de déshonneur[38]. Le génie du Christianisme s'empare de ces hommes farouches, barbares, prompts à toutes les audaces de la force brutale, les assouplit au respect des lois divines, les convertit à la religion du devoir, les transforme en chevaliers de Jésus-Christ, et la qualification de miles, naguère entourée de crainte et de sourd mépris, devient le titre d'honneur le plus éclatant, le plus envié, le plus haut[39], à ce point que Tancrède le plaçait au-dessus même du titre de Roi[40]. Le père consigne avec orgueil dans les chartes que son fils, tout jeune encore, est déjà revêtu de l'ordre de chevalerie[41]. Sous l'influence féconde de l'Eglise, la charité devient la grande loi féodale; l'amour des pauvres, des humbles, des faibles, la fraternité chrétienne, la fraternité vraie, celle-là, inspirent et multiplient les fondations généreuses, les donations aux monastères,
34 ministres nés de l'aumône privée et de l'assistance discrète, les hospices et les maladeries pour les vassaux et les pauvres voyageurs, les concessions de droits d'usage dans les bois seigneuriaux, si précieuses pour les populations rurales; et, sur ce dernier point, j'invoquerai le témoignage d'un ancien chef de l'administration forestière, homme éminent que la mort a brusquement enlevé à ses consciencieux et remarquables travaux; la citation sera longue, mais probative.
«Si on considère qu'une portion souvent importante, quand ce n'était pas la totalité des produits forestiers, était absorbée par ces usages, il serait injuste de méconnaître que la concession de la plupart de ces droits a été, de la part des seigneurs, un sacrifice tout aussi grand que la constitution des forêts communales cédées en toute propriété. Il serait injuste, soit de déprécier outre mesure la valeur des donations faites par les seigneurs, soit de rabaisser la libéralité de ces hauts et puissants personnages qui, héritiers des conquérants et par conséquent possesseurs par le droit de conquête, auraient pu très probablement se refuser envers des communautés d'habitants sans puissance, à des concessions que leurs successeurs ont été jusqu'à détruire. Par exemple, dans une forêt de 5,000 hectares, ancienne propriété des comtes d'Alençon, les droits réglementés au profit de deux abbayes, d'un prieuré, d'une réunion de prêtres 35 séculiers, de six particuliers, de vingt paroisses environnant la forêt, consistaient en 150 cordes de bois de feu équivalentes à six cents stères actuels, en bois à bâtir pour une des abbayes et pour la réunion des prêtres séculiers, en droits au mort-bois et au bois mort, au bois cassé, brisé et tombé, en droits de pâturage et de panage pour au moins 1,900 brebis, 1,000 chevaux, 3,000 porcs, 1,000 bêtes à cornes, en totalité plus de 6,900 têtes d'animaux. Or, si, indépendamment de ce qui précède, on remarque avec le célèbre commentateur Pecquet, grand maître des eaux et forêts de Normandie en 1753, qu'avant l'ordonnance de 1669, «presque toutes les forêts du Roi étaient inondées de droits de pâturage gratuits, qu'il n'y avait personne, un peu voisin des forêts, qui n'y fût usager, qu'en parlant du droit de pâturage il dit aussi: C'est une grâce des Rois, une aisance qu'ils ont bien voulu accorder à leurs sujets,» on comprend quelle était autrefois l'importance des forêts pour l'approvisionnement des populations d'alentour et pour la nourriture de leurs animaux domestiques...
«... Ceux-là, mêmes qui avaient pu abuser de la puissance que l'institution féodale avait mise entre leurs mains, ont pu aussi céder à l'influence de la civilisation religieuse, obéir aux sentiments généreux que l'ardente foi de cette époque et la charité leur inspiraient envers les peuples dont ils étaient les maîtres plus cléments que leurs prédécesseurs. Si même on considère que les importantes concessions dont je parle ont coïncidé avec les croisades, avec l'honneur chevaleresque, avec l'apparition de grandes individualités laïques et religieuses, avec de nombreuses fondations de charité et avec l'élévation 36 des grandes basiliques chrétiennes; si on considère enfin que c'est au moyen âge que la religion chrétienne et la charité ont eu le plus grand développement et ont exercé le plus d'influence, il ne faut pas s'étonner qu'un même esprit, qu'un même courant d'idées ait inspiré ces mouvements généreux d'une époque qui, malgré ce qu'avait d'oppressif une autorité si morcelée et sans contrôle, se distinguait, au moins, par l'indépendance et les autres vertus viriles de ces fiers seigneurs.
«Dans l'appréciation d'une époque, il importe de tenir compte de toutes les circonstances, et il ne faut pas perdre de vue que beaucoup d'historiens n'ont toujours parlé que des méfaits du régime féodal sans jamais vouloir chercher ce qu'il avait pu faire de bien; qu'ils ont fait ressortir tous les abus de l'autorité féodale, mais qu'ils ont passé sous silence l'esprit de communauté ou de réciprocité de certains intérêts qui, aux moments les moins mauvais de l'époque féodale, s'était établi entre beaucoup de seigneurs et les peuples de leurs fiefs, ainsi que le démontrent les concessions forestières faites à tant de réunions d'habitants. Je dois ajouter que ce n'est pas seulement des seigneurs féodaux, mais aussi de nombreuses abbayes ou autres communautés religieuses propriétaires de forêts, que les réunions d'habitants, constituées plus tard en communes proprement dites, ont obtenu au moyen âge de si nombreuses concessions, car il était naturel que les peuples trouvassent ces sortes d'avantages autant auprès de ceux qui prêchaient la charité qu'auprès des seigneurs auxquels elle était prêchée; et on sait d'ailleurs qu'indépendamment de ces jouissances forestières, les anciens monastères employaient leurs 37 revenus à secourir l'infortune et la misère. Il est même permis de se demander quel avantage ont trouvé les malheureux à la destruction de ces établissements de charité.
«... Quiconque étudiera les titres de concessions forestières au moyen âge, pour en découvrir les véritables mobiles, y reconnaîtra sans peine que les donateurs n'ont le plus souvent obéi qu'à des sentiments de religion et de charité, et n'y trouvera pas la moindre trace d'une soumission forcée aux exigences des populations. Je sais que plusieurs attribuent à d'autres causes les concessions forestières. Ces concessions de l'époque féodale ayant été souvent accordées à de simples bourgades, ne jouissant encore d'aucune institution communale, elles sont considérées par certains comme la conséquence naturelle de l'obligation personnelle du contrat qui, lorsque le régime féodal régnait dans toute la plénitude de son principe, liait le seigneur à ses vassaux, ou comme une juste rémunération par le suzerain des prestations et des redevances des vassaux. Quoique dans ce système on ne tienne pas compte des causes morales, religieuses et civilisatrices dont j'ai parlé, il n'est pas moins vrai qu'un système par suite duquel les seigneurs accordaient au peuple de pareilles concessions, en échange même de prestations, de redevances ou d'impôts, était plus libéral envers les peuples qu'on n'a bien voulu le dire, plus libéral surtout, au point de vue forestier, que certains régimes modernes sous lesquels, en rémunération même des impôts plus ou moins équivalents aux prestations du régime féodal, les lois actuelles n'accordent pas aux peuples la moindre jouissance forestière. L'antique libéralité envers ces peuples a progressivement 38 diminué avec l'esprit chrétien et avec la charité qui en était la conséquence nécessaire.
«Enfin, d'autres disent que les seigneurs des dixième, onzième et douzième siècles ont été obligés de céder aux réclamations des habitants des campagnes en leur accordant les concessions forestières. Mais, si c'est à cette cause qu'on doit attribuer ces concessions, il faut avouer qu'au moyen âge les communautés d'habitants luttaient avec avantage contre la puissance des seigneurs féodaux, puisque d'une part les cités, les agglomérations urbaines conquéraient des institutions municipales dont certaines étaient presque républicaines; que, d'une autre part, les bourgades les plus modestes obtenaient, toutes dépourvues qu'elles étaient de moyens de pression violente sur les seigneurs, la consécration des jouissances forestières qu'elles considéraient presque comme des droits, quoique les seigneurs fûssent propriétaires des forêts par un ancien droit de conquête. On ne peut disconvenir que les seigneurs n'avaient plus envers le peuple, à l'époque des concessions, toute la puissance oppressive qu'on leur a attribuée. Ces concessions démontrent même que les désirs ou les réclamations des communes étaient d'un tout autre poids sur l'esprit des chefs de chaque famille féodale, que le seraient les réclamations de ces mêmes communes sur l'Etat abstrait et centralisé d'aujourd'hui.
«... Mais, quelle qu'en ait été au juste la cause, les concessions forestières démontrent d'une manière évidente que, malgré les vices du régime féodal, malgré ce que d'extrêmes inégalités entre les classes composant la nation française et ce que les privilèges dont jouissait la Noblesse ont d'antipathique à l'esprit social et aux 39 idées démocratiques d'aujourd'hui, les peuples avaient plus d'indépendance, plus de moyens de faire respecter leurs droits qu'on n'a cherché à le faire croire. Il est certain aussi qu'aux époques postérieures de notre histoire, de pareils avantages ne furent plut accordés. L'Etat, propriétaire actuel de ces forêts, jouit de leurs revenus à l'exclusion de toute espèce de tolérance. La loi forestière, non seulement supprime jusqu'à l'usage du bois mort, non seulement s'oppose à toute espèce de concession de droits d'usage, à l'avenir, dans les forêts de l'Etat, mais elle ne tend à rien moins qu'à l'abolition complète des droits de pâturage et des droits de chauffage qui ont été maintenus par l'ordonnance de 1669, ainsi que des bois de construction. Aux anciennes libéralités des seigneurs a succédé un régime de moins en moins libéral.
«Les anciens droits d'usage forestiers, les nombreuses tolérances rurales, telles que la vaine pâture dont témoignent les vieilles coutumes, démontrent que, si ce n'est la chasse dont les nobles s'étaient réservé le privilège, la propriété royale, comme celle des seigneurs et celle des particuliers, était autrement accessible à ceux qui ne possédaient rien, que l'est en ce moment la propriété sous la garde de nos lois[42].»
Et voilà comment la révolution a donné la terre aux paysans: en les dépossédant de jouissances et de droits libéralement concédés par les seigneurs! Risum teneatis!
Chrétiennes libéralités.—Grands repentirs.—Sobriquets vengeurs.—Surnoms élogieux.—Sous la bure des cloîtres.—Inhumés en habit religieux.—Chevalier moine.—Hugues Courtin.—Paupérisme.—Ubi Ecclesia, ibi miles.—Les Cartulaires monastiques.—Ce que le peuple doit aux Moines.—Ecoles vraiment gratuites.—Marmoutier et Cluny.
Le sentiment de la foi chrétienne dictait ces nobles libéralités, toujours faites pour le repos de l'âme du donateur, de ses parents, de ses amis[43]. C'est ainsi qu'en 1230 Dreux de Mello, seigneur de Loches et de Mayenne, affranchit à perpétuité de toute espèce d'impôts ses vassaux de Saint-Mars-sur-la-Futaie[44], et qu'en 1264 le seigneur de Bagneux exempta les siens de presque toutes 41 charges[45]. Ce n'est pas à dire que tous les Nobles fûssent aussi larges, ni qu'ils fûssent tous parfaits; pour être seigneurs, ils n'en étaient pas moins hommes, avec toutes les faiblesses de l'humanité; mais, ce qu'oublient de relater les détracteurs systématiques du passé, les plus endurcis et les plus puissants, avant de paraître devant Celui qui juge les justices, avaient à cœur de réparer les torts ou le mal qu'ils avaient faits[46]. C'était sous l'influence vénérée de la Religion que germaient dans les âmes ces grands et admirables repentirs qui ne sont pas le moindre honneur des temps féodaux; et parfois, pour marquer sa contrition du sceau de l'humilité, le seigneur prenait non ses pairs, mais ses serfs à témoins de ses restitutions[47]. Pour un seigneur dur à ses vassaux et flétri d'un sobriquet vengeur, comme Guillaume Talvas[48], combien, comme les Lusignan, furent 42 surnommés «le bon» par la reconnaissance de leurs sujets! «Les peuples, dit un ancien héraldiste, préfèrent un seigneur noble à un non-noble. Bienheureuse est la terre, dit l'Ecclésiaste, dont le Roi est noble[49]!»
Maints chevaliers, après avoir valeureusement servi leur Prince, allaient terminer leurs jours sous la bure des monastères, pour ne plus servir que leur Dieu[50]. C'était l'heure des expiations magnanimes. Des rois et des empereurs voulurent cette fin pieuse[51], et les cartulaires monastiques sont pleins de ces généreux renoncements. Les preux qui n'avaient pu accomplir dans le cloître cette suprême retraite préparatoire, voulaient au moins mourir sous l'habit religieux, «suivant un usage très suivi au moyen âge par la piété des latins comme des grecs[52].» Baudouin II, roi de Jérusalem, mourut sous l'habit des chanoines du Saint-Sépulcre[53]; l'empereur Jean 43 de Brienne, sous celui des fils de saint François[54]. Dans les nécrologes du XIIIe siècle, des personnages sont qualifiés «chevaliers et moines.»[55] Dante voulut être inhumé en habit religieux[56].
Les nobles dames pratiquaient également cette dévotion; telles, Marguerite Escaface, en 1331, et Marguerite Mesnagier, en 1340[57]. Au même temps, Pierre de Bailleul et Mathilde d'Estouteville, sa femme, «furent inhumez estans revestus de l'habit de sainct Françoys; c'estoit une dévotion assez ordinaire en ce temps-là, de se faire inhumer avec l'habit de sainct Françoys, comme fist Marguerite d'Yvetot, dame de Goderville, qui gist sous une tombe auprès de la sacristie[58].» Comme fit aussi Hugues, dit Huet Courtin, seigneur de Soulgé, en 1330[59].
Le clergé par l'aumône, la féodalité par son fractionnement, prévinrent cette plaie sociale qui, grâce au désordre révolutionnaire, devient gangreneuse sous le nom barbare de paupérisme. 44 L'Eglise, en façonnant à son esprit les maîtres des peuples, travaillait autant pour le bien des âmes que pour le bien-être des hommes. Ubi Ecclesia, ibi miles, disait un adage des temps chevaleresques. L'Eglise, en effet, était le chevalier des petits en face des grands, et les moines rivalisaient de dévouement avec le clergé séculier sur le terrain de la bienfaisance et du bien public. Il semble aux esprits superficiels que la Noblesse doive seule l'hommage de la gratitude à ces Religieux dont les cartulaires nous retracent clairement ses mœurs, ses chevaleresques ardeurs, ses vaillantises, ses actes de foi, ses œuvres de charité, ses grandes fautes chrétiennement rachetées par de grands repentirs, et constituent de précieux témoins généalogiques, en même temps que de lumineux jalons pour l'histoire de la civilisation française. C'est le peuple surtout qui doit aux moines un hommage filial de gratitude. Combien de «lieux incultes, sans chemins, repaires de bêtes fauves»[60], défrichés de leurs mains, fécondés de leurs sueurs, devenant des sources de richesse agricole! Et quels généreux emplois de leurs biens[61]! Les malades, les pauvres, 45 les infirmes, les déshérités n'étaient pas leurs seuls favoris; à côté du cloître, il y avait toujours une école, vraiment gratuite, celle-là, riche des dons des générations et ne coûtant rien aux contribuables. Les moines de Marmoutier donnaient l'instruction partout où ils avaient des possessions[62]; tous les ordres religieux, et nombre de seigneurs à leur exemple, faisaient de même, «et le plus grand prince n'était pas élevé avec plus de soins dans le palais des Rois que ne l'était à Cluny le plus petit des enfants[63].»
L'Eglise et la Nation.—Devise de Césène.—Sous la houlette.—Liberté céleste et liberté terrestre.—Serfs volontaires.—Niaiserie républicaine.—Les roturiers et le droit de propriété.—Pillages et gaspillages révolutionnaires.—Les abbayes et l'aumône journalière.—Spoliations ingrates.—Patriotisme du clergé de France.
Fidèle dans tous les temps à sa grande mission nationale et sociale, l'Eglise apparaissait aux peuples comme une auguste bienfaitrice, comme une mère; volontiers ils eussent pris, comme Césène, pour devise: Ecclesiastica libertas[64]! Ils disaient proverbialement qu'«il fait bon vivre sous la houlette», et quand l'autorité royale, punissant un mauvais seigneur, les dégageait de l'obéissance féodale, ces hommes libres couraient se placer avec leurs terres dans la vassalité du monastère voisin, comme sous une égide plus sûre et plus digne que la liberté même[65].
47 On ne feuillette pas un cartulaire sans rencontrer en abondance les marques de l'amour de l'Eglise pour les humbles, et de la reconnaissance de ceux-ci[66]. Il y a dans le cartulaire de Marmoutier une admirable charte dans laquelle les moines promettent «la liberté céleste» à ceux qui donneront à leurs serfs «la liberté terrestre»[67]; et, dans cette voie généreuse, l'Eglise prêchait aussi d'exemple[68]; mais, à la suite d'une charte d'affranchissement, il n'est pas rare d'en trouver une par laquelle un homme libre se déclare serf de telle abbaye et lui fait don de sa personne et de ses biens[69]. Les indigents étaient les véritables bénéficiaires de ces pieuses libéralités, dont les plus hauts seigneurs ne s'exemptèrent pas; en 1118, à Lamballe, en présence des barons et des bourgeois, le vicomte Geoffroy se fit serf de Marmoutier[70]. Toutes les classes manifestaient à l'envi leur filiale dévotion, et les chartes qui la constatent servent à montrer ce qu'il faut penser de cette niaiserie républicaine: que le droit de propriété, pour les roturiers, date 48 de la révolution. En 1364, c'est Macé Jardin, mercier de Beaulieu, qui donne ses héritages à l'abbaye de Baugerais[71]; vers 1170, un paysan, Robert, qui donne à Saint-Georges de Hesdin deux champs qu'il avait hérités de son père[72]; en 1140, un cuisinier propriétaire de vignes, dont une jure paterno[73]; vers 1115, un homme du peuple, Gosbert, qui donne un champ à N.-D. de Josaphat[74]; vers 1100, un sellier de Chartres, qui donne sa maison aux moines de Saint-Père[75]; au XIe siècle, un paysan qui donne sa vigne à Saint-Etienne de Dijon[76]; vers 1040, «un pauvre homme» qui donne son moulin à Saint-Vincent-du-Mans[77]. Nous voilà loin de la révolution! Quand elle dépouilla les moines pour gaspiller misérablement leurs biens, les départements durent s'imposer pour fournir à l'aumône journalière 49 fondée par les abbayes[78]. Quand elle dépouilla les églises, il n'y avait pas six ans que l'assemblée générale du Clergé de France, fidèle à ses séculaires traditions, avait voté la somme d'un million «pour être employée au soulagement des matelots blessés et des veuves et orphelins de ceux qui ont péri pendant la guerre.» De quel côté, je le demande, étaient la raison patriotique, l'amour de la France et du peuple?
Le servage, l'Église et la féodalité.—Louis X et les serfs. Feudophobes.—Sujétions infamantes.—Le fief, base de l'État.—Affranchissements.—Serfs maires, comtes et hauts justiciers.—Serf ayant des esclaves.—Riches laboureurs.—Vieilles familles patriarcales.—Le Sire de Coucy, otage pour un paysan.—Taillables à merci.
Les détracteurs du régime féodal inclinent à lui imputer la paternité du servage, triste rejeton de la barbarie payenne, quand, au contraire, c'est à partir de l'organisation de la féodalité que, sous l'impulsion de la civilisation chrétienne, le servage tend à disparaître. Assurément c'était un état contraire à la dignité de l'homme, mais était-il vraiment ce que nous le voyons, à travers les buées du sophisme, avec les yeux de notre temps? On a peine à le croire, lorsqu'on voit les serfs refuser la liberté que Louis X leur voulait octroyer[79]. On s'apitoie exclusivement, dans les 51 sphères où sévit la feudophobie, sur ces infortunés ruraux rivés à la glèbe, ne possédant rien en propre, ne pouvant se marier sans l'aveu du seigneur, transmis à titre d'héritage «comme un vil bétail»; encore passè-je sous silence les sujétions infamantes, inventées par les feudophobes et dont, après Louis Veuillot, le savant comte Amédée de Foras, l'un des Présidents d'honneur du Conseil Héraldique de France, vient de faire magistralement justice[80]. Il n'est plus permis d'ignorer que l'organisation féodale comportait, à tous les degrés de l'échelle sociale, des servitudes convergeant toutes à la défense de la patrie. Le fief était la base de l'Etat: comment le seigneur eut-il acquitté les services qu'il devait au Roi, si ses vassaux avaient eu le droit de déserter son fief sans indemnité, sans compensation? Les plus nobles ne pouvaient se marier sans l'agrément de leur suzerain, et c'était encore la raison d'Etat, une raison d'ordre qui dictait cette précaution, toujours en vigueur dans les familles régnantes: il fallait que la sûreté du petit état féodal ne pût pas être compromise par quelque alliance intempestive ou dangereuse. En 999, nous voyons des hommes libres, des 52 «Francs» transmis, comme des serfs, avec leurs héritages[81]: pour ceux-ci comme pour ceux-là, la transmission doit s'entendre seulement des services dûs par leurs héritages. Quant à la question de propriété, je l'ai déjà touchée; c'est une simple absurdité que de prétendre que le serf ne pouvait posséder en propre. Les chartes abondent par lesquelles des serfs achètent leur affranchissement; avec quoi, s'ils n'eussent rien possédé? En voici un qui, en 1097, est propriétaire et maire[82]; un autre qui a lui-même un esclave et lui octroie la liberté[83]; il y en eut qui devinrent comtes, c'est-à-dire gouverneurs militaires et civils, délégués de la puissance souveraine[84]. J'en vois un qui, vers 1099, ayant cessé d'être de condition servile, possède un fief dont il a la haute justice[85]. En 1273, Guillaume Poulain, tourneur, inféode une partie de son bien à un autre tourneur, moyennant un cens annuel et perpétuel, et revêt de son sceau la charte d'inféodation[86]. Il avait également son 53 sceau, ce paysan normand qui, en 1256, contracte avec l'abbaye de Savigny[87]. L'inventaire de ce que possédait, en 1382, un «pauvre laboureur», relate «troys chevaulx, une vache, deux veaulx de let, une charrue et ses rouelles, deux colliers,» etc[88]. Mais ce «pauvre» serait presque riche aujourd'hui! Plus près de nous, en 1601, «Claude Saulnier, laboureur de la parroisse de Roanne», vend à Antoine Courtin «ses terres et domaines[89]», qui constitueraient de nos jours une fortune considérable. Le 24 mars 1626, «en la présence de leurs preudhommes», les enfants de «Jean Farges, laboureur de la parroisse de Riorges», partagent la succession paternelle, et il faut vingt-quatre pages in-quarto pour détailler les prés, terres, bois, etc., qui la composent[90]. Si l'on creuse jusqu'au fond de l'ancienne société française, on rencontre un peu partout de vieilles familles patriarcales de cultivateurs, se transmettant de génération en génération, à travers les siècles, des propriétés 54 de concession féodale et, comme la part la plus belle de leur héritage, l'esprit de foi, de devoir, de probité, de respect de soi-même et d'autrui[91]. Tout cela dément radicalement le mensonge révolutionnaire. Et que penser de l'oppression féodale, lorsque nous voyons de hauts et puissants seigneurs comme le sire de Coucy se faire plèges et otages pour un paysan[92]? D'ailleurs, ce qui démontre irréfutablement que la classe non noble ne fut pas, comme aujourd'hui le contribuable, taillable à merci, dans le sens sophistiqué qu'entendent les feudophobes, autrement dit ruinable à merci, et qu'elle avait de sûrs et durables profits, c'est qu'à toutes les époques de notre histoire on voit des marchands, des artisans, des laboureurs acquérir des biens fonciers, tandis que s'émiettent les domaines de la classe noble, incessamment appauvrie, fatalement poussée à la ruine par les dispendieuses obligations de son état.
Nos Rois.—Odon de Deuil et! Louis VII.—Né pour le salut de tous.—Le servage.—Louis IX et le Comte de Poitiers.—Belle définition de la puissance féodale.—Machiavel et Mézeray.—Hâbleries et viande creuse.—Guitares révolutionnaires.—Le grand œuvre de la Royauté.—Villes anoblies.—Une nation de gentilshommes.—Les pauvres assimilés aux Nobles.—Dieu, qui est droiturier!
On peut appliquer à presque tous nos Rois l'expression dont se sert, pour peindre son héros, le vieil auteur du poëme d'Alexandre le grand: «Il fut roi!» Le chroniqueur Odon de Deuil dit de Louis VII: «Il savait qu'un roi n'est pas né pour lui seul, mais pour le salut de tous[93].» L'esprit chrétien, dont la Monarchie française était imprégnée jusqu'aux moëlles, devait suffire pour amener l'adoucissement, puis l'abolition du servage. Premier vassal de Jésus-Christ, le roi de France, «né pour le salut de tous», couvrait
56 d'une sollicitude paternelle les faibles et les humbles. Avant que Louis X eût la pensée d'appeler les serfs à l'honneur de la liberté, Louis IX avait dit: «Les serfs appartiennent à Jésus-Christ comme Nous, et dans un royaume chrétien nous ne devons pas oublier qu'ils sont nos frères.» Et le frère du saint roi, le comte de Poitiers, ardent à détruire la servitude: «Les hommes naissent libres, et toujours il est sage de faire retourner les choses à leur origine[94].» Quelle simple et claire définition de la puissance féodale dans cette parole du comte de Foix, en 1386: «Mon peuple, j'ai juré à le garder et tenir endroit et justice, ainsy que tous seigneurs terriens doibvent tenir leur peuple, car pour ce ont-ils et tiennent les seigneuryes[95].» Ainsi pensaient nos Rois, et l'on en vit se lier volontairement les mains «pour, disaient-ils, ne plus pouvoir faire que le bien[96].»
«Parmi les royaumes bien ordonnés et bien gouvernés, dit Machiavel, est celui de France, car les rois y sont soumis à une infinité de lois qui assurent la liberté du peuple[97].» Quoi! la 57 liberté serait plus ancienne en France que la fameuse révolution? Pour ceux qui ne se paient pas de hâbleries et de viande creuse, c'est la servitude qui y est nouvelle. Le parlement de Toulouse, au XVe siècle, déclara que tout homme qui entrait dans le royaume en criant France! devenait libre; et, rapportant cet arrêt, l'historien Mézeray ajoute: «Tel est le royaulme de France que son air communicque la liberté à ceulx qui le respirent, et nos Roys sont si augustes qu'ils ne règnent que sur des hommes libres[98].»
Nous voyons ce que la révolution a fait des concessions forestières, des droits corporatifs, des franchises municipales et de la liberté de conscience; sa fraternité n'est qu'une curée; les fameux abus dont elle a mené si grand bruit sont remplacés par la tyrannie des basses influences; et quant à son égalité, autre «guitare», elle se résout en l'inégalité devant le juge et la mise hors la loi de la moitié de la nation. Qu'on nous ramène aux carrières de la Monarchie, aux grands siècles où tel de ses apologistes, réfutant un de ses détracteurs d'outre-Rhin, pouvait répondre avec un patriotique orgueil: «La constitution du royaume de France 58 est si excellente qu'elle n'a jamais exclu et n'exclura jamais les citoyens, nés dans le plus bas étage, des dignités les plus relevées[99].» C'était le grand œuvre de la Royauté que le discernement des mérites et la juste récompense des services rendus à la Patrie; il faudrait une longue vie de labeur pour nombrer les familles sorties de la foule par la porte de l'honneur, et portées au pinacle par la Royauté justicière. Des villes même furent mises par elle à l'ordre du jour de la Nation, au rang de Noblesse, avec exemption perpétuelle d'impôts, comme Abbeville par Charles V[100], Dianières en Forez par Charles VII, Saint-Jean-de-Losne par Louis XIII; splendide rémunération de la loyauté, du courage, du dévouement au pays; glorieux et fructueux privilèges dont la révolution a fait table rase et du maintien desquelles ne se plaindraient sans doute pas, surtout en république, les populations intéressées. La Royauté voulait faire de la France une nation de gentilshommes, égaliser sur les sommets, au contraire de la révolution qui veut créer une aristocratie à rebours, égaliser dans les bas-fonds.
disait un bon vieux adage, où les plus humbles, les plus déshérités pouvaient prendre leurs lettres de noblesse. Les pauvres, au temps passé, n'étaient point, comme dans notre ghetto social, des parias, des quantités négligeables; la coutume, les assimilant aux Nobles, les exemptait d'impôts[101], et même on voit qu'en vertu d'une chevaleresque donation «les pauvres de Perpignan» étaient «seigneurs de Cornella de Bercol[102]». De quoi sont-ils seigneurs aujourd'hui?... C'est qu'au-dessus de tout et de tous, dans la vieille France très chrétienne, il y avait ce dont les puissants du jour ne veulent plus: «Dieu, qui est droiturier!» comme dit bellement Froissart.
L'ignorance des Nobles.—La Croix.—Les écoles et les pédagogues des temps féodaux.—Charlemagne.—Précepteurs gentilshommes.—Les amoureux du gai savoir.—Chevaliers clercs.—Les Sainte-Maure.—Guillaume de Montmorency, proviseur de la Sorbonne.—Gentilshommes estudiants.—Boniface de Castellane.—Au Collège de Navarre.—Bertrand du Guesclin.—La Noblesse et les lettres.—La Renaissance.—La Noblesse et les Arts.—Voltaire et le Pogge.—Mentez, mes amis!
Un autre préjugé contre la Noblesse féodale, c'est son dédain des lettres, son manque absolu d'instruction. Je ne connais pas une époque où ce préjugé revête l'apparence d'une vérité. Le gros argument, c'est que les Nobles signaient leurs chartes d'une croix, comme l'illettré de notre temps; l'argument prouve non leur ignorance, mais celle de l'argumentateur. Aux siècles de foi vive, on signait d'une croix, en regard de son nom écrit par le scribe, parce que la Croix, étant le signe le plus révéré, était la plus haute affirmation 61 de la loyauté du contractant, du témoin, du signataire. En 1224, Renaud, archevêque de Lyon, Zacharie, abbé de la Bénisson-Dieu, Guillaume, abbé de Savigny, Jean, abbé d'Ainay, et plusieurs autres, signent d'une croix une charte de l'Ile-Barbe[103]: qui pourrait en inférer que ces dignitaires ecclesiastiques ne sûssent pas écrire? Voici une charte d'Agobert, évêque de Chartres, que souscrivent dix-neuf chevaliers ou nobles: un seul est indiqué comme illettré[104].
Quand donc les Nobles furent-ils ignorants de parti pris? Est-ce au temps du bon roi Dagobert, où les légendes nous montrent les pâtres et les fils de comtes étudiant ensemble dans les écoles monastiques[105]? Est-ce au temps où Charlemagne, ouvrant des écoles jusque dans ses palais, menaçait les jeunes nobles paresseux de les dégrader de leur rang pour le donner à leurs condisciples non-nobles et studieux? Est-ce aux XIe et XIIe siècles, lorsque les écoles, 62 dans Paris, étaient nombreuses et florissantes[106], lorsque les jeunes nobles recevaient l'instruction dans les écoles des monastères[107], lorsque les jeunes comtes, les jeunes seigneurs apparaissent si fréquemment dans les actes publics avec leur nutricius, leur pédagogue, leur maître de grammaire ou de philosophie, leur précepteur, leur éducateur? Vers 1043, Herbert IV, comte de Vermandois, a pour témoin d'un de ses actes «Wautier, son pédagogue.»[108] En 1066, Ilger est le pédagogue de Robert, fils de Guillaume le conquérant[109]. Raoul le philosophe souscrit une charte d'Alain, comte de Coutances[110]. En 1095, Noël est le précepteur du fils de Guillaume, seigneur de Roulant[111]. En 1104, Guillaume, fils du comte d'Aquitaine, figure dans un titre «avec son pédagogue[112]». En 1107, Savary est dit 63 «ancien précepteur de Geoffroy, comte» de Vendôme[113], et Payen est précepteur d'Amaury Crespin, sire de Champtoceaux[114]. Voici encore Ingomar, grammairien d'Alain de Vitré[115]; en 1119, Ain, précepteur de Foulques, comte d'Anjou, qui fait, à sa prière, une donation[116]; vers 1130, Renaud, grammairien de Geoffroy, fils du dit comte[117]; en 1190, Laurent, précepteur de Jehan de Saint-Médard[118]; vers 1200, Eudes, pédagogue de Jehan, comte d'Eu.[119] Et de quelle considération jouissaient les professeurs! Au commencement du XIIe siècle, Bernard le grammairien souscrit une charte de Guy de Verdun immédiatement avant Hugues, sire de Milly, et Bertrand, sire de Châtenay[120]. Précepteurs, maîtres de philosophie ou de grammaire, étaient parfois 64 eux-mêmes gentilshommes, et non des moins hauts: en 1069, Bérenger le grammairien, Gausbert son frère, et Agnès sa mère, concèdent une donation faite par Hardouin, sire de Maillé[121]; concession qui implique la parenté. Vraiment, l'érudit croit rêver, lorsqu'il entend affirmer que les Nobles affectaient de ne savoir pas écrire; si, du moins, on se contentait de dire qu'ils savaient moins bien manier la plume que l'épée, nous serions près d'être d'accord; mais les preuves documentaires réduisent à néant cette absurde affirmation. Voici le seing manuel d'Hugues, sire de la Ferté, en 1015[122]; celui de Gilbert, seigneur de Chaunai, vers 1050[123]; les signatures de vingt chevaliers angevins, en 1215[124]. Je m'imagine qu'un moine leur tenait la main, comme aussi sans nul doute, en 1186, à Simon de Bresson, chevalier, qui, faisant une donation au monastère de Lugny, en rédigea de sa main la charte[125]. C'étaient les 65 moines qui dictaient leurs poésies à Guillaume III, comte de Poitiers, à Etienne, comte de Blois, à Thibaut, comte de Champagne, aux troubadours, aux Blacas, aux la Barre[126], aux Coucy, à tous les nobles amoureux du gai savoir. Mais, si les gentilshommes se faisaient gloire d'être ignorants, comment expliquer cette charte antérieure à 1050, dans laquelle un d'eux se qualifie en même temps «chevalier et clerc»[127]? Dans une charte par laquelle, en 1057, il affranchit un serf «pour le repos de l'âme de Guillaume de Sainte-Maure, son frère», Gausbert de Sainte-Maure se qualifie «clerc»[128]; et les Sainte-Maure sont un des plus antiques lignages de la chevalerie de France. Vers 1200, Foulques, sire de Tussé, est maître des écoles du diocèse du Mans[129]. En 1220, Baudouin de Gombert se qualifie «chevalier et jurisconsulte»[130]. En 1224, 66 Pierre de Villedavray, frère d'Eudes et de Roger, chevaliers, est «étudiant à Boulogne».[131] Geoffroy d'Escharbot, chevalier, dit dans son testament, en 1283: «Item, je donne et lègue à Jean et Philippe, fils à la Bouteillière, mes cousins, XXV livres pour acheter des livres afin qu'ils puissent étudier en iceux et s'instruire dans les écoles[132].»
