The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 8.2

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 8.2

1370-1377 (Depuis le combat de Pontvallain jusqu'à la Prise d'Ardres et d'Audruicq)

Author: Jean Froissart

Editor: Gaston Raynaud

Release date: August 9, 2024 [eBook #74209]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

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Note sur la transcription.

Le tome VIII des Chroniques de J. Froissart a été publié en deux parties. La première partie contient le Sommaire et les Notes, et peut être consultée à l'adresse gutenberg.org/ebooks/74208gutenberg.org/ebooks/74208.

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Table

CHRONIQUES
DE
J. FROISSART


9924—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9


CHRONIQUES
DE
J. FROISSART

PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE


TOME HUITIÈME
1370-1377

(DEPUIS LE COMBAT DE PONTVALLAIN JUSQU’A LA PRISE D’ARDRES ET D’AUDRUICQ)


DEUXIÈME PARTIE
TEXTE ET VARIANTES

PAR GASTON RAYNAUD

[Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

A PARIS
LIBRAIRIE RENOUARD
(H. LAURENS, SUCCESSEUR)
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6


M DCCC LXXVIII

EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en assurer l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.


Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VIII de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.

Fait à Paris, le 1er décembre 1887.

Signé L. DELISLE.

Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.


CHRONIQUES
DE J. FROISSART.


LIVRE PREMIER.

CHAPITRE XCVIII CHAPITRE XCVIII

§ 669. Assés tost apriès ce que messires Bertrans

fu ravestis de cel office, il dist au roy qu’il voloit

chevaucier vers les ennemis, monsigneur Robert

Canolle, qui se tenoit sus les marces d’Ango et du

5Mainne. Ces parolles plaisirent bien au roy, et dist:

«Faites ce que vous volés: prendés ce qu’il vous

plest et bon vous samble de gens d’armes; tout obeïront

à vous.» Lors se pourvei li dis connestables, et

mist une chevaucie de gens d’armes sus, Bretons et

10autres, et se parti dou roy, et chevauça vers le

Mainne; et en mena en se compagnie avoech lui le

signeur de Cliçon. Si s’en vint li dis connestables en

le cité du Mans, et là fist sa garnison, et li sires de

Cliçon en une aultre ville qui estoit assés priès de là;

15et pooient estre environ cinc cens lances. Encores

estoient messires Robers Canolles et ses gens sus le

[2] 2 pays, mais il n’estoient mies bien d’acort; car il y

avoit un chevalier en leur route englès, qui s’appelloit

messires Jehans Mestreourde, qui point n’estoit de le

volenté et tenure des autres, mais desconsilloit ce

5qu’il pooit, et avoit desconsilliet toutdis le chevauchie,

et disoit qu’il perdoient leur temps, et qu’il ne

se faisoient que lasser et travillier en vain et à petit

de fait et de conquès.

Et estoit li dis chevaliers, qui tenoit une grant route

10et menoit de gens d’armes, partis des aultres. Messires

Robers Canolles et messires Alains de Boukeselle tenoient

toutdis leur route et estoient logiet assés priès de

le cité du Mans. Messires Thumas de Grantson, messires

Gillebiers Giffars, messires Joffrois d’Urselée, messires

15Guillaumes de Nuefville se tenoient d’autre part

à une journée en sus d’yaus. Quant messires Robers

Canolles et messires Alains sceurent le connestable de

France et le signeur de Cliçon venu ou pays, si en furent

grandement resjoy, et disent: «Che seroit bon que

20nous nos remesissions ensamble, et nous tenissions à

nostre avantage sus ce pays; il ne poet estre que messires

Bertrans en se nouvelleté ne nous viegne veoir et

qu’il ne chevauce: il le lairoit trop envis. Nous avons

ja chevaucié tout le royaume de France, et si n’avons

25trouvé nulle aventure plus avant. Mandons nostre

entente à messire Hue de Cavrelée qui se tient à

Saint Mor sus Loire, et à monsigneur Robert Briket,

à monsigneur Robert Ceni, à Jehan Cressuelle et as

aultres chapitainnes des compagnes qui sont priès de

30ci, et qui venront tantost et volentiers. Se nous

poiens ruer jus ce nouvel connestable et le signeur

de Cliçon qui nous est si grans ennemis, nous arions

[3] 3 trop bien esploitié.» Entre monsigneur Robert et

messire Alain et messire Jean Asneton n’i avoit point

de discort, mès faisoient toutes leurs besongnes par

un meisme conseil. Si envoiièrent tantost leurs lettres

5et messages secretement par devers [messire Hue de

Cavrelée et] monsigneur Robert Briket et les aultres,

pour yaus aviser et enfourmer de leur fait, et qu’il

se vosissent traire avant, et il combateroient les

François. Ossi il le segnefiièrent à monsigneur Thumas

10de Grantson, à monsigneur Gillebiert Giffart, à

monsigneur Joffroi Ourselée et as aultres, que il se

volsissent avancier et estre sus un certain pas que on

leur avoit ordonné, car il esperoient que li François

qui chevauçoient seroient combatu. A ces nouvelles

15entendirent li dessus dit très volentiers, et s’ordonnèrent

et appareillièrent selonch ce, bien et à point,

et se misent à voie pour venir vers leurs compaignons,

et pooient estre environ deus cens lances.

Onques si secretement ne si quoiement ne sceurent

20mander ne envoiier devers les compagnons, que

messires Bertrans et li sires de Cliçon ne sceuissent

tout ce qu’il voloient faire. Quant il en furent enfourmé,

il s’armèrent de nuit et se partirent avoech

leurs gens de leurs garnisons, et se trouvèrent sur les

25camps. Celle propre nuit, estoient parti de leurs logeis

messires Thumas de Grantson, messires Joffrois Ourselée,

messire Gillebiers Giffars, messires Guillaumes

de Nuefville et li aultre. Et venoient devers monsigneur

Robert Canolles et monsigneur Alain sus un

30pas où il les esperoient à trouver; mès on leur ascourça

leur chemin, car droitement en un lieu que on

appelle ou pays le Pont Volain, furent il rencontré et

[4] 4 ratendu des François, et courut sus et envay soudainnement.

Et estoient bien quatre cens lances et li Englès

deus cens. Là eut grant bataille et dure et bien combatue,

et qui longement dura, et fait tamaintes grans

5apertises d’armes de l’un costé et de l’autre; car sitos

qu’il se trouvèrent, il misent tout piet à terre et

vinrent l’uns sus l’autre moult arreement, et là se

combatirent des lances et des espées moult vaillamment.

Toutes [fois], la place demora as François, et

10obtinrent contre les Englès, et furent tout mort ou

pris: onques nulz ne s’en sauva, se il ne fu varlès ou

garçons; mès de chiaus aucuns, qui estoient monté

sus les coursiers leurs mestres, quant il veirent le

desconfiture, se sauvèrent et se partirent. Là furent pris

15messires Thumas de Grantson, messires Gillebiers

Giffars, messires Joffrois Ourselée, messires Guillaumez

de Nuefville, messires Phelippes de Courtenay, Hue

le Despensier, neveu à monsigneur Edouwart le Despensier

et pluiseur aultre chevalier et escuier, et tout

20enmené prisonniers en le cité du Mans.

Ces nouvelles furent tantost sceues parmi le pays

de monsigneur Robert Canollez et des aultres, et ossi

de monsigneur Hue de Cavrelée et de monsigneur

Robert Briket et de leurs compagnons: si en furent durement

25courouciet, et se brisa leur emprise pour celle

aventure. Et ne vinrent cil de Saint Mor sus Loire

point avant, mès se tinrent tout quoi en leurs logeis,

et messire Robers Canolles et messires Alains de Bouqueselle

se retraiirent tout bellement, et se desrompi

30leur chevaucie, et rentrèrent en Bretagne: il n’en

estoient pas lonch. Et vint li dis messires Robers en

son chastiel de Derval, et donna toutes manières de

[5] 5 gens d’armes [et d’archiers] congiet pour faire leur

pourfit là où il le poroient faire ne trouver. Si s’en

retraisent li plus en Engleterre, dont il estoient parti;

et messires Alains de Bouqueselle s’en vint ivrener

5et demorer en [sa ville de] S. Salveur le Visconte, que

li roi d’Engleterre li avoit donné.

§ 670. Apriès celle desconfiture de Pont Volain,

où une partie des Englès furent ruet jus, pour quoi

leur chevauchie se desrompi et deffist toute, messires

10Bertrans de Claiekin, qui en se nouvelleté de l’offisce

de le connestablie de France usoit, [qui] en eut

[grant] grasce et grant recommendation, s’en vint

en France, et li sires de Cliçon avoecques lui, et amenèrent

le plus grant partie de leurs prisonniers en

15leur compagnie en le cité de Paris. Là les tinrent il

tout aise et sans dangier, et les recrurent sus leurs

fois courtoisement sans aultre constrainte. Il ne les

misent point en buies, en fers, en ceps, ensi que li

Alemant font leurs prisonniers, quant il les tiennent,

20pour estraire plus grant finance. Maudit soient il!

ce sont gens sans pité et sans honneur, et ossi on

n’en deveroit nul prendre à merci. Li François fisent

bonne compagnie à leurs prisonniers, et les rançonnèrent

courtoisement, sans yaus trop grever ne presser.

25De l’avenue de Pont Volain et dou damage des

Englès furent moult couroucié li princes, li dus de

Lancastre et cil de leur costé qui se tenoient à

Congnach après le revenue et reconquès de Limoges.

En ce temps, et environ le Noël, trespassa de ce

30siecle en Avignon papes Urbains Vez qui tant fu vaillans

clers, preudons et bons François. Et adont se

[6] 6 misent li cardinal en conclave et eslisirent entre yaus

un pape et le fisent par commun acord dou cardinal

de Biaufort; si fu cilz papes appellés Grigores XIez.

De le creation et divine providensce de lui fu durement

5li rois de France liés, pour tant qu’il le sentoit

bon François et preudomme; et estoit au temps de

se creation dalés lui en Avignon li dus d’Ango, qui y

rendi grant painne qu’il le fust.

En ce temps avint à monsigneur Eustasse d’Aubrecicourt

10une moult dure aventure. Car il chevauçoit

en Limozin; si vint un soir ou chastiel le signeur de

Pierebufière qu’il tenoit pour ami et pour compagnon

et pour bon Englès; mais il mist Thiebaut dou

Pont, un bon homme d’armes breton, et se route

15dedens son chastiel, li quelz prist pour son prisonnier

monsigneur Eustasce, qui de ce ne se donnoit

garde, et l’emmena avoeques lui comme son prison

et rançonna de puis à douse mil frans, dont il en

paia quatre mil, et ses filz François demora en ostages

20pour le demorant devers le duch de Bourbon, qui

l’avoit raplegiet et rendu grant painne à sa delivrance,

pour le cause de ce que messires Eustasses

d’Aubrecicourt avoit ossi rendu grant painne et grant

travel à ma dame sa mère, que les compagnes

25prisent à Belleperche. De puis sa delivrance, messires

Eustasses s’en vint demorer en Quarentin, oultre les

gués Saint Climench, en le Basse Normendie, une

bonne ville que li rois de Navare li avoit donné; et

là morut: Dieus en ait l’ame! car il fu, tant qu’il

30vesqui et dura, moult vaillans chevaliers.

§ 671. En ce temps s’en raloit de Paris en son

[7] 7 pays en Limozin, messires Raymons de Maruel, qui

s’estoit tournés François. Si eut un assés dur rencontre

pour lui, car il trouva une route d’Englès des

gens de messire Hue de Cavrelée, que uns chevaliers

5de Poito menoit. Si cheï si à point entre leurs mains

qu’il ne peut fuir, et fu pris et menés ent prisonniers

en Poito ou chastiel du dit chevalier. La prise de

monsigneur Raymon fu sceue en Engleterre, et tant

que li rois en fu enfourmés. Si escripsi tantos li dis

10rois devers le dit chevalier, en lui mandant qu’il li

envoiast son ennemi et trahitte, monsigneur Raymon

de Marueil, car il en prenderoit si grant punition

qu’il seroit exemples à tous aultres, et pour se prise il

li donroit sis mil frans. Messires Joffrois d’Argenton,

15qui le tenoit et en quelle prison il estoit, ne volt mies

desobeïr au roy, son signeur, et dist que tout ce feroit

il volentiers. Messires Raymons de Maruel fu

enfourmés comment li rois d’Engleterre le voloit

avoir et l’avoit mandé, et comment ses mestres estoit

20tous avisés de lui là envoiier. Quant messires Raymons

sceut ces nouvelles, si fu plus esbahis que

devant: ce fu bien raisons. Et commença en se prison

à faire les plus grans et les plus piteus regrés dou

munde; et tant que cilz qui le gardoit, [qui estoit

25englès et de la nation d’Engleterre], en eut grant pité

et le commença à reconforter moult doucement.

Messires Raymons, qui ne veoit nulz reconfors en ses

besongne[s], puis que mener en Engleterre on le devoit

devers le roy, se descouvri envers sa garde, et li dist:

30«Mon ami, se vous me voliés oster et delivrer de ce

dangier, je vous ay en couvent sus ma loyauté que je

vous partirai moitié à moitié toute ma terre, et vous

[8] 8 en ahireterai, ne jamais je ne vous faurrai.» Li Englès,

qui estoit uns povres hom, considera que messires

Raymons estoit en peril de sa vie, et qu’il li prommetoit

grant courtoisie: si en eut pité et compassion,

5et dist qu’il se metteroit en painne de lui sauver.

Adont messires Raymons, qui fut moult resjoïs de

ceste parolle, li creanta se foy qu’il li tenroit son couvent

et encores oultre, se il voloit. Et sus cel estat

s’assegurèrent et avisèrent comment il s’en poroient

10chevir.

Quant ce vint de nuit, cilz Englès qui portoit les

clés dou chastiel et de la tour, où messires Raymons

estoit, ouvri la prison et une posterne dou chastiel,

et fist tant qu’il furent hors, et se misent as camps et

15dedens un bois, pour yaus esconser, par quoi il ne

fuissent rataint. Et eurent celle nuit tant de povreté que

nulz ne la diroit, car il cheminèrent plus de set liewes

tout à piet; et si estoit gellé par quoi il descirèrent tous

leurs piés; et fisent tant que il vinrent à l’endemain en

20Ango en une forterèce françoise, où il furent recueillié

des compagnons qui le gardoient, as quelz messires

Raymons compta sen aventure: si en loèrent tout

Dieu, quant il le sceurent. Bien est voirs que à l’endemain,

quant on se fu aperceu qu’il estoient parti, on

25les quist à gens de chevaus tout par tout, mès on n’en

peut nul trouver. Ensi escapa de grant peril messires

Raymons de Maruel, et retorna en Limozin et recorda

à ses amis comment cilz escuiers englès li avoit fait

grant courtoisie. Si fu de puis li dis Englès moult

30amés et honnourés entre yaus. Et li voloit messires

Raymons donner le moitié de son hiretage, mès cilz

n’en volt onques tant prendre, fors seulement deus

[9] 9 cens livrées de revenue; c’estoit assés, ce disoit, pour

lui et pour son estat parmaintenir.

§ 672. En ce temps trespassa de siècle en le cité

de Bourdiaus li ainsnés filz dou prince et de la princesse;

5si en furent durement couroucié: ce fu bien

raisons. Pour le temps de lors fu consillié au dit

prince de Galles et d’Aquitainnes qu’il retournast en

Engleterre sus se nation, en espoir de recouvrer plus

grant santé qu’il n’avoit encore eu. Et ce conseil li

10donnèrent si surgien et phisicien qui se cognissoient

à se maladie. Li princes se assenti moult bien à ce

conseil, et dist que volentiers il y retourneroit. Si fist

ordener sur ce toutes ses besongnes et me samble que

li contes de Cantbruge, ses frères, et li contes Jehans

15de Pennebruch furent ordonné de retourner avoecques

lui atout leurs gens, pour lui faire compagnie.

Quant li dis princes deubt partir d’Aquitainnes, et

que se navie fu toute preste sus le rivière de Garone

ou havene de Bourdiaus, et proprement il estoit là et

20ma dame sa femme et le jone Richart, leur fil, il fist

un mandement très especial en le ditte cité de Bourdiaus

de tous les barons et chevaliers de Gascongne

et de Poito et de tout ce dont il estoit sires et avoit

l’obeïssance. Quant il furent tout venu et mis ensamble

25en une cambre en sa presence, il leur remoustra

comment il avoit esté leurs sires et les avoit tenu

en pais tant qu’il avoit pout, et en grande prosperité

et poissance contre tous leurs voisins, et que pour

recouvrer santé dont il avoit grant besoing, il avoit

30espoir [et intention] de retourner en Engleterre. Si

leur prioit chierement que le duch de Lancastre, son

[10] 10 frère, il vosissent croire et servir et obeïr à lui, comme

il avoient fait dou temps passé à lui; car il le trouveroient

bon signeur courtois et acordable, et ossi en

toutes ses besongnes il le volsissent aidier et consillier.

5Li baron d’Aquitainnes, de Gascongne, de Poito

et de Saintonge li eurent tout en couvent, et li jurèrent

par leurs fois que ja en yaus n’i trouveroient

defaute, et fisent la feaulté et hommage au dit duch,

et li recogneurent toute amour, service et obeïssance,

10et li jurèrent, present le prince, et le baisièrent

tout en le bouche.

Apriès ces ordenances faites, li dis princes ne sejourna

point plenté [en le cité de Bourdiaux], ains

entra en son vaissiel, et ma dame la princesse, et

15leur fil, et li contes de Cantbruge et li contes de

Pennebruch. Et estoient bien en celle flote cinc cens

combatans sans les archiers. Si singlèrent tant que

sans peril et sans damage il arrivèrent ou havene de

Hantonne. Là issirent il des vaissiaus, et s’i rafreschirent

20par trois jours, et puis montèrent à chevaus,

et li princes en se littière, et tant esploitièrent qu’il

vinrent à Windesore où li rois se tenoit qui rechut

ses enfans moult doucement, et s’enfourma par yaus

de l’estat de Giane. Quant li princes eut estet dalés

25le roy, son père, tant que bien li souffi, il prist congiet,

et se retraiy à son hostel de Berkamestede à

vint liewes de le cité de Londres.

Nous nos soufferons à parler tant qu’en present

dou prince, et parlerons des besongnes d’Aquitainne.

30§ 673. Assés tost apriès che que li princes de Galles

fu partis de Bourdiaus, li dus de Lancastre entendi

[11] 11 à faire faire l’obseque de son cousin Edouwart, le fil

dou prince, son frère. Si le fist moult grandement

et moult reveramment en le cité de Bourdiaus; et là

furent tout li baron de Gascongne et de Poito qui

5avoient juré obeïssance à lui.

Entrues que ces ordenances se faisoient et que on

entendoit à faire cel obseque, et que cil signeur se

tenoient à Bourdiaus, issirent [hors] de le garnison

de Pieregorch bien deus cens lances de Bretons qui

10là se tenoient que li dus d’Ango y avoit envoiiés, des

quelz estoient chapitainne quatre bon chevalier et

hardi homme malement; je les nommerai. Che furent

messires Guillaumes de Loncval, messires Alains

de le Housoie, messires Loeis de Mailli et li sires

15d’Arsi. Si chevauchièrent cil signeur et leurs routes jusques

à un chastiel biel et fort que on dist de Montpaon,

dou quel messires Guillaumes de Montpaon

estoit sires. Quant cil Breton furent venu jusques à

là et il eurent couru devant les barrières, il moustrèrent

20grant samblant d’assaut et l’environnèrent

moult faiticement. Messires Guillaumez de Montpaon,

à ce qu’il moustra, avoit le corage plus françois que il

n’euist englès, et se rendi, et tourna François à peu

de fait, mist les dessus dis chevaliers et leurs gens en

25sa forterèce, li quel disent qu’il le tenroient contre

tout homme. Si le remparèrent et raparillièrent et

rafreschirent de ce que il y apertenoit. Ces nouvelles furent

sceues à Bourdiaus [tantost] coment li dus de

Lancastre et li baron de Giane n’esploitoient mies bien,

30car li Breton chevauçoient et avoient pris Montpaon

qui marcist assés priès de là. De quoi li dus et tout

li signeur qui là estoient eurent grant virgongne,

[12] 12 quant il le sceurent, et se ordonnèrent [et appareillèrent]

tantost pour yaus traire celle part. Et partirent

de le cité de Bourdiaus sus un merkedi après boire

en grant arroy. Avoecques le duch de Lancastre estoient

5li sires de Pons, li sires de Partenay, messires

Loeis de Harcourt, messires Guichars d’Angle, messires

Percevaus de Coulongne, messires Joffrois d’Argenton,

messires Jakemes de Surgières, messires

Mauburnis de Linières, messires Guillaumes de

10Monttendre, messires Huges de Vivone, li sires de

Crupegnach et pluiseur autre baron et chevalier de

Poito et de Saintonge. Si y estoient de Gascongne li

captaus de Beus, li sires de Pumiers, messires Helyes

de Pumiers, li sires de Chaumont, li sires de Monferrant,

15li sires de Longuerem, li soudis de l’Estrade, messires

Bernardès de Labreth, sires de Geronde, messires

Aymeris de Tarse et pluiseur aultre; et d’Engleterre,

messires Thumas de Felleton, messires Thumas

de Persi, li sires de Ros, messires Mikieus de la Poule,

20li sires de Willebi, messires Guillaumes de Biaucamp,

messires Richars de Pontchardon, messires Bauduins

de Fraiville, messires d’Agorisès et pluiseur aultre.

Si estoient bien set cens lances et cinc cens arciers.

Si chevaucièrent moult arreement et ordonneement

25par devers Montpaon et fisent tant qu’il y

parvinrent.

Quant messires Guillaumes de Montpaon sceut

que li dus de Lancastre et toutes ses gens le venoient

assegier, si ne fu mie trop assegurés, car bien savoit

30que se il estoit pris, il le feroient morir à grant

painne, et que point ne seroit receus à merci, car

trop il s’estoit fourfais. Si s’en descouvri à quatre

[13] 13 chevaliers dessus dis, et lor dist qu’il se partiroit et iroit

tenir à Pieregorch, et que dou chastiel il fesissent

leur volenté. Adont se departi li dessus dis ensi que

proposé l’avoit, et s’en vint en le cité de Pieregorch

5qui est moult forte, et laissa son chastiel en le garde

des quatre chevaliers dessus dis.

§ 674. Quant li dus de Lancastre, li baron et li

chevalier et leurs routes, furent venu devant le chastiel

de Montpaon, si le assegièrent et environnèrent

10de tous lés, et s’i bastirent ossi fort et ossi bien que

dont que il y deuissent demorer set ans. Et ne

sejournèrent mies quant il y furent venu, mais se

ordonnèrent et se mirent tantos à l’assallir de grant

volenté, et envoiièrent querre et coper par les villains

15dou pays grant fuison de bois, [d’arbres], de mairiens

et de belourdes; si les fisent là amener et achariier

et reverser ens es fossés; et furent bien sus cel estat

vint jours que on n’entendoit à aultre chose fors que

de raemplir les fossés. Et sus ces bois et mairiens on

20mettoit estrain et terre, et tant fisent li dit signeur par

l’ayde de leurs gens que il raemplirent une grande

quantité des fossés; et tant que il pooient bien venir

jusques as murs pour escarmucier à ceulz dedens,

ensi que il faisoient tous les jours par cinc ou par sis

25assaus. Et y avoit les plus biaus estours dou monde,

car li quatre chevalier breton, qui dedens se tenoient

et qui entrepris à garder l’avoient, estoient droites

gens d’armes et qui si bien se deffendoient et si vaillamment

se combatoient que il en sont grandement

30à recommender, ne quoi que li Englès et li Gascon

les approçassent de si priès que je vous di, nullement

[14] 14 point ne s’en effreoient, ne sus yaus rien on ne

conqueroit.

Assés priès de là en le garnison de Saint Malkaire

se tenoient aultre Breton des quelz Jehans de Malatrait

5et Selevestre Bude estoient chapitainne. Cil doi

escuier, [qui] ooient parler tous les jours et recorder

les grans apertises d’armes que on faisoit devant

Montpaon, avoient grant desir et grant envie que il

y fuissent; si en parlèrent ensamble pluiseurs fois en

10disant: «Nous savons nos compagnons priès de ci et

si vaillans gens que telz et telz», et les nommoient,

«qui ont tous les jours par cinc ou sis estours le bataille

à le main, et point n’i alons, qui ci sejournons à riens

de fait: certainnement nous ne nos en acquittons pas

15bien.» Là estoient en grant estri d’aler y, et quant

il avoient tout parlé, et il consideroient le peril de

laissier leur forterèce sans l’un d’yaus, il ne par

osoient. Si dist une fois Selevestre Bude: «Par Dieu,

Jehan, ou je irai, ou vous irés; or regardés li quelz

20ce sera.» Respondi Jehans: «Selevestre, vous

demorrés, et jou irai.» Là furent de recief en estri

tant que par accort et par sierement fait et juré,

present tous leurs compagnons, il deurent traire

à le plus longe, et cilz qui aroit le plus longe iroit,

25et li aultres demoroit. Si traisent tantost, et escheï

Selevestre Bude à le plus longhe; lors y eut des

compagnons grant risée. Li dis Selevestres ne le

tint mies à gas, mais s’apparilla tantost, et monta

à cheval, et se parti li XIIez de hommes d’armes.

30Et chevauça tant que sus le soir il s’en vint bouter

en le ville et forterèce de Montpaon, dont li chevalier

et li compagnon, qui là dedens estoient,

[15] 15 eurent grant joie, et en tinrent grant bien dou dit

Selevestre.

§ 675. Si com je vous ay ci dessus dit, il y avoit

tous les jours assaut à Montpaon, et trop bien li chevalier

5qui dedens estoient se deffendoient, et y acquisent

haute honneur, car jusques adont que on leur

fist reverser un pan de leur mur, il ne s’effraèrent.

Mais je vous di que li Englès ordenèrent mantiaus et

atournemens d’assaut, quant il peurent approcier par

10mi les fossés raemplis jusques au mur; et là avoit brigans

et gens paveschiés bien et fort, qui portoient

grans pis de fier, par quoi de force il piketèrent tant

le mur qu’il en fisent cheoir sur une remontière plus

de quarante piés de large. Et puis tantost li signeur

15de l’ost ordonnèrent et establirent une grande bataille

de leurs arciers à l’encontre, qui traioient si ouniement

à chiaus de dedens que nulz ne s’osoit

mettre avant ne apparoir. Quant messires Guillaumes

de Loncval, messires Alains de le Housoie, messires

20Loeis de Mailli et li sires d’Arsi se veirent en ce

parti, si sentirent bien qu’il ne se pooient tenir. Si

envoiièrent tantost un de leurs hiraus, monté à cheval,

tout par mi ce mur trauet pour parler de par yaus au

duch de Lancastre, car il voloient entrer en trettié, se

25il pooient. Li hiraus vint jusques au duch, car on

li fist voie, et remoustra ce pour quoi il estoit là

envoiiés. Li dus par le conseil des barons, qui là

estoient, donna respit à chiaus de dedens, tant que

il euissent parlementé à lui. Li hiraus retourna, et

30fist celle relation à ses mestres, et tantost tout quatre

il se traisent avant. Si envoia li dis dus parler à yaus

[16] 16 monsigneur Guichart d’Angle. Là sus les fossés furent

il ensemble en trettié, et demandèrent en quel

manière li dus les voloit prendre ne avoir. Messires

Guiçars, qui estoit cargiés de ce qu’il devoit dire et

5faire, leur dist: «Signeur, vous avés durement couroucié

monsigneur, car vous l’avés ci tenu plus de

onse sepmainnes où il a grandement fraiiet et perdu

de ses gens; pour quoi il dist qu’il ne vous recevera ja

ne prendera, se vous ne vous rendés simplement, et

10encores voet il tout premierement avoir monsigneur

Guillaume de Montpaon et faire morir, ensi qu’il a

desservi comme trahitour envers lui.» Lors respondi

messires Loeis de Mailli, et dist: «Messires Guiçart,

tant que de monsigneur Guillaume que vous demandés

15à avoir, nous vous jurrons bien en loyauté que nous

ne savons où il est, et que point il ne se tient en ceste

ville ne n’est tenus de puis que vous mesistes le si[è]ge

ci devant; mais il nous seroit moult dur de nous rendre

en le manière que vous volés avoir, qui ci sommes

20envoiiet comme saudoiier, gaegnans nostre argent,

ensi que vous envoieriés le[s] vostres ou vous iriés

personelment. Et ançois nous feissions ce marchié, nous

nos venderions si chierement que on en parleroit

cent ans à venir. Mais retournés devers monsigneur le

25duch, et li dittes qu’il nous prende courtoisement

sus certainne composition de raençon ensi que il

vorroit que il fesist les siens, se il estoient escheu en

ce dangier.» Lors respondi messires Guiçars, et dist:

«Volentiers; j’en ferai mon plain pooir.» A ces

30parolles retourna li dis mareschaus devers le duch,

et prist en se compagnie le captal de Beus, le signeur

de Rosem et le signeur de Muchident, pour mieulz

[17] 17 abrisier le duch. Quant cil signeur furent devant lui,

se li remoustrèrent tant de belles parolles, unes et aultres,

qu’il descendi à leur entente, et prist les quatre

chevaliers bretons dessus dis et Selvestre Bude et leurs

5gens à merci comme prisonniers. Ensi eut il de

rechief le saisine et possession de [le forteresche de]

Montpaon; et prist le feauté des hommes de le ville,

et y ordonna deus chevaliers gascons et quarante

hommes d’armes et otant d’arciers pour le garder.

10Et le fisent cil tantost reparer bien et à droit par les

païsans de là environ, et le refreschirent de vivres et

d’artillerie.

§ 676. Apriès le reconquès de Montpaon, et que

li dus de Lancastre l’eut repourveue de bonnes gens

15d’armes et de chapitainnes, ils se deslogièrent; et

donna li dis dus congiet à toutes ses gens pour

retraire cescun en son lieu. Si se departirent li un de

l’autre et retournèrent en leurs nations, et s’en

revint li dus en le cité de Bourdiaus et li Poitevin en

20leur pays, et li signeur de Gascongne [s’en ralèrent]

en leurs villes et chastiaus. Si se commencièrent à

espardre les compagnes sus les pays, li quel y faisoient

moult de maulz, ossi bien en terre d’amis que

d’anemis. Si les soustenoit li dis dus et leur souffroit

25à faire leurs aises pour le cause de ce qu’il en pensoit

à avoir besongne. Et par especial les guerres

estoient pour le temps de lors plus dures et plus

fortes sans comparison en Poito que aultre part. Et

tenoient une grande garnison li François ou chastiel

30de Montcontour à quatre liewes de Touwars et à sis

de Poitiers; des quelz messires Piêres de la Gresille

[18] 18 et Jourdains de Coulongne estoient chapitainne et

souverain. Si couroient priès que tous les jours

[devant Touwars ou devant Poitiers, et y faisoient

grans contraires et moult les resongnoient chil du

5païs; d’autre part à Chastel Eraut se tenoit Charuels

et bien cinc cens Bretons qui trop adamagoient le

païs; et chil de le Roche de Ponsoy et chil de

Saint Salvin ossi priès que tous les jours], et n’osoient

li baron et li chevalier de Poito, qui Englès

10se tenoient, chevaucier fors en grant route pour le

doubtance des François qui estoient enclos en leur

pays.

§ 677. Assés tost apriès le revenue de Montpaon

et que cil signeur de Poito furent retrait en leur

15pays, qui tenoient frontière as François, y eut secrés

trettiés entre monsigneur Loeis de Saint Juliien, le

visconte de Rocewart, et aultres François d’un costé,

et le signeur de Pons; et tant parlementèrent et tant

esploitièrent li François par mi grans pourças qui

20vinrent dou roy de France qui nuit et jour travilloit

à attraire chiaus de Poito à son accord, que li sires

de Pons se tourna françois oultre la volenté de ma

dame sa femme, et chiaus de sa ville de Pons en

Poito, et demora à ce dont la dame englesce et li

25sires françois.

De ces nouvelles furent moult courouciet li baron

et li chevalier de Poito qui englès estoient; car

cilz sires de Pons est là uns grans sires malement.

Quant li dus de Lancastre entendi ce, si en eut grant

30mautalent et tint grant mal dou signeur de Pons et

grant bien de ma dame sa femme, et de chiaus de le

[19] 19 ville de Pons, qui se voloient tenir englès. Si y envoia

tantost pour estre chapitainne de la ditte ville

de Pons, et pour aidier et consillier la dame, un chevalier

qui s’appeloit messires Aymenions de Bourch,

5hardi homme et vaillant durement. Si couroit priès

que tous les jours li sires de Pons devant sa ville et

ne les deportoit en riens. Et tele fois y venoit que

il estoit recaciés et reboutés, et retournoit à damage.

Ensi estoient là les coses entoueillies, et li signeur et

10li chevalier l’un contre l’autre; et y fouloit li fors le

foible ne on n’i faisoit droit ne loy ne raison à

nullui. Et estoient les villes et li chastiel entrelachiet

li un en l’autre, li uns englès, li autres françois, qui

couroient et racouroient et pilloient li un sus l’autre

15sans point de deport.

Or s’avisèrent aucun baron et chevalier de Poito

qui englès estoient, que cil de le garnison de

Montcontour les travilloient plus que nul aultre et

que il se trairoient celle part et les iroient assegier.

20Si fisent un mandement en le cité de Poitiers,

ou non dou seneschal de Poito, monsigneur Thumas

de Persi, au quel commandement obeïrent

tout chevalier et escuier, et furent bien cinc cens

lances et deus mil brigans paveschiés par mi les

25arciers. Là estoient messires Guiçars d’Angle, messires

Loeis de Harcourt, li sires de Partenay, li sires

de Puiane, li sires de Tannai Bouton, li sires de Crupegnach,

messires Parcevaus de Coulongne, messires

Joffrois d’Argenton, messires Huges de Vivone, li

30sire de Tors, li sires de Puisances, messires Jakemes

de Surgières, messires Mauburnis de Linières et pluiseur

aultre; et ossi des chevaliers englès qui pour

[20] 20 le temps se tenoient en Poito, par cause d’office ou

de garder le pays, telz que monsigneur Bauduin de

Fraiville, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Gautier

Huet, monsigneur Richart de Pontchardon et

5des aultres. Quant il se furent tout mis ensamble

à Poitiers, et il eurent ordonné leurs besongnes, leur

arroi et leur charoi, il se partirent à grant esploit et

prisent le chemin de Montcontour, tout ordonné

et appareillié ensi que pour le assegier.

10§ 678. Cilz chastiaus de Montcontour siet sur les

marces d’Ango et de Poito, et est malement fors et

biaus, à quatre liewes de Touars. Tant esploitièrent li

dessus dit Poitevin, qui estoient bien en compte

15trois mil combatant, que il y parvinrent. Si le assegièrent

et environnèrent tout au tour; et avoient fait

amener et achariier avoech eulz grans engiens de le

cité de Poitiers, et ossi il en mandèrent en le ville de

Touars. Si les fisent, tantost qu’il furent venu, drecier

par devant le dit chastiel de Montcontour, li quel

20jettoient nuit et jour à le ditte forterèce. Avoecques

ce, li signeur envoioient leurs gens tous les jours

assallir et escarmucier à chiaus dou dit fort, et là

eut fait pluiseurs grans apertises d’armes, car avoech

les Poitevins estoient gens de compagnes qui point ne

25voloient sejourner, telz que Jehans Cressueille et

David Holegrave. Cil doi avoecques monsigneur

Gautier Huet en estoient chapitainne. Messires Pières

de la Gresille et Jourdains de Coulongne qui dedens

estoient, se portoient vaillamment, et s’en venoient

30tous les jours combatre as Englès à leurs barrières.

Entre les assaus que là eut fais, dont il en y eut

[21] 21 pluiseurs au Xe jour que li Englès et Poitevin

furent là venu, il s’avancièrent telement et de si

grant volenté et par si bonne ordenance, que de

force il pertruisièrent les murs dou chastiel, et entrèrent

5dedens, et conquisent les François. Et y furent

tout mort et occis cil qui dedens estoient, excepté

messires Pières et Jourdains, et cinc ou sis hommes

d’armes que les compagnes prisent à merci.

Apriès ceste avenue et le prise de Montcontour,

10messires Thumas de Persi, messires Loeis de Harcourt

et messires Guiçars d’Angle par l’acort et conseil des

aultres barons et chevaliers, donnèrent le chastiel à

monsigneur Gautier Huet, à Jehan Cressuelle et à

David Holegrave et as compagnes qui bien estoient

15cinc cens combatans, pour faire la frontière as Poitevins

contre chiaus d’Ango et du Maine; et puis se

departirent li signeur, et retournèrent cescuns en

leurs lieus. Ensi demora li chastiaus de Montcontour

et li frontière en le garde et ordenance des dessus

20dis qui y fisent tantost une grande garnison, et le

remparèrent grandement, et le tinrent de puis moult

longement, et moult grevèrent le pays de là environ,

car tous les jours il couroient en Ango et en

Mainne.

25§ 679. Nous retourrons à parler de monsigneur

Bertran de Claiekin, connestable de France, qui s’estoit

tenus à Paris et dalés le roy, de puis le revenue

de Pont Volain, où ilz et li sires de Cliçon avoient

ruet jus les Englès, sicom ci dessus est dit, et bien

30avoient entendu que li Englès en Poito et en Ghiane

tenoient les camps. Si ques tantost apriès le Candeler,

[22] 22 que li prins tamps commença à retourner, li dis

messires Bertrans s’avisa qu’il metteroit sus une

grande armée et assamblée de signeurs et de gens

d’armes, et chevauceroit d’autre part ossi bien que li

5Englès chevauçoient en Poito ou pays de Quersi et de

Roerge, car là avoit aucuns Englès qui s’i tenoient

trop honnourablement et estoient tenu de puis la

guerre renouvelée. Et encores de nouviel les gens

monsigneur Jehan d’Evrues, qui se tenoient ou pays

10de Limozin, avoient en Auvergne pris un chastiel,

cité et ville tout ensamble qui s’appelle [Ussel], qui

mies ne faisoit à souffrir. Si disoit li dis connestables

que il se voloit traire de celle part. Si fist par le congiet

dou roy un grant mandement de signeurs, de

15gens d’armes et d’arciers; et se parti de Paris à grant

route et toutdis li croissoient gens. Et tant esploita

li dis connestables qu’il vint en Auvergne. Adont estoient

dalés lui et en se compagnie li dus de Berri,

li dus de Bourbon, li contes d’Alençon, li contes du

20Perce, ses frères, li contes de Saint Pol, li daufins

d’Auvergne, li contes de Vendome, li contes de Porsiien,

li sires de Sulli, li sires de Montagut, messires

Huges Dauffins, li sires de Biaugeu, li sires de Rocefort,

li sires de Calençon et grant fuison de barons

25et de chevaliers des marces et tenures de France.

Si esploitièrent tant ces gens d’armes avoech le dessus

dit connestable que il vinrent devant le cité

d’Ussel. Si le assegièrent et y furent quinse jours. Là

en dedens il y eut pluiseurs assaus, grans et fors;

30mais onques en celle empainte il ne peurent prendre

le forterèce, car il y avoit dedens Englès, qui trop

vaillamment le gardèrent. Si s’en partirent ces [gens]

[23] 23 d’armes et chevaucièrent oultre avoech le connestable

en Roerge.

Et li aucun des chiés des signeurs vinrent en Avignon

veoir le pape Grigore et le duch d’Ango, qui se

5tenoit dalés lui. Tantost apriès celle visitation, que

cil signeur fisent au pape et au duch d’Ango, il se

departirent de le cité d’Avignon et se retraisent devant

le connestable qui chevauçoit en Roerge et conqueroit

villes et chastiaus sus les Englès. Si s’en vinrent

10devant le ville de La Millau, et le assegièrent, la

quele messire Thumas de Welkefare tenoit et avoit

tenu tout le temps, et aussi le Roce Vauclere. Mais

li dessus dis chevaliers englès, par composition à ce

dont que messires Bertrans fu venus ou pays, s’en

15parti et li Englès qui de se route se tenoient. Et li

rendirent encores aucuns chastiaus sur les frontières

de Limozin. Et quant li dis messires Bertrans les ot

rafreschis, il prist son chemin et son retour, et tout

cil signeur de France en se compagnie pour venir

20de rechief devant le cité d’Ussel, en Auvergne, et le

assegièrent. Et fisent là li dus de Berri et li dus de

Bourbon et li connestables amener et achariier grans

engiens de Rion et de Clermont, et drecier devant

la ditte forterèce, et avoech tout ce appareillier grans

25atournemens d’assaus.

§ 680. Quant li Englès, qui s’estoient tenu en le

cité d’Ussel si vaillamment, veirent le manière et ordenance

dou connestable et des François, et il entendirent

que messires Thumas de Welkefare estoit partis

30de ses forterèces de Roerge et que confors ne leur

apparoit de nul costé, si se commencièrent à consillier

[24] 24 et aviser qu’il se renderoient par trettié, non aultrement.

Si trettièrent si bellement et si sagement

devers le connestable, qu’il se partirent sans damage

et sans blasme, et emportoient tout le leur, ce que

5porter en pooient devant yaus. Et avoech tout ce, on

les devoit conviier jusques à Sainte Sivière en Limozin.

Ceste ordenance fut tenue: li Englès se partirent

et rendirent tout ce que il tenoient d’Ussel,

cité et chastiel, et furent mené sanz peril jusques en

10le garnison dessus dite. Ensi acquitta en ce voiage

messires Bertrans un grant fuison de pays que li Englès

avoient tenu, et tourna françois; dont il acquist

grant grasce, et puis retourna en France.

Vous avés bien ci dessus oy parler de le chevaucie

15monsigneur Robert Canolles, qu’il fist en France, et

comment il retourna en son pays de Derval en

Bretagne; et est bien voirs que aucun Englès, à

leur retour, parlèrent grandement de sen honneur

en Engleterre, et tant que li rois et ses consaulz en

20furent enfourmé contre lui et mal content. Mais

quant li dis messires Robers le sceut, il s’envoia escuser

par deus de ses escuiers d’onneur, telement que

li rois et se[s] consaulz se tinrent pour mal enfourmé

en devant dou dit monsigneur Robert, et de lui bien

25se contentèrent, parmi ce que messires Alains de Bouquesele

et aucun aultre chevalier, bien amé et proçain

dou roy, l’aidièrent à escuser. Et en fu trouvés

en son tort tant que il le compara chierement, messires

Jehans Mestreourde, car il en fu pris et justiciés

30publikement en le cité de Londres. Par celle justice fu

lavés et escusés de toutes amises li dessus dis messires

Robers et demora en le grace dou roy et dou prince.

[25] 25 § 681. Li rois d’Engleterre qui se veoit guerriiés

et cuvriiés des François malement, acqueroit amis,

ce qu’il pooit, par de deça le mer. Et avoit pour lui

le duch de Guerles, son neveu, et le duch de Jullers,

5et devoient en celle saison mettre sus une grande

somme de gens d’armes, et bien estoit en leur poissance

pour entrer en France. Et de ce et d’yaulz se

doubtoit bien li rois de France. En ce temps envoioit

li rois d’Engleterre le conte de Herfort et les chevaliers

10de son hostel moult ordeneement en Bretagne,

pour parler au duch sus aucunes ordenances qui devoient

estre entre lui et le duch.

Et pour lors n’estoient point bien cler li Englès et

li Flamench, et s’estoient celle saison heriiet sus mer,

15et tant que li Flamench avoient perdu: dont il leur

desplaisoit. Si se trouvèrent d’aventure devant un

havene en Bretagne que on dist à le Bay, chil Englès

et cil Flamench. Si estoit paterons de le navie des

Flamens Jehans Pietresone, et des Englès messires

20Guis de Briane. Si tretos comme il se furent trouvé, il

ferirent ensamble et assamblèrent de leurs vaissiaus;

et là eut grant bataille et dure malement. Et estoient

là des chevaliers dou dit roy avoec le comte de Herfort,

messires Richars de Pennebruge, messires Alains de

25Bouquesele, messires Richars Sturi, messires Thumas

Wisk, et des aultres. Si se combatirent chil chevalier

et leurs gens moult asprement à ces Flamens, et s’i

portèrent très vaillamment, comment que li Flamench

fuissent plus grant fuison et pourveu de leur

30fait. Car il n’avoient desiré toute le saison aultre cose

que il peuissent avoir trouvés les Englès, mais pour

ce ne l’eurent il mies davantage. Si dura ceste bataille

[26] 26 sus mer bien trois heures, et là ot fait pluiseurs

apertises d’armes et maint homme navré et

blechié dou trait. Et avoient leurs nefs atachies à

grawés de fier et à kainnes pour quoi il ne peuissent

5fuir. Toutes fois finablement la place demora as Englès,

et furent li dit Flamench desconfi, et sires

Jehans Pietresone, leurs paterons, pris, et tous li demorans

mors et pris; onques piés n’en escapa. Et

retournèrent li dit Englès arrière en Engleterre, qui

10en menèrent leur conquès et leurs prisonniers, et ne

fisent point leur voiage en Bretagne adont. Si comptèrent

ces nouvelles au roi d’Engleterre lor signeur,

qui fu moult joians de leur avenue, quant il entendi

que li Flamench qui envay les avoient, estoient desconfi.