Au même temps, le proviseur de la Sorbonne s'appelle Guillaume de Montmorency[133]. En 1368, «Messire Girerd d'Estres, chevalier, seigneur de Banneins», se qualifie «docteur en loix»[134]. En 1382, Guillaume Musnet se dit «compeignon de Jehan et Guy, nepveuz monseigneur le conte de Bloys, estudians à Engiers[135]». Je trouve, en 1391, «Euvrart de Hautelaine, maistre d'eschole d'Anthoyne monsieur, filz du duc de Bourgoingne[136]». Guillaume de Clugny, seigneur de Conforgien, d'extraction chevaleresque, 67 est qualifié dans son épitaphe, en 1386, «noble seigneur et saige, licentié en loix et en décret[137]». Boniface de Castellane, baron d'Allemagne, testant en 1393, laisse «à sa fille des livres de droict, comme un trésor, pour par elle espouser un homme de robe longue, docteur jurisconsulte[138]». Noble homme messire Raymond de Bernard, chevalier, se qualifie en 1394 «docteur en lois[139]». En 1399, «noble et scientificque Raoul de Refuge», d'extraction chevaleresque, est «docteur régent en l'Université d'Angers[140]». En 1469, «noble homme Jehan de Chandemanche, escuyer», fils de René, chevalier, et de noble dame Aliette Courtin, est «escholier estudiant» en la même université[141]. En 1540, «noble personne Jehan de Clèves, fils de deffunt messire Hermand de Clèves, chevalier», est «escolier estudiant en l'université de Paris[142]». Lisez cet «Estat des escoliers du Roy estudians au collège Royal de Champagne dict de Navarre», en 1581[143]; ils sont là trente jeunes 68 gentilshommes, s'instruisant à l'exemple de leurs pères. Quand donc les Nobles ont-ils méprisé l'instruction? On raconte, il est vrai, que Bertrand du Guesclin ne savait pas écrire; mais ce fait est précisément noté comme une singularité, et d'ailleurs il se retourne contre les apôtres de l'instruction à outrance, puisqu'il démontre qu'il n'est pas indispensable de savoir écrire pour devenir un grand citoyen, un grand capitaine, un grand homme et le sauveur de la Patrie.
Comment oser parler de l'ignorance de la Noblesse, lorsque la France lui doit ses premiers poètes, les troubadours, Fortunat, Thibaut de Champagne, Charles d'Orléans, Malherbe; son premier penseur, Abaylard; ses premiers jurisconsultes, Beaumanoir, Navarre, Jehan d'Ibelin, et ce merveilleux cortège de chroniqueurs et d'historiens qui, depuis Grégoire de Tours, forme une partie, non la moins brillante, de sa gloire littéraire? Nos plus anciens documents historiques en langue française sont de la fin du XIIe siècle. Le premier de tous est l'histoire de la cinquième croisade et de la prise de Constantinople, par Geoffroy de Villehardouin, maréchal de Champagne; vient ensuite le compagnon de saint Louis, l'historien de la septième 69 croisade, le bon sire de Joinville; et ces deux chroniqueurs étaient de la plus noble race après celle de nos Rois. Puis c'est Enguerrand de Monstrelet, gentilhomme du comté de Boulogne; Georges Chastelain, issu de la maison de Gavres, ami de Philippe le bon, duc de Bourgogne; Mathieu de Coucy, noble du Hainaut; Jehan de Troyes, fils du grand-maître de l'artillerie de Charles VII; Philippe de Commines, sire d'Argenton; Olivier de la Marche, conseiller du duc de Bourgogne; Guillaume de Marillac, secrétaire du connétable de Bourbon; François de Rabutin, Guillaume de Rochechouart, Martin du Bellay, Hurault de Cheverny, l'amiral de Coligny, François de la Noüe Bras-de-fer, illustre gentilhomme breton, Michel de Castelnau, Claude de la Chastre, maréchal de France, Pierre de l'Estoile, Sully, Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme, de Thou, Turenne, Saulx-Tavannes, d'Aubigné, le maréchal de Marillac, Charles de Valois, duc d'Angoulême, le maréchal de Montluc, le comte de Montrésor, et cent autres. Et ce splendide renouveau des arts, des lettres et des sciences, la Renaissance, son nom se peut-il séparer de ceux du Roi-chevalier et des grands seigneurs qui en furent les magnifiques initiateurs, les Montmorency, les Amboise, 70 les Gouffier, les Urfé[144]? «Mentez, mes amis, disait à ses séides le sieur de Voltaire, il en reste toujours quelque chose.» C'était renouvelé du Pogge, à qui l'on signalait de ses mensonges historiques: «Laissez faire, répondit-il, d'ici à trois cents ans tout cela sera vrai.»
Le vandalisme révolutionnaire, héritier du mensonge philosophique, se flattait d'anéantir le prestige de la Noblesse en faisant un autodafé de ses parchemins; puis l'école du mensonge est venue à la rescousse; on peut salir l'histoire, on ne la détruit pas.
Les Nobles au barreau.—Assises de Jérusalem.—Le d'Ibelin.—Philippe de Navarre.—Gentilshommes jurisconsultes.—Les géants des batailles.—Chevaliers en armes et chevaliers en lois.—Comment les Nobles se détachèrent de l'étude du droit.—Seigneurs en loi.—Ecuyers en droits.—Jean Carondelet.—Pierre Puy.—La bourgeoisie remplace la Noblesse dans les parlements.
Eustache des Champs, dans une de ses ballades, regrette le temps où l'étude des arts libéraux était l'apanage des Nobles, où les plus grands seigneurs, après avoir défendu par les armes les droits de la patrie, défendaient par leur éloquence les droits des particuliers, imitant en cela «les Romains, qui se consacraient également aux exercices de la guerre et à ceux de la plaidoyerie[145].» Dans les premiers siècles de la féodalité, nous trouvons, en effet, des chevaliers de vieux lignage, comme Pierre de Touchebœuf, comme Pierre de Faydit[146], comme Baudouin de Gombert, que j'ai 72 déjà cité, se qualifier juges, judices, ou juristes. L'étude approfondie du droit était alors singulièrement en honneur parmi les Nobles, et ce fut ainsi que le royaume de Jérusalem leur dut ses admirables constitutions; Jean d'Ibelin, qui rédigea les Assises, était un haut et puissant baron, et son petit-fils, Jacques d'Ibelin, fils du prince de Tibériade et d'Alix de Lusignan, écrivit un traité succinct de jurisprudence féodale. Causant de jurisprudence avec le roi Amaury, Raoul de Tibériade disait avec un légitime orgueil «qu'il ne feroit pas son pareil, Remont Antiaume, ne aultre soutil borgeois[147]». Philippe de Navarre, le preux chevalier, le guerrier infatigable, l'habile politique, couvert d'honneurs et de gloire, disait sur la fin de sa brillante carrière: «Je suis, envieilly en plaidant pour aultruy[148].» Gentilshommes et bourgeois rivalisaient généreusement sur le noble terrain du droit; on les voit siéger côte à côte[149] sous l'orme de justice[150]. Quand 73 les paysans ont un litige, leurs prudhommes désignent à l'unanimité des suffrages un chevalier pour arbitre[151]. Les cours de justice sont remplies de barons[152]; ils composent le parlement du Roi[153]; Jean de Vieuxpont, conseiller en 1315[154], Quentin de Moÿ, conseiller en 1410[155], Henri de Marle, chevalier, président au parlement en 1409[156], étaient de la première noblesse. Pendant longtemps, pour les fonctions de justice, «on élut de préférence des nobles, quand ils se trouvaient suffisans[157]». Et c'étaient bien les compagnons des du Guesclin et des Barbazan, les «géants des batailles», non pas des «chevaliers en loix», qui dépouillaient le heaume et la cuirasse pour revêtir le manteau de justice; le 4 mars 1405, Charles VI mande aux gens de ses comptes: «Comme de longue observance et grant ancieneté les chevaliers en armes de nostre conseil, servans 74 en ordonnance en nostre court de parlement et semblablement ès requestes de nostre hostel, ont accoustumé d'avoir dix livres par chacun an pour manteaulx[158]...» Ce furent les grandes guerres nationales qui détachèrent les Nobles de l'étude du droit et des charges judiciaires; la patrie était en danger; ils ne furent plus, ils ne devaient plus être que des hommes d'épée, et la bourgeoisie fit du parlement sa chose. En prenant la place des chevaliers, elle s'attribua la chevalerie; car c'est exactement de ce temps que datent ces «chevaliers de lois» dont parlent Pasquier et Loiseau[159]. Dès le commencement du XIVe siècle, on trouve, à vrai dire, des «seigneurs en loy[160]», mais «seigneur» n'avait pas d'autre sens que «maître», et l'expression, pour être prétentieuse, n'était pas absolument hyperbolique. Les «bacheliers en lois[161]» viennent ensuite, 75 et plus tard on rencontre jusqu'à des «escuyers en droicts»[162]. Ce fut alors que pour se distinguer de cette chevalerie et de cette bachellerie de robins, les gentilshommes adoptèrent la qualification de chevaliers d'armes, milites in armis. Nous venons de la constater dans un mandement de Charles VI, et elle ne doit tomber en désuétude qu'au XVIe siècle. «Et si fut prins ung gentilhomme d'armes nommé Jouan Chervié», dit Monstrelet, à l'armée 1419[163]. Voici, en 1458, «Baudet Berthelot, chevalier d'armes, lieutenant général du bailly de Touraine[164]»; en 1480, «noble et sage homme messire Pierre Puy, chevalier en armes, conseiller et chambellan du Roy nostre sire[165]»; et, en 1506, «feu de pieuse mémoire noble et magnifique et généreux homme messire Jehan Carondelet, vivant chevalier en armes[166]». C'était aussi pour n'être pas confondus avec les chevaliers en lois et les écuyers en droits 76 qu'au XVIe siècle des Nobles ne prenaient ni la qualité d'écuyer, ni celle de chevalier, et s'intitulaient fièrement «gentilshommes[167]».
Hiérarchie féodale.—Gentilshommes bourgeois.—Noblesse urbaine.—Comment les Nobles s'agrégeaient à la bourgeoisie.—Les Chaponay, les Châteaubriand, les Chabot, les Sainte-Aldegonde, les les Croy.—Ecuyer et marchand.—Deux catégories de bourgeois.—Benoît Caudron.—Bourgeois et marchand de sang royal.—Gérard de Castille et sa postérité.
«Duc est la première dignité, et puis contes, et puis vicontes, et puis barons, et puis chastelain, et puis vavassor, et puis citaen, et puis vilain[168].» Nous avons là toute la hiérarchie féodale. Citoyen, vicinus[169], bourgeois, ce sont trois mots synonymes. Des généalogistes se sont refusés à ranger dans la noblesse d'ancienne extraction certaines familles, parce qu'en remontant les degrés de leur filiation, ils y découvraient un bourgeois. D'autres ont justement émis l'opinion 78 que, même sous le régime purement féodal, l'on pouvait être à la fois gentilhomme de race et bourgeois de ville[170]; «surtout sous le régime purement féodal», devaient-ils dire. La Noblesse se recrutait seulement par en bas; la bourgeoisie, corps mixte, se recrutait par en bas et par en haut. Il n'y avait pas alors, entre ces deux corps sociaux, la distinction absolue, la division fomentée par l'appauvrissement de la Noblesse, accrue par les guerres de religion et poussée à l'aigu par la révolution. Avec la simple nomenclature des bourgeois des bonnes villes, du XIIe au XVe siècle, on ferait un splendide nobiliaire chevaleresque. Le plus souvent, lorsque, dans les chartes ou les annales, on rencontre de grands noms accompagnés de la qualification de bourgeois, la présomption vient à l'esprit qu'on se trouve en présence de roturiers ayant pris le nom de leur lieu d'origine; le fait a certainement pu se produire; mais, en règle générale, ce sont des gentilshommes authentiques, volontairement agrégés à la bourgeoisie pour avoir le bénéfice de ses privilèges, qui constituaient réellement une sorte de noblesse urbaine. Soit que le manoir paternel fût trop étroit par suite du grand nombre des enfants, soit qu'ils eûssent plus de goût 79 pour le séjour des villes, soit encore que les infirmités ne leur permîssent pas ou que les blessures ne leur permîssent plus d'aller à la guerre, maints bons gentilshommes, et des races les plus illustres, se faisaient bourgeois, recherchant les dignités échevinales ou consulaires, se livrant aux arts, au commerce, exerçant des métiers, et, dans la paix féconde des cités, devenant infiniment plus riches que leurs aînés, les chevaliers, forcément appauvris par les lourdes obligations du privilège de noblesse. Je m'imagine que l'on eût grandement surpris ces nobles volontaires de la bourgeoisie en leur insinuant qu'ils dérogeaient à leur naissance, et qu'un jour viendrait où quelque héraldiste officiel la contesterait en arguant de leur embourgeoisement: tels Pons de Chaponay, bourgeois de Lyon en 1219[171]; David de Châteaubriand, bourgeois d'Angers en 1226[172]; Eudes Chabot, bourgeois de Sens en 1227[173]; Mathieu Barbotin, chevalier, bourgeois de l'Ile-Bouchard en 1230 et 1254[174]; Robert des Loges, 80 bourgeois de Chevreuse en 1233, et seigneur suzerain de Jean de Fayel de Coucy[175]; Dreux et Simon d'Auteuil, frères, bourgeois de Bray en 1234, et plèges, avec deux chevaliers, de Simon d'Auteuil, chevalier[176]; Geoffroy de Roye, bourgeois de Péronne en 1235[177]; Gilon de Billy, charpentier, bourgeois de Soissons, vendant de ses terres vers 1240[178]; Nicolas de Blangy, bourgeois de Pont-l'Evêque, faisant en 1242 une donation aux moines de Saint-Himer par charte munie de son sceau[179]; Pierre de Marle, du lignage des sires de Coucy, bourgeois de la Fère en 1247, et l'un des proviseurs de la confrérie de cette ville[180]; Richard de Chambly, bourgeois de Pontoise en 1268[181]; Mathieu Buridan, bourgeois de Saint-Quentin en 1295[182]; Jehan de Vanves, «borgois de Paris» en 1300, dont le sceau porte un écu 81 chargé d'une croix ancrée[183]; Pierre de Hangest, chevalier, bailli de Rouen et bourgeois de Montdidier en 1308[184]; Hugues, baron d'Arpajon, damoiseau, bourgeois d'Aurillac, et Esquivart, sire de Chabanais, bourgeois de Bigorre, en 1317[185]; Hélie de la Porte, bourgeois de Marmande en 1334[186]; Robert et Jacques du Castel, décédés l'un en 1336, l'autre en 1355, qualifiés dans leur commune épitaphe «Nobles et vénérables bourgois de Rouen», et maires de cette ville[187]; Robert d'O, bourgeois de Séez en 1336[188]; quatre bourgeois de Saint-Omer, du nom de Sainte-Aldegonde, en 1337, dont le sceau porte l'écu de cette très noble maison chevaleresque[189]; Jacquemart de Sainte-Aldegonde, bourgeois de Saint-Omer en 1366, et à qui Béatrix de Vix, femme de Jehan de Sainte-Aldegonde, chevalier, fait une vendition[190]; Pierre et Tassart de Culant, bourgeois de 82 Saint-Omer et marchands de bois en 1356, dont les sceaux portent un écu chargé d'une croix de Saint André[191]; Ponson Chevrières, bourgeois de Romans en 1389, ayant le même prénom et les mêmes armes que Pons de Chevrières, chevalier d'ancienne noblesse, vivant en 1366[192]; Pierre de Croy, élu d'Amiens en 1368[193], descendant très probablement de Jean de Croy, bourgeois d'Amiens, fils de Mathieu de Croy, et à qui en 1244 Dreux de Milly, chevalier, vendit tout ce qu'il avait dans le fief de messire Baudouin de Belleval, chevalier[194]; Jean de Grailly, chevalier, s'agrégeant vers 1360 à la bourgeoisie de Bordeaux, dont il devint maire[195]; des Boubers (de la maison d'Abbeville, issue des comtes de Ponthieu), bourgeois d'Abbeville aux XIVe et XVe siècles[196]; Jean de la Barre, bourgeois de Noyon, qui en 1407 donne une charte «soubz mon seel», où se voit un écu chevaleresque, penché, timbré d'un heaume à cimier, avec deux léopards en supports[197]; Perronet de Rogneins, bourgeois 83 de Villefranche-sur-Saône, au XVe siècle[198]; Enguerrand de Sainte-Marie, dit Fouloigne du nom de son fief, bourgeois et marchand de Caen en 1410[199]; Guillaume de la Mare, bourgeois de Rouen, mort en 1440, et dont il est dit: «Le dict de la Mare bourgeoys estoit noble et portoit une bande et 6 croisettes[200]»; Guillaume de Châteauvilain, bourgeois de Paray en 1447[201]; Guillaume du Bosc, qualifié «escuier, marchant et bourgeois de Rouen» dans un arrêt de l'échiquier de Normandie, en 1478[202].
«On trouve, dit dom Caffiaux non sans une expression de surprise, des titres où les personnes dont la noblesse est bien constatée, après avoir pris la qualité d'écuyer ou de chevalier, ne prennent plus que celle de bourgeois[203].» C'est parce que, dans ce dernier cas, ils agissaient ou contractaient en vertu de leur privilège de bourgeoisie, 84 qui non seulement n'était pas incompatible avec leur privilège de noblesse, mais leur conférait des droits particuliers. Les coutumes de Champagne et de Brie «nous enseignent qu'il y avait deux sortes de bourgeois, les uns nobles, les autres non-nobles[204]» On peut en inférer qu'il en était de même dans toutes les villes du royaume. C'est de ces «bourgeois nobles» que parle clairement Froissart lorsque, narrant l'héroïque action d'Eustache de Saint-Pierre et de ses compagnons, il dit: «Et vous jure que ce sont et estoient aujourd'huy les plus honnorables de corps, de chevance et d'ancesterie de la ville de Calays[205].» Plus clairement encore, lorsque, racontant le siège de Rennes par le comte de Montfort, il dit: «Si s'accordèrent finablement tous à la paix, et les grants bourgoys, qui estoient bien pourveus, ne s'y vouloient accorder: si mouteplia la dissention, si dure que les grants bourgoys, qui estoient tous d'ung lignaige, se trairent tous[206]...» En 1708, au scandale du juge d'armes de la noblesse de France, Louis XIV octroya à Benoît Caudron, avocat, échevin et bourgeois d'Arras, des lettres de relief de dérogeance 85 dans lesquelles est relatée sa filiation sans lacune jusqu'à Baudouin Caudron, chevalier, vivant en 1096[207]. Tel bourgeois de Paris était même de sang auguste et ne croyait pas avilir son blason royal en en faisant l'enseigne de son négoce, comme, au XVIe siècle, «Gérard de Castille, marchand bourgeois à l'enseigne du Château d'or, rue aux fers, descendant filiativement d'un fils de Henri II, roi de Castille; il gagna trois cent mille escus; sa petite-fille espousa Charles de Chabot, comte de Charny; il fut le trisaïeul de Marie de Castille, femme d'Anne de Lorraine, prince de Guise, et le bisaïeul de Charlotte de Castille, princesse de Chalais.[208]»
Les Communes à Bouvines.—Les légions bourgeoises à la Croisade.—Le privilège de Noblesse était conciliable avec le privilège de bourgeoisie.—Chevaliers et damoiseaux bourgeois.—Les bourgeois de Jérusalem.—Louis VI et les maïeurs des bonnes villes.—Lettres de noblesse et lettres de bourgeoisie.—Tournoi des bourgeois de Tournay en 1331.—Le seigneur Carrige.—Gentilhomme cordonnier.—Noble marchand.—Noble et puissant seigneur, fils de bourgeois.
Quand on connaît la composition mixte de la bourgeoisie dans les temps féodaux, on conçoit que le mérite de certains actes chevaleresques,—comme l'héroïsme des «communes» à Bouvines[209] et la présence des légions de plusieurs villes à la seconde croisade de saint Louis[210],—ne saurait sans témérité, sans risque d'injustice, être exclusivement 87 imputé à la catégorie non-noble des bourgeois, comme l'ont fait des historiens âpres à scinder historiquement la France en deux éléments inconciliables, en deux camps ennemis. La bourgeoisie avait ses membres d'origine noble, comme la noblesse avait ses membres d'origine bourgeoise, les anoblis, dont la part d'honneur et de gloire se confond, en l'accroissant, dans le rayonnement séculaire de l'aristocratie.
Comment douter de la conciliabilité du privilège de noblesse avec le privilège de bourgeoisie, lorsqu'on voit, dans des lettres de Louis VI, en 1126, Richard des Costes qualifié simultanément écuyer et bourgeois[211]; «Jobert Mahauz, écuyer, bourgeois de Samois», en 1265[212]; «Robert de Loines le viel, escuier, bourgois de Beaugency», en 1353[213]; vers le même temps, Jehan Croupet, écuyer, bourgeois de la Ferté-Bernard[214]; «noble homme Jehan de Villette, damoiseau, bourgeois de Besançon, père de vénérable et discret maître Pierre de Villette, licentié en lois, damoiseau et bourgeois de Besançon[215]»; en 1437, le «testament 88 de noble homme Hugues Baudet, damoiseau, bourgeois de Villefranche, publié à requeste de messire Jehan Baudet, chevalier, bourgeois et habitant de Villefranche[216]»; en 1457, Ponce Baudoche, chevalier, bourgeois de Metz[217]; en 1506, le testament de «Guillaume Mouchet, escuier, citoien de Besançon[218]»? Je pourrais multiplier à l'infini les citations probantes[219]; je n'ajouterai que cette observation: les coutumes du royaume de Jérusalem étaient calquées sur celles du royaume de France; or «les bourgeois de Jérusalem pouvaient être en même temps hommes ou barons du Roi, et par conséquent appartenir à des familles nobles[220].»
Ces prémisses acquises, on n'a plus de surprise lorsqu'on voit armer chevaliers en 1187 une fournée de cinquante bourgeois[221]; Louis VI conférer aux maïeurs des bonnes villes les insignes de la chevalerie; Philippe-Auguste, avant de partir pour la croisade, instituer par son testament six bourgeois de Paris les gérants de sa 89 fortune et de ses domaines, et les exécuteurs de ses volontés dernières en cas de mort[222]; Foulques de Sens, bourgeois de Troyes en 1236, appeler une de ses filles «Comtesse»[223]; les bourgeois du Roi,—car le Roi octroyait des lettres de bourgeoisie[224] comme des lettres de noblesse,—assimilés aux Nobles[225]; trente-et-un bourgeois de Tournay, en 1331, «emprindre de faire une très noble et belle feste de trente et ung roys pour jouster... et avoient faict une banière et penons de trompe des armes des 31 dessusdictz;» et, parmi ces bourgeois aux blasons chevaleresques, figurent Jehan de Sainte-Aldegonde, Andrieu de Lor, Guillaume de Bauffremez, etc.[226] On n'est plus étonné de voir, en 1271, un bourgeois de Cahors envoyer en son lieu à l'ost de Foix un damoiseau; un bourgeois de Castel-Sarrazin envoyer 90 «pour li ung chevallier et trois damoiseaux[227]»; des bourgeois, des échevins qualifiés messire, dominus[228]; Jacques d'Urfé, bailli de Forez, homologuant en 1573 un contrat d'acquêt fait par «honnorable homme Noël Carrige, bourgeoys et marchant de Roanne», l'appeler, dans le corps de l'acte, «le seigneur Carrige»[229]; les bourgeois coutumièrement qualifiés «Sire»[230], à l'égal des plus hauts seigneurs[231] et du Roi même; quelquefois, exempts des tailles[232], à l'instar des gentilshommes, et ayant le droit de recevoir la ceinture de chevalerie de la main des barons et des prélats, sans le placet du Roi[233]; 91 employant, dans les actes, comme les personnages les plus relevés, la formule «de nostre certaine science[234]»; Henri III, en 1579, permettant aux bourgeois des villes franches de prendre à l'avenir la qualité de nobles[235]; des argentiers, des changeurs, bourgeois de Paris, munir leurs quittances de sceaux chargés d'un écu chevaleresque, penché, heaumé, avec un cimier et, pour tenants, des anges ou des damoiselles, comme le scel de Geoffroy Marcel en 1366[236], et celui de Charles Poupart en 1393[237]; il n'est pas jusqu'au cordonnier du Roi, qui, en 1398, ne timbrât son écu penché d'un heaume de chevalier[238]. Voici, en 1435, un marchand de Condrieu, Louis Chapuys, qualifié «noble homme»[239], et, en 1642, 92 un élu de Roanne, fils d'un notaire et bourgeois de cette ville, qualifié «noble et puissant seigneur Guy de Chastelus[240]». On peut tenir pour certain que la plupart de ces qualifications nobiliaires, en désaccord avec la position plus ou moins modeste de ceux qui les reçoivent dans les actes, sont l'affirmation d'une situation antérieurement plus relevée, notoire, et généralement d'une extraction noble.
Concorde sociale.—Esprit de réciprocité.—Fusion prospère.—Jeanne Braque, femme d'un marchand.—Le sire de Montmorency et le drapier Fouchard.—Rapports entre inégaux.—Les Nobles dans la vie publique.—Édiles chevaleresques.—Chevaliers fils de bourgeois.—Nobles vilains.—Nobles manants.—Règne de la courtoisie.—Jeanne d'Arc et son compère.—Le duc de Rohan et Monsieur d'Assas.
Il n'est pas contestable que l'agrégation des gentilshommes à la bourgeoisie était plus profitable à la concorde sociale, au bien des cités et de l'État, que la scission des classes et leur isolement empreint d'inimitié. Des rapports nécessaires de la vie commune découlaient naturellement le respect mutuel, l'estime, la réciprocité, la sympathie, l'affection entre nobles et bourgeois, et cette fusion prospère aboutissait fréquemment à des alliances qui, dans notre temps de fausse démocratie, feraient crier au scandale. Je ne parle pas de telle veuve d'un chevalier de 94 l'ordre du Roi épousant, en 1581, un marchand boucher[241], ni de tels gentilshommes dénués, mariés à d'honnêtes bourgeoises et vivotant obscurément sur quelque maigre lopin[242]; mais lisez cette épitaphe de 1568: «Cy devant gist noble femme Jehane Braque, originaire de Montargis, en son vivant dame de Puyseux et Chastillon sur Loing, et femme d'honorable homme Paschal Perret, marchant de la ville de Sens[243].» Cette femme d'un marchand, c'était l'arrière-petite-fille de «noble et puissant seigneur monseigneur Jehan Braque, chevalier, seigneur de Sainct Morise sur Laveson, Chastillon sur Loing et aultres lieux, maistre du scel du Roy,» et conseiller du duc d'Orléans[244]. En 1365, Jehanne, fille de Nicolas le Mire, faiseur d'armes et bourgeois de Paris, est mariée à Etienne Braque, trésorier de France, cousin-germain de messire Nicolas Braque, chevalier, époux de Jeanne la Bouteillère de Senlis[245]. En 1205, Robert de Saint-Martin, bourgeois du Mans, est le second époux d'Agnès, veuve de Jean de Souvré, chevalier[246]. 95 Au début du XVe siècle, tel bourgeois marie ses filles aux plus grands seigneurs du royaume[247].
Dans les actes de la vie privée aussi bien que de la vie publique, des bourgeois, des marchands figurent côte à côte avec de hauts gentilshommes; c'est ainsi que, vers 1141, Nicolas Fouchard, marchand de draps, est, avec Mathieu de Montmorency et d'autres puissants seigneurs, témoin d'une donation pie faite par le comte de Meulan[248]. Ces rapports entre inégaux, possibles dans une société où la hiérarchie assure à chacun la plénitude de sa dignité propre, ne le sont plus dans un monde en confusion où le respect revêt l'apparence de l'abaissement.
Sous le régime féodal, loin de se cantonner dans les châteaux, les Nobles prenaient une part active à la vie publique; on les rencontre dans tous les conseils, auprès du Roi, des comtes[249], des évêques[250], et ils s'honoraient de briguer les 96 charges d'édilité. Vibert de la Barre, d'illustre lignage, échevin d'Eu en 1202, fut ensuite maire de cette ville.[251] Etienne Boileau, prévôt des marchands de Paris en 1249, était chevalier et noble de race.[252] On trouve en 1259 des maires de l'extraction la plus haute,[253] et il suffit de jeter les yeux sur l'histoire d'une ville pour constater que les maïeurs et les échevins, aux XIIe et XIIIe siècles, «estoient tous d'ung lignaige», comme dit Froissart.[254] Le maire de Poitiers se qualifiait «premier baron du Poitou»,[255] et, encore en 1697, il fallait être gentilhomme pour être premier échevin de Caen[256]. La participation des Nobles à l'administration des villes fut même antérieure à l'organisation de la féodalité, puisque d'un capitulaire de Lothaire il appert qu'au IXe siècle il fallait être noble pour être «scabin»[257].
97 La qualité de «bourgeois» était donc bien loin, sous la féodalité, de constituer une infériorité blessante; on voit des chevaliers, seigneurs de fiefs, qui sont dits fils de bourgeois[258]; et surtout, il faut le noter au passage, on ne prenait pas encore en mauvaise part tels vocables auxquels la suite des temps devait attacher un sens de mépris. Les meilleurs gentilshommes portaient, comme sobriquet ou même comme nom, les mots de «vilain» et de «manant». Sans parler des Vilain, ramage de l'illustre maison de Gand, voici, au XIIe siècle, «Villain de Nuillé, chevalier»,[259] et Jean Grosvilain, gentilhomme de Bourgogne;[260] en 1249, «Hervé dit Grosvillein, écuyer»;[261] en 1252, Georges Blanc vilain, chevalier.[262] Les nobles damoiselles s'attribuaient 98 le surnom de «Vilaine»,[263] qui certes, en ce temps-là, n'avait rien de blessant, pas même pour la coquetterie féminine. Au XIe siècle, Girard le Manant est un des chevaliers du comte d'Anjou,[264] et «Monseigneur Robert le Manant, chevalier», est à la croisade en 1242.[265] En 1557, «Philippes Vigier, escuyer, seigneur de Rocheblon en la seneschaussée de Montmorillon, a déclaré estre exempt (de l'arrière-ban), parce qu'il est manant et habitant de la ville de Paris.»[266]
L'enchevêtrement des droits féodaux aidait encore à entretenir la courtoisie; tel seigneur, par suite du morcellement des fiefs, devait lui-même l'hommage à son vassal, d'une condition inférieure à la sienne; par exemple, René Gaudin, sieur de la Fontaine et du lieu seigneurial de Montguyon, rendant aveu à «hault et puissant seigneur messire Guy du Bellay, chevalier, seigneur de la Courbe-Raguin, Soulgé-le-Courtin et la Salle,» lui dit: «Sensuyt la desclaration du fief que je tiens de vous et le nom de mes hommes... Et premièrement, vous, mon seigneur, 99 estes mon homme de foy et hommage simple pour rayson de vostre herbergement du dict Soulgé le Courtin[267]...»
La courtoisie, en effet, était, après la Religion, le grand lien social, et comme la préface de l'estime, de la confiance et de l'affection, entre nobles et bourgeois. Une des plus grandes dames de Bourgogne, Jehanne d'Arc, veuve d'Eudes de Saulx, chevalier, sire de Vantoux, dit en 1383 dans son testament: «Je institue mes exécuteurs... mon très cher et féal amy et compère Symon le Germenet, bourgeois de Dijon[268].» En 1449, un grand seigneur, Raymond d'Ortafa, écrivant à un bourgeois de Perpignan, l'appelle «Très honoré et cher frère[269]». Le gracieux mot de «courtoisie», naguère encore si français, ne résonne, dans ce pays défrancisé par la révolution et la juiverie, que comme un terme archaïque, du temps où le duc de Rohan, de race princière, écrivant à un simple gentilhomme, Mr d'Assas, terminait ses lettres par ces mots: «Je vous baise les mains et suys vostre affectionné[270].»
Désagrégation et antagonisme.—Plaie vive.—Les Nobles à la campagne.—Ruine et scission progressives.—Statut des tournois.—Le lieu n'anoblit pas l'homme.—Intrusions légales.—Les guerres de religion creusent le fossé.—Pasquier et Blaise de Montluc.—Pillage des armoiries.—Un mot de Ménage.—Trente mille bourgeois blasonnés.—Le duc de Saint-Simon.—Les nouveaux seigneurs de villages.—La vieille bourgeoisie française.—L'honneur ou rien!
Entre deux classes si intimement confondues et se recrutant incessamment l'une dans l'autre, quand et comment la désagrégation a-t-elle pu se produire, engendrer la scission, dégénérer en antagonisme de castes? C'est ce qu'il importe d'indiquer; nous touchons ici à l'une des plaies vives de la Noblesse.