15Si furent tantos envoiiet en prison fremée

Jehan Pietresone et li aultre, et espars par mi

Engleterre.

§ 682. Apriès celle desconfiture qui fu faite sus

les Flamens, devant le Bay en Bretagne, li rois d’Engleterre

20mist grans gens sus mer à l’encontre des

Flamens, et les commanda à guerriier et heriier et à

clore les pas, par quoi riens ne leur venist fors à

grant dangier. Quant cil de Bruges, d’Ippre et de

Gand entendirent ces nouvelles, si misent leurs consaulz

25ensamble et disent, tout imaginé et consideré,

que pourfitable ne leur estoit mie d’avoir la guerre

et le hayne as Englès, qui leur estoient voisin et marcissant

à yaus, pour l’oppinion de leur signeur le

conte aidier à soustenir, comment que il en touchoit

30aucunement à yaus, otant bien c’au conte. Si se dissimulèrent

li plus sage des bonnes villes, et envoiièrent

[27] 27 de par yaus souffisans hommes et bons

trettieurs en Engleterre devers le roy et son conseil,

li quel esploitièrent si bien [ains leur retour], que

il aportèrent pais au pays de Flandres et as Flamens

5sus certains articles et ordenances qui furent ditté et

seelé entre l’une partie et l’autre: si demora la cose

en bon et segur estat.

Or parlerons un petit dou roy Jame de Mayogres.

§ 683. Vous avés bien oy recorder comment li

10rois de Mayogres fu pris ou Val d’Olif en Castille au

reconquès que li rois Henris fist en Espagne, et demora

prisonniers au dit roy Henri. Quant la royne

de Naples, sa femme, et la markise de Montferrat, sa

soer, entendirent ces nouvelles, si furent moult coureciés

15de l’avenue et y pourveirent de remede et de

conseil. Je vous dirai par quel manière elles traittièrent

et fisent traittier par sages et vaillans hommes

devers le roy Henri; et tant que li rois de Mayogres

fu mis à finance et rançonnés à cent mil frans, le[s]quelz

20les deus dames dessus dittes paiièrent si courtoisement

que li rois Henris leur en sceut gré. Tantost

que li rois de Mayogres se peut partir, il retourna en

Naples et ne volt mies sejourner; mès quist or et argent

à grant pooir et amis de tous lés. Et se remist

25de rechief au chemin en istance de ce que pour guerriier

le roy d’Arragon, sen adversaire, qu’il ne pooit

amer; car il li avoit son père mort et li tenoit son

hiretage. Si esploita tant li dis rois qu’il vint en Avignon

devers le pape Grigore XIe, et là se tint plus

30d’un mois. Et fist ses complaintes si bien et si à point

au dit Saint Père, que il descendi à ses priières. Et

[28] 28 consenti bien au dit roy de Mayogres, que il fesist guerre

au dit roy d’Arragon, car il avoit cause qui le mouvoit;

c’estoit pour son hiretage. Dont se pourvei li

dis rois de Mayogres de gens d’armes là où il les peut

5avoir, et le acata bien et chier, Englès, Gascons,

Alemans, Bretons et gens de compagnes, des quelz

messires Garsions dou Chastiel, messires Jehans de

Malatrait et Selevestre Bude et Jakes de Bray estoient

chapitainne. Si pooient estre environ douse cens

10combatans; et passèrent oultre et entrèrent en Navare

et sejournèrent là par le consentement et acord

dou roy; et de Navare en Arragon. Et commencièrent

cil chevalier, ces gens d’armes et leurs routes,

à faire guerre au roy d’Arragon et à courir sus son

15pays, à prendre et à essillier petis fors et travillier le

plain pays où il pooient habiter et entrer et rançonner

hommes et femmes; et tant que li rois d’Arragon,

qui bien se doubtoit de celle guerre, envoia

grant gent d’armes sus les frontières; des quelz li viscontes

20de Rokebertin et li contes de Rodès furent

meneur et chapitainne. Celle guerre pendant, qui estoit

ja toute ouverte et moult felle, li rois James de

Mayogres s’acouça malades de rechief ou Val de

Sorie; de la quele maladie il morut. Par ensi eurent

25li Aragonnois pais de ce costé un grant temps; et se

departirent ces compagnes qui là avoient guerriiet, et

s’en retournèrent en France, cescuns devers le signeur

dont il pensoient avoir plus grant pourfit. Or

parlerons nous dou duch de Lancastre.

30§ 684. Li dus Jehans de Lancastre qui se tenoit

en le bonne cité de Bourdiaus sus Garone, et dalés

[29] 29 lui pluiseurs barons et chevaliers d’Aquitainne, car

encores y estoient les coses en bon estat pour le partie

des Englès, quoi c’aucun baron de Poito et de Limozin

se fuissent retourné françois, faisoit souvent

5des issues et chevaucies sus ses ennemis, où riens ne

perdoit; et bien le ressongnoient ou pays cil qui tenoient

les frontières pour le duch d’Ango. Cilz dus

estoit veues et sans moullier; car ma dame Blance de

Lancastre et Derbi, sa femme, estoit trespassée de ce

10siècle. Si avisèrent li baron de Gascongne et messires

Guiçars d’Angle, que li rois dan Pietres avoit deus

filles de son premier mariage de la suer le roy de Portingal,

les queles estoient en le cité de Bayone, et là

à garant afuies. Et les avoient amenées par mer aucun

15chevalier de le Marce de Sebille, pour le doubtance

dou roy Henri, sitost qu’il sceurent le mort de leur

père, le roy dan Pietre. Si se tenoient là les deus filletes

toutes esgarées, dont on pooit avoir grant pité,

car elles estoient hiretières de Castille, qui bien leur

20fesist droit, par le succession dou roy, leur père. Si fu

ce remoustré au duch de Lancastre en disant ensi:

«Monsigneur, vous estes à marier, et nous savons là

un grant mariage pour vous, dont vous ou vostre hoir

serés encores rois de Castille. Et s’est très grant aumosne

25de reconforter et consillier puceletes et filles de

roy, especiaument qui sont en tel estat comme celles

sont. Si prendés l’ainsnée en mariage, nous le vous

consillons, car en present nous ne savons où vous

vous poés plus hautement marier, ne de quoi si grans

30pourfis vous puist nestre.» Ces parolles [et autres]

entamèrent telement le coer dou dit duch et si bien li

plaisirent, que il y entendi volentiers. Et envoia tantos

[30] 30 et sans delay querre les deus damoiselles qui s’appeloient

Constanse et Ysabiel par quatre de ses chevaliers.

Et parti de Bourdiaus li dis dus, quant il sceut

et entendi que elles venoient, et ala encontre elles en

5grant arroy. Et espousa l’ainnée, ma dame Constanse,

sus ce chemin en un village dalés le cité de Bourdiaus,

qui s’appelle Rocefort. Et eut illuech au jour

des espousalles grans festes et grans reviaus et fuison

de signeurs et de dames pour la feste plus efforcier.

10Tantos apriès les espousalles, li dus amena ma dame

sa femme en le cité de Bourdiaus; et là eut de rechief

grant feste. Et furent la ditte dame et sa suer

moult conjoïes et festées des dames et damoizelles de

Bourdiaus; et leur furent donné grans dons et biaus

15presens pour l’amour dou dit duch.

§ 685. Ces nouvelles vinrent en Castille au roy

Henri et as barons dou dit royaume, qui ahers et

alloiiet à lui s’estoient de foy et d’ommage, comment

sa nièce avoit espousé le duch de Lancastre, et encores

20supposoit on que se mainnée suer Ysabiel espouseroit

le conte de Cantbruge, le dit duch retourné

en Engleterre. Si fu plus pensieus li di rois Henris

que devant, et en mist son conseil ensamble. Si fu

adont conseilliés que il envoiast grans messages devers

25le roy de France, qui bien sceuissent parler et

remoustrer son afaire, et qui de ce mariage estoit tous

enfourmés. A ce conseil et avis se tint li rois Henris,

et ordonna sages hommes et les plus autentis de son

royaume pour aler en France. Si se misent ou chemin

30en grant arroy et fisent tant par leurs journées qu’il

vinrent en le cité de Paris, où il trouvèrent le roy, qui

[31] 31 les rechut à grant joie, ensi que bien le sceut faire.

Entre le dit roy et le conseil dou roy Henri, qui avoient

procurations et seellés bons et justes de faire trettier

et proceder en toutes coses, ou nom de leur signeur,

5eut pluiseurs parlemens, consaulz et trettiés secrés et

aultres, li quel tournèrent à effect. Finablement en ce

temps furent acordées, ordonnées et confremées

alliances et confederations moult grandes et jurées

solennelment de toutes parties, à tenir fermement et

10non brisier ne aler à l’encontre par aucune voie, que

cil doi roy demoroient en une unité de pais, d’amour

et d’alliance. Et jura adont li rois de France solennelment

en parolle de roy que il aideroit et conforteroit

le roy de Castille en tous ses besoings, et ne feroit

15pais ne acord aucunement au roy d’Engleterre, que

il ne fust mis dedens. A ces trettiés, acors et alliances

faire, rendi grant painne et diligense messires Bertrans

de Claiekin, qui moult amoit le roy Henri.

Apriès toutes ces coses faites, confremées et acordées

20et seelées, se departirent li ambasadour dou roy Henri

et retournèrent en Espagne, et trouvèrent leur signeur

au Lyon en Espagne, qui fu moult liés de leur revenue

et de ce qu’il avoient si bien esploitié. Et se tint de

puis par mi ces alliances li rois Henris plus assegurés

25et confortés que devant.

§ 686. Nous retourrons au duch de Lancastre qui se

tenoit en le bonne cité de Bourdiaus, et eut avis environ

le Saint Michiel, qu’il retourneroit en Engleterre,

pour mieulz enfourmer le roy son père des besongnes

30d’Aquitainnes: si se ordonna et appareilla selonch ce.

Un petit devant ce que il deuist mouvoir ne partir,

[32] 32 il assambla en le cité de Bourdiaus tous les barons

et chevaliers de Giane qui pour le temps se tenoient

Englès. Et quant il furent tout venu, il leur remoustra

que il avoient entention de retourner en Engleterre

5pour certainnes coses et le pourfit d’yaus tous

et de la ducé d’Aquitainne, et que à l’esté qui revenoit,

il retourneroit, se li rois, ses frères, l’acordoit.

Ces parolles plaisirent bien à tous ceulz qui les entendirent.

Là institua et ordonna li dis dus monsigneur

10le captal de Beus, le signeur de Moutchident et le

signeur de Lespare pour estre mainbour et gouvreneur

de tout le pays de Gascongne, qui pour yaus se

tenoit, et en Poito monsigneur Loeis de Harcourt

et le signeur de Partenay; et en Saintonge monsigneur

15Joffroi d’Argenton et monsigneur Guillaume

de Monttendre; et laissa tous seneschaus et officiers

ensi comme il estoient en devant. Là furent ordonné

d’aler en Engleterre avoech le dit duch, par le conseil

des Gascons, Saintongiers et Poitevins, pour

20parler au roy et remoustrer les besongnes et l’estat

d’Aquitainne [plus plainement], messires Guiçars

d’Angle, li sires de Puiane, et messires Aymeris de

Tarste. Et encores pour le cause d’yaus attendre,

detria li dus un petit. Quant il furent tout apparelliet

25et les nefs cargies et ordonnées, il entrèrent

dedens sur le havene de Bourdiaus, qui est biaus et

larges. Si se parti li dis dus à grant compagnie de

gens d’armes et d’arciers, et avoit bien soissante gros

vaissiaus en se route parmi les pourveances, et en

30mena avoecques lui sa femme et sa suer; envis les euist

laissies. Si esploitièrent tant li maronnier par le bon

vent qu’il eurent qu’il arrivèrent ou havene de

[33] 33 Hantonne en Engleterre. Et là issirent il des vaissiaus

et entrèrent en le ville; se s’i reposèrent et rafreschirent

par deus jours, et puis s’en partirent. Et

chevaucièrent tant qu’il vinrent à Windesore, où

5li rois se tenoit, qui rechut son fil le duch, les dames

et les damoiselles et les chevaliers estragniers à

grant feste. Et par especial il vei moult volentiers

monsigneur Guichart d’Angle.

En ce temps trespassa cilz gentilz chevaliers,

10messires Gautiers de Mauni, en le cité de Londres,

dont tout li baron d’Engleterre furent moult coureciet,

pour le loyauté et bon conseil que en lui

avoient toutdis veu et trouvé. Si fu ensepelis à

grant solennité en un monastère de Chartrous, qu’il

15avoit fait edifier au dehors de Londres. Et furent au

jour de son obsèque là li rois d’Engleterre et tout si

enfant, et li prelat et baron d’Engleterre. Si rescheï

toute sa terre de delà le mer et de cha en Haynau au

conte Jehan de Pennebruch, qui avoit à femme ma

20dame Anne, sa fille. Si envoia li dis contes de Pennebruch

relever sa terre en Haynau, qui escheue li

estoit, par deus de ses chevaliers qui en fisent leur

devoir au duc Aubert, ensi qu’il apertenoit, et qui

tenoit la conté de Haynau pour ce temps en bail.

CHAPITRE XCIX CHAPITRE XCIX

25§ 687. Tout cel iver se portèrent ensi les besongnes

en Engleterre, et y eut pluiseurs consaulz et

imaginations entre les signeurs sus l’estat dou pays,

à savoir comment il se maintenroient sus l’esté qui

venoit. Et avoient li Englès intention de faire deus

30voiages, l’un en Ghiane, et l’autre en France par

Calais, et acqueroient amis de tous lés ce qu’il

[34] 34 pooient, tant en Alemagne comme ens es marces de

l’empire, où pluiseur signeur, chevalier et escuier

estoient de leur acord. Avoech tout ce, il faisoient le

plus grant appareil de pourveances et de toutes coses

5neccessaires à ost que on euist [veu] en grant temps

faire. Bien savoit li rois de France aucuns des secrés

des Englès et sus quel estat il estoient, et quel cose il

proposoient à faire. Si se consilloit et fourmoit sur ce,

et faisoit pourveir ses cités, villes et chastiaus moult

10grossement en Pikardie, et tenoit par tout en garnison

grant fuison de gens d’armes, par quoi li pays ne

fust souspris d’aucune mal aventure.

Quant li estés fut venus et li rois Edouwars d’Engleterre

eut tenu sa feste et fait la solennité de Saint

15Gorge, ou chastiel de Windesore, ensi que il avoit

d’usage cascun an de faire, et que messires Guichars

d’Angle y fu entrés comme confrères, avoech le roy et

ses enfans et les barons d’Engleterre qui se nommoient

en confraternité les chevaliers dou bleu ghertier, li dis

20rois s’avala à Londres en son palais de Westmoustier,

et là eut grans consaulz et parlemens sus les besongnes

de rechief dou pays. Et pour tant que li dus de

Lancastre devoit en celle saison passer en France

par les plains de Pikardie, et li contes de Cantbruge,

25ses frères, avoecques lui, li rois ordena et institua, à le

prière et requeste de monsigneur Guichart d’Angle

et des Poitevins, le conte de Pennebruch à aler en

Poito pour viseter le pays et faire guerre as François

de ce costé, car li Gascon et Poitevin avoient priiet

30et requis au roy d’Engleterre par lettres et par la

bouche de monsigneur Guiçart d’Angle, que, se il

estoit si conseilliés que nulz de ses filz ne peuist en

[35] 35 celle saison faire ce voiage, il leur envoiast le conte

de Pennebruch que moult amoient et desiroient à

avoir, car il le sentoient bon chevalier et hardi durement.

Se dist li rois d’Engleterre au conte de Pennebruch,

5presens pluiseurs barons et chevaliers, qui

là estoient assamblé au conseil: «Jehan, biaus fils,

je vous ordonne et institue que vous alés en Poito en

le compagnie de monsigneur Guiçart d’Angle, et

là serés gouvrenères et souverains de toutes les gens

10d’armes que vous y trouverés, dont il y a grant

fuison, si com je sui enfourmés, et de chiaus ossi que

vous y menrés.» Li contes de Pennebruch à ceste

parolle s’engenoulla devant le roy, et dist: «Monsigneur,

grant mercis de le haute honneur, que vous

15me faites. Je serai volentiers ens es parties par de delà

uns de vos petis mareschaus.» Ensi sus cel estat se

departi cilz parlemens, et retourna les rois à Windesore,

et emmena monsigneur Guiçart avoech lui, au

quel il parloit souvent des besongnes de Poito et de

20Ghiane. Messires Guiçars li disoit: «Monsigneur,

mès que nostre chapitainne et mainbour, li contes

de Pennebruch, soit arivés par de delà, nous ferons

bonne guerre et forte. Car encor y trouverons nous

entre quatre mil et cinc mil lances, qui toutes obeïront

25à vous, mais qu’il soient paiiet de leurs gages.»

Lors respondoit li rois: «Messire Guiçart, messire

Guiçart, ne vous soussiiés point d’avoir or et argent

assés pour faire [par delà] bonne guerre, car j’en ay

assés; et si l’emploie volentiers en tel marcheandise,

30puis qu’il me touche et besongne pour l’onneur de

moy et de mon royaume.»

[36] 36 § 688. Ensi et de pluiseurs aultres parolles s’esbatoit

souvent en parlant li rois d’Engleterre au dit

monsigneur Guichart, que moult amoit et creoit:

c’estoit bien raisons. Or fu li contes de Pennebruch

5tous appareilliés, et li saisons vint et ordenance qu’il

deubt partir. Si prist congiet au roy qui li donna liement,

et à tous chiaus qui en se compagnie devoient

aler, et me samble que messires Othes de Grantson

d’oultre le Sone y fu ordonnés [et institués] d’aler.

10Li contes de Pennebruch n’eut mies adont trop

grant gent en se compagnie fors ses chevaliers tant

seulement, sus l’information que li rois avoit de

monsigneur Guiçart d’Angle, mais il emportoit en

nobles et en florins tel somme de monnoie que

15pour gagier trois mil combatans un an. Si esploitièrent

tant li dessus dit, apriès le congiet pris dou

roy, que il vinrent à Hantonne; là sejournèrent il

quinse jours, en attendant le vent qui leur estoit contraires.

Au XVIIe jour il eurent vent à volenté, si entrèrent

20en leurs vaissiaus, et se partirent dou havene, et

se commandèrent en le garde et conduit de Diu et

de saint Gorge, et puis singlèrent devers Poito.

Li rois Charles de France, qui savoit la grignour

partie des consaulz d’Engleterre, mies ne sçai par

25qui il li estoient revelé, et comment messires Guiçars

d’Angle et si compagnon estoient alé en Engleterre

et sus quel estat, pour impetrer au roy qu’il euissent

un bon mainbour et chapitainne, et ja savoit que li

contes de Pennebruch y estoit ordenés de venir, et

30toute se carge, si s’estoit li dis rois de France avisés

selonch ce, et avoit secretement mis sus une armée

de gens d’armes par mer, voires à sa prière et

[37] 37 requeste, car ces gens estoient au roy Henri de Castille,

les quels il li avoit envoiiés parmi les alliances et

confederations qu’il avoient ensamble. Et estoient cil

Espagnol [de une flote] quarante grosses nefs et

5trese barges bien pourveues et breteschies ensi que

nefs d’Espagne sont; si en estoient patron et souverain

quatre vaillant homme, Ambrose Boukenègre,

Cabesse de Vake, dan Ferrant de Pyon et Radigos

de la Roselle. Si avoient cil Espagnol un grant temps

10waucré sus mer, en attendant le retour des Poitevins

et la venue du conte de Pennebruch; car bien

savoient que il devoient venir et ariver en Poito, et

s’estoient mis à l’ancre devant le ville de le Rocelle.

Or avint ensi que le jour devant la vigile Saint Jehan

15Baptiste que on compta l’an mil trois cens settante et

deus, li contes de Pennebruch et se route deurent

ariver ou havene de le Rocelle, mès il trouvèrent les

dessus dis Espagnolz au devant, qui leur calengièrent

le rivage, et furent moult liet de leur venue. Quant li

20Englès et li Poitevin veirent les Espagnolz, et que

combatre les couvenoit, si se confortèrent en eulz

meismes, comment qu’il ne fuissent mies bien parti

tant de gens comme de grans vaissiaus, et s’armèrent

et ordonnèrent ensi que pour tantost combatre, et

25misent leurs arciers au devant d’iaus. Evous les nefs

espagnoles venans, qui bien estoient pourveues et

garitées, et dedens grant fuison de gens, d’armes et de

brigans qui avoient arbalestres et kanons. Et li pluiseur

tenoient grans barriaus de fier et plommées de

30plonch pour tout effondrer: tantost furent approciet

en demenant grant noise et grant huée. Ces grosses

nefs d’Espagne prisent le vent d’amont pour prendre

[38] 38 leur tour sus ces nefs englesces que peu amiroient ne

prisoient, et puis s’en vinrent atendant à plain voile

sus yaus. Là eut à che commenchement grant trairie

des unes as aultres, et s’i portèrent li Englès moult

5bien. Là fist li contes de Pennebruch aucuns de ses

escuiers chevaliers pour honneur, et puis entendirent

à yaus deffendre et combatre de grant volenté. Là

eut grant bataille et dure, et li Englès eurent bien à

quoi entendre, car cil Espagnol qui estoient en leurs

10vaissiaus si grans qu’il se moustroient tout deseure

ces vaissiaus d’Engleterre, et qui tenoient gros barriaus

de fier et pières, les lançoient et jettoient contreval

pour effondrer les nefs englesces, et bleçoient

gens et hommes d’armes malement. Là estoient entre

15les chevaliers d’Engleterre et de Poito chevalerie et

proèce remoustrées très grandement. Li contes de

Pennebruch se combattoit et requeroit ses ennemis

moult fierement, et y fist ce jour pluiseurs grans

apertises d’armes, et ossi fisent messires Othes de

20Grantson, messires Guiçars d’Angle, li sires de Puiane

et tout li aultre chevalier.

§ 689. A ce que je oy recorder chiaus qui furent

à celle besongne devant le Rocelle, bien moustrèrent

li Englès et li Poitevin qui là estoient, que il desiroient

25moult à conquerre et avoir grant pris d’armes;

car onques gens ne se tinrent si vaillamment ne

si bien ne se combatirent, car ils n’estoient qu’un

petit ens ou regard des Espagnols et en menus vaissiaus,

et se poet on esmervillier comment tant durèrent;

30mès la grant proèce et chevalerie d’yaus les

confortoit et tenoit en force et en vigheur; et se il

[39] 39 fuissent ingal de nefs et de vaissiaus, li Espagnol ne

l’euissent mies eu d’avantage, car il tenoient leurs

lances acerées, dont il lançoient les horions si grans

que nulz ne les osoit approcier, se il n’estoit trop

5bien armés et paveschiés. Mès li très et jets qui venoit

d’amont, de pières, de plommées de plonc et de

barriaus de fier, les grevoit et empechoit durement,

et navra et bleça des leurs chevaliers et escuiers ce

premier jour pluiseurs. Bien veoient les gens de le

10Rocelle le bataille, mès point ne s’avançoient d’aler

ne de traire celle part pour conforter leurs gens qui

si vaillamment se combatoient, ançois les laissoient

couvenir. En cel estri et en celle rihote furent il

jusques à le nuit que il se departirent li un de l’autre,

15et se misent à l’ancre, mès li Englès perdirent ce

premier jour deus barges de pourveances, et furent

tout cil mis à bort qui dedens estoient. Toute celle

nuit fu messires Jehans de Harpedane, qui pour le

temps estoit seneschaus de le Rocelle, en grans priières

20envers chiaus de le ville, le maieur, sire Jehan

[Cauderier], et les aultres que il se volsissent armer

et faire armer le communauté de le ville et entrer

en barges et en nefs, qui sus le kay estoient pour

aler aidier et conforter leurs gens, qui tout ce jour

25si vaillamment s’estoient combatu. Cil de le Rocelle

qui nulle volenté n’en avoient, s’escusoient et disoient

que il avoient à garder leur ville et que ce

n’estoient mies gens de mer ne combatre ne se saroient

sus mer ne as Espagnolz; mais se la bataille

30estoit sus terre, il iroient volentiers. Si demora la

cose en cel estat, ne onques ne les peut amener pour

priière que il peuist faire à ce que il y vosissent aler.

[40] 40 A ce jour estoient en le Rocelle li sires de Tannai

Bouton, messires Jakemes de Surgières et messires

Mauburnis de Linières, qui bien s’aquittèrent de

priier ossi avoech le dessus dit chiaus de le Rocelle.

5Quant cil quatre chevalier veirent que il ne

poroient riens esploitier, il s’armèrent et fisent armer

leurs gens, ce qu’il en avoient, ce n’estoit point fuison,

et entrèrent en quatre barges que il prisent sus

le kay, et au point dou jour, quant li flos fu revenus,

10il se fisent naviier jusques à leurs compagnons, qui

leur seurent grant gret de leur venue, et disent bien

au conte de Pennebruch et à monsigneur Guiçart

que de chiaus de le Rocelle il ne seroient point secouru

ne conforté, et qu’il se avisassent sur ce. Et cil

15qui amender ne le pooient, respondirent que il leur

couvenoit le merci de Dieu et l’aventure attendre, et

que un temps venroit que cil de le Rocelle s’en

repentiroient.

§ 690. Quant ce vint au jour que tous li wèbes fu

20revenus et que plains flos estoit, cil Espagnol se

desancrèrent en demenant grant noise de trompes et de

trompètes, et se misent en bonne ordenance ensi que

le jour devant, et arroutèrent toutes leurs grosses

nefs pouveues et armées moult grandement, et prisent

25l’avantage dou vent, pour enclore les nefs des

Englès qui n’estoient point grant fuison, ens ou regard

d’yaus. Et estoient li quatre patron qui ci dessus

sont nommé, tout devant en bonne ordenance.

Li Englès et Poitevin, qui bien veoient leur couvenant,

30se ordenèrent selonch ce, et se recueillièrent

tout ensamble, et ce que il avoient d’arciers, il les

[41] 41 misent tout devant. Evous les Espagnos venus à plain

voile, Ambrose Boukenègre, Cabesse de Vake, dan

Ferrant de Pyon et Radigo de la Roselle, qui les envaïrent,

et commencièrent la bataille felenesce et

5perilleuse. Quant il furent tout assamblé, li Espagnol

jettèrent grans cros et havès de fier à kainnes, et

se atachièrent as Englès, par quoi il ne se peuissent

departir: car il les comptoient ensi que pour yaus.

Avoech le conte de Pennebruch et monsigneur Guichart

10avoit vint et deus chevaliers de grant volenté

et de bon hardement, qui vaillamment se combatoient

de lances et d’espées et d’armeures que il portoient.

Là furent en cel estat un grant temps lançans et combatans

l’un à l’autre. Mais li Espagnol avoient trop

15grant avantage d’assallir et de yaus targier et deffendre

envers les Englès; car il estoient en grans vaissiaus

plus grans et plus fors assés que li Englès.

Pour quoi il lançoient d’amont barriaus de fier, pières

et plommées, qui moult travilloient les Englès. En cel

20estat et en celle rihote, combatant et deffendant, lançant

et traiant l’un sus l’autre, furent il jusques à

l’eure de tierce, ne onques gens sus mer ne prisent si

grant travail que li Englès et Poitevin fisent, car il

en y avoit le plus des leurs blechiés dou trait et dou

25jet des pières et fondes d’amont, et tant que messires

Aymeris de Tarste, cilz vaillans chevaliers de Gascongne,

y fu occis et messires Jehans de Lantonne

qui estoit chevaliers dou corps dou conte

de Pennebruch. Au vaissiel dou dit conte estoient

30arresté quatre nefs espagnoles, des queles Cabesse

de Vake et Ferrant de Pyon estoient gouvreneur

et conduiseur. En ces vaissiaus, ce vous di, avoit

[42] 42 grant fuison de dure gent, et tant au combatre, au

traire et au lancier, travillièrent le conte et ses gens

qu’il entrèrent en leur vaissiel où il eut fait tamainte

grant apertise d’armes, et là fu pris li dis conte et

5tout cil mort et pris, qui estoient en son vaissiel: tout

premierement de ses chevaliers pris messires Robers

Tinfors, messires Jehans Courson et messires Jehans

de Gruières, et mors messires Symons Housagre,

messires Jehans de Mortain et messires Jehans Touchet.

10D’autre part se combatoient li Poitevin, messires

Guichars d’Angle, li sire de Puiane et li sires

de Tannai Bouton, et aucun bon chevalier de leur

route, et en une autre nef messires Othes de Grantson

à Ambrose Boukenègre et à Radigo de la Roselle:

15si avoient plus que leur fais. Et tant que li chevalier

furent tout pris des Espagnolz, ne onques nulz n’en

escapa qui ne fu mors ou pris, Englès ne Poitevins,

et toutes leurs gens ou dangier des Espagnolz de

prendre ou de l’occire. Mais quant il eurent les signeurs

20et il en furent saisit, de puis il ne tuèrent nulz

des varlès, car li signeur priièrent que on leur laissast

leurs gens, et qu’il feroient bon pour tous.

§ 691. Qui se trueve en tel parti d’armes que messires

Guichars d’Angle et li contes de Pennebruc et

25leurs gens se trouvèrent devant le Rocelle en ce jour

dessus nommé, il fault prendre en gré l’aventure, tele

que Diex et fortune li envoie. Et sachiés que pour ce

jour, coi que li baron, chevalier et escuier, qui là

furent mort et pris, le comparassent, li rois d’Engleterre

30y perdi plus que nuls, car par celle desconfiture

se perdi de puis tous li pays, sicom vous orés en avant

[43] 43 recorder en l’ystore. On me dist que la nef englesce

où li finance estoit, dont messires Guiçars devoit gagier

et paiier les saudoiiers en Giane, et tous li avoirs qui

dedens estoit, fu perie et ne vint à nul pourfit. Tout

5ce jour qui fut la vigile Saint Jehan Baptiste, le nuit et

l’endemain jusques apriès nonne, se tinrent li Espagnol

à l’ancre devant le Rocelle, en demenant grant

joie et grant reviel, dont il en cheï trop bien à un

chevalier de Poito qui s’appelloit messires Jakemes de

10Surgières; car il parla si bellement à sen mestre qu’il

fu quittes parmi trois cens frans qu’il paia là tous

appareilliés, et vint le jour Saint Jehan [disner] en le

ville de le Rocelle. Par lui sceut on lors comment la

besongne avoit alé et li quel estoient mort et pris.

15Pluiseur des bourgois de le ville moustroient par

samblant qu’il en fuissent couroucié, qui tout joiant

en estoient, car onques n’amèrent naturelment les

Englès. Quant ce vint apriès nonne ce dit jour Saint

Jean Baptiste que li flos fu revenus, li Espagnol se

20desancrèrent et sachièrent les voiles amont, et se

departirent en demenant grant noise de trompes

et de trompètes, de muses et de tabours. Si avoit

au son de leurs mas grans estramières à manière de

pennons armoiiés des armes de Castille si grans et

25si lons que li coron bien souvent frapoient en l’aigue,

et estoit grans biautés dou regarder. En cel

estat se departirent li dessus dit, et prisent leur

tour de le haute mer pour cheminer vers Galisse.

En ce [propre] jour que on dist ce jour Saint

30Jehan Baptiste au soir, vinrent en le ville de le

Rocelle grant fuison de gens d’armes Gascon et Englès,

li quel encores de ceste avenue n’avoient point

[44] 44 oy parler. Mais bien sçavoient que li Espagnol gisoient

et avoient geu un temps devant le Rocelle: si venoient

celle part pour chiaus de le ditte ville reconforter.

Des quelz gens d’armes estoient chapitainne

5messires li captaus de Beus, messires Berars de la

Lande, messires Pieres de Landuras, messires li soudis

et messires Bertrans dou Franc Gascon, et des

Englès, messires Thumas de Persi, messires Richars

de Pontchardon, messires Guillaumez de Ferintonne,

10monsigneur d’Agoriset, monsigneur Bauduin de Fraiville,

monsigneur Gautier Huet et monsigneur Jehan

d’Evrues. Quant cil signeur et leurs routes, où bien

avoit sis cens hommes d’armes, furent venu en le

Rocelle, on leur fist grant chière de bras, car on

15n’en osoit aultre cose faire. Adont furent il enfourmé

par monsigneur Jakeme de Surgièrez de la bataille

des Espagnolz, comment elle avoit alé, car il y avoit

esté, et li quel y estoient mort ne pris. De ces nouvelles

furent li baron et li chevalier trop durement

20couroucié, et se tinrent bien pour infortuné, quant il

n’i avoient esté, et regretèrent grandement et longement

le conte de Pennebruch et monsigneur Guichart

d’Angle, quant il avoient ensi perdu leur saison.

Si se tinrent en le Rocelle ne sçai quans jours, pour

25avoir avis et conseil et comment il se maintenroient

et quel part il se trairoient. Nous lairons à parler un

petit d’yaus, et parlerons de Yevain de Galles et

comment il esploita en celle saison.

§ 692. Cilz Yewains de Galles avoit esté filz à un

30prince de Galles, le quel li rois [Edouwars] d’Engleterre

avoit fait morir, je ne sçai mies par quel raison,

[45] 45 et saisi la signourie et princeté et donné à son fil

le prince de Galles. Si estoit cilz Yewains venus en

France et complains au roy Charle de France des

injures que li rois d’Engleterre li avoit fait et faisoit

5encores, que mort son père et li tolloit son hiretage;

dont li rois de France l’avoit retenu et ja moult

avancié et donné en carge et en gouvrenance grant

fuison de gens d’armes. Encores en cel esté dont je

parolle presentement, li avoit il delivrés bien trois mil

10combatans et envoiiet sus mer pour courir en Engleterre.

De quoi li dis Yewains s’en estoit bien acquittés

et loyaument, sicom je vous dirai. Quant il

eut se carge de gens d’armes, ensi que ci est dit, il

entra en mer en ses vaissiaus que li rois de France

15li avoit fait appareillier et pourveir ou havene de

Harflues, et se departi et singla à plain voille devers

Engleterre, et vint prendre terre en l’isle de Grenesée

à l’encontre de Normendie, dou quel isle Aymons

Rose, uns escuiers d’onneur dou roy d’Engleterre,

20estoit chapitainne. Quant il sceut que li François estoient

là arrivet, les quelz Yewains de Galles menoit,

si en eut grant mautalent et se mit tantost au devant,

et fist son mandement parmi le dit isle, qui n’est mies

grans, et assambla que de ses gens, que de chiaus dou

25dit isle, environ yaus huit cens, et s’en vint sus un

certain pas combattre bien et hardiement le dit

Yewain et ses gens, et là eut grant bataille et dure

et qui longement dura. Finablement li Englès furent

desconfi, et en y eut mors plus de trois cens sus le

30place. Et couvint le dit Aymon fuir, aultrement il

euist esté mors ou pris, et se sauva à grant meschief,

et s’en vint bouter en un chastiel qui siet à deus liewes

[46] 46 de là où la bataille avoit esté, que on appelle Cornet,

qui est biaus et fors, et l’avoit li dis Aymons [en celle

saison] fait bien pourveir de tout ce qu’il apertenoit à

forterèce. Après celle desconfiture, li dis Yewains

5chevauça avant, et recueilla ses gens et entendi que

Aymons s’estoit boutés ou chastiel de Cornet; si se

traiy tantost celle part et y mist le siège, et l’environna

de tous costés et y fist pluiseurs assaus. Mais li

chastiaus est fors, et si estoit bien pourveus de bonne

10artellerie; se ne l’avoient mies li François à leur aise.

Che siège pendant devant Cornet, avint li aventure

de le prise le conte de Pennebruch et de monsigneur

Guiçart d’Angle et des aultres devant le Rocelle, sicom

ci dessus est contenu. De quoi li rois de France,

15quant il en oy les nouvelles, fu durement resjoïs, et

entendi plus fort as besongnes de Poito que onques

mès. Car il senti que assés legierement, se li Englès

venoient encores un petit à leur desous, les cités et

les bonnes villes se retourneroient. Si eut avis et

20conseil li dis rois, que en Poito, en Saintonge et en

Rocellois il envoieroit pour celle raison son connestable

et toutes gens d’armes, et feroit caudement les

dessus dis pays guerriier par mer et par terre, entrues

que li Englès et Poitevin n’avoient nul souverain

25chapitainne, car li pays gisoit en grant branle:

pour coi il envoia ses messages et ses lettres au dit

Yewain de Galles, qui se tenoit à siège devant Cornet,

dou quel siège il savoit tout l’estat, et que li chastiaus

estoit imprendables; et que, tantos ces lettres

30veues, il se partesist de là et deffesist son siège et

entrast en mer en un vaissiel, qui ordonnés pour

lui estoit, et s’en alast en Espagne devers le roy

[47] 47 Henri, pour impetrer et avoir barges et gallées et son

amiral et gens d’armes, et de rechief venist mettre

le siège par mer devant le Rocelle. Li dis Yewains,

quant il oy les messages et le mandement dou roy,

5si obeï, ce fu raisons, et desfist son siège et donna

à toutes gens congiet et leur presta navie pour retourner

à Harflues. Et là endroit il entra en une grosse

nef qui ordonée li estoit, et prist le chemin d’Espagne.

Ensi se desfit li siège de Cornet.

10§ 693. Vous devés savoir que li rois d’Engleterre

fu moult courouciés, quant il sceut les nouvelles de

l’armée qu’il envoioit en Poito, qui estoit ruée jus

des Espagnolz: et ossi furent tout cil qui l’amoient,

mès amender ne le peurent tant c’à ceste fois. Si imaginèrent

15tantost li sage homme d’Engleterre que li

pays de Poito et de Saintonge se perderoit par cel

afaire, et le remoustrèrent bien au roy et au duch

de Lancastre. Si furent un grant temps sus cel estat

que li contes de Sallebrin, atout cinc cens hommes

20d’armes et otant d’arciers, iroit celle part; mès comment

qu’il fust consilliet et aviset, il n’en fu riens

fait. Car il vinrent aultres nouvelles et aultres trettiés

et consauls de Bretagne, qui tous chiaulz empecièrent.

De quoi li dis rois se repenti de puis,

25quant il n’i peut mettre remède. Or avint que li

Espagnol qui pris avoient le conte de Pennebruch et

les aultres, dont li livres fait mention, eurent un petit

de sejour sus mer par vent contraire et detriance

plus d’un mois. Toutes fois il arrivèrent au port Saint

30Andrieu en Galisse, et entrèrent en le ville ensi que à

heure de miedi; et là amenèrent en un hostel tous

[48] 48 leurs prisonniers loiiés, enkainnés et embuiés selonch

leur usage. Aultre courtoisie ne scèvent li Espagnol

faire, il sont sannable as Alemans.

Ce propre jour au matin estoient là arivés en sa

5nef li dessus dit Yewains [de Galles] et se route, et

très en cel hostel où dan Ferrant de Pyon et Cabesse

de Vake avoient amené le conte de Pennebruch et

ses chevaliers. Si fu dit ensi à Yewain là où il estoit

en sa cambre: «Sire, venés veoir ces chevaliers d’Engleterre

10que nos gens ont pris; il enteront tantost

cheens.» Yewains qui fu desirans dou veoir, pour

savoir li quel c’estoient, passa oultre, et encontra en le

sale de son hostel, à l’issue de sa cambre, le conte

de Pennebruch. Bien le cogneut comment que il

15l’euist petit veu, se li dist en rampronnant: «Contes

de Pennebruch, venés vous en ce pays, pour moy

faire hommage de la terre que vous tenés en le princeté

de Galles, dont je sui hoirs et que vos rois me

tolt et oste par mauvais conseil.» Li contes de Pennebruch

20qui fu tous honteus, car il se veoit et sentoit

prisonniers en estragne pays, et point ne cognissoit

cel homme qui parloit son langage, respondi: «Qui

estes vous, qui m’acueilliés de telz parolles?»—«Je

sui Yewains, filz au prince Aymon de Galles, que

25vostres rois d’Engleterre, fist morir à tort et à pechié,

et m’a deshireté, et quant je porai par l’ayde de mon

très chier signeur, le roy de France, je y pourveray

de remède. Et voeil bien que vous sachiés que, se je

vous trouvoie en place ne en voie où je me peuisse

30combatre à vous, je vous remousteroie le loyauté

que vous m’avés fait, et ossi li contes de Herfort et

Edowars li Despensiers. Car par vos pères, avoech

[49] 49 aultres consilleurs, fu traïs à mort messires mes pères,

dont il me doit bien desplaire, et l’amenderai quant

je poray.» Adont salli avant messires Thumas de

Saint Aubin, qui estoit chevaliers dou conte, et se

5hasta de parler, et dist: «Yewain, se vous volés

dire et maintenir, que en monsigneur ait ne euist

onques nulle lasqueté quelconques, ne en monsigneur

son père, ne qu’il vous doie foy ne hommage, metés

vostre gage avant, vous trouverés qui le levera.»

10Dont respondi Yewains, et dist: «Vous estes prisonnier,

je ne puis avoir nulle honneur de vous appeller.

Vous n’i estes point à vous, ançois estes à ceulz

qui vous ont pris, et quant vous serés quittes de vo

prison, je parlerai plus avant, car la cose ne demorra

15pas ensi.» Entre ces parolles, se boutèrent aucun

chevalier et vaillant homme d’Espagne qui là estoient,

et les departirent. De puis ne demora mies grant

temps, que li quatre amiral dessus nommé amenèrent

les prisonniers devers le cité de Burghes en Espagne,

20pour rendre au roy à qui il estoient, qui pour le temps

se tenoit droit là. Quant li rois Henris sceut que li

dessus dit venoient et approçoient Burghes, si envoia

son fil ainné qui s’appelloit Jehan, et le quel on

nommoit pour le temps l’enfant de Castille, à l’encontre

25des dessus dis, et grant fuison de chevaliers et

d’escuiers pour yaus honnerer; car bien sçavoit li dis

rois quel cose apertenoit à faire. Et il meismes les

honnoura de parolle et de fait, quant il furent venu

jusques à lui. Assés tost en ouvra li rois par ordenance,

30et furent espars en divers lieus parmi le

royaume de Castille.

[50] 50 § 694. Nous retourrons as besongnes de Poito

qui pour ce temps ne furent mies petites, et parlerons

comment li chevalier Gascon et Englès qui, le

jour Saint Jehan Baptiste, au soir, vinrent en le

5Rocelle, perseverèrent, ensi que cil qui moult courouciet

furent de ce que le jour devant il n’estoient

venu à le bataille et que il n’avoient trouvé à point

les Espagnolz. Or eurent il entre yaus conseil et avis

quel cose il feroient ne où il se trairoient, car ja se

10commençoient il à doulter de ceulz de le Rocelle.

Si ordonnèrent et instituèrent monsigneur Jehan

d’Evrues à estre seneschal de le Rocelle à trois cens

armeures de fier, et le garder, et lui tenir ou chastiel

de le Rocelle. Car tant qu’il en seroient signeur, cil de

15le ville ne s’oseroient reveler. Ceste ordenance faite,

messires li captaus, qui estoit tous gouvrenères et

chiés de ceste chevaucie, et messires Thumas de Persi,

messires d’Agorisès, messires Richars de Pontchardon,

messires li soudis, messires Berars de le Lande,

20et li aultre et leurs routes se departirent de le Rocelle

et pooient estre environ quatre cens lances, et prisent

le chemin de Subise; car là avoit Bretons qui tenoient

eglises et petis fors et les avoient fortefiiés.

Sitost que cil signeur et leurs gens furent là venu,

25il les boutèrent hors, et en delivrèrent le ditte marce.

En ce temps tenoient les camps sus les marces

d’Ango, d’Auvergne et de Berri, li connestables de

France, li dus de Berri, li dus de Bourbon, li contes

d’Alençon, li daufins d’Auvergne, messires Loeis de

30Saussoirre, li sires de Cliçon, li sires de Laval, li

viscontes de Roem, li sires de Biaumanoir, et grant

fuison de baronnie de France, et estoient plus de

[51] 51 trois mil lances. Si chevaucièrent tant cil signeur qui

se tenoient tout au connestable, que il entrèrent en

Poito, où il tiroient à venir, et vinrent mettre le

siège devant un chastiel qui s’appelle Montmorillon.