Déjà, vers la fin du règne de saint Louis, Hugues de Bercy «se plaignait de ce que la Noblesse de son temps quittât les villes pour aller résider 101 à la campagne.»[271] C'est que, ruinés par les croisades, les gentilshommes souffraient cruellement dans leur amour-propre à comparer leur dénûment, fruit de l'héroïsme chevaleresque, à la richesse des bourgeois, fruit du labeur mercantile[272]. C'est là le germe de la scission, germe qui se développe à mesure que s'augmente l'appauvrissement des Nobles, parachevé par la longue guerre contre les Anglais. A la fin du XIVe siècle, non seulement les rangs de la Noblesse sont effroyablement décimés, mais la majeure partie de ses domaines sont passés aux mains des marchands; de là, un sentiment d'amère envie, que trahit, par exemple, le Statut des tournois, de 1480, interdisant aux gentilshommes de prendre le droit de bourgeoisie dans une ville, sous peine d'être exclus des tournois[273], c'est-à-dire disqualifiés, à peu près dégradés de noblesse par leurs pairs. Toutefois le Statut n'excluait pas les nobles habitant les villes sans y avoir le droit de bourgeoisie. C'était un antique adage que «le lieu n'anoblit 102 pas l'homme, mais que l'homme anoblit le lieu»; sans doute il n'avait pas empêché plus d'un non-noble, enrichi par le trafic, acquéreur de domaines plus ou moins considérables, de se faufiler dans les rangs de la Noblesse; mais, à présent, en vertu de l'édit des francs-fiefs, ils étaient légalement envahis, et l'ancienne gentilhommerie recula devant le flot des nouveaux nobles, qui n'avaient pas, ceux-là, reçu le sacre de l'épée et ne devaient leur élévation sociale qu'au négoce. Les mots de «bourgeoisie» et de «trafic», considérés dès lors comme synonymes, eurent à l'ouïe des anciens nobles appauvris une assonnance d'infériorité sociale; longtemps ils affectèrent de ne vouloir pas être confondus avec les parvenus gras de leurs dépouilles, parés de leurs plumes, de leurs titres, de leurs honneurs, parfois même de leurs noms; désertant les cités, où leur orgueil souffrait, où leur maigre revenu n'était plus en rapport avec la cherté de la vie, ils se confinèrent dans les lambeaux de fief qu'ils avaient pu sauver du désastre; puis les guerres de religion, pendant lesquelles les cités étaient généralement catholiques et les vieux nobles généralement huguenots, achevèrent d'aigrir les esprits et de creuser le fossé. Le vocable de «bourgeois» prit le sens exclusif de «roturier»; 103 puis les généalogistes royaux achevèrent officiellement la scission. Il semblait, au XVIe siècle, que l'on ne pût être gentilhomme qu'à la condition de vivre hors des villes. Pasquier dit expressément que «ceulx qui veullent estre estimez nobles à bonnes enseignes, laissent les villes pour choisir leur demeure aux champs; tant à l'occasion que la plus grande partye des fiefz y sont assis, dont la possession est seulement permise sans réserve aux Nobles, que pour se garantir de l'opinion qu'on auroit qu'ils traficquassent dans les villes, chose qui obscurciroit leur noblesse; et, à vray dire, la vie qui approche le plus près de la militaire en tems de paix est la champestre[274].» Plus d'un gentilhomme, et non des moins qualifiés, se prenait à déplorer les résultats de cette retraite générale des Nobles, résultats dont leur fierté ne s'accommodait pas sans un regain d'amertume.
«Ha! Noblesse, lamentait l'illustre Blaise de Montluc, tu t'es faict grant tort et dommage de desdaigner les charges des villes; car refusant les charges, ou les laissant prendre par les gens des villes, ceux-cy s'emparent de l'autorité, et 104 quand nous arrivons, il fault les bonneter et leur faire la cour. Ç'a estè un maulvais avys à ceux qui en sont premièrement cause[275].»
La retraite volontaire des Nobles eut pour effet de faire de la bourgeoisie un corps homogène. Ce fut alors que les petits bourgeois, à l'exemple des grands, voulurent avoir des armoiries; car la vanité se rencontre à tous les degrés de l'humanité. Ménage, outré de cette usurpation générale, disait qu'avant vingt ans il n'y aurait pas d'enseigne de boutique qui ne se changeât en blason; il est vrai que telle enseigne de boutique, comme le Château d'or de Girard de Castille, avait pu commencer par être un noble blason et, par ainsi, ne faisait que retourner à sa condition première. La mesure purement fiscale, prescrite par Louis XIV, de l'enregistrement des armoiries transforma l'usurpation en un droit qu'acheva de consacrer l'ordonnance royale de 1760, dans laquelle il est dit par Louis XV que, «suivant un usage qui a prévalu, le port des armoiries n'est pas borné à la seule Noblesse.» De 1696 à 1704, environ trente mille bourgeois firent enregistrer les leurs[276]; à ceux qu'un sentiment 105 de modestie empreinte de dignité détermina à s'abstenir, le juge d'armes en impartit d'office; Molière eût eu beau jeu pour mettre à la scène Le blasonné malgré lui. Nous verrons quelque chose de plus comique encore: le gentilhomme malgré lui. Peut-être ce blasonnement en masse de la nation, en même temps qu'il servait à combler les vides du trésor, rentrait-il dans le plan royal d'égalisation dans les hauteurs, d'élévation progressive, de fusion des classes. La Noblesse, il faut le dire, n'y vit généralement qu'une injustifiable usurpation, sanctionnée par un abus de la puissance souveraine, et ce fut pour elle un nouveau motif de cette antipathie contre les bourgeois, qu'elle ne perdait pas l'occasion de manifester dans l'exercice des droits qui lui restaient[277]; antipathie dont l'expression se retrouve presque à chaque page dans les mémoires du duc de Saint-Simon et d'autres gentilshommes. Les travers des parvenus, des nouveaux fieffés, sont le thème ordinaire des sarcasmes de la rancune aristocratique; leur esprit d'économie, souvent 106 poussée jusqu'à la parcimonie et «fleurant la boutique», contrastait singulièrement avec l'esprit de largesse, poussée jusqu'à la prodigalité, de l'ancienne Noblesse. Je m'imagine que les peuples durent plus d'une fois regretter leurs anciens maîtres, surtout lorsque «le nouveau seigneur du village» était de l'acabit de ce marchand enrichi qui, pour don de joyeux avènement, ne trouva rien de mieux que de rosser ses vassaux[278], dont il lui en cuit.—Le type de la vieille bourgeoisie française, disparue presque autant que l'antique chevalerie, je le reconnais dans ce bourgeois de Chalon, «Claude Bussillet, huict foys eschevin, une fois maire, troys foys juge des marchants et l'un des aumosniers publics de la ville», et surtout dans sa superbe devise, que l'on croirait contemporaine de la bourgeoisie des temps féodaux, si son épitaphe ne nous faisait connaître qu'il vécut au XVIe siècle: L'honneur ou rien[279]!
La pauvreté, état coutumier de la Noblesse.—Gautier le pauvre homme.—Les juifs, les moines et les chevaliers. Dénûment navrant.—Tavernière de sang princier.—Misère impériale.—Comment on payait sa gloire.—Revues de l'arrière-ban.—Séries de gentilshommes indigents.—Vérité de Mr de la Palice.—Fiefs et domaines saisis.
La pauvreté fut l'état coutumier de la Noblesse française; on en recueille maints témoignages antérieurement même au dénouement des croisades. Vers 1095, un des chevaliers de Jacquelin de Champagne, faisant une donation aux moines de Saint-Vincent du Mans, en retient la moitié de la dîme «à cause de sa pauvreté[280]». Au même temps, un autre chevalier, Achard, excepte d'une donation foncière le tiers de la dîme, à cause, 108 dit-il, de la pauvreté qui l'oppresse[281]. En 1209, Milon, seigneur de Sissonne, chevalier, écrasé de dettes, vend, pour les payer, une série de terres et de redevances[282]. L'épithète de «pauvre» se rencontre fréquemment dans les chartes, accolée à la qualité de chevalier, et même elle devint le nom de plusieurs lignages[283]. Des nobles sont surnommés, «Sans avoir», ou «Sans terre», ou «Sans argent», ou «Sans revenu[284]».
109 Voici, en 1230, «Scard de nul fief[285]», et en 1350 «Guillaume Platebourse, chevalier[286]». Et combien de pauvres parmi les volontaires des guerres saintes! Lambert le Pauvre, chevalier, est à la première croisade[287]. Richard Forbanni, «voulant aller à Jérusalem», troque une bonne terre contre une mule[288]. Nivelon du Plessis chevalier, surnommé le pauvre, fait une aumône aux moines de Froimont, en 1190, lorsqu'il prend la Croix[289]. Manassés le Pauvre, chevalier, seigneur de Hez, et Eustache, son frère, partent pour la Palestine avec saint Louis[290]. En 1278, «Gautier, chevalier, dit le pauvre homme, empêché par la maladie d'accomplir le vœu qu'il avait fait d'aller à Jérusalem,» 110 fait un don aux églises de Langres[291].
Les juifs, créanciers âpres[292], s'engraissaient déjà des dépouilles françaises, car on les trouve partout où il y a des naufrages et des épaves; les moines, qui sont quelquefois eux-mêmes leurs débiteurs[293], viennent chrétiennement en aide à la Noblesse, pour la dégager des serres judaïques[294]. En 1192, Geoffroy d'Anjou et Désirée, sa femme, vendent de leurs biens «au juif Cresson»[295]. En 1202, la femme et le fils de Vilain de Nuillé, chevalier, vendent des terres pour acquitter ce que leur époux et père doit aux juifs[296]. En 1237, Raoul, avoué de Hérissart, chevalier, vend ses domaines pour cause d'indigence[297]. Après les croisades, le dénûment des Nobles est navrant; les Rois, à l'exemple de saint Louis[298], s'efforcent 111 de l'atténuer, et c'est une des recommandations ordinaires de l'Eglise que d'être secourable aux «pauvres chevaliers»[299]. Pierre de Montmorin, damoiseau, en 1406, met sa ceinture en gage chez un marchand de Limoges, pour un prêt de 23 écus d'or[300]. En 1445, Evrard de la Marche, damoiseau, dans une «lettre de défiance» au duc de Bourgogne, dit: «Et moy qui suys ung jeune homme povre d'argent....[301]» Au XVe siècle, dit la Revue Nobiliaire[302], les familles nobles de Bourgogne étaient presque toutes complètement ruinées; témoin ce Guillaume de la Marche, ancien bailli de Chalon, dont les dettes étaient si énormes que sa veuve, Marie d'Ayne, «pauvre parente et servente du Duc, descendüe et extraicte du sang de Flandre», après avoir tenu un grand état, tomba dans une telle misère que les sergents ne trouvèrent à saisir dans son logis «que le lict où elle gisoit», et qu'on la vit dans sa vieillesse vendre du vin «à taverne», comme un pauvre tavernier, pour s'aider à vivre. La 112 misère sévissait jusque sur les plus hauts sommets; qui ne se rappelle l'horrible pauvreté de Baudouin, empereur de Constantinople[303]? En 1339, Catherine de Viennois, princesse d'Achaïe, pour obtenir d'un boucher de la viande, dut lui remettre en gage son gobelet d'argent[304]. Et quel désordre introduit l'appauvrissement dans la hiérarchie militaire! Les riches écuyers ont maintenant dans leurs compagnies, sous leurs ordres, non seulement des chevaliers bacheliers[305], mais même des chevaliers bannerets[306]. Tel gentilhomme, après avoir longtemps combattu comme homme d'armes, devenu pauvre, retombait au rang d'archer[307]; car la gloire, en ce temps-là, n'était pas plus le sang que l'argent des autres; il 113 fallait payer de sa poche aussi bien que de sa personne pour avoir l'honneur de servir, et les maigres subsides du trésor royal n'étaient pas faits pour conjurer la ruine. Dans les revues de l'arrière-ban, la moitié des Nobles se déclarent sans ressources, incapables de s'équiper et, par suite, de faire service au Roi. Lisez cet extrait de l'arrière-ban d'Anjou, en 1470:
«Ce sont les noms des gens nobles du ressort d'Angiers... Guillaume d'Ampoigné, aaigé, dict qu'il servira en habit de brigandine si possible luy est, mais qu'il n'a de quoy avoyr habillement, et qu'il a troys de ses enffans en la guerre du Roy. Mathelin de Portebise, ung voulge en sa main, et dit qu'il n'a de quoy avoyr habillement de guerre, et s'il peult avoyr de quoy il se mectra en poinct. Jehan de Quéon s'est présenté en robbe, un voulge en sa main, et dict qu'il n'a de quoy se mectre en poinct. Jehan de Chierzay, en brigandine; et neantmoings il a affermé par serment qu'il n'a comme riens de quoy vivre et ne tient que en bienfaict. Mathelin de Chargé s'est présenté en robbe, ung voulge en sa main, disant qu'il n'a de quoy avoyr habillement. Jehan de Langies s'est présenté en robbe et dict qu'il a la garde de la place de Lodun et qu'il n'a de quoy avoyr aulcung habillement. Charles de 114 Rigné s'est présenté en robbe disant qu'il est eaigé de quatre-vingtz ans, pouvre homme, et n'a de quoy avoyr shabillement, et qu'il n'a seulement de quoy vivre[308].» Deux siècles après, l'Estat des gentilshommes de la sénéchaussée de Dax, ban et arrière-ban (1689-1692), contient ces mentions: «M. d'Abesse, pauvre; son fils vient de quitter les gardes du Roy; son père ne pouvoit l'entretenir.—M. de Six, pauvre...»; et plus loin, une série de «gens tenant fief et vivant noblement» sont désignés comme étant «pauvres et hors d'estat de servir, ne pouvant faire d'équipage[309].»
C'était une vérité... de Mr de la Palice que cette malice de La Bruyère: «Il y a des gens qui n'ont pas le moyen d'être nobles.» Pas plus que l'âge, l'infirmité ne dispensait le Noble du service de guerre; l'impotent envoyait un remplaçant valide et bien en point.[310] Aux comparants qui 115 n'étaient pas «en souffisant habillement» ou «souffisamment montés», ou équipés «deument selon leur richesse», ou que le commissaire aux revues jugeait «non souffisamment en poinct selon la qualité de leur terre[311]», comme aussi aux «deffaillans», on saisissait impitoyablement «tous leurs fiefz et héritaiges», et «tous les fruiz» en étaient «cueillis au proffict du Roy[312]». Ceux dont l'indigence était notoire et constatée pouvaient être exemptés de servir[313]; mais quelle douloureuse humiliation! A la fin du XIIIe siècle, les commissaires royaux usaient fréquemment d'indulgence; mais, dans les siècles suivants, leur rigueur s'accrut en proportion de l'appauvrissement des Nobles, qui, presque tous, eûssent pu légitimement exciper de leur dénûment.
Appauvrissement forcé.—Crescite et multiplicamini.—Guehedin Chabot.—Les vingt enfants de Claude de Cremeaux.—Les quatorze fils de Gervais Auvé.—Causes de ruine.—Charges du service militaire.—Abdications nobliaires.—L'état de noblesse, obstacle à la fortune.—Les gentilshommes n'étaient exempts d'aucune sorte d'impôts.—Le comte Louis de Frotté.—Les grands pauvres.—Paysans nobles.—Les Braque et les Allard.—Gentilshommes laboureurs.—Rabelais et la Bruyère.—Tout est adieu, tout est à Dieu!
Cet appauvrissement procédait, en partie, du grand nombre d'enfants, qu'il fallait élever, équiper, apaner, ou doter à chaque génération; le patrimoine féodal se morcelait, s'en allait en miettes. Le précepte évangélique, Crescite et multiplicamini, n'étant pas encore lettre morte, telle famille comptait dix, quinze, vingt enfants.[314]
Le pape Urbain IV, en 1263, autorisa les religieuses 117 de N.-D. de Soissons à recevoir, bien que leur nombre fût au complet, Alix de Bernot, jeune fille lettrée, fille d'un chevalier «appauvri par la multitude de ses enfants».[315] En 1392, Charles VI octroie des lettres de rémission à «Guehedin Chabot, chevalier, chargié de femme, de six filz et de troiz filles, poure et misérable personne[316]». Claude de Saint-Georges eut vingt enfants de Marie, sa femme, fille de Claude de Cremeaux d'Entragues et d'Isabeau d'Urfé.[317] Gervais Auvé eut au moins quatorze fils de Guillemette de Vendôme[318]. Un gentilhomme dauphinois, Mr de Vallier, avait sept fils et sept filles vivants, lorsque la pauvreté le força de recourir à un expédient dont je parlerai dans un instant. Mais la multiplicité des rejetons n'était pas l'agent le plus actif de la ruine des Nobles; parmi tant d'enfants, d'ailleurs, il se pouvait 118 qu'un d'eux fît à la guerre ou à la cour quelque merveilleuse fortune, et qu'ensuite il aidât tous les siens à monter; le salut, par cette voie, était problématique; la ruine, par l'exercice même de la noblesse, était à peu près certaine; car, pour une famille qui voyait grandir sa chevance, il y en avait mille qui sombraient fatalement sous les charges du service militaire. Ces charges étaient si lourdes que, le produit des terres ne se trouvant plus en équilibre avec les obligations qu'en comportait la possession, beaucoup de Nobles, notamment en Champagne, préférèrent remettre leurs fiefs aux mains de leurs suzerains, et se dégager ainsi de devoirs qu'il ne leur était plus possible de remplir.[319] «Si les avantages de la Noblesse, écrivait vers 1695 le comte de Boulainvilliers, étaient bornez, par l'idée corrompue que l'on s'en forme aujourd'huy, à la seule jouyssance des privilèges dont elle est en possession, le titre de noblesse ne serait pas un objet bien désirable; on le pourrait au contraire regarder comme un obstacle aux biens de fortune.»[320] Et plus loin, traitant du service de l'arrière-ban, il formulait une déclaration significative 119 et radicalement contraire à l'idée qu'on se forme généralement des privilèges nobiliaires:
«L'obligation où les Nobles étaient autrefois de marcher à l'armée en conséquence de leurs possessions féodales, a été convertie en une obligation personnelle de servir à l'arrière-ban pour la conservation du privilège de l'exemption des tailles, supposant une espèce de partage des charges onéreuses de l'Etat, par lequel l'ordre populaire est soumis à payer les taxes et les impositions, pendant que la Noblesse est obligée de défendre la patrie; mais ce partage est une fiction, puisque les gentilshommes ne sont exempts d'aucune sorte d'impôts.»[321]
«La Noblesse,—écrivait le comte de Frotté dans le canevas de ses Mémoires,—servit personnellement, et en général gratis, pendant longtems; et depuis Louis XIV, sous lequel les armées françaises prirent tout à fait une forme régulière et où l'on assigna des appointemens à tous les officiers, ces appointemens furent toujours les plus faibles de toute l'Europe et très insuffisans pour soutenir la Noblesse au service. En général, la Noblesse française ne calculait pour rien son traitement; elle mangeait, communément, 120 au service du Roy, ses revenus et souvent ses fonds, sauf les gentilshommes qui n'en avoient plus, leurs pères les ayant dissipés, lesquels alors, s'ils obtenoient du service, étoient obligés d'en subsister.»[322]
La Noblesse, dit excellemment Mr G. d'Orcet dans un livre plein de charme et tristement instructif,[323] «la Noblesse payait chèrement les maigres privilèges dont elle jouissait, et n'avait pas comme aujourd'hui le droit de fumer son écusson par de riches mésalliances. Ce monopole si vanté de certains grades subalternes dans l'armée et dans la marine, de certains bénéfices dans les chapitres nobles ou de commanderies dans l'Ordre de Malte, elle devait l'acheter au prix d'une pauvreté éternelle et irrémédiable, et, si c'était dur pour elle, c'était bon pour le pays: les gentilshommes d'autrefois avaient l'âme et l'honneur plus solidement chevillés dans le cœur que les autres.» Plus loin, l'auteur nous fait assister à une de ces navrantes scènes de misère, si communes autrefois, en Auvergne et un peu partout, dans les sphères de la Noblesse militaire, et qui furent l'envers de sa gloire. «Mon père, dit le 121 chevalier de Montgrion, était si pauvre quand il rentra dans son nid d'aigle avec sa croix de chevalier de Saint-Louis! Tous les toîts s'étaient écroulés, les rentes avaient été aliénées, il ne restait plus au château de Montgrion que ce qu'on nommait jadis le vol du chapon. Il se fit construire une chaumière à quelques pas des ruines de son manoir. Nous vécûmes du colombier, du gibier de la montagne et du peu que nous pouvions ensemencer avec une paire de vaches laitières.»[324] Ce tableau de décadence est pris sur le fait; plus d'un preux d'antan s'y fût reconnu, et combien d'humbles paysans n'eussent pas voulu troquer leur position contre celle de ce «cousin du Roi»!
Chorier, parlant des Bouillane et des Richaud, anoblis en 1475 pour un trait de courageux dévouement, dit: «Ce sont de pauvres gentilshommes à qui la noblesse est un obstacle à toute meilleure fortune.» Plus d'un siècle après le temps où l'historien du Dauphiné formulait cette appréciation, en 1788, aux États Généraux de Romans, on vit siéger quatorze Bouillane et vingt-sept Richaud, «la plupart en habit de paysans, 122 portant fièrement de vieilles et longues rapières rongées de rouille.»[325]
«Une tradition, dans la branche des Courtin du Plessis, veut que, dans un tems dont elle ne fixe pas l'époque, vint à Nogent un Courtin (on ne dit point d'où), lequel vit Mr Courtin de la Bourbonnière et luy proposa d'entrer dans les poursuytes qu'il vouloit faire d'une réhabilitation, à quoy Mr de la Bourbonnière ne voulut entendre, la noblesse n'estant alors un advantage si prétieux ny si ambitionné qu'aujourd'huy, parce qu'en le balanceant avec la gehenne dans le genre de vie et les autres charges, dont la sujection à l'arrière-ban n'estoit pas la moindre, on préféroit volontiers la liberté, les sujections et de foibles impôts qu'on envisageoit comme moins onéreux.»[326]
«De toutes les conditions, est-il dit dans les Mémoires du comte de Rochefort, il n'y en a point de si malheureuse que celle d'un gentilhomme.»[327] Les mêmes doléances se retrouvent, comme une antienne de misère, dans la plupart des mémoires de gentilshommes; relisez, par 123 exemple, ceux du maréchal de Montluc et du comte de Montrésor; même lorsqu'ils parviennent à de hauts emplois, que de déboires, d'écœurements, de dépenses ruineuses! Si l'état de noblesse fut un privilège, il faut reconnaître que ce fut un privilège à rebours.
«Il est sans exemple, écrivait un généalogiste, en 1685, qu'aucune famille du Royaume qui fait profession des armes ayt pu longtems soutenir son élévation sans les bienfaicts du Souverain.»[328] La maison de Braque, à laquelle il appliquait cette observation, peut être présentée comme un type d'alternatives de grandeur et d'abaissement; les mêmes vicissitudes se constatent dans l'histoire de la plupart des anciennes familles, et l'histoire que j'écris en fournit plus d'un exemple.
«Le premier titre que l'on trouve de la famille de Braque est de 1009, sous Robert, lequel n'a point de suite jusqu'à un autre de 1144, sous Louys le jeune, qui n'en a point aussy jusqu'à celuy de 1211, sous Philippe-Auguste, qui est suivy jusqu'à présent (1685).»[329]—Arnoul Braque, chevalier, vivant en 1211, époux d'Erimberge 124 de Beaumont, avait été à la croisade avec Mathieu, sire de Montmorency (1189). Cent et quelques années après, les Braque sont bourgeois de Saint-Omer,[330] puis de Paris. Arnoul Braque, fils d'Amaury Braque et de Jehanne de Montmorency, bourgeois de Paris, reçoit en 1339 de Philippe VI des lettres de noblesse.[331] Ses frères et ses fils sont, les uns bourgeois de Paris et changeurs, c'est-à-dire banquiers, les autres maîtres des comptes du duc de Normandie, trésoriers de France, conseillers et maîtres d'hôtel du Roi, trésoriers des guerres, sergents d'armes, écuyers des princes.[332] Nicolas Braque, chevalier, fils aîné de l'anobli ou plutôt du réanobli, «maistre d'hostel du Roy et général conseiller de nostre dict seigneur sur le faict de la guerre», combattit aux côtés de Jean II à Poitiers et fut pris par les Anglais avec son prince; en 1358, pour parfaire sa rançon, qui lui coûta la vente de ses terres, le Roi lui fit don de deux mille deniers d'or. Il fut un des ambassadeurs chargés de négocier la paix avec les Anglais. Le 3 septembre 1387, «Monseigneur Jehan Braque, chevalier, sire de Coursy, maistre de l'hostel des eaux et 125 forestz du Roy nostre sire, et Madame Jehanne de Coursy (Courcy)[333], sa femme, exposent que durant le mariage de Noble homme Monseigneur Nicolas Braque, chevalier, seigneur de Chatillon sur Loing et de Sainct Maurice sur Laveson, père dudict Monseigneur Jehan, avec feue Madame Jehanne la Bouteillière, sa femme, auparavant veuve de Monseigneur Guillaume de Coursy, chevalier, père et mère de ladicte dame Jehanne de Coursy, ils avoient esté obligez de faire quantité de grosse debtes pour soutenir les despenses de plusieurs services que ledict seigneur Nicolas Braque avoit rendus à quatre roys ses maistres.»[334] Les dettes énormes, contractées pour avoir l'honneur de servir son prince et sa patrie, tel est le lot ordinaire du gentilhomme. L'arrière-petite-fille de l'ambassadeur, l'héritière d'un lignage allié aux Courtenay, aux Montmorency, aux Châtillon, aux Coligny, aux Stuart-Aubigny, Jehanne Braque, épouse un marchand de Sens.[335]
«La vie est une révolution continuelle où les uns montent de la pauvreté aux richesses, et les autres descendent des richesses à la pauvreté, 126 n'y ayant rien qui soyt stable au monde; d'où il faut inférer que la Noblesse abattue se peut relever, et celle qui est élevée par la bonne fortune peut aussy tomber dans la décadence.»[336]
Dans les «Faictz de généalogie» articulés devant la Cour des Aides, en 1650, par «Pierre Allard, escuyer, sieur du Fieu, conseiller du Roy, lieutenant particullier assesseur criminel au bailliage et siège présidial de Montbrison, controlleur général des finances en la générallité de Lion, demandeur en entherinement de lettres de reabilitation à noblesse par luy obtenues le 9 aoust 1646.», il est dit «que Pierre Allard et ses descendans sont demeurés à Mezilliac, les descendans de Gabriel Allard à Montvendre en Daulphiné, et Louys Allard se retirast en Forests au lieu de la Grange de Leuvre, y fust marié, vescust noblement, portoit les armes pour le service du Roy, est mort investy des dignitez et quallitez requises à noblesse; que de Louys Allard est issu Denys Allard, ayeul du demandeur, lequel porta les armes quelque temps,[337] et n'ayant pas eu le moien 127 de subvenir à la despence requise et nécessaire pour le maintien de sa noblesse et de celle de ses prédécesseurs, son père ayant laissé de grandes debtes à cause de la despence qu'il avoit faict pour le service du Roy, fust reduict à faire commerce de marchandises, et en iceluy a tousjours vescu et s'est comporté assez honnorablement....»[338]
«La plupart des maisons en France, disait Vigneul de Marville, se font par le négoce ou par l'usure[339]; elles se maintiennent quelque temps par la robe et s'en vont par l'épée. Un seigneur mange son bien à l'armée; ses enfants chargés de dettes défendent le terrain encore quelque temps par les procès; les châteaux deviennent des masures, et leurs descendants labourent la terre.»[340] Nous voyons, en effet, qu'en Provence le dernier rejeton de la très illustre maison de Porcelet, marquis de Maillane et souverains de Morville,—en Berry, des Monchy, 128 qui ont des maréchaux de France, ducs et pairs,—en Auvergne, des Scorailles, dont était la duchesse de Fontanges, avaient quitté l'épée pour la charrue. Chaque province et presque chaque vieille race pourraient citer de ces écroulements.[341] Quelle maison plus illustre que celle de Villiers de l'Isle-Adam, le dernier grand-maître de Rhodes? Au XVIIe siècle, «elle est tombée dans une si grande misère, dit encore Vigneul de Marville, qu'on a vu, ces années dernières, à Troyes en Champagne, l'un des descendants de sa maison réduit à charrier de la pierre pour avoir de quoy nourrir son père... J'ai ouy dire à Mr de la Galissonnière, conseiller d'Etat, que lorsqu'il estoit intendant de Normandye, il avoit trouvé dans la recherche de la Noblesse qu'un des plus anciens gentilshommes de cette province et des plus qualifiés estoit réduit à labourer sa terre pour subsister.»[342] Nous verrons ci-après plus d'un autre exemple de ces décadences cruelles, fatalement terminées par une complète déchéance.
«Une famille élevée vient-elle à décroître, dit Mr le marquis de Belleval, elle roule sans s'arrêter 129 jusqu'au bas de la pente.» Et il cite: les d'Amerval, issus des comtes de Boulogne, et les de Bernard, qui finirent dans la roture; les Gueschard, d'ancienne chevalerie, qui vivaient «dans une chaumière du village dont leurs ancêtres avaient été les maîtres pendant des siècles, et n'avaient d'autre ressource qu'une petite pension que leur faisait une famille jadis alliée à la leur»; les Desforges de Caulières, issus d'Adam des Fourges, écuyer, seigneur de Charville-lès-Givet, vivant au XVe siècle, qui avaient contracté des alliances magnifiques et occupé de grandes charges militaires. «Après avoir mené le plus grand état de maison, le vicomte de Caulières ne laissait à son fils que le souvenir de ses prodigalités et de ses splendeurs. Ce fils, pauvre, épousa sa servante et mourut, laissant treize enfants... Aucun d'eux n'a tenté de s'arracher à l'obscurité qui les envahit.»[343]
«Je pense, dit Rabelais avec philosophie, que plusieurs sont aujourd'huy empereurs, roys, ducs, princes en la terre, lesquels sont descendus de quelques porteurs de rogatons ou de coustrets, comme au rebours plusieurs sont gueux de l'hostière, souffreteux et misérables, lesquels sont 130 descendus de sang et ligne de grands roys et empereurs.»[344]—«Il y a peu de familles dans le monde, dit La Bruyère, qui ne touchent aux plus grands princes par une extrémité, et par l'autre au simple peuple.» Georges Dandin, sermonnant son fils, dans la comédie des Plaideurs, déborde de dédain bourgeois pour la noblesse pauvre:
Si l'on écrit jamais une histoire du paupérisme, il y faudra faire une large place à la Noblesse, la place d'honneur. Déchoir ainsi, pour avoir sacrifié tout à son Dieu dans les guerres saintes, à son Roi dans les guerres civiles, à sa Patrie dans les guerres nationales, à ses croyances, à ses traditions, au devoir et au prestige de sa classe, ce n'était pas perdre sa noblesse, c'était l'affirmer, la rehausser même, et ce serait une ingratitude ignoble, une criminelle sottise que de marquer d'une tare les races ainsi tombées. Heu! fuimus Troës! 131 pouvaient-elles dire sur les ruines de leur grandeur; et comme on comprend bien, après ce tableau de misère, cette devise de résignation inscrite sous le blason d'une ancienne tapisserie: Tout est adieu, tout est à Dieu![345]
A l'aventure.—Un varlet devenu roi.—Fortunes extraordinaires.—Guillaume Coquillart.—Chevaliers anoblis.—Valet cordonnier devenant grand trésorier.—Balthazar Pina et Jean le Blanc.—Coup de balai de la Vérité.—Déclaration de Louis XVIII en 1800.—Noblesse militaire.—Fraternité du loyalisme et du patriotisme.—Comment jadis on s'anoblissait soi-même.—Mesure paternelle.
Au moyen âge, les jeunes gentilshommes à l'escarcelle légère partaient à l'aventure, avec l'espoir de faire quelque merveilleuse fortune à la guerre ou dans les cours, d'énamourer et d'épouser quelque gente princesse aux cheveux d'or et aux yeux pers, comme dans les romans de chevalerie. La chronique des temps féodaux fournit maints exemples de ces élévations prodigieuses. Baudry le Teutonique, étant venu à la cour de Richard II, duc de Normandie, «suivant l'usage des anciens chevaliers, qui alloient, partout 133 où se faisoit la guerre, offrir leurs services aux souverains», reçut de la munificence de ce prince des domaines considérables et fut l'auteur de l'illustre maison normande de Courcy.[346] Un «varlet» du comte de Poitou, Guy de Lusignan, était devenu roi de Jérusalem.[347] L'histoire des croisades, en regard de trop nombreuses ruines, relate çà et là d'autres fortunes extraordinaires.[348] C'était à qui se rangerait sous la bannière des princes renommés par leur inclination à récompenser les prouesses par des libéralités «tant d'or que d'argent, dit Froissart, car c'est le métal par quoy on acquiert l'amour des gentilshommes et des povres bachelliers.»[349] Ce chroniqueur de la chevalerie nous apprend que le rêve de tout écuyer était de faire, sur le champ de bataille, quelque grand prisonnier, dont l'énorme rançon lui servît à chausser les éperons de chevalier. Oudard de Renti, ayant fait prisonnier un chevalier anglais, «le rançonna bien et grant». Quand partit le sire de Barclay, fait prisonnier par un écuyer picard, «il paya six mille nobles d'or, et devint le dict escuier chevallier, pour le grant profict qu'il 134 eut de son prisonnier.»[350] Guillaume Coquillart fait ainsi parler «les armes»:
Les non-nobles eux-mêmes faisaient à la guerre de splendides fortunes, comme ces deux frères, l'un et l'autre parvenus au rang de chevaliers lorsque le duc de Bourbon, en 1334, les anoblit en leur donnant par surcroît son nom et ses armes;[352] preuve éclatante que sous «l'ancien régime», il n'était pas nécessaire d'être de noblesse pour sortir de la foule par le chemin de l'honneur. C'est un point d'histoire sociale à toucher incidemment, à cette fin de donner le coup de balai de la Vérité, de la Justice aux préjugés, aux mensonges accumulés par certaine école pour masquer aux yeux du peuple les bienfaisantes splendeurs de la Monarchie traditionnelle.
135 Voici, en 1427, «Pierre Baille, qui avoit esté vallet cordouanier à Paris, et puis fut sergent à verge, et puis recepveur de Paris, et lors estoit grand trésorier du Mayne.»[353] Plus tard, voici «le fils d'un pauvre boullanger, et frère d'un boullanger, devenu chef de la régie des Aydes, riche et considéré, le plus grand travailleur des fermes.»[354] Balthazar Pina, de simple soldat, arriva par sa bravoure au grade de capitaine et fut anobli en 1591; son arrière-petit-fils fut créé marquis de Saint-Didier.[355] Jean le Blanc, de simple gendarme dans la compagnie du connétable de Lesdiguières, devint capitaine de ses gardes, fut anobli en 1602 et reçut pour armoiries un semé de piques d'or en champ d'azur, avec cette belle devise: L'honneur guide mes pas. Un de ses deux fils épousa Geneviève d'Agoult, d'une des plus illustres maisons de la Provence.[356] Hector Caton, major au régiment de Lorraine dès 1636, fut anobli en 1645 pour sa valeur éprouvée.[357] Faut-il rappeler que le chevalier Paul, lieutenant-général 136 et vice-amiral de France sous Louis XIII, était fils d'une blanchisseuse; Fabert, maréchal de France sous Louis XIV, fils d'un typographe; Catinat, maréchal de France, et Duguay-Trouin, fils de bourgeois; Saint-Hilaire, lieutenant-général sous Turenne, fils d'un savetier; Chevert, lieutenant-général sous Louis XV, fils d'un bedeau?
«Voulant, déclarait Louis XVIII en 1800, assurer à la profession des armes, véritable origine de la Noblesse, toute la considération qui lui est due et que l'esprit national y attache, j'abolirai les deux règlements aussi injustes qu'impolitiques, dont l'un affectait à la naissance les places d'officiers, et l'autre confinait dans le grade de lieutenant le soldat que son mérite seul y avait élevé; car je n'oublie pas que parmi les Condé, les Turenne, les Luxembourg, la Monarchie a produit des Fabert, des Catinat, des Chevert, et que la révolution même lui en donnera de nouveaux, non moins propres à illustrer ses armes.»[358]
Louis XVIII condamnait des règlements «aussi injustes qu'impolitiques», innovés, sous le règne 137 de son infortuné frère, par un ministre de la guerre plus zélé qu'habile, et qui mettaient à néant le sage édit de 1750, portant création d'une noblesse militaire, ouverte à tous les services; on peut dire que ce fut la seule injustice que Louis XVI sanctionna de sa signature; mais il en appert sans conteste qu'auparavant tous les grades étaient à la portée du mérite. En effet, dans les fastes des régiments d'autrefois, on voit les officiers de fortune, dans la noble fraternité du loyalisme et du patriotisme, marcher côte à côte avec les gentilshommes de vieille roche; les noms obscurs confondus avec les plus éclatants, et tous les officiers, patriciens ou non, ne connaissant d'autre rivalité que l'émulation de l'héroïsme.[359] Cette chevaleresque émulation entre nobles et bourgeois, notre temps l'a revue dans la douloureuse guerre de 1870, et c'est d'un heureux augure pour la réconciliation si désirable des classes, pour l'avenir de la société française, 138 pour la restauration de notre commune patrie.
Jusque vers le milieu du XIVe siècle, on s'anoblissait soi-même, par la profession des armes; militia nobilitat était un axiome courant;[360] preuve nouvelle que la Noblesse n'était pas un corps exclusif et fermé. Au demeurant, la mesure de n'admettre que le moins possible de non-nobles dans les grades était une mesure paternelle: c'était pour ne pas surcharger le peuple par suite d'exemptions d'impôts; car autant de non-nobles dans les grades, autant d'exempts, autant d'aggravations de charges pour la masse des contribuables, et les villes étaient les premières à réclamer contre la multiplicité des exemptions. Ce fut pour ce motif que Louis XIV supprima l'une des deux compagnies de cent gentilshommes, et Louis XV celle qui restait, «pour diminuer d'autant les privilèges, qui sont toujours à la charge de nos sujets».[361]
Comment on luttait contre la ruine.—Ecuyers de cuisine, maçons généraux, gouverneurs des chiens.—Les Montholon et les Lamoignon.—Avocats gentilshommes.—Avocat et homme d'armes.—Le barreau menait aux honneurs.—La savonnette à vilain.—Procureurs nobles.—Les Thumery.—Notaires et tabellions.—Ecuyers et notaires.—Boutique, puis étude.
Pour quelques-uns que la guerre élevait ou enrichissait, les obligations militaires, inhérentes à l'état de noblesse, étaient la ruine pour la plupart des gentilshommes. Que pouvaient-ils faire pour maintenir leur situation, pour parer aux catastrophes?
Les plus favorisés entraient dans la maison du Roi ou des princes, ne répugnant pas même à des offices auxquels, avec les idées modernes, il semble difficile d'accorder un caractère de noblesse; ou bien ils briguaient les charges publiques, militaires ou civiles: gouverneurs, baillis, prévôts, 140 gardes-du-scel, verdiers, sergents royaux, trésoriers, vicomtes-receveurs, avocats du Roi, grenetiers des greniers à sel, chevaucheurs, etc. C'est ainsi qu'en 1309 Pierre de Hangest est bailli de Rouen; en 1369, un Gontaut, trésorier de Louis, duc d'Anjou; en 1393, Jehanin de Rochefort, chevaucheur du Roi; en 1404, Jehan Aubelet, «sergent d'armes du Roy nostre sire et maçon général de mon dict seigneur»; en 1415, Godefroy de Barville, «advocat du Roy nostre seigneur en la vicomté du Pontautou», et son sceau porte un écu penché, timbré du heaume chevaleresque.[362] En 1432, «Jehnequin Choisel», d'un vieux lignage de Vexin qui était très probablement un ramage de la maison de Choiseul,[363] est, «escuier de cuisine de Loys, Daulphin de Viennoys», et qualifié «gentilhomme» dans des lettres de Charles VII.[364] En 1483, «Jehan de Valence, escuier, gentilhomme de l'hostel du Roy», est «grenetier du grenier à sel de Gisors».[365] Sous Charles VI, l'aîné de la maison 141 de Dreux, issue en ligne directe de Louis VI, est «varlet tranchant du Roy».[366] A Saint-Martin de Chambly en Beauvaisis, sur une pierre tombale était figuré «un chevalier armé», avec cette épitaphe: «Cy gist Litteard de la Tour, escuier, fruictier du roy nostre sire, qui trespassa lan 1293.»[367] Le 3 mai 1390, Charles VI mande à son trésorier de payer 40 francs «à nostre amé et féal chevalier Phelipes de Courguilleroy, pour gouverner les chiens et varlez de nostre très cher et très amé oncle le duc de Bourbonnoys».[368] Les plus instruits, parmi les nobles appauvris, entraient dans les parlements, et quelques-uns, comme les Montholon[369] et les Lamoignon[370], 142 d'extraction chevaleresque, en s'élevant aux plus hautes dignités de justice, eurent l'allégresse de restituer à leur nom tout son antique éclat. D'autres, de moins hautes visées, mettaient à profit leur instruction pour embrasser les professions libérales, généralement lucratives; ils se faisaient médecins, apothicaires, avocats, et, pour eux, ce n'était qu'à moitié déchoir, puisque l'exercice de ces professions n'entraînait pas la dérogeance.
«Les procureurs et practiciens, quoyqu'ils soyent extraicts de noble famille, ne peuvent néantmoings se servir du privilège de la noblesse pour l'exemption des tailles... De mesme n'est pas des advocats, ausquels tant s'en fault que leur qualité et la robe fassent préjudice à leur noblesse, qu'au contraire elle y adjouste suyvant la disposition du droict.»[371] On voit, en effet, des gentilshommes conserver, dans la profession d'avocat, leur qualification nobiliaire; comme, en 1527, «maistre Loïs Blondel, escuier, licentié ès loix, advocat»;[372] en 1551, «maistre Claude du Buisson, escuier, licentié en la faculté des droicts, bourgeoys et advocat à Caen», et, en 1589, «Tanneguy du Buisson, escuier, seigneur 143 de Rommarie, advocat en la cour du parlement de Rouen, conseiller en l'admiraulté du dict lieu».[373] D'aucuns même, tout en étant avocats, faisaient le service de guerre, comme, en 1452, «maistre Jehan de Piceleu», d'extraction chevaleresque, homme d'armes de la compagnie de Pierre de Brézé, grand sénéchal de Normandie.[374] Le barreau menait aux honneurs[375] les éloquents et les habiles, leur ouvrait la porte des parlements et des conseils, et même procurait aux non-nobles ce que le français, né malin, avait surnommé «la savonnette à vilain»: le brevet de «conseiller, secrétaire du Roi, Maison, Couronne de France, et de ses finances». Les avocats exerçant aux justices et juridictions inférieures étaient suspects de dérogeance, parce que la plupart cumulaient avec leur état l'office de procureur;[376] «c'est pourquoi Nicole Mauroy, se disant Noble et extraict de noble lignée, obtint des lettres royaux données à Tours le 3 décembre 1461, par lesquelles il lui fut permis de 144 postuler comme avocat devant le bailly et le prévôt de Troyes, et jouyr de la noblesse; sur cela, l'impétrant eut une sentence à son bénéfice en l'élection de Troyes contre les habitans de la ville.»[377] Le métier de procureur était tenu pour bas, et pourtant la nécessité poussa plus d'un noble à s'y adonner; tels, en 1389, Jehan de Béthisy, procureur en parlement, dont le sceau porte un écu chargé de deux pals sous un chef;[378] en 1481, Jehan de Courcillon, procureur à la Ferté-Bernard;[379] vers 1580, Christophe de la Chassaigne, «contrôleur et élu en l'élection de Nivernois, issu de noble lignée et de prédécesseurs portans le titre de damoiseau», qui «obtint du roi Henri IV des lettres de réhabilitation, données à Nantes en octobre 1593, pour avoir exercé la charge de procureur au bailliage de Nivernois.»[380] Mêmes lettres de François 1er pour Jehan de Thumery, écuyer, enregistrées à la Cour des Aides de Paris le 3 juillet 1542:
«Sur ce que de la partye du dict de Thumery... eust esté dict que de feu Jehan de Thumery, escuier, seigneur de Sainct Goubain en nostre 145 pays de Picardye, qui estoit en son vivant noble personne et vivant noblement, estoient yssuz entre autres enfans deux enfans, François et Jehan de Thumery, dict chevalier, et Bertrand de Thumery, trisaïeul ou proave dudict demandeur, duquel Jehan de Thumery dict chevalier (et lequel fut faict chevalier au moyen de plusieurs faictz darmes par luy faictz en nostre royaulme es guerres par noz predecesseurs conduictes contre les Angloys, lequel nom de chevalier seroit depuys demouré a sa lignée et postérité) seroit yssu Robert de Thumery dict chevalier, duquel Robert seroit yssu Jehan de Thumery dict chevalier du Pont, duquel chevalier du Pont seroit yssu Jehan de Thumery dict chevalier, et dudict Jehan de Thumery seroit aussy issu maistre Anthoine de Thumery dict chevalier, lieutenant du bailly de Vermandoys, et du dict maistre Anthoine seroit yssu Pierre de Thumery dict chevalier, tous lesquels dessus nommez estoient personnes nobles et vivoient noblement, suyvoient noz armes et joyssoient du privileige de noblesse... Lequel demandeur estant noble tant du costé paternel que maternel, après le trespas de son dict père, auroit suyvy lestat de praticque et esté procureur en nostre chastelet de Paris et icelluy estat exercé par aucun temps et jusques autour 146 de Pasques 1538, dès lequel temps il auroit icelluy du tout delaissé pour vivre noblement sans faire aucun acte desrogeant à noblesse; et pour autant que le dict demandeur, en exerçant ledict estat de procureur, auroit desrogé à sa dicte noblesse...»[381] Sur le vu de ces lettres de relief, la Cour des Aides condamna les habitants de Villepreux, qui avaient taxé Jean de Thumery au rôle des tailles.
L'office de notaire et de tabellion ne fut considéré comme dérogeant que vers le XVIe siècle. Il fut un temps, dit Chorier, «où cet art, bien loin de desroger à la noblesse, estoit mesme un exercice noble.» L'édit royal de 1532 «contenoit que les notaires et tabellions n'écriroient plus en latin; qu'ils contracteroient en françois; que ces charges, qui n'ont esté exercées que par des Nobles, l'ont esté enfin indifféremment par toute sorte de personnes, sans considérer leur naissance, leur érudition et leurs mérites.»[382] Du 147 temps de César de Nostradamus, en Provence et dans le Comté Venaissin, «une partie des gentilshommes descendait de notaires, qui contractaient en latin et non en langage vulgaire, étaient gens de sçavoir et avaient rang entre les barons et nobles du pays»; Pierre de Tressemannes, fils d'un notaire, testant en 1463, fit «son héritier Honorat, l'un de ses fils, s'il n'entroit point dans l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dit de Rhodes».[383] L'Armorial de Dauphiné cite un certain nombre de maisons nobles ayant exercé le notariat et le tabellionnage sans déroger.[384] On en trouve aussi en Bretagne, en Normandie, en Berry, un peu partout.[385] Pierre le Roux, en 1527, prend dans les actes les qualités d'«escuier, tabellion de la sergenterye de Moyaux»[386]. Claude d'Urac est qualifié «escuyer et notaire» dans son contrat de mariage du 23 juillet 1542. Noble Bertrand de Rosset, notaire, syndic et archivaire d'Aix en 1421 et 1432, maria sa fille à Isnard d'Agoult, baron d'Ollières, et lui donna en dot, entre autres terres, la baronnie de Belleau.[387] Les 148 noms les plus illustres se rencontrent dans le notariat: en 1257, Oudard de Joinville, clerc, notaire de la cour de Laon;[388] en 1489, Jean d'Ampoigné, «notaire et praticien en cour laye, adjoinct du lieutenant du seneschal d'Anjou»;[389] en 1555, Jean de Louvencourt, notaire à Paris, père de Marie de Louvencourt, femme de Guillaume Pingré, marchand de camelot à Paris, dont une fille mariée à Gérard Colbert, orfèvre;[390] en 1636, André de Maillé, notaire à Changé;[391] en 1745, Charles d'Aligre, notaire à Sours.[392] La «bouticque»[393] du notaire était remontée au rang d'«estude», qu'elle ne devait plus perdre.
Les médecins, enfants gâtés des Rois.—Les médecins à la censure.—Les anoblis par médecine.—Renaud Fréron, premier physicien de Charles VI.—Médecins gentilshommes.—Pluie d'honneurs et de richesses.—Chirurgien-barbier devenu premier ministre.—Les docteurs et la robe rouge.—Les maîtres en physique et la satire.—Favoris de la fortune et favoris de l'infortune.
On a remarqué que la satire de Molière, si dure aux médecins et aux apothicaires, avait épargné les avocats et, en général, les gens de robe;[394] peut-être ne voulut-il pas aller sur les brisées de Racine. Longtemps avant Molière, la malignité s'était exercée contre les médecins, enfants gâtés des Rois, et dont elle tympanisait cruellement l'ignorance.[395] Froissart en médisait avec beaucoup 150 de verve,[396] et Pétrarque en faisait des plaisanteries.[397] Un pamphlet de 1651[398] se terminait par cet avis peu charitable:
Quatre ans après la mort de Molière, Guillaume de Besançon publiait un autre pamphlet non moins virulent, Les Médecins à la censure. L'extraordinaire faveur dont ils n'avoient cessé de jouir depuis des siècles[399] était le secret de cette envieuse animosité. La médecine menait communément aux honneurs les plus grands; aux gentilshommes appauvris elle rendait la fortune et leur rang; aux roturiers elle ouvrait les portes de la Noblesse. «Je suis de la vieille noblesse, dit Béroalde de Verville, non admise par médecine, ni mairie, ni eschevinage, ni lettres.»[400] Les anoblis «par médecine» sont effectivement innombrables. Charles VI combla de biens Renaud 151 Fréron, son «premier physicien», et anoblit sa femme, fille d'un tavernier du Roi.[401] Ce même prince anoblit en 1393 maistre Bernard Coursier, licencié en médecine.[402] Raphaël de Taillevis, médecin du duc de Vendôme, reçut en 1556 des lettres de noblesse.[403] Mr le marquis de Rivoire la Bâtie cite plusieurs médecins dauphinois, les Villeneuve, les Darcier, les Davin, etc., anoblis par Henri III et Henri IV.[404] On ferait un gros livre avec la nomenclature des anoblis «par médecine»; on en ferait un gros également avec la nomenclature des gentilshommes esculapes: René de Fallaque, «escuyer», médecin fameux au XVe siècle;[405] «noble homme et sage Mr Jacques Turgis, chevallier et docteur en médecine qui decedda lan 1483 le 17e mars»;[406] «Salmon de Bombelles, chevalier, conseiller et premier médecin du Roy»[407] en 1509, d'un vieux lignage 152 représenté aux croisades;[408] un Saporta, médecin de Charles VIII;[409] en 1525, Jean du Buisson, écuyer, docteur en médecine, d'une ancienne maison de chevalerie normande, aussi représentée aux croisades;[410] Guillaume de Baillou, médecin au XVIe siècle, de race chevaleresque;[411] Honorat de Castellan, en 1560, conseiller et médecin ordinaire du Roi, premier médecin de la Reine, époux d'Antoinette de Libel, dame d'honneur de la Reine-mère;[412] en 1632, le petit-fils d'Antoine Dubost, écuyer, puis chevalier, est médecin à Lyon.[413] La maison de Montlovier, très ancienne en Dauphiné, «déchut peu à peu du rang qu'elle avait occupé, et nous voyons Joseph de Montlovier, bourgeois de Crémieu, s'établir à Crest, où il fut consul en 1683. Son fils, Louis de Montlovier, se fixa à Vienne où il exerça la médecine.»[414]
153 C'étaient de gros seigneurs que les médecins d'antan, et l'orgueil de ceux qui parvenaient à s'insinuer dans le service de la Cour s'élevait parfois jusqu'à l'insolence.[415]
Tous les honneurs leur pleuvaient, sans parler des richesses, comme l'eau court à la rivière; Arnulphe, 47e évêque d'Amiens, était fils de Roger de Fournival, médecin de Louis VIII et de Louis IX;[416] les chirurgiens mêmes pouvaient prétendre à tout; Pierre de la Brosse, chirurgien-barbier de saint Louis, devint le premier ministre de son fils. Robert du Lyon, médecin de Louis XI, fut gratifié du contrôle général de la recette de Bordeaux, charge très lucrative, avec permission de ne pas quitter la cour[417]; Ange Cato, autre médecin et aumônier de ce prince, fut nommé à l'archevêché de Vienne;[418] Adam Fumée, médecin de Charles VII et de Louis XI, devint maître des requêtes et fut commis par Charles VIII à la garde des sceaux. «Il s'apprend des Mémoires de Mr de Marolles, abbé de Villeloin, que Guillaume, 154 cardinal d'Estouteville, commissaire du roy Charles VII pour la réformation des universités du royaume, permit aux docteurs de la faculté de médecine de porter la robe rouge.»[419] Les grâces pleuvaient encore sur les protégés des médecins; en 1392, par exemple, Jehan le Gentilhomme déclare que «le Roy luy avoit donné la forfaiture de Jehan Ernault, à la prière de messire Bertran du Guesclin, lors connestable, dont Dieu ayt l'âme, et de maistre Gervays Crestien, lors phisicien du Roy».[420] Après ce que l'on vient de lire, comment s'étonner de la morgue des «maistres en physicque», de leurs rapides enrichissements, de leurs sceaux aristocratiques,[421] de leurs fructueux cumuls,[422] de l'arrêt du Conseil du Roi, du 4 janvier 1699, leur confirmant le droit de prendre «la qualité de Nobles»,[423] qu'ils le fûssent ou non? Comment s'étonner surtout 155 que les traits de l'envie et de la satire n'aient pas épargné ces favoris de la fortune? Mais, en pensant aux gentilshommes appauvris, déchus, qui cherchèrent à se relever par la profession médicale, on soupçonne que beaucoup de médecins avaient été d'abord les favoris de l'infortune.
Molière tue les apothicaires.—La vérité sur ses victimes.—Profession non dérogeante.—Nobles apothicaires.—Apothicaires gouverneurs de villes et prévôts des maréchaux.—Maréchal de France, petit-fils d'apothicaire.—Petite-fille d'apothicaire, femme d'un du Guesclin.—Jean l'apothicaire, époux d'une Châtillon.—Le bâton de maréchal et le pilon d'apothicaire.—Comment on commence et comment on finit.—Le coup de pied de l'âne.—Comment on se relevait.
Si Molière, avec l'arme terrible du ridicule, blessa les médecins, ce ne furent pas ses seules victimes; car on peut dire que l'impitoyable comique tua les apothicaires. Aujourd'hui, leur nom n'est plus qu'un archaïsme, nous ne les connaissons guère que par Molière, et la gauloiserie s'accommode complaisamment de ces fausses couleurs. Or, les apothicaires n'étaient pas ce qu'un vain peuple pense; inférieurs aux médecins par la hiérarchie, ils leur furent quelquefois supérieurs par le savoir, et tel apothicaire fut un 157 parfait érudit, entouré d'une grande et légitime considération.[424] Hiérarchiquement supérieurs aux chirurgiens, «ils prenoient leurs degrés dans les universités, et, s'ils n'estoient docteurs, au moins ils estoient licentiés, bacheliers ou maistres aux arts. Dans un tiltre recognu à Angers le 9 septembre 1471, l'apothicaire de René, roy de Sicile, duc d'Anjou et Comte de Provence, prend les qualités de Noble et d'honorable, et tient mesme rang que le physicien ou médecin.»[425] Je surprendrai sans doute plus d'un de mes lecteurs en disant que la profession d'apothicaire, considérée comme un art, ne dérogeait pas à la noblesse, à moins qu'il ne s'y joignît quelque trafic, comme l'épicerie. Entre les innombrables lettres de relief de dérogeance accordées par les Rois, on n'en trouve pas qui visent l'exercice de cette profession. Les descendants d'Antoine Courtin durent se faire réhabiliter, non parce qu'il avait été apothicaire,[426] mais parce qu'il avait tenu des terres en fermage.[427] «Les Roys de France, dit Papon, toutes fois et quantes qu'ils ont fait 158 des édicts des mestiers.., ont tousjours excepté les mestiers et arts des Apoticaires et chirurgiens»,[428] qui ne pouvaient exercer qu'après avoir subi un examen en présence de deux médecins et de douze maistres et prouvé leur suffisance. Au XVIe siècle, comme les grands bourgeois, les apothicaires étaient qualifiés «sire»;[429] au XVIIe, «noble homme»,[430] et même, comme les conseillers au parlement, «monsieur maistre».[431]
On voit au musée du Louvre le sceau de Guillaume de la Blachère, apothicaire du XIVe siècle.[432] La somme de considération dont jouissaient les apothicaires, avant le temps de Molière, nous est indiquée par plus d'un fait significatif. Jehan de Nant, apothicaire du Roi en 1473, reçoit une pension de quatre cents livres, considérable à 159 l'époque;[433] de lui descendait peut-être Charles de Nans, maistre apothicaire de Six-fours, qui fit enregistrer en 1699 ses armoiries, d'or au chevron de sable chargé de 3 aigles d'argent;[434] et il n'est pas hors de propos de noter qu'il y avait une ancienne famille chevaleresque du même nom.[435]
Gervais Neveu, d'abord marchand droguiste apothicaire, fut ensuite gouverneur de Sablé, et résigna son gouvernement, en 1510, en faveur de son fils puîné; l'aîné fut l'aïeul de Roland Neveu, dont la fille unique, Renée, dame d'Auvers-le-Courtin, épousa Gabriel du Guesclin, conseiller au parlement de Bretagne.[436]
En 1505, Claude, reine de France, fait don à Julien Baugé, son apothicaire, de la terre et seigneurie d'Ingrande, près Blois.[437] Jean Maillard, fils d'un apothicaire de Paris, fut reçu auditeur des comptes en 1623.[438] Antoine Courtin, apothicaire 160 en 1628, fils d'apothicaire, fut prévôt des maréchaux de France en 1647.[439] Tel apothicaire reçut des lettres de noblesse, sans discontinuer sa profession,[440] preuve manifeste qu'elle n'était pas dérogeante. Le bisaïeul du maréchal de la Meilleraye, Nicolas Fauques, était apothicaire. «Cela ne prouve rien contre la naissance, dit très justement à ce propos un érudit gentilhomme; nous voyons trop souvent, hélas! les descendants des plus grandes races réduits à de modestes professions, et j'en pourrais citer un grand nombre, si je n'étais retenu par un sentiment de discrétion que le lecteur comprendra.»[441]
On vient de voir un du Guesclin épouser l'arrière-petite-fille d'un apothicaire; voici mieux encore: en 1278, «Chastelaine de Chastillon» est veuve de «Jehan l'apothicaire de Dijon».[442] Il n'est pas douteux que maints nobles appauvris embrassèrent cette profession, tant que la satire moliéresque ne l'eut pas déconsidérée. Le 29 octobre 1390, Charles VI ordonne de payer «à Estienne de Marle, nostre varlet de 161 chambre et apothicaire, ung roolle qui a esté veriffié et signé par nostre amé et féal phisicien maistre Regnaut Freron».[443] En l'église du Saint-Sépulcre, à Paris, se lisait cette épitaphe: «Cy gist honorable homme Blaise Seguier, marchand apothicaire, bourgeoys de Paris», décédé en 1510.[444] Charles de la Chapelle, marchand apothicaire à Montluçon en 1580, était d'une ancienne maison chevaleresque de ce nom.[445] A Saint-Eustache de Paris, au-dessous de deux écussons, se lisait cette épitaphe:
«Cy gist honnorable homme Jacques Blondel, vivant appoticaire du Roy et maistre appoticaire espicier et bourgois de Paris qui deceda aagé de 67 ans le 14e jour de décembre 1621. Aussy gist honorable femme Geneviefve Patin, veufve du dict deffunct.»[446] Il n'est pas téméraire de supposer que cet apothicaire descendait de «noble homme Jacques Blondel», vivant à Paris en 1516 et figurant dans un acte avec des chevaliers 162 de Flandre,[447] et que sa devise, Crescit in adversis virtus, gravée sur sa tombe au pied de son écusson, le rattachait au fidèle écuyer de Richard Cœur-de-lion.—Autre épitaphe, à Saint-Jacques de la Boucherie:
«Cy gist honnorable homme Claude de Baillon, marchand apoticaire et espicier et ancien consul de ceste ville de Paris. Il decedda le 7 de juin 1639. Priez Dieu pour luy!»[448]
Claude de Baillon, apothicaire, espicier, bourgeois et consul de Paris, était le troisième fils de Michel de Baillon, écuyer, petit-fils de Guy de Baillon, guidon de la compagnie d'hommes d'armes du preux La Hire. Et quel était le père de ce Guy? «Pierre de Baillon, chevalier (neveu du mareschal de Baillon), tué à Poictiers en 1356; gist aux Jacobins de Poictiers.»[449] Commencer par le bâton de maréchal, et finir par le pilon d'apothicaire! Quelle instructive addition à faire au triste et curieux chapitre de Mr le marquis de Belleval intitulé: Comment on commence et comment on finit![450] Le Mercure galant, gazette des ruelles de cour, n'était pas tendre aux fils 163 d'Hippocrate, et son éclat de rire semble un écho de Molière:
C'était le coup de pied de l'âne au mérite ou au malheur. Qu'importe la voie de labeur par laquelle on s'élève ou l'on remonte à son rang, si la voie est honorable? On verra dans cette histoire généalogique un apothicaire, petit-fils d'un écuyer, devenir prévôt des Maréchaux de France, commander par conséquent en leur nom à la Noblesse, et se faire chevaleresquement tuer au service de Louis XIV.[451]
Les maréchaux de France, chefs de la Noblesse 164 militaire, étaient les juges naturels du plus précieux de tous les biens: l'honneur! Il faut lire, dans une excellente étude de Mr le Marquis de Belleval,[452] de quel prestige était entouré, «dans une ville de province, chef-lieu d'un bailliage ou d'une sénéchaussée», leur délégué, leur représentant, «personnage devant lequel officiers et soldats se découvrent avec une nuance plus marquée de respect». Dans une étude sur la France d'autrefois, au chapitre de la noblesse déchue par appauvrissement, il y aurait une page singulièrement intéressante à écrire sous ce titre: Comment on se relevait.—Mais tous ne se relevaient pas, surtout si brillamment.
Martyrologe de la Noblesse.—Gentilshommes cultivateurs et charbonniers.—Le chevalier de Pradt.—Le négoce, interdit aux Nobles, réservé au Tiers-Etat.—Femme de gentilhomme, publique marchande.—Jean le Bigot.—Édit de 1669.—Gentilhomme chapelier.—La maison de Vallier.
Que pouvaient faire ceux des Nobles appauvris qui n'avaient pas une instruction suffisante pour devenir avocats ou notaires, médecins ou apothicaires, voire procureurs? Nous allons les voir à l'œuvre, et ce n'est pas une des faces les moins curieuses et les moins instructives de l'histoire, on pourrait dire du martyrologe de la Noblesse. Les uns prenaient à ferme les revenus d'une châtellenie, comme «Guibert de Thiéry, damoiseau, fermier des revenus du château de Saint-Mural»,[453] en 1356, ou étaient receveurs 166 d'opulents seigneurs, comme «Jehan de Brée, escuier»,[454] en 1474. Ceux-ci, voulant au moins pouvoir dire comme Job en sa misère, in meo nidulo moriar, faisaient valoir de leurs mains les terres qui leur restaient. «Est à remarquer, dit un juriste du XVIIe siècle, que ceulx qui ont privilège d'exemption pour la noblesse ou prestrise, ne peuvent estre imposez en la taille contre leur privilège, sous ombre de ce qu'ils travaillent de leurs mains en leurs propres possessions, comme nous avons veu aucuns gentilshommes en ce pays, contraincts par la nécessité de labourer, cultiver et ensemencer les terres, moissonner et battre les bleds y provenus, coupper les boys de tailles, les mettre en fagots et les porter sur leurs dos en leurs maisons.»[455] Ceux-là se faisaient charbonniers, comme le frère du trop fameux abbé de Pradt, «d'une famille très ancienne mais très pauvre, si pauvre que, avant la révolution, le chevalier de Pradt avait dû adopter 167 la profession de charbonnier, qu'un gentilhomme pouvait exercer sans déroger.... Le chevalier faisait donc du charbon qu'il allait vendre lui-même, en sabots et l'épée au côté.»[456] De rares privilégiés obtenaient du Roi l'autorisation de faire valoir des terres par leurs mains sans déroger à leur noblesse, comme François de Saint-Pol, seigneur de la Porte, en 1755.[457]
L'empereur Honorius avait interdit le commerce aux grands, non comme déshonorant, mais «parce qu'ils auraient eu toute facilité pour nuire aux personnes de condition inférieure.»[458] Nos Rois, gardiens-nés de l'honneur chevaleresque et des privilèges de chaque classe, interdirent le commerce aux Nobles pour d'autres motifs. «On ne met pas en doute, dit La Roque, si l'on doit trafiquer de quelque manière que ce soit pour remédier à son indigence, mais si les gentilshommes se peuvent mesler du négoce, parce qu'il semble être réservé au Tiers-Estat, qui se trouve chargé des impositions ordinaires. La Noblesse est née entre les armes, elle s'augmente dans l'exercice de la guerre, et il semble 168 que cette qualité ne peut se conserver en contractant avec des hommes mercenaires, qui passent leur vie dans l'inclination continuelle de s'enrichir.»[459] Ainsi, les Nobles étaient condamnés à passer la leur dans l'inclination continuelle de s'appauvrir, et Pasquier le dit crûment en ces termes: «Quant aux François, ils tiennent non-seulement pour un acte desrogeant à la noblesse, mais mesme pour un crime, d'exercer le négoce, estimant ceste action basse, et ceulx qui s'y portent deviennent poltrons, abandonnans l'ombre des lauriers pour prendre celuy des bouticques.»—«Nos Rois, ajoute La Roque, avoient défendu étroitement à la Noblesse toute sorte de négoce, de peur qu'elle ne s'avilît et ne s'abaissât par ce commerce. Ce fut pour cette raison que François Ier rendit une ordonnance à Aumale en avril 1540, et que Charles IX, tenant ses Estats à Orléans l'an 1560, défendit à tous gentilshommes, comme aux gens d'Église, de trafiquer de marchandise et de prendre ou tenir des fermes par eux ou par personnes interposées, à peine d'être privés du privilège de Noblesse.»[460] Un certain nombre de 169 gentilshommes, aux XVe et XVIe siècles, avaient cru pouvoir s'adonner à quelque commerce «pour se soutenir»;[461] les timorés, sous le nom d'un tiers, voire de leur femme, ce qui conste de la quittance suivante:
«... Gilles Potier, garde du scel des obligacions de la viconté de Caen... Savoir faisons que par devant Colin de Vernay, clerc tabellion juré commis et establi en la ville et banlieue de Caen quant a ce qui ensuit, fut presente Raoulle de Cahengnolles, femme de Jehan Langloys, escuier, seigneur de Cohon, publique marchande, laquelle congnut et confessa avoir eu et receu de honnorable homme pourveu et saige Gilles Alespée, viconte de Caen, la somme de 28 soulz 8 deniers tournoys qui deubz lui estoient pour 23 livres et dem. de plon en table, prinses par le maistre des euvres pour mettre en plusieurs pertus des goutieres des combles de la grosse tour du chastel de Caen... Ce fut fait au lieu acoustumé lan de grace 1412, le 8e jour davril après Pasques. Signé: C. Vernay.»[462]
Vers 1450, Maurice de la Noüe, gentilhomme de Bretagne, qui «se mesloit auculne foys de 170 marchandyse tant à la mer qu'à la terre», prit pour associé Jean le Bigot, qui «devint le plus riche bourgeois de Saint-Brieuc, ville et fors bourgs», et fut anobli en 1480.[463] Ainsi le commerce enrichissait, il anoblissait même, et les Nobles ne pouvaient s'y livrer. Ce ne fut qu'au mois d'août 1669 qu'un édit de Louis XIV, confirmé par la déclaration de décembre 1701 et par l'arrêt du Conseil d'État du 28 avril 1727, leur permit de faire le commerce de mer et le commerce en gros sans déroger à leur noblesse.[464] Après les rigoureuses défenses de François Ier et de Charles IX, quelle ressource restait aux appauvris? Quelques-uns, se cramponnant à leur gentilhommerie, se résolurent à prendre un métier,[465] mais sans abdiquer leur état, comme fit Mr de Vallier, de la branche de Vaulnaveys, dont était Gaspard, maréchal et grand-croix de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, fils de Claude et d'Odette Alleman, qui défendait Tripoli lorsque cette ville fut prise par les Turcs vers la fin 171 du XVIe siècle. «Cette branche, ajoute Mr de Rivoire la Bâtie, tomba dans la pauvreté, et son chef, père de sept fils et de sept filles, voulant pourvoir à son existence et à celle de ses nombreux enfants par son travail et sans déroger, présenta une requête au parlement pour qu'il lui fût permis de s'adonner aux méchanicques, avec promesse de vivre noblement dès qu'il aurait pu gagner une fortune suffisante. Il se fit chapelier, et après avoir réalisé un avoir convenable, il tint sa promesse et vécut noblement. Son petit-fils, qui manquait d'ordre et d'énergie, fut attaqué dans sa noblesse par la communauté de Vaulnaveys, et sut si mal se défendre qu'il succomba dans cette attaque vers 1685.» Plus heureuse fut la branche de By, dont le chef, le comte de Vallier, siégeait en 1789 aux États Généraux parmi les membres de la Noblesse de l'élection de Vienne.[466]
Abdications forcées et déchéances.—Les sires de Chambéry.—Cadets de princes se faisant bourgeois et marchands.—Les Quinson.—La maison de Viego.—Grandeur et décadence des sires de Bardonnenche.—Pierre de Bardonnenche, ouvrier.—Épicerie et chevalerie.—Épiciers seigneurs.—Primò vivendum.—La maison du Terrail.