5Sitost que il furent là venu, il l’assallirent vistement

et radement, et le conquisent de force, et furent mort

tout cil qui dedens estoient; si le rafreschirent

d’autres gens. Apriès il vinrent devant Chauvegni,

qui siet sus le rivière de Cruese, et le assiegièrent et

10y furent deus jours. Au tierch, chil de Chauvegni se

rendirent et furent pris à merchi. En apriès il

chevaucièrent oultre et vinrent devant Leuzach, où il y

a ville et chastiel; si se rendirent tantost sans yaus

faire assallir. Et puis s’en vinrent devant le cité de

15Poitiers et jurent une nuit ens es vignes, de quoi cil

de le cité estoient moult esbahi; et se doubtoient à

avoir le siège, mès non eurent tant c’à celle fois; car

il se partirent à l’endemain et se traïsent devant le

chastiel de Montcontour, dont Jehans Cressuelle et

20David Holegrave estoient chapitainne. Et avoient

desous yaus bien soissante compagnons preus et

hardis, et qui moult avoient constraint le pays et le

marce d’Ango et de Tourainne et ossi toutes les

garnisons françoises; pour quoi li connestables dist

25que il n’entenderoit à aultre cose, si l’aroit.

§ 695. Tant esploitièrent li connestables de France,

li dus de Bourbon, li contes d’Alencon, li sires de

Cliçon, li viscontes de Rohen, li sires de Laval, li

sires de Biaumanoir, li sires de Sulli, et tout li baron,

30li chevalier et leurs routes, que il vinrent devant

Montcontour, un très biel chastiel à sis liewes de

[52] 52 Poitiers. Quant il furent là venu, si l’assegièrent de

grant façon, et se misent tantost à l’assallir par bonne

ordenance. Et pour ce que il avoit à l’environ des

murs grans fossés et parfons, et qu’il ne pooient

5approcier les murs de plus priès, à leur aise et

volenté, il envoiièrent querre et coper par les villains

dou pays grant fuison de bois et d’arbres, et

les fisent là amener et aporter à force de harnas et

de corps et tout reverser ens es fossés, et jetter grant

10fuison d’estrain et de terre sus. Et eurent tout ce

fait en quatre jours, tant que il pooient bien aler

jusques au dit mur à leur aise. Et puis quant il

eurent tout fait, si commencièrent à assallir de grant

volenté et par bon esploit, et chil dou fort à yaus

15deffendre, car il leur besongnoit; et eurent un jour

tout entier l’assaut où il rechurent moult de painne,

et furent en grant aventure d’estre pris; mès il

estoient là dedens tant de bonnes gens que ce

Ve jour il n’eurent garde. Au VIe jour, li connestables

20et si Breton se ordenèrent et traïsent avant

pour assallir plus fort que devant. Et s’en vinrent

tous paveschiés, portans pilz et haviaus en leurs

mains, et vinrent jusques as murs. Si commencièrent

à ferir et à fraper et à traire hors pières et à

25pertuisier le dit murage en pluiseurs lieus, et tant

fisent que li compagnon qui dedens estoient, se commencièrent

à esbahir; nompourquant il se deffendoient

si vaillamment que onques gens mieulz. Jehans

Cressuelle et David Holegrave, qui chapitainne en

30estoient, imaginèrent le peril et comment messires

Bertrans et si Breton les assalloient, et à ce qu’il

moustroient, point de là ne partiroient, si les aroient,

[53] 53 et se de force estoient pris, il seroient tout mort, et

veoient bien que nulz confors ne leur apparoit de

nul costé; si entrèrent en trettiés pour yaus rendre,

salve leurs corps et leurs biens. Li connestables qui

5ne voloit mies trop fouler ne grever ses gens, ne

chiaus dou fort trop presser, pour tant que il estoient

droites gens d’armes, entendi à ces trettiés et les

laissa passer, parmi tant que il se partirent, salve

leurs corps; mès nul de leurs biens il n’en portèrent,

10fors or et argent, [et les fist conduire jusques à Poitiers.

Ainsi eut li connestables le chastel de Montcontour];

si en prist le saisine et le fist remparer, et

se tint illuec pour lui et ses gens refreschir, car il ne

pooit encores savoir quel part il se trairoit, ou devant

15Poitiers, ou ailleurs.

§ 696. Quant cil de le cité de Poitiers sceurent

ces nouvelles, que li connestables et li Breton avoient

repris le chastiel de Montcontour, si furent plus

esbahi que devant, et envoiièrent tantos leurs messages

20devers monsigneur Thumas de Persi, qui estoit

leurs seneschaus et qui chevauçoit en le route et

compagnie dou captal. Ançois que li dis messires

Thumas en oïst nouvelles, messires Jehans d’Evrues,

qui se tenoit ens ou chastiel de le Rocelle, en fu

25enfourmés, et li fu dit comment li connestables de

France avoit ja jeu devant Poitiers et avisé le lieu.

Et bien pensoient cil de Poitiers que il aroient le

siège, et se n’i estoit point leurs seneschaus. Li dis

seneschaus de le Rocelle, messires Jehans d’Evrues,

30ne mist mies ce en noncalloir, mès pour conforter et

consillier chiaus de Poitiers, se parti de le Rocelle à

[54] 54 cinquante lances, et ordonna et institua à son departement

un escuier qui s’appelloit Phelippot Mansiel,

à estre chapitainne et gardiiens jusques à son retour

dou dit chastiel de le Rocelle, et puis chevauça

5jusques à Poitiers, et s’i bouta, dont cil de le cité li

sceurent grant gré. Or vinrent ces nouvelles à monsigneur

Thumas de Persi, qui se tenoit en le route

dou captal, de par ses bonnes gens de Poitiers qui li

prioient que il se volsist retraire celle part, car il

10supposoient à avoir le siège, et ossi que il volsist

venir fors assés, car li François estoient durement

fort sus les camps. Messires Thumas, ces nouvelles

oyes, les remoustra au captal pour savoir qu’il en

vorroit dire. Li captaus eut sur ce avis et lui avisé,

15il n’eut mies conseil de rompre se chevaucie, mès

donna congiet au dit monsigneur Thumas de partir

à cinquante lances et à traire celle part. Dont se

departi li dis messires Thumas et chevauça tant qu’il

vint en le cité de Poitiers, où il fu recheus à grant

20joie des hommes de le ville qui moult le desiroient,

et trouva là monsigneur Jehan d’Evrues; si se fisent

grant feste et grant recueilloite. Tout cel estat et

ceste ordenance sceut li connestables qui se tenoit

encores à Montcontour, et comment cil de Poitiers

25estoient rafresci de bonnes gens d’armes. A ce dont

li estoient venues nouvelles dou duch de Berri, qui

se tenoit atout grant fuison de gens d’armes d’Auvergne,

de Berri, de Bourgogne et de Limozin, sus

les marces de Limozin, et voloit mettre le siège

30devant Sainte Sivière en Limozin, la quele ville et

garnison estoit à monsigneur Jehan d’Evrues, et le

gardoient de par lui messires Guillaumez de Persi,

[55] 55 Richars Gilles et Richars Holme, atout grant fuison

de bons compagnons; et avoient courut tout le temps

sus le pays d’Auvergne et de Limozin et fait y moult

de damages et de destourbiers, pour quoi li dus de

5Berri se voloit traire celle part, et prioit au dit

connestable que se il pooit nullement, que il volsist venir

devers lui, pour aler devant le dit fort. Li connestables,

qui moult imaginatis estoit, regarda que à

present à lui traire ne ses gens devant Poitiers, il ne

10feroit riens; car la chités estoit grandement rafreschie

de bonnes gens d’armes, et qu’il se trairoit

devers le duch de Berri. Si se parti de Montcontour

atout son host, quant il eut ordonné qui garderoit

le forterèce dessus ditte. Et esploita tant que il vint

15devers le dit duch de Berri, qui li sceut grant gré de

sa venue, et à tous le[s] barons et chevaliers ossi. Là

eut grant gent d’armes, quant ces deus hos furent

remis ensamble. Si esploita tant li dis dus de Berri et

li connestables [en sa compaignie], que il vinrent

20devant Sainte Sivière et estoient bien quatre mil

hommes d’armes. Si assegièrent la garnison et ceulz

qui dedens estoient, et avoient bien pourpos qu’il

ne s’en partiroient, si l’aroient. Quant cil signeur

furent venu devant, il ne sejournèrent mies, mès

25commencièrent à assallir par yaus et par leurs gens,

par grant ordenance; et messires Guillaumes de Persi

et ses gens à yaus deffendre.

Ces nouvelles vinrent en le cité de Poitiers à

monsigneur Jehan d’Evrues, comment li dus de

30Berri, li dus de Bourbon, li dauffins d’Auvergne, li

connestables de France, li sires de Cliçon, li viscontes

de Roem et bien quatre mil hommes d’armes avoient

[56] 56 assegiet sa forterèce en Limozin et ses gens dedens;

si n’en fu mies mains pensieus que devant, et en

parla à monsigneur Thumas de Persi qui estoit presens

au raport de ces nouvelles, et dist: «Messire

5Thumas, vous estes seneschaus de ce pays, et qui

avés grant vois et grant poissance; je vous pri que

vous entendés à vostre cousin et mes gens secourir,

qui seront pris de force, se on ne les conforte.»

—«Par ma foy», respondi messires Thumas, «j’en sui

10en grant volenté, et pour l’amour de vous, je me

partirai de ci en vostre compagnie, et nous en irons

parler à monsigneur le captal qui n’est pas lonch de

ci, et mettrai grant painne à lui esmouvoir, afin que

nous alons lever le siège et combatre les François.»

15Lors se departirent [de Poitiers] li dessus dit, et

recommendèrent le cité en le garde dou maiieur de le

ditte cité, qui s’appelloit Jehans Renaus, un bon et

loyal homme. Si chevaucièrent tant li dessus dit, que

il trouvèrent le captal sus les camps qui s’en aloit

20devers Saint Jehan l’Angelier. Adont li doi chevalier

qui là estoient, li remoustrèrent comment li François

avoient pris Montmorillon dalés Poitiers et ossi le

fort chastiel de Montcontour, et se tenoient à siège

devant Sainte Sivière qui estoit à monsigneur Jehan

25d’Evrues, à qui on devoit bien aucun grant service.

Et encores dedens le dit fort estoient enclos et assis

messires Guillaumes de Persi, Richars Gille et Richars

Holme, qui ne faisoient mies à perdre. Li captaus

pensa sus ces parolles un petit, et puis respondi et

30dist: «Signeur, quel cose vous semble il bon que

j’en face?» A ce conseil furent appellé aucun chevalier

qui là estoient. «Sire», respondirent li dessus dit,

[57] 57 «il y a grant temps que nous vous avons oy dire

que vous desirés moult les François à combatre, et

vous ne les poés trouver mieulz à point; si vous

traiiés celle part et faites vostre mandement parmi

5Poito et Saintonge; encores y a gens assés pour combatre

les François avoecques le grant volenté que

nous en avons.»—«Par ma foy», respondi li captaus,

«et je le voeil. Voirement ai jou ensi dit que

je les desire à combatre; si les combaterons temprement,

10se il plaist à Dieu et à saint Jorge.» Tantos là sus

les camps li dis captaus envoia lettres et messages par

devers les barons, chevaliers et escuiers de Poito et

de Saintonge, qui en leur compagnie n’estoient, et

leur prioit et enjoindoit estroitement qu’il se presissent

15priès de venir au plus efforciement qu’il

pooient, et leur donnoit place où on le trouveroit.

Tout baron, chevalier et escuier, as quelz ces nouvelles

vinrent et qui certefiiet et mandé en furent, se

partirent sans point d’arrest, et se misent au chemin

20pour trouver le dit captal, cescuns au plus estoffeement

qu’il peut. Là vinrent li sires de Partenay,

messires Loeis de Harcourt, messires Huges de

Vivone, messires Parchevaus de Coulongne, messires

Aymeris de Rochewart, messires Jakemes de Surgières,

25messires Joffrois d’Argenton, li sires de Ponsances,

li sires de Rousseillon, li sires de Crupegnach,

messires Jehans d’Angle, messires Guillaumez de

Monttendre et pluiseurs aultre. Et fisent tant qu’il se

trouvèrent tout ensamble, et s’en vinrent logier, Englès,

30Poitevins, Gascons et Saintongiers, en l’abbeye

de Charros sus les marces du Limozin; si se trouvèrent

bien nuef cens lanches et cinc cens archiers.

[58] 58 § 697. Ces nouvelles vinrent en l’ost devant Sainte

Sivière à monsigneur Bertran et as aultres signeurs

que li Englès et li Poitevin et tout cil de leur alliance

approçoient durement et venoient pour lever le siège.

5Quant li connestables entendi ce, il n’en fu de riens

effraés, ains fist armer toutes manières de gens et

commanda que cescuns traisist avant à l’assaut. A son

commandement et ordenance ne volt nulz desobeïr,

quelz sires qu’il fust. Si vinrent François et Breton

10devant le forterèce armé et paveschié de bonne

manière, [et commenchèrent à assaillir de bonne volenté,

chascuns sires dessous sa bannère] et entre ses

gens. Si vous di que c’estoit grans biautés dou veoir

et imaginer ces signeurs de France et le riche arroy

15et riche[sse] d’yaus. Car adont à cel assaut, il y eut

par droit compte quarante et nuef banières et grant

fusion de pennons. Et là estoient li dis connestables

et messires Loeis de Saussoire mareschaus, cescuns

ensi que il devoit estre, qui travilloient moult à esvigurer

20leurs gens pour assallir de plus grant [volenté

et] corage. Là s’avançoient chevalier et escuier de

toutes nations pour leur honneur accroistre et leurs

corps avancier, qui y faisoient merveilles d’armes. Car

li pluiseur passoient tout parmi les fossés qui estoient

25plain d’aigue, et s’en venoient les targes sus leurs

testes jusques au mur. Et en celle apertise pour cose

que cil d’amont jettoient, point ne reculoient, mès

aloient toutdis avant. Et là estoient sus les fossés li

dus de Berri, li dus de Bourbon, li contes d’Alençon, li

30dauffins d’Auvergne et les grans signeurs qui amonnestoient

leurs gens de bien faire et pour la cause des

signeurs, qui les regardoient, s’avançoient li compagnon

[59] 59 plus volentiers, et ne ressongnoient mort ne

peril. Messires Guillaumez de Persi et li doi escuier

d’onneur qui chapitainne estoient de le forterèce,

regardèrent comment on les assalloit de grant volenté, et

5que cilz assaulz point ne se refroidoit ne cessoit, et que,

à ensi continuer il ne se poroient tenir, et se ne lor

apparoit confors de nul costé, si com il supposoient.

Car se il sceuissent comment leurs gens estoient à

mains de dis liewes d’yaus, il se fuissent encore reconforté

10et à bonne cause. Car bien se fuissent tenu tant

que il en euissent oy nouvelles, mès point n’en savoient.

Pour tant entrèrent il en trettiet devers le

[dit] connestable pour eskiewer plus grant dangier.

Messires Bertrans qui estoit tous enfourmés que,

15dedens le soir, il oroit nouvelles des Englès et des

Poitevins, car il chevauçoient, entendi à leurs trettiés

volentiers, et les prist salves leurs vies, et se saisi de

le forterèce dont il fist grant feste. Apriès tout che,

il fist toutes ses gens traire sus les camps et mettre en

20ordenance de bataille, ensi que pour tantost combattre;

et leur dist et fist dire: «Signeur, avisés

vous, car li anemi approcent, et esperons encore

anuit à estre combatu.» Ensi se tinrent il de puis

heure de haute tierce que la forterèce fu rendue

25jusques au bas vespre tout rengié et ordonné sus les

camps au dehors de Sainte Sivière, attendans les

Englès et les Poitevins, dont il cuidoient estre combatu.

Et voirement l’euissent il esté sans nulle faute;

mès nouvelles vinrent au captal et à monsigneur

30Thumas de Persi et à monsigneur Jehan d’Evrues

que Sainte Sivière estoit rendue. De ceste avenue

furent li signeur et li compagnon tout courouciet; si

[60] 60 disent et jurèrent là li signeur entre yaus que jamès en

forterèce qui fust en Poito il n’enteroient, si aroient

combatu les François [et ruet jus].

§ 698. Ce terme pendant et ceste chevaucie faisant,

5chil de Poitiers escheïrent en grant discention

et rebellion l’un contre l’autre. Car li communaulté

et les eglises et aucun riche homme de le ville se voloient

tourner françois. Jehans Renaus, qui maires en

estoit, et tout li officiier dou prince et aucun aultre

10grant riche homme ne s’i voloient nullement acorder:

pour quoi il en furent en tel estri que priès sus le

combatre. Et mandèrent cil qui le plus grant acord

avoient secretement devers le connestable que, se il se

voloit avancier et venir si fors que pour prendre le

15saisine de Poitiers, on li renderoit le ville. Quant li

connestables, qui se tenoit en Limozin, oy ces nouvelles,

si s’en descouvri au duch de Berri et au duch

de Bourbon, et leur dist: «Mi signeur, ensi me

mandent cil de Poitiers. A Dieu le veu, je me trairai

20celle part atout trois cens lances, et verai quel cose il

vorront faire; et vous demorrés sus ce pays et ferés

frontière as Englès. Se je puis esploitier, il n’i revenront

jamès à temps.» A ceste ordenance s’acordèrent

bien li dessus dit signeur. Lors se parti secretement

25li dis connestables et prist trois cens lances de

com[pa]gnons d’eslitte tous bien montés, et ossi il le

couvenoit; car, sus demi jour et sus une nuit, il avoient

bien à chevaucier trente liewes, car il ne pooient mies

aler le droit chemin, qu’il ne fuissent sceu et aperceu.

30Si chevauça li dis connestables et se route, à

grant esploit, par bois, par bruières et par divers

[61] 61 chemins et par pays inhabitable, et se uns chevaus

des leurs se recrandesist, il ne l’attendoient point.

Li maires de le cité de Poitiers, qui soupeçonnoit

bien tout cel afaire, envoia secretement un message

5devers monsigneur Thumas de Persi, son mestre,

qui estoit en le compagnie dou captal, et li dist li

varlès, quant il vint à lui: «Sire, mon mestre

vous segnefie que vous aiiés avis, car il besongne,

et vous hastés de retourner en Poitiers, car il sont

10en grant discention l’un contre l’autre, et se

voellent les cinc pars de le ville tourner françois, et

ja en a estet li maires vos varlès en grant peril

d’estre occis. Encores, ne sçai je se vous y porés venir

à temps; car mon mestre fait doubte que il

15n’aient mandé le seneschal.» Quant li seneschal

de Poito entendi che, qui bien congnissoit le

varlet, si fu trop durement esmervilliés, et nompourquant

il le crei bien de toutes ses parolles, car il

sentoit assés le corage de chiaus de Poitiers; si recorda

20tout ce au captal. Dont dist li captaus:

«Messires Thumas, vous ne vos partirés pas de

moy; vous estes li uns des plus grans de nostre

route ou cilz où j’ay plus grant fiance d’avoir

bon conseil, mès nous y envoierons.» Respondi

25messires Thumas: «Sire, à votre ordenance en

soit.» Là fu ordonnés messires Jehans d’Angle et

sevrés des aultres, et li fu dit: «Messire Jehan,

prendés cent lances des nostres, et chevauciés hasteement

vers Poitiers, et vous boutés dedens le ville et

30ne vous en partés jusques à tant que nous vous remanderons

sus certainnes ensengnes.» Messires

Jehans d’Angle obeï tantost; on li delivra sus les

[62] 62 camps cent lances, qui se dessevrèrent des autres: si

chevaucièrent quoiteusement devers Poitiers; mès

onques ne se peurent tant haster que li connestables

de France ne venist devant et trouva les portes ouvertes,

5et le recueillièrent à grant joie et toutes ses

gens. Ja estoit li dis messires Jehans d’Angle et se

route à une petite liewe de Poitiers, quant ces nouvelles

li vinrent, qu’il n’avoit que faire plus avant, se

il ne se voloit perdre; car li connestables et bien

10trois cens lances estoient dedens Poitiers. De ces parolles

fu moult courrouciés li dis messires Jehans, ce

fu bien raisons; comment que il ne les peuist amender,

si tourna sus frain et tout chil ossi qui avoech

lui estoient. Si retournèrent arrière dont il estoient

15parti, et chevaucièrent tant que il trouvèrent le captal

et monsigneur Thumas et les aultres; si leur compta

li dis messires Jehans l’aventure, comment elle aloit

et dou connestable qui s’estoit boutés en Poitiers.

§ 699. Quant li Gascon, li Englès et li Poitevin

20qui là estoient tout ensamble d’un acord et d’une

alliance, entendirent ces nouvelles, si furent plus

esmervilliet et esbahi que devant, et n’i eut baron

[ne] chevalier qui ne fust durement pensieus et courouchiés,

et bien y avoit cause, car il veoient les coses

25aler diversement. Si disent li Poitevin pour les Gascons

et Englès reconforter: «Signeur, sachiés de verité

que il nous desplaist grandement des coses qui

ensi vont en ce pays, se conseil ou remede y poions

mettre. Et regardés entre vous quel cose vous volés

30que nous façons, nous le ferons ne ja en nous vous

ne trouverés nulle lasqueté.»—«Certainnement,

[63] 63 signeur,» ce respondirent li Englès, «nous vous en

creons bien, et nous ne sons pas pensieu sur vous ne

sus vostre estat et afaire, fors sus le infortuneté de

nous; car toutes les coses nous viennent à rebous.

5Si nous fault avoir sur ce avis et conseil comment à

nostre honneur nous en porons perseverer.» Là regardèrent

par grant deliberation de conseil et pour

le milleur, que ce seroit bon que li Poitevin fesissent

leur route à par yaus, et li Englès le leur, et li Gascons

10le leur et se retraisissent en leurs garnisons, et

quand il vorroient chevaucier et il veroient bien où

à emploiier leur chevaucie, il le segnefieroient l’un à

l’autre, et il se trouveroient apparilliet. Ceste ordenance

fu tenue et se departirent moult amiablement

15li un de l’autre, et prisent li dit Poitevin le chemin

de Touwars, et li Gascon le chemin de Saint Jehan

l’Angelier, et li Englès le chemin de Niorth. Ensi se

desrompi ceste chevaucie.

Li Englès qui chevauçoient tout ensamble, quant

20il cuidièrent entrer en le ville de Niorth, on leur cloy

les portes, et leur disent li villain de le ville que

point là il n’enteroient et qu’il alaissent d’autre part.

Or furent li Englès plus courouchié que devant, et

disent que ceste rebellion contre telz villains ne faisoit

25mies à souffrir. Si se appareillièrent tantost et

misent en ordenance pour assallir et assallirent de

grant corage; et cil de le ville se deffendirent à leur

pooir. Là eut grant assaut et dur, et qui se tint une

longe espasse; mès finablement chil de Niorth ne les

30peurent souffrir, car il n’avoient nul gentil homme,

dont il fuissent conforté et consillié. Et se il se peuissent

estre tenu jusques au vespre, il euissent esté

[64] 64 secouru et conforté dou connestable, en quel istance il

s’estoient clos contre li Englès. Mès li dit Englès le

assallirent si virtueusement et de si grant volenté que

de force il rompirent les murs et entrèrent ens et

5occirent le plus grant partie des hommes de le ville,

et puis le coururent et pillièrent toute sans nul deport,

et se tinrent là jusques à tant qu’il oïrent autres

nouvelles.

§ 700. Vous avés bien chi dessus oy recorder comment

10Yewains de Galles à l’ordenance et commandement

dou roy de France ala en Espagne parler au roy

Henri pour impetrer une partie de se navie. Li rois

Henris ne l’euist jamais refusé ne escondi au roy de

France, mès fu tous joians quant il peut envoiier. Si

15ordonna son mestre amiral dan Radigo de Rous à

estre patrons, avoech le dessus dit Yewain, de toute

ceste armée. Si se partirent dou port de Saint Andrieu

en Galisse, quant la navie fu toute preste à quarante

grosses nefs, huit galées et trese barges, toutes fretées

20et appareillies et cargies de gens d’armes. Si singlèrent

tant par mer sans avoir empeecement ne vent

contraire, qu’il arrivèrent devant le ville de le Rocelle,

où il tendoient à venir et ancrèrent tout par

devant, et s’i ordonnèrent et establirent par manière

25de siège. Cil de le Rocelle, quant il veirent celle grosse

flotte là des Espagnolz venue, furent durement esbahi;

car il n’avoient point apris à estre assegié si

poissamment par mer ne de telz gens. Toutes fois quel

samblant que toute la saison il euissent moustré as

30Englès, il avoient le corage tout bon françois, mès il

s’en dissimuloient ce qu’il pooient, et se fuissent ja

[65] 65 trés volentiers tourné françois, se il osassent; mais

tant que li chastiaus fust en le main des Englès, il ne

pooient, se il ne se mettoient en aventure d’estre tout

destruit. Quant cil de le Rocelle veirent que c’estoit

5tout acertes que on les avoit assegiés, si y pourveirent

couvertement de conseil et de remède; car il trettièrent

secretement devers Yewain de Gallez et dan

Radigo de Rous trettiés amiables par composition

tele que il voloient bien estre assegiet, mais il ne devoient

10riens fourfaire l’un sus l’autre; si se tinrent en

tel estat un terme.

Li connestables de France, qui se tenoit en le cité

de Poitiers à tout grant fuison de gens d’armes, envoia

monsigneur Renault, signeur de Pons, en Poito, devant

15le chastiel de Subize, qui siet sus le Charente à

l’emboukure de le mer, et ordonna desous le dessus

dit bien trois cens lances, dont la plus grant partie

estoient Breton et Pikart. Et y furent envoiiet doi escuier

Breton vaillant homme durement, Thiebaus

20dou Pont et Alyot de Chalay. Si vinrent ces gens

d’armes mettre le siège devant le dit chastiel de Subize,

et le assegièrent à l’un des lés et ne mies partout. Dedens

le forterèce n’avoit que une seule dame veve

sans marit, qui s’appelloit la dame de Subize, et pour

25se loyauté tenir, elle demoroit Englesce; si estoit là

aseulée entre ses gens, et ne cuidoit mies avoir le

siège si soudainnement que elle l’eut. Quant elle vei

que ce fu acertes et que li sires de Pons et li Breton

le cuvrioient telement, si envoia devers monsigneur

30le captal de Beus qui se tenoit en garnison en le ville

de Saint Jehan l’Angelier, en lui priant humlement et

doucement que il volsist entendre à lui conforter;

[66] 66 car li sires de Pons et Thiebaus dou Pont Breton et

environ trois cens armeures de fier, l’avoient assegiet

et le constraindoient durement. Li captaus de Beus,

comme courtois et vaillans chevaliers, et qui tous

5jours fu enclins et en grant volenté de conforter

dames et damoiselles, en quel parti que elles fuissent,

ensi que tout noble et gentil homme de sanch doivent

estre, et sicom il reconforta et aida jadis, et se mist

en grant peril ou marchiet à Miaus contre les

10Jakebonhommes, pour la royne de France qui lors estoit

ducoise de Normendie, respondi as messages, qui ces

nouvelles li aportèrent: «Retournés devers la dame

de Subize, et li dittes de par moy que elle se conforte,

car je n’entenderai à aultre cose, si l’arai secourue

15et levet le siège; et me recommendés à lui

plus de cent fois.» Li message furent moult liet de

ceste response, et retournèrent à Subise devers leur

dame, qui ossi en ot grant joie. Li captaus de Beus ne

mist mies en noncalloir ceste emprise, mès envoia

20tantost devers le capitainne de Saintes, monsigneur

Guillaume de Ferintonne et manda monsigneur Henri

Haie, senescal d’Angouloime, monsigneur Renault,

signeur de Maruel, neveut à monsigneur Raymon,

et à Niort monsigneur Thumas de Persi, Jehan

25Cressuelle et David Holegrave; et à Luzegnan monsigneur

Petiton de Courton, monsigneur Gautier

Huet, et monsigneur Meurisse Wis et pluiseurs

aultres. Et s’assamblèrent tout ces gens d’armes en

le ville de Saint Jehan. Tout ce couvenant et ceste

30ordenance sceut bien par ses espies, qu’il avoit alant

et venant, Yewains de Galles, qui se tenoit devant le

Rocelle et ossi le siège dou signeur de Pons qu’il

[67] 67 avoit mis et tenoit devant Subize. Si imagina li dis

Yewains, qui fu uns moult apers et vaillans homs

d’armes, que ceste assamblée dou captal se faisoit

pour lever le siège et ruer jus le signeur de Pons et

5se route. Si s’apensa que il y pourveroit de remède,

se il pooit. Si pria tous les milleurs hommes d’armes

de sa navie par election, et les trouva [si] appareilliés

et obeïssans à sa volenté, et fist son fet secretement

et eut environ quatre cens armeures de fier;

10si les fist tous entrer par ordenance ens es treise barges

qu’il avoit amenet d’Espagne, et se mist en l’une, et

puis nagièrent et rimèrent tant li notonnier, que il

vinrent en l’emboukure de le Charente à l’opposite

dou chastiel de Subize, sans ce que li sires de Pons

15ne la dame de Subize en seuissent riens, et là se tinrent

tout quoi à l’ancre sus la ditte rivière.

§ 701. Li captaus, qui se tenoit à Saint Jehan l’Angelier

et qui avoit fait son mandement de quatre

cens hommes, et de plus fu enfourmés ains son departement

20que li sires de Pons en toute somme n’avoit

devant Subise non plus de cent lances, si crut ceste

information trop legierement, dont il en fu decheus

et renvoia le droite moitié de ses gens pour garder

leurs forterèces, et se parti de Saint Jehan atout

25deus cens lances, tous des milleurs à son avis. Et

chevauça tant ce jour que sus le nuit il vint assés

priès de l’ost as François, qui riens ne savoient de sa

venue, et descendi en un bosket et fist toutes ses gens

descendre: si restraindirent leurs armeures et rechenglèrent

30leurs chevaus, et puis montèrent sans faire

nul effroi. Et chevaucièrent tout quoiement tant que

[68] 68 il vinrent ou logeis dou signeur de Pons et des

Bretons, qui se tenoient tout asseguret, et ja estoit

moult tart. Evous monsigneur le captal et se route,

qui entrent sans dire mot ne faire trop grant noise

5en ces logeis, et commencent à ruer par terre tentes

et trés et foelliès et à abatre gens, occire et decoper

et à prendre. Là furent pris li sires de Pons, Thiebaus

dou Pont, Alyos de Chalay et tout chil qui là

estoient mort ou pris. Et en furent li Englès si mestre

10et si signeur, que tout fu leur pour ceste heure.

Yewains de Galles qui estoit à l’autre part à l’encontre

de celle host oultre le rivière derrière le dit

chastiel, tous pourveus et avisés quel cose il devoit

faire et qui bien savoit le venue dou dit captal, avoit

15pris terre et toutes ses gens ossi, qui bien estoient

quatre cens combatans. Et là estoient messires

Jakemes de Montmore et Morelès, ses frères. Et portoient

ces gens d’armes grant fuison de fallos et de

tortis tous alumés, et s’en vinrent par derrière les

20logeis, où cil Englès se tenoient, qui cuidoient avoir

tout fait et tenoient leurs prisonniers dalés yaus ensi

que pour tous assegurés. Evous le dit Yewain et se

route, qui estoit forte et espesse et en grant volenté

de bien faire le besongne, et entrent en ces logeis,

25les espées toutes nues, et commencent à escriier leurs

cris et à occire et decoper gens d’armes et ruer par

terre et prendre et fiancier prisonniers et à delivrer

chiaus qui pris estoient. Que vous feroi je lonch

compte? Là fu pris li captaus de Beus d’un escuier

30de Pikardie, qui s’appelloit Pières Danviller, apert

homme d’armes durement desous le pennon Yewain.

Là furent telement espars et ruet par terre li Englès

[69] 69 que il ne se peurent ravoir ne desfendre, et furent

tout li prisonnier françois rescous. Li sires de Pons

premierement, qui en fu très ewireus et au quel li

aventure fu plus belle qu’à nulz des aultres; car se li

5Englès l’euissent tenu jamais, il n’euist veu sa delivrance.

Là furent pris messires Henris Haie, messires

Meurisses Wis et pluiseur aultre chevalier et escuier,

et ossi li seneschaus de Poito, messires Thumas de

Persi; et le prist uns prestres de Galles, chapellains

10dou dit Yewain, qui s’appelloit messires David House.

Là furent priès que tout pris et mort, et se sauvèrent

à grant meschief messires Gautiers Huès, messires

Guillaumes de Ferrintonne et messires Petiton de

Courton et Jehan Cressuelle, qui afuirent vers le forterèce

15par une estragne voie, ensi que uns varlès les

mena, qui savoit le couvine de laiens, les entrées et

les issues. Si furent recueilliet de la dame de Subise

par une fausse porte, et leur jetta on une plance par

où il entrèrent en leur forterèce. Si recordèrent à la

20ditte dame de Subise leur aventure et comment il

leur estoit mesavenu par povre soing. De ces nouvelles

fu la dame toute desconfortée, et vei bien que

rendre le couvenoit et venir en l’obeïssance dou roy

de France.

25§ 702. Ceste nuit fu tantost passée, car c’estoit en

temps d’esté, ou mois d’aoust, mais pour ce que il

faisoit noir et brun, la lune estoit en decours. Si se

tinrent li François et cil de leur costé tout liet et

grandement reconforté, et bien y avoit cause; car il

30leur estoit avenu une très belle aventure que pris le

captal de Beus, le plus renommé chevalier de toute

[70] 70 Gascongne et que li François redoubtoient le plus

pour ses hautainnes emprises. De ceste avenue et

achievement eut Yewains de Galles grant grasce.

Quant ce vint à l’endemain dont la besongne avoit

5estet le nuit, li dis Yewains et cil qui prisonniers

avoient, les fisent mener pour tous perilz eschiewer en

leur aultre navie devant le Rocelle, car envis les

euissent perdus; et puis s’en vinrent rengié et ordonné

devant le chastiel de Subise. Et mandèrent en leur

10navie encores grant fuison de Genevois et arbalestriers;

si fisent grant samblant d’assallir la forterèce,

et s’en misent en bon arroi. La dame de Subise qui

veoit tout son confort mort et pris, dont moult li

anoioit, demanda conseil as chevaliers, qui là dedens

15estoient retrait à sauveté, monsigneur Gautier Huet,

et monsigneur Guillaume de Ferrintonne et monsigneur

Petiton de Courton. Li chevalier li respondirent:

«Dame, nous savons bien que à le longe vous

ne vous poés tenir; et nous sommes cheens enclos;

20si n’en poons partir fors par le dangier des François.

Nous traitterons devers yaus que nous partirons

sauvement sus le conduit le signeur de Pons;

et vous demorrés en l’obeïssance dou roy de France.»

La dame respondi: «Diex y ait part, puis que il

25ne poet estre autrement.» Adont li troi chevalier

dessus nommet envoiièrent un hiraut des leurs hors

dou chastiel parler à Yewain de Galles et au signeur

de Pons, qui estoient tout appareilliet et leurs gens

pour assallir. Li dessus dit entendirent à ces trettiés

30volentiers et eurent grasce de partir tout li Englès

qui dedens le fort estoient et de retraire par saufconduit

là où mieus leur plaisoit, fust en Poito ou

[71] 71 en Saintonge; si se partirent sans plus attendre.

Et la dame de Subize, ses chastiaus et toute sa terre,

demora en l’obeïssance dou roy de France. Et li

dis Yewains [de Galles] se retray en se navie devant

5le Rocelle qu’il tenoit pour assegie, quoi que compositions

fust entre li et chiaus de le ville, que

point ne devoient grever l’un l’autre. Et tint toutdis

monsigneur le captal dalés lui, ne point n’avoit volenté

d’envoiier en France devers le roy jusques à

10tant qu’il oroit aultres nouvelles.

§ 703. Vous devés savoir que se li rois d’Engleterre

et li Englès furent courouciet de le prise le

captal de Beus, li rois de France et li François en

furent moult resjoy et en tinrent leur guerre à plus

15belle, et à plus foible le poissance des Englès. Tantost

apriès ceste avenue, li sires de Pons, li sires de Cliçon,

li viscontes de Roem, li sires de Laval, li sires de

Biaumanoir, Thiebaus dou Pont, Alyot de Calay et

une grande route de Bretons et de Poitevins d’une

20alliance, qui bien estoient cinc cens hommes d’armes,

chevaucièrent caudement par devers Saint Jehan

l’Angelier, dont li captaus avoit estet chapitainne,

et esploitièrent tant que il vinrent devant et fisent

grant samblant de l’assallir. Cil de Saint Jehan furent

25tout esbahi de leur venue, car il n’avoient nul gentil

homme, qui les consillast, et si veoient leur chapitainne

pris, et le plus grant partie des Englès; et ne

leur apparoit confors de nul costé. Si se rendirent et

ouvrirent leurs portes as dessus dis, parmi tant que

30on ne leur devoit nul mal faire. De ce leur tint on

bien couvent. Et il jurèrent foy et seurté et toute

[72] 72 obeïssance de ce jour en avant à tenir au roy de

France. Quant il eurent ce fait, il s’en partirent et

chevaucièrent ossi caudement par devers le cité d’Angouloime,

qui est belle et forte, et y apent uns biaus

5chastiaus; mais il avoient perdu leur seneschal, monsigneur

Henri Haie, et n’estoit là dedens de le partie

des Englès, qui les consillast ne confortast. Si furent

si esbahi, quant li sires de Cliçon et li sires de Pons et

li dessus dit approcièrent leur cité, que il n’eurent

10nulle volenté d’yaus tenir, et entrèrent en trettiés

devers les dis François; et les aida à faire li sires de

Pons, pour tant qu’il y avoit plus grant fiance que

ens es Bretons. Si jurèrent feaulté et obeïssance au

roy de France; et entrèrent li Breton dedens le ditte

15cité, et là se rafreschirent par un jour, et l’endemain

s’en partirent; si chevaucièrent viers Taillebourch,

sus le rivière de Charente, qui se tourna françoise

ossi. Et puis chevaucièrent devers le cité de Saintes

en Poito, où messires Guillaumez de Ferrintonne,

20seneschaus de Saintonge, estoit retrais, li quelz dist

qu’il ne se renderoit mies si legierement, et fist clore

la cité et toutes manières de gens aler à leurs deffenses,

fust envis ou volenté. Quant li Breton veirent

ce, si se ordonnèrent et apparillièrent de grant

25manière et commencièrent à assallir la ditte cité de

Saintes, et cil dedens à yaus deffendre par le conseil

dou dit monsigneur Guillaume et de ses gens, qui

pooient estre environ soissante armeures de fier. Et

y eut un jour tout entier grant assaut, mès riens n’i

30perdirent. Si se retraisent au soir li Breton tout las

et travilliet en manechant durement chiaus de le ville,

et leur disent au partir: «Folle gent, vous vos tenés

[73] 73 et cloés contre nous, et si ne poés durer que nous

ne vous aions. Et quant vous serés pris de force,

vostre ville sera toute courue et reubée et arse, et

serés tout mort sans merci.» Ces parolles entendirent

5bien aucun homme de le ville, si les notèrent

grandement et les segnefiièrent à l’evesque dou lieu,

qui en fist grant compte, et leur dist: «Se il avient

ensi que li Breton vous prommettent, vous n’en arés

mies mains: par le oppinion de monsigneur Guillaume

10porions nous estre tout perdu sans nul recouvrier.»

Lors demandèrent cil de le cité à l’evesque

conseil, comment il poroient ouvrer pour le mieulz

sus cel estat. Li evesques leur dist, qui desiroit à estre

françois: «Prendés monsigneur Guillaume de Ferrintonne

15et les plus notables de conseil, et les mettés

en prison, ou dittes que vous les occirés, se il ne

s’acordent à rendre le cité.» Ensi que li dis evesques

le consilla, fu fait. De nuit cil de Saintes prisent de

force leur senescal à son hostel et huit de ses escuiers,

20et leur disent: «Signeur, nous ne nos sentons mies

fort assés pour nous tenir contre le poissance de ces

Bretons, car encores doient il i estre de matin

rafreschi de nouvelles gens de par le connestable

qui se tient à Poitiers. Si volons que vous rendés

25ceste cité ançois que nous y recevons plus grant

damage, ou briefment nous vous occirons.» Messires

Guillaumes et si compagnon veirent bien que deffence

n’i valoit riens; si leur dist: «Signeur, je vous lairai

couvenir, puis que ensi est que vous avés volenté

30de vous rendre, mès mettés nous hors de vostres

trettiés, si ferés courtoisie et vous en sarons gré»; et

chil respondirent: «Volentiers.»

[74] 74 § 704. Quant ce vint l’endemain au matin, li sires

de Cliçon, li sires de Pons, li viscontes de Rohem, et

li baron qui là estoient fisent sonner leurs trompètes

pour assallir et armer et appareillier toutes gens et

5traire avant et mettre en ordenance d’assaut. Evous

autres nouvelles qui leur vinrent envoiies de par

chiaus de Saintes. A ces trettiés entendirent li signeur

de l’ost pour tant que ce leur sambloit honneurs de

conquerre une tele cité que Saintes est, et mettre en

10l’obeïssance dou roy de France, sans travillier ni blechier

leurs gens, qui leur estoit grans pourfis. Et ossi

il tiroient toutdis à chevaucier avant. Si furent cil

trettié oy, retenu et acordé; et se departirent messires

Guillaumes de Ferintonne et ses gens sauvement

15sus le conduit le signeur de Pons, qui fist les

dis Englès conduire jusques en le cité de Bourdiaus.

Ensi eurent li François la bonne cité de Saintes, et

en prisent le feauté et l’ommage; et jurèrent li homme

de le ville à estre bon et loyal françois de ce jour en

20avant. Et puis s’en partirent, quant il s’i furent rafreschi

trois jours, et chevaucièrent devant Pons, qui

se tenoit encores englesce, quoi que li sires fust françois,

et en estoit chapitainne messires Aymenions de

Bourch.

25Mais quant chil de le ville se veirent ensi enclos de

tous lés des François, et que cil de Poitiers, de Saintes

et de Saint Jehan l’Angelier s’estoient rendu et tourné

françois et que li dit Englès perdoient tous les jours,

et que li captaus estoit pris, par le quel toutes recouvrances

30se peuissent estre faites, il n’eurent nulle

volenté d’yaus tenir; mais se rendirent par composition

que tout chil qui le opinion des Englès voloient

[75] 75 [tenir et] soustenir, se pooient partir sans damage et

sans peril, et avoient conduit jusques à Bourdiaus.

Si se parti sus cel estat messires Aymenions, qui

l’avoit gardée plus d’an et demi, et avoech lui toute

5se route, et se traist à Bourdiaus, [et li sire de Pons

entra] en sa ville, où il fut recheus à grant joie. Et

là fist on grans dons et biaus presens, afin que il leur

pardonnast son mautalent, car il avoit dit et juret

en devant que il en feroit plus de soissante de ses

10gens meismes trenchier les testes; et pour celle

doubte s’estoient il tenu si longement. Mais anchois

que il y peuist entrer ne que il vosissent ouvrir leurs

portes, il leur quitta et pardonna tout à le priière

dou signeur de Cliçon et des barons, qui estoient

15en se compagnie. Or parlerons nous de chiaus de le

Rocelle.

§ 705. Chil de le Rocelle estoient en trettiés couvers

et secrés devers Yewain de Galles, qui les avoit

assegiés par mer, sicom chi dessus vous avés oy, et

20ossi devers le connestable de France qui se tenoit à

Poitiers, mès il n’en osoient nulz descouvrir; car

encores estoit li chastiaus en le possession des Englès,

et sans le chastiel il ne s’osassent nullement

tourner françois. Quant messires Jehans d’Evrues, sicom

25chi dessus est recordé, s’en parti pour conforter

de tous poins chiaus de Poitiers, il y establi un

escuier à garde, qui s’appelloit Phelippot Mansiel, qui

n’estoit mies trop soutieulz; et demorèrent avoech

lui environ soissante compagnons. En ce temps avoit

30en le ville de le Rocelle un maieur durement agu et

soubtil en toutes ses coses et bon François de corage,

[76] 76 sicom il le moustra. Car quant il vei que poins fu,

il ouvra de sa soutilleté, et ja s’en estoit descouvers à

pluiseurs bourgois de le ville, qui estoient tout de

son acord. Bien sçavoit li dis maires, qui s’appelloit

5sire Jehan [Cauderier], que cilz Phelippos, qui estoit

gardiiens dou chastiel, comment qu’il fust bons

homs d’armes, n’estoit mies trop soubtieulz ne perchevans

sus nul malisce; si le pria un jour de disner

dalés lui, et aucuns bourgois de le ville. Chilz Phelippos

10qui n’i pensoit que tout bien, li acorda et y

vint. Anchois que on s’assesist au disner, sire Jehans

[Cauderier], qui estoit tous pourveus de son fait et

qui enfourmé en avoit ses compagnons, dist à Phelippot:

«Chastelains, j’ay recheu de puis hier unes

15lettres de par nostre chier signeur le roy d’Engleterre,

qui bien vous touchent.»—«Et queles sont

elles?» dist cilz. Respondi li maires: «Je les vous

mousterai et ferai lire en vostre presence, car c’est

bien raisons.» Adont ala il en un coffre et prist une

20lettre toute ouverte, anchiennement faite, seelée dou

grant seel le roy Edowart d’Engleterre, qui de riens

ne touchoit à son fait; mais il li fist touchier par

grant sens, et dist à Phelippot: «Vés le chi.» Lors

li moustra le seel au quel cilz s’apaisa moult bien, car

25assés le recogneut; mais il ne savoit lire: pour tant

fu il decheus. Sire Jehans [Cauderier] appella un

clerch que il avoit tout pourveu et avisé de son fait,

et dist: «Lisiés nous ceste lettre.» Li clers le prist

et lisi ce que point n’estoit en le lettre, et parloit en

30lisant que li rois d’Engleterre commandoit au maieur

[de le Rochelle] que il fesist faire leur moustre de

tous hommes armés demorans en le Rocelle, et l’en

[77] 77 rescrisist le nombre par le porteur de ces lettres, car

il le voloit savoir, et ossi de chiaus dou chastiel; car

il esperoit temprement à là venir et arriver. Quant

ces parolles furent toutes dittes, ensi que on list une

5lettre, li maires appella ledit Phelippot, et li dist:

«Chastellain, vous oés bien que li rois, vos sires, me

mande et commande: siques de par lui, je vous

commande que demain vous fachiés vostre moustre

de vos compagnons en le place devant le chastiel. Et

10tantost apriès la vostre, je ferai la mienne, par quoi

vous le verés ossi, si vaurra trop mieulz, et en ceste

meisme place. Si en rescrirons l’un par l’autre la

verité à nostre très chier signeur le roy d’Engleterre.