Grand fut le nombre des gentilshommes que la nécessité réduisit à résigner leur privilège[467], à se réfugier dans les villes,[468] non sans une secrète amertume, à demander aux trafics de la bourgeoisie, à quelque métier, le pain de chaque jour, une laborieuse aisance. Des chevaliers, de grands seigneurs même,[469] s'arrêtèrent à ce parti. On n'ouvre pas un nobiliaire consciencieux sans y rencontrer de ces abdications, trop souvent 173 suivies d'irréparables déchéances. Les Chambéry, antiques dynastes qui, dès le commencement du XIe siècle, étaient seigneurs du château et du bourg de leur nom (plus tard capitale du duché de Savoie), vendirent le bourg au comte Thomas de Savoie, en 1232, et, quelques années après, le château, dernier débris de leur grandeur.
Un de leurs descendants, N... de Chambéry, était en 1411 hôtelier et syndic de la ville dont ses aïeux avaient été les maîtres.[470] Les cadets des princes de Mortagne et vicomtes de Tonnay, étant pauvres, se firent bourgeois et commerçants[471]. Christophle Angenoust, marchand, vivant en 1600, «se disoit noble champenois d'origine».[472] En 1303, Philippe Riboud est chevalier; deux siècles après, les Riboud ne sont plus que bourgeois de Montluel, et qualifiés «honnestes hommes»;[473] Mr de Belleval cite les Grébaumaisnil, ancienne famille noble, déchue au XVIe siècle,[474] si particulièrement cruel aux gentilshommes. Mr de Rivoire cite les Fassion, les Montlovier, les 174 Noir, damoiseaux en 1311, puis «perdus dans l'obscurité», les Nicollet, d'ancienne noblesse, «perdus dans les emplois de basse judicature», les Pélisson, les Quinson. Cette dernière famille, «qui offre de singulières vicissitudes, remonte à Lancelot de Quinson, damoiseau de Sassenage, en 1339». Vincent de Quinson, dit Luce, est qualifié «noble et discret homme» dans son contrat de mariage du 15 janvier 1529 avec noble et honneste vierge Françoyse Naturel... Il paraît qu'il jugea à propos, vu son maigre patrimoine, de s'établir marchand à Villebois pour rétablir sa fortune. Dès lors il prend presque constamment la simple qualification d'«honorable homme[475] Luce Quinson, marchand de Villebois», 175 qualification sous laquelle il fit de nombreuses acquisitions de terres, prés, vignes et bois, son commerce nous paraissant avoir prospéré assez rapidement. Il testa le 24 août 1558 sous le nom d'«honorable homme Luce Quinson, bourgeois et habitant de Villebois», élisant sa sépulture dans la chapelle fondée par ses prédécesseurs dans l'église de Villebois. Il reçut, au mois de décembre 1559, des lettres-patentes du duc Emmanuel-Philibert de Savoie confirmant et reconnaissant son ancienne origine. Guy Allard lui donne le titre de capitaine général de la justice en Bresse et en Bugey. Son fils aîné, noble Antoine de Quinson, marié à dlle Françoise de Gorras, fille de noble Humbert de Gorras, bourgeois de Lagnieu, fut gentilhomme ordinaire de la maison du duc de Savoie.[476]» Un érudit normand, Mr Amédée du Buisson de Courson, membre honoraire du Conseil Héraldique de France, cite un gentilhomme du XVIe siècle qui, s'étant voué au commerce, acquit de grands biens, et 176 dont les enfants obtinrent des lettres de réhabilitation de noblesse[477]. Voici les Viego, maison chevaleresque connue dès le XIIIe siècle, ayant eu un chanoine comte de Lyon en 1390: «Toutes ses branches étoient éteintes en 1660, dit le Laboureur, à l'exception d'une, laquelle ayant dérogé, celuy qui reste de cette branche ayant achepté le fief de Rapetour, ancien bien des Viego, médite aujourd'huy sa réhabilitation, que je luy souhaite, pourvu qu'il use mieux des titres qui luy ont esté remis par son vendeur, et principalement d'un inventaire de ces titres, lequel, avec ce que j'en ay recouvré d'ailleurs, auroit donné beaucoup de lumière à cette maison, véritablement noble, mais avilie et obscurcie par la pauvreté et le temps.»[478]
Les seigneurs de Bardonnenche du XIe au XIVe siècle, ne relevant que de Dieu et de leur épée, étaient à peu près souverains dans leurs domaines. La pauvreté atteignit cette race périllustre, mais sans lui ravir la fierté de la noblesse de son origine; elle portait haut son écu sans tache ni souillure. «Elle vint à Saint-Etienne vers la fin du XVe siècle, s'efforçant d'oublier la grandeur 177 des souvenirs qui jusque-là avait occupé ses pensées, et tâchant que personne ne pût reconnaître en elle cette noble race qui se montra si belle, dès le commencement où elle apparaît au fond des premiers temps de la féodalité. Elle y réussit complètement; pendant un siècle, elle y végéta entièrement inconnue; car il est à remarquer que toutes ces familles dépaysées n'ont pu se résoudre, dans les commencements, à se mêler des affaires publiques et vivre de la vie commune. Elle tirait son nom de la vallée de Bardonnenche, qu'elle possédait déjà au XIe siècle, et n'avait jamais reconnu d'autre suzerain que le chef de l'Empire, à qui elle prêtait foi et hommage. Ce ne fut qu'au XIVe siècle que cette puissante famille s'avoua vassale des Dauphins; elle s'était tellement accrue que la terre de Bardonnenche se trouva divisée en coseigneuries, qui appartenaient à trente chefs de famille du même nom, dont le Dauphin reçut l'hommage en 1330.» Dans le terrier de la ville de Saint-Etienne, en 1515, est mentionné «Pierre de Bardonnenche, ouvrier»;[479] le quatrième de ses petits-fils, aussi nommé Pierre de Bardonnenche, commença par tenir un magasin d'épiceries à 178 Limoges, et le transféra ensuite à Saint-Etienne, probablement en 1612, après la mort de Jacques, son frère aîné, par l'inventaire duquel on voit qu'il faisait un énorme commerce d'épiceries». La grande fortune que fit Pierre de Bardonnenche «porterait à croire qu'il tenait les deux maisons de commerce de Limoges et de Saint-Etienne. Sa fortune s'élevait, à sa mort, à la somme, fabuleuse alors pour Saint-Etienne, de 324.000 livres. Il testa le 6 avril 1637, et légua mille livres à l'Hôtel-Dieu et trois mille livres pour marier de pauvres filles... Son nom, éteint depuis plus de deux cents ans à Saint-Etienne, s'est pourtant conservé dans celui d'un très vaste domaine situé dans la montagne de Sorbier, encore appelé Bardonnenche.»[480]
Si le privilège de la noblesse consistait à payer l'impôt du sang et à se ruiner, on voit que le privilège de la bourgeoisie était d'une tout autre nature. L'épicerie rendait amplement tout ce qu'avait coûté la chevalerie, et je m'imagine qu'ils étaient aussi de bon lieu, «Eustache Langloys, bourgois et espicier de Sainct-Omer», qui, en 1300, revêtait ses quittances de fournitures, 179 «de dragée blanche et de sucre» de son scel, portant un écu chargé d'une épée de chevalier;[481] «Guérin de la Clergerye, espicier bourgois de Paris, seigneur de Montrouge», en 1351;[482] et cet autre qui rend aveu féodal en 1454: «De vous noble homme monseigneur Guillaume de Thouars... je Jehan Ligier, espicier, tiens et advoue a tenir a foy et hommaige simple...»[483] Et encore «Jehan Noble, espicier et vallet de chambre du Roy nostre sire», qui, en 1371, donne quittance munie de son scel armorié.[484] Primo est vivendum, et l'épicerie servait, par surcroît, à redorer le blason. Ces nobles épiciers firent-ils pas mieux que de se plaindre, et de choir, par exemple, aux degrés les plus infimes de la domesticité,[485] dans la basse bohême, sur les tréteaux de comédiens nomades,[486] ou de s'ensevelir dans les ténèbres de la roture, comme 180 la branche aînée du lignage du «chevalier sans peur et sans reproche»?[487]
La particule nobiliaire.—Sa signification, son caractère.—Répudiations significatives.—Les embourgeoisés.—Jean de Béthisy, procureur.—Marchands qualifiés nobles.—Déchus, mais répugnant aux mésalliances.—Changements d'armoiries.—Blasons improvisés.—Calembourgs et rébus héraldiques.—Le hareng des Harenc.—La harpe des Arpajon.—La maison de Mun.—La belle des belles.
Un arrêt de la cour de Lyon, du 24 mai 1865, dénie à «la particule» le caractère nobiliaire; opinion manifestement en désaccord non seulement avec le préjugé public, mais avec certains actes de la puissance souveraine,[488] et des jugements autorisant des nobles ou des anoblis à faire précéder leur nom de la particule, considérée comme une des prérogatives stipulées dans les lettres de maintenue ou d'anoblissement. Il n'est pas contestable que la particule n'avait pas autrefois 182 une signification exclusivement nobiliaire, mais il n'est pas non plus contestable qu'elle impliquait généralement la possession terrienne, et par suite revêtait un caractère féodal; sinon, comment expliquer ce fait que la plupart des Nobles appauvris, en s'agrégeant à la bourgeoisie, dépouillent leur nom de la particule?[489] Pourquoi répudier ce préfixe, s'il n'avait pas un sens nobiliaire? Il est à noter que les répudiations de cette nature, comme de toutes qualifications féodales, coïncident, de la part des «embourgeoisés» avec la rupture de l'antique harmonie entre la noblesse et la bourgeoisie, avec l'éclosion de l'antagonisme entre les châteaux et les villes. Auparavant, les Nobles bourgeois conservaient généralement leurs qualifications nobiliaires; ce fut en devenant un corps homogène que la bourgeoisie devint exclusive, jalouse de sa dignité propre, avec cette fierté que donne communément la richesse. Comment expliquer encore, si l'on refuse au «de» le caractère d'une prérogative, que les Nobles, qui avaient quitté la particule en se faisant 183 bourgeois, s'empressent de la reprendre lorsqu'enrichis par le négoce ils se réagrègent à la Noblesse? Nous avons vu «noble homme Luce de Quinson», descendant d'un damoiseau de Sassenage, s'établir marchand à Villebois vers 1530, et ne plus s'appeler dès lors que «honorable homme Luce Quinson»; il meurt laissant de grands biens à son fils, «noble Antoine de Quinson».[490] Les exemples de l'espèce abondent, comme aussi ceux de gentilshommes déchus, à qui le public persistait à donner la particule, mais qui la retranchaient de leur signature. «Jehan de Bethisy, procureur en parlement», ainsi dénommé dans un acte de 1389, le signe «Bethisy Jn»[491]; en 1411, «Raoul de Guissart, clerc tabellion juré en la viconté de Rouen», signe «R. Guissart»; en 1415, «Jehan de Villeneuve, viconte de leaue de Rouen», signe «Jn Villeneuve»; en 1419, «Guillemin de Villehier, clerc de la vénerye de Mons. le duc d'Orléans», signe «G. Villehier».[492]
Aux XIVe et XVe siècles, dans quelques provinces, 184 il n'est point rare de rencontrer des «marchands» qualifiés «nobles», comme par exemple, «noble homme Louis Chappuis, bourgeois et marchand de Condrieu», ainsi qualifié dans son testament du 10 août 1435;[493] puis, lorsque s'accentue l'exclusivisme de la bourgeoisie, les fils ne sont plus qualifiés qu'«honorables». Généralement, ces familles marchandes, d'extraction noble, s'alliaient entre elles, sans doute parce que, malgré leur décadence, elles répugnaient aux mésalliances. Louis Chapuis, que je viens de citer, avait une sœur mariée à Jean de Genas, bourgeois de Lyon, et trois filles, l'une abbesse de Sainte-Colombe, les deux autres mariées à Jean de la Colombière, bourgeois de Valence, et à Jean de Chaponay, bourgeois de Lyon, toutes nommées dans son dit testament.
Un autre fait, non moins frappant que l'abandon de la particule par les Nobles embourgeoisés, c'est l'abandon des armoiries de leur race, comme s'ils eussent appréhendé de les commettre en se déclassant, ou voulu peut-être affirmer ainsi, aux yeux de leurs nouveaux pairs, la sincérité de leur abdication. J'ai recueilli de nombreux exemples de ce fait. Les néo-bourgeois 185 prenaient généralement des armoiries en rapport avec leur transformation sociale, le plus souvent allusives à la profession qu'ils embrassaient, ou partiellement empruntées de celles de la ville dont ils devenaient habitants. Beaucoup de ces blasons improvisés constituaient de véritables calembourgs héraldiques, «armes parlantes» que n'a pas épargnées l'éclat de rire de Rabelais.[494] La mode pourtant n'en était pas neuve: au XIIIe siècle, les Harenc quittèrent un instant leurs trois croissants pour mettre sur leur scel un hareng[495]; à leur oiseau de proie, harpago, qui déjà constituait des armes parlantes, les sires d'Arpajon substituèrent définitivement une harpe.[496] La maison de Mun, d'ancienne chevalerie, représentée aux croisades, et dont l'éclat séculaire est si brillamment ravivé de nos jours, a pour blason un «monde d'argent», en latin mundus, armes parlantes. L'écu des Chabeu, au XVe siècle, avait pour supports un chat et un bœuf.[497] Un des plus curieux exemples de rébus héraldique est celui-ci: Gérarde Cassinel, dame de Pomponne, femme de Bertrand de Rochefort, était la belle 186 des belles de la cour de Charles VI; «le Dauphin Louis, s'en allant avec le roy son père au siège de Compiègne en 1414, fit broder sur son étendard un K, un cigne et un L pour désigner le nom de cette belle personne.[498]» Les «armes parlantes» avaient, comme on voit, d'illustres précédents. J'ajoute qu'on les répudiait communément, lorsqu'ayant fait ses «choux gras» dans le négoce on entrait ou rentrait dans la Noblesse, pour arborer soit le blason de sa race, soit celui de quelque fief acquis par alliance ou par achat.[499]
La multitude des réhabilités.—Geoffroy de Chantepie, marchand, petit-fils d'un preux chevalier.—Les Lingendes.—Louis de la Chapelle fait le commerce et ne s'appelle plus que Chapelle.—Gabelou de sang royal.—Les descendants de la famille de Jeanne d'Arc.—Comment on perdait la notion de sa noblesse.—Les d'Allard.
Pour donner une idée du nombre des familles nobles qui renoncèrent à leur état pour s'adonner au commerce, il doit suffire de noter que, pour la seule province de Normandie, on trouve au Cabinet des titres deux volumes in-folio de lettres de relief de dérogeance octroyées sous le seul règne de Louis XIV. Dans tout le royaume, ces renonciations furent aussi nombreuses, et presque toutes se produisirent dans le courant du XVIe siècle, lorsque la Noblesse, déjà si appauvrie par deux siècles de croisades et trois cents ans de guerre contre les Anglais, reçut le coup de grâce des guerres de religion. Un livre singulièrement 188 instructif sur les vicissitudes des familles nobles serait le recueil des lettres de réhabilitation obtenues par celles qui eurent la fortune de se relever.
Le 12 mai 1548, Geoffroy de Chantepie, marchand de Rouen, est réhabilité dans sa noblesse, ayant établi par documents filiatifs qu'il était «arrière-petit-fils de messire Jehan de Chantepie, chevalier, seigneur de Pontécoulant et aultres lieux, tué devant Caen par les Anglois, à qui il avoit faict lever le siège du Mont Sainct Michel.»[500]
Au mois de décembre 1646, «Jean de Lingendes, évesque de Serlat, Antoine de Lingendes, écuyer, seigneur de Bourgneuf, l'un des gentilshommes ordinaires du Roy et de la Reyne, Nicolas de Lingendes, maistre d'hostel du Roy, Charles de Lingendes, aussy maistre d'hostel ordinaire, et Jehan de Lingendes, conseiller au presidial de Moulins et maistre des requestes de la Reyne, tous originaires de Bourbonnois, exposent qu'ils sont issus de noble et ancienne race; que Guillaume de Lingendes reprit en hommage-lige du comte de Clermont ce qu'il avoit aux paroisses de Thiel et de Marry l'an 1300; un 189 autre Guillaume de Lingendes, aussy damoiseau, fit hommage, l'an 1342, de mesme que Hugues de Lingendes, à Pierre, duc de Bourbon; mais Jean de Lingendes, leur trisayeul, contraint par la nécessité, se retira au lieu de Chartrolles où il fut notaire, de mesme qu'Antoine de Lingendes, son fils, qui fut outre cela châtelain, procureur fiscal et greffier de plusieurs justices particulières de seigneurs, et eut pour fils Jean de Lingendes, seigneur de Bouzeaux, lieutenant criminel en la seneschaussée de Bourbonnois, et père d'Antoine, Pierre et Michel de Lingendes, lequel Antoine fut secrétaire de la Reyne de Navarrhe, puis de la Reyne Louise, et trésorier du domaine de Bourbonnois, dont est issu Anthoine de Lingendes, demeurant en l'élection de Rouanne, l'un des suppliants. Quant à Michel, comme il estoit cadet avec peu de bien, il fut obligé de faire le négoce affin de mieux élever es bonnes lettres, comme il a fait, le dict Jean de Lingendes, évesque de Sarlat, Nicolas et Charles de Lingendes, ses enfans. Et Pierre de Lingendes, le second fils de Jean lieutenant criminel, fut receveur général des finances à Moulins, intendant des Reynes Elisabeth et Louise en Bourbonnois, et eut pour fils Gilbert de Lingendes, autre suppliant...» Sur cet exposé, 190 les suppliants obtinrent lettres de réhabilitation de noblesse.[501]
Autres lettres du mois de janvier 1700: «Nostre très cher et bien amé Louis de la Chapelle nous ayant très humblement faict remonstrer qu'il est de l'ancienne famille de la Chapelle», et qu'il descend de Louis de la Chapelle qui «fut tué à la bataille de Jarnac et ne laissa qu'une fille qui fust mariée au comte de la Suze»; et le dit Louis eut un frère, René, qui fut l'aïeul de «Louis de la Chapelle, lequel s'estant habitué en nostre ville de Laval, où il s'engagea dans un gros commerce, retrancha de son nom de la et s'apella seulement Chapelle»; lequel Louis était l'aïeul de l'exposant «qui est avocat en nostre parlement et procureur fiscal au comté pairie de Laval... Mais, parce que Louis de la Chapelle, aïeul de l'exposant, a, par le commerce qu'il a faict, dérogé à sa noblesse et que l'exposant a pris des fermes...», Louis XIV lui octroie sa réhabilitation, et le juge d'armes lui reconnaît pour armoiries «celles qui ont esté portées de tout tems par ceux de sa famille et qui sont un escu d'argent à 9 mouchetures d'hermine de sable posées 3-3-2-1.»[502]
191 Le commerce et les fermes permirent donc à beaucoup de dérogeants de se réhabiliter; mais combien de nobles familles sombrèrent jusque dans les bas-fonds de la société! Mr le marquis de Belleval cite un pauvre gabelou du nom de la Cerda, d'extraction royale. Les derniers représentants directs de la famille de Jeanne d'Arc sont aujourd'hui, à Paris, l'un brigadier des douanes, l'autre emballeur, et portent avec un légitime orgueil le nom de «Dulys». Toutes les provinces, tous les temps ont vu de ces ingrates déchéances. Heureux encore ceux des appauvris qui gardaient le souvenir de leur noblesse première; mais parfois il s'oblitérait, soit parce que la famille s'enfonçait de plus en plus dans les ténèbres de la roture,[503] soit parce que le fils, ayant perdu ses parents au berceau, n'avait pu recueillir de leur bouche le patrimoine des traditions de la race. L'histoire de la famille d'Allard présente un exemple frappant de ce fatal oubli, réparé par un heureux hasard.
192 «Factum pour Claude Allard, escuyer, sieur des Tournelles, conseiller du Roy, controlleur général des finances à Lyon, appelant d'un jugement de Mr Dugué, intendant de la généralité de Lyon, du 3 mars 1668, luy deffendant de prendre la qualité d'escuyer à l'advenir,—et pour Denys Allard, escuyer, sieur de Paradis, seul Escuyer de Mademoiselle, intervenant.
«... Estant en la ville de Paris pour relever son appel, rappelant auroit appris que feu Pierre Allard, son père, qui l'avoit laissé en bas-âge, sans avoir pu luy donner connoissance des poursuites qu'il faisoit en la Cour des Aydes de Paris pour se faire relever de la dérogeance de Denys Allard son ayeul, avoit mis les titres de sa famille entre les mains d'un procureur pour poursuivre l'enregistrement des lettres qu'il avoit obtenu contre la dérogeance dudit Denys Allard, lesquels titres l'appellant ayant retiré, il a connu qu'il estoit noble d'extraction et d'ancienneté, au lieu qu'il ne croyoit l'estre que par le privilège de la charge que son ayeul et son père avoient possédé avant luy, et les ayant produit sur son appel, il a fait voir: que le dit Pierre Allard, controlleur général des finances à Lyon, est fils de Jean Allard, pourveu de la mesme charge, et de Toussainte Doment; que ledit Jean estoit fils 193 de Denys Allard et de Catherine Baraillon; que ledit Denys estoit fils de Louys Allard et de Marguerite du Taillot; que le dit Louys estoit fils de Pierre Allard et de Magdelaine de Villemond; et que ledit Pierre estoit fils de Jacques Allard et de Marguerite de Sainte-Colombe. Et pour justifier que ledit Jacques Allard vivoit noblement, estoit qualifié noble et seigneur de Mexiliac en Vivarez, dès l'année 1458 qu'il avoit espousé damoiselle Marguerite de Sainte-Colombe, l'appellant a produit, etc.»[504]
La plus ancienne vérification de noblesse.—Recherches des usurpateurs.—La recherche de Montfaud.—Vexations et persécutions.—Nobles imposés à la taille.—Procès dispendieux.—Le privilège des bourgeois.—Louis XI, «ce bon rompu de Roy».—L'édit des francs-fiefs et ses conséquences.—La déclaration de 1661.—Renoncements douloureux.—Avidité des traitants.—Supercheries généalogiques.—Sentences trop rigoureuses.—Misères des réhabilités.—L'émigration.—C'est la révolution qui a fait de la Noblesse une classe fermée.—La restauration nationale.
La plus ancienne vérification de noblesse que nous connaissions est de l'an 1262: un arrêt déclare que Pierre aux Massues, chevalier, est digne d'être chevalier, attendu qu'il a prouvé que son aïeul, Jehan de Champougnes, l'avait été.[505] Ces vérifications, individuelles ou collectives, étaient justes, nécessaires, utiles aux peuples, puisqu'elles avaient pour but et pour effet 195 d'empêcher les usurpations de noblesse et par suite de restreindre le nombre des privilégiés, exempts du paiement des tailles. La recherche des usurpations fut souvent réclamée soit par les collecteurs responsables des impositions, soit par les élus des villes ou les États généraux, et plus tard par les intendants des provinces. La recherche de Raymond de Montfaud en Normandie, en 1463, est particulièrement connue, et fit rentrer dans la catégorie des taillables plus d'un geai paré des plumes du paon. Les nobles, ou se disant tels, de la province du Maine, durent comparoir, en 1518 et 1540, devant les élus du Mans et produire leurs preuves. Défenseurs intéressés des populations, les élus n'hésitaient pas à taxer au rôle des tailles quiconque, fût-il de l'extraction la plus incontestablement noble, faisait ou seulement paraissait faire acte de trafic, et leur âpreté dégénéra fréquemment en persécution: il suffisait que l'on fût absent, retenu loin de ses terres par le service du Roi, par la guerre ou toute autre cause, pour être inscrit, à son insu, parmi les taillables, et, à son retour, forcé de soutenir contre les élus un procès toujours dispendieux. De lettres données, le 3 octobre 1441, par Charles VII à Thibaut de Cherbaye, il appert que «Michel, son père, aiant esté conservé 196 en ses droictz de noblesse de tout tems, mesme par sentence donnée par les commissaires lors deputez par le roy Charles VI, et luy s'estant retiré dans la ville d'Angiers à cause de sa vieillesse et guerres des Angloys, les habitans de la dicte ville l'aiant imposé en quelques emprunts, il auroit obtenu aultre sentence conservatrice de sa quallité...»[506] Mr Borel d'Hauterive relate un curieux exemple de noble imposé à la taille, et réhabilité dans son droit.[507] En 1525, les élus de Lisieux «imposèrent aux tailles Jean, seigneur d'Annebaud et de Brestot, père de Claude, maréchal et amiral de France, lieutenant général au gouvernement de Normandie, et de Jacques, cardinal du Saint-Siège, évêque de Lisieux, grand aumônier de France, pour avoir herbagé et engraissé des bœufs sur l'une de ses terres, en intention, comme l'on croit, de les revendre. Cela n'étoit proprement qu'une œconomie qui n'est pas si odieuse en effet qu'elle est en apparence, et nos Rois relèvent avec justice ceux qui la pratiquent».[508] On croit rêver quand on lit l'indulgente atténuation de Gilles-André 197 de la Roque, et cette réflexion vient à l'esprit que le privilège des bourgeois était autrement sérieux que le privilège des Nobles. Si les élus, sous un prétexte si parfaitement absurde, se croyaient en droit de tailler de si hauts et puissants seigneurs, que ne devaient-ils pas se permettre envers les gentilshommes de moindre envergure, appauvris, ruinés, obligés de vivre des fruits de leur domaine amoindri?
Dans la deuxième moitié du XVe siècle, les rangs de la Noblesse étaient si clairsemés et le nombre des roturiers possesseurs de fiefs, et se dispensant de payer les tailles,[509] si grand que Louis XI, «ce bon rompu de roy», comme l'appelle Brantôme, voulut faire d'une pierre deux coups: le célèbre édit des francs-fiefs eut ce double effet de régulariser l'état des nouveaux fieffés et de remplir les caisses du Trésor; et même il advint ce fait curieux que, pour s'épargner les frais de la recherche de leurs preuves et d'une 198 instance en maintenue de noblesse, d'excellents gentilshommes préférèrent légaliser leur possession d'état en acquittant la taxe des francs-fiefs.[510]
Le 8 février 1661, Louis XIV rendit une «Déclaration pour la recherche et condemnation des usurpateurs de noblesse, à l'honneur des véritables gentilshommes et au soulagement des autres subjets taillables du Royaume».[511] Cette déclaration, et les suivantes qui la confirmèrent en l'aggravant, jetèrent dans les rangs de la Noblesse un trouble si profond qu' «un grand nombre de gentilshommes, pour échapper aux taxes de la capitation afférentes aux titres héraldiques qu'ils portaient, déclarèrent se désister des titres dont ils s'étaient honorés jusque-là;» rien qu'en Bretagne, «on compta jusqu'à 67 199 gentilshommes, chefs de nom et d'armes, qui renoncèrent à leurs titres héraldiques.»[512] Chaque province vit de ces abdications. «Lors des réformations de noblesse,—mesures purement fiscales, équitables dans leur principe, mais faussées dans l'application par les commissaires royaux, la plupart bourgeois revêches, portés à transformer leur mandat de recherches en tactique de vexations,—bien des familles anciennement et authentiquement nobles, trop pauvres pour subvenir aux frais de revendication de leur état, trop fières pour avouer leur pauvreté, obsédées, abreuvées de dégoûts et de persécutions, préférèrent se laisser dépouiller sans bruit de leur prérogative héréditaire.»[513] A côté des intendants commis à la recherche des usurpateurs, il y avait les traitants, qui, ayant affermé le produit des poursuites, les exerçaient avec une activité dévorante, avec une rigueur d'injustice qui, plus d'une fois, leur attira de sévères mercuriales. En 1700, le premier président du parlement de Paris dit à l'avocat des traitants, au sujet de la famille du poète Boileau, laquelle établissait par titres authentiques 200 que sa noblesse remontait à l'an 1342: «Le Roy veut bien que vous poursuiviez les faux nobles de son Royaume, mais il ne vous a pas donné pour cela permission d'inquiéter les gens d'une noblesse aussi avérée que sont ceux dont nous venons d'examiner les titres. Que cela ne vous arrive plus!»[514] Allez, et ne péchez plus! mais les traitants continuèrent à pécher, et à faire de l'eau trouble,—pour y pêcher. Toute famille appelée à faire ses preuves devait justifier d'un partage noble remontant au moins à cent ans, et produire, pour le courant du XVIe siècle, au moins trois actes originaux, et deux pour les siècles antérieurs. Il fallait être bien riche pour se lancer dans des recherches ardues, dans la reconstitution des preuves, toujours si difficile, lorsque les documents probatifs, chartes, contrats, aveux, pierres tombales, étaient épars dans vingt endroits; combien le temps en avait détruit, et les guerres, et les accidents ordinaires de la vie! S'il y avait eu dérogeance, il fallait prouver cent ans de noblesse antérieurement au dérogeant; preuve presque toujours impossible à faire lorsque la famille était originaire d'une 201 province, éloignée de celle où elle se trouvait établie depuis moins d'un ou deux siècles. L'ingéniosité de paléographes complaisants vint au secours des persécutés; parfois des preuves furent fabriquées de toutes pièces; plus communément, on se contenta de copier les actes authentiques de la famille en cause, mais en les antidatant, de manière à atteindre la somme d'années nécessaire pour être maintenu ou réhabilité; par malheur, on avait affaire à forte partie, et les collections des d'Hozier, notamment celle des Carrés, abondent en constatations de ces supercheries, trop souvent mises au service de droits moralement évidents, mais dénués de preuves matérielles.
Certaines sentences des commissaires royaux apparaissent empreintes d'une rigueur odieuse jusqu'à l'iniquité: Philippe du Bois, écuyer, seigneur de Chevillon, établit qu'il était fils de Claude du Bois, écuyer, seigneur de Chevillon, et petit-fils de François du Bois, écuyer, seigneur de Chevillon, «la maison duquel où estoient les tiltres et pièces justificatives de leur noblesse, fust bruslée et pillée pendant la Ligue; et que le dict Francoys estoit fils de Christophle du Boys, escuier, seigneur de Chevillon.» Ce qui n'empêcha pas l'intendant Caumartin de condamner 202 Philippe du Bois,[515] encore que sa mère fût une Le Febvre, mais sans doute pas une Le Febvre de Caumartin. Et pense-t-on que les maintenus ou les réhabilités, pour avoir à grand labeur et grands coûts obtenu des «lettres royaux» ou des sentences favorables, fûssent dorénavant à l'abri des recherches, des dépenses et des persécutions? Telle famille, comme les Billeheust, de 1661 à 1781, pourrait exhiber une douzaine d'arrêts de maintenue.[516] Les d'Allard,[517] les Courtin du Forez,[518] les Champagny[519] en comptent également une série. Quand on croyait tout fini, tout était à recommencer, et chaque fois il fallait payer pour être considéré.... comme Noble. Louis XIV, au mois de décembre 1692, révoque toutes les réhabilitations; en 1696, déclare que les réhabilités seront confirmés en payant finance; en 1698, qu'ils produiront les titres justificatifs de leur noblesse; en 1703, qu'ils seront tenus de rapporter les dits titres depuis 1560; en 1710, révocation générale des confirmations.[520] Jusqu'au 203 règne de Louis XIV, les réformations avaient été simplement fiscales et répressives; la bascule des édits contradictoires, l'avidité des traitants, la rigueur des intendants donnèrent à la réformation du XVIIe siècle un caractère lamentable d'aggression, dont eut plus particulièrement à souffrir l'ancienne Noblesse, la Noblesse d'épée, parce que son ancienneté même et ses vicissitudes rendaient plus difficile la production de ses titres. Et que d'anomalies dans les décisions des commissaires royaux! Jean-Louis de Cabannes,—frère aîné de Jean-Jacques de Cabannes de Lanneplan, maintenu dans sa noblesse en 1696,—est classé comme «roturier» dans une convocation de ban faite, au même temps, par l'intendant de Guyenne. En 1715, la maison de Cabannes est condamnée pour usurpation de noblesse dans une de ses branches, tandis qu'elle est maintenue dans trois autres par plusieurs ordonnances des intendants. Pour se délivrer des persécutions, elle acquit à beaux deniers une confirmation, qui fut annulée presque aussitôt par l'édit général de 1710.[521] C'est une tache au soleil du grand Roi, une tache d'injustice et d'ingratitude, que cette mise en coupe réglée de 204 la Noblesse, déjà si appauvrie par des siècles de généreux sacrifices, et livrée, comme une proie fructueuse, aux serres des traitants. Moins de cent ans après, la révolution achève l'œuvre de persécution et de spoliation; la Noblesse prend le chemin de l'émigration, autre voie d'honneur et de misère. On a pu la comparer, privée de sa suprématie sociale, «à ces grands chênes que l'orage a déracinés, et qui languissent desséchés sur la terre qui les a longtemps nourris».[522] La comparaison n'est plus exacte: en faisant de la Noblesse une classe fermée, la révolution l'a bien involontairement replacée au dessus du corps social. «Dans les autres pays, la Noblesse ouvre régulièrement ses portes à toutes les sommités nationales; une démocratie, encore plus maladroite qu'envieuse, les a fermées complaisamment sur un petit cénacle qui la laisse se morfondre au dehors. C'est une des mystifications les plus singulières dont l'histoire fasse mention.»[523] Aujourd'hui, cent ans après le cataclysme qui noya dans le sang les fanges du XVIIIe siècle, la Noblesse n'a pas perdu son salutaire prestige; elle apparaît comme une des pierres d'attente de 205 la restauration nationale, de cette Monarchie, traditionnelle par son principe, moderne par son fonctionnement, qui renationalisera, pour ainsi dire, plus intimement la Noblesse en rouvrant ses portes à tous les mérites.
Négligence coutumière des familles nobles.—Impedimenta généalogiques.—Il ne faut rien détruire.—Les ennemis intimes des parchemins.—Gargousses et pots de confiture.—Les changements de nom.—Onomastique de la géographie féodale.—Piété familiale.—Les Lusignan, les Vezins, les Milly.—Les croisés en Terre-Sainte.—Combien j'ai douce souvenance.—Peau neuve.—Fourmilière d'homonymes.—Écart social.—Le train de l'humanité.
«La Noblesse, écrivait en 1743 le président Chevalier, a été dans tous les tems si distinguée, tant par le lustre et la prééminence qu'elle donne à ceux qui en sont décorés, que par les privilèges particuliers qui y sont attachés, que je ne puys assés m'étonner qu'il y ait des personnes assés peu curieuses de cet honneur pour négliger ce qui le peut conserver; c'est cependant ce qui se rencontre aujourd'huy très communément, et il y a quantité de familles très anciennes et très respectables, lesquelles, si elles 207 étoient obligées de justifier leur noblesse, se trouveroient très embarrassées, n'ayans en leur possession aucuns titres de leur famille.»[524]
«La famille qui a le plus d'intérêt à la conservation de ses titres, dit Dom Caffiaux, n'est pas toujours la plus attentive et la plus vigilante, et souvent les titres déplacés, à l'occasion de quelque partage ou de quelques autres contrats, demeurent entre les mains des alliés.»[525]
Les difficultés que rencontre le généalogiste consciencieux ne procèdent pas toutes de la négligence des familles. Ascende superiùs! est sa devise, à lui aussi; mais force lui est de s'arrêter, lorsque le filon de lumière lui fait défaut. Assurément beaucoup de gentilshommes n'eurent point, pour la conservation de leurs titres de famille, tout le soin désirable; par exemple, il appert d'annotations inscrites au dos d'un certain nombre de pièces du chartrier de Beauvoir, au XVIIIe siècle, que d'autres furent détruites comme «crues inutiles». Qui sait, cependant, si elles n'eussent pas servi à faire la lumière sur quelque point de la généalogie? C'est, en pareille matière, 208 une règle absolue qu'il ne faut rien détruire. Les parchemins, sans parler du vandalisme révolutionnaire, ces sûrs témoins du passé ont déjà tant d'ennemis intimes, tant de risques de destruction: la vieillesse, l'humidité, les rongeurs, et, il n'y a pas bien longtemps encore, les pots de confitures. Passe pour les parchemins dont la république fit des gargousses; on chargeait les canons avec notre vieille gloire; ce n'était pas déroger; mais les pots de confitures!...
D'autres causes constituent, pour le généalogiste, de graves impedimenta; les homonymies aussi bien que les changements de nom, si fréquents autrefois, en dépit de l'ordonnance d'Amboise,[526] et qui souvent déroutent la chronologie, «cette guide de l'histoire», comme l'appelle Guichenon. Dès le XIVe siècle, les seigneurs de Montesson quittent leur antique nom de «Hubert», pour ne plus porter que celui de leur fief. Au XVIe, les Courtin, seigneurs de Centigny, ne s'appellent plus que de ce dernier nom. Pierre d'Hozier ne 209 découvrit pas que le nom originel de la famille «d'Abatant» était «Courtin», et il la confondit avec l'ancienne maison d'Abatant.[527] Combien d'autres confusions du même genre ont dû se produire! C'était, dans la Noblesse, une coutume très ancienne que de porter le nom de son fief, et toute normale à l'origine, puisqu'elle était le signe et l'affirmation de la possession féodale. D'ailleurs, le nom du fief était le plus souvent composé du prénom ou du surnom de son premier possesseur, l'auteur du lignage, et du châtel, ou de la cour,[528] ou de la ville, ou du mont, ou de la ferté, ou de la motte, ou de la roche, ou du bois, ou du champ, ou du val, ou du mas, etc., qu'il avait reçu en partage; ainsi, par exemple, s'étaient formés les noms de Château-Briand, de Court-Alain, de Ville-Hardouin, de Mont-Doubleau[529], de la Ferté-Bernard, de Bois-Guyon, de Champ-Aubert, de la Roche-Foucauld, de la Mothe-Achard, de Vau-Girard, de Mas-Gontier, etc. Le nom ainsi composé devint généralement 210 celui de la race; mais, dans les premiers temps de la féodalité, le surnom ou le prénom est souvent porté seul, sans l'indication du château, de la cour, du mont, etc., et même devient le patronymique de branches cadettes: ainsi les sires de Mont-Doubleau ou de Mont-Barbat sont indifféremment appelés, dans les chartes des XIe et XIIe siècles, de Monte Dublello ou Dublellus[530], de Monte Barbato ou Barbatus[531]; on trouve des Châteaubriand appelés simplement Briand;[532] les Monteynard, seigneurs du fief de ce nom, ne sont le plus souvent appelés, jusqu'au XIIIe siècle, que «Aynardus»;[533] les «Daniel», chevaliers manceaux, sont indifféremment nommés ainsi ou «de Danieleria»;[534] et les Aenus du Maine 211 doivent certainement être attribués aux «de Curte Aeni».[535] Lorsque le lieu donné en fief avait déjà sa dénomination propre, souvent il recevait comme suffixe le nom ou le surnom de son premier seigneur: tels Cossé-le-Vivien, Chemiré-le-Gaudin, Auvers-le-Hamon, Epineux-le-Seguin, Varennes-Lenfant, et des milliers d'autres. Cette coutume servait à distinguer les fiefs du même nom, ordinairement plus ou moins nombreux dans un même rayon, parce que, surtout à partir du milieu du XIIe siècle, par un sentiment d'orgueil légitime et de piété familiale, les juveigneurs imposèrent fréquemment à leur apanage le nom de leur race. Parlant des Lusignan, Mr de Bourrousse de Laffore, l'un des présidents d'honneur du Conseil Héraldique de France, dit: «Ils ont fondé en Agenais, depuis la fin du XIIe siècle, des châteaux auxquels ils ont donné le nom de leur race et de leur château patrimonial du Poitou.»[536] Les seigneurs de Vezins, chassés de leur château, se retirèrent à Mayet où ils en bâtirent un autre qu'ils appelèrent Vezins.[537] La maison forte d'Eydoche, étant entrée dans la famille de la Porte, fut communément appelée «le château de la 212 Porte».[538] Les seigneurs de Mont-Gaudry avaient deux châteaux de ce nom.[539] Les Milly, devenus seigneurs de Courcelles en Saint-Etienne-la-Varenne, au XVe siècle, donnèrent à cette terre leur nom de Milly, qu'elle a conservé.[540] Mgr de Neuville, archevêque de Lyon, ayant acheté la terre de Timy, la dépouilla de ce nom pour l'appeler Neuville. Nous avons vu Pierre de Bardonnenche, d'un antique lignage appauvri, imposer le nom du berceau de sa race aux domaines qu'il acquit près de Lyon, lorsque le négoce l'eut enrichi. Les exemples abondent de ces changements de dénomination, inspirés le plus souvent aux seigneurs par un respectable attachement pour les lieux où ils avaient reçu le jour, où s'était épanouie leur enfance, où avait grandi leur lignage. C'était ce même sentiment qui portait les croisés à donner à tels de leurs fiefs de Terre-Sainte des noms de France; les Arabes à donner à Séville le nom d'Émèse, à Grenade celui de Damas.
J'ai dit que l'addition du prénom ou du surnom du seigneur féodal au nom de sa terre servait 213 à distinguer entre eux les fiefs homonymes; voici, dans le Maine, peu distants les uns des autres, Auvers-le-Hamon et Auvers-le-Courtin, Sillé-le-Guillaume et Sillé-le-Philippe, Assé-le-Bérenger, Assé-le-Boisne et Assé-le-Riboul, Sougé-le-Ganelon, Soulgé-le-Bruant et Soulgé-le-Courtin. Dans la même province, aux XIe et XIIe siècles, le fief de Courtin (aujourd'hui Courtoin, en Nouans) est appelé Courtin l'Ain,[541] sans doute pour le distinguer de fiefs du même nom situés à Gesvres[542] et à Saint-Ouen-de-la-Cour.[543]
A partir du XIVe siècle, et surtout après, lorsque des seigneurs répudient leur vieux nom patronymique pour ne prendre que celui de leur fief, c'est le plus souvent pour l'un de ces deux motifs: ou c'est un noble de fraîche date qui veut faire peau neuve et faire oublier l'humilité de son origine; ou c'est un noble d'ancienneté qui appréhende d'être confondu avec des homonymes roturiers, lesquels cependant pouvaient fort bien être de son estoc, sans le savoir eux-mêmes. On a vu, par l'exemple de Pierre Allard, 214 avec quelle facilité pouvait se perdre la notion d'une origine noble. Au moyen âge, avec des dix et quinze enfants, qui la plupart en avaient ensuite autant, le nom se multipliait rapidement, à l'infini, et bientôt c'était une fourmilière d'homonymes, les uns favorisés, les autres maltraités par la fortune; tandis que ceux-ci montaient dans la noblesse, ceux-là tombaient dans la roture; la poussière des âges aidant, la trace même d'une commune extraction se perdait d'autant plus vite que l'écart social était plus considérable. On a dit que les malheureux n'ont pas d'amis: avec le temps, ils n'ont plus même de parents; c'est le train de l'humanité.
Migrations des familles.—Leur genèse.—Pudeur de pauvreté.—Les Évêques et les Abbés.—Mariages de grands seigneurs.—Officiers du Roi.—Désordre et ténèbres.—La cape et l'épée.—La maison de Chastellux.—Filiation perdue.—Logogriphes onomastiques.—Latinisations barbares.—Faussaires et fantaisistes.—Les Damas.—Vercingétorix et le premier Choiseul.—Tout est bien qui finit bien.
Les changements et les usurpations de noms ne sont pas les seuls obstacles que rencontre le pionnier généalogique; les migrations des familles sont une des sources les plus communes de son embarras. Ces migrations, dans les vieux temps, procédaient généralement des causes que je vais énumérer: les mariages hors de sa province, les aventures de guerre ou de garnison, des fonctions quelconques, ecclésiastiques, militaires ou civiles, le commerce, l'exercice des professions libérales dans les villes, la volonté d'aller abriter sa pauvreté loin des lieux où l'on fut riche et puissant.
216 «Au moyen âge, dit excellemment Mr le comte Anatole de Bremond d'Ars, l'un des présidents d'honneur du Conseil Héraldique de France, les Évêques étaient fort souvent, et même presque toujours suivis dans leur diocèse de quelques membres de leur famille, et c'est à cette cause que l'on doit attribuer l'établissement de certaines maisons dans des provinces éloignées de leur berceau.»[544] Il en était de même pour les abbés de monastères, dont quelques-uns, puissants seigneurs temporels, avoient à leurs gages de très nombreux officiers de rang et de nature divers. Les mariages des grands seigneurs amenaient aussi des déplacements de gentilshommes, qui suivaient leur suzerain dans ses possessions nouvelles. D'autres allaient, loin de leur pays d'origine, mettre leur épée au service d'un prince, recevaient de sa munificence quelque domaine, et faisaient souche dans ses états. Beaucoup allaient occuper, de par le Roi, hors de leur province, des offices de judicature ou de finance, des postes de baillis ou de châtelains, de vicomtes, de contrôleurs ou de gardes-du-scel, se mariaient là, et faisaient souche sans esprit de retour au pays des ancêtres. D'aucuns même 217 troquaient leur nom contre celui de leur femme, ou de sa terre dotale. Allez donc discerner, dans ce désordre, sans une étude scrupuleuse, les tenants d'une même race! Quelques générations suffisaient pour oblitérer le souvenir des origines, d'autant plus que les émigrants n'emportaient communément avec eux que leur cape et leur épée, sans un seul de leurs titres de famille, qui naturellement demeuraient au lieu patrimonial, à la garde de l'aîné. La maison de Chastellux n'a connu que récemment, par la découverte d'une charte authentique, qu'elle était un ramage de l'antique lignage des sires de Montréal.[545] Au XVIIIe siècle, Blandine Courtin de Caumont, femme d'un Courtin de Saint-Vincent, perdit un procès parce qu'elle ne put pas établir une filiation de quelques degrés, qu'aujourd'hui j'ai très aisément dressée.
Et puis, il y a les logogriphes onomastiques, les dénaturations incroyables des noms par les scribes latinisants du moyen-âge,[546] par les chroniqueurs,[547] 218 par les tabellions; les erreurs de lecture ou de copie;[548] les bizarreries de dialectes;[549]
219 les histoires de famille apocryphes; les filiations véreuses, les prétentions fantastiques, les généalogies de pacotille, les faussaires comme Haudicquer de Blancourt, les fantaisistes ingénieux comme ceux qui tirèrent l'illustre maison de Damas d'un soudan de Damas. Je ne sais rien de plus phénoménal, en ce genre, que l'étymologie du nom de Choiseul et l'origine de cette grande race, d'après César de Grandpré; vraiment c'est à lire et à méditer: «Choiseuil: Cette maison est l'une des plus anciennes de France, et le nom de Choiseuil vient de ce que Vercingetorix dit à un des grands de son armée, (le menant sur une montagne) qu'il choisit à l'œil toutes les terres qui estoient autour de luy; et qu'il les luy donnoit.»[550]—Quoi encore? Les erreurs de typographie, jetant le généalogiste dans un dédale de recherches qui se terminent.... par un éclat de rire.[551] Heureux qui peut éviter tous les écueils! 220 Heureux qui rencontre de sûrs pilotes, et l'on verra qu'ils ne m'ont pas manqué!
Les vingt familles du nom de Courtin.—Preuves ou présomptions d'identité originelle.—La leçon des vicissitudes humaines.—Vaillants paysans angevins.—Dom Courtin, assassiné par les révolutionnaires.—Le culte des ancêtres.—Le présent et le passé.—Ce qu'est l'histoire d'une famille.—Domestica facta.—Orgueil légitime.—Comment parle un vrai gentilhomme.—Le pieux des Guerroys.
Il ne me reste plus qu'à expliquer comment cette étude généalogique, qui dans le principe ne visait que les Courtin du Forez, a fini par s'étendre à tous leurs homonymes. Pouvais-je éliminer les Courtin de Pomponne et de Villiers, lorsqu'au XVIIe siècle et plus tard les Courtin de Saint-Vincent et de Neufbourg se disaient issus d'eux; et portaient les mêmes armes? Comment éliminer les Courtin de Torsay, lorsque leur généalogie, dressée en 1769, donne comme étant sortis d'eux les Courtin de Saint-Vincent et de Neufbourg? 222 Comment éliminer les Courtin de Centigny, incontestablement du même estoc que les Courtin de Torsay? Et les Courtin de la Mothe-Saint-Loup, de Cormeilles et de Crouy, paraissant se rattacher aux Courtin de Pomponne? Et les Courtin de Cissé, les Courtin de la Beauloyère, les Courtin de la Hunaudière, les Courtin de Tanqueux et d'Ussy, les Courtin de Nanteuil, de la Grangerouge et de Clenord, etc., à l'instar des Courtin de Villiers, se prétendant tous issus anciennement du même tronc: les seigneurs de Soulgé-le-Courtin? Et ces derniers étant très probablement un ramage des seigneurs de Courtin (de Curte Aeni), connus au Maine dès le XIe siècle, comment laisser ces derniers à l'écart? L'horizon de mes recherches s'est, par ainsi, élargi à mesure que j'avançais. Et, de fait, entre tous ces Courtin disséminés dans dix provinces, il y a, pour la plupart, preuve ou présomption grave d'identité originelle. En mettant intégralement sous les yeux du public le fruit de mes recherches, j'ai l'espoir que quelque érudit, plus heureux que moi, pourra découvrir tel point de soudure qui m'a échappé.
En accédant au plan de cette histoire généalogique, Mr le comte de Courtin de Neufbourg n'a pas obéi à un sentiment de vanité qui est à mille 223 lieues de son caractère, mais à une pensée vraiment généreuse; il sait trop bien, par la leçon des vicissitudes humaines et spécialement des vicissitudes de la Noblesse, que les plus grands ont pu venir des plus petits, et que les plus petits peuvent descendre des plus grands: il a voulu ne répudier aucun de ses homonymes, même de ceux que la fortune n'a pas élevés ou relevés. Et ne sont-ils pas dignes de prendre rang dans une histoire de leur nom, par exemple, ces vaillants paysans angevins du nom de Courtin, fusillés par les soldats de la république pour crime de fidélité à Dieu et au Roi,[552] dans le même temps où la tête de Dom Courtin, arrière-grand-oncle de Mr de Neufbourg, tombait sur l'échafaud révolutionnaire?[553]
Le culte des ancêtres est vivifiant et doux; c'est une fleur de l'âme humaine, fleur du souvenir et de l'espérance. Quel hommage ne devons-nous pas à ces chers absents de qui Dieu nous a fait naître, et qu'il a fait partir devant nous, en éclaireurs de l'Éternité! Honorer leur mémoire est l'acte le plus filial, le plus naturel, le plus noble: c'est féconder dans la race la continuité de 224 leurs vertus, de leurs croyances, de leurs saintes amours, de leurs généreuses passions, de leur patriotisme; c'est aimer ce qu'ils ont aimé par dessus tout, souvent au prix d'amers sacrifices: l'honneur! Le présent n'est rien que la résultante du passé et la préparation de l'avenir; et «qu'est-ce que la vie de l'homme, si le souvenir des faits antérieurs ne rattache le présent au passé?»[554]
L'histoire d'une famille n'est pas seulement, comme affectent de dire les esprits superficiels, le recueil de ce qu'Horace appelle les domestica facta; c'est aussi l'histoire intime des temps, des pays, des sociétés dans lesquels elle a vécu, lutté, souffert, grandi ou décliné; mais il est vrai que ces fastes des aïeux sont plus particulièrement profitables à leurs descendants, parce qu'aucun enseignement n'est plus propre à élever le courage, à régler les sentiments, à conforter l'âme que la connaissance de soi-même et de son origine. C'est un orgueil légitime et d'une saine philosophie, puisqu'il implique de plus grands devoirs. Écrivant l'histoire de sa maison, le comte de Boulainvilliers disait à ses enfants:
«Je me suis proposé le dessein de recueillir ce 225 que les titres de l'histoire nous ont conservé de mémoires touchant la vie, les emplois, les alliances, la fortune, les biens et les disgrâces de nos ancêtres, et d'éclaircir, autant que l'antiquité le peut souffrir, l'origine de notre famille.... Par rapport à mes successeurs, c'est un travail très utile, puisqu'il leur fera connaître un grand nombre d'illustres ancêtres qu'il auroient peut-être ignorés.... Quelque genre de vie qu'ils veuillent embrasser, ils peuvent se proposer d'excellents modèles... Enfin j'espère remédier à l'oubli où les familles tombent insensiblement, surtout dans les tems malheureux tels que ceux où j'ai vécu. J'ai vu, en plusieurs de mes proches, les tristes conséquences de cet oubli, et j'ai appris, par tradition, que quelques-uns de nos pères se sont fait une vanité capricieuse d'ignorer ce qu'ils étoient.[555] Le Ciel préserve mes enfans d'une telle 226 indignité! Quand on croit devoir beaucoup au Nom et au Sang qui nous a fait naître, on prend rarement des sentimens qui y fassent déshonneur.»
Ce sont là de nobles sentiments, dont je retrouve l'écho dans une lettre de Mr le comte de Courtin de Neufbourg, à qui j'avais signalé certaines particularités de l'histoire de sa famille:
«... Je n'ignorais rien de ce que vous m'avez écrit. Quelle qu'ait été notre origine, quelles que soient les épreuves par lesquelles mes pères auront passé, plus ils auront souffert pour se relever, plus je dois et je veux honorer leur mémoire, en les donnant pour modèles à mes enfants. Ce n'est pas un livre de complaisance, ni de vanité, que j'attends de votre érudition, mon cher ami, mais un livre de vérité....»[556]
Voilà le langage d'un gentilhomme, et son 227 généalogiste peut dire au lecteur, comme jadis le pieux des Guerroys:
«Icy, vous y trouverez tout avec preuve de la vérité et anticquité qui estoit cachée non dans le puits de Démocrite, mais ès vieils manuscripts presque perdus d'oubly, et avec un stil sincère.»[557]
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
K
L
M
N
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P
Q
R 240
S
T
U
V
W
Y
FIN DE L'INDEX DES NOMS.
Dédicace. | 5 |
Chap. I.—Prophétie de saint Remi.—La fausse égalité.—Si la noblesse fut une caste.—La hiérarchie sociale.—Opinion d'un vrai philosophe sur les distinctions héréditaires.—La patrie et l'humanité.—Émulation féconde.—Contre la séduction des richesses.—Juvénal et Boileau réfutés. | 7 |
Chap. II.—La civilisation féodale.—Le grand artisan national.—Balzac et Madame de Staël.—Royer-Collart et Viollet-Leduc.—La peine de naître.—Habitués de père en fils à se faire tuer.—L'envers des privilèges nobiliaires.—Cent ans bannière, cent ans civière.—Cadets de noblesse.—Labeur de restauration familiale. | 11 |
Chap. III.—Homère et Bayard.—L'honneur.—La Croix ou l'Épée.—Soldats de Dieu ou du Roi.—Esprit de sacrifice.—Honneur triomphe de tout.—Défense du sol national.—Bien vivre et bien mourir.—Pierre d'Origny.—Le comte de Saint-Pern.—Chant du départ pour la croisade.—Du Guesclin et Bayard.—La doulce France.—L'envers de la gloire. | 15 |
246 Chap. IV.—Appauvrissement et dépopulation de la Noblesse.—Chevaliers pleuvent.—Magnanime mot d'ordre.—Morts au lict d'honneur.—Rallye au Roy!—États Généraux de 1483.—La république et la chose publique.—Vive qui vainque!—Les casaniers.—Dégradations de noblesse.—Sully et sa chevalerie d'honneur.—Louis XIV et la croix de Saint-Louis.—Ils se battaient pour nous! | 19 |
Chap. V.—L'impôt du sang.—Héroïsme de la vieille France.—Le sang bleu.—Fourmillement de héros.—Le marquis de Gesvres.—Le maréchal de Choiseul.—Onze Fautrières tués dans les guerres de Louis XIV.—Treize frères tués à Azincourt.—La folie de l'honneur.—Le duc de la Feuillade.—Les comtes de Chabot et de Frotté.—Noblesse oblige.—Tout son sang à sa patrie. | 23 |
Chap. VI.—Officiers d'emblée.—Stage militaire.—François de la Noüe Bras-de-fer et les Écoles militaires.—Gentilshommes simples soldats.—La Vernade, Beauharnais, Praslin, Rohan, Dampierre, La Guiche, Biron.—Marc Courti.—Le Tiers-État, séminaire de Noblesse.—La révolution et les privilèges.—La terre aux paysans.—Les naufrageurs.—In sudore sanguinis. | 27 |
Chap. VII.—Royaume en petit.—Stipendiaires.—Le génie du Christianisme et la chevalerie.—Tancrède.—La fraternité vraie.—La charité devient la grande loi féodale.—Coup d'œil sur les concessions des seigneurs aux populations rurales.—Les forêts du Roi.—Opinion de Pecquet.—Influence de la Religion.—Esprit de réciprocité.—La féodalité, plus libérale que la révolution et l'état moderne.—Risum teneatis! | 32 |
Chap. VIII.—Chrétiennes libéralités.—Grands repentirs.—Sobriquets vengeurs.—Surnoms élogieux.—Sous la bure des cloîtres.—Inhumés en habit religieux.—Chevalier moine.—Hugues 247 Courtin.—Paupérisme.—Ubi Ecclesia ibi miles.—Les Cartulaires monastiques.—Ce que le peuple doit aux Moines.—Écoles vraiment gratuites.—Marmoutier et Cluny. | 40 |
Chap. IX.—L'Église et la Nation.—Devise de Césène.—Sous la houlette.—Liberté céleste et liberté terrestre.—Serfs volontaires.—Niaiserie républicaine.—Les roturiers et le droit de propriété.—Pillages et gaspillages révolutionnaires.—Les abbayes et l'aumône journalière.—Spoliations ingrates.—Patriotisme du clergé de France. | 46 |
Chap. X.—Le servage, l'Église et la féodalité.—Louis X et les serfs.—Feudophobes.—Sujétions infamantes.—Le fief, base de l'État.—Affranchissements.—Serfs maires, comtes et hauts justiciers.—Serf ayant des esclaves.—Riches laboureurs.—Vieilles familles patriarcales.—Le sire de Coucy, ôtage pour un paysan.—Taillables à merci. | 50 |
Chap. XI.—Nos Rois.—Odon de Deuil et Louis VII.—Né pour le salut de tous.—Le servage.—Louis IX et le Comte de Poitiers.—Belle définition de la puissance féodale.—Machiavel et Mézeray.—Hâbleries et viande creuse.—Guitares révolutionnaires.—Le grand œuvre de la Royauté.—Villes anoblies.—Une nation de gentilshommes.—Les pauvres assimilés aux Nobles.—Dieu, qui est droiturier! | 55 |
Chap. XII.—L'ignorance des Nobles.—La Croix.—Les écoles et les pédagogues des temps féodaux.—Charlemagne.—Précepteurs gentilshommes.—Les amoureux du gai savoir.—Chevaliers clercs.—Les Sainte-Maure.—Guillaume de Montmorency, proviseur de la Sorbonne.—Gentilshommes estudiants.—Boniface de Castellane.—Au Collège de Navarre.—Bertrand du Guesclin.—La Noblesse et les lettres.—La Renaissance.—La Noblesse et les Arts.—Voltaire et le Pogge.—Mentez, mes 248 amis! | 60 |
Chap. XIII.—Les Nobles au barreau.—Assises de Jérusalem.—Les d'Ibelin.—Philippe de Navarre.—Gentilshommes jurisconsultes.—Les géants des batailles.—Chevaliers en armes et chevaliers en lois.—Comment les Nobles se détachèrent de l'étude du droit.—Seigneurs en loi.—Ecuyers en droits.—Jean Carondelet.—Pierre Puy.—La bourgeoisie remplace la Noblesse dans les parlements. | 71 |
Chap. XIV.—Hiérarchie féodale.—Gentilshommes bourgeois.—Noblesse, urbaine.—Comment les Nobles s'agrégeaient à la bourgeoisie.—Les Chaponnay, les Châteaubriand, les Chabot, les Sainte-Aldegonde, les Croy.—Écuyer et marchand.—Deux catégories de bourgeois.—Benoît Caudron.—Bourgeois et marchand de sang royal.—Gérard de Castille et sa postérité. | 77 |
Chap. XV.—Les Communes à Bouvines.—Les légions bourgeoises à la Croisade.—Le privilège de Noblesse était conciliable avec le privilège de bourgeoisie.—Chevaliers et damoiseaux bourgeois.—Les bourgeois de Jérusalem.—Louis VI et les maïeurs des bonnes villes.—Lettres de noblesse et lettres de bourgeoisie.—Tournoi des bourgeois de Tournay en 1331.—Le seigneur Carrige.—Gentilhomme cordonnier.—Noble marchand.—Noble et puissant seigneur, fils de bourgeois. | 86 |
Chap. XVI.—Concorde sociale.—Esprit de réciprocité.—Fusion prospère.—Jeanne Braque, femme d'un marchand.—Le sire de Montmorency et le drapier Fouchard.—Rapports entre inégaux.—Les Nobles dans la vie publique.—Ediles chevaleresques.—Chevaliers fils de bourgeois.—Nobles vilains.—Nobles manants.—Règne de la courtoisie.—Jeanne d'Arc et son compère.—Le duc de Rohan et Monsieur d'Assas. | 94 |
Chap. XVII.—Désagrégation et antagonisme.—Plaie vive.—Les Nobles à la campagne.—Ruine et 249 scission progressives.—Statut des tournois.—Le lieu n'anoblit pas l'homme.—Intrusions légales.—Les guerres de religion creusent le fossé.—Pasquier et Blaise de Montluc.—Pillage des armoiries.—Un mot de Ménage.—Trente mille bourgeois blasonnés.—Le duc de Saint-Simon.—Les nouveaux seigneurs de villages.—La vieille bourgeoisie française.—L'honneur ou rien! | 100 |
Chap. XVIII.—La pauvreté, état coutumier de la Noblesse.—Gautier le pauvre homme.—Les juifs, les moines et les chevaliers.—Dénûment navrant.—Tavernière de sang princier.—Misère impériale.—Comment on payait sa gloire.—Revues de l'arrière-ban.—Série de gentilshommes indigents.—Vérité de Mr de la Palice.—Fiefs et domaines saisis. | 107 |
Chap. XIX.—Appauvrissement forcé.—Crescite et multiplicamini.—Guehedin Chabot.—Les vingt enfants de Claude de Cremeaux.—Les quatorze fils de Gervais Auvé.—Causes de ruine.—Charges du service militaire.—Abdications nobliaires.—L'état de noblesse, obstacle à la fortune.—Les gentilshommes n'étaient exempts d'aucune sorte d'impôts.—Le comte Louis de Frotté.—Les grands pauvres.—Paysans nobles.—Les Braque et les Allard.—Gentilshommes laboureurs.—Rabelais et la Bruyère.—Tout est adieu, tout est à Dieu! | 116 |
Chap. XX.—A l'aventure.—Un varlet devenu roi.—Fortunes extraordinaires.—Guillaume Coquillart.—Chevaliers anoblis.—Valet cordonnier devenant grand trésorier.—Balthazar Pina et Jean le Blanc.—Coup de balai de la Vérité.—Déclaration de Louis XVIII en 1800.—Noblesse militaire.—Fraternité du loyalisme et du patriotisme.—Comment jadis on s'anoblissait soi-même.—Mesure paternelle. | 132 |
Chap. XXI.—Comment on luttait contre la ruine.—Écuyers de cuisine, maçons généraux, gouverneurs 250 des chiens.—Les Montholon et les Lamoignon.—Avocats gentilshommes.—Avocat et homme d'armes.—Le barreau menait aux honneurs.—La savonnette à vilain.—Procureurs nobles.—Les Thumery.—Notaires et tabellions.—Écuyers notaires.—Boutique, puis étude. | 139 |
Chap. XXII.—Les médecins, enfants gâtés des Rois.—Les médecins à la censure.—Les anoblis par médecine.—Renaud Fréron, premier physicien de Charles VI.—Médecins gentilshommes.—Pluie d'honneurs et de richesses.—Chirurgien-barbier devenu premier ministre.—Les docteurs et la robe rouge.—Les maîtres en physique et la satire.—Favoris de la fortune et favoris de l'infortune. | 149 |
Chap. XXIII.—Molière tue les apothicaires.—La vérité sur ses victimes.—Profession non dérogeante.—Nobles apothicaires.—Apothicaires gouverneurs de villes et prévôts des maréchaux.—Maréchal de France, petit-fils d'apothicaire.—Petite-fille d'apothicaire, femme d'un du Guesclin.—Jean l'apothicaire, époux d'une Châtillon.—Le bâton de maréchal et le pilon d'apothicaire.—Comment on commence et comment on finit.—Le coup de pied de l'âne.—Comment on se relevait. | 156 |
Chap. XXIV.—Martyrologe de la Noblesse.—Gentilshommes cultivateurs et charbonniers.—Le chevalier de Pradt.—Le négoce, interdit aux Nobles, réservé au Tiers-État.—Femme de gentilhomme, publique marchande.—Jean le Bigot.—Edit de 1669.—Gentilhomme chapelier.—La maison de Vallier. | 165 |
Chap. XXV.—Abdications forcées et déchéances.—Les sires de Chambéry.—Cadets de princes se faisant bourgeois, et marchands.—Les Quinson.—La maison de Viego.—Grandeur et décadence des sires de Bardonnenche.—Pierre de Bardonnenche, ouvrier.—Épicerie et chevalerie.—Épiciers seigneurs.—Primò vivendum.—La maison du Terrail. | 171 |
251 Chap. XXVI.—La particule nobiliaire.—Sa signification, son caractère.—Répudiations significatives.—Les embourgeoisés.—Jean de Béthisy, procureur.—Marchands qualifiés nobles.—Déchus, mais répugnant aux mésalliances.—Changements d'armoiries.—Blasons improvisés.—Calembourgs et rébus héraldiques.—Le hareng des Harenc.—La harpe des Arpajon.—La maison de Mun.—La belle des belles. | 181 |
Chap. XXVII.—La multitude des réhabilités.—Geoffroy de Chantepie, marchand, petit-fils d'un preux chevalier.—Les Lingendes.—Louis de la Chapelle fait le commerce et ne s'appelle plus que Chapelle.—Gabelou de sang royal.—Les descendants de la famille de Jeanne d'Arc.—Comment on perdait la notion de sa noblesse.—Les d'Allard. | 187 |
Chap. XXVIII.—La plus ancienne vérification de noblesse.—Recherches des usurpateurs.—La recherche de Montfaud.—Vexations et persécutions.—Nobles imposés à la taille.—Procès dispendieux.—Le privilège des bourgeois.—Louis XI, «ce bon rompu de Roy».—L'édit des francs-fiefs et ses conséquences.—La déclaration de 1661.—Renoncements douloureux.—Avidité des traitants.—Supercheries généalogiques.—Sentences trop rigoureuses.—Misères des réhabilités.—L'émigration.—C'est la révolution qui a fait de la Noblesse une classe fermée.—La restauration nationale. | 194 |
Chap. XXIX.—Négligence coutumière des familles nobles.—Impedimenta généalogiques.—Il ne faut rien détruire.—Les ennemis intimes des parchemins.—Gargousses et pots de confiture.—Les changements de nom.—Onomastique de la géographie féodale.—Piété familiale.—Les Lusignan, les Vezins, les Milly.—Les croisés en Terre-Sainte.—Combien j'ai douce souvenance!—Peau neuve.—Fourmilière 252 d'homonymes.—Ecart social.—Le train de l'humanité. | 206 |
Chap. XXX.—Migrations des familles.—Leur genèse.—Pudeur de pauvreté.—Les Évêques et les Abbés.—Mariages de grands seigneurs.—Officiers du Roi.—Désordre et ténèbres.—La cape et l'épée.—La maison de Chastellux.—Filiation perdue.—Logogriphes onomastiques.—Latinisations barbares.—Faussaires et fantaisistes.—Les Damas.—Vercingétorix et le premier Choiseul.—Tout est bien qui finit bien. | 215 |
Chap. XXXI.—Les vingt familles du nom de Courtin.—Preuves ou présomptions d'identité originelle.—La leçon des vicissitudes humaines.—Vaillants paysans angevins.—Dom Courtin, assassiné par les révolutionnaires.—Le culte des ancêtres.—Le présent et le passé.—Ce qu'est l'histoire d'une famille.—Domestica Facta.—Orgueil légitime.—Comment parle un vrai gentilhomme.—Le pieux des Guerroys. | 221 |
Index des Noms. | 229 |
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES
[1] Les Preuves et les Planches, auxquelles renvoient fréquemment les notes, se trouvent dans l'Histoire Généalogique des Courtin, Paris, 1887, in-4o.