Et aussi se il besongne argent à vos compagnons, je

15crois bien oïl, tantost le moustre faite, je vous en

presterai, par quoi vous les paierés lor gages, car li

rois d’Engleterre, nos sires, le m’a mandé ensi en

une lettre close, que je les paie sus mon offisce.»

Phelippes qui adjoustoit en toutes ces parolles grant

20loyauté, li dist: «Sires maires, de par Dieu, puis que

c’est à demain que je doy faire ma moustre, je le

ferai volentiers, et li compagnon en aront grant joie,

pour tant qu’il seront paiiet; car il desirent à avoir

argent.» Adont laissièrent il les parolles [sur tel estat]

25et alèrent disner, et furent tout aise. Apriès disner

cilz Phelippos se retray ens ou chastiel de le Rocelle,

et compta à ses compagnons tout ce que vous avés

oy et leur dist: «Signeur, faites bonne chière, car

demain tantos apriès vo moustre, vous serés paiiet de

30vos gages; car li rois l’a ensi mandé et ordené au

maieur de ceste ville, et j’en ay veu les lettres.» Li

saudoiier qui desiroient à avoir argent, car on leur

[78] 78 devoit de trois mois ou plus, respondirent: «Vechi

riches nouvelles.» Si commencièrent à fourbir leurs

bachinès, à roler leurs cotes de fier et à esclarchir

leurs espées ou armeures teles qu’il les avoient. Ce

5soir se pourvei tout secretement sire Jehans [Cauderier]

et enfourma le plus grant partie de chiaus

de le Rocelle, que il sentoit de son acord, et leur

donna ordenance pour l’endemain, à savoir comment

il se maintenroient.

10Assés priès dou chastiel de le Rocelle et sus le

place où ceste moustre se devoit faire, avoit vieses

maisons où nulz ne demoroit. Si dist li maires que

là dedens on feroit une embusche que quatre cens

hommes armés, tous les plus aidables de le ville, et

15quant cil dou chastiel seroient hors issu, il se metteroient

ent[re] le chastel et yaus et les encloroient;

ensi seroient il attrapé, ne il ne veoient mies que

par aultre voie il les peuist avoir. Cilz consaulz fu

tenus, et cil nommé et esleu en le ville qui devoient

20estre en l’embusche, et y alèrent tout secretement

très le nuit tout armé de piet en cap, et yaus enfourmé

quel cose il feroient. Quant ce vint au matin

apriès soleil levant, li maires de le Rocelle et li juret

et chil de l’offisce tant seulement, se traisent tout desarmé

25par couvreture pour plus legierement attraire

chiaus dou chastiel avant. Et se vinrent sus le place

où li moustre se devoit faire, et estoient monté cescuns

sus bons gros ronchins pour tantost partir, quant

la meslée se commenceroit. Li chastellains si tost que

30il vei apparoir le maieur et les jurés, il hasta ses

compagnons, et dist: «Alons! alons! là jus en le place

on nous attent!» Lors se departirent dou chastiel

[79] 79 tout li compagnon sans nulle souspeçon, qui moustrer

se voloient et qui argent attendoient. Et ne demorèrent

dedens le chastiel fors que varlet et meschines,

et vuidièrent le porte et [le] laissièrent toute ample

5ouverte, pour ce que il y cuidoient tantost retraire, et

s’en vinrent sus le place yaus remoustrer au maiieur

et as jurés qui là estampoient. Quant il furent tout en

un mont, li maires, pour yaus ensonniier, les mist en

parolles, et disoit à l’un et puis à l’autre: «Encores

10n’avés vous pas tout vostre harnas, pour prendre

plains gages, il le vous fault amender.» Et chil

disoient: «Sire, volentiers.» Ensi en genglant et en

bourdant, il les tint tant que li embusche sailli hors

armé si bien que riens n’i falloit, et se boutèrent

15tantost entre le chastiel et yaus, et se saisirent de le

porte. Quant li saudoiier veirent ce, si cogneurent bien

qu’il estoient trahi et decheu: si furent durement

esbahi et à bonne cause. A ces cops se parti li maires

et tout li aultre, et laissièrent leurs gens couvenir,

20qui tantost furent mestre de ces saudoiiers qui se

laissièrent bellement prendre, car il veirent bien que

deffense n’y valoit riens. Là les fisent li Rocellois tous

un à un desarmer sus le place, et les menèrent en

prisons en le ville en divers lieus, en tours et en

25portes de le ville: dou plus n’estoient que yaus doi

ensamble.

Assés tost apriès ce, vint li maires tous armés sus

le place, et plus de mil homes en se compagnie. Si se

traist incontinent devers le chastiel qui en l’eure li

30fu rendus; car il n’i avoit dedens fors menue gent,

mechines et varlès, en qui n’avoit nulle deffense;

mès furent tout joiant, quant il se peurent rendre, et

[80] 80 on les laissa en pais. Ensi fu reconquis li chastiaus

de le Rocelle.

§ 706. Quant li dus de Berri et li dus de Bourbon

et ossi li dus de Bourgongne, qui s’estoient tenu

5moult longhement sur le[s] marches d’Auvergne et

de Limozin, à plus de deus mil lanches, entendirent

ces nouvelles, que chil de le Rocelle avoient bouté

hors les Englès de leur chastiel et le tenoient pour

leur, si s’avisèrent que il se trairoient celle part pour

10veoir et savoir quel cose il vorroient faire. Si se

departirent de le marche où il s’estoient tenu, et

chevaucièrent devers Poito le droit chemin pour venir

à Poitiers par devers le connestable. Si trouvèrent

une ville en leur chemin en Poito c’on dist Saint

15Maxiien, qui se tenoit englesce, car li chastiaus qui

siet au dehors de le ville estoit en le gouvrenance

d’Englès. Sitos que chil signeur et leurs routes furent

venu devant le ville, chil de Saint Maxiien se rendirent,

salves leurs corps et leurs biens, mès li chastiaus

20ne se volt rendre. Dont le fisent assallir li dit

signeur moult efforciement, et là eut un jour tout

entier grant assaut, et ne peut ce jour estre pris. A

l’endemain de rechief, il vinrent assallir si efforchiement

et de si grant volenté, qu’il le prisent, et furent

25tout chil mort qui dedens estoient; puis chevaucièrent

li signeur oultre, quant il eurent ordonné gens

de par yaus pour garder le ville, et vinrent devant

Melle, et le prisent et le misent en l’obeïssance dou

roy de France, et puis vinrent devant le chastiel de

30Sevray. Chil de Sivray se tinrent deus jours, et puis

se rendirent, salve leurs corps et leurs biens. Ensi li

[81] 81 signeur, en venant devers le chité de Poitiers, conqueroient

villes et chastiaus, et ne laissoient riens

derrière yaus, qui ne demorast en l’obeïssance dou

roy de France; et tant cheminèrent qu’il vinrent à

5Poitiers où il furent recheu à grant joie dou connestable

et de ses gens et de chiaus de le cité.

§ 707. Quant li troi duch dessus nommé furent

venu à Poitiers et toutes leurs routes, qui se logièrent

là où environ sus le plat pays pour estre mieulz à

10leur aise, li duc de Berri eut conseil qu’il envoieroit

devers chiaus de le Rocelle pour sçavoir quel cose

il vorroient dire et faire, car encores se tenoient il si

clos que nulz n’entroit ne issoit en leur ville. Si y

envoia li dis dus certains hommes et messages pour

15trettier et savoir mieulz leur entente. Li message de

par le duch de Berri et le connestable furent bellement

recheu, et respondu qu’il envoieroient devers

le roy de France; et se li rois leur voloit acorder

che qu’il demandoient, il demorroient bon François.

20Mais il prioient au duch de Berri et au connestable

que il ne se volsissent mie avanchier ne leurs gens,

pour yaus porter nul damage ne nul contraire, jusques

adont qu’il aroient mieus causé. Che fu tout che que

li message raportèrent. Cheste response plaisi [assés]

25bien as dessus dis le duch de Berri et le connestable,

mès ils se tinrent tout quoi à Poitiers et sus le

Marche, sans riens fourfaire as Rocellois; et Yewains

de Galles par mer ossi les tenoit pour assegiés, comment

qu’il ne leur fesist nul contraire.

30Or vous dirai de l’estat des Rocellois et sus quel

point et article il se fondèrent et perseverèrent. Tout

[82] 82 premierement il envoiièrent douse de leurs bourgois

des plus souffissans et des plus notables à Paris

devers le roy de France, sus bon saufconduit que il

eurent dou roy alant et venant, anchois que il se

5partesissent de le Rocelle. Li rois qui les desiroit à

avoir pour amis et pour ses obeïssans, les rechut

liement et oy volentiers toutes leurs requestes, qui

furent celes que je vous dirai. Cil de le Rocelle voloient

tout premierement, anchois que il se mesissent

10en l’obeïssance dou roy, que li chastiaus de

le Rocelle fust abatus. En apriès il voloient que li

rois de France pour tous jours mès, ilz et ses hoirs, les

tenist comme de son droit demainne de le couronne

de France, ne jamais n’en fuissent eslongié pour

15pais, pour accord, pour mariage ne pour alliance

quelconques il euist au roy d’Engleterre ne à autre

signeur. Tierchement il voloient que li rois de France

fesist là forgier florins et monnoie d’otel pris et

aloy, sans nulle exception, que on forgoit à Paris.

20Quartement il voloient que nulz rois de France, si

hoir ne si successeur, ne peuissent mettre ne assir

sus yaus ne sus leurs masniers taille ne sousside,

gabelle, ayde ne imposition nulle ne fouage ne cose

qui le ressemblast, se il ne l’acordoient ou donnoient

25de grasce. Quintement il voloient et requeroient que

li rois les fesist absorre et dispenser de leurs fois et

sieremens qu’il avoient juret et prommis au roy

d’Engleterre, la quele cose estoit uns grans prejudisces

à l’ame, et s’en sentoient grandement cargié

30en conscience. Pour tant il voloient que li rois à ses

despens leur impetrast du Saint Père le pape absolution

et dispensation de tous ces fourfais.

[83] 83 Quant li rois de France oy leurs articles et leurs

requestes, si leur en respondi moult doucement qu’il

en aroit avis. Sur ce, li dis rois s’en conseilla par

pluiseurs fois as plus sages de son royaume, et tint

5là dalés lui moult longement chiaus de le Rocelle,

mès finablement de toutes leurs demandes il n’en

peut riens rabatre, et couvint que il leur acordast

toutes, seelast, cancelast et confremast pour tenir à

perpetuité. Et se partirent dou roy de France [bien

10content], chartré, burlé et seelé tout ensi comme il

le veurent avoir et deviser, car li rois de France les

desiroit moult à avoir en se obeïssance, et recommendoit

le Rocelle pour le plus notable ville que il

euist par delà Paris. Et encores à leur departement,

15leur donna il grans dons et biaus jeuiaus et riches

presens pour reporter à leurs femmes. Dont se partirent

dou roy et de Paris li Rocellois, et se misent

au retour.

§ 708. Or retournèrent li bourgois de le Rocelle

20en leur ville, qui avoient sejourné, tant à Paris que

sus leur chemin, bien deus mois. Si moustrèrent à

chiaus qui là les avoient envoiiés et à le communauté

de le ville, quel cose il avoient esploitié et impetré,

sans nulle exeption, toutes leurs demandes. De ce

25eurent il grant joie, et [se] contentèrent grandement

bien dou roi et de son conseil. Ne demora de puis

mies trois jours que il misent ouvriers en oevre et

fisent abatre leur chastiel et mettre rés à rés de le

terre, ne onques n’i demora pière sus aultre, et

30l’assamblèrent là en le place en un mont. De puis en

fisent il ouvrer as necessités de le ville et paver

[84] 84 aucunes rues qui en devant en avoient grant mestier.

Quant il eurent ensi fait, il mandèrent au duc de

Berri que il venist là, se il li plaisoit, et que on le

recheveroit volentiers au nom dou roy de Franche, et

5feroient tout che qu’il devoient faire. Li dus de Berri

y envoia monsigneur Bertran de Claikin, qui avoit

de prendre le possession procuration du roy de

France. Lors se parti de Poitiers à cent lances li dis

connestables, à l’ordenance dou duch de Berri, et

10chevauça tant qu’il vint en le ville de le Rocelle, où il

fu recheus à grant joie, et moustra de quoi procuration

dou roy, son signeur. Si prist le foy et l’ommage

des hommes de le ville, et y sejourna trois

jours, et li furent faites toutes droitures, ensi comme

15proprement au roy, et y rechut grans dons et biaus

presens. Et ossi il en donna fuison as dames et as

damoiselles, et, quant il eut assés revelé et jeué, il se

parti de le Rocelle, et retourna arrière à Poitiers.

Ne demora gaires de temps puissedi que li rois de

20France envoia ses messages devers Yewain de Galles,

en lui mandant et segnefiant que il le veroit volentiers,

et son prisonnier le captal de Beus. Encore ordonna

li rois en ce voiage, que li amiraus dou vaillant

roy Henri de Chastille, dan Radigho de Rous, se partesist

25o toute sa navie et retournast en Espagne, car

pour celle saison il ne le voloit plus ensonniier. Ensi

se desfist li armée de mer, et retournèrent li Espagnol,

et furent, ains leur departement, tout sech

paiiet de leurs gages, tant et si bien que il se contentèrent

30grandement dou roy de France et de son

paiement. Et Yewains de Galles, au commandement

et ordenance dou roy, prist le chemin de Paris, et là

[85] 85 amena le captal de Beus, dont li rois eut grant joie,

et le quel bien cognissoit, car il l’avoit vu aultrefois:

se li fist grant chière et lie, et le tint en prison courtoise,

et li fist prommettre et offrir grans dons et grans

5hiretages et grans pourfis, pour li rattraire à sen amour

par quoi il se fust retournés françois; mès li captaus

n’i volt onques entendre, mais bien disoit as barons

et as chevaliers de France, qui le visetoient et qui de

chou l’aparloient, que il se ranceneroit volentiers

10si grandement que cinc ou sis fois plus que sa revenue

par an ne li valoit, mès li rois n’avoit point

conseil de ce faire. Si demora la cose en cel estat, et

fu de premiers mis ou chastiel dou Louvre, et là

gardés bien songneusement; et le visetoient souvent

15li baron et li chevalier de France.

Or revenrons nous as besognes de Poito, qui ne sont

mies encores toutes furnies.

§ 709. Quant li connestables de France eut pris

le saisine et possession de le bonne ville de le Rocelle,

20et il se fu retrais à Poitiers, si eurent conseil li

signeur que il se partiroient de là et venroient

devant aucuns chastiaus qui estoient en le marche

de le Rocelle, par quoi la ville, se il se partoient dou

pays, demorroit en plus segur estat. Car encores

25estoient englès Marant, Surgières [et] Fontenay le

Conte, et couroient tous les jours chil de ces garnisons

jusques as portes de le Rocelle, et leur faisoient

moult de destourbiers. Si se partirent de Poitiers en

grant arroi li dus de Berri, li dus de Bourgongne, li

30dus de Bourbon, li daufins d’Auvergne, li sires de

Sulli, li connestables de France, li mareschaus de

[86] 86 France et bien deus mil lances, et s’en vinrent premierement

devant le chastiel de Benon. Si en estoit

chapitainne de par le captal uns escuiers d’onneur

de le conté de Fois, qui s’appelloit Guillonès de Paus,

5et uns chevaliers de Naples, qui s’appelloit messires

Jakes, doi appert homme d’armes malement. Et

avoient là dedens avoech yaus des bons compagnons,

qui ne furent mies trop effraé, quant chil signeur

et li connestables les eurent assegiés, mès se confortèrent

10en ce que bien lor sambloit qu’il estoient pourveu

assés de vivres et d’arteillerie. Si furent assali

pluiseurs fois, mès trop bien se deffendirent de deus

ou de trois assaus à che commenchement qu’il eurent.

Assés priès de là siet li garnison de Surgières,

15où il avoit bien soissante lances d’Englès, tous bons

compagnons et droite gent d’armes. Si s’avisèrent

un jour que de nuit il venroient resvillier l’ost des

François, et s’enventurroient se il pooient riens conquerir.

Si se partirent de leur fort, quant il fu tout

20avespri, et chevaucièrent devers Benon, et se boutèrent

environ mienuit en l’ost et chevaucièrent si

avant qu’il vinrent sus le logeis dou connestable, et

là s’arrestèrent. Si commenchièrent à abatre et à decoper

et blechier gens qui de ce ne se donnoient

25garde. Si en y eut moult de navrés et de mal appareilliés;

et par especial, ou logeis dou connestable,

fu occis uns siens escuiers d’onneur, que il amoit oultre

l’ensengne. Li hos s’estourmi, on s’arma tantost.

Chil se retraisent, quant il veirent que poins fu et

30qu’il eurent fait leur emprise, et retournèrent sans damage

en leur garnison. Quant li connestables sceut

le verité de son escuier que tant amoit, que il estoit

[87] 87 mors, si fu telement courouchiés que plus ne peut,

et jura que de là jamais ne partiroit, si aroit pris le

chastiel de Benon, et seroient sans merchi tout chil

mort, qui dedens estoient. A l’endemain, quant il

5eut fait entierer son escuier, il commanda toutes ses

gens à armer et traire avant à l’assaut, et, pour mieulz

esploitier, il meisme s’arma et y ala. Là eut grant

assaut et dur et bien continué; et telement s’i esprouvèrent

Breton et aultres gens, que li chastiaus de

10Benon fu pris et conquis de forche, et tout chil qui

dedens estoient, mort et occis, sans prendre nullui

à merchi.

§ 710. Apriès che que li connestables de France

eut faite sen entente dou chastiel de Benon et de tous

15ceulz qui dedens estoient, il donna conseil de traire

devant le chastiel de Marant à quatre liewes de le

Rocelle. Dou chastiel de Marant estoit chapitainne

uns Alemans qui s’appelloit Wisebare, hardi homme

durement, et avoit avoech lui grant fuison d’Alemans.

20Mais, quant il veirent que cil signeur de France venoient

si efforciement et que riens ne se tenoit devant

yaus, et que chil de le Rocelle s’estoient tourné franchois,

et que li connestables avoit tous mis à mort

chiaus dou chastiel de Benon, si furent si effraé que

25il n’eurent nulle volenté d’yaus tenir; mès se rendirent,

et le forterèce, et se tournèrent tout françois,

et le jurèrent à estre bon de ce jour en avant, en le

main dou signeur de Pons, que li connestables y

envoia pour trettiier et pour prendre le saisine et

30possession, mès il y misent une condicion tant que

on leur vorroit paiier de leurs gages, ensi que li Englès

[88] 88 les avoient paiiés bien et courtoisement, et, se

on en estoit en defaute, il se pooient partir sans

nulle reproce et traire quel part qu’il voloient: on

leur eut ensi en couvent. Si demorèrent sus cel estat

5comme en devant, pour tenir et garder le forterèche,

et puis passèrent li signeur oultre, et vinrent

devant le chastiel de Surgières. Quant il furent là

parvenu, il le trouvèrent tout vuit et tout ouvert;

car chil qui l’avoient gardé toute le saison, pour le

10doubtance dou connestable, s’en estoient parti et

bouté en aultres forterèces en Poito. Si entrèrent

li François dedens le chastiel de Surgières, et le

rafreschirent de nouvelles gens, et puis chevaucièrent

devant Fontenay le Conte, où la femme à monsigneur

15Jehan de Harpedane se tenoit, et avoech lui

pluiseurs bons compagnons, qui ne furent à che

commenchement noient effraé de tenir le forterèce

contre les François.

§ 711. Quant li dus de Berri et li aultre duch et

20leurs routes et li connestables de France furent venu

devant Fontenai le Conte en Poito, si assegièrent le

ville et le chastiel par bonne ordenance, et chiaus

qui dedens estoient; et puis ordonnèrent enghin et

manière comment il les poroient conquerre. Si y

25fisent pluiseurs assaus, le terme qu’il y sisent; mais

il ne l’avoient mies d’avantage, car il trouvoient

chiaus de le garnison appers et legiers et bien ordonnés

pour yaus deffendre. Si y eut là devant le

ville de Fontenay pluiseurs assaus, escarmuces et

30grans apertises d’armes et moult de gens blechiés.

Car priès [que] tous les jours y avoit aucun fais

[89] 89 d’armes, et par deus ou par trois estours. Si ne pooit

remanoir que il n’en y euist [des mors et] des blechiés;

et vous di que, se chil de Fontenai sentesissent

ne euissent esperance que il peuissent estre

5conforté dedens trois ne quatre mois, de qui que

ce fust par mer ou par terre, il se fuissent assés tenu,

car il avoient pourveances à grant fuison, et si estoient

en forte place. Mais, quant il imaginoient le

peril que il estoient là enclos et que de jour en jour

10on leur prommetoit que, se de force pris estoient, il

seroient [tout] mort sans merchi, et se ne leur apparoit

confors de nul costé, il s’avisèrent et entendirent

as trettiés dou connestable, qui furent tel qu’il se

pooient partir, se il voloient, et porter ent tout le

15leur, et seroient conduit jusques en le ville de

Touwars, où tout li chevalier de Poito englès pour le

temps se tenoient et s’estoient là recueilliet. Cilz trettiés

passa et fu tenus, et se partirent cil de Fontenay

qui englès estoient, et en menèrent leur dame avoech

20euls, et se retraisent sus le conduit dou connestable

en le ville de Touwars, où il furent recueilliet. Ensi

eurent li François Fontenai le Conte, le ville et le

chastiel, et y ordonnèrent un chevalier à chapitainne,

et vint lances desous lui, qui s’appelloit

25messires Renaulz de Lazi, et puis retournèrent devers

le cité de Poitiers, et esploitièrent tant qu’il y vinrent,

[et y furent receu à grant joye.]

§ 712. Quant cil signeur de France furent retret

à Poitiers et rafreschi quatre jours, yaus et leurs chevaus,

30il eurent conseil qu’il s’en partiroient et s’en

iroient devant Touwars où tout li chevalier de Poito

[90] 90 se tenoient, chil qui soustenoient l’opinion dou roy

d’Engleterre, et bien y avoit cent, uns c’autres, et

metteroient là le siège et ne s’en partiroient, si en

aroient une fin, ou il seroient tout françois, ou il

5demorroient tout englès. Si se partirent en grant

arroi et bien ordené de le cité de Poitiers, et estoient

bien trois mil lances, chevaliers et escuiers, et

quatre mil pavais parmi les Genevois. Si cheminèrent

tant ces gens d’armes qu’il vinrent devant Touwars,

10où il tendoient à venir. Si y establirent et ordonnèrent

tantost leur siège grant et biel, tout à l’environ

de le ville et dou chastiel, car bien estoient gens

pour ce faire, et n’i laissoient nullui entrer ne issir,

ne point n’assalloient; car bien savoient que par

15assaut jamais ne les aroient, car là dedens avoit trop

de bonnes gens d’armes, mais il disoient que là tant

seroient que il les affameroient, se li rois d’Engleterre,

de se poissance, ou si enfant ne venoient lever

leur siège. Quant li baron et li chevalier qui là

20dedens enclos estoient, telz que messires Loeis de

Harcourt, li sires de Partenai, li sires de Cors, messires

Hughes de Vivone, messires Aymeris de Rochewart,

messires Perchevaus de Coulongne, messires

Renaulz de Touwars, li sires de Roussellon, messires

25Guillaumez de Crupegnach, messires Joffrois d’Argenton,

messires Jakes de Surgières, messires Jehans

d’Angle, messires Guillaumez de Monttendre, messires

Mauburnis de Linières et pluiseurs aultres que

je ne puis mies tous nommer, perchurent le manière,

30et imaginèrent l’arroy et l’ordenance des François,

comment il estoient là trait et se fortefioient et

monteplioient tous les jours, si eurent sur ce avis et

[91] 91 conseil; car bien veoient que cil signeur qui assegié

les avoient, ne partiroient point, si en aroient leur

entente ou en partie. Si dist messires Perchevaus

de Coulongne, qui fu uns sages et imaginatis chevaliers

5et bien enlangagiés, un jour qu’il estoient tout

ensamble en une cambre pour avoir conseil sus leurs

besongnes: «Signeur, signeur, com plus gielle, plus

destraint. A ce pourpos, vous savés que nous avons

tenu nostre loyauté devers le roi d’Engleterre tant

10que nous avons pout, et que par droit il nous en doit

savoir gré, car en son service et pour son hiretage

aidier à garder et deffendre, nous avons emploiiet

et aventuré nos corps sans nulle faintise et mis toute

nostre chavance au par daarrain. Nous sommes chi

15enclos, et n’en poons partir ne issir fors par dangier,

et sur ce j’ai moult imaginé et estudiié comment

nous ferons et comment de chi à nostre honneur

nous isterons, car partir nous en fault, et, se vous le

volés oïr, je le vous dirai, salve tous jours le milleur

20conseil.» Li chevalier qui là estoient, respondirent:

«Oïl, sire, nous le volons oïr.» Lors dist messires

Perchevaus: «Il ne poet estre que li rois d’Engleterre

pour qui nous sommes en ce parti, ne soit

enfourmés en quel dangier chil François nous

25tiennent, et comment tous les jours ses hiretages se

pert. Se il le voet laissier perdre, nous ne li poons

garder ne sauver, car nous ne sommes mies si fort

de nous meismes que pour resister et estriver contre

le poissance dou roy de France; car encores nous

30veons en ce pays que cités, villes, forterèces et chastiaus,

avoech prelas, barons et chevaliers, dames et

communautés, se tournent tous les jours françois, et

[92] 92 nous font guerre, la quele cose nous ne poons longement

souffrir ne soustenir: pour quoi je conseille

que nous entrons en trettiés devers ces signeurs

de France qui chi nous ont assegiés, et prendons

5unes triuwes à durer deus ou trois mois. En celle

triewe durant, et au plus tost que nous poons,

segnefions tout plainnement nostre estat à nostre

signeur le roy d’Engleterre et le dangier où nous

sommes et comment ses pays se piert, et impetrons

10en celle triewe devers ces signeurs de France que,

se li rois d’Engleterre ou li uns de ses enfans poeent

venir, ou tout ensamble, si fort devant ceste ville,

dedens un terme expresse que nous y assignerons

par l’acord et ordenance de nous et d’yaus, que

15pour combatre yaus et leur poissance et lever le

siège, nous demorrons englès à tous jours mès; et se

li contraires est, nous serons bon François de ce

jour en avant. Or respondés se il vous samble que

jou aie bien parlé.» Il respondirent tout d’une vois:

20«Oïl, ce est la voie la plus prochainne par la quele

nous en poons voirement à nostre honneur et gardant

nostre loyauté issir.»

A ce conseil et pourpos n’i eut plus riens replikié,

mès fu tenus et affremés, et en usèrent en avant par

25l’avis et conseil dou dessus dit monsigneur Percheval,

et entrèrent en trettiés devers le duch de Berri et le

connestable de Franche. Chil trettiet entre yaus

durèrent plus de quinse jours, car li dessus dit

signeur, qui devant Touwars se tenoient, n’en voloient

30riens faire sans le sceu dou roy de France. Tant

fu alé de l’un à l’autre et parlementé, que chil de

Thouwars et li chevalier de Poito qui dedens estoient,

[93] 93 et ossi chil qui devant seoient, demorèrent en segur

estat parmi unes triuwes qui furent là prises, durans

jusques au jour Saint Mikiel prochain venant, et, se

dedens ce jour li rois d’Engleterre où li uns de ses

5filz, ou tout ensamble, pooient venir si fort en Poito

que pour tenir le place devant Touwars contre les

François, il demorroient, yaus et leurs terres, englès

à tousjours mès, et, se c’estoit que li rois d’Engleterre,

ou li uns de ses filz, ne tenoient le journée, tout chil

10baron et chevalier poitevin, qui dedens Touwars

enclos estoient, devenoient [franchois], et metteroient

yaus et leurs terres en l’obeïssance dou roy de France.

Ceste cose sambla grandement raisonnable à tous

ceulz qui en oïrent parler. Nequedent, comment que

15les triewes durassent et que il fuissent en segur estat

dedens [la dite ville de Thouwart et ossi ou siège des

dis signeurs de France], ne se deffist mie pour ce

li sièges, mès [tous les jours que Dieux amenoit se

renforchoit, car par bonne deliberation et conseil,

20comme on doibt entendre et presupposer], y envoioit

tous les jours li rois de France gens tous à

esliçon des milleurs de son royaume, pour aidier à

garder se journée contre le roy d’Engleterre, ensi

que ordonné estoit et que devise se portoit.

25§ 713. Au plus tos que li baron et li chevalier, qui

dedens Touwars assegiet estoient, peurent, il envoiièrent

en Engleterre certains messages et lettres moult

doulces et moult sentans sus l’estat dou pays, et dou

dangier où il estoient, et que pour Dieu et par pité

30li rois y volsist pourveir de remède, car en lui en

touchoit plus qu’à tout le monde. Quant li rois

[94] 94 d’Engleterre oy ces nouvelles, et comment si chevalier de

Poito li segnefioient, si dist que, se il plaisoit à Dieu,

il iroit personelment et seroit à le journée devant

Touwars et y menroit tous ses enfans. Proprement li

5princes de Galles, ses filz, comment qu’il ne fust mies

bien hetiés, dist que il iroit, et deuist demorer ens

ou voiage. Adont fist li rois d’Engleterre un très grant

et très especial mandement de tous chevaliers et escuiers

parmi son royaume et hors de son royaume,

10et le fist à savoir ou royaume d’Escoce, et eut bien

de purs Escos trois cens lances, et se hasta li dis rois

dou plus qu’il peut. Et li cheï adont si bien que

toute le saison on avoit fait pourveances sus mer

pour son fil le duch de Lancastre, qui devoit passer

15le mer et ariver à Calais, siques ces pourveances

furent contournées en l’armée dou roy, et li voiages

dou duch de Lancastre brisiés et retardés. Onques

li rois d’Engleterre, pour ariver en Normendie ne

en Bretagne, ne nulle part, n’eut tant de bonnes gens

20d’armes, ne tel fuison d’arciers qu’il eut là. Ançois

que li rois partesist d’Engleterre, il ordonna, present

tous les pers de son royaume, prelas, contes, barons

et chevaliers et consaulz des cités et bonnes villes,

que, se il moroit ne devioit en ce voiage, il voloit

25que Richars, filz au prince de Galles, son fil, fust

rois et successères de lui et de tout le royaume

d’Engleterre, et que li dus de Lancastre, ses filz ne si

troi aultre fil, messires Jehans, messires Aymons ne

messires Thumas, n’i peuissent clamer droit, et tout

30che leur fist li rois, leurs pères, jurer solennelment

et avoir en couvent à tenir fermement devant tous

le[s] prelas, contes et barons, à ce especialment

[95] 95 appellés. Quant toutes ces coses furent [ordonnées et]

faites, il se parti de Londres, et si troi fil; et ja la

plus grant partie de ses gens estoient devant, qui

l’attendoient à Hantonne ou là environ, où il devoient

5monter en mer et où toute leur navie et leur

pourveance estoit. Si entrèrent li rois, si enfant et

toutes leurs gens, en leurs vaissiaus, ensi comme ordené

estoient. Quant il veirent que poins fu, et se

desancrèrent dou dit havene et commencièrent à

10singler et à tourner devers le Rocelle. En celle flote

avoit bien quatre cens vaissiaus, uns c’autres, quatre

mil hommes d’armes et dis mil archiers.

Or vous dirai que il avint de celle navie et dou

voiage dou roy qui tiroit pour venir en Poito. Il

15n’euist cure où il euist pris terre, [ou en Poitou], ou en

Bourdelois: tout li estoit un, mès que il fust oultre le

mer. Li rois, si enfant et leur grosse navie, waucrèrent

et furent sus le mer le terme de nuef sepmainnes

par faute de vent, ou contraire ou aultrement,

20que onques ne peurent prendre terre en Poito,

en Saintonge, en Rocellois ne sus les marches voisines,

dont trop couroucié [et esmerveilliet] estoient.

Si singlèrent il de vent de quartier et de tous vens

pour leur voiage avancier, mais il reculoient otant

25sus un jour que il aloient en trois. En ce dangier furent

il tant que li jours Saint Mikiel espira, et que li

rois vei et cogneut bien que il ne poroit tenir sa

journée devant Touwars pour conforter ses gens. Si

eut conseil, quant il eut ensi travilliet sus mer, que

30je vous di, de retourner arrière en Engleterre, et que

il comptast Poito à perdu pour celle saison. Adont

dist li rois d’Engleterre de coer couroucié, quant il se

[96] 96 mist au retour: «Diex nous aye, et Saint Jorge! il n’i

eut onques mès en France si mescheant roy comme

cilz à present est, et se n’i eut onques roy qui tant

me donnast à faire comme il fait.» Ensi et sus cel

5estat, sans riens faire, retourna li dis rois en Engleterre,

si enfant et toutes leurs gens. Et, si tost comme

il furent retourné, li vens fu si bons et si courtois sus

mer et si propisces pour faire un tel voiage que il

avoient empris, que deus cens nefs, d’un voille,

10marcheans d’Engleterre, de Galles et d’Escoce, arivèrent

ou havene de Bourdiaus sus le Garonne, qui

là aloient as vins. Dont on dist et recorda en pluiseurs

lieus en ce temps que Diex y fu pour le roy de

France.

15§ 714. Si en sçavoit messires Thumas de Felleton,

qui estoit seneschaus de Bourdiaus, le journée

expresse pour yaus rendre as François, que li baron

et li chevalier, qui dedens Touwars se tenoient,

avoient [pris], et ossi que li rois d’Engleterre, ses sires,

20en estoit segnefiiés. Si le manda et segnefia, et avoit

mandet et segnefiié certainnement et seurement à

tous les barons de Gascongne qui pour englès se

tenoient, tant que par son pourcach et pour yaus

acquitter, li sires de Duras, li sires de Rosem, li sires

25de Mouchident, li sires de Longuerem, li sires de

Condon, messires Bernardès de Labreth, sires de

Geronde, li sires de Pommiers, messires Helyes de

Poumiers, li sires de Chaumont, li sires de Montferrant,

messires Pières de Landuras, messires Petiton

30de Courton et pluiseur aultre, yaulz et leurs gens,

cescuns au plus qu’il en pooient avoir, estoient venu

[97] 97 à Bourdiaus. Et parti de là li dis seneschaus en leur

compagnie, et ossi li seneschaus des Landes; et

avoient tant chevaucié qu’il estoient entré en Poito

et venu à Niorth, et là trouvèrent il les chevaliers

5englès, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Jehan

d’Evrues, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur

Hue de Cavrelée, monsigneur Robert Mitton,

monsigneur Martin l’Escot, monsigneur Bauduin de

Fraiville, monsigneur Thumas Balastre, monsigneur

10Jehan Trivet, Jehan Cressuelle, David Holegrave et

des aultres qui tout s’estoient là recueilliet, et ossi

monsigneur Aymeri de Rochewart, monsigneur Joffroi

d’Argenton, monsigneur Mauburni de Linières et

[monsigneur] Guillaumes de Monttendre, qui s’estoient

15parti de Touwars et dou trettié des aultres signeurs

de Poito et retrait à Niorth avoech les Englès.

Quant il se trouvèrent tout ensamble, si furent plus

de douse cens lances, et approchièrent Touwars, et

se misent sus les camps sitos que il veirent que la

20journée estoit inspirée, et que dou roy d’Engleterre

on n’ooit nulles nouvelles.

Vous devés sçavoir que, pour tenir se journée à

l’ordenance dou connestable dessus ditte, li rois de

France avoit là envoiiet toute la fleur de son royaume,

25car il avoit entendu veritablement que li rois d’Engleterre

et si enfant y seroient au plus fort comme il

poroient. Si voloit ossi que ses gens y fuissent si fort

que pour tenir honnourablement leur journée: pour

quoi avoech le dit connestable estoient si doi frère, li

30dus de Berri et li dus de Bourgongne, moult estoffeement

de chevaliers et d’escuiers, et ossi li dus de Bourbon,

li contes d’Alençon, messires Robers d’Alençon,

[98] 98 ses frères, li daufins d’Auvergne, li contes de Boulongne,

li sires de Sulli, li sires de Craan et tant de

haus signeurs et de barons que uns detris seroit de

nommer; car là estoit li fleurs de gens d’armes de

5toute Bretagne, de Normendie, de Bourgongne, d’Auvergne,

de Berri, de Tourainne, de Blois, d’Ango,

de Limozin et du Mainne, et encores grant fuison

d’estragniers, d’Alemans, de Thiois, de Flamens et

de Haynuiers, et estoient bien quinse mil hommes

10d’armes et trente mil d’autres gens. Nonobstant leur

force et leur poissance, il furent moult resjoy quant

il sceurent et veirent que li jours Saint Mikiel estoit

passés et inspirés, et li rois d’Engleterre ne aucuns

de ses enfans n’estoient point comparut pour lever le

15siège. Si segnefiièrent ossi tantost ces nouvelles au roy

de France, qui en fu moult resjoïs, quant sans peril

ne bataille, mès par sages trettiés, il couvenoit que

cil de Poito et leurs terres fuissent en se obeïssance.

§ 715. Li Gascon et li Englès, qui estoient à Niorth,

20et là venu et amassé, et se trouvoient bien douse cens

lances de bonnes gens, et savoient tous les trettiés

des barons et chevaliers de Poito, qui en Touwars

se tenoient, car notefiiet especialement leur estoit,

veirent que li jours estoit passés qu’il se devoient

25rendre, se il n’estoient conforté, et que li rois

d’Engleterre ne aucuns de ses enfans n’estoient encores

point trait avant, dont on euist oy ne eu nulles nouvelles,

dont il estoient moult courouchié. Si eurent

conseil entre yaus, comment il poroient perseverer et

30trouver voie d’onneur que cil Poitevin, qui oblegiet

s’estoient enviers les François, demorassent toutdis

[99] 99 de leur partie, car moult les amoient dalés yaus. Si

eurent sus ces besongnes [en le ville de Niorth] grans

consaulz ensamble. Finablement, yaus aviset et consilliet,

il segnefiièrent, par lettres seelées, envoiies par

5un hiraut, leur entente as Poitevins, qui en Touwars

se tenoient. Se devisoient et disoient ces lettres avoecques

salus et amistés, que, comme ensi fust que à

leur avis pour le milleur il s’estoient composé enviers

les François, par foy et sierement, de yaus mettre en

10l’obeïssance dou roy de France [et de devenir tous

Franchois], se dedens le jour de le Saint Mikiel il

n’estoient conforté dou roy d’Engleterre, leur chier

signeur, ou aucun de ses enfans personelment, or

veoient que la defaute y estoit, et supposoient que

15c’estoit par fortune de mer, et non aultrement. Toutes

fois il estoient là trait et venu à Niorth, à quatre

liewes priès d’yaus, et se trouvoient bien douse cens

lances, ou plus de bonnes gens d’estoffe. Si offroient

que, se il voloient issir de Touwars et prendre journée

20de bataille pour combatre les François, il enventuroient

leurs corps avoecques l’iretage de leur signeur

le roy d’Engleterre.

Ces lettres furent entre les Poitevins volentiers oyes

et veues, et en sceurent li pluiseur grant gré as Gascons

25et as Englès, qui ensi leur segnefioient, et se

conseillièrent sur cestes grandement et longement,

mès, yaus conseillié, tout consideré et bien imaginé

leur afaire et les trettiés les quels il avoient jurés à

tenir as François, il ne pooient veoir ne trouver par

30nulle voie de droit, que il fesissent aultre cose que

d’yaus rendre, puis que li rois d’Engleterre ou li uns

de ses filz ne seroit à le bataille que li Gascon voloient

[100] 100 avoir personelement. En ce conseil et parlement

avoit grant vois li sires de Partenay, et volt, tele fois

fu, que on acceptast le journée des Gascons, et y

moustroit voie de droit et de raison assés par deus

5conditions. La première estoit que il savoient de verité,

et ce estoit tout notore, que li rois d’Engleterre,

leurs sires, et si enfant et la grigneur partie de leur

poissance estoient sus mer, et que fortune leur avoit

estet si contraire que il n’avoient pout ne pooient

10ariver ne prendre terre en Poito, dont il devoient

bien estre escusé, car outre pooir n’e[s]t riens. La

seconde raison estoit que, quoique il euissent juré et

seelé as François, il ne pooient l’iretage dou roy

d’Engleterre donner, anulliier ne alliier aucunement

15as François, sans son gré. Ces parolles et raisons

proposées dou dit baron de Partenay estoient

bien specifiies et examinées en ce conseil, mès tantost

on y remetoit aultres raisons qui toutes les afoiblissoient.

Dont il avint que li sires de Partenay issi

20un jour dou parlement et dist au partir que il demorroit

englès, et s’en revint à son hostel. Mais li sires

de Puiane et li sires de Tannai Bouton le vinrent, de

puis qu’il fu refroidiés, requerre, et l’en menèrent de

rechief où tous li consaulz estoit. Là li fu tant dit et

25remoustré, dont de l’un, puis de l’autre, que finablement

il s’acorda à tous leurs trettiés, et s’escusèrent

moult bellement et moult sagement par lettres enviers

les barons et les chevaliers gascons et englès, qui à

Niorth se tenoient, et qui leur response attendoient.

30Si les raporta li hiraus, et envoiièrent avoecques

leurs lettres seelées le copie dou trettié, ensi que il

devoient tenir as François, pour mieulz coulourer

[101] 101 leur escusance. Quant Englès et Gascon veirent qu’il

n’en aroient aultre cose, si furent moult couroucié,

mais pour ce ne se departirent il mies si tretost de

Niorth, ançois se tinrent il là bien un mois pour savoir

5encor plus plainnement comment il se maintenroient.

Tantost apriès ce parlement parti et finé, qui

fu en le ville de Touwars, li baron et li chevalier de

Poito qui là estoient, mandèrent au duch de Berri,

au duch de Bourgongne, au duch de Bourbon et au

10connestable de France, qu’il estoient tout appareilliet

de tenir ce que juré et seelé avoient. De ces nouvelles

furent li signeur de France tout joiant, et chevaucièrent

en le ville de Touwars à grant joie, et se

misent, yaus et leurs terres, en l’obeïssance dou roy

15de France.

§ 716. Ensi se tournèrent tout chil de Poito, ou

en partie, françois, et demorèrent en pais, et encores

se tenoient englès avoec Niorth, et se tinrent toute le

saison, Cisech, Mortagne sus mer, Mortemer, Luzegnon,

20Chastiel Acart, la Roche sur Ion, Gensay, la

tour de la Broe, Merspin et Dieunée. Quant cil signeur

de France eurent fait leur emprise et pris le

possession de le ville de Touwars, li dus de Berri, li

dus de Bourgongne, li dus de Bourbon et la grigneur

25partie des haus barons de France se departirent et

retournèrent en France, et li connestables s’en vint

à Poitiers.

A ce departement li sires de Cliçon s’en vint mettre

le siège devant Mortagne sus mer o toute sa carge de

30gens d’armes, et se loga par devant, et leur prommist

que jamais de là ne partiroit, si les aroit, se trop

[102] 102 grant infortuneté ne li couroit sus. De la garnison de

Mortagne estoit chapitains uns escuiers d’Engleterre,

qui s’appelloit Jakes Clerch, qui frichement et vassaument

se deffendoit, quant cil Breton l’assalloient.