[2] Turpin, Vies de Charles et de César de Choiseul, Maréchaux de France, 1768, p. 1.
[3] Comte de Boulainvilliers, Essais sur la Noblesse, p. 8.
[4] D'Hozier, Armor. général, t. XI, Champagné, p. 52, charte de 1291: «... Comme dom Gohier de Champaagné, chevalier,.... comme joveignor de éné...»
[5] Voyez ci-après, au chapitre XXVII, ce qui concerne la famille d'Allard.
[6] Iliade, livre V, v. 168.
[7] Charte des moines de Marmoutier, v. 1254: «... sub militari disciplina Deo militantes.»—Cartul., t. III, p. 376.
[8] Robertson, Introd. à l'hist. de Charles V, p. 13: «La défense nationale était le principal objet du système féodal.»
[9] Dom Bouquet, t. V, p. 57, Constit. Caroli Magni: «Quicumque beneficia habere videntur omnes in hostem veniant.»
[10] Époux de Louise de Bonadona.
[11] Clairambault, t. 943, p. 248.
[12] Lettres d'érection du marquisat d'Hermanville, 1651; doss. bleu 17510, Vauquelin, p. 1.
[13] Charte de 1109: «Goffridus Rorigo, filius Goffridi Rorigonis qui in exercitu hierusolimitano obiit...»—Coll. d'Anjou, t. IV, no 1290.
[14] Sur la ruine générale de la Noblesse par les croisades, voy. Boulainvilliers, Essais, p. 149-152.
[15] Par exemple, la noblesse du Perche, à la bataille de Verneuil, en 1425.
[16] De Thou, Hist., ann. 1589, liv. XCIV, p. 388 et 504.
[17] Comme la loi des Visigoths, dégradant les Nobles oublieux de leur premier devoir, qui était de marcher à l'ennemi pour le roi et la patrie. (Leber, t. V, p. 415.)
[18] Coll. d'Anjou et Touraine, t. XI, no 4750.
[19] Mémoires, t. X, p. 311.
[20]—Vous êtes bien jeune, Monsieur! répondit Louis XIV à un brave officier qui demandait la croix de Saint-Louis.—Sire, on ne vit pas vieux dans votre régiment d'Orléans!
[21] Dans les revues de l'arrière-ban comparaissent des gentilshommes octogénaires.—Voy. le chap. XVIII.
[22] L'Impôt du sang, t. II, p. 120; t. III, p. 12; t. V, p. 156—O. de Poli, Royal-Vaisseaux, p. 48.
[23] Pièces orig., t. 148, Auvé, p. 31.
[24] La Mure, t. II, p. 524, col. 1.
[25] L. de la Sicotière, Un chapitre de l'hist. de Frotté, 1884, p. 16.
[26] Mémoires, t. I, p. 127-128.
[27] Dans ses curieux Mémoires.—Voy. mon Précis généal. de la Maison de la Noüe.
[28] Chartrier de Beauvoir, no 164, orig. impr.
[29] Montres, t. XCV, p. 1176.
[30] Montres, t. CXII, p. 1694; t. CXIII, p. 1862; t. p. CXV, p. 2061.
[31] Montres, t. CXXIX, p. 3559, 3575.
[32] Preuves, nos 1624, 1625.
[33] Cte de la Porte, Membre Honoraire du Conseil Héraldique de France, Hist. généal., p. 11.
[34] Cf. O. de Poli, Royal-Vaisseaux, p. 2-3, 47.
[35] Charte de 1025: «Humbaldus Virsionensis dominus et barones ejus.»—Cartul. de Vierzon, fol. 12.
[36] Guille, seigneur de Talmont, v. 1080: «... milites suos tam nobiles quam ignobiles.»—Dom Fonteneau, t. XIV, p. 245.
[37] Charte de 1053: «Ego Ebroinus miles stipendiarius.»—Coll. d'Anjou, t. II, no 541.
[38] Charte de 1045: «Ego Almoricus vir nobilis, tamen miles.—Dom Grenier, t. LXVIII, fol. 260, no 7.
[39] Cf. Léon Gautier, La Chevalerie.
[40] Michaud, t. I, p. 455-456.
[41] Charte de Raoul, comte de Soissons, 1183: «Aalis uxor mea et Guido, filius ejus, jam miles factus.» (Senlis, t. I, fol. 24.)—Charte de Bouchard, seigneur de l'Isle, 1184: «... filiis meis Bucardo, jam milite, et Bartho puero.» (Marmoutier, t. II, p. 276.)
[42] La propriété forestière, par un ancien Conservateur des forêts, passim.
[43] Charte de 1260: «... pro salute anime mee et amicorum meorum.» (St Cyr-de-Friardel, fol. 15 vo.)—Contrat de partage du 18 mars 1501: «Si le dict pré vault par an plus grant somme, led. Françoys Courtin, ses hers et aians cause, seront tenuz l'employer en bienfaiz pour les ames de leurs amys trespassez.» (Preuves, no 264.)
[44] Fontaine-Daniel, fol. 51 vo.
[45] «Pro anima patris nostri.»—Cartul. du dioc. de Paris, p. 148.
[46] Par exemple: Gui, comte de Ponthieu (Louandre, p. 68); le comte de Roussillon (B. Alart, Not. hist. sur les communes du Rouss., p. 71); Louis, duc d'Anjou, comte du Maine. (L'abbé R. Charles, Souvigné, p. 142.)—Cf. Laurentie, t. II, p. 293.
[47] Charte de restitution faite à Saint-Marcel de Châlon par Et. de Neublans, cher, v. 1170: «Signum Hugonis servi manentis.»—Cartul., p. 152.
[48] «Qui pro duritia jure Talvatius vocabatur.» Orderic Vital.—Talvas, taille-vassal.
[49] G.-A. de la Roque, Traité de la nobl., p. 234.
[50] Charte de 1229: «Robertus de Renge, miles, seculari relicta milicia, solo Deo militare desiderans...»—Cartul. de l'abb. de Bonneval, p. 82.
[51] Cf. Michaud, t. V, p. 274.—Huart, Jacq. de Bourbon, comte de la Marche, roi de Hongrie, de Sicile et de Jérusalem, frère mineur à Besançon. Besançon, 1882, in-8o.
[52] L. de Mas-Latrie, L'Ile de Chypre, p. 352-353, nos 27, 28.
[53] A. Couret, L'Ordre du Saint-Sépulcre; dans la revue La Terre-Sainte, 1er avril 1885.
[54] Michaud, t. III, p. 63, 536.—Marchangy, Gaule poét., t. IV, p. 354.
[55] Coll. de Picardie, t. CLXIV, Nécrol. de Saint Luc. de Beauvais: «III id. jan. Joannes miles et monachus.»
[56] Cantù, Hist. des Ital., t. V, p. 385.
[57] L. de Mas-Latrie, ut suprà.
[58] Farin, t. III, p. 332.
[59] Voy. la planche IV.
[60] Cartul. de Saint Vincent du Mans, B. N., p. 106.
[61] Cf. l'abbé Deniau, t. II, p. 194.
[62] Coll. d'Anjou, t. XII, no 6583.
[63] Udalricus, Antiq. consuetud. Clun. mon., l. II, cap. 8.
[64] Bibl. nat., ms. ital. no 361.
[65] Cartul. de l'abb. de Montier-en-Der, t. I, fol. 86 vo.
[66] Voy. notamment le Cartul. de l'abb. de Vendôme, p. 24.
[67] Salmon, p. 14.
[68] Coll. de Poitou, t. X, p. 203, 343, 359, etc.
[69] Voy. sur ce sujet la Revue hist. et archéol. du Maine, 1878, p. 30.
[70] Cartul., t. III, p. 214.
[71] Tiltres de Baugerais, fol. 119.
[72] Cartul. de St-G. de H., p. 138: «Quidam rusticus, Robertus nomine, campos duos... concessit.»
[73] Cartul de St-Vinc. du Mans, B. N., p. 32.
[74] Cartul., p. 45: «Gosbertus quidam plebeius homo et uxor ejus... agrum quendam... in elemosinam contribuerunt.»
[75] Guérard, Cartul. de St P. de Ch., no 103: «Quidam plebeius homo, arte sellarius.»
[76] Cartul. de St Etienne, no 96.
[77] Cartul., B. N., p. 251: «Quidam pauper homo nomine Hagelet.»
[78] Robert, Réplique à Me Dupuy, avocat à Rouen, p. 10.
[79] Michaud, t. VI, p. 302, 318-320.
[80] Le droit du Seigneur.
[81] Bruel, t. III, no 2489.
[82] Mabille, p. 143.
[83] Leber, t. V, p. 343: «... à mon esclave N... que j'ai acheté de N...»
[84] Leber, t. V, p. 355.
[85] Cartul. de Cluny, t. I, fol. 57 vo.
[86] Chartes d'Evreux: «Ego Gs dictus Pulanus, tornator... concessi in feodo et hereditate Go dicto Asbues, tornatori... presentem feodationem sigilli mei munimine roboravi.»
[87] Cartul. de Sav., p. 88.
[88] Quittances, t. XXVIII, p. 398.
[89] Chartrier de Beauvoir, no 4, orig. parch.
[90] Chartrier de Beauvoir, no 143, orig. parch.
[91] Voy. La famille de la Noë, par le comte de Quatrebarbes,—et le Patriote de Normandie, 16 juill. 1885.
[92] Charte de 1173, dans les Chartes de Pic. et d'Artois, B. N. ms. latin nouv. acq. 2096, no 3.
[93] Michaud, t. VI, p. 423.
[94] Michaud, t. IV, p. 446; t. V, p. 63.
[95] Froissart, t. II, p. 564.
[96] Cf. O. de Poli, La Royauté, p. 12.
[97] Le Prince, ch. XIX; Discours, liv. I, ch. XVI; liv. III, ch. I.
[98] Cité par Michaud, t. VI, p. 303.
[99] Matharel, Rép. au livre d'Hotman intitulé Franco-Gallia; Leber, t. V, p. 354.
[100] O. de Poli, Un martyr de la patrie, p. 89.
[101] Chorier, Estat politique, t. III, p. 688, rôle de feux, XVe s.: «Joh. Uraisii, pauper, quasi nobilis est.»
[102] B. Alart, Communes du Rouss., p. 210.—Le plus pauvre, à l'hôpital de Beauvais, était traité en seigneur. Règlement de 1565, article XXX: «... Et puys après, sera mené au lict, où doresenavant sera traitté comme seigneur de la maison.» A rapprocher des hôpitaux laïcisés, où, sans parler de certains sévices, le malade n'est pas même seigneur de son âme et de sa conscience.
[103] Chartes diverses, p. 4.
[104] Marmoutier, t. II, p. 103: «Signum Gausberti indocti.»
[105] Courtalon-Delaistre, Topogr. hist. du dioc. de Troyes, t. III, p. 241, Vie de saint Serein: «Il laissoit ses bestiaux pour accompagner le fils du comte à l'abbaye de Nesle où ils alloient faire ensemble leurs estudes.»—Des Guerroys, La Saincteté chrestienne, fol. 155-163.—O. de Poli, Les seigneurs et le chât. de Béthon, p. 14.
[106] L'abbé Lebeuf, Dissert., t. II, p. XI, 4, 10, 11, 16, 319.
[107] Mabillon, Annal. Benedict., t. V, p. 335: «Nobilium filii in monasteriorum scholis eruditi.»
[108] Colliette, t. I, p. 690: «Walterus pedagogus meus.»
[109] Marmoutier, t. II, p. 28: «Ilgerius pedagogus Roberti filii comitis.»
[110] Mém. de Bretagne, fol. 452 vo: «Radulphus philosophus.»
[111] Chartes de St-Evroult, 1095, non fol.: «Natalis nutricius infantis Willelmi de Roelent.»
[112] Guérard, Polyptic. Irminon. abb.; t. II, no 33, p. 373: «Filius comitis Willelmus cum pedagogo suo.»
[113] Mabille, p. 154: «Savaricus qui fuit nutricius comitis.»
[114] Marmoutier, t. I, p. 397: «Paganus nutricius.»
[115] Marmoutier, t. III, p. 288: «Ingomar grammaticus.»
[116] Coll. d'Anjou, t. IV, no 1381, charte dud. comte: «Aiani nutricii sui exortationi adquiescens.»
[117] Marmoutier, t. IV, p. 129: «Rainaldus grammaticus.»
[118] Cartul. de Val-le-Roy, fol. 57: «Joh. de sancto Medardo et Laurentius, nutricius ejus.»
[119] Cartul. de Foucarmont, fol. 42, 48, 51, 68: «Odo pædagoga.... Odo pædagogus.... Odo magister....»
[120] Cartul. de St Marcel de Chalon, p. 161: «Signum Bernardi grammatici. Signum Hugonis de Miliaco. Signum Bertranni de Castaniaco.»
[121] Marmoutier, t. I, p. 384 b: «Actum est hoc in curte Berengerii grammatici.»
[122] Cartul. de St Vinc. du Mans, B. N., p. 86.
[123] Coll. d'Anjou, t. II, no 534: «Gislebertus de Calniaco manu firmavit.»
[124] Coll. d'Anjou, t. XIII, no 8474.
[125] Cartul. de Lugny, fol. 48: «Symon de Brecon miles... charta... per cujus manum facta.»
[126] Guillaume de la Barre, chevalier, auteur de poésies satiriques qu'il paya de sa vie.—Voy. ma notice sur la Maison de la Barre, dans la revue La Terre Sainte no 258, 1er mai 1886.
[127] Cartul. de Cluny, t. I, fol. 34: «Quidam miles et clericus nomine Achardus.»
[128] Coll. de Poitou, t. XVII, fol. 82.
[129] Extr. de cartul. relat. à la Bret., p. 733: «Fulco dominus de Tusse, magr scholasticus cenom.»—Obit. de l'égl. du Mans, fol. 3: «Fulco quondam dns de Tusseyo ac scholast. cenom.»
[130] Borel d'Hauterive, t. XVI, p. 236.
[131] Dom Villevieille, Trésor, t. XCI, vo Villedavray.
[132] Coll. d'Anjou, t. VII, no 3337: «... ad querendum libros ut possent studere in eis et addiscere in schollis.»
[133] Cartul. de la Sorbonne, fol. 27, 33 vo, 34: «Guillelmus de Monte Moranciaco, provisor domus pauperum magistrorum de Seurbonio.»
[134] Clairambault, t. DCCLXXXVI, p. 66.
[135] Quittances, t. XXVIII, p. 366.
[136] Rossignol, Invent. somm. des Arch. de la Côte-d'or, t. I, p. 137.
[137] Dom Plancher, t. I, p. 353.
[138] Doss. bleu 4102, Castellane, fol. 167.
[139] Cartul. de Provence, t. I, p. 44.
[140] Cartul. de Bonneval, p. 119.
[141] Preuves, no 114.
[142] Pièces orig., t. 2610, Salazar, p. 186.
[143] Clairambault, t. CCCI, p. 234.
[144] Cf. Laurentie, t. IV, p. 109.
[145] Sainte-Palaye, p. 22, 73, 83.
[146] Chartes de l'abb. d'Uzerche, vers 1135; citées par Saint-Allais, t. XIV, p. 186, note 2.
[147] L. de Mas-Latrie, L'Ile de Chypre, p. 372.—Assises de Jérus., t. I, p. 523.—Cf. E. Rey, Colonies franques de Syrie, p. 171-172.
[148] Borel d'Hauterive, Ann., t. XXIV, p. 231.
[149] Cartul. de Marmoutier, t. II, p. 297, vers 1126: «... justo judicio procerum et burgensium.»
[150] Cartul. de St Vinc. du Mans, B. N., p. 265-266: «... qui cum abbate erant subtus ulmum que est ante ecclesiam.»
[151] Cartul. de St Vinc. du Mans, p. 486, charte de juin 1205.
[152] Cf. A. du Buisson de Courson, Rech. nobil., p. 268.
[153] Laurentie, t. II, p. 353.
[154] Doss. bleu 17791, Vieuxpont, p. 19.
[155] Borel d'Hauterive, t. XXXIV, p. 150.
[156] Cartul. de St Corneille de Compiègne, B. N., ms. latin 9171, p. 235: «Henricus de Marla, miles, domini nostri regis consiliarius et in suo parlamento præsidens.»
[157] P. de Miraulmont, De l'orig. du parl. de Paris, 1612, p. 51-52.—Cf. H.-F. de Malte, Les nobles dans les tribunaux, 1680, pass.
[158] Chartes royales, t. XII, p. 575.
[159] La Roque, Traité de la nobl., p. 143: «Pasquier (Rech. de la France, liv. II) et Loiseau (Offices, liv. I, ch. IX), disent qu'il y a deux sortes de chevaliers en France, les uns d'armes et les autres de loix.» Au XVe siècle, il y avait, dans l'église de Lyon, sept milites jurisperiti chargés de défendre ses droits. (Tiltres du Lyonnois, fol. 184.)—Cf. Boulainvilliers, p. 123-124.
[160] L. de Mas-Latrie, Hist. de Chypre, Documents, t. I, p. 149: «1328. Mons. Pierre Champion, seigneur en loy.»
[161] Marmoutier, t. III, p. 25: «1398. Symon Destrees, bachellier en loys, garde du seel de la conté de Sancerre.»
[162] Cartul. d'Abenon, fol. 71: «1543. Es plès d'Orbec tenuz par nous Jacq. Baudoin, escuier es droictz, vicomte dud. lieu.»
[163] Chroniq., p. 452.
[164] Marmoutier. t. II, p. 480.
[165] L'abbé F. Renon, Chron. de N. D. d'Espérance de Montbrison, p. 556.
[166] Carrés, t. CLIII, Carondelet, p. 1: «... dum viveret miles in armis.»
[167] Dom Fonteneau, t. XIV, p. 619, acte de 1568: «Noble homme Pierre Goheau, gentilhomme, seigneur de Laubinière en Touraine.»
[168] Rapetti, Li livres de justice et de plet, p. 67.
[169] Cartul. de Barbeaux, fol. 263 ro-vo: «Andreas Vicinus de Glerannis.... Andreas de Gleranis cognomento Borgeois.»
[170] Cf. La Roque, Traité de la nobl., ch. LXXIV, p. 225.
[171] Cartul. de Champagne, fol. 35 vo-37: «Pontius de Chaponai, civis lugdunensis.»
[172] Coll. d'Anjou, t. VI, no 2625.
[173] Dom Villevieille, Trésor, t. LXXXVIII, fol. 8 vo.—Gaignières, Egl. et abb., t. I, p. 225.
[174] Clairambault, t. CMXCIX, fol. 22 vo.—Marmoutier, t. III, p. 17, 376.
[175] Cartul. de N. D. de la Roche, p. 17: «... quam domum tenebant a Rob. de Logiis, burgen. de Caprosia... Preterea dictus Robertus, primus dominus feodi... et Joh. Faiel de Coussiis, secundus dominus dicti feodi... dictam venditionem concesserunt.»
[176] Pastoral de N. D. de Paris, fol. 11.
[177] Peigné-Delacourt, Ourscamp, p. 186.
[178] Cartul. de St Médard, fol. 33.
[179] Titres de St Himer, p. 127.
[180] Cartul. de St Crespin, fol. 69 vo.
[181] L. Pannier. Méry-sur-Oise et ses seigneurs, p. 64.
[182] H. Bouchot, p. 126.—Colliette, t. II, p. 819.
[183] Arch. Nat., Layett. J. 377, no 235.
[184] La Roque, Traité de la nobl., p. 225.—Willaume de Hangest était aussi bourgeois de Montdidier, en 1367. (Dom Grenier, t. XXX, fol. 29.)
[185] La Roque, ibid., p. 226.
[186] Pièc. orig., doss. 52772, p. 2.—Vers 1089, Hélie de la Porte, chevalier, est témoin d'une donation au prieuré de Saint-Denis de la Chapelle, dioc. de Bourges. (Ibid., p. 161.)
[187] Farin, t. III, p. 332.
[188] Mém. de Bretagne, fol. 100 vo.
[189] Demay, Sceaux d'Artois, nos 1218-1221.
[190] E. de Rosny, t. III, p. 1323.
[191] Demay, op. cit., nos 1286-1288.
[192] G. de Rivoire, add. mss. à son Armorial de Dauphiné.
[193] Clairambault, t. CCCI, p. 38.
[194] Dom Grenier, t. XXXIX, fol. 65.
[195] La Roque, op. cit., p. 226.
[196] O. de Poli, Un martyr de la patrie, p. 153-156.
[197] Pièc. orig., t. 201, doss. 4431, p. 6.
[198] Bibl. nat., Invent. des tiltres de la ch. des comptes de Villefranche, p. 124.—Le chartrier de Beauvoir renferme un certain nombre de chartes des Rognin ou Rognins, ancienne famille chevaleresque, paraissant être un ramage des sires de Lavieu; nos 512, 560, 617, 624, 649, 665, 718, 769, 781, 837 (ann. 1336-1491.)
[199] Quittances, t. XLVI, p. 4350.
[200] Farin, t. III, p. 311.
[201] Cartul. de Cluny, t. II, fol. 189 vo.
[202] La Roque, op. cit., p. 227.
[203] Trésor généal., 1777, p. XXIX.
[204] La Roque, op. cit., p. 147.
[205] Livre I, chap. 320.
[206] Tome I, p. 130.
[207] Pièces orig., t. 621, Caudron, p. 4.
[208] Doss. bleu 4118, Castille, p. 3-15.
[209] Chronique de Saint-Denis.—Dom Bouquet, t. XVII, p. 409: «Les communes trespasserent toutes les batailles des chevaliers et se mirent devant le Roy encontre Othon et sa bataille.»
[210] Michaud, t. V, p. 71.
[211] Isambert, t. I, p. 138.
[212] Cartul. de Barbeaux, fol. 64.
[213] Dom Villevieille, Trésor, t. LII, vo Loines.
[214] L. Charles, De l'adm. d'une commun., p. 6.
[215] Cartul. de la chartreuse de Dijon, p. 525, 527 de l'Obituaire.
[216] Cartul. de Paray, fol. 99.
[217] Dom Villevieille, Trésor, t. LXXXV, vo Simon.
[218] Coll. de Bourgogne, t. XVIII, p. 35.
[219] Cf. R. de Belleval, Nobil. de Ponthieu, p. 398.
[220] Rey, Familles d'outre-mer, p. 644.
[221] Michaud, t. II, p. 337.—Cf. Rey, Colonies franq., p. 60.
[222] Isambert, t. I, p. 138.—Rittiez, p. 60.
[223] Socard, p. 181.
[224] Lettres de Jean II aux «attournez et bourgeois de nostre ville de Compiègne,» en faveur de Ch. Colmir, «nostre amé barbier et valet de cambre», 1352. (Coll. de Picardie, t. CX, fol. 225).—«Nous Jehan de St Pierre, sergent darmes du roy nostre sire et son citoien et prevost de Mascon...» (Sceaux, t. LXXXV, p. 6725.)
[225] Cartul. du dioc. de Paris, p. 156, charte de 1271: «... exceptis nobilibus, clericis et quibusdam quos dicebant burgenses Regis.»
[226] V. Bouton, Armorial des tournois, Jouste faicte à Tournay.
[227] La Roque, Traité du Ban, rôles, p. 69.
[228] Titre de 1272: «Dominus Gerardus de Canibus civis et scabinus.» (Arch. Nat., layett. Croisades, J. 456, no 28{81?}.)
[229] Chartrier de Beauvoir, no 502, orig. parch.: «Et sera tenu le seigneur Carrige prendre bonne et vallable quictance.»
[230] Cab. des titres, no 1110, Epitaph., p. 69: «Cy devant gist honorable personne sire Guille de Vassé, en son vivant marchant rostisseur et bourgoys de Paris, qui trespassa le 26e jour de janv. 1550.»—B. N. ms. franç. 8229, p. 163, 179: Commencement du XVIe siècle: «Honorable personne Sire Guille Guerrier, marchant apoticaire d'Orléans... Sire Michel le Thoreau, marchant apoticaire de la ville d'Orléans.»
[231] Le 11 oct. 1462, «Jehan Billon advoue tenir prochement... de Sire René de Rais...» (Extr. de Bretagne, p. 648.)
[232] La Roque, Traité de la Nobl., p. 208.
[233] Fontanieu, portef. 651-653, no 1298.
[234] 12 nov. 1422: «A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, les consulz, bourgois et habitans de la ville de Lymoges, salut... Nous..., de nostre certaine science, cognoissons...»—Quittances, t. LV, p. 8.
[235] La Roque, Traité de la Nobl., p. 227.
[236] Douët-d'Arcq, t. II, no 4103.
[237] Sceaux, t. LXXXVIII, p. 6977; t. LXXXIX, p. 6981-6985.—Quittances, t. XLVII, p. 4567, 4576.
[238] Gaignières, Chartes div., t. I, p. 136: «J. de Saumur, cordouennier et varlet de chambre du Roy.» Il signe bellement «Jehan de Saumur.»
[239] Testament orig. en parch. communiqué par Mr le Mis de Rivoire la Bâtie, 10 août 1435: «... Nobilis vir Ludovicus Chapuysii, burgensis et mercator Condriaci, Viennen. dyocésis...»
[240] Preuves, no 2088.
[241] Papon, p. 942.
[242] Voy. la Revue hist. de l'Ouest, mai 1886, p. 5 et suiv.
[243] Pièc. orig., t. 493, Braque, p. 148.
[244] Pièc. orig., p. 56.—Guillery, p. 9.
[245] Gaignières, Extr. de comptes, t. I, p. 177.—Coll. de Picardie, t. CLV, p. 349.
[246] Cartul. de Vivoin, p. 13.
[247] Monstrelet, p. 161.
[248] Cartul. du prieuré de Meulan, fol. 23: «Testes... Mattheus de Montemorenciaco, Nich. Fulchardus draperius...»
[249] Charte de Geoffroy, vicomte de Bourges, 1012: «... ad quod bonum opus peragendum advocavi nobiles patriæ...»—Gall. Christ., t. II, Instrum., p. 50.
[250] Coll. Moreau, t. IV, p. 69, charte de Cluny, 1060: «... inter prudentes viros milites... domni Ardradi presulis.»—Cartul. de l'abb. de Longpont, B. N. ms. latin 11005, p. 56-57, charte de 1189: «Testes sunt... Radulfus de Compendio, Scibertus decanus, christianitatis milites.»
[251] Kermaingant, nos 74, 98.
[252] Rittiez, p. 67.
[253] Saint-Allais, t. III, p. 193.
[254] Voy. notamment l'Hist. des comtes de Ponthieu et des maieurs d'Abbeville, par le P. Ignace.
[255] Borel d'Hauterive, t. XXXI, p. 188.
[256] A. du Buisson de Courson, Rech. nobil., p. 233.
[257] Leber, t. V, p. 414, note.
[258] Chartes de 1190-1215: «Garnerius de Pratis, civis Senonensis... Gaufridus miles...» fils dud. Garnier. (Cartul. de l'arch. de Sens, t. II, fol. 26-28.)
[259] Cartul. de N. D. de Larivour, B. N., ms. latin nouv. acq. 1228, fol. 67 vo, charte de 1195: «Villanus de Nuille miles.»
[260] Témoin d'une donation à St Etienne de Dijon, avec Guiard de Grancey, Ge d'Orgueil et autres chevaliers de Bourgogne.—Cartul. de St Etienne, part. I, p. 111.
[261] Mabille, p. 232: «Herveus dictus Gros villein, armiger.»
[262] Cartul. de St-Evroult, t. II, fol. 85: «Georgius dictus Blanc vilain, miles.»
[263] Coll. d'Anjou, t. XIII, no 9906, charte du XIe s.: «Laurentia, cognomento Villana, uxor Turpini de Ramoforti.»
[264] Marmoutier, t. IV, p. 103: «Giraldus Manens.»
[265] Chartes de l'abb. du Bec, no 34: «Dominis Rob. le Manant miles.»
[266] La Roque, Traité du ban, p. 141.
[267] Chartrier de Soulgé-le-Courtin, Livre II des Remembr. de Monguyon, p. 1.
[268] Dom Plancher, t. II, Preuves, p. 282.
[269] B. Alart, Communes du Roussillon, p. 57.
[270] Clairambault, t. 301, p. 237-241.
[271] Pasquier, Rech. de la France, titre II, ch. XVI; cité par Michaud, t. VI, p. 245, note.
[272] En quelques années, Jacques Cœur acheta plus de vingt seigneuries ou châtellenies «dont la plupart appartenaient auparavant aux plus anciennes familles du Royaume.» (P. Clément, Jacques Cœur, t, II, p. 2.)
[273] La Roque, Traité de la Nobl., p. 228.
[274] Pasquier, Recherches, liv. II, ch. XV.—La Roque, Traité de la Nobl., p. 233.
[275] Commentaires, liv. I, p. 7.
[276] Un «ouvrier en soye» de Saint-Chamond, Jean Jacquier, fit enregistrer ses armoiries, de gueules à 3 croissans d'argent. (Armor. général, Lyon, p. 460.) Qui sait s'il n'était pas de quelque lignage appauvri?—Voy. ci-après le chap. XXIV de cette Introduction.
[277] Notamment aux Etats de 1614.—Cf. A. du Buisson de Courson, Rech. nobil., p. 139, note 1.
[278] Papon, p. 779.
[279] Clairambault, t. CMXLIII, p. 172.
[280] Cartul. de St Vinc., B. N., p. 62: «... excepta medietate decime quam predictus miles meus Wido, paupertate districtus, sibi retinuit.»
[281] Cartul. de St Vinc., p. 91: «... pro angustia... paupertatis que me constringit.»
[282] Cartul. de Val-le-Roy, fol. 77 vo-91 ro: «Dominus Milo de Sissonia, cum multo onere debitorum oppressus esset...»
[283] Coll. d'Anjou, t. XII, no 6444, charte de la fin du XIe s.: «Johannes Pauper, miles.»—Dom Bouquet, t. XIV, p. 7: «Hugo Pauper,» fils d'Hugues, comte de Clermont en Beauvaisis.—Cartul. de Saint Corneille de Compiègne, p. 250, charte de 1115: «Hugo Pauper, miles.»—Cartul. de Clairvaux, p. 17, ch. de 1179: «Johannes Pauper, miles.»—Coll. de Picardie, t. CLV, fol. 99, ch. de 1190: «Bernardus Pauper, miles.»—Coll. d'Anjou, t. VI, no 2225, ch. de 1207: «Robertus Pauper, miles.»—Coll. de Bourgogne, t. XIII, fol. 101, ch. de 1218: «Petrus, miles, cognomento li poivres de Possesse.»—Coll. d'Anjou, t. VII, no 2706, ch. de 1231: «Geoffroy, dit le pauvre, chevalier, sgr du Plessys Mellé.»—D'Hozier, Armor. et généal., fol. 67, arr. ban d'Anjou en 1470: «Huguet le Pauvre.»
[284] De Camps, Nobil. hist., t. II, vo Sansavoir: «Galterus Sine habere» ou «Sine pecunia», l'illustre croisé.—«Guillaume Sans avoir, tué dans Rame en 1101.»—Cartul. de Marmoutier, t. II, p. 385, ch. de 1142: «Bertrannus sine terra;» t. I, p. 263, ch. de 1177: «Simon sine censu, miles»; t. II, p. 33, v. 1200: «Radulphus sine avero.»
[285] Cartul. de Meaux, non fol., juin 1230: «Scardus de nullo feodo.»
[286] Dom Villevieille, Trésor, t. LXVIII, vo Platebourse.
[287] De Camps, t. II, vo Pauper.—Cf. Dom Villevieille, Trésor, t. LXVII, vo Pauvre.
[288] Coll. de Poitou, t. XIX, p. 126: «... volens pergere Hierosolymam... mulam unam... accepi, pro qua... donavi... mansum unum obtimum terre.»
[289] Cartul. de Froimont, fol. 5 vo: «Nevelo miles de Plesseio, cognomento Pauper, iturus Iherosolimam...»
[290] Cartul. de Froimont, fol. 11 vo, 14 vo: «Manasserius Pauper, dominus de Hes, miles.»
[291] Gall. Christ., t. IV, col. 612.—En 1283, «Gautier lou pauvre homme, chevalier,» est l'époux de Marguerite de Mailly. (Coll. de Bourgogne, t. XLI, fol. 158.)
[292] Anc. évêchés de Bretagne, t. III, p. 81.
[293] Cartul. de Saint-Seine, p. 24.—Varia ad hist. Brit., fol. 123.
[294] Anc. évêchés de Bret., t. III. p. 195-196 et notes.
[295] Cartul. de St Vinc. du Mans, B. N., p. 505-506: «... Cresson judeo...»
[296] Cartul. de St Vinc. du Mans, B. N., p. 501: «Cum Vilanus de Nouile judeis denarios debuisset...»
[297] Cartul. de Froimont, fol. 50 vo: «Radulfus, advocatus de Harissart, miles, indigens peccunia...»
[298] Dom Bouquet, t. XXII, p. 592, ann. 1239: «Milites pauperes donis adjuti... Terricus Torcheboef, pauper miles, de dono [regis], X lib.»
[299] L. Gautier, La Chevalerie.
[300] Dom Villevieille, Trésor, t. LXI, vo Montmorin.
[301] Chroniq. de Math. de Coussy, éd. Buchon, p. 20.
[302] Tome III, p. 209.
[303] Michaud, t. V. p. 16-17.
[304] Cantù, Hist. des Ital., trad. franc., t. V, p. 361.
[305] Montres, t. II, p. 93, ann. 1387: «La reveue de J. Fouquaut, escuier, de 3 chevaliers bacheliers et de 36 aultres escuiers de sa chambre.» Page 415, ann. 1388: «La monstre de Loys de la Porte, escuier, quatre chevaliers et 14 aultres escuiers de sa compaignie.»
[306] Sceaux, t. LXXXVIII, p. 6942, ann. 1415: «Mre George, sgr de Clere, chevalier benneret, servant dans la comp. de Robert de la Porte, chevalier bachelier.
[307] Ban de Saintonge en 1467: «Geoffroy Gombaud, lequel souloit estre homme d'armes, a esté receu pour archier, pour ce que ses chasteaulx ont esté bruslez.»—Comte Anatole de Bremond d'Ars, Le chevalier de Méré, 1869, in-8o.
[308] D'Hozier, Armor. et généal., fol. 43 ro-vo.—Brigandine, haubergeon ou cotte de maille des soldats. Voulge ou vouge, épieu de vènerie à large fer.
[309] Baron de Cauna, Armorial des Lannes, t. I, p. 25, 26.—O. de Poli, Rech. sur la fam. de St Vincent de Paul, p. 9, note 1.
[310] La Roque, Traité du ban, p. 116, Monstre des nobles du baill. de Caux, en 1470: «Pour G. Louvel, ancien et impotent, se présenta G. Louvel, armé de brigandine, sallade, arc et trousse.»
[311] Coll. de Picardie, t. LXVIII, fol. 221-222, Monstre des nobles de l'archidiaconé de Dynan, en 1472.
[312] La Roque, Traité du ban, p. 117.
[313] Ainsi, en 1270, furent renvoyés avec cette mention, pauper est, de nombreux écuyers du bailliage d'Orléans: J. Bocher, Ph. de Lisserville, Huguelin de Montréal, Pierre de Boigne, G. d'Ozereau, Odin de la Porte, etc.—Ibid., p. 78-79.
[314] Voy. mes Rech. sur la fam. de Saint Vinc. de Paul, p. 11.
[315] Coll. de Picardie, t. CXI, fol. 86: «Cum dilecta in Christo filia Aelidis, puella litterata, nata Americi de Bernoc, militis, qui gravatus est multitudine filiorum...»
[316] Arch. Nat., Trésor des Chartes. JJ. 142, No 90.—Guehedin Chabot, de l'illustre maison de ce nom, était un des plus preux chevaliers de son temps; il avait été plusieurs fois guerroyer contre les Sarrasins, ce que relatent avec d'autres vaillantises les lettres royales de rémission.—Voy. la revue La Terre Sainte, no 230, 1er février 1885.
[317] Doss. bleu 7907, Saint-Georges, p. 2.
[318] Pièc. orig., t. 148, Auvé, p. 31.
[319] Brussel, Traité des fiefs.
[320] Essais sur la Nobl., p. VI.
[321] Ibid., p. 256-257.
[322] L. de la Sicotière, Un chap. de l'Hist. de Frotté, p. 6, note 4.
[323] Les grands pauvres, p. 10.
[324] Ibid., p. 11-12.
[325] G. de Rivoire, p. 97, 608.
[326] Essay, p. 20.
[327] G. des Courtils, seigneur de Sandras, Mém. du comte de Rochefort, 1713, p. 399.
[328] Guillery, Maison de Braque, p. 2.
[329] Ibid., p. 9.
[330] Demay, Sceaux d'Artois.
[331] Arch. Nat., Trés. de chartes, J. 73, fol. 9 vo.
[332] Pièces orig., t. 493, Braque, p. 2-30.
[333] Voy. sur cette illustre maison le chapitre suivant.
[334] Guillery, p. 18-19.
[335] Pièces origin., t. 493, Braque, p. 148.—Voy. ci-dessus le chap. XVI, p. 94.
[336] La Roque, Traité de la Nobl., p. 351.
[337] «Denys Allard» figure, en effet, le 10 juillet 1525, comme archer, dans la «revue de 57 hommes d'armes et cent archiers du nombre de 60 lances fournyes des Ordonnances du Roy, estans soubz la charge et conduicte de Mr d'Ars». (Clairambault, Sceaux, t. VI p. 305.)—«Honneste Denys Allard, marchant de Sainct-Estienne de Furan», y fait un acquêt, le 12 juin 1566. (Chartrier de Beauvoir, No 627.)—«Noble homme Denys Allard, escuier, demeurant en sa maison à Sainct-Estienne de Furan», y fait un autre acquêt le 20 avril 1572. (Ibid., No 854.)
[338] Ibid., No 822, liasse.
[339] Le change ou la banque.
[340] Mélanges d'hist. et de littérature, éd. 1779, t. II, p. 279.
[341] Voy. ma notice sur la maison d'Arc, dans la revue La Terre Sainte, 15 janv. 1885, et mes Rech. sur la famille de Saint Vincent de Paul.
[342] Mélanges, t. I, p. 308.
[343] Lettres sur le Ponthieu, p. 415-422.
[344] Gargantua, liv. I, chap. I.
[345] Clairambault, t. CCCX, fol. 14 vo.
[346] Doss. bleu 5583, Courcy, p. 6.
[347] D'Ault-Dumesnil, Dict. des Croisades, p. 41.
[348] Michaud, t. I, p. 120, note 2; p. 451, note; p. 491.
[349] Chroniq., t. I, p. 8.
[350] La prise du comte de Tancarville et du connétable Raoul de Nesles rapporta cent mille moutons d'or à Thomas Holland.—Froissart, t. I, p. 352; t. II, p. 58, 431.
[351] Blazon des armes et des dames, éd. Coutelier, p. 26.
[352] Huillard-Bréholles, No 2041.
[353] Journal d'un bourgeois de Paris, XVe siècle, éd. Buchon, p. 674.
[354] Pièc. origin., t. 1490, Haudry, p. 43.
[355] G. de Rivoire la Bâtie, p. 525.
[356] A. de Terrebasse, Salvaing de Boissieu, p. 116.
[357] G. de Rivoire, p. 724.
[358] O. de Poli, Louis XVIII, p. 181; instructions secrètes envoyées de Mittau, le 20 février 1800, par le Roi à ses agents en France.
[359] O. de Poli, Royal-Vaisseaux, p. 2-3, et p. 47: «L'histoire des Potier serait l'éclatante réfutation du mensonge révolutionnaire qui fait de la Noblesse sous la monarchie une caste fermée, et la glorification de ce régime vraiment national qui s'appliquait à tirer de la foule les Colbert, les le Tellier, les Potier, tous les mérites, pour les porter à la cime sociale comme un fécond exemple, un superbe encouragement.»
[360] Tiraqueau, De nobilitate, cap. VIII.
[361] Édit de septembre 1724.—Clairambault, t. DCCCXVII, fol. 137.
[362] Quittances, t. II, p. 175; t. XVII, p. 756; t. XXXV, p. 1933; t. XLI, p. 3559; t. XLIX, p. 4934.
[363] Voy. ma notice sur la Maison de Choiseul, dans la revue La Terre-Sainte, No 215, 15 juin 1884.
[364] Coll. d'Anjou, t. IX, No 3868: «Jehnequin Choisel... ou aultre gentilhomme du pais.»
[365] Pièces orig., dossier Valence.
[366] Boulainvilliers, p. 245.
[367] P. Roger, Nob. et chevalerie, p. 196.—Au XVIe siècle, N... de Larmain est «fruitier de la Reyne». (L. Guignard, Chouzy, p. 69.)
[368] Chartes Royales, t. X, p. 258.
[369] Lazare de Montholon, conseiller au parlement de Bourgogne, mort en 1537 (Coll. de Bourgogne, t. X, fol. 97), descendait très probablement de Lazare de Monthelon, tué à Azincourt en 1415 (Courcelles, t. I, p. 57), qui lui-même descendait vraisemblablement de Lazare de Montelon, chevalier, vivant en 1213 (B. N., Ms franc. 8237, Épitaphes, p. 209).
[370] Originaires du comté de Nevers, où, depuis le XIIIe siècle, ils possédaient le fief de Lamoignon; «avant d'entrer dans la magistrature, ils comptaient depuis plusieurs siècles dans la noblesse d'épée.» (Vte de Ségur, Les Seigneurs de Méry, p. 73.)
[371] Le Brun de la Rochette, livre II, p. 183.
[372] Pièces orig., t. 371, Blondel, p. 59.
[373] A. du Buisson de Courson, Rech. nobil., p. 127, 193.
[374] Sceaux, t. CXXIII, p. 515.
[375] Après vingt ans d'exercice, les docteurs régents des facultés de droit acquéraient la noblesse comitive.
[376] Voy. aux Preuves, No 1933, l'arrêt du 13 juin 1665, relatif aux héritiers de René Courtin. ]
[377] La Roque, Traité de la Nobl., p. 357.
[378] Pièces orig., t. CCCXXVI, Béthisy, p. 4, 94.
[379] L. Charles, De l'adm. d'une commun., p. 72.
[380] La Roque, op. cit., p. 356.
[381] Pièces orig., dossier Thumery, orig. parch.—En juillet 1526, «honorable he Nic. de Neufbourg, marchant et bourgeoys de Paris», acquiert douze arpens de terre, à Sarcelles, de «Maistre Johan de Thumery, procureur ou chastellet de Paris, et Marguerite Josset, sa femme.» (Ibid.).—Martin Courtin, seigneur de Pomponne, eut pour première femme Isabeau de Thumery. (Preuves, No 1375).
[382] La Roque, Traité de la Nobl., p. 360.—Cf. Tiraqueau, De Nobil., cap. XXX.
[383] La Roque, p. 363-368.
[384] G. de Rivoire la Bâtie, p. 148-149.
[385] La Roque, loc. cit.
[386] Cartul. d'Abenon, fol. 65.
[387] La Roque, p. 364, 365.
[388] Cartul. de St-Michel-en-Thiérache, p. 280.
[389] Coll. d'Anjou, t. IX, no 4105.
[390] Cartul. des Blancs Manteaux, p. 153.—Pièc. orig., t. 910, doss. 20092, p. 1.—Par contrat du 27 juill. 1607, Marguerite, fille de Gérard Colbert et de Marie Pingré, fut mariée à noble homme Jean Courtin, seigneur de Cormeilles. (Preuves, nos 1780, 1781.)
[391] L'abbé Guiller, t. I, p. 35.
[392] Merlet, Invent., t. I, p. 181.
[393] Preuves, no 20002, acte de 1520: «Faict... en la bouticque dud. maistre Jacques Victon...»
[394] Truinet, Pourquoi Molière n'a pas joué les avocats.
[395] Voy. Michaud, t. VI, p. 373-374.—Th. Sonnet, sr de Courval, Satyre contre les charlatans et pseudomédecins, etc. Paris, 1610, pet. in-8o.
[396] Chroniques, t. III, p. 174.
[397] Cantù, Hist. des Italiens, trad. franc., t. VII, p. 47.
[398] Le chirurgien charitable, par Guérin. Lyon, pet. in-8o.
[399] Cf. Moréri, vo médecins.
[400] Le moyen de parvenir, chap. C.
[401] Sceaux, t. L, p. 3769.—La Roque, op. cit., p. 62, l'appelle erronément «Renaut Frérot»; toutes les quittances qu'il donne aux trésoriers du Roi sont signées «R. Fréron».
[402] Arch. Nat., Trés. des chart., JJ. 142, no 52.
[403] Généalogies, p. 109.
[404] Armorial de Dauph., p. 184, 187, 572, etc.
[405] Saint-Allais, t. IV, p. 239.
[406] Farin, t. III, p. 348.
[407] Sceaux, t. XVII, p. 1127.
[408] Chartes de croisade, no 331, charte d'emprunt, Damiette, 2 nov. 1249: «Dominus Symon de Bumbellis».
[409] Borel d'Hauterive, t. XXI, p. 403.
[410] A. du Buisson de Courson, Rech., p. 193.—Voy. mon Nobiliaire des Croisades, Notice sur la maison du Buisson, dans la revue La Terre Sainte, no 224, 1er nov. 1884.
[411] Fret, t. III, p. 530.—Gall. Christ., t. XIV, col. 636: 1218, Simon de Baillou, chevalier.
[412] Pièc. orig., t. 613, Castellan, p. 5-7, 17.
[413] J. Guillien, Rech. hist. sur Roanne, publ. par Alph. Coste, p. XXIV.
[414] G. de Rivoire, Armor. de Dauph., p. 435.
[415] Par exemple, Jacq. Coythier, médecin de Louis XI.—Voy. Marchangy, Gaule poétique, t. VIII, p. 236.
[416] Gall. Christ., t. X, col. 1184.
[417] Catal. de pièces hist., Paris, librairie Voisin, 10 avril 1885, no 150.
[418] G. de Rivoire, p. 712.
[419] La Roque, op. cit., p. 371.
[420] Quittances, t. XXXIII, p. 1632.
[421] Douët-d'Arcq, nos 5905-5909.—Clairambault, Sceaux, t. XL, p. 3015, sceau de «Pierre de Dye, maistre en physicque», 1355.
[422] Dom Plancher, t. II, Preuves, p. 258, no 299, charte de 1360: «Actum in presencia Rob. de Balneolis, phisici, notarii ejusdem loci.»
[423] De la Nobl. des médecins et des avocats en France, Paris, 1860, in-8o p. 8, 10, 29.
[424] P. A. Cap, Un apothicaire belge au XVIe siècle, Pierre Coudenberg, 1862, in-8o.
[425] La Roque, Traité de la Noblesse, p. 371.
[426] Preuves, nos 2015, 2019, 2043.
[427] Preuves, nos 2024, 2210, 2216, 2314.
[428] Arrests notables, liv. XXIII, tiltre VIII, p. 1297.
[429] Bibl. nat., ms. franc. 8229, Epitaphes, p. 163, 179: «1535. Honorable personne sire Guill. Guerrier, marchant apothicaire d'Orléans... Sire Michel le Thoreau, marchant apoth. d'Orléans.»
[430] Dom Villevieille, Titr. orig., t. XXXIV, p. 77: «Blois, 1632. Noble homme René Truchon, appothicaire du Roy.»
[431] Coll. de Picardie, t. CLXIV, fol. 232, lettre de Blayrie, théologal d'Amiens, ann. 1622, adressée «à Monsieur, Monsieur Maistre Michel d'Achery, marchand apothicaire, demeurant à Saint-Quentin.»
[432] Douët-d'Arcq, no 5857: «┼ S. G. DE BLACHERIA. YPOTECARII.»
[433] Coll. Blondeau, t. CXXVI, p. 157.
[434] Pièces orig., t. 2089, dossier 47590, p. 2.
[435] Ibid., dossier 47591.
[436] Doss. bleu 12769, Neveu, Généalogie, par Mr du Guesclin, p. 4.
[437] Catal. du cab. d'autogr. d'Antoine de Latour, secr. des command. de S. A. R. Mgr le duc de Montpensier, juin 1885, no 48, orig. parch.
[438] Pièces orig., t. 1760, doss. 41578.
[439] Preuves, nos 2046, 2102.
[440] P. L. Jacob, Curiosités de l'hist. de France, p. 208.
[441] Cte A. de la Porte, Hist. généal., p. 354.
[442] Dom Caffiaux, Trésor, Cab. des titres, no 1209, fol. 97 vo.
[443] Chartes Royales, t. X, p. 268.
[444] Généalogies, p. 14.
[445] Pièces orig., t. 675, doss. 15778, p. 187.—Voy. ci-après, au chap. XXVII de cette Introduction, l'extrait des lettres de relief de dérogeance obtenues en 1700 par Louis de la Chapelle.
[446] Cab. des titres, no 515, Rec. des sépult. de Paris, p. 143.
[447] Dom Villevieille, Trésor, t. XV, vo Blondel.
[448] Dossier bleu 1201, Baillon, fol. 32 vo.
[449] Pièces orig., t. 171, Baillon, fol. 165.
[450] Lettres sur le Ponthieu.
[451] Antoine-Garnier Courtin, né à Roanne le 13 sept. 1598; marié le 8 fév. 1628, à Pierrette Bouillefont, aliàs de Bouillefons, et en secondes noces, le 7 nov. 1632, à Claude Dupuy; apothicaire et pharmacien de Roanne, en 1628; noble homme Anthoine Courtin, commis à la recette générale des aides de Roanne, en 1637; volontaire au régiment de Béthune-Charost, en 1645; prévôt des maréchaux de France et chevalier du guet de Roanne, le 20 mai 1647; écuyer, seigneur des Jandons, le 15 août suivant; écuyer, seigneur de Châteauneuf et des Jandons, en 1650; tué, dans l'exercice de sa charge de prévôt des maréchaux, en 1652. (Preuves, nos 2026, 2046, 2050, 2072, 2095, 2102-2105, 2110, 2314).
[452] Revue Nobiliaire, t. XIV, p. 89.—Sur les fonctions et les pouvoirs des prévôts des maréchaux, voy. Le Brun de la Rochette, p. 145-146.
[453] L. Barthélemy, Chartes de la maison de Baux, no 1354.
[454] Chartrier de Soulgé-le-Courtin, registre orig. pap.: «C'est le double du compte que rend à noble et puiss. sgr monseigneur Loys de la Palu, sgr de Sougé le Courtin et de St Mars du désert, Jehan de Brée escuier, des receptes et mis. qu'il a faictz pour et ou nom dud. sgr en sad. terre de Sougé le Courtin depuys le jour de la feste de N. D. angevine lan 1474...»
[455] Le Brun de la Rochette, liv. II, p. 182.
[456] G. d'Orcet, Les grands pauvres, p. 4.
[457] Merlet, Invent., t. I, p. 292.
[458] Cantù, Hist des Ital., t. III, p. 404.
[459] Traité de la Nobl., p. 251.
[460] La Roque, ibid., p. 252.
[461] Borel d'Hauterive, t. XXV, p. 154.
[462] Pièces orig., t. 1642, doss. 38161, Langlois, seigneurs d'Oynel, p. 4, orig. parch.
[463] Anc. évêchés de Bret., t. II, p. 281.—Voy. mon Précis généal. de la maison de la Noüe, p. 54, 117, 118.
[464] Clairambault, t. CMXXVIII, fol. 4.
[465] La Roque, Traité de la Nobl., p. 417: «La Noblesse a ses écueils, comme tous les autres biens du monde; la pauvreté l'obscurcit souvent et la contrainct à s'abaisser à des employs mécanicques.»
[466] Armor. de Dauphiné, p. 761-763.
[467] P. L. Jacob, Curios. de l'hist. de France, p. 202.
[468] R. de Belleval, Nobil. de Ponthieu, p. 694.
[469] Borel d'Hauterive, t. XXV, p. 240.
[470] Cte A. de Foras, Armor. de Savoie, t. I, p. 347.
[471] Borel d'Hauterive, t. XXX, p. 194.
[472] La Roque, Traité de la Nobl., p. 144.
[473] Ph. le Duc, Pap. curieux d'une famille de Bresse, 1862, p. 7, 12.
[474] Nobil. de Ponthieu, p. 463.
[475] Les qualifications d'«honorable» et «honneste» furent communes à l'origine entre la Noblesse et la Bourgeoisie, jusqu'au temps de leur complète scission; elles devinrent alors des qualificatifs exclusivement bourgeois.—Cartul. de l'évêché de Langres, p. 63, ann. 1274: «Honorable baron et saige le bailly de Langres».—Coll. de Bourgogne, t. X, fol. 184, fin du XIIIe s.: «Cy gist noble et honnorable dame... fame monseigneur Jehan, chevallier, sires de Fontaines.»—Quittances, t. VII, p. 466, 468, ann. 1347: «Homme honnorable et honneste monseigneur Ph. le Despencier, chevalier et chastellain de Carenten.»—Monstrelet, p. 5, ann. 1400: «Noble homme et honorable personne Michel d'Orris.»—Dom Villevieille, Trésor, t. XLIX, vo Hennequin, 1403: «Honneste femme Jehanne Hennequin, femme de noble homme Mahiet Paaillon, escuyer»; t. XCI, vo Villefranche, 1452: «Honnorables Jehan de Villefranche et Bérenger de Copons, damoiseaux.»—Cf. Dom Caffiaux, Trésor, 1777, p. XXVIII, et les consultations de Pierre d'Hozier et de Mrs de Sainte-Marthe, ap. Revue Nobiliaire, t. X, p. 469 et suiv.
[476] Armor. de Dauphiné, aux noms cités.
[477] Rech. Nobil., p. 352, note.
[478] Le Laboureur, cité par le Mis de Rivoire, Armor. de Dauph., p. 791-792.
[479] «Petrus Bardonnenchi, faber de Sancto Stephano.»
[480] De la Tour-Varan, Armor et généal. des familles de Saint-Étienne, p. 24-29.
[481] Demay, Sceaux d'Artois, no 1270.
[482] Cartul. des Blancs-Manteaux, p. 175.
[483] Dom Villevieille, Titres orig., t. XXXIV, p. 46.
[484] Clairambault, Sceaux, t. LXXXI; p. 6369.
[485] La Roque, op. cit., p. 350-351.
[486] Voy., sur les vicissitudes de J.-B. l'Hermite de Souliers, Henri Chardon, Nouv. documents sur les comédiens de campagne et la vie de Molière, ap. Revue hist. du Maine, t. XVIII-XX, 1885-1886.
[487] Des auteurs font remonter la maison du Terrail au IXe siècle; la filiation part d'Aubert du Terrail, en 1320, quartaïeul de Charles du Terrail, sgr de Bernin, chef de nom et d'armes, marié vers 1550 à Soffre d'Arces, dite «la belle Couvat», d'un illustre lignage du Dauphiné. Leur fils aîné, «Jaime Couvat du Terrail», et tous ses descendants sont dits «laboureurs», et le nom de «du Terrail» disparaît des actes. Un jugement du tribunal civil de Grenoble, du 3 déc. 1838, a prescrit la rectification des actes de l'état civil, en ce sens que le nom de Couvat y sera précédé de celui de «du Terrail». (De la Tour-Varan, op. cit., p. 372-391.)
[488] Cf. Louis Vian, La Particule Nobiliaire.
[489] Cf. Borel d'Hauterive, t. XXV, p. 164.—Voy., au chap. suivant, l'extrait des lettres de réhabilitation de Louis de la Chapelle, dont les ascendants, issus de noble lignée, ayant embrassé le négoce, ne s'appelèrent plus que Chapelle.
[490] G. de Rivoire, op. cit., p. 574.—Voy. le chap. précédent.
[491] Pièc. orig., t. 326, doss. 7110, p. 4.
[492] Quittances, t. XLVII, p. 4524; t. XLIX, d. 4967; t. XXXVIII, p. 2694.
[493] Chartrier de la maison de Chapuis, orig. parch.
[494] Gargantua, liv. I, ch. IX.
[495] Saint-Allais, t. V, p. 105.
[496] Borel d'Hauterive, t. XVI, p. 150.
[497] L. P. Gras, Obit. de St Thomas en Forez, p. 100.
[498] Le P. Anselme, t. II, p. 42.
[499] Par contrat du 9 avril 1567, Claude de Lévis, baron de Cousan, vendit à Jean Camus, notaire et secrétaire du Roi, la baronnie de Feugerolles, «ensemble le nom et armes du dict Fogerolles». (De la Tour-Varan, Chron. des chât. et abbayes, t. I, p. 418.)
[500] Doss. bleu 4430, Chantepie, p. 2.
[501] Généalogies, p. 180-182.
[502] Pièces orig., t. 675, doss. 15778, p. 171-175.
[503] Mr Hugues d'Arbigny de Chalus, Membre Honoraire du Conseil Héraldique de France, m'écrivait, le 24 nov. 1882: «Un de mes cousins, maire en Haute-Saône, a découvert qu'un paysan de sa commune était baron de vieille souche, sans se douter même de ce que pouvait être une baronnie. En un siècle bien des choses s'oublient.»
[504] Chartrier de Beauvoir, no 818, imprimé.
[505] Arch. Nat., Olim, t. I, fol. 27.—Boutaric, t. I, no 661.
[506] Doss. bleu 1882, p. 2.
[507] Annuaire de la Nobl., t. XVI, p. 145.
[508] La Roque, op. cit., p. 252.
[509] Dans certaines provinces, avant l'édit de mai 1579, la possession féodale anoblissait: par sentences du parlement et de la chambre des comptes de Dauphiné, en 1461, Pierre Rolland, bourgeois de Grenoble et coseigneur d'Argenson, fut déclaré exempt des tailles, «quoique plébéien», parce qu'il possédait le château d'Argenson.—G. de Rivoire la Bâtie, p. 635.
[510] La Roque, ch. XXXII, p. 106: «J'ay remarqué qu'il y en a quelques-uns d'ancienne noblesse qui, ayant acquis des fiefs et arrière-fiefs, avoient trouvé à propos d'estre maintenus et confirmés en leur qualité en vertu de la charte générale.» Cette pratique n'était pas nouvelle: en 1314, Geoffroy Courtin est inscrit au «Rôle des finances pour les francs-fiefs»; la conformité des prénoms permet de présumer qu'il tenait de près à Geoffroy de Courtin, chevalier vivant en 1279. (Preuves, nos 53, 54.)—Montfaud dit des Bras-de-Fer, anoblis par la charte des francs-fiefs, qu' «ils sont nobles de tout temps».—Cf. A. du Buisson de Courson, Rech. Nobil., p. 118, note 1.
[511] Clairambault, t. CMXXVIII, fol. 66.
[512] A. du Châtellier, Des réformations de la Nobl. de Bret., dans la Revue Nobil., t. XII, p. 12-14.
[513] O. de Poli, Rech. sur la fam. de St Vinc. de Paul, p. 14.
[514] De la nobl. des médecins et des avocats, Paris, 1860, in-8o, p. 10.
[515] Doss. bleu 2583, Du Bois de Chevillon, p. 7.
[516] A. du Buisson de Courson, Rech. Nobil., p. 303.
[517] Chartrier de Beauvoir, nos 819-822, liasses.
[518] Preuves, nos 2203, 2210, 2212, 2216, 2269, 2270, 2314.
[519] Preuves, no 2064.
[520] Clairambault, t. CMXXVIII, fol. 77o-14 vo.
[521] O'Gilvy, Nobil. de Guyenne, t. I, p. 139-140.
[522] Michaud, t. VI, p. 241, note 2.
[523] G. d'Orcet, Les grands pauvres, p. 174.
[524] Pièces orig., t. 745, doss. 16942, Chevalier de Saint-Hilaire, p. 10.
[525] Trésor généal., 1777, p. XXXI.
[526] Henri II, 26 mars 1556: «Défenses sont faictes à toutes personnes de changer leurs noms et leurs armes, sans avoir obtenu des lettres de dispense et de permission, à peine de mille livres d'amende, d'estre punis comme faussaires et estre exauthorés et privés de tout degré et privilège de noblesse.»
[527] Pièces orig., doss. d'Abatant, p. 2.
[528] Curia ou curtis.
[529] Cartul. de St Vinc. du Mans, B. N., p. 81, charte d'Eudes, comte de Chartres, ann. 1015: «Quidam fidelium nostrorum, Hugo scilicet Dublellus... in proprio castro quod ab ipsius cognomine Mons Dublelli vocatur...»
[530] Charte de 1101: «Paganus Dublellus». Charte de 1108: «Paganus de Monte Dublello.» (Mabille, p. 62, 75.)
[531] Chartes de 1080-1105: «Ernaldus Barbatus... Ernulfus de Monte Barbato.» (Cartul. de St Vinc. du Mans, B. N., p. 147, 155, 171, 325-328.)
[532] De 1125 à 1226: «David de Castro Brientii» (Coll. d'Anjou, t. IV, no 1446; t. V, nos 1961, 2011; t. VI, nos 2135, 2528; t. XII, no 7591, 7622; t. XIII, no 10015)—En 1335, «noble homme Mr Davy Brian, chevalier». (Ibid., t. VII, no 3557.)
[533] Cte de Monteynard, Cartul. de Domène, pass.
[534] Coll. d'Anjou, t. VII, no 2867, ann. 1240: «Mauricius de Danieleria, miles.» En note: «Dans un acte précédent, à la mesme page du Cartulaire, il est appelé Mauricius Daniel miles.»
[535] Preuves, nos 10, 12, 29, 40, 42, 49.
[536] Les Lusignan du Poitou et de l'Agenais, p. 79.
[537] Legeay, Rech. hist. sur Mayet, p. 245, note.
[538] A. de la Porte, Hist. généal., p. 50.
[539] Pitard, p. 278.
[540] Chartrier de Mr le comte de Thy de Milly, au château de Berzé, Terrier.
[541] Preuves, nos 36, 38, ann. 1219: «Cortin Aienne». Voy. aux Preuves, no 10, note 1.
[542] L. Maître, Dict. topogr., p. 101.
[543] Carte de Cassini.
[544] Maison de Bremond d'Ars, 1874, in-8o, p. 5.
[545] Borel d'Hauterive, Ann. de la Nobl., t. XXXVII, p. 112-113.
[546] Durand de Courson est appelé, au XIe siècle, dans une charte de Geoffroy II, comte d'Anjou, Durandus Corsonus (Salmon, Livre des serfs de Marmoutier, p. 16), et dans une charte de St Nic. d'Angers, Durandus Corpus suum. Statuta monast., fol. 148 vo.)—Geoffroy Boissel ou Boisseul est appelé, au XIIe siècle, dans une charte de Marmoutier, Gausfridus Boissellus (Cartul., t. IV, p. 159), et, dans une autre, Gaufridus Bibens solem (Ibid., t. I, p. 403.) Dans une charte de St Vinc. du Mans, vers 1115, Mainard de Grateuil est appelé Mainardus de Grata oculum (Cartul., B. N., p. 213).—Hugo Curto naso, Herbertus Cortneis (Ibid., p. 124, 484) et Andreas Curtus nasus (Gaignières, Cartul. de la Couture, p. 178) sont probablement des Courtenay. Montaigne a fait des gorges-chaudes de ces latinisations macaronîques qui, de la part des scribes monastiques, il faut le dire, découlaient généralement de leur parfait dédain pour tous autres noms que les noms de baptême. Ce dédain est éclatant dans une charte de l'abb. de St-Riquier, de l'an 1043: «Galterius miles... quem vano cognomine Tirellum plerique appellamus...» (Chronic. Centul., l. IV, cap. XXI.—De Camps, Nobil., t. I, p. 406.) Il s'agit de Gautier Tirel, prince de Poix.
[547] Je ne connais pas de nom plus bellement estropié par les anciens chroniqueurs que celui de Mac-Mahon par Mathieu de Coussy (éd. Buchon, p. 81), qui appelle ce chef irlandais «Mâchemaron».
[548] Un n pris pour un u, un t pris pour un c,—et l'on sait combien les méprises de ce genre sont faciles dans les anciens textes, où l'n a la même forme que l'u, et le t la même que le c,—suffisent pour rendre contestable l'attribution d'une charte à la famille intéressée.—Clairambault indique «Jean de Cortuiz, chevalier», comme ayant été à la croisade en 1218; et il faut très probablement lire «Cortinz», qui est une des formes anciennes du nom de Courtin. (Preuves, nos 33, 50, 51.)—«Drogo filius Aui» figure, vers la fin du XIe siècle, dans une charte de St Vincent du Mans (Cartul., B. N., p. 159); peut-être faut-il lire «Drogo filius Ain».
[549] Voy. aux Preuves les notes des nos 9, 10 (note 1), 42, 49.
[550] Le César Armorial, 1645, p. 42.
[551] Quel labeur, par exemple, pour débrouiller cette phrase de l'Histoire de Mortagne (page 2), par le baron Patu de Saint-Vincent. «Au moment de sa mort (Yves de Bellême), arrivée vers l'année 997, Mortagne dépendait de Bellême et passa, après Yves, à Guillaume Talvas, son fils selon Bry, Desnos, et à René Courtin, son frère, selon Dom Clément.» Quelle splendide origine pour les Courtin du Perche et du Maine! Que l'ombre de Dom Clément pardonne au malencontreux typographe! La fin de la phrase doit être rétablie ainsi: «... à Guillaume Talvas, son fils selon Bry, Desnos et René Courtin, son frère selon Dom Clément.»
[552] Preuves, nos 734, 1946.
[553] Preuves, no 2469.
[554] A. du Buisson de Courson, Rech. Nobil., p. VI.
[555] C'était un sentiment fort commun dans l'ancienne Noblesse, qui volontiers eût dit comme la devise d'une illustre maison féodale: Gratiâ Dei sum quod sum! (Par la grâce de Dieu je suis... ce que je suis.) Bertin du Rocheret écrivait, il y a plus de cent ans, à la comtesse de Brugny, née Condé: «... Je ne comprends pas votre délicatesse sur les avantages que vous devez tirer de votre naissance et de vos alliances: il n'y a de la vanité que de s'en prévaloir ou mal, ou mal à propos. Je conviens que nous ne sommes pas les maistres de naistre autres que nous sommes, et que l'on ne doit s'élever au-dessus de sa sphère que par les voyes que l'honneur prescrit; mais quand la Providence nous a mis dans une classe supérieure, il faut en jouir avec la décence convenable; la modération et l'humilité sont des vertus; poussées trop loin, elles tombent dans l'abjection.»—(Communiq. par Mr Armand Bourgeois, membre correspondant du Conseil Héraldique de France.—Voy. ma notice sur la maison de Condé, dans la revue La Terre-Sainte, 1er février 1887.)
[556] Lettre du 12 mai 1884.
[557] La Saincteté Chrestienne, p. 1.
[558] Les noms de lieux sont en italiques.—Le lecteur trouvera l'Index des Sources à la fin de l'Histoire Généalogique des Courtin.
Imprimerie de DESTENAY, à Saint-Amand (Cher).
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