5Quant li dis escuiers vei que c’estoit acertes et que

li sires de Cliçon ne le lairoit point, si les aroit conquis,

et sentoit que sa forterèce n’estoit pas bien pourveue

pour tenir contre un lonch siège, et savoit encor

tous ces chevaliers de Gascongne et les Englès à

10Niorth, il s’avisa que il leur segnefieroit. Si leur segnefia

secretement par un varlet, qu’il mist de nuit

hors de sa forterèce, tout l’estat en partie dou signeur

de Cliçon et le sien ossi. Chil baron et chil

chevalier gascon et englès furent moult resjoy de ces

15nouvelles, et disent qu’il n’en vorroient pas tenir quarante

mil frans, tant desiroient il le signeur de Cliçon

à trouver sus tel parti. Si s’armèrent et montèrent as

chevaus, et issirent de Niorth bien cinc cens lances,

et chevaucièrent couvertement devers Mortagne. Li

20sires de Cliçon, comme sages et bons guerriiers, n’estoit

mies à aprendre d’avoir espies sus le pays pour

savoir le couvenant de ses ennemis, et encores quant

il les sentoit en le ville de Niorth; et ce li vint trop

grandement à point, car il euist estet pris à mains,

25ja n’en euist on failli, se ce n’euist esté uns de ses

espies qui estoit partis de Niorth avoech les Englès

et les Gascons, et qui ja sçavoit quel chemin il tenoient.

Mais cilz espies qui cognissoit le pays, les

adevança et trota tant à piet que il vint devant Mortagne;

30si trouva le signeur de Cliçon seant au souper

dalés ses chevaliers. Se li dist en grant quoité: «Or

tost, sires de Cliçon, montés à cheval et vous partés

[103] 103 de chi et vous sauvés; car vechi plus de cinc cens

lances, englès et gascons, qui tantost seront sur vous

et qui fort vous manachent, et dient qu’il ne vous

vorroient mies ja avoir pris pour le deduit qu’il

5aront dou prendre.» Quant li sires de Cliçon oy ces

nouvelles, si crut bien son espie, car jamais en vain

ne li euist dit ces nouvelles. Si dist: «As chevaus!»

et bouta la table oultre où il seoit. Ses chevaus li

fu tantost appareilliés, et ossi furent tout li aultre,

10car il avoient de pourveance les sielles mises. Si

monta li sires de Cliçon, et montèrent ses gens sans

arroi et sans ordenance ne attendre l’un l’autre, et

n’eurent mies li varlet loisir de tourser ne de recueillier

tentes ne trés, ne cose nulle qui fust à yaus,

15fors entente d’yaus fuir et d’yaus sauver. Et prisent

le chemin de Poitiers, et tant fist li sires de Cliçon

qu’il y vint et la plus grant partie de ses gens. Si recorda

au connestable de France comment il lor estoit

avenu.

20§ 717. Quant cil chevalier englès et gascons furent

parvenu jusques devant Mortagne et yaus bouté ens

es logeis le signeur de Cliçon, et point ne l’i trouvèrent,

si furent durement couroucié. Si demorèrent

là celle nuit et se tinrent tout aise dou bien

25des François, et l’endemain il fisent tout le demorant,

tentes et trés, tourser et amener à Niorth, et

les aultres pourveances, vins, chars, sel et farine,

mener ens ou chastiel de Mortagne, dont il furent

bien rafreschi. Si retournèrent li dessus dit Englès et

30Gascon en le ville de Niorth.

De puis ne demora gaires de temps que li baron de

[104] 104 Gascongne et li chevalier qui là estoient, eurent conseil

de retourner vers Bourdiaus; car bien pensoient

que cel ivier on ne guerrieroit plus en Poito, fors que

par garnisons. Si ordonnèrent leurs besongnes, et

5toursèrent et montèrent as chevaus et se partirent.

Si s’adrechièrent parmi la terre le signeur de Partenai

et l’ardirent toute, excepté les forterèces, et

fisent tant par leurs journées que il vinrent à Bourdiaus,

et li englès chevalier demorèrent à Niorth.

10Si en estoient chapitainnes [uns chevaliers englès

nommés] messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorisès

et Jehans Cresuelle. De le Roche sur Ion estoit

chapitainne uns chevaliers englès qui s’appelloit

messires Robers, dis Grenake; de Luzegnon, messires

15Thumas de Saint Quentin; et de Mortemer, la

dame de Mortemer et ses gens; et de Gensay, uns escuiers

englès, qui s’appelloit Jakes Taillour; et de Cisek,

messires Robers Miton et messires Martins l’Escot.

Si vous di que chil de ces garnisons chevauçoient

20dont d’un lés, puis de l’autre, et ne sejournoient

onques. Et tenoient toutes aultres forterèces françoises

en grant guerre, et herioient amerement le

plat pays et le rançonnoient telement que apriès yaus

il n’i couvenoit nullui envoiier. De tout ce estoit bien

25enfourmés li connestables de France, qui se tenoit à

Poitiers et s’i tint tout cel ivier sans partir; mais il disoit

bien que à l’esté il feroit remettre avant as Englès

tout che que il pilloient et prendoient sus le pays.

Or parlerons nous un petit des besongnes de

30Bretagne.

§ 718. Li dus de Bretagne, messires Jehans de

[105] 105 Montfort, estoit durement coureciés en coer des

contraires que li François faisoient as Englès, [et volentiers

euist conforté les dis Englès], se il peuist et

osast; mès li rois de France, qui sages et soubtis fu

5là où sa plaisance s’enclinoit, et qui bellement savoit

gens attraire et tenir à amour où ses pourfis estoit,

avoit mis en ce un trop grant remède. Car il avoit

tant fait, que tout li prelat de Bretagne, li baron, li

chevalier, les cités et les bonnes villes estoient de son

10acord, excepté messires Robers Canolles; mais cilz

estoit dou conseil et de l’acort dou duch, et disoit

bien que pour perdre tout che qu’il tenoit en Bretagne,

il ne relenquiroit ja le roy d’Engleterre ne ses

enfans, qu’il ne fust appareilliés en leur service.

15Cilz dus qui appelloit le roy d’Engleterre son père,

car il avoit eu sa fille en mariage, recordoit moult

souvent en soi meismes les biaus services que li rois

d’Engleterre li avoit fais, car ja n’euist estet dus de

Bretagne, se li confors et ayde dou roy d’Engleterre

20et de ses gens ne l’i euissent mis. Si en parla pluiseurs

fois as barons et as chevaliers de Bretagne en

remoustrant l’injure que li rois de France faisoit au

roy d’Engleterre, la quelle ne faisoit mies à consentir.

Et cuidoit par ses parolles coulourées attraire ses

25gens pour faire partie avoecques lui contre les François,

mès jamais ne les y euist amenés; car il estoient

trop fort enrachiné en l’amour dou roy de France et

dou connestable qui estoit leurs voisins. Et tant en

parla as uns et as aultres que ses gens s’en commencièrent

30à doubter. Si se gardèrent les cités, li chastiel

et les bonnes villes plus priès que devant, et fisent

grans gais. Quant li dus vei ce, il se doubta ossi de

[106] 106 ses gens, que de fait, par le information et requeste

dou roy de France il ne li fesissent aucun contraire.

Si segnefia tout son estat au roy d’Engleterre, et li

pria que il li volsist envoiier gens, par quoi il fust

5soubdainnement aidiés, se il besongnoit.

Li rois d’Engleterre, qui veoit bien que li dus

l’amoit et que ceste rancune que ses gens li moustroient,

nasçoit pour l’amour de lui, ne li euist

jamais refuset, mais ordonna le signeur de Nuefville,

10à quatre cens hommes d’armes et otant d’arciers,

pour aler en Bretagne et prendre terre à Saint Mahieu

de Fine Posterne, et là li tant tenir que li oroit aultres

nouvelles. Li sires de Nuefville obeï; sa carge de

gens d’armes et d’arciers li fu appareillie et delivrée.

15Si monta en mer ou havene de Hantonne, et tournèrent

li maronnier vers Bretagne, li quel singlèrent tant

par l’ayde dou vent, que il arrivèrent ou havene de

Saint Mahiu et entrèrent en le ville; car li dus avoit

là de ses chevaliers tous pourveus, monsigneur Jehan

20de Lagnigai et aultres, qui li fisent voie. Quant li

sires de Nuefville et se route eurent pris terre, et il

furent entré courtoisement en le ville de Saint Mahieu,

il disent as bonnes gens de le ville, qu’il ne s’esfreassent

de riens; car il n’estoient mies là venu pour

25yaus porter contraire ne damage, mais les en garderoient

et deffenderoient, se il besongnoit et voloient

bien paiier tout ce qu’il prenderoient. Ces nouvelles

rapaisièrent assés chiaus de le ville.

Or s’espardirent et semèrent les parolles par mi la

30ducé de Bretagne, que li dus avoit mandé en Engleterre

confort, et estoient arrivet en le ville de Saint

Mahieu plus de mil hommes d’armes, de quoi tous li

[107] 107 pays fu grandement esmeus et en grigneur souspeçon

que devant. Et s’assamblèrent li prelat, li baron, li

chevalier et li consaulz des cités et des bonnes villes

de Bretagne, et s’en vinrent au duch, et li remoustrèrent

5vivement et plainnement que il n’avoit que

faire, se paisieulement voloit demorer ou pays, de

estre englès couvertement ne pourvuement, et, se il

le voloit estre, il le leur desist; car tantost il en

ordonneroient. Li dus, qui vei adont ses gens durement esmeus

10et courouciés sur lui, respondi si sagement et

si bellement, que cette assamblée se departi par paix.

Mais pour ce ne partirent mies li Englès de le ville

de Saint Mahieu, ançois s’i tinrent toute le saison.

Si demorèrent les coses en cel estat; li dus en gait et

15en soupeçon [de ses gens], et ses gens de lui.

§ 719. Quant la douce saison d’esté fu revenue et

qu’il fait bon hostoiier et logier as camps, messires

Bertrans de Claiekin, connestables de France, qui

tout cel yvier s’estoit tenus à Poitiers et avoit durement

20manechiet les Englès, pour tant que leurs garnisons,

qu’il tenoient encores en Poito, avoient trop

fort cel yvier guerriiet et travilliet les gens et le pays,

si ordonna toutes ses besongnes de point et d’eure,

ensi que bien le savoit faire, tout son charoi et son

25grant arroi, et rassambla tous les compagnons d’environ

lui, des quelz il esperoit à estre aidiés et servis,

et se parti de le bonne cité de Poitiers à bien quinse

cens combatans, la grigneur partie tous Bretons, et

s’en vint mettre le siège devant le ville et le chastiel

30de Chisek, dont messires Robers Mitton et messires

Martins Scot estoient chapitain. Avoech monsigneur

[108] 108 Bertran estoient de chevaliers bretons, messires Robers

de Biaumanoir, messires Alains et messires Jehans

de Biaumanoir, messires Ernaulz Limozins, messires

Joffrois Ricon, messires Yewains de Lakonet, messires

5Joffrois de Quaremel, Thiebaus dou Pont, Alains

de Saint Pol et Alyos de Calay et pluiseur aultre bon

homme(s) d’armes. Quant il furent tout venu devant

Cisek, il environnèrent le ville selonch leur quantité,

et fisent bon palis derrière yaus, par quoi soudainement

10de nuit ou de jour on ne le peuist porter

contraire ne damage. Et se tinrent là dedens pour

tous assegurés et confortés que jamais n’en partiroient

sans avoir le forterèce, et y fisent et y livrèrent

pluiseurs assaus.

15Li compagnon, qui dedens estoient, se deffendirent

vassaument, tant que à che commencement riens n’i

perdirent. Toutes fois, pour estre conforté et lever le

dit siège, car il sentoient bien que à le longe il ne se

poroient tenir, si eurent conseil dou segnefiier [leur

20estat] à monsigneur Jehan d’Evrues et as compagnons

qui se tenoient à Niorth. Si fisent de nuit partir un

de leurs varlès, qui aporta une lettre à Niorth, et

y fu tantos acourus, car il n’i a que quatre liewes.

Messires Jehans d’Evrues et li compagnon lisirent

25celle lettre et veirent comment messires Robers Mitton

et messires Martins l’Escot leur prioient que il les

vosissent aidier à dessegier de ces François, et leur

segnefioient l’estat et l’ordenance dou connestable si

avant qu’il le savoient, dont il se dechurent et leurs

30gens ossi, car il acertefioient par leurs lettres et par

le parolle dou message que messires Bertrans n’avoit

devant Chisek non plus de cinc cens combatans.

[109] 109 Quant messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorissès

et Cressuelle sceurent ces nouvelles, si affremèrent

que il iroient celle part lever le siège et conforter

leurs compagnons, car moult y estoient tenu. Si

5mandèrent tantost chiaus de le garnison de Luzegnon

et de Gensay, qui leur estoient moult prochain. Cil

vinrent à ce que il avoient de gens, leur garnison

gardée, et si s’assamblèrent à Niorth. Là estoient

avoec les dessus dis messires Aymeris de Rochewart

10et messires Joffrois d’Argenton, David Holegrave et

Richars Holme. Si se partirent de Niorth tout appareillié

et bien monté, et furent compté à l’issir hors

de le porte set cens et trois tiestes armées et bien

trois cens pillars bretons et poitevins. Si s’en alèrent

15tout le pas, sans yaus fourhaster, par devers Chisech,

et tant s’esploitièrent que il vinrent assés priès, et se

misent au dehors d’un petit bois.

Ces nouvelles vinrent ou logeis dou connestable de

France, que li Englès estoient là venu et arresté dalés

20le bois pour yaus combatre. Tantost tout quoiement

li connestables fist toutes ses gens armer et tenir en

leurs logeis, sans yaus amoustrer, et tout ensamble.

Et cuida de premiers que li Englès deuissent de saut

venir jusques à leurs logeis pour yaus combatre, mais

25il n’en fisent riens, dont il furent mal conseilliet, car,

se baudement il fuissent venu, ensi qu’il chevauçoient,

et yaus frapé en ces logeis, li pluiseur supposent que il

euissent desconfi le connestable et ses gens, avoech

che que cil de le garnison de Chisek fuissent salli

30hors, ensi qu’il fisent.

Quant messires Robers Mitton et messires Martins

l’Escot veirent apparant les banières et les pennons

[110] 110 de leurs compagnons, si furent tout resjoy, et disent:

«Or tos, armons nous, et nous partons de chi, car

nos gens viennent combattre nos ennemis: s’est raisons

que nous soions à le bataille.» Tantost furent

5armé tout li compagnon de Cisek et se trouvèrent

tout ensamble, et estoient bien soissante armeures de

fier. Si fisent avaler le pont et ouvrir le porte [et se

mirent tout hors, et clore la porte] et relever le pont

apriès yaus. Quant li François en veirent l’ordenance,

10qui se tenoient armé et tout quoi en leurs logeis, si

disent: «Veci chiaus dou chastiel qui sont issu et

nous viennent combatre.» Là dist li connestables:

«Laissiés les traire avant, il ne nous poeent grever;

il cuident que leurs gens doient venir pour nous

15combatre tantos, mais je n’en voi nul apparant.

Nous desconfirons chiaus qui viennent: si arons

mains à faire.» Ensi que il se devisoient, evous les

deus chevaliers englès et leur route, tout à piet en

bonne ordenance, qui viennent les lances devant

20yaus, et escriant en fuiant: «Saint Jorge! Ghiane!»

et se fièrent en ces François: ossi il furent moult

bien recueilliet. Là eut bonne escarmuce et dure, et

fait tammaint biau fait d’armes; car cil Englès qui

n’estoient que un petit, se combatoient sagement, et

25detrioient toutdis, en yaus combatant, ce qu’il

pooient; car il cuidoient que leurs gens deuissent

venir, mais non fisent, de quoi il ne peurent porter

le grant fuison des François, et furent de premiers

chil là tout desconfi, mort et pris. Onques nulz des

30leurs ne rentra ou chastiel, et puis se recueillièrent li

François tout ensamble.

[111] 111 § 720. Ensi furent pris messires Robers Mitton

et messires Martins l’Escot et leurs gens de premiers,

sans ce que li Englès, qui sus les camps

estoient, en seuissent riens. Or vous dirai comment

5il avint de ceste besongne. Messires Jehans d’Evrues

et messires d’Aghorisès et li aultre regardèrent que il

y avoit là bien entre yaus trois cens pillars bretons et

poitevins que il tenoient de leurs gens. Si les voloient

emploiier, et leur disent: «Entre vous, compagnon,

10vous en irés escarmucier ces François pour yaus

attraire de leurs logeis, et si tretost que vous arés

assamblé à yaus, nous venrons sus ele en frapant, et

les metterons jus.» Il couvint ces compagnons obeïr,

puis que les chapitainnes le voloient, mais il ne venoit

15mies à aucuns à biel. Quant il se furent dessevré des

gens d’armes, il approcièrent le logeis des François,

et vinrent baudement jusques bien priès de là. Li

connestables et ses gens, qui se tenoient dedens

leurs palis, se tinrent tout quoi, et sentirent tantost

20que li Englès les avoient là envoiiés pour yaus attraire.

Si vinrent aucun de ces Bretons des gens le

connestable jusques as barrières de leurs palis pour

veoir quelz gens c’estoient. Si parlementèrent à yaus,

et trouvèrent que c’estoient tout Poitevin et Breton

25et gens rassamblés; si leur disent li Breton de par le

connestable: «Vous estes bien mescheans gens, qui

vous volés faire occire et decoper pour ces Englès,

qui vous ont tant de maulz fais. Sachiés que, se

nous venons au dessus de vous, nulz n’en sera pris à

30merci.» Cil pillart entendirent ce que les gens le

connestable leur disoient; si commencièrent à murmurer

ensamble, et estoient de coer la grigneur

[112] 112 partie tout françois, si disent entre yaus: «Il dient

voir. Encores appert bien qu’il font peu de compte

de nous, quant ensi il nous envoient chi devant

pour combatre et escarmuchier et commenchier la

5bataille, qui ne sons qu’une puignie de povres gens,

qui riens ne durrons à ces François; il vault trop

mieulz que nous nos tournons devers nostre nation,

que nous demorons englès.» Il furent tantost tout de

cel accort et tinrent ceste oppinion, et parlementèrent

10as Bretons, en disant: «Issiés hors hardiement; nous

vous prommetons loyaument que nous serons des

vostres, et nous combaterons avoecques vous, [à ces

parolles le vous disons], à ces Englès.» Les gens le

connestable respondirent: «Et quel quantité

15d’hommes d’armes sont il, chil Englès?» Li pillart

leur disent: «Il ne sont en tout compte que environ

set cens.» Toutes ces parolles et ces devises furent

remoustrées au connestable, qui en eut grant joie, et

dist en riant: «Chil là sont nostre; or tost à l’endroit

20de nous, soions tous nos palis, et puis issons

baudement sus yaus; si les combatons. Chil pillart

sont bonnes gens, qui nous ont dit la verité de lor

ordenance. Nous ferons deus batailles sus elle, dont

vous, messires Alain de Biaumanoir, gouvrenerés

25l’une, et messires Joffrois de Quaremiel l’autre. En

cascune [ara] trois cens combatans, et je m’en irai

assambler de front à yaus.» Chil doy chevalier respondirent

qu’il estoient tout prest d’obeïr, et prist

cascuns sa carge toute tele qu’il le devoit avoir; mais

30tout premierement il soiièrent leurs palis rés à rés de

le terre. Et, quant ce fu fait et leurs batailles ordenées

ensi qu’il devoient faire, il boutèrent soudainnement

[113] 113 oultre leurs palis et se misent as camps,

banières et pennons devant yaus ventelant au vent,

en yaus tenant tout serré, et encontrèrent premierement

ces pillars bretons et poitevins, qui ja avoient

5fait leur marchiet et se tournèrent avoech yaus, et

puis s’en vinrent combatre ces Englès, qui tout s’estoient

mis ensamble quant il perchurent le banière

dou connestable issir hors et les Bretons ossi; et

cogneurent tantost qu’il y avoit trahison de leurs

10pillars et qu’il estoient torné françois. Nequedent

pour ce il ne se tinrent mies à desconfi, mès moustrèrent

grant chière et bon samblant de combatre

leurs anemis. Ensi se commença la bataille desous

Chisech des Bretons et des Englès, et tout à piet,

15qui fu grande et drue et bien maintenue. Et vint de

premiers li connestables de France assambler à yaus

de grant volenté. Là eut grant estecheis et grant

bouteis de lances et pluiseurs grans apertises d’armes

faites; car, au voir dire, li Englès, ens ou regart des

20Franchois, n’estoient qu’un petit: si se combatoient

si vaillamment que merveilles seroit à recorder, et

se prendoient priès de bien faire pour desconfire

leurs ennemis. Là crioient li Breton lor cri: «Nostre

Da[me]! Claiekin!» et li Englès: «Saint Jorge!

25Ghiane!» Là furent très bon chevalier dou costé des

Englès, messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorisès,

messires Joffrois d’Argenton et messires Aymeris

de Rochewart, et se combatirent vaillamment, et y

fisent pluiseurs grans apertises d’armes. Ossi fisent

30Jehans Cressuelle, Richars Holme et Davis Holegrave;

et de le partie des François, premierement messires

Bertrans de Claiekin, messires Alains et messires Jehans

[114] 114 de Biaumanoir qui se tenoit sus une ele, et messires

Joffrois de Quaremiel sus l’autre, et reconfortoient

grandement leurs gens à l’endroit où il les veoien[t]

branler, et ce rafreschi, ce jour la bataille durant, par

5pluiseurs fois les Bretons, car on vei bien l’eure

qu’il furent rebouté et reculé et en grant peril de

tout estre desconfi. De leur costé se combatirent

encores moult vassaument messires Joffrois Richou,

messires Yewains de Lakouet, Thiebaus dou Pont,

10Selevestre Bude, Alains de Saint Pol et Alyos de Calay.

Chil Breton se portèrent si bien pour celle journée,

et si vassaument combatirent leurs ennemis que la

place leur demora, et obtinrent la besongne, et furent

li Englès tout mort ou pris, qui là estoient venu de

15Niorth, ne onques nulz n’en retourna ne escapa. Si

furent pris de leur costet tout li chevalier et escuier

de nom, et eurent ce jour li Breton plus de trois

cens prisonniers, que de puis il rançonnèrent bien et

chier, et si conquissent tout lor harnois où il eurent

20grant butin.

§ 721. Apriès celle desconfiture qui fu au dehors

de Chisek faite de monsigneur Bertran de Claiekin

et des Bretons sus les Englès, se parperdi tous li pays

de Poito pour le roy d’Engleterre, sicom vous orés

25ensievant. Tout premierement il entrèrent en le ville

de Chisech, où il n’i eut nulle deffense, car li homme

de le ville ne se fuissent jamais tenu ou cas que il

avoient perdu leurs chapitainnes, et puis se saisirent

li François dou chastiel, car il n’i avoit que varlès,

30qui li rendirent tantost, salve leurs vies.

Che fait, incontinent et caudement il s’en chevauchièrent

[115] 115 par devers Niorth et en menèrent la grigneur

partie de leurs prisonniers [avec iaux]. Si ne

trouvèrent en le ville fors les hommes qui estoient

bon François, se il osassent, et rendirent tantost le

5ville et se misent en l’obeïssance dou roy de France.

Si se reposèrent là li Breton et li François et rafreschirent

quatre jours. Entrues vint li dus de Berri à

grant gens d’armes d’Auvergne et de Berri, en le cité

de Poitiers: si fu grandement resjoïs quant il sceut

10que leurs gens avoient obtenu le place et le journée

devant Chisech, et desconfi les Englès, qui tout y

avoient esté mort ou pris.

Quant li Breton se furent rafreschi en le ville de

Niorth l’espasse de quatre jours, il s’en partirent et

15chevauchièrent vers Luzegnon. Si trouvèrent le

chastiel tout vuit, car chil qui demoret y estoient de

par monsigneur Robert Grenake, qui estoit pris devant

Chisek, s’en estoient parti sitost qu’il sceurent

comment la besongne avoit alé. Si se saisirent li

20François dou biau chastiel de Luzegnon, et y ordonna

li connestables chastellain et gens d’armes

pour le garder, et puis chevauça oultre à toute son

host par devers Chastiel Acart, où la dame de Plainmartin,

femme à monsigneur Guichart d’Angle, se

25tenoit, car la forterèce estoit sienne.

§ 722. Quant la dessus nommée dame entendi

que li connestables de France venoit là efforciement

pour lui faire guerre, si envoia un hiraut devers lui,

en priant que sus assegurances elle peuist venir parler

30a lui. Li connestables li acorda, et raporta le saufconduit

li hiraus. La dame vint jusques à lui, et le

[116] 116 trouva logiet sus les camps: se li pria que elle peuist

avoir tant de grasce que d’aler jusques à Poitiers

parler au duch de Berri. Encores li acorda li connestables

pour l’amour de son mari, monsigneur Guichart;

5et donna toute assegurance à lui et à sa terre

jusques à son retour, et fist tourner ses gens d’autre

part par devers Mortemer.

Tant s’esploita la dame de Plainmartin, que elle

vint en le cité de Poitiers, où elle trouva le duch de

10Berri: si eut accès de parler à lui, car li dus le rechut

moult doucement, ensi que bien le sceut faire.

La dame se volt mettre en genoulz devant lui, mais

il ne le volt mies consentir, ançois le volt oïr parler

tout en son estant. La dame commença sa parolle, et

15dist ensi: «Monsigneur, vous savés que je sui une

seule femme à point de fait ne de deffense, et veve

de vif mari, s’il plaist à Dieu; car mon signeur, messires

Guichars, gist prisonniers en Espagne, ens es

dangiers dou roy Henri. Si vous vorroie priier en

20humilité que vous me feissiés celle grasce que, tant

que mon signeur sera prisonniers en Espagne, mi

chastiel et ma terre, mon corps et [mes biens, avec]

mes gens, puissent demorer en pais, par mi tant que

nous ne ferons point de guerre, et on ne nous en

25fera point ossi.» A la priière de la dame volt entendre

et descendre à celle fois li dus de Berri, et li

acorda legierement. Car, quoi que ses maris, messires

Guichars, fust bons Englès, se n’estoit il point trop

hays des François; et fist delivrer tantos à la dame

30lettres selonch sa requeste d’assegurances, de quoi

elle fu grandement reconfortée, et les envoia, de puis

qu’elle fu retournée à Chastiel Achart, quoiteusement

[117] 117 par devers le connestable, qui bien et volentiers y

obeï.

Si vinrent li Breton de celle empainte devant

Mortemer, où la dame de Mortemer estoit, qui se

5rendi tantos, pour plus grant peril eskiewer, et se

mist en l’obeïssance dou roy de France, et toute sa

terre ossi avoech le chastiel de Dieunée.

CHAPITRE C CHAPITRE C

§ 723. En celle saison ne demorèrent en Poito

plus de garnisons englesces que Mortagne sus mer,

10Merspin et la tour de la Broe, [que tout ne fussent

franchoises]. Voirs est que la Roce sur Ion se tenoit

encores, mès c’est sus les marces d’Ango et dou ressort

d’Ango.

En ce temps s’en vinrent mettre le siège li baron

15de Normendie et aucun de Bretagne devant Becheriel,

et là eut bien dis mil hommes, qui s’i tinrent

toute le saison et plus d’un an, car il y avoit dedens

englès chevaliers et escuiers, qui trop bien en pensoient.

Par devant Becheriel furent fait pluiseurs

20grans apertises d’armes, et priès que tous les jours y

avenoit aucunes coses. Là estoient des Normans li

mareschaus de Blainville, li sires de Riville, li sires

d’Estouteville, li sires de Graville, li sires de Clères,

li sires de Hanbiie, li sires de Frauville, li sires

25d’Ainneval; et de Bretagne, li sires de Lyon, li sires de

Dignant, li sires de Rays, li sires de Rieus, li sires de

Quintin, li sires d’Avaugour et li sires d’Ansenis et

pluiseur aultre baron, chevalier et escuier des basses

marces, qui tout s’i tenoient [pour leur corps avanchier

30et pour l’amour l’un de l’autre, et pour delivrer

le pays des Englès].

[118] 118 Or parlerons nous dou connestable de France

comment il persevera. Quant il eut priès que tout

Poito raquitté et par tout mis gens d’armes et garnisons,

il s’en retourna à Poitiers devers les dus qui là

5estoient, le duch de Berri, le duch de Bourgongne et

le duch de Bourbon; si fu li bien venus entre yaus et

à bonne cause, car il avoit en celle saison grandement

bien esploitié pour yaus. Si eurent conseil chil signeur

et li connestables de retourner en France et

10de venir veoir le roy Charle, et donnèrent congiet à

la plus grant partie de leurs gens d’armes de raler

cescun sus son lieu et en sa garnison jusques adont

qu’il oroit aultres nouvelles. Si se departirent ces

gens d’armes, et s’en vinrent une partie des Normans

15et des Bretons devant Becheriel au siège que

on y tenoit. Dou chastiel et de le garnison de Becheriel

estoient chapitainne doi chevalier d’Engleterre,

apert homme d’armes malement. Si les nommoit on

messires Jehans Appert et messires Jehans de Cornuaille.

20Un petit plus bas en Constentin se tenoit

englesce Saint Salveur le Visconte. Si en estoit chapitains,

de par monsigneur Alain de Bouqueselle à qui

la garnison estoit et au quel li rois d’Engleterre l’avoit

donnet apriès le mort monsigneur Jehan Chandos,

25[messires Thumas de Quatreton]. Avoech Quatreton,

qui estoit appert homme d’armes et hardis durement,

s’estoient mis et bouté et venu pour querre les armes

hors de Poito, où il avoient tout perdu, messires

Thomas Trivès, messires Jehans de Bourch, messires

30Phelippes Pikourde et li troi frère de Maulevrier. Et

s’estoient tout par compagnie là aresté pour garnir

et garder la forterèce et la ville de Saint Salveur,

[119] 119 pour l’amour de monsigneur Alain; car li Normant

le maneçoient durement, et disoient que il revenroient

par là, mais que il euissent acompli leur entente

de Becheriel.

5Or retournèrent li troi duch dessus nommé, li connestables

de France, li sires de Cliçon et chil baron

de Bretagne en France devers le roy; si le trouvèrent

à Paris, et le duch d’Ango dalés lui. Si se fisent

grans recognissances, et s’eslargi li rois de quanqu’il

10peut faire pour l’amour de ses frères et dou connestable,

et tint cour ouverte deus ou trois jours, et

donna grans dons et biaus jeuiaus là où il les sentoit

bien emploiiés.

En ce temps estoient en trettié de pais ou de

15guerre li rois de France et li rois de Navare, et le

pourcaçoient, par l’avis et conseil de aucuns sages et

vaillans hommes dou royaume de France, li contes

de Salebruce et messires Guillaumes des Dormans, et

me samble que li rois de Navare, qui se tenoit à

20Chierebourch, fu adont si consilliés que legierement il

s’acorda à le pais envers son serourge, le roy de

France, et vint li connestables de France en Normendie

droit à Kem, pour confremer celle pais et

amener le roy de Navare en France. Si fu ens ou

25chastiel de Kem de tous poins la pais confremée et

jurée à tenir à tous jours mès. Et vint li rois de Navare

en France à Paris; mais li dus d’Ango, qui onques

ne le peut amer, s’en estoit partis et venus esbatre

en Vermendois, et veoir et viseter sa terre de Guise

30en Tierasse, car point ne voloit parler au roy [Charle]

de Navare. Non obstant ce, li rois de France li fist

grant chière et bon samblant, et le tint tout aise dalés

[120] 120 lui plus de douse jours, et li donna des biaus dons

et des riches jeuiaus et à ses gens ossi pour plus

grant conjunction d’amours. Et li pria que il li vosist

laissier deus biaus filz que il avoit, qui estoient si neveut,

5Charle et Pière. Si seroient dalés son fil le

dauffin et Charle de Labreth, car aussi estoient il auques

d’un eage. Li rois de Navare, qui prendoit

grant plaisance en l’amour que ses serourges, li rois de

France, li moustroit et faisoit, li acorda à ses deus filz

10demorer dalés lui, dont puis se repenti, sicom vous

orés avant recorder en l’istore.

§ 724. Quant li rois de Navare eut sejourné assés

dalés le roy de France, tant que bon li eut samblé,

et que li dis rois de France li eut fait si bonne chière

15que merveilles, et l’eut menet au bois de Vicennes, où

il faisoit faire le plus bel ouvrage dou monde, d’un

chastiel, de tours et de haus murs, il prist congiet, et

se parti de Paris, et chevauça vers Montpellier, et

fist tant qu’il y parvint, où il fu recheus à grant joie,

20car la ville de Montpellier et toute la baronnie pour

ce temps estoit sienne.

Nous nos soufferons un petit à parler dou roy

de Navare tant qu’à celle fois, et parlerons d’autres

incidenses qui escheïrent en France. En ce

25temps et en celle meisme saison trespassa de ce

siècle li rois David d’Escoce en une abbeye dalés

Haindebourch en Escoce. Si fu ensepelis en une

aultre abbeye assés priès de là, que on appelle Donfremelin,

dalés le roy Robert, son père. Après ce roy

30fu rois d’Escoce li rois Robers, uns siens neveus, qui

en devant en estoit seneschaus. Cilz [rois] Robers estoit

[121] 121 uns lasques chevaliers, mais il avoit jusques à

onse biaus filz, tous bons hom[me]s d’armes, et ossi

il voloit user par conseil des besongnes d’Escoce, et

tint en très grant chierté tous chiaus que li rois, ses

5oncles, avoit enhays, monsigneur Guillaume, conte

de Duglas, monsigneur Archebaut, son cousin, et

tout leur linage, car che sont loyal chevalier, et n’estoit

mies se entention que ja il se composast as Englès.

Mais en ce temps estoient triewes entre les Escos

10et les Englès, qui avoient à durer encores quatre

ans. Si les tenoient bien li chevalier et li escuier de

l’un pays et de l’autre, mais ce ne faisoient mies li

villain qui se trouvoient ens es foires et marchiés sus

les frontières, ançois se batoient et navroient et souvent

15occioient, et pilloient vaches, bues, pors, brebis

et moutons. Si toloit li plus fors au plus foible, et

quant les plaintes en venoient as rois et à leurs consaulz,

et que il s’en assambloient et mettoient sus

marce de pays, et li Englès se plaindoient des Escos,

20car par especial par yaus venoient les incidenses, et

que il disoient que il avoient rompu leur seelé et

brisiet triewes, qui leur estoit grans blasmes et prejudisces,

il s’escusoient et respondoient qu’il ne

pooient brisier triewes, par celle condition, se banières

25et pennons de signeurs n’i estoient, pour debat

de meschans gens enivrés en foires et en marchiés,

et pour pillage de biestail triewes ne se rompoient

mies. Si demoroient les coses en cel estat:

qui plus y avoit mis, plus y avoit perdu.

30§ 725. Bien estoit li rois d’Engleterre enfourmés

que il avoit perdu tout son pays de Poito, de Saintonge

[122] 122 et de le Rocelle, et que li François estoient

grandement fort sur le mer de galées, de barges et

de gros vaissiaus, des quelz estoient chapitain avoech

Yewain de Galles et dan Radigho de Rous, le maistre

5amiral et patron dou roy Henri d’Espagne, li contes

de Nerbonne, messires Jehans de Rais et messires

Jehans de Viane, et tenoient bien sus mer ces gens

sis vint gros vaissiaus sans leur pourveances, cargiés

de gens d’armes, de bidaus et de Genevois. Et estoit

10li rois d’Engleterre enfourmés que ces gens waucroient

sus les bendes d’Engleterre pour entrer en

son pays, et faire, là où il prenderoient terre, un

grant fait. Si ordonna li rois le conte de Sallebrin,

monsigneur Guillaume de Nuefville et monsigneur

15Phelippe de Courtenay à estre chapitainne de deus

mil hommes d’armes et otant d’arciers, et fisent leurs

pourveances en Cornuaille, et là montèrent il en

mer. Si singlèrent devers Bretagne, car ailleurs ne

pooient il arriver pour faire guerre qui leur vausist,

20ne pour emploiier leur saison. Et ossi il voloient savoir

l’entention dou duch et des barons de Bretagne,

se il se tenroient françois ou englès. Si eurent si bon

vent que de une flote il arrivèrent à Saint Malo de

l’Ille en Bretagne, et trouvèrent ou havene set gros

25vaissiaus espagnolz de marcheans d’Espagne, cargiés

d’avoir, qui là gisoient à l’ancre. Si les ardirent li Englès,

et tout l’avoir qui dedens estoit, et misent à

mort tous les Espagnos qu’il y trouvèrent, et entrèrent

en le ville de Saint Malo et s’i logièrent de fait.

30Le[s] gens de le ville n’en furent mies signeur, et

commenchièrent li Englès à courir là environ et à

faire guerre et à prendre vivres.

[123] 123 Ces nouvelles s’espardirent tantost sus le pays, qui

en fu durement esmeus et en plus grant souspeçon

que devant sus leur duch et sus monsigneur Robert

Canolle, et disent generalment que il avoient mandés

5les Englès et là fait venir et ariver, et que ce ne faisoit

mies à consentir. Et puis que li dus moustroit

clerement que il voloit estre englès et point [ne tenoit]

l’ordenance de son pays, il estoit tenus de perdre

sa terre. Si se cloïrent cités, villes et chastiaus, et

10fist cascuns bon gait et bonne garde, ensi que pour lui.

Pour le temps de lors se tenoit li dus de Bretagne

ens ou chastiel de Vennes, de quoi chil de le cité et

dou bourch n’estoient mies bien asseguret. Et messires

Robers Canolles se tenoit en son chastiel de Derval,

15et le faisoit grandement et grossement pourveir

de toutes choses de vivres et d’arteillerie et remparer

de tous poins, car bien imaginoit que li pays

seroit en guerre et que ses chastiaus aroit à faire. Et

quant il eut tout ce fait, il le recarga à un sien cousin

20chevalier, qui s’appelloit messires Hues Broe, et

le laissa bien pourveu de toutes coses, et puis se

traist ou chastiel et en le ville de Brest, où li sires

de Nuefville, d’Engleterre, à toute sa carge de gens

d’armes, qui arrivet estoient l’anée devant à Saint

25Mahieu de Fine Posterne, ensi que vous savés, estoit.

Si vint messires Robers Canolles dalés lui pour

avoir plus [grant] confort d’aide et de conseil, et ossi

Brest est uns des plus fors chastiaus dou monde.

§ 726. Ces nouvelles et les plaintes des barons et

30des chevaliers de la duché de Bretagne vinrent à Paris

devers le roy de France, et li fu remoustré comment

[124] 124 li dus avoit mandé grant confort en Engleterre

pour mettre les Englès en leur pays, ce que jamais ne

consentiroient, car ils sont et voellent domorer bon

et loyal François; et estoit sceu et tout cler que il voloit

5ses forterèces et ses chastiaus garnir et pourveir

d’Englès. Li rois leur demanda quel cose en estoit

bonne à faire; il respondirent que il mesist sus une

[grosse et grant] carge de gens d’armes, et les envoiast

en Bretagne, et se hastast dou plus tost que il peuist,

10ançois que li Englès y fuissent de noient plus fort, et

presissent chil que il y envoieroit, le saisine et possession

de toutes cités, villes et chastiaus; car li dus

avoit fourfait sa terre. Ces parolles et ces offres des

barons et des chevaliers de Bretagne plaisirent grandement

15au roy, et dist que c’estoient loyaus gens et

bonnes, et que il demorroit dalés yaus. Si ordonna

son connestable, monsigneur Bertran, à traire de celle

part à tel carge de gens d’armes que il vorroit prendre

et avoir, sans nulle exception, car il mettoit tout

20en sa main. Li connestables obeï à l’ordenance dou

roy, ce fu raisons, et se hasta de faire celle armée et

chevaucie, car il touchoit, et s’en vint en le cité de

Angiers; si fist là son amas de gens d’armes. Si estoient

avoecques li li dus de Bourbon, li contes

25d’Alençon, li contes du Perce, li daufins d’Auvergne,

li contes de Boulongne, li contes de Ventadour,

[li contes de Vendosme], li sires de Cliçon, li viscontes

de Rohem, li sires de Biaumanoir, li sires de

Rocefort et tout li baron de Bretagne. Si se trouvèrent

30bien quatre mil lances, chevaliers et escuiers, et

bien dis mil d’autres gens. Si chevauchièrent devers

Bretagne.

[125] 125 Ces nouvelles vinrent au duch de Bretagne qui se

tenoit encor à Vennes, comment François et Breton

venoient sur lui pour prendre et pour saisir de

force sa terre et son corps ossi, et estoient bien

5quinse mil armeures de fier, et de toutes ces gens

d’armes estoient conduiseur et gouvreneur li connestables

et li dus de Bourbon. Avoech tout che, il

avoient d’acord tout le pays, cités, villes et chastiaus.

Si se doubta li dus grandement de soi meismes que il

10ne fust pris et atrapés. Si se departi de Vennes et s’en

vint au cha[stiel] d’Auroy, à quatre liewes d’iluech, et

y sejourna sis jours tant seulement, et ne trouva mies

en son conseil que il y demorast plus, que on ne mesist

le siège devant lui. Et toutefois il ne savoit en

15Bretagne plus nulle ville où il s’osast enclore. Si laissa

là une partie de ses gens et la ducoise, sa femme, en

le garde d’un sien chevalier, qui s’appelloit monsigneur

Jehan Augustin, et puis chevauça oultre vers

Saint Mahieu de Fine Posterne. Quant il fu venus

20jusques à là, il cuida entrer en le ville, mais il se

cloïrent contre lui, et disent que point n’i enteroit.

Quant il vei ce, si se doubta encores plus que devant,

et prist le chemin de Konke sus le mer, et là entra il

en un vaissiel, et ses gens, et singla vers Engleterre.

25Si arriva en Cornuaille. De puis il chevauça tant que

il vint à Windesore, où li rois se tenoit, qui li fist

grant chière quant il le vei, car il l’appelloit son biau

fil. Li dus adont li recorda tout l’estat de Bretagne et

comment la besongne y aloit, et que pour l’amour de

30lui il avoit perdu son pays, et l’avoient tout si

homme relenqui, excepté messires Robers Canolles.

Lors li respondi li rois, et li dist: «Biaus filz, ne

[126] 126 vous doubtés que vous n’aiiés tousjours assés, car ja

[je] ne ferai pais ne acord à mon adversaire de France

ne as François, que vous ne doiiés estre ossi avant

ou trettié que je serai, et demorrés dus de Bretagne,

5malgré tous vos nuisans.» Chilz reconfors plaisi

grandement au duch de Bretagne. Si demora dalés le

roy et le duch de Lancastre et les barons d’Engleterre,

qui li fisent grant solas et grant confort.

O[r] parlerons de monsigneur Bertran de Claiekin

10et des barons de France, comment il entrèrent en

Bretagne efforciement, et se misent en possession des

villes et des chastiaus, et obeïrent tout à lui, non à

monseigneur Robert Canolles, qui estoit demorés bail,

quant li dus se departi.

15§ 727. Li connestables qui avoit le commission dou

roy de France de prendre et de saisir tout le pays de

Bretagne, y entra efforciement à plus de quinse mil

armeures de fier et tous à chevaus, et ne prist mies

premierement le chemin de Nantes, mais celui de le

20bonne cité de Rennes et de le Bretagne bretonnant,

pour tant que il estoient et ont esté toutdis plus favourable

au duch de Bretagne, que li François appelloient

le conte de Montfort, que li douce Bretagne.

Quant li bourgois sentirent venant sur yaus le connestable

25et les François si efforciement, si n’eurent

mies conseil d’yaus clore, mès se ouvrirent, et [les]

recueillièrent doucement, et se misent tantost en

l’obeïssance dou roy de France. Li dis connestables

en prist les fois et les hommages et les sieremens

30que il se tenroient estable, et puis passa oultre et

s’en vint jusques à le bonne ville de Dignant. Chil

[127] 127 de Dignant fisent otel, et puis chevaucièrent jusques

à le cité de Vennes, qui se ouvrirent ossi tantos, et se

misent en l’ordenance dou connestable, et puis s’i

rafreschirent li Breton et li François quatre jours. A

5leur [departement], il prisent le chemin dou Suseniot,

un moult biau chastiel et maison de deduit pour le

duch. Là y avoit aucuns Englès qui le gardoient de

par le duch, li quel ne se veurent mies si tost rendre,

mais se cloïrent et moustrèrent grant deffense.

10Quant li connestables fu venus jusques à là, et il

vei le condition et manière des Englès qui dedens

estoient, si dist qu’il ne s’en partiroit mies ensi. Si

se loga et fist toutes ses gens logier, et, entrues que

li varlet logoient, traire avant à l’assaut les gens

15d’armes, qui riens n’i conquisent ne gaegnièrent ce

premier assaut, fors horions. Si se retraisent au soir

à leurs logeis et se aisièrent de ce qu’il eurent. A

l’endemain il assallirent encores; n’i fisent il riens,

et les couvint là estre quatre jours, ançois que il

20peuissent conquerre le chastiel. Finablement il fu

conquis et pris de force, et tout chil mort, qui

dedens estoient: onques piés n’en escapa; et donna

li dis connestables le chastiel dou Suseniot à un

sien escuier, bon homme d’armes, qui s’appelloit

25Yewains de Mailli. Puis se deslogièrent li François

et chevaucièrent devers Jugon, une bonne ville et

bon chastiel, qui se rendirent tantost et se misent

en l’obeïssance dou roy de France, et puis Ghoy la

Forest, et puis la Roce d’Euriant, Plaremiel, Chastiel

30Josselin, Phauet, Ghingant, Saint Mahieu de

Fine Posterne et pluiseurs villes de là environ, Garlande,

Camperlé et Campercorrentin.

[128] 128 Quant li contes de Sallebrin et messires Guillaumes

de Nuefville et messires Phelippes de Courtenay

et li Englès, qui se tenoient à Saint Malo de

l’Ille, entendirent que li connestables et li sires de

5Cliçon et li baron de France et de Bretagne estoient

entré en Bretagne si efforciement qu’il y prendoient

cités, villes et chastiaus, et que tous li pays se tournoit

viers yaus, et se sentoient encores sus mer la grosse

navie d’Espagne et les François, si eurent conseil

10que il se trairoient viers Brest: là seroient il, yaus et

leur navie, en plus grant segur, car li havenes de Brest

gist en bonne garde, et ossi il y trouveroient de leurs

compagnons le signeur de Nuefville et monsigneur

Robert Canolles, qui là se tenoient sus le confort de

15le forte place. Si aroient milleur conseil tout l’un pour

l’autre. Si cargièrent leurs vaissiaus et entrèrent ens,

et se departirent de Saint Malo de l’Ille, je ne vi

onques mieulz à point, car il euissent esté à l’endemain

assegié. A leur departement il fustèrent et

20robèrent toute le ville de Saint Malo, et puis singlèrent

tant que il vinrent à Hainbon. Là furent il

un jour, et puis rentrèrent en mer et s’en alèrent

tout singlant devant Brest, et tant fisent qu’il y parvinrent:

si y furent recheu à grant joie, et misent

25toute leur navie ou havene de Brest. Si se logièrent

li signeur ou chastiel, et toutes leurs gens en le ville

ou en leur navie. Et li connestables de France s’en

vint à toutes ses routes jusques à Saint Malo de

l’Ille. Si fu moult courechiés, quant il sceut que li

30Englès s’en estoient parti, car il venoit là sus cel

entente et espoir d’yaus combatre ou assegier. Si

prist le saisine de le ville et les fois et sieremens, et

[129] 129 y ordonna gens de par lui, et puis chevauça o son

grant hoost devers le chastiel et le ville de Hainbon,

où il avoit environ sis vint Englès, qui le tenoient,

et les y avoit laissiés li contes de Sallebrin, quant il

5y fu, n’avoit point sis jours. Si en estoit chapitains

uns escuiers englès, qui s’appelloit Thommelin

Wisk.

§ 728. Tant chevauça li connestables et toute se

route où bien avoit vint mil combatans, que il

10vinrent devant le ville de Hainbon. Si trouvèrent les

portes closes et toutes gens appareilliés, ensi que

pour yaus deffendre. Li connestables ce premier jour

se loga et fist logier toutes gens, et à l’endemain au

matin, à heure de soleil levant, sonner les trompètes

15d’assaut, et quant il furent tout armé, traire

celle part et yaus mettre en ordenance pour assallir.

Et ensi fisent cil de Hainbon. Englès et Breton, qui

dedens estoient, s’appareillièrent tantost pour yaus

deffendre. Bien sçavoit li dis connestables que de

20force, ou cas que tout chil, qui dedens Hainbon se

logoient, se vorroient mettre à deffense, jamais ne

les aroient, mès il y trouva un trop grant avantage,

je vous dirai comment. Au commencement de l’assaut,

il s’en vint jusques as barrières, le quasse

25d’achier en le tieste tant seulement, et dist ensi à

chiaus de le ville de Hainbon, en faisant signe de le

main: «A Dieu le veu! homme de la ville, qui là

dedens estes, nous vous arons encor anuit, et enterons

en le ville de Hainbon, se li solaus y poet entrer;

30mais sachiés que, se il en y a nulz de vous qui

s’amoustre pour mettre à deffense, nous li ferons

[130] 130 sans deport trencier la tieste et tout le demorant de

la ville, homme[s], femmes et enfans, pour l’amour

de celi.» Ceste parolle effrea si les hommes [bretons]

de le ville de Hainbon, que il n’i eut onques puissedi

5homme, qui se osast amoustrer ne apparoir

pour mettre à deffense; ançois se traisent tout

ensamble, et disent as Englès: «Signeur, nous

n’avons mies entention de nous tenir contre le connestable

ne les signeurs de Bretagne; nous sommes

10cheens un petit de povres gens, qui ne poons vivre

sans le dangier dou pays. Toutesfois nous vous

ferons tant d’onneur, car vous estes tout bon compagnon,

que de nous n’arés vous garde; vous n’en

serés ne grevé ne conforté, et sur ce aiiés avis.»

15Quant la chapitainne et li Englès oïrent ces nouvelles,

si ne leur furent mies trop plaisans, et se

traisent ensamble et consillièrent. Tout consideré et

imaginé ou cas que il ne seroient conforté de chiaus

de Hainbon, il n’estoient mies gens pour yaus tenir

20contre une tele host que li connestables de France

avoit là devant yaus. Si eurent conseil que il tretteroient

un accort as François, que il renderoient le

ville et on les lairoit partir, salve leurs vies et le

leur. Si envoiièrent un hiraut devers le connestable,

25qui remoustra toutes ces besongnes, qui raporta un

saufconduit que li capitains de Hainbon et quatre

des siens pooi[en]t bien segurement aler en l’ost pour

oïr et savoir plus plainnement quel cose il voloient

dire. Sus celle sauvegarde, Thommelins Wisk et

30quatre de ses compagnons vinrent devant les barrières

parler as signeurs de l’ost. Là se porta trettiés

et compositions, que tout li Englès qui dedens Hainbon

[131] 131 estoient, et tout li Breton ossi qui l’opinion dou

conte de Montfort tenoient, se pooient segurement

partir yaus et le leur, et traire dedens Brest, et non

aultre part. Ensi eut li connestables de France par

5sens, nen par grant fait, le ville et le chastiel de

Hainbon, dont il ne volsist pas tenir cent mil frans,

et s’en partirent li Englès sus bon conduit, et en

portèrent tout le leur, et vinrent en Brest.

§ 729. Apriès le conquès de la ville et dou chastiel

10de Hainbon, li connestables ne li signeur qui

avoech lui estoient, n’eurent mies conseil de traire

devant Brest, car bien savoient qu’il perderoient lor

painne; mais se avisèrent que il se retrairoient tout

bellement devers le bonne cité de Nantes en costiant

15le rivière de Loire, et en conquerant et mettant en

leur subjection et ordenance encores aucunes villes

et chastiaus qui là estoient. Si laissièrent deus chevaliers

bretons à chapitainnes en le ville de Hainbon

et grant gent d’armes, et puis s’en partirent. Si

20prisent le chemin de Nantes, selonch la rivière de

Loire, et misent tout le pays en leur obeïssance,

que il trouvèrent, ne onques nulz n’i fu rebelles;

car, se il l’euissent trouvé, la commission dou connestable

donnée dou roy de France estoit tele que il

25voloit que sans merci tout rebelle fuissent puni à

mort.

En ce temps faisoit li dus d’Ango un grant mandement

pour venir mettre le siège devant le Roce

sur Ion, que li Englès tenoient, la quele garnison

30siet sus les marces d’Ango. Ossi li Englès, qui dedens

Brest estoient, eurent conseil et avis que il se

[132] 132 retrairoient en mer, puis que li connestables de

France et li François les eslongoient, et s’en iroient

reposer et rafreschir viers Gredo et viers Garlande.

Et, se li navie dou roy de France passoit, ou des

5Espagnolz, où il se peuissent emploiier, il se combateroient,

car ossi les pourveances de Brest commençoient

à amenrir, car il estoient trop de gens.

Si recargièrent la ditte forterèce à monsigneur Robert

Canolles, et rentrèrent en leur navie, et ne menoient

10avoecques yaus nulz chevaus. Avoecques le gentil

conte de Sallebrin estoient d’Engleterre li sires de

Luzi, li sires de Nuefville, [messires Guillaumes de

Nuefville], ses frères, li sires de Multonne, li sires

de Filwatier, messires Bruians de Stapletonne,

15messires Richars de Pontchardon, messires Jehans

d’Evrues, messires Thumas le Despensier et pluiseur

aultre baron, chevalier et escuier. Trop s’estoient chil

dit signeur repenti, yaus tenu à Saint Malo et à Brest,

de che que il n’avoient amené leurs chevaus avoec

20yaus, car, se eu les euissent, il disoient bien que il

euissent chevaucié sus le pays et contre les François.

Tant s’esploitièrent li connestables de France et

chil signeur de France et de Bretagne qui avoecques

lui estoient, en prendant leur tour et en revenant

25devers Nantes, que il vinrent devant Derval, qui se

tenoit hiretages de monsigneur Robert Canolle; si

l’avoient en garde messires Hues Broe et messires

Reniers, ses frères. Si tost que li connestables et chil

baron de France et de Bretagne furent là venu, il

30misent le siège environneement et fisent grans bastides

de tous lés pour [mieuls] constraindre chiaus

de le forterèce.

[133] 133 En ce temps s’avala li dus d’Ango atout grant

gent d’armes de Poito, d’Ango et du Mainne, et s’en

vint mettre le siège devant la Roce sur Ion, et là

avoit bien mil lances, chevaliers et escuiers, et

5quatre mil d’autres gens, et se partirent dou connestable

de France par le mandement dou duch d’Ango,

et vinrent devant le Roche sur Ion tenir le siège

messires Jehans de Buel, messires Guillaumez des

Bordes, messires Loeis de Saint Juliien et Charuelz,

10bretons, et leurs routes. Et devés savoir que en celle

saison toutes les guerres et le gens d’armes de

France, de quel marce que il fuissent, se traioient en

Bretagne; car il n’avoient que faire d’autre part, et

ossi li rois de France les y envoioit tous les jours.

15Quant les nouvelles veritables furent sceues en l’ost

dou connestable de France, que li contes de Sallebrin

et tout li Englès, qui en Brest estoient, quant

il furent devant Hainbon, estoient parti et retret en

mer, si en furent moult joiant et en tinrent leur

20guerre à plus belle, et s’avisèrent que il envoieroient

une partie de leurs gens devant Brest et metteroient

là le siège, car il estoient fort assés pour ce faire, et

encloroient monsigneur Robert Canolles dedens Brest

telement, que il n’en poroit issir pour venir conforter

25ne consillier ses gens, qui en sa forterèce de Derval

estoient. Si tretos que il eurent ce imaginé, il tinrent

ce conseil à bon, et se departirent dou siège de

Derval li sires de Clichon, li viscontes de Rohem, li

sires de Lyon, li sires de Biaumanoir, li sires de

30Raiys, li sires de Rieus, li sires d’Avangor, li sires de

Malatrait, li sires dou Pont, li sires de Rocefort et

bien mil lances de bonnes gens d’armes, et s’en

[134] 134 vinrent mettre le siège devant Brest et enclore

monsigneur Robert Canolle dedens, par si bonne

[et si sage] ordenance que uns oizelès par terre

n’en fust point issus, qu’il n’euist esté veus. Ensi tinrent

5les gens le roy de France en celle saison quatre

sièges en France, en Bretagne et en Normendie: li

Normant devant Becheriel, li Breton devant Brest et

Derval, et li Poitevin et li Angevin devant la Roce sur

Ion.

10§ 730. Ce siège pendant devant Derval, y furent

faites pluiseurs assaus, escarmuces et paletis, et priès

que tous les jours y avenoient aucun fait d’armes.

Quant messires Hues Broe et ses frères, qui chapitainne

en estoient, veirent le manière et ordenance

15dou connestable et de ces signeurs de France, qui là

estoient grandement et estofeement, et qui moult les

appressoient, et se ne leur apparoit confors de nul

costet ne point de leur estat ne pooient segnefiier à

leur cousin monsigneur Robert Canolles, et avoient

20entendu que li dus d’Ango estoit avalés moult priès

de là, qui trop fort les maneçoit, si eurent conseil

que il tretteroient un respit et se metteroient en

composition devers le connestable, que, se dedens

quarante jours il n’estoient secouru et conforté de

25gens fors assés pour lever le siège, il renderoient la

forterèce au connestable. Si envoiièrent sus assegurances

parlementer ces trettiés en l’ost au dit connestable.

Li connestables en respondi que riens n’en

feroit sans le sceu dou duch d’Ango. Encores vorrent

30bien chil de Derval attendre la response dou dit

duch; si fu segnefiiés au duch tous li dis trettiés,

[135] 135 ensi que il se devoit porter, mais que il l’acordast.

Li dus n’en volt de riens aler au contraire, mès en

rescrisi au connestable que ou nom de Dieu il le acceptast

ou cas que cil de Derval, pour tenir ce marchiet,

5liveroient bons plèges. Sus cel estat furent il

quatre jours que il n’en voloient nuls livrer fors leur

seelé, mès li connestables disoit que, sans bons hostages,

chevaliers et escuiers, ils ne donroient nulle

souffrance. Finablement messires Hues Broe et ses

10frères veirent et cogneurent bien que il ne fineroient

aultrement, se il ne livroient plèges. Si livrèrent

deus chevaliers et deus escuiers, qui furent tantost

envoiiet à le Roce sur Ion devers le duch d’Ango,

et fu ceste composition faite par ordenance tele, que

15chil de Derval ne pooient ne devoient nullui recueillier

en leur forterèce, qui ne fust fors assés pour

lever le siège. Pour ce ne se desfist mies li principaus

sièges de Derval, mès y laissa li connestables

plus de quatre mil combatans de Bretagne, de Limozin,

20d’Auvergne et de Bourgongne, et puis atout cinc

cens lances, il chevauça vers le cité de Nantes, car

encor n’i avoit il point esté.

§ 731. Quant li connestables de France fu venus

jusques à Nantes, si trouva les portes de le cité closes

25et une partie des bourgois venu au devant de lui et

yaus mis entre les portes et les barrières, et n’i avoit

ouvert tant seulement que les postis. Là parlementèrent

li homme de Nantes moult longement au connestable,

et veurent veoir sa commission, et le fisent

30lire. Quant il l’eurent oy, li connestables leur demanda

qu’il leur en sambloit, et se elle estoit point

[136] 136 bonne. Il respondirent qu’il le tenoient bien à bonne,

et le voloient bien recevoir comme commissaire dou

roy de France, et jurer que il seroient toutdis et

demorroient bon François, et ne lairoient Englès nul

5entrer en le cité, qui ne fust plus fors d’yaus, mais ja

il ne relenquiroient lor naturel signeur, qui tenoit

leurs fois et leurs hommages pour cose que il euist

encores fait, sauf tant que à main armée, ne homme

qui fust avoecques lui, se il venoit jusques à là, il

10ne soufferoient entrer en leurs portes, et, se il venoit

à acord devers le roy de France, il voloient estre

quittes de toutes obligations que faites aroient presentement

au connestable. Messires Bertrans, qui en

tout ce ne veoit fors que toute loyauté, leur respondi

15que il ne le voloit autrement, et que, se li dus de

Bretagne vosist estre bons François et amis au roy de

France et à son pays, il y fust demorés en pais. Et

quant il se vorra recognoistre, il ara grasce de nostre

très chier et redoubté signeur le roy, [mais tant que

20il tiengne ceste oppinion, il ne levera de Bretaigne

nuls des pourfis]. Ensi entra li connestables de France

en le cité de Nantes, et y sejourna huit jours, et en

prist le saisine et possession, mais il n’i fist riens de

nouviel. Au IXe jour, il s’en parti et s’en vint demorer

25en un village dalés Nantes, en un moult biau manoir,

qui est au duch, seant sus le rivière de Loire.

Si ooit tous les jours nouvelles des sièges qui se tenoient

en Bretagne, et ossi dou duch d’Ango, qui

seoit devant Roce sur Ion, et dou roy de France, qui

30moult l’amoit pour tant qu’il entendoit si parfaitement

à ses besongnes.

[137] 137 § 732. Vous avés bien chi dessus oy parler et

recorder dou duc de Bretagne, comment il se departi

de son pays et s’en ala en Engleterre requerre

ayde et confort dou roy, en quel nom il avoit perdu

5tout son pays. Bien sçavoit cilz dus que les besongnes

pour lui en son pays se portoient assés petitement.

Si esploita tant devers le roy, que li rois ordonna son

fil le duch de Lancastre à passer mer atout deus mil

armeures de fier et quatre mil arciers, et de ces gens

10d’armes seroient conduiseur et gouvreneur ses filz et

li dus de Bretagne, et devoient arriver ou havene de

Calais, pour passer parmi Pikardie, et avoient entention,

se li temps ne leur estoit contraires, que il se

metteroient entre Loire et Sainne et s’en iroient rafreschir

15en Normendie et en Bretagne, et conforteroient

les forterèces qui se tenoient englesces, Becheriel,

Saint Salveur, Brest et Derval, et combateroient

le[s] François où que ce fust, se contre yaus se voloient

mettre ne ahatir de combatre. Dont, pour

20faire et furnir ce voiage, li rois d’Engleterre ordonna

à faire toute la saison un ossi grant et ossi estoffé

appareil que en grant temps on euist point veu en

Engleterre pour passer le mer, tant que de belles et

grosses pourveances et de grant fuison de charroi,

25qui porteroient parmi le royaume de France tout ce

qu’il lor seroit de necessité, et par especial moulins à

le main pour mieurre bled et aultres grains, se il trouvoient

les moulins perdus et brisiés, et fours pour

cuire, et toute ordenance de guerre pour avoir appareillié

30sans dangier. Et me fu dit que bien trois ans

en devant, li Englès avoient esté sus ce voiage, comment

que point ne fuissent passet. Et cuida li dus de

[138] 138 Lancastre passer la mer l’anée que la bataille fu à

Jullers dou duch de Braibant contre le duch de Jullers

et monsigneur Edouwart de Guerles. Car si doy

cousin de Jullers et de Guerles li avoient offert

5tel confort que douse cent lances, chevaliers et escuiers,

et que pour courir parmi le royaume de

France jusques ens es portes de Paris. Mais la mort

de monsigneur Edouwart de Guerles et l’ensonniement

que li dus de Jullers eut pour ceste besongne,

10et le mort et le prise des bons chevaliers, qui furent

d’une part et d’autre, retardèrent ce voiage qui point

ne se fist à la première entente dou roy d’Engleterre

et dou duch de Lancastre. Nequedent, toutdis de puis,

li dus de Lancastre et li consaulz dou roy d’Engleterre

15avoient entendu [à] appareillier les pourveances

si grandes et si belles, que merveilles seroit à penser.

Et mandoit li rois d’Engleterre par tout gens, là où

il les pensoit à avoir par leurs deniers paiier, en

Flandres, en Braibant, en Haynau et en Alemagne,

20et eut li dus de Lancastre [de purs Escos] bien trois

cens lances. Si venoient à Calais li estragnier qui

mandé et priiet estoient dou roy, et là se tenoient

attendant le passage des deus dus de Lancastre et de

Bretagne, et là leur estoient paiiet et delivret tout leur

25gage pour sis mois. Si passèrent tout bellement l’un

apriès l’autre de Douvres à Calais les pourveances des

dus et des barons d’Engleterre. Si ne furent mies ces

coses si tost achievées.

Entrues se hastèrent les guerres de Bretagne, car li

30rois de France estoit tous certefiiés que li Englès en

celle saison efforciement passeroient en France. Si

faisoit ossi pourveir en Pikardie cités, villes et chastiaus

[139] 139 très grossement, car bien savoit que li Englès

prenderoient leur chemin par là. Et fist commander

sus le plat pays que cascuns, dedens un terme qui mis

y fu, euist retret le sien ens es forterèces, sus à estre

5abandonné tout ce que on trouveroit.

Encores se tenoit li sièges dou duch d’Ango

devant le Roce sur Ion, mais il estoit si lontains

de tous confors que il veoient bien que longement

il ne se pooient tenir. Dont il avint que messires

10Robers Grenake, uns chevaliers englès, qui chapitainne

en estoit, se mist en composition devers

les gens le duch d’Ango, car li dis dus se tenoit à

Angiers. Et fu la composition tele que, se dedens un

mois il n’estoient secouru de gens fors assés pour

15lever le siège, il renderoient la ville et le chastiel, et

s’en partiroient, salve le leur et leurs corps, et leur

donroit on conduit jusques à Bourdiaus. Cilz termes

inspira; nulz ne vint pour conforter le chastiel de le

Roce sur Ion; si le rendirent li compagnon qui le

20tenoient, as gens le duch d’Ango, et s’en partirent

messires Robers Grenake et li sien, et passèrent oultre,

et furent conduit jusques bien priès de Bourdiaus,

ensi que couvens portoit. Si furent chil de

Poito et d’Ango et du Mainne durement liet et resjoy

25dou reconquès de la Roce sur Ion.

§ 733. En ce temps avint en Bretagne que li sires

de Cliçon, li viscontes de Rohem, li sires de Rocefort

et li sires de Biaumanoir se departirent dou

siège de Brest une matinée, atout cinc cens lances,

30et chevaucièrent tant que il vinrent à Konke, une petite

forterèce sus mer, de la quele messires Jehans

[140] 140 de la Ghingay, uns chevaliers englès et de l’ostel le

duch de Bretagne, estoit chapitains, et avoit avoecques

lui pluiseurs compagnons, qui se misent tantost

en ordenance de deffense quant il veirent les

5Bretons. Là eut ce jour grant assaut et dur, et pluiseurs

hommes navrés et blechiés et mors d’un lés et

de l’autre. Finablement li Breton assallirent si vassaument,

et si bien s’i esprouvèrent, que de force

il conquisent la ville de Konke, [et y furent tout

10mors li Englès qui là estoient, excepté le chapitainne

et sis hommes d’armes qu’il retinrent pour prisonniers.

Si remparèrent les Bretons le ville de Konke]

et le rafreschirent de nouvelles gens à leur entente,

et puis s’en partirent; si en menèrent leurs prisonniers,

15et retournèrent au siège de Brest.

§ 734. Entrues que ceste chevaucie se fist dou

signeur de Cliçon et des dessus dis à Konke, et que

leur host fu un petit esclarcie de gens à l’un des

costés dou siège de Brest, se bouta une espie dou

20soir en le ville de Brest, qui venoit droit de Derval,

et qui là estoit envoiiés parler à monsigneur Robert

Canolle, de par ses cousins monsigneur Hue Broe et

son frère, li quelz dist et compta au dit monsigneur

Robert Canolles toute la besongne de son biau chastiel

25de Derval, comment il en aloit. Quant messires

Robers oy ces nouvelles, si n’en fu mies mains pensieus,

et eut pluiseurs imaginations en lui sur trois

ou quatre jours, comment il s’en poroit chevir; car

de perdre si nicement son biau chastiel de Derval,

30que tant amoit et qui tant li avoit cousté, ce li seroit

trop dur, et toutesfois il n’i pooit veoir tour ne

[141] 141 adrèce que il ne le perdesist, se il n’i mettoit aultre

remède. Si avisa que il tretteroit devers ces signeurs

de France et de Bretagne, que il metteroit Brest en

composition que, se dedens un mois il n’estoient

5secouru, aidié et conforté de gens fors assés pour

combatre le connestable et se poissance, il renderoient

Brest as François. Quant cil trettié furent

entamé de premiers et parlementé, onques li sires de

Cliçon, ne li baron qui au siège estoient, n’en vorrent

10riens faire sans le sceu dou connestable. Mais

il donroient bien un chevalier et deus escuiers des

gens monsigneur Robert conduit que, sus assegurances,

il alaissent parler au dit connestable, qui se

tenoit dalés Nantes.

15Ceste response et ordenance plaisi bien au dit

monsigneur Robert Canolles, et y envoia un chevalier

des siens et deus escuiers, qui vinrent sans peril,

sus bon conduit, parlementer au dit connestable et

proposer ces trettiés. Li connestables de France fu

20adont si bien consilliés que dou rechevoir ces trettiés

et chiaus de Brest en composition, mais que de tenir

leur journée et leur marchié il delivrassent bons

ostages, aultrement non. Sus tel estat retournèrent

chil de Brest, et comptèrent au dit monsigneur

25Robert tout ce que vous [avés] oy. Messires Robers,

qui tiroit à mander le conte de Sallebrin et les barons

d’Engleterre qui estoient sus mer en se compagnie,

li quel, il n’en faisoit mies doubte, quant il leur aroit

segnefiiet tout l’estat, venroient à celle journée, et

30qui grant desir avoit ossi de venir en son chastiel de

Derval, se acorda à celle composition, et livra bons

ostages et souffissans, tant que li connestables et li

[142] 142 Breton s’en tinrent pour content, et se desfist li

sièges de Brest; et se retraisent toutes [ces] gens

d’armes sus le pays devers Nantes, en attendant les

journées qui devoient estre de Derval et de Brest;

5car aultrement li connestables ne donnoit nullui

congiet, se il n’estoit especialment escrips et mandés

dou roy de France.

Si tretost que messires Robers Canolles peut, il se

departi de Brest et s’en vint bouter en son chastiel

10de Derval, de quoi si cousin furent moult resjoy de

sa venue. Quant li connestables et li sires de Cliçon

sceurent ces nouvelles que il s’estoit là boutés, si

n’en furent mies mains pensieu, car il sentoient monsigneur

Robert soubtil et cauteleus, si ne savoient

15comment il se vorroit maintenir de le composition

que ses gens avoient fait. Et encores de rechief il

se contentoient mal sus monsigneur Hue Broe et sen

frère, de ce que il l’avoient recheu, car, par le

teneur de leur trettié et dou seelé de leur composition,

20il ne pooient ne devoient nullui rechevoir ne

recueillier en leur forterèce, se il n’estoient fort

assés pour combatre les François.

§ 735. Avant que messires Robers Canolles se

departesist de Brest, il escripsi unes lettres et seela.

25En ces lettres estoit contenus tous li estas de Brest,

et comment la journée estoit prise et acceptée des

François pour yaus combatre, u de rendre le chastiel

de Brest, la quele cose il feroit moult envis, se

amender le pooit. Quant il eut tout ce fait, il carga

30la lettre à un chevalier des siens, et li dist: «Entrés

en une barge, et nagiés viers Garlande. Je croi que

[143] 143 là environ vous trouverés le conte de Sallebrin et

nos gens: se li donnés ces lettres, et li contés de

bouche comment la cose va.» Li chevaliers avoit

respondu qu’il est[oit] tous près, et ja estoit partis

5de Brest, et tant avoit nagiet que il avoit trouvet le

conte de Sallebrin et toute sa navie, où bien avoit

sis vint vaissiaus d’une flote, sans les barges et les

hokebos; se li moustra ces lettres de monsigneur

Robert, et li compta avoech che tout le fait ensi que

10il aloit et qu’empris estoit. Quant li contes de Sallebrin

fu enfourmés de che, si dist que il seroit à le

journée, se il plaisoit à Dieu, et devant encores. Si

ne fist nul lontain sejour, mais se desancra, et toute

sa navie, et s’adreça pour venir à Brest. [Et tant

15s’esploita par le confort de Dieu et du vent, que il vint

assés près de Brest]; et ancrèrent ou havene de Brest,

et puis avisèrent place et terre qui n’estoit mies trop

lonch de leur navie, où il se misent et ordenèrent

par batailles bien et faiticement, et se trouvèrent

20bien deus mil combatans et otant d’arciers. Si disent

entre yaus que il estoient fort assés pour attendre le

connestable et se poissance, et yaus combatre.

Ensi se tenoient là li Englès, qui moustroient que

il voloient tenir leur journée, et tous les soirs

25retournoient en leur navie. Quant il eurent là esté

environ sis jours, et il veirent que nulz ne venoit,

il prisent un hiraut et l’enfourmèrent de che que il

voloient qu’il desist, et qu’il chevauçast viers le

connestable et les François, qui se tenoient en le

30marce de Nantes. Li hiraus se departi de l’ost des

Englès et tant s’esploita que il vint devers le connestable

et le signeur de Cliçon; se fist son message bien

[144] 144 et à point, et dist ensi: «Mi signeur, li contes de

Sallebrin et si compagnon m’envoient devers vous

et vous segnefient que il leur est venu à cognissance

que une journée est prise devant Brest de monsigneur

5Robert Canolle et de vous, et ordenance de

bataille; sachiés que il sont venu jusques à là et vous

attendent tout prest pour combatre et de delivrer

leurs hostages et le chastiel de Brest.» A ceste

parolle respondi li connestables, et n’i mist point

10trop longement, et dist: «Hiraus, vous retournerés

devers vos mestres et leur dirés de par nous qu’il

viegnent et traient avant; nous les combaterons bien

et volentiers.» Li hiraus respondi que volentiers

leur diroit ensi. Si se parti et monta à cheval, et esploita

15tant que il revint en l’ost de se[s] mestres et

leur fist ceste response.

Li contes de Salebrin pensa sus ceste parolle, et

puis se conseilla à ses compagnons, car là estoient

sis ou set baron de grant prudense, li sires de Luzi,

20li sires de Nuefville, messires Phelippes de Courtenay,

messires Bruians de Stapletonne et les aultres.

Si se porta consaulz entre yaus que li hiraus retourneroit

vers les François et leur diroit de par yaus

que c’estoient gens de mer qui n’avoient point leur

25chevaus. Si n’estoit mies cose deue ne raisonnable

que il alaissent plus avant à piet, mais, se il lor

voloient envoiier leurs chevaus, il trairoient vers

yaus volentiers, et, se il ne voloient faire l’une

pareçon ne l’autre, il renvoiassent leurs ostages, [car]

30il y estoient tenu.

Li hiraus se parti de rechief de ses mestres et

chevauça tant que il vint devers le connestable, qui

[145] 145 tantost le recogneut et qui li demanda de ses maistres

quels nouvelles: «Sire, se vous mandent ensi par

moy mi signeur et mestre, et dient que ce sont gent

de mer qui n’ont nulz de leurs chevaus et qui mies

5ne sont uset d’aler trop lonch à piet: si venés vers

yaus, ou envoiiés leur vos chevaus, et il venront

droit chi, et, se ce ne volés faire, si leur renvoiiés

leurs hostages, car il dient que en avant vous n’avés

nulle cause dou tenir.» Quant li connestables oy

10ceste parolle, si en respondi tantost, et dist: «Hiraus,

nostre cheval nous besongnent, ce n’est pas tant que

à yaus requeste raisonnable, et puis que il ne voelent

traire avant et qu’il s’escusent que ce sont gent de

mer, nous ne sommes pas ne ossi ne sont il ou lieu

15ne en le place où la journée fu trettie et pourparlée;

si leur dirés, quant vous retournerés vers yaus, que

nous leur ferons tant d’avantage que nous irons là

sus le place et ou propre lieu, et là viegnent, ensi

qu’il voelent, et il seront combatu.»

20Sus ceste response se departi li hiraus, et s’en revint

à Brest devers ses mestres et leur fist relation de

toutes les parolles que vous avés oyes, et sur ce il

eurent avis et conseil. Depuis ne demoura gaires de

temps que li connestables, li dus de Bourbon, li

25contes d’Alençon, li sires de Cliçon, li sires de Laval

et tout chil baron de France et de Bretagne, où bien

avoit quatre mil lances et quinse mil d’autres gens,

s’en vinrent à une journée priès de Brest où li Englès

estoient, et là s’arrestèrent et logièrent en moult fort

30lieu, et puis le segnefiièrent as Englès comment il

estoient là venu et sus le lieu droitement, ce disoient,

où li trettiés de chiaus de Brest avoit esté acordés,

[146] 146 et leur mandoient que, se li venoient là, il seroient

combatu, et, se ce ne faisoient, il avoient perdu

leurs hostages.

Quant li contes de Sallebrin et si compagnon

5entendirent ces nouvelles, si veirent bien que li

François y aloient soutieuement et qu’il n’avoient

nulle volenté d’yaus combatre. Si leur segnefiièrent

par leur hiraut, avoech le hiraut françois qui ces

parolles avoit aportées, que, se il voloient traire

10encores avant les deus pars de le voie, il se travilleroient

bien tant que tout à piet il iroient la tierce

part, et, se il ne voloient faire ceste pareçon, il

venissent à piet le moitié dou chemin, et il iroient

l’autre, et, se l’une ne l’autre ne voloient faire, il

15renvoiassent leurs hostages, car il n’avoient nulle

cause dou detenir, mais avoient par droit d’armes

bien fait leur devoir, et estoient en volenté dou faire

et tenir leur journée.

§ 736. Ensi alant et venant se demenèrent ces

20coses et se degastèrent; ne pour pareçon que li

Englès peuissent ne sceuissent faire, li François ne

veurent traire plus avant que vous avés oy. Quant li

Englès veirent ce, si rafreschirent le chastiel de Brest

de bonnes gens d’armes, de pourveances et d’arteillerie,

25et puis entrèrent en leur navie et se desancrèrent,

et prisent le mer par devers Saint Mahieu

de Fine Posterne; car devant Derval ne pooient il

nullement venir à toute lor navie, et à piet ossi il n’i

fuissent jamais alé. Avoech tout ce, messires Robers

30Canolles, qui dedens Derval se tenoit, leur avoit

escript que en riens il ne se travillassent pour lui et

[147] 147 qu’il se cheviroit bien tous seulz contre les François.

En ce propre jour et priès sus une heure que li

Englès partirent et rentrèrent en leurs vaissiaus, se

departirent ossi li Breton et li François dou lieu où

5il s’estoient arresté, et en menèrent les hostages de

Brest. Ensi se desrompi ceste assamblée, et s’en

vinrent li connestables et ses gens devant Derval

pour tenir leur journée. Mais messires Robers Canolles

leur manda bien que il n’avoient là que faire

10de sejourner pour cose que il deuissent avoir son

chastiel, ne il ne s’i avoient que faire d’attendre pour

trettié ne composition nulle qui faite en fust, car

nulle n’en tenroit, et le raison qu’il y mettoit, il

disoit que ses gens ne pooient faire nul trettié sans

15son sceu, et ce que fait en avoi[en]t estoit de nulle

vaille. Ces paroles esmervilloient bien le connestable,

le signeur de Cliçon et les barons de France et de

Bretagne, et disoient li plus sage et li plus usé

d’armes que la cose ne pooit estre ne demorer ensi,

20et que li trettiés que messires Hues Broe et ses frères

avoient fais, estoient bon. Si segnefiièrent tout cel

estat au duch d’Ango, qui se tenoit à Angiers, et la

cautele que messires Robers Canolles y avoit trouvé.

Adont li dessus nommés dus se departi d’Angiers à

25tout grant gent d’armes, et ne cessa de chevaucier si

fu venus devant Derval.

§ 737. Nous nos soufferons un petit à parler, car

la matère le requiert, dou duch d’Ango et dou siège

de Derval, et parlerons de monsigneur de Lancastre

30et dou duch de Bretagne, qui estoient arivet à Calais

à trois mil hommes d’armes et sis mil arciers et

[148] 148 bien deus mil d’autres gens. En celle route avoit largement

de purs Escos bien trois cens lances, qui

servoient le roy d’Engleterre pour ses deniers. De

toutes ces gens d’armes et de l’host estoit connestables

5messires Edouwars, li sires Despensiers, uns

des grans barons de toute Engleterre, friche, gentil

et vaillant chevalier et grant chapitainne de gent

d’armes, et l’avoit li rois d’Engleterre pourveu de cel

offisce; et estoient marescal de l’host li contes de

10Warvich et li contes de Sufforch. Là estoient des barons

d’Engleterre li contes de Stafort, li sires de

Persi, li sires de Ros, li sires de Basset, li sires

Latimiers, li sires de Boursier, li sires de la Poule, li

sires de Maune, li sires de Gobehem, filz au gentil

15signeur dont ceste hystore chi en devant fait bien

mention, messires Loeis de Cliffort, li sires de Ware,

messires Hues de Cavrelée, messires Gautiers Hues,

messires Guillaumez de Biaucamp, filz au conte de

Warvich, messires Guillaumes Helmen, messires

20Mahieus de Gournay, messires Thumas Fouke, li

sires de Walles, li sires de Willebi, messires li Chanonnes

de Robertsart et pluiseurs aultres bons chevaliers

que je ne puis mies tous nommer. Encores y

estoient des capitainnes messires Jehans de Montagut,

25messires Richars de Pontchardon, messires Symons

Burlé et messires Gautiers d’Evrues.

En ce temps estoit chapitains de le ville de Calais

messires Nicole Tamwore, et de Ghines, messires

Jehans de Harleston, et d’Arde, li sires de Gommegnies.

30Quant li dus de Lancastre et li dus de Bretagne

et chil signeur, et leurs gens, se furent rafreschi en le

ville de Calais, et toute leur ordenance fu preste, et

[149] 149 leurs charois cargiés, et leurs chevaus fierés, il se

partirent un merkedi au matin, banières desploiies,

et passèrent devant Ghines et Arde, et ossi devant le

chastiel de le Montoire, que Hondecourte, uns chevaliers

5de Pikardie, gardoit; mais li Englès ne s’i arrestèrent

onques pour assallir, ançois passèrent oultre et

s’en vinrent logier sus celle belle rivière qui keurt à

Hoske. Là se tinrent il une nuit, et comprendoit

leur host tout jusques à Bavelinghehen et jusques à

10l’abbeye de Likes. Quant ce vint au matin, il se departirent,

et puis se misent au chemin, et chevaucièrent

au dehors de Saint Omer.

En le ville de Saint Omer estoit li viscontes de

Miaus atout grant fuison de gens d’armes. Bien vinrent

15courir aucun Englès et une compagnie d’Escos

jusques as barrières, mais riens n’i fourfisent ne jamais

n’euissent fait, anchois en reportèrent leur cheval

des saiettes et des viretons des arbalestriers. Si

s’en vinrent li Englès logier celle seconde journée sus

20les mons de Horfaut, et à l’autre jour passèrent il

devant Tieruane, où li sires de Saintpi et li sires de

Brimeu et messires Lyonniaus d’Arainnes et li sires de

Pois, et bien deus cens lances de François estoient.

Si passèrent li Englès oultre sans riens fourfaire, et

25chevauçoient li Englès en trois batailles moult ordonneement,

et n’aloient le jour non plus de trois ou de

quatre liewes, et se logoient de haute nonne, et tous

les soirs se retrouvoient ensamble, et point ne se

desfouchoient, mais attendoient moult courtoisement

30l’un l’autre. La première bataille estoit des mareschaus,

la seconde des deus dus, dou duch de Lancastre

et dou duch de Bretagne; et puis cheminoit

[150] 150 tous li charois qui portoit [et menoit] toutes leurs

pourveances, et puis l’arrieregarde faisoit li connestables.

Et se joindoient toutes ces batailles ensamble,

ne nulle ne se desfoucoit ne issoit de son pas; ne ossi

5nuls chevaliers ne escuiers, tant fust appers ne bons

homs d’armes, n’osast courir ne faire issue de ses

compagnons, se il ne li fust commandé ou acordé

des chapitainnes de se route et par especial des

marescaus.

10Si tretost que li rois de France sceut que chil doi

duch et leurs gens estoient entré en son pays et

chevauçoient, il envoia caudement en Bretagne apriès

le connestable et le signeur de Cliçon et les bons

chevaliers et escuiers qui là se tenoient, que il s’en

15retournassent en France, car il les voloit grandement

ensonniier. Et par especial li rois remandoit le signeur

de Cliçon, le viscomte de Rohem, monsigneur

Jehan de Buel, messire Guillaume des Bordes et

monsigneur Loeis de Saint Juliien et aucuns chevaliers

20et escuiers [bretons], ables et legiers et bien travillans;

car il voloit faire poursievir les Englès. Et si

voloit bien li dis rois que messires Bertrans, ses

connestables, et li dus de Bourbon et li contes d’Alençon

demoraissent encores dalés son frère le duc

25d’Ango, tant que aucune fins se fust approcie de

chiaus de Derval.

Or avint entrues que cil qui mandé estoient dou

roy, misent le temps et les jours de retourner de Bretagne

en France, et d’avoir leur establissement et leur

30ordenance savoir où cascuns devoit aler, emploiièrent

aussi leur temps grandement li dus de Lancastre

et li dus de Bretagne et leurs gens d’entrer en France

[151] 151 et de courir le pays sis liewes de large à deus eles de

leur host pour plus largement trouver vivres et pourveances,

car il n’en prendoient nulles des leurs, mès

qu’il en peuissent recouvrer des nouvelles où que

5fust.

§ 738. Ensi passoient li Englès le pays, et furent

devant Aire, et escarmucièrent as barrières, et puis

retournèrent amont devers le conté de Saint Pol en

chevauçant en Artois. Si ardirent une partie dou

10pays le jone conte de Saint Pol, et furent devant le

ville de Dourlens, et y livrèrent grant assaut, et se

misent li dit Englès en grant painne pour le conquerre

et pour l’avoir, car il le sentoient riche de

l’avoir dou pays qui là estoit retrais et aportés, et si

15n’estoit pas, ce leur sambloit, tenable à tant de bonnes

gens d’armes qu’il estoient. On voelt bien dire et

maintenir que il l’euissent eu et conquis de force, se

n’euissent esté li gentil homme dou pays, qui là dedens

estoient retrait et qui avoient oy dire que il

20aroient l’assaut. Si passèrent li Englès oultre quant il

eurent là fait leur emprise, et chevaucièrent viers la

cité d’Arras, et vinrent li doy duch, as quels tout li

demorant obeïssoient, logier et s’arrestèrent en l’abbeye

dou Mont Saint Eloy, à deus liewes petites de le

25cité d’Arras. Là se reposèrent il et rafreschirent un

jour et deus nuis, et puis chevaucièrent oultre en

prendant le chemin de le rivière de Somme, et fisent

tant que il vinrent à Bray sus Somme. Là s’arrestèrent

il et misent en ordenance pour assallir, et l’approcièrent

30toutes gens, et y eut moult grant assaut, et

là fu li Chanonnes de Robertsart bons chevaliers, et

[152] 152 fist, en joustant à une porte as gens d’armes qui là

estoient, pluiseurs apertises d’armes. Et euist esté

pris et retenus uns siens escuiers, qui s’appelloit

Esporon, se il n’euist esté, car il fu abatus entre piés

5à l’entrée de le porte, et le tiroient ens li François

qui là estoient. Mais li dis Chanonnes, en joustant

de son glave et montés sus son coursier, recula tous

chiaus qui là estoient et rebouta en le ville, et en

abati ne sçai cinc ou sis.

10En le ville de Bray sur Somme avoit adont grant

garnison de chevaliers et d’escuiers de là environ, et

tout s’i estoient retrait, car bien sçavoient que c’estoit

li passages des Englès, ne onques ne passèrent en

France, que il ne tenissent che chemin. Toutesfois il

15ne conquisent riens adont à Bray.

Si prisent leur retour vers Saint Quentin, et entrèrent

en ce biau et ce plain pays de Vermendois. Se

fremissoient toutes gens devant yaus, et rançonnoient

villes et pays à non ardoir et à vivres, et cheminoient

20si petites journées que trois ou quatre liewes le jour.

De Saint Quentin estoit chapitains messires Guillaumes

des Bordes, et là le trouva li sires de Bousies,

qui s’en aloit à Ribeumont pour aidier à garder la

forterèce, car il y avoit part de par sa femme, la

25fille au signeur de Cin: se li pria que il li volsist delivrer

dis arbalestriers. Messires Guillaumes le fist volentiers.

Si issirent hors de le ville à le porte [que on

ouvry et] qui oevre vers Laon, et n’eurent point cheminet

deus liewes, quant il trouvèrent monsigneur

30Jehan de Buel qui s’en aloit à Laon pour estre chapitains

de le cité; là l’envoioit li dis rois de France. Si

se fisent grans recognissances chil chevalier, quant il

[153] 153 se trouvèrent, et parlementèrent sus les camps ensamble,

et entendi messires Jehans de Buel que li Englès

devoient passer ce jour dalés Ribeumont; si dist

que il iroit là avoech le signeur de Bousies. Si

5chevaucièrent encores avant. Sicomme il estoient à

demi liewe petite de Ribeumont, il trouvèrent les

mainnies et le harnas et charoy de monsigneur Hue

de Cavrelée. Si ferirent tantost à yaus en escriant

leurs cris, et les ruèrent jus et en occirent la grignour

10partie, et en menèrent le harnas dedens le ville de

Ribeumont. Là trouvèrent il le signeur de Chin, qui

tantost estoit venus par une aultre porte, et bien

soissante lances avoecques lui. Si se fisent grant samblant,

quant il se trouvèrent. Là estoit messires

15Jehans des Fosseus, li sires de Soize, li sires de Clari et

pluiseur chevalier et escuier de celle marce et de sus

le rivière d’Oize, et tout s’estoient trait à Ribeumont,

car il avoient entendu que li Englès devoient passer

par là.

20§ 739. Ensi que cil chevalier et escuier de Pikardie

se tenoient là sus le [païs et le] place et devant leurs

hosteuls en le ville de Ribeumont, nouvelles leur

viennent de le gaite dou chastiel, que une route

d’Englès approçoient, où bien pooient estre environ

25cent bachinet, et y avoit quatre pennons. Si tretost

que chil chevalier et escuier sceurent ce, il montèrent

as chevaus et prisent leurs targes et leurs lances,

et fisent ouvrir la porte et la barrière, et s’en vinrent

au cours des esporons en une gaskière nouvellement

30arée dou binoir, où chil Englès estoient arresté. Là

vinrent chil François à chevauçant, le banière le

[154] 154 signeur de Chin tout devant et trois ou quatre pennons

qu’il avoient tous desvolepés, en escriant leurs

cris, et se plantèrent en ces Englès, qui s’ouvrirent

tout, quant li François vinrent, et les laissièrent passer

5tout oultre, et puis se remisent ensamble de

bonne façon. Si commença la bataille de deus cens

hommes ou environ, forte et dure et bien combatue,

et y eut fait pluiseurs grans apertises d’armes

d’un lés et de l’autre. Là estoit li sires de Chin, qui

10s’appelloit messires Gilles, uns fors et durs chevaliers

et bons homs d’armes, qui mies ne s’espargnoit,

et tenoit une mace à manière d’une plommée, dont

il servoit ces Englès les horions si grans sus leurs bachinès,

que cilz estoit moult fors et moult durs que

15il ne ruoit par terre. Ossi li plus fors de l’estour estoit

tous sur lui, et y prist et rechut tamaint pesant horion,

et fu abatus ce jour entre piés; mès uns siens filz

bastars li fist un grant service, car il le releva et

mist par deus fois à cheval. Finablement li François

20obtinrent le place, et furent li Englès qui là estoient

tout mort ou pris; petit s’en sauvèrent. Et rentrèrent

li chevalier et li escuier dedens Ribeumont, et là

amenèrent leurs prisonniers. Ce fu environ heure de

remontière, et tantost à heure de vespres, li doi duch

25et leur grandes routes furent tout rengiet devant

Ribeumont. Si estoient moult couroucié li Englès de

ce que on avoit combatu leurs compagnons, mors et

pris, et point n’i avoient esté. A l’endemain au matin

il passèrent oultre sans plus riens faire, et prisent le

30chemin de Laon. Quant cil de Ribeumont veirent

qu’il passoient oultre et que point n’aroient d’assaut,

si vuidièrent par une porte, et chevaucièrent à le

[155] 155 couverte, hors dou chemin des Englès, messires

Jehans de Buel et se route, et messires Gerars de

Lore et li sires de Soize et pluiseur compagnon de le

marce qui, au rencontre desous Ribeumont avoient

5esté, et fisent tant que il vinrent sus le mont de Laon,

où il furent receus à grant joie.

§ 740. Li dus de Lancastre et li dus de Bretagne et

leurs routes s’en vinrent logier à Vaus desous Laon,

et s’i tinrent trois jours et s’i rafreschirent, yaus et

10leurs chevaus, car il trouvèrent le marche grasse et

plainne de tous vivres, car il estoit en temps de vendenges,

et si rançonnoient le pays et gros villages à

non ardoir, parmi vins et sas de pain et bues et moutons,

que on leur aportoit et amenoit en leur host.

15A ce que li Englès moustroient, il ne desiroient aultre

cose que il peuissent avoir la bataille; mais li rois

de France, qui doubtoit les fortunes, ne s’i voloit

nullement assentir ne acorder que ses gens se combatissent:

se les faisoit il costiier et [le plus qu’on

20pouoit] heriier de cinc cens ou de sis cens lances,

qui tenoient les Englès si cours et en tel doubte que

il ne s’osoient desfoukier. En le cité et sus le mont

de Laon avoit bien trois cens lances de Bretons et de

François, qui veoient les Englès desous yaus à Vaus;

25mais onques de soir, de nuit ne de matin, ne les

resvillièrent. Si se deslogièrent li duch et leurs gens,

et prisent le chemin de Soissons, car il s[ie]voient

toutdis les rivières et le plus cras pays. Li sires de

Clichon, li sires de Laval, li viscontes de Rohem, li

30viscontes de Miaus, messires Raoulz de Couci, messires

Raoulz de Rainneval, messires Jehans de Viane,

[156] 156 messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bordes,

li sires d’Antoing, li sires de Hangest et bien quatre

cens lances de bonnes gens les poursievoient toutdis

sus costière, ensi qu’il aloient, et chevauçoient, tel

5fois estoit, sus ele si priès l’un de l’autre que il se

fuissent bien trouvé et rencontré, se il volsissent, et

parloient à le fois l’un à l’autre. Dont il avint que

messires Henris de Persi, uns des grans barons d’Engleterre,

chevauçoit les camps avoecques se route,

10et messires Guillaumes des Bordes et messires Jehans

de Buel faisoient une aultre route, et tenoit cascuns

son chemin sans point issir dou froais. Là dist messires

Henris de Persi, qui chevauçoit un biau coursier,

en regardant sus senestre, à monsigneur Aymeri

15de Namur, fil au conte: «Il fait biau voler: que ne

volés vous, quant vous avés eles?»—«Sire de Persi,

sire de Persi, dist messires Aymeris, qui un petit issi

de son conroy en fretillant son coursier, vous dittes

voir; li volz est biaus à vous et, se j’en ere creus,

20nous voleriens jusques à là.»—«Par Dieu, Aymeri,

je t’en croy bien; or esmues tes compagnons au

voler: si y ara bon gibier.» Ensi en bourdant, chevauça

li sires de Persi une espasse de temps, costiant

les François, et li plus prochains de lui à qui il parloit,

25c’estoit messires Aymeris, li bastars de Namur,

un moult friche et gentil chevalier et bon homme

d’armes. Trop souvent le jour se fuissent trouvet

François et Englès, et rencontré sus les camps, se il

volsissent, mais et li un et li aultre chevauçoient sagement.

30Si fu en ce voiage la terre dou signeur de

Couci toute deportée, ne on n’i fourfist onques riens,

car li gentilz sires de Couci estoit hors dou pays et se

[157] 157 dissimuloit de ceste guerre pour la cause de sa

femme, ma dame Ysabiel, fille au roy d’Engleterre. Si

estoit escusés de l’une partie et de l’autre.

§ 741. En ce voiage et en le marce de Soissons,

5assés priès d’un village que on dist Ouci, mescheï il

trop grandement à l’un des bons chevaliers de toute

la route dou duch de Lancastre et qui le plus s’estoit

trouvés en devant en grosses besongnes d’armes

et durs rencontres, monsigneur Gautier Huet. Car

10une nuit il avoit fait le gait en lor host, siques sus le

jour, ensi qu’il est d’usage, il s’estoit retrais en son

logeis et se desarmoit pour un petit reposer. Ce propre

matin, messires Jehans de Viane, messires Jehans

de Buel, li viscontes de Miaus et bien sis vint lances

15de François vinrent escarmucier l’ost à l’un des lés

où li gais avoit esté, ensi comme en rifflant oultre

sans arrester. Messires Gautier Hues oy ces nouvelles,

ensi que on li ostoit ses cauces d’achier, et

estoit ja demi desarmés. Il eut si grant quoite, et si

20fretilleusement monta à cheval, qu’il n’estoit vestis

que de une sengle cote de fier, et n’eut mies loisir

de prendre ses plates; mès, la targe au col et la

lance ou poing, s’en vint en cel estat à l’escarmuce.

Evous un chevalier de France qui s’appelloit messires

25Jehans del Mans, hardi et vaillant chevalier,

durement armés de toutes pièces, bien fort monté,

le targe au col et la lance ou poing, qui avise monsigneur

Gautier Huet, et broche cheval des esporons,

et s’en vient sur lui et le fiert de son glave si roidement

30que les armeures que il avoit, ce n’estoient

mies gramment, ne li vallirent onques riens, mais li

[158] 158 fist passer son glave tout oultre le corps et l’abati là à

terre navré à mort. Quant ses gens veirent ce, si

furent trop desconfi, et, à ce que je oy dire, son pennon

le sievoit tout envolepé, mais onques ne fu desvolepés.

5Là eurent li François celle matinée pour

yaus et des bons prisonniers, et s’en partirent sans

damage. Trop furent li doi duch, [li baron et li chevalier

d’Engleterre] couroucié de la mort à monsigneur

Gautier Huet; mais amender ne le peurent

10tant que à ceste fois. Si chevaucièrent de puis

mieulz ensamble et plus sagement, en cheminant

vers la cité de Rains et sus la rivière de Marne.

§ 742. Nous retourrons à parler dou duch d’Ango

et dou connestable de France, qui se tenoient en ce

15temps devant Derval en Bretagne, et de monsigneur

Robert Canolles, et vous compterons comment ne par

quele cause cilz sièges se desfist. Li dus d’Ango, li

dus de Bourbon, li connestables de France et tout li

signeur qui là estoient, tenoient le chastiel de Derval

20à avoir acquis pour yaus par deus raisons. La première

estoit que messires Hues Broe et ses frères

avoient juret et seelet et prommis, et de ce livret

ostages, chevaliers et escuiers, que il ne devoient ne

pooient nullui recueillier en leur forterèce, qui ne

25fust ossi fors comme il estoi[en]t. La seconde raison

estoit que dedens quarante jours il devoient rendre

le chastiel de Derval as signeurs de France, se li Englès

ne venoient là en le place si fors que pour yaus

combatre et lever le siège, des queles coses il estoient

30tout en deffaute. Messires Robers Canolles s’escusoit

et mettoit toutdis avant que ses gens ne pooient faire

[159] 159 nulz trettiés sans son accord, et que tout li trettiet

qu’il avoient fait, estoient de nulle vaille; ne de lui

on ne pooit estraire aultre response. Et mandoit bien

[au duch d’Ango et] au connestable que il n’avoient

5que faire de là sejourner pour son chastiel, car ja,

tant qu’il viveroit, n’en seroi[en]t en saisine. Li dus

d’Ango de ces responces estoit tous merancolieus. Si

s’avisa une fois que il asseeroit monsigneur Robert

par une aultre voie, et li manda bien acertes que, se

10il ne li rendoit le chastiel, ensi que drois et raisons

le voloient, il fust tous seurs qu’il feroit mourir ses

ostages. Messires Robers li remanda, ensi que bien

estoit en se poissance, de faire ensi tout ce qu’il

disoit, mais il fust segurs que, se il les faisoit morir,

15il avoit laiens en son chastiel des bons chevaliers

françois prisonniers, des quelz il pooit avoir grans

raençons, mais il les feroit morir ossi.

Ceste response prist li dus d’Ango en si grant despit

que, sans point d’attente, il manda les ostages

20qui issu de Derval estoient, deus chevaliers et deus

escuiers, bien gentilz hommes, et les fist mener dou

plus priès dou chastiel qu’il peut, et là furent decolé;

ne pour priière ne pour parolle que aucun baron

de l’host peuissent ne sceuissent faire, il n’en furent

25point deporté. Quant messires Robers Canolles, qui

estoit amont as fenestres de son chastiel, vei ce, si fu

ensi que tous foursenés, et fist incontinent une longe

table lancier hors des fenestres, et là amener trois

chevaliers et un escuier, que il tenoit prisonniers,

30dont il avoit refusé dis mil frans: si les fist monter

sus celle table l’un apriès l’autre, et par un ribaut

coper les tiestes et reverser ens es fossés les corps

[160] 160 d’un lés et les tiestes d’autre. De quoi vraiement,

tout considéré, ce fu grans pités que, pour l’oppinion

d’yaus deus, huit gentil homme furent ensi mort. Et

depuis en furent moult courechiet et li une partie et

5li aultre.

§ 743. Assés tost apriès celle herredie et ce cruel

fait acompli, de quoi toutes manières de bonnes gens,

qui parler en oïrent, eurent pité et compassion, li

signeur se partirent, et se desfist li sièges de devant

10Derval, et se traisent devers France toutes manières

de gens d’armes avoecques le duch d’Ango et le connestable,

car il avoient entendu que li dus de Lancastre

et li dus Jehans de Bretagne y chevauçoient

efforciement et estoient ja sus le rivière de Marne.

15Si esploitièrent tant les chapitainnes que il vinrent

à Paris devers le roy, qui les rechut à grant

joie; et fu par especial durement resjoïs de la venue

dou connestable, car il avoit en lui très grant

fiance.

20En ce temps estoit retournés à Paris li sires de Cliçon,

car li rois l’avoit mandé pour avoir colation devant

lui, present ses frères, qui tout troi estoient venu

à Paris et le connestable, sus l’estat des Englès, et se

on les combateroit ou non; car pluiseur baron et

25chevalier dou royaume de France et consaulz des

bonnes villes murmuroient l’un à l’autre et disoient en

puble que c’estoit grans inconveniens et grans vitupères

pour les nobles dou royaume de France, où tant

[a de] baron, chevalier et escuier dont la poissance

30est si renommée, quant il laissoient ensi passer les

Englès à leur [aise], et point n’estoient combatu, et

[161] 161 que de ce blasme il estoient vituperé par tout le

monde.

§ 744. Quant tout chil signeur li plus especial

dou conseil le roy furent assamblé, il se misent en

5une cambre, et là ouvri li rois sa parolle sus l’estat

dessus dit, et pria moult douchement que il en fust

loyaument consilliés, et volt oïr de cascun l’entente

au tour et quele raison il y mettoit dou combatre

ou non combatre. Premierement li connestables en

10fu requis dou dire et demandés que il en vosist dire

à son avis le milleur qui en estoit à faire, pour tant

que il avoit estet le plus en grosses besongnes et

petites arrestées contre les Englès. Moult longement

s’escusa et n’en voloit respondre, si aroient si signeur

15qui là estoient, parlé: li dus d’Ango, li dus de

Berri, li dus de Bourgongne et li contes d’Alençon.

Non obstant ses escusances, il fu tant pressés que il

le couvint parler. Si parla par l’amendement d’yaus

tous, ensi que bien sceut dire ou commencement de

20son langage, et dist au roy: «Sire, tout chil qui

parollent des Englès combatre, ne regardent mies le

peril où il en poeent venir, non que je die nullement

que il ne soient combatu, mais je voeil que

ce soit à nostre avantage, ensi que bien le scevent

25prendre, quant il leur touche; et l’ont pluiseurs fois

eu à Creci, à Poitiers, en Gascongne, en Bretagne,

en Bourgongne, en France, en Pikardie et en Normendie,

les queles victores ont trop grandement

adamagié vostre royaume et les nobles qui y sont;

30et les ont tant enorgueillis que il ne prisent ne

amirent nulle nation fors la leur, par les grans raençons

[162] 162 que il en ont pris et eus, de quoi il sont enrichi

et enhardi. Et veci mon compagnon le signeur de

Cliçon, qui plus naturelment en poroit parler que je

ne face, car il a esté avoech yaus nourris d’enfance:

5si cognoist trop mieulz les conditions et leurs

manières que nulz de nous. Si li pri, et ce soit vostre

plaisir, chiers sires, que il me voeille aidier à parfurnir

ma parolle.» Adont regarda li rois de France

sus le signeur de Cliçon, et li pria droitement en

10en grant amour, pour mieulz complaire à monsigneur

Bertran, que il en vosist dire sen entente. Li

sires de Cliçon ne fu mies esbahis de parler, et

dist que il le feroit volentiers, et porta grant couleur

au connestable, en disant que il consilloit bien le

15roy et moult loyaument, et tantost i mist raison

pour quoi: «A Dieu le veu, mi signeur, Englès sont

si grant d’eulz meismes et ont eu tant de belles journées,

que il leur est avis que il ne poeent perdre;

et en bataille ce sont les plus confortées gens dou

20monde; car, com plus voient grant effusion de

sanch, soit des leurs ou de leurs ennemis, tant sont

il plus chaut et plus arresté de combatre, et dient

que ja ceste fortune ne morra tant que leurs rois

vive, sique, tout consideré, de mon petit advis, je ne

25conseille pas que on les combate, se il ne sont pris

à meschief, ensi que on doit prendre son ennemi.

Je regarde que les besongnes dou royaume de France

sont maintenant en grant estat, et que ce que li Englès

y ont tenu par soutieuement guerriier, il l’ont

30perdu. Dont, chiers sires, se vous avés eu boin conseil

et creu, si le creés encores.»—«Par ma foy,

dist li rois, sires de Cliçon, je n’en pense ja à issir,

[163] 163 ne à mettre ma chevalerie et mon royaume en peril

d’estre perdu pour un pan de plat pays, et de chi

en avant je vous recarge avoech mon connestable

tout le fais de mon royaume, car vostre opinion me

5samble bonne. Et vous, qu’en dittes, mon frere

d’Ango?»—«Par ma foy, respondi li dus d’Ango,

qui vous consilleroit autrement, il ne le feroit pas

loyaument. Nous guerrierons tous jours les Englès,

ensi que nous avons commenchié; quant il nous

10cuideront trouver en l’une partie dou royaume, nous

serons à l’autre, et leur torrons tous jours à nostre

avantage ce petit que il y tiennent. Je pense si bien

à esploitier parmi l’ayde de ces deus compagnons

que je voi là, que ens es marches d’Aquitainnes et

15de le Haute Gascogne dedens brief terme on pora

bien compter ce qu’il y tenront, à peu de cose.»

De ces parolles fu li rois tous resjoïs, et demorèrent

sus cel estat à non combatre les Englès, fors par

le manière que il y ont devisé.

20Apriès ce conseil, se departirent dou roy et de

Paris li connestables, messires Oliviers et bien cinc

cens lances, et chevaucièrent vers Troies, car li Englès

aloient che chemin, et avoient passé et rapassé

à leur aise la rivière de Marne; et quant il trouvoient

25un pont desfait sur quelque rivière que fust,

il avoient avoecques yaus ouvriers et carpentiers,

qui tantost en avoient un ouvré et carpenté, mès

que il euissent le bois, et oïl on lor amenoit devant

yaus, car il avoient gens de tous offices amenés

30avoech yaus d’Engleterre. Si furent li doi duch et

leurs routes devant le ville de Vertus et devant Espernay,

et rançonnèrent à vivres tout che pays de là

[164] 164 environ, et trouvèrent grant pillage et grant pourfit

sus celle bielle rivière de Marne, dont il estoient tout

signeur et mestre, car nulz ne leur aloit au devant.

Si montèrent tout contremont vers Chaalons en Campagne,

5mais point ne l’approcièrent de trop priès,

et prisent le chemin de Troies. En le cité de Troies

estoient ja venu li dus de Bourgongne, li dus de

Bourbon, li connestables, li sires de Cliçon et leurs

routes, où bien avoient douse cens lances. Si se tenoient

10là en garnison, en attendant les Englès, qui

ardoient et destruisoient tout le pays d’environ.

§ 745. En ce temps se fist la delivrance dou conte

[Jehan] de Pennebruch, qui estoit ens es dangiers et

en le prison dou roy Henri de Castille, li quels fu pris

15sus mer devant le Rocelle, ensi que vous avés oy

recorder, et la quele delivrance se fist par le moiien

tel que je vous dirai. Messires Bertrans de Claiekin,

connestables de France, tenoit une terre en Chastille

dou don le roy Henri, en recompensant les biaus

20services qu’il li avoit fais, la quele terre est appelée

Surie et valoit par an au dit connestable bien dis

mil frans, siques il fu trettiet que messires Bertrans

rendi au roy Henri la ditte terre de Surie pour le

corps dou conte de Pennebruch; et li contes se

25rançonna envers le connestable à sis vint mil frans

et paiier tout à une fois; et en finèrent li Lombart

de Bruges. Or furent chil trettié et chil marchié

trop sagement fait et demené des gens le dit conte,

ensi qu’il apparu: vous orés comment. Il ne devoient

30riens paiier, si aroient les gens le connestable remis

le corps dou conte sain et sauf, sans nul peril, en le

[165] 165 ville de Calais. Si se departi li dis contes sus cel

estat d’Espagne, et passa parmi Navare et entra ou

royaume de France, et chevauça avoech ses gens

tout parmi, sus le conduit dou connestable. Si avint

5que, en chevauçant et cheminant, une très grant

maladie le prist, mès toutdis aloit avant, et le couvenoit

porter en littière. Tant ala, et [si] la maladie

le demena que il le couvint arester et alitter en le

cité d’Arras, et là morut. Ensi perdi messires Bertrans

10son prisonnier et sa raençon, et li hoir dou

conte et si plège en furent quitte.

En ce temps se refist uns aultres trettiés et pareçons

de terre et d’un prisonnier, ce gentil chevalier,

monsigneur Guichart d’Angle, entre le roy Henri

15dessus nommé et monsigneur Olivier de Mauni,

neveu dou connestable de France. Li rois d’Espagne

avoit donné au dit monsigneur Olivier une terre en

Castille, que on appelloit Grette, qui bien valoit

quatre mil frans par an. Cilz messires Oliviers estoit

20à marier; si avisa en France un moult hault et biel

mariage pour lui, en Pikardie, de la fille au signeur

de Roie, de qui li pères estoit prisonniers et en grans

dangiers en Engleterre devers le roy. Messires Oliviers

fist trettier devers le linage dou signeur de Roie

25comment il poroit avoir sa fille. On li respondi que,

se il pooit tant faire par moiiens, que il delivrast le

signeur de Roie, il aroit la fille qui estoit taillie de

tenir trois mil frans par an de revenue, car li pères

estoit mais uns vieus chevaliers. Adont messires

30Oliviers de Mauni esploita sus cel estat et mist gens

en oevre, et fu demandé au roy d’Engleterre le quel

des prisonniers qui estoient en Espagne il avoit plus

[166] 166 chier à donner et veoir sa delivrance, pour le baron

de Roie, ou monsigneur Guichart d’Angle, ou monsigneur

Othe de Grantson. Li rois d’Engleterre respondi

que il s’enclinoit plus à monsigneur Guichart

5d’Angle que à monsigneur Othe. Quant on sceut sen

intention, messires Oliviers de Mauni fist trettier

devers le roy Henri, et rendi celle terre de Grette que

il tenoit, pour monsigneur Guichart et Guillaume,

son neveu. Et tantost se fist li escanges dou baron

de Roie pour ces deus. Si revint li sires de Roie en

10France, et messires Oliviers de Mauni espousa sa

fille, et puis tint toute la terre le signeur de Roie, car

il ne vesqui mies puis longement. Et messires Guichars

et ses neveus furent delivré, et ralèrent en Engleterre,

où il furent liement receu; et retint li rois de

15son conseil et dalés lui monsigneur Guichart, li quelz

renonça à tout ce que il tenoit en Poito, et remanda

sa femme et ses enfans et les fist passer mer et venir

en Engleterre. Avoech la renontiation il remercia

grandement le duch de Berri de ce que il avoit tenu

20sa femme et sa terre en pais, le temps qu’il avoit esté

prisonniers en Castille.

§ 746. En ce temps s’avisa li papes Grigores XIez

qui se tenoit en Avignon, par le promotion d’aucuns

25cardinaulz, que il envoieroit deus prelas, souffisans

hommes et bons clers, en legation en France pour

trettier pais, acord ou respit entre les parties de

France et d’Engleterre. Si furent esleu et ordonné li

archevesques de Ravane et li evesques de Carpentras

30de faire ce voiage, li quel tantost se departirent d’Avignon

en grant arroi, et chevaucièrent par mi France,

[167] 167 et esploitièrent tant qu’il vinrent à Paris où benignement

il furent recheu dou roy de France et dou

duch d’Ango. Si leur remoustrèrent sus quel estat il

estoient parti d’Avignon, et là envoiiet dou pape et

5dou Saint Collège. Li rois et li dus d’Ango entendirent

à leurs parolles volentiers et consentirent

assés que il chevauçassent vers les Englès, le duch

de Lancastre et le duch de Bretagne, par quoi il

sceuissent de leur entente aucune cose; et leur fu dit

10encore que à Troies en Champaigne, il trouveroient

le connestable et le signeur de Cliçon, qui estoient

recargié dou fait des guerre[s], et as quelz il en apertenoit

à parler.

Adont cil doi legal de rechief montèrent à cheval,

15[et toutes leurs routes], et chevaucièrent viers Troies.

Si esploitièrent tant qu’il y parvinrent, et là trouvèrent

le duch de Bourgongne, le duch de Bourbon, le

connestable et fuison de grans signeurs, des quelz il

furent li bien venu, et remoustrèrent as deus, au

20connestable et au signeur de Cliçon, pour quoi il estoient

là venu et qui les y avoit envoiiés. Chi[l] doi

signeur respondirent que dou tout à yaus n’en apertenoit

mies, et que otant en touchoit il as Englès de

leur partie, comme il faisoit à yaus, mais volentiers,

25puis que il plaisoit au roy de France et que nos

Sains Pères le mandoit, il y entenderoient. Ensi se

tinrent li doi legal en le cité de Troies trois jours,

tant que li dus de Lancastre et li dus de Bretagne et

li Englès furent venu devant Troies, et là se logièrent

30sus celle rivière de Sainne bien et faiticement. Et

vinrent li doi marescal escarmucier as barrières as

gens d’armes qui là estoient, et courir devant les

[168] 168 portes; et à le porte de Bourgongne revint li connestables,

li sires Despensiers, faire ossi sen envaye, et

descendi à piet devant les barrières, et vint main à

main combatre as chevaliers qui là estoient; et y fu

5li sires Despensiers très bons chevaliers, et y fist

pluiseurs apertises d’armes. Entrues que li doy duch

estoient là arresté et qu’il laissoient leurs gens couvenir

d’escarmucier et de courir le pays d’environ

Troies, issirent li doi legal, et vinrent en leurs tentes

10remoustrer as dus, le duch de Lancastre et le duc de

Bretagne, pour quoi il estoient là venu et qui les y

avoit envoiiés. Et commenchièrent si courtoisement

à entamer leurs trettiés, que li langages en plaisoit

grandement as dessus dis, comment qu’il n’en peuissent

15riens faire et que à yaus riens n’en apertenoit,

et je vous dirai la raison pour quoi.

§ 747. Li rois d’Engleterre et ses consaulz ont

toutdis eu cel usage, et encor le tiennent que, quant

il ont envoiiet et mis hors gens d’armes de leur pays

20pour entrer en France principaument, on les rechargoit

as chapitainnes, fuissent enfant dou roy, cousin

ou baron d’Engleterre ou d’aultre pays, puis que

ensonniier les voloient d’un si grant fais que livrer

gens d’armes et archiers pour faire leur voiage, et ches

25chapitainnes, quelz qu’il fuissent, il traioient à part à

conseil, et leur faisoient solennelment jurer trois coses,

et font encores, les quelz sieremens, sus estre deshonnouré,

il n’oseroient enfraindre. [Le premier], c’est

que le voiage qui leur est cargiés, il le trairont à

30chief à leur loyal pooir; secondement que cose qu’il

aient à faire ne secré que on leur ait dit, il ne

[169] 169 reveleront à homme dou monde fors à yaus meismes;

tiercement, que il se maintenront si bellement et si

quoiement, qu’il ne feront rumeur nulle, entre

yaus quelconques, siques, à ce pourpos li doy duch

5dessus nommé, qui chapitainne et gouvreneur estoient

de toutes ces gens d’armes, et qui, au partir

d’Engleterre, avoient juret ensi que li aultre font et

ont fait dou temps passet, et qui sçavoient bien où

il estoient cargiet d’aler, ne pooient respondre à ces

10trettiés que chil doy legal proposoient, li archevesques

de Ravane et li evesques de Carpentras, fors

couvertement, ne point en leur poissance n’estoit,

jusques à tant qu’il euissent trait à chief leur emprise,

de donner ne de accepter triewes ne respit, ne

15d’entendre à nulle pais quelconques. Ossi il n’en estoient

mies en volenté, mais se dissimuloient envers

les legaus moult sagement, et toutdis aloient avant

sus le royaume, et ardoient villes, maisons et petis

fors, et pilloient et rançonnoient gens, abbeyes et

20pays; ne onques, pour trettiet qui proposet y fuissent,

leur voiage faisant, il ne s’en desrieulèrent de

riens, mais chevauchièrent toutdis en bonne ordenance

et en bon arroi par mi le royaume de France.

Ossi il estoient sagement poursivi dou connestable

25de France, dou signeur de Cliçon, dou visconte de

Rohem, dou visconte de Miaus et de plus de mil

lances, chevaliers et escuiers, tous à election, des

milleurs dou royaume de France et les plus soubtilz

de guerre, qui les tenoient si cours qu’il ne s’osoient

30desfouchier; car, se li baron de France et de Bretagne

y euissent point veu de leur avantage au combattre

ou par trop esparsement logier ou chevaucier,

[170] 170 il ne les euissent ja en riens espargniés pour cose

que li legal fuissent là, qui toutdis aloient de l’un à

l’autre, pour veoir se il trouveroient nul moiien; mès

nennil, car onques gens n’alèrent mieulz ensamble

5qu’il fisent, ne par plus sage ordenance.

§ 748. Ensi chevaucièrent li dus de Lancastre et li

dus de Bretagne parmi le royaume de France et menèrent

leurs gens, ne onques ne trouvèrent à qui

parler par manière de bataille; si ne demandoient il

10aultre cose; et envoioient souvent leurs hiraus devers

les signeurs qui les poursievoient, en requerant

bataille et en donnant et faisant pluiseurs pareçons,

mès onques li François n’en veurent riens accepter,

ne election ne pareçon, que li Englès leur

15feissent, ne peut venir à effect. Mais il les costioient

une heure à diestre, l’autre à seniestre, ensi que les

rivières s’adonnoient; et se logoient priès que tous

les soirs ens es fors et en es bonnes villes, où il se

tenoient tout aise, et li Englès as camps, qui eurent

20pluiseurs disettes de vivres et en l’ivier des grans

froidures; car en Limozin, en Roerge et en Aginois

il trouvèrent moult povre pays, et n’i avoit si grant

ne si joli de leur route qui dedens cinc jours ou sis

mengassent point de pain. Bien souvent ce leur avint

25de puis qu’il furent entré en Auvergne; car il estoient

poursievi, sus le fin de leur chevaucie, de plus de

trois mil lances; si n’osoient aler fourer, fors tout

ensamble. Toutes fois en che meschief, il passèrent

toutes les rivières qui sont courans oultre le Sainne

30jusques à Bourdiaus, le Loire, Aillier, le Dourdonne

et Garone et pluiseurs aultres grosses rivières qui

[171] 171 descendent des montagnes en Auvergne. Mais de

leur charoi, qui en voelt oïr nouvelles, je le vous

dirai: il n’en peurent pas la tierche part remettre en

le cité de Bourdiaus, tant par les chevaus qui leur

5faillirent, que pour les destrois des montagnes où il

ne pooient passer. Et si leur morurent pluiseur chevalier

et escuier des froidures et des povretés qu’il prisent

en l’ivier sus le chemin, car il fu li Noëlz passés

ançois que il rentrassent en le cité de Bourdiaus, et

10en y eut encores des bons chevaliers, qui y conchurent

des maladies, de quoi il morurent de puis, et

par especial li connestables de lor ost, li sires Despensiers,

qui fu moult plains et moult regretés de

tous ses amis, car che fu uns gentilz coers et vaillans

15chevaliers, larges et courtois: Diex li face bonne

merchi!

CHAPITRE CI CHAPITRE CI

§ 749. Ensi fu traitte ceste grant chevaucie à chief,

et rentra ossi en le cité de Thoulouse auques en ce

temps li dus d’Ango et li connestables de France avoecques

20lui. Dont se departirent toutes gens d’armes,

mais li dus d’Ango à leur departement disoit à chiés

des signeurs, que tantost à le Paske il retournaissent

devers lui, car il voloit faire se chevaucie moult grande

et moult estoffée, ossi bien que li dus de Lancastre avoit

25fait la sienne en le Haute Gascongne, et tout li avoient

en couvent que il feroient ce qu’il li plairoit. Si se tinrent

li doi legal dalés lui et dalés le connestable, qui

souvent aloient de l’un à l’autre en istance de ce que

volentiers il euissent amenet ces parties à ce que

30acors [ou respis] se fust pris entre les François et les

Englès, et n’avoient point trouvet, en devant ce que

[172] 172 il fust venus à Bourdiaus, le duch de Lancastre en si

bon parti pour y entendre, qu’il le trouvèrent. Mais

de premiers, quant li legal vinrent devers lui à Bourdiaus,

il s’escusa moult bellement que il n’i pooit

5encores entendre, ne donner response où on se peuist

en riens confiier, jusques à tant que il aroit tout l’estat

segnefiiet à son signeur de père. Si ne furent mies

ces coses si tost faites; mais tout l’ivier et le quaresme

et jusques au may, li dus d’Ango fist faire ses pourveances

10grandes et grosses, et dist que il voloit aler

en le Haute Gascongne veoir aucuns rebelles à lui qui

estoient des arrierefiés de Gascongne et qui ne voloient

obeïr au roy de France; ossi n’avoient il fait

au prince de Galles. Et fu li princes, dou temps qu’il

15se tenoit en Acquitainnes, trop de fois temptés pour

faire à ces signeurs de le Haute Gascongne guerre,

et l’euist fait, la saison que il ala en Espagne, se li

voiages ne li euist brisiet; et de puis de plus en plus

il eut tant à faire que il n’i peut entendre. Et voloit

20li contes de Fois ses gens porter et tenir frans, et

disoit que li drois en apertenoit à lui, non au roy de

France ne au roy d’Engleterre.

§ 750. Tantost apriès Paskes revinrent devers le

duch d’Ango toutes manières de gens d’armes de

25France, de Bourgongne, de Bretagne, d’Ango, de

Poito et du Mainne, et estoit li mandemens dou duch

assignés en le ville et en le cité de Pieregorch. Si vinrent

là tout cil qui mandé et escript en furent, et

par especial il y eut bien mil lances de purs Bretons.

30Quant il furent tout assamblé, il se trouvèrent dis

mil hommes d’armes et trente mil de piet sans les

[173] 173 Genevois arbalestriers, où il avoit bien mil et cinc

cens. Là estoient avoech le duch li connestables de

France, li sires de Cliçon, li viscontes de Rohem, li

sires de Laval, li sires de Biaumanoir, messires Jehans

5d’Ermignac, li contes de Pieregorch, li contes de

Commignes, li sires de Labreth, li viscontes de Quarmaing,

li contes de Laille, li dauffins d’Auvergne, li

sires de la Barde, messires Bertrans de Taride et tant

de grans signeurs que jamais ne les aroie tous nommés.

10Et quant il se departirent de Pieregorch, il chevaucièrent

en grant arroi et poissant, et trambloient

toutes gens devant yaus, et disoit on communement

par toute Gascongne, que li dus d’Ango aloit mettre

le siège devant Baione. Si vinrent tout premierement

15devant une ville que on claime Saint Silvier: si

en est uns abbes sires. Si s’arrestèrent par devant li

dus d’Ango et toutes ses gens, et fisent grant samblant

de l’assallir et de drechier engiens, car il en menoient

fuison avoecques yaus. Li abbes de Saint Silvier, qui

20estoit uns moult sages homs, s’umelia grandement

devers le duch d’Ango et le connestable, et remoustra

moult sagement que c’estoit uns homs d’eglise qui

n’estoit mies tailliés ne en volenté de gherriier, et

que il n’estoient pas singulierement là venu pour

25lui, mès pour aultres signeurs qui estoient plus grant

de lui. Si leur prioit que il volsissent chevaucier oultre

et laissier sa terre en composition, et que il feroit

volentiers tout ensi que li aultre. Li dus d’Ango et li

connestables et leurs consaulz regardèrent qu’il disoit

30assés: si le fisent obligier selonch sa parolle et livrer

bons ostages que on envoia à Pieregorch, et jurer que,

se li aultre se mettoient en l’obeïssance dou roy de

[174] 174 France, ilz s’i metteroit ossi. Par ensi demora il en

souffrance, et toute sa terre.

Puis chevaucièrent ces gens d’armes noblement et

richement montés et en grant arroi, et esploitièrent

5tant que il vinrent devant une cité qui s’appelle

Lourde, de la quele uns chevaliers estoit chapitains

de par le conte de Fois, qui s’appelloit messires Pières

Ernaulz de Berne. Là s’arrestèrent toutes ces gens

d’armes et l’assegièrent fortement et estroitement,

10et y furent plus de quinse jours, et fisent drecier leurs

engiens par devant, qui onniement jettoient et qui

chiaus dedens moult travilloient. Trop volentiers se

fuissent rendu les gens de Lourde, mais li chevaliers

ne le voloit consentir, et disoit qu’il estoient fort

15assés pour yaus tenir, mais finablement non furent,

car la cités fu assallie si très fort et par si grant

ordenance que elle fu prise et conquise, et entrèrent ens

toutes gens d’armes et aultres. Si fu li dis chevaliers

mors, car onques ne se volt rendre, et trop vaillamment

20se deffendi. Si fu la cités de Lourde toute

courue et pillie, et y eut mors grant fuison des bonhommes

et pris à raençon.

§ 751. Apriès le conquès et destruction de la cité

de Lourde, chevaucièrent ces gens d’armes et leurs

25routes oultre, et entrèrent en la terre le visconte de

Chastielbon; si fu toute courue, arse et destruite, car

li François estoient moult grant fuison; et puis entrèrent

en la terre dou signeur de Chastiel Nuef: si

fu toute courue ossi sans point espargnier. Puis

30chevaucièrent amont vers Berne, et entrèrent en le

terre le signeur de l’Escut, et vinrent devant une

[175] 175 ville et un fort chastiel que on dist Saut, dont messires

Guillonès de Paus, de le conté de Fois, estoit

chapitains, apert homme d’armes durement. Si s’arrestèrent

là li François, et y misent le siège, et y furent

5moult longement, et pluiseurs grans assaus y

fisent et livrèrent.

Li contes de Fois, qui estoit en son pays, regarda

que cilz pays de ses arrierefiés se perdoit, et bien

savoit que il en devoit hommage au roy de France

10ou au roy d’Engleterre, mais il n’estoit mies encores

discerné au quel des deus ce devoit estre. Si eut avis

et conseil de trettier devers le duch d’Ango et son

conseil, et priier que il vosist mettre ces coses en

souffrance et ces terres en composition, parmi tant que

15cilz qui seroit li plus fors dedens le moiiene d’aoust

devant Montsach en Gascogne, ou li rois de France

ou li rois d’Engleterre ou personnes de par yaus, à

celui il recongnisteroit hommage et obeïssance, et

feroit recognoistre tous chiaus de ces terres en debat,

20et pour ce intimer et acomplir en cause de plus

grant seurté, il livreroit bons plèges, sis chevaliers

et sis escuiers. Li dus d’Ango fu adont si consilliés

que il entendi à ces trettiés et les accepta, et retourna

arrière à Pieregorch, mais il ne donna à nulz de ses

25gens d’armes congiet, ançois les tenoit sus le pays,

pour tant que il voloit estre fors à le journée qui assignée

estoit devant Montsach. A ces trettiés faire dou

costé le conte de Fois rendirent grant painne li abbes

de Saint Silvier et li sires de Marsen. Tout ce sceurent

30bien li dus de Lancastre et li dus de Bretagne,

qui se tenoient à Bourdiaus, et ja estoient retourné

une partie de leurs gens en Engleterre.

[176] 176 Li archevesques de Ravane et li evesques de Carpentras,

qui legal estoient, travilloient fort que uns

respis fust pris et acordés entre le duch d’Ango et le

duch de Lancastre, et esploitièrent tant que li dus de

5Lancastre envoia quatre de ses chevaliers à Pieregorch,

pour parler au duc d’Ango et au connestable et à leur

conseil. Chil chevalier furent li sires d’Aubeterre, li

Chanonnes de Robertsart, messires Guillaumes Helmen

et messires Thumas Douville. Si furent chil quatre

10chevalier recheu, avoech les trettieurs dou duch

d’Ango, moult douchement, et rendoit li connestables

de France [grant painne] à che que unes triewes fuissent

prises entre ces parties. Tant fu parlementé,

pourtrettié et alé de l’un à l’autre, que unes triewes

15furent prises à durer jusques au daarrain jour d’aoust,

et cuidièrent adont li Englès, dont il furent decheu,

que la journée de Montsach deuist estre enclose en

le triewe.

§ 752. Quant ceste triewe fu acordée par l’ayde et

20pourcach des legaus dessus nommés, li dus de Lancastre

et li dus de Bretagne s’ordonnèrent à partir et

retourner en Engleterre, car il avoient ja esté priès

d’un an hors, et ossi toutes leurs gens le desiroient.

Et se tiroit li dus de Bretagne que il peuist avoir une

25armée à par lui pour ariver en Bretagne et conforter

aucunes forterèces qui se tenoient en son non, et

lever le siège de Becheriel; car moult desiroit à oïr

nouvelles de sa femme, que il avoit laissiet ou chastiel

d’Auroy en le garde de monsigneur Jehan Augustin,

30siques ces coses aidièrent moult à ce que li dus

de Lancastre se parti. Si institua et ordonna, à son

[177] 177 departement, à estre grans seneschaus de Bourdiaus

et de Bourdelois, monsigneur Thumas de Felleton,

et pria et requist as barons [de] Gascongne, qui pour

li se tenoient, que il vosissent obeïr à lui comme à

5son lieutenant, et telement et si diligamment consillier

que il n’i euissent point de blasme, ne ils point de

damage. Il li eurent tout en couvent de bonne volenté,

et sus cel estat se departi, et toute sa route,

et s’en retournèrent en Engleterre. De ce departement

10ne furent mies courouchié li dus d’Ango, li

connestables ne li signeur de France, qui à Pieregorch

se tenoient; car leur intention de le journée de

Montsach en fu grandement embellie.

Or parl[er]ons un petit dou siège de Becheriel, qui

15s’estoit tenus un an et plus, sans chiaus de le garnison

estre noient rafreschi ne aidié; car il estoient si

priès gardé de tous costés que riens ne lor pooit venir,

et se ne lor apparoit confors de nulle partie. Quant

il veirent que leurs pourveances commençoient ja à

20afoiblir et que longement ne pooient demorer en cel

estat, il s’avisèrent qu’il tretteroient un respit devers

ces signeurs de France et de Normendie, qui là tenoient

le siège, que, se il n’estoient conforté de gens

fors assés pour combatre les François dedens le jour

25de le Toussains, il renderoient le forterèce. Si envoiièrent

un hiraut promouvoir ce trettié. Li mareschaus

de Blainville et li signeur qui là estoient, respondirent

à ce commenchement que nuls [traictiés]

n’apertenoit à yaus à donner ne à oïr, sans le sceu

30dou roy de France, mais volentiers il envoieroient

devers lui et li segnefieroient tout cel estat. Li hiraus

raporta ceste response as chapitainnes de Becheriel,

[178] 178 monsigneur Jehan Appert et monsigneur Jehan de

Cornuaille: si leur plaisi bien ceste response et ossi

que il envoiassent hasteement devers le roy de France.

Finablement il y envoiièrent, et rescrisi li rois à ses

5mareschaus, monsigneur Loeis de Sausoirre et monsigneur

de Blainville, et les barons qui là estoient,

que de toutes compositions il en fesissent à leur

ordenance, et qu’il les tenoit et tenroit à bonnes.

Dont fu perseverés li trettiés devant pourparlés et

10acordés, et donnés respis à chiaus dedens, et chil

dedens à chiaus dehors, à durer jusques à le Toussains.

Et, se là en dedens li un[s] des filz le roy d’Engleterre

ou li dus de Bretagne ne venoient si fort que

pour lever le siège, il devoient rendre le chastiel de

15Becheriel as François, et de che livroient il bons

ostages, chevaliers et escuiers, tant que li signeur de

France et de Normendie, qui là se tenoient, s’en

contentèrent bien. Ensi demora li chastiaus de Becheriel

en composition, et segnefiièrent tout leur

20estat li doi chevalier qui dedens estoient, au plus

tost qu’il peurent, au roy d’Engleterre et au duch de

Bretagne, et ossi as contes et as barons d’Engleterre.

Si sambla as Englès que il avoient journée [encores]

assés: si le misent en noncaloir, excepté li dus de

25Bretagne, à qui il touchoit plus que à nul des aultres,

car li chastiaus se rendoit de lui et de son

hiretage.

§ 753. Or revenons à le journée de Montsach. Voirs

est que quant la moiienne d’aoust deubt approchier,

30li dus d’Ango s’en vint devant le ville de Montsach,

et là se loga et fist logier ses gens par grande et

[179] 179 bonne ordenance, et avoit en devant priiés et mandés

gens de tous costés, chevalier[s] et escuiers, efforciement.

Avoech tout che li rois de France y envoia

grant gent d’armes, et me fu recordé que trois jours

5devant la moiienne d’aoust et trois jours apriès, il y

eut bien quinse mil hommes d’armes, chevaliers et

escuiers, et bien trente mil d’autres gens. Nulz ne se

comparut, car il n’i avoit nul grant chief ou pays,

excepté monsigneur Thumas de Felleton, qui fu trop

10grandement esmervilliés de celle journée, et le debati

longement et par pluiseurs raisons. Et vint en l’ost,

quant la moiienne d’aoust fu passée et la journée inspirée,

parler moult aviseement au duch d’Ango et au

connestable sus assegurances, et leur remoustra bien

15et sagement que li dus de Lancastre et li dus de Bretagne

avoient donné le respit par mi che que la journée

de Montsach devoit estre ens enclose, mès on li

prouva tout le contraire; car, à verité dire, il y eut

trop peu parlé pour les Englès, car li trettiés de le

20composition ne faisoit point de mention de Montsach.

Si couvint monsigneur Thumas de Felleton,

volsist ou non, retourner à Bourdiaus et souffrir [ceste

cose] à laiier passer. Ensi vint en ce temps de ces

arrierefiés. Li contes de Fois entra ou service et en

25l’obeïssance dou roy de France, et tout li baron et li

prelat, qui dedens estoient; et en prist li dus d’Ango

les fois et les hommages; et quant il s’en senti bien

au dessus, il renvoia les ostages qu’il tenoit en Pieregorch

au conte de Fois, et puis s’en retourna à Toulouse,

30quant il eut pris le saisine et possession de le

ville et dou chastiel de Montsach, que moult recommenda

en coer, et le fist de puis remparer et rapareillier,

[180] 180 et dist que de Montsach il feroit sa cambre et

son gardecorps.

§ 754. Tantost apriès le revenue de Montsach à

Thoulouse, et que li dus d’Ango et li baron, qui

5avoecques lui estoient, s’i furent un petit reposet et

rafreschi, li dis dus d’Ango remist une aultre chevaucie

sus de ces propres gens qu’il avoit tenu toute le

saison, et dist qu’il vorroit chevaucier vers le Riole et

vers Auberoce, car là estoit encores uns grans pays à

10reconquerre, qui ne desiroit aultre cose. Si se departi

de Thoulouse le XVIIe jour de septembre, l’an de

grasce mil trois cens settante et quatre, ossi estoffeement

ou plus que quant il fu en le Haute Gascongne,

et estoient avoecques lui par manière de service li

15abbes de Saint Silvier, li viscontes de Chastielbon, li

sires de Chastiel Nuef, li sires de l’Escut et li sires de

Marsen, et fisent tant par leurs journées qu’il vinrent

devant le Riole. Tous li pays trambloit devant. Chil de

le Riole, qui ne desiroient aultre cose qu’il fuissent

20françois, se ouvrirent tantost et se misent en l’obeïssance

dou roy de France. Ossi fisent cil de Langon,

de Saint Malkaire, de Condon, de Saint Basille, de

Prudaire, de Mautlyon, de Dion et de Sebillach, et

bien quarante villes fremées que fors chastiaus, qui

25à point de fait se tournèrent, et la daarrainne ville ce

fu Auberoce; ne riens ne se tenoit ne duroit en celle

saison devant les François, et legière cose estoit à

faire, car il desiroient à yaus rendre, et se ne leur

aloit nuls au devant.

30En ce temps que ces chevaucies se faisoient, estoient

en le marche de Pikardie revenu li doi trettieur legal

[181] 181 et se tenoient à Saint Omer, et avoient leur messages

alans et venans en Engleterre devers le roi et son

conseil, et ossi à Paris devers le roy de France, pour

impetrer un bon respit, et en ce respit durant c’estoit

5leur entention qu’il metteroient toutes parties en

acord. Et, à ce que j’entendi adont, il estoient volentiers

oy dou roy d’Engleterre et de son conseil, car

il veoient que par toutes les metes et limitations [où]

il tenoient terres, villes, chastiaus et pays se perdoient

10à peu de fait pour yaus, et se n’i savoient [comment

donner conseil ne comment remediier. Et par especial

trop fort desplaisoit au roy d’Engleterre en

coer de che que li dus de Bretagne avoit ensi et à

petite ocquison perdu son hiretage pour l’amour

15de lui. Si travillièrent tant chil doi legal que li rois

d’Engleterre acorda que ses filz li dus de Lancastre

paseroit mer et venroit à Calais pour oïr et savoir

plainnement quel cose li François voloient dire. Ossi

li rois de France acorda et seela que ses frères, li dus

20d’Ango, venroit contre lui à Saint Omer, et par le

moiien des discrètes et venerables personnes l’archevesque

de Ravane et l’evesque de Carpentras, il se

lairoient gouvrener et consillier, siques, si tretost que

li dus d’Ango et li baron de France et de Bretagne

25eurent achievé ceste daarrainne chevaucie devant

ditte, il furent quoiteusement remandé dou roy de

France et escript que tantost et sans delay il retournaissent

en France, et qu’il avoit accordé son frère

à estre contre celle Toussains à Saint Omer, car li dus

30de Lancastre devoit estre à Calais; et ossi il touchoit

grandement as barons de Bretagne pour le fait de

Becheriel. Li dus d’Ango, li connestables, li sires de

[182] 182 Cliçon et li aultre se departirent de Roerge au plus

tost qu’il peurent, les lettres dou roy veues et oyes,

sans tourner à Thoulouse, et donnèrent congiet toutes

manières de gens d’armes de lontainnes marces,

5et ne retint avoecques lui li dus fors les Bretons; si

s’en retourna en France, où il fu grandement festés

et conjoys, et toute sa compagnie, dou roy et de

tout son conseil.

§ 755. En ce temps estoient les marces de Pikardie

10trop bien garnies de bonnes gens d’armes, car messires

Hues de Chastillon, mestres des arbalestriers,

qui nouvellement estoit retournés d’Engleterre, se tenoit

en garnison à Abbeville atout grant fuison de

gens d’armes et tous bons compagnons, et desiroit

15grandement [de soy contrevengier] pour ses contraires

et desplaisirs que on li avoit fais en Engleterre

nouvellement; car, ensi que dit est en ceste hystore,

il fu pris au dehors d’Abbeville par embusche de monsigneur

Nicole de Louvaing qui ne le voloit mettre

20a finance, mais il trouva voie et tour par le pourcach

de ma dame sa femme, comment il fu delivrés

par l’ayde d’un maronnier de l’Escluse en Flandres,

qui se mist en l’aventure de li aler querre en le marce

de Northombreland, et fist tant toutes fois qu’il le ramena

25en Flandres. Je m’en passerai assés briefment,

car la matère en seroit trop longe à demener. Mais,

quant il fu revenus, on li rendi son office, ensi que

devant, de estre nommés monsigneur le Mestre. Si

se tenoit en le bonne ville d’Abbeville, et chevauçoit

30à le fois ens et hors, ensi que le mieulz li plaisoit.

De Dieppe sus mer estoit chapitainne messires

[183] 183 Henris des Isles, uns moult appers chevaliers; de Boulongne,

messires Jehans de Lonchvillers; de Moustruel,

messires Guillaumes de Nielle; de Rue, li chastellains

de Biauvais; et toutes ces garnisons de là

5environ françoises estoient très bien pourveues de

bones gens d’armes, et bien besongnoit, car li Englès

estoient ossi fort sus [le marce]. Pour ce temps estoit

chapitains de Calais messires Jehans de Burlé, et ses

lieutenans, messires Gautiers d’Evrues; de Ghines

10messires Jehans de Harleston, et d’Arde, li sires de

Gommegnies.

Or avint que messires Gautiers d’Evrues, messires

Jehans de Harleston et li sires de Gommegnies furent

en parlement et en conseil ensamble de chevaucier,

15et l’acordèrent l’un à l’autre, et fisent leur assamblée

et leur amas dedens le bastide d’Arde, et s’en

partirent au point dou jour bien largement huit vint

lances, et chevaucièrent viers Boulongne. Che propre

jour au matin, estoit partis de Boulogne messires

20Jehans de Lonchvillers à soissante lances, et avoit

chevauciet viers Calais pour trouver aucune aventure.

Ensi que tout le pas il s’en retournoit, et pooit estre

environt deus liewes priès de Boulongne, il encontra

sus son chemin le signeur de Gommegnies et se route.

25Sitos que li Englès les perchurent, il furent moult

resjoy, et escriièrent leur cri, et ferirent chevaus des

esporons, et se boutèrent entre yaus, et les espardirent

et en ruèrent jus jusques à quatorse qu’il retinrent

pour prisonniers. Li aultre se sauvèrent par leurs

30bons coursiers et par l’avantage qu’il prisent, et rentrèrent

tout à point en le ville de Boulongne. Si furent

il cachiet jusques as barrières. Apriès celle cache,

[184] 184 li Englès se recueillièrent et se misent au chemin pour

revenir vers Arde, par une adrèce que on dist ens ou

pays l’Eveline et tout droit devers Alekine, un biau

vert chemin.

5Ce propre jour avoit fait sa moustre messires Hues

de Chastillon, que on dist monsigneur le Mestre; et

avoit avoecques lui toutes ces chapitainnes de là

environ, et estoient bien quatre cens lances. Li jones

contes de Saint Pol, messires Galerans, estoit nouvellement

10revenus de sa terre de Loerainne, et

n’avoit mies à Saint Pol sejourné trois jours, quant

par devotion il s’estoit partis pour aler en pelerinage

à Nostre Dame de Boulongne. Si oy [dire] sus son

chemin que monsigneur le Mestre et chil François

15chevauçoient; se li vint en avis que ce li seroit

blasmes et virgongne, puis que il savoit leurs gens

sus le pays qui chevauçoient, se il ne [se] mettoit en

leur compagnie, et n’i volt trouver nulle excusance,

ensi que uns jones chevaliers qui se desire à avancier

20et qui quiert les armes. Et s’en vint ce propre jour

au matin avoech monsigneur [Hue] de Chasteillon et

les aultres compagnons, qui furent tout resjoy de sa

venue. Si chevaucièrent liement ensamble celle matinée

viers Arde, qui riens ne savoient des Englès

25ne li Englès d’yaus, et cuidoient li François que li

Englès fuissent en Arde, et vinrent jusques à là. Et

fisent leur moustre et leur coursée devant les barrières;

et, quant il eurent là esté une espasse, il s’en

retournèrent et prisent le chemin devers Likes et devers

30Tournehen.

§ 756. Si tretost que li François se furent parti de

[185] 185 devant Arde et mis au retour en chevauçant moult

bellement, uns Englès issi de le ville d’Arde et se mist

à voie couvertement à l’aventure, pour savoir se jamais

il trouveroit leurs gens pour recorder ces riches

5novelles. Et tant ala et tant vint de lonch et de travers,

que sus son chemin d’aventure il trouva le signeur

de Gommegnies, monsigneur Gautier d’Evrues

et monsigneur Jehan de Harleston. Si s’arresta à euls

et yaus à lui, et leur [compta] comment li François

10chevauçoient et avoient fait leur moustre devant Arde.

«Et quel chemin tiennent il?» dist li chevaliers.—«Par

ma foi, mi signeur, il prisent le chemin pour

aler vers Likes; car encores, depuis que je me fui

partis, je les ay veus sus le mont de Tournehen, et

15croi qu’il ne sont pas lonch de chi. Tirés sus destre

en costiant Likes et Tournehen, je espoir que vous

les trouverés, car il chevaucent tout le pas.» Adont

recueillièrent cil troi chevalier toutes leurs gens et

remisent ensamble, et chevaucièrent tout le pas, le

20banière dou signeur de Gommegnies tout devant et

les deux pennons des deus aultres chevaliers dalés.

Ensi que li François eurent passé Tournehen, et

qu’il tiroient à aler viers Likes, il oïrent nouvelles de

chiaus dou pays et furent segnefiiet que li Englès

25chevauçoient et estoient hors d’Arde. Si en furent

trop malement joiant, et disent qu’il ne demandoient

ne queroient aultre cose, et faisoient trop durement

grant enqueste où il en poroient oïr nouvelles, car il

faisoient doubte que il ne les perdesissent; et furent

30sus un estat une espasse, que il se departiroient en

deus chevaucies pour yaus trouver plus prestement,

et puis brisièrent ce pourpos et disent, tout consideret,

[186] 186 que il valoit mieulz que il chevauçassent tout

ensamble. Si chevaucièrent tout ensamble baudement,

barrières et pennons ventelant, car il faisoit

bel et joli, et trop estoit courouciés li contes de Saint

5Pol qu’il n’avoit là tout son arroi et especialment sa

banière, car il l’euist boutée hors, et fretilloit telement

de joie, qu’il sambloit qu’il n’i deuist ja à

temps venir. Et passèrent oultre l’abbeye de Likes et

prisent droitement le chemin que li Englès tenoient.

10Si vinrent à un bosket deseure Likes, et là s’arrestèrent

et rechainglèrent leurs chevaus, et fisent en che

dit bosket une embusche de trois cens lances, des

quelz messires Hues de Chastillon estoit chiés, et fu

ordonnés li contes de Saint Pol à courir, et cent

15lances, chevaliers et escuiers, avoecques lui. Assés

priès de là, au lonch d’une haie, estoient descendu

li Englès, et avoient rechenglé leurs chevaus, et fu

ordonnés messires Jehans de Harleston à courir à

tout quinse lances pour ouvrir l’embusche des François;

20et se parti avoecques se route, et l’avoient li

sires de Gommegnies et messires Gautiers d’Evrues,

au departement, bien avisé que, se il venoit sus les

coureurs des François, que il se fesist cachier, et de

che se tenoit il tous enfourmés. Ensi chevauça messires

25Jehans de Harleston et vint sus le conte de Saint

Pol et se route qui estoient tout bien monté. Sitos

que li Englès furent venu jusques à yaus, il fisent leur

moustre, et tantost se misent au retour pour revenir

à leurs compagnons, qui les attendoient au lonch de

30le haie en très bonne ordenance [et tout à piet], leurs

archiers pardevant yaus. Quant li contes de Saint

Pol les vei fuir, il fu un petit trop aigres d’yaus

[187] 187 poursievir, et feri cheval des esporons, la lance ou poing,

et dist: «Avant, avant! il ne nous poeent escaper.»

Lors veissiés desrouter ces François et mettre en

cache apriès ces Englès, et les cachièrent jusques au

5pas de le haie. Quant li Englès furent là venu, il

s’arrestèrent, et ossi fisent li contes de Saint Pol et se

route, car il furent recueilliet de ces gens d’armes et

de ces archiers, qui commenchièrent à traire saiettes

à effort et à navrer chevaus et abatre chevaliers et

10escuiers. Là eut un petit de bon estour, mais tantost

il fu passés; car li contes de Saint Pol ne chil qui

avoecques lui estoient, n’eurent point de durée à ces

Englès. Si fu li dis contes pris d’un escuier de la

ducé de Guerles, et en celle route li sires de Pois, li

15sires de Clari, messires Guillaumes de Nielle, messires

Charles de Chastillon, messires Lyonniaus d’Arainnes,

li sires de Cipoi, chastellain de Biauvais, messires

Henris des Isles, et Jehans, ses frères, messires Gauwiné[s]

de Bailluel et plus de soissante bons prisonniers,

20chevaliers et escuiers.

§ 757. Droitement sus le point de celle desconfiture,

evous venir à frapant monsigneur Hue de Chastillon

et se banière, et estoient bien trois cens lances,

et chevauchièrent jusques au pas de le haie, où li

25autre s’estoient combatu, et encor en y avoit qui se

combatoient. Quant li sires de Chastillon vei le

manière que li contes de Saint Pol et se route estoient

ruet jus, si n’eut mies desir ne volenté d’arrester,

mais feri cheval des esporons, et se parti, et se banière.

30Li aultre, par droit d’armes, n’eurent point de

blasme se il le sievirent, quant c’estoit leurs sires et

[188] 188 leurs chapitains. Ensi se departirent là trois cens

hommes tous bien montés et tailliés, se li hardemens

fust en yaus, de faire une bonne besongne et de

reskeure le journée, et le jone conte de Saint Pol, au

5quel ceste aventure fu moult dure, et à tous les bons

chevaliers et escuiers qui avoecques lui furent pris.

Sachiés bien que au commenchement, quant li

Englès veirent venir sus yaus celle grosse route, tous

bien montés et appareilliés de faire un grant fait, il

10ne furent mies bien à segur de leurs prisonniers ne

d’yaus meismes; mais, quant il les veirent partir et

moustrer les talons, il furent grandement reconforté

et n’eurent nulle volenté adont de cachier chiaus qui

fuioient, mais montèrent as chevaus et fisent monter

15leurs prisonniers, et tantost fu nuis. Si retournèrent

ce soir en le garnison d’Arde, et se tinrent tout aise

et tout joiant de che qu’il eurent. Che propre soir

après souper, acata li sires de Gommegnies le conte

de Saint Pol à son mestre qui pris l’avoit, et l’en fist

20fin de dis mil frans. Ensi fu li contes de Saint Pol

prisonniers au signeur de Gommegnies. A l’endemain,

cascuns des chapitainnes retourna où il devoit

aler, messires Jehans de Harleston à Ghines, et messires

Gautiers d’Evrues à Calais, et leurs gens, et en

25menèrent leurs prisonniers et tout leur butin.

Ces nouvelles s’espardirent jusques en Engleterre,

et vinrent au roy, et li fu dit que ses chevaliers, li

sires de Gommegnies, avoit eu sus un jour rencontre

et bataille as François, et si bien s’i estoit portés que

30ilz et si compagnon avoient desconfi les François, et

tenoit le conte de Saint Pol à prisonnier. De ces

nouvelles fu grandement resjoïs li rois d’Engleterre

[189] 189 et tint ce fait à grant proèche, et manda par ses

lettres et par un sien escuier au signeur de Gommegnies,

que il le venist veoir en Engleterre et li amenast

son prisonnier. Li sires de Gommegnies obéï,

5che fu raisons, et recarga Arde à ses compagnons,

et puis s’en parti, le conte de Saint Pol en se compagnie.

Si vinrent à Calais, et là se tinrent tant

qu’il eurent vent pour passer oultre, et, quant il

l’eurent, il entrèrent en un passagier. Si arrivèrent,

10ce propre jour qu’il montèrent, à Douvres. De puis

esploitièrent il tant qu’il vinrent à Windesore, où li

rois se tenoit, qui rechut le signeur de Gommegnies

en grant chierté. Tantos li sires de Gommegnies,

quant il li eut fait la reverense, ensi que on doit faire

15à un roy, li presenta et li donna le conte de Saint Pol,

pour tant qu’il sentoit bien que li rois le desiroit à

avoir pour deus raisons. Li une estoit que li rois n’avoit

point amet son signeur de père le conte Gui,

pour tant que sans congiet il s’estoit partis d’Engleterre

20et que très grant painne avoit mis à la guerre

renouveler; l’autre, que il en pensoit bien à ravoir

ce vaillant chevalier et ce grant chapitainne de gens

d’armes monsigneur le captal de Beus, qui gisoit en

prison en le tour dou Temple à Paris, ens es dangiers

25dou roy de France. Si remercia li rois liement

le signeur de Gommegnies de ce don et de ce present,

et li fist tantost delivrer vint mil frans. Ensi

demora li jones contes de Saint Pol en prison courtoise

devers le roy d’Engleterre, recreus sus sa foy

30d’aler et de venir par mi le chastiel de Windesore et

non issir de le porte sans le congiet de ses gardes; et

li sires de Gommegnies retourna à Arde entre ses

[190] 190 compagnons. Si paia bien aise de l’argent le roy

d’Engleterre l’escuier de Guerles, qui pris avoit le

signeur de Lini, conte de Saint Pol.

§ 758. Tantost apriès ceste aventure, furent les

5triewes prises et acordées entre le roy de France et

le roy d’Engleterre, et ne s’estendoient, à ce premier,

fors tant seulement entre Calais et le rivière

de Somme, et furent ensi prises et données par avis

pour les signeurs de France chevaucier segurement

10en le marce, où li parlement devoient estre, car toute

celle saison il n’en tinrent nulles ens es lointaines

marces, et par especial en Bretagne et en Normendie.

Si vint li dus d’Ango à Saint Omer en grant arroy, et

cil doy legal trettieur avoecques lui, et n’i vint mies

15si simplement qu’il n’euist en se compagnie plus de

mil lances de Bretons, dont li connestables de France,

li sires de Cliçon, li viscontes de Rohem, li sires de

Laval, li sires de Biaumanoir et li sires de Rocefort

estoient chief. Si se tenoient ces gens d’armes pour

20les embusches ou plat pays environ Bailluel et le

Crois en Flandres, et prendoient leurs sauls et leurs

gages, et paioient tout ce qu’il prendoient, sans riens

grever le pays, mais il se tenoient là en celle instance

qu’il ne s’asseuroient mies trop parfaitement en es

25Englès.

En ce temps se mist li sièges devant Saint Salveur

le Visconte en Normendie, et li mist premierement

par mer messires Jehans de Viane, amiraus de mer.

En se compagnie estoient li sires de Rays et Yewains

30de Galles, et la navie [du roy] dan Henri de Castille: si

en estoit amiraus dan Radigho de Rous, de Louwars.

[191] 191 Li dus d’Ango, quant il deubt venir à Saint Omer,

manda en Haynau son biau cousin monsigneur Gui

de Blois pour lui acompagnier, li quels y vint moult

estoffeement, quatre chevaliers en se compagnie,

5dont li dus d’Ango li sceut grant gré, quant il le

trouva si honnourable et si appareillié, car il ne l’avoit

priiet qu’à trese chevaus, et il y vint à trente.

Ossi li dus de Lancastre vint à Calais, et là se tint

un temps, et eut grant merveille pour quoi tant de

10gent d’armes de Bretons se tenoient en le marce de

Saint Omer. On li dist que li dus d’Ango, ses cousins,

ne s’asseuroit point bien en lui, et qu’il n’i avoit

aultre visce. De quoi li dus de Lancastre en crolla

le tieste, et dist: «Se il le fait pour ce, il n’est mies

15bien consilliés; car en pais doit estre paix, et en

guerre guerre.» Si commenchièrent à aler de l’un à

l’autre li doi trettieur et à mettre raisons et pareçons

avant, et à entamer matère de paix ou de respit, et

toutdis aloit li saisons aval.

20Or vint li termes qu’il couvenoit chiaus de Becheriel

rendre ou estre conforté, siques, si tretost que li

jours deubt approcier, li rois de France escrisi devers

le connestable et le signeur de Cliçon, et leur

manda que il se presissent priès pour iestre à le journée,

25si en vaurroit la besongne mieulz. Et ossi il voloit

que ses gens y fuissent si fort que, se li Englès y

venoient, qui de poissance vosissent lever le siège,

on les peuist combatre. Si tretost que cil doi signeur

furent segnefiiet [de l’entention] dou roy de France,

30il le remoustrèrent au duc d’Ango, et li dus d’Ango

leur acorda de partir, et une quantité de leurs gens,

et les aultres demorer. Si se partirent, et esploitièrent

[192] 192 tant par leurs journées qu’il vinrent au siège de Becheriel,

où toutes gens d’armes s’arivoient, par l’ordenance

dou roy de France, de Bourgongne, d’Auvergne,

de Poito, de Saintonge, de Berri, de Campagne,

5de Pikardie, de Bretagne et ossi de Normendie,

et eut là, au jour que li compositions devoit

clore, devant Becheriel plus de dis mil lanches, chevaliers

et escuiers, et y vinrent li François si efforciement,

pour tant que on disoit que li dus de Bretagne

10et li contes de Sallebrin estoient sus mer à bien

dis mil hommes parmi les archiers; mès on n’en vei

onques nul apparant. De quoi chil de Becheriel furent

moult couroucié, quant si longhement que plus

de quinse mois s’estoient tenu et si vaillamment, et

15si n’estoient aultrement conforté. Toutes fois il leur

couvint faire et tenir che marchié, puis que juré et

couvenencié l’avoient, et que à ce il s’estoient oblegié

et livré bons ostages. Si rendirent et delivrèrent

au connestable de France la ditte forterèce de Becheriel,

20qui est belle et grande et de bonne garde, et

s’en partirent messires Jehans Appers et messires

Jehans de Cornuaille et leurs gens, et en portèrent

ce qui leur estoit. Tout ce pooient il faire par le trettié

de le composition, et s’en vinrent sus le conduit

25dou connestable à Saint Salveur le Visconte, et là se

boutèrent. Si recordèrent as compagnons de laiens

comment il avoient finet as François.

§ 759. Si tretost que li connestables de France et

li sires de Cliçon et li doi mareschal de France, qui

30là estoient, eurent pris la saisine et possession de

Becheriel, caudement il s’en vinrent mettre le siège

[193] 193 devant Saint Salveur le Visconte. Ensi furent la ville

et li chastiaus de Saint Salveur le Visconte assegiet

par mer et par terre. Si fisent tantost chil baron de

Bretagne et de Normendie, qui là estoient, lever et

5drechier grans mangonniaus et grans engiens devant

le forterèce, qui nuit et jour jettoient grans pières et

grans mangonniaus as tours, as garittes et as crestiaus

de le ville et dou chastiel, qui durement cuvrioient

et travilloient. Et bien souvent sus le jour li chevalier

10et li escuier de l’ost s’en alèrent escarmucier as

barrières à chiaus de dedens, et li compagnon de le

garnison ossi s’esprouvoient à yaus. Si en y avoit

souvent par telz fais d’armes des mors, des navrés

et des blechiés. Quatreton, uns hardis et appers homs

15d’armes, qui chapitains en estoit de par monsigneur

Alain de Bouqueselle, estoit durement curieus et

songneus d’entendre à le forterèce, car trop euist esté

courouciés, se par sa negligense il euissent recheu

damage ne encombrier. Avoecques lui estoient et

20avoient esté toute la saison messires Thumas Trivés,

messires Jehans de Bourch et messires Phelippes

Picourde et li troi frère de Maulevrier, qui ossi en

tous estas en faisoient bien leur devoir; et se y estoient

de rechief revenu messires Jehans Appers et

25messires Jehans de Cornuaille et li compagnon qui

parti estoient de Becheriel. Si se confortoient l’un

par l’autre, et leur sambloit qu’il estoient fort assés

pour yaus tenir un grant temps, et pensoient que li

dus de Bretagne par mer les venroit rafreschir et

30combatre les François, ou à tout le mains li dus de

Lancastre, qui estoit à Calais, les metteroit en son

trettié de triewes ou de respit, par quoi li François

[194] 194 ne seroient mies signeur d’une si belle forterèce

que Saint Salveur est. Ensi en considerant ces coses

à leur pourfit, se tenoient vaillamment li compagnon

qui dedens estoient, et se donnoient dou bon temps,

5car il avoient vins et pourveances assés. La cose del

monde qui plus les grevoit, c’estoit li grant enghien

de l’ost, qui continuelment, nuit et jour, jettoient,

car li grosses pières de fais leur desrompoient et

effondroient les combles et les tois des tours. Ensi se

10tinrent il tout cel ivier, et li dus d’Ango à Saint

Omer, et li dus de Lancastre à Calais.

§ 760. Tant alèrent de l’un à l’autre, amoienant

les besongnes, li doi prelat et legal dessus nommet,

que il approcièrent ces trettiés, et que li doi duch

15d’Angho et de Lancastre s’acordèrent à ce que d’yaus

comparoir à Bruges l’un devant l’autre, car au voir

dire, li trettieur aloient à trop grant painne de Saint

Omer à Calais et de Calais à Saint Omer. Et quant il

avoient tout alé et tout venu, se ne faisoient il riens;

20car, sus trois ou quatre journées que il mettoient tant

en alant et retournant qu’en parlant as parties, se

muoient [bien] nouvel conseil.

Quant li dus de Lancastre se deut partir de Calais,

li dus de Bretagne, qui s’estoit là tout le temps tenus

25avoecques lui, prist congiet et retourna en Engleterre

et raporta nouvelles des trettiés au roy et sus

quel estat il estoient. A ce retour qu’il fist, il esploita

si bien au roy d’Engleterre, parmi les bons moiiens

qu’il eut, monsigneur Alain de Bouqu[es]elle, cambrelent

30dou roy, que li rois li [acorda et] delivra deus

mil hommes d’armes et quatre mil archiers, et par

[195] 195 especial en se compagnie, pour mieulz esploitier de

ses besongnes, monsigneur Aymon, son fil, conte de

Cantbruge, monsigneur le conte de le Marce, monsigneur

Thumas de Hollande, qui de puis fu conte de

5Kent en Engleterre, ainsnet fil de la princesse, le signeur

Despensier, qui pas n’estoit encores mors,

mais il morut au retour de ce voiage, le signeur de

Manne, messires Hughe de Hastinghes, monsigneur

Bruiant de Stapletonne, monsigneur Symon Burlé,

10monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur

Thumas Tinfort, le signeur de Basset, monsigneur

Nicole Stammore, monsigneur Thumas de Grantson,

et pluiseurs aultres. Si fisent leurs pourveances à

Hantonne et là montèrent en mer; et quant il se partirent,

15il avoient entention que de venir combatre

sus mer le navie dou roy de France, qui gisoit devant

Saint Salveur, mais il eurent vent contraire qui

les bouta en Bretagne: si prisent terre devant Saint

Mahieu de Fine Posterne. Si tost que il furent hors

20de leurs vaissiaus, il se traisent devers le chastiel qui

siet au dehors de la ville: si l’assallirent fortement

et diversement, et le conquisent de force, et furent

mort tout chil qui dedens estoient. Adont se rendi la

ville de Saint Mahieu au duch de Bretagne. Si entrèrent

25li Englès dedens le ville de Saint Mahieu: si y

attraisent leurs pourveances là dedens et s’i

rafreschirent.

Or vinrent ces nouvelles au connestable de France,

au signeur de Cliçon et as barons de France et de

30Normendie et de Bretagne, qui devant Saint Salveur

se tenoient, que li dus de Bretagne efforciement estoit

arivés à Saint Mahieu et avoit ja pris le ville et

[196] 196 le chastiel. Si eurent conseil entre yaus comment il

s’en poroient chevir. Dont fu regardé pour le milleur

et segur estat que on envoieroit, contre yaus faire

frontière, trois cens ou quatre cens lances, qui les

5ensonnieroient, et herieroient leurs coureurs, se il

s’abandonnoient de trop avant chevaucier ou pays,

et toutdis tenroient il le siège devant Saint Salveur,

et ne s’en partiroient, ensi qu’en pourpos l’avoient,

si l’aroient conquis. Adont furent ordonné principaument

10quatre baron de Bretagne, li sires de Cliçon,

li viscontes de Roem, li sires de Laval et li

sires de Biaumanoir, à frontière faire contre les Englès.

Si s’en vinrent à Lambale, et là se tinrent.

Li dus de Bretagne, li contes de Cantbruge, li

15contes de le Marce, li sires Despensiers et li baron

[et li chevalier] d’Engleterre, qui estoient arrivet à

Saint Mahieu de Fine Posterne, ne sejournèrent

gaires en le ville de puis que elle fu rendue, mais s’en

vinrent devant Saint Pol de Lyon, et là s’arrestèrent.

20Si l’assallirent fortement et le prisent de force;

si fu toute courue et essillie, et de là il s’en vinrent

devan[t] Saint Brieu de Vaus, une ville malement

forte, et l’assegièrent et avoient grant entention dou

prendre, car il misent mineurs en oevre, qui s’ahatirent

25que dedens quinse jours il esploiteroient si bien,

qu’il feroient reverser un tel pan dou mur, que sans

dangier il enteroient bien en le ville.

§ 761. Quant li Englès, qui dedens Saint Salveur

estoient, entendirent que li dus de Bretagne et li

30contes de Cantbruge et grant fuison de signeurs

d’Engleterre, estoient efforciement arrivet en Bretagne,

[197] 197 si en furent moult joiant; car il en cuidièrent grandement

mieulz valoir et que par yaus fust cilz sièges

levés. Si s’avisèrent, car il leur besongnoit, qu’il

tretteroient devers ces signeurs de France, à fin que

5il euissent un respit un mois ou cinc sepmainnes, et,

se là en dedens il n’estoient conforté, il renderoient

le ville et le chastiel de Saint Salveur. Au voir dire,

il ne pooient en avant; car il estoient si travilliet et

cuvriiet des engiens qui nuit et jour jettoient, qu’il

10n’osoient aler parmi la ville ne le chastiel, mais se

tenoient ens es tours. Et avint une fois que Quatreton,

le chapitainne, gisoit en une tour sus un lit, car

il estoit moult dehetiés: si entra une pière d’engien

en celle tour par une trelle de fier que elle rompi.

15Et fu adont avis proprement à Quatreton que li tonnoires

fust descendus laiens, et ne fu mies assegurés

de sa vie; car celle pière d’engien qui estoit ronde,

pour le fort tret que on li donna, carola tout autour

[de le tour] par dedens, et quant elle cheï, elle effondra

20le planchier et entra en une autre estage, ensi

que Quatreton recorda de puis à ses compagnons,

siques, pour yaus oster de ce dangier, fust par pais

ou par bataille, entre yaus il se consillièrent pour le

millieur que il tretteroient unes triewes. Si le fisent

25et envoièrent par un hiraut querre un saufconduit

au connestable que il peuissent segurement venir parlementer

en l’ost: on leur acorda, et le reporta li

hiraus tout seelé. Dont vinrent en l’ost [traictier]

messires Thumas Trivès et messires Jehans de Bourch

30au connestable et au duch de Bourbon, qui là estoient.

Si esploitièrent si bien que uns respis lor fu acordés

par tel manière, que se dedens la close Paske il

[198] 198 n’estoient conforté dou duc de Bretagne personelment,

il rend[er]oient la forterèce, et c’estoit environ le

miquaresme, et ce terme pendant, on ne leur devoit

faire point de guerre, et ossi il n’en feroient point; et

5se defaute estoit que dou duch de Bretagne il ne fuissent

conforté et secouru dedens le jour qui expresseement

y estoit mis, il liv[re]roient presentement bons

hostages pour rendre la forterèce. Ensi demora Saint

Salveur en composition, et li doi duch d’Angho et de

10Lancastre et leurs consauls estoient à Bruges, qui savoient

et qui ooient tous les jours nouvelles de Bretagne

et de Normendie; et par especial li dus d’Ango

les avoit plus fresches que n’euist ses cousins, li dus

de Lancastre: si s’avisoit selonch ce. Là estoient li

15doi legal moiien pour toutes parties, qui portoient

tous les jours de l’un à l’autre ces trettiés; et quant

on estoit sus voie d’acord, Bretagne et Espagne desrompoient

tout. Je vous diray pour quoi et comment

li dus de Lancastre ne se voloit nullement assentir à

20trettié de paix ne à composition nulle, se li dus de

Bretagne ne ravoit tout entirement la ducé de Bretagne,

ce que li rois de France avoit applikiet à l’iretage

de France et au demainne par l’acort de tous

les barons, les prelas, les cités et les bonnes villes de

25Bretagne. Or regardés se ce n’estoit point fort à oster,

Chastille, que on entent Espagne, quant li rois de

France voloit que tout outreement elle demorast au

roy Henri, dont li dus de Lancastre se tenoit hoirs

de par ma dame se femme, qui avoit estet fille au roy

30dan Pietre et dont li dessus dis dus s’escrisoit sires

et rois, et des armes il s’esquarteloit. Et avoit li rois

de France juré solennelment que jamès pais ne feroit

[199] 199 au roy d’Engleterre, que li rois Henris de Chastille ne

fust ossi avant en le pais comme il seroit. D’autre

part, li rois d’Engleterre avoit ensi juré au duch de

Bretagne, quel trettié qu’il fesist au roy de France,

5il reseroit en son hiretage de Bretagne, siques ces

coses estoient fortes à desrompre et à brisier. Mès li

doi legal, qui sage et avisé estoient et bien enlangagié

et volentiers oy de toutes les parties par leur attemprée

promotion, et qui consideroient bien toutes ces

10coses, disoient que, se il plaisoit à Nostre Signeur, il

trouveroient bien entre ces ordenances aucun moiien

par quoi il se departiroient par acord.

Or revenrons nous au fait de Bretagne et as guerres,

qui y estoient fortes et dures.

15§ 762. Vous devés savoir, comment que Saint

Salveur le Visconte et li Englès, qui dedens estoient,

se fuissent mis sus certains articles de composition,

li connestables de France et li baron de Bretagne et

de Normendie, qui à siège avoient là esté tout l’ivier,

20ne se deslogièrent mies pour ce, mais s’i ordonnèrent

et establirent plus fort assés que devant, et segnefiièrent

tout leur estat au roy de France en remoustrant

sus quel parti il gisoient et comment li dus

de Bretagne, que il appelloient Jehan de Montfort,

25estoit [arrivés] efforciement ou pays, et pooient bien

estre Englès dis mil combatans, et esperoient que

il les venroient combatre pour reskeurre le ville et

le chastiel de Saint Salveur. Li rois de France, qui

ne voloit mies que ses gens fuissent entrepris, ne que

30il receuissent, par faute de poissance, blasme ne

villonnie avoech grant damage, manda et escrisi par

[200] 200 tout là où il pensoit à recouvrer de droite fleur de

gens d’armes, en Flandres, en Braibant, [en Haynnau],

en Hesbain, en le ducé de Guerles, en Bar, en

Loerainne, en Bourgongne et en Champagne, que

5tout fuissent au plus estoffeement qu’il pooient à

celle journée devant Saint Salveur le Visconte en

Constentin. Tout baron, chevalier et escuier et gens

d’armes, qui mandé ou priiet en estoient, obeïrent

et s’appareillièrent dou plus tost qu’il peurent, et se

10misent à voie et à chemin par devers Normendie,

pour estre à celle journée.

Ce terme pendant et ces coses faisans, toutdis

parlementoient li doi duc d’Ango et de Lancastre à

Bruges, et ossi leurs consaulz. Et ossi, d’autre part,

15li sièges se tenoit grans et fors dou duch de Bretagne

et dou conte de Cantbruge et des barons et des

chevaliers d’Engleterre devant Saint Brieu de Vaus.

Entrues que il estoient là à siège et qu’il esperoient

fort à conquerre la ville par le fait de leurs mineurs

20qui ouvroient en leur mine, li quel s’estoient ahati

qu’il leur renderoient le ville dedens quinse jours,

nouvelles leur vinrent de chiaus de Saint Salveur en

remoustrant comment de lonch temps il avoient esté

assegié et le dangier que il avoient souffiert, de quoi

25sus le fiance de leur confort il s’estoient mis en

composition; et couvenoit le ville et le chastiel rendre

as François, se, dedens la close Paske qu’il attendoient,

li sièges n’estoit levés; et pour ce tenir et

acomplir, il avoient livré bons ostages. Li dus de

30Bretagne, li contes de Campbruge, li contes de le

Marce, li sires Despensiers et li baron qui là estoient,

eurent bien mestier d’avoir avis et conseil de ceste

[201] 201 cose et comment à leur honneur il en useroient. Si

eurent sur ce avis et pluiseurs imaginations. Li aucun

disoient que ce seroit bon que on alast les François

combatre, et li autre disoient le contraire, car plus

5honnourable [et proufitable] leur estoit de tenir leur

siège devant Saint Brieu de Vaus, puis que si avant

l’avoient mené qu’il le devoient dedens sis jours

avoir, que soudainn[em]ent yaus partir [de là] et faire

une nouvelle emprise, et que encores, apriès le conquès

10de Saint Brieu de Vaus, tout à temps po[r]oient

il retourner à Saint Salveur. Tant fu cils pourpos demenés

et debatus que finablement, tout consideré

et d’une sieute, il s’acordèrent à tenir le siège devant

Saint Brieu de Vaus, et leur sambla le plus

15pourfitable.

§ 763. Messires Jehans d’Evrues, comme hardis

et entreprendans chevaliers et bons homs d’armes de

le partie des Englès, estoit pour ce temps en l’isle de

Camperlé, et avoit toute celle saison fait sa route à

20par lui et fortefiiet une motte à deus liewes priès de

le ville de Camperlé, que on appelloit ou pays le

Nouviel Fort. Et avoit li dis messires Jehans d’Evrues,

parmi l’ayde de ses gens et le retour et mansion de

ce Nouviel Fort, où il tenoit assés bonne garnison,

25telement travilliet et heriiet et guerriiet le pays, que

nuls n’osoit aler de ville à autre; ne on ne parloit

d’autre cose en toute celle marce ne en l’isle de

Camperlé, que de ce Nouvel Fort; et proprement li

enfant en Bretagne et les jones fillettes en avoient

30fait une cançon que on y chantoit tout communement.

Se disoit la cançons ensi:

[202]202Gardés vous dou Nouviau Fort,

Vous qui alés ces alues;

Car laiens prent son deport

Messires Jehans d’Evrues.

5Il a gens trop bien d’acort,

Car bon leur est viés et nues;

N’espargnent foible ne fort;

Tantost aront plains les crues

De le Mote Marciot

10D’autre avoir que de viés oes;

Et puis menront à bon port

Lor pillage et leur conquès.

Gardés vous dou Nouviau Fort,

Vous qui alés ces alues;

15Car laiens prent son deport

Messires Jehans d’Evrues.

Cliçon, Rohem, Rocefort,

Biaumanoir, Laval, entrues

Que li dus à Saint Brieu dort,

20Chevauchiés les frans alues.

Fleurs de Bretagne, oultre bort

Estre renommée sues,

Et maintenant on te mort,

Dont c’est pités et grans duelz.

25Gardés vous dou Nouviau Fort,

Vous qui alés ces alues;

Car laiens prent son deport

Messires Jehans d’Evrues.

Remoustre là ton effort,

30Se conquerir tu les poes;

Tu renderas maint sourcot

A nos mères, se tu voes.

En ce pays ont à tort

Pris moutons, pors et cras bues;

[203] 203 Or paieront leur escot

A ce cop, se tu t’esmues.

Gardés vous dou Nouviau Fort,

Vous qui alés ces alues;

5Car laiens prent son deport

Messires Jehans d’Evrues.

Ensi estoit messires Jehans d’Evrues par sa chevalerie

criés et renommés ou pays, et tant se montepliièrent

ces canchons, que elles vinrent en le cognissance

10de ces signeurs de Bretagne, qui se tenoient

à Lambale. Si commencièrent à penser sus et

à dire: «A Dieu le veu! li enfant nous aprenderont

à guerriier. Voirement n’est chou pas chose bien

seans que nous savons nos ennemis si priès de nous,

15qui ont toute celle saison robet et pilliet le pays, et

si ne les alons point veoir? Il nous couvient chevaucier

viers ce Nouviau Fort, et tant faire que nous

l’aions et messire Jehan d’Evrues dedens: il ne nous

poet nullement escaper, qu’il ne soit nostres, et nous

20rendera compte de tout son pillage.»

Adont s’esmurent chil signeur et leurs gens une

partie, et une partie en laissièrent en Lambale pour

le garder, et chevaucièrent environ deus cens lances

viers le Nouviau Fort, et fisent tant qu’il y vinrent.

25Si s’arrestèrent par devant et l’environnèrent de

tous lés, afin que nuls n’en peuist issir, et se misent

tantos en ordenance pour assallir, et messires Jehans

d’Evrues et ses gens en bon arroi pour yaus deffendre.

Là eut par trois jours grant assaut, et des

30bleciés d’une part et d’autre, et telement l’avoient

empris li sires de Cliçon et chil baron de Bretagne,

[204] 204 que de là ne partiroient, si aroient conquis ce Nouviau

Fort et chiaus qui dedens estoient. Il n’en euissent

jamais falli que voirement ne l’euissent il eu,

car li Nouviaus Fors n’estoit mies tels que pour tenir

5à le longe contre telz gens d’armes, et l’euissent eu

très le premier jour, se n’euist esté leur bonne et

aperte deffense et la bonne arteillerie qui dedens

estoit, et dont il l’avoient pourveue.

§ 764. Entrues que cil baron de Bretagne estoient

10devant ce Nouviau Fort, assés priès de Camperlé, et

qu’il herioient et appressoient durement monsigneur

Jehan d’Evrues, trois nouvelles en un moment vinrent

au duch de Bretagne, au conte de Campbruge,

au conte de le Marce et as barons d’Engleterre, qui

15devant Saint Brieu de Vaus estoient. Les premières

furent teles que leur mineur avoient perdu leur mine

et que il leur en couvenoit refaire une nouvelle,

se on voloit avoir le ville par mine, la quele cose leur

fu trop grandement desplaisans, et en estoient tout

20pesant et merancolieus, quant Chandos, li hiraus,

leur aporta les secondes nouvelles, qui venoit tout

droit de Bruges et dou duch de Lancastre. S’envoioit

par ses lettres closes au duch de Bretagne, à son frère

de Cantbruge et au conte de le Marce le manière et

25l’ordenance dou trettié et sus quel estat il estoient

entre lui et le duch d’Ango, quant li dis Chandos

parti de Bruges. La tierce nouvelle fu, qui tous les

resvilla, comment li sires de Cliçon, li viscontes de

Rohem, li sires de Biaumanoir, li sires de Laval et

30li sires de Rocefort avoient enclos et assegiet monsigneur

Jehan d’Evrues en son Nouviel Fort, et le faisoient

[205] 205 assallir telement et si fortement qu’il estoit

en peril d’estre pris et en grant aventure.

Quant li dus de Bretagne oy ce, si dist: «Or tost

as chevaus! chevauçons quoiteusement celle part.

5J’aroie ja plus chier la prise de ces cinc chevaliers

que de ville ne de cité qui soit en Bretagne: che

sont chil, avoech messire Bertran de Claiekin, qui

m’ont plus fait à souffrir et les quels je desir plus à

tenir. Nous ne les poons avoir plus aisiement que ens

10ou parti où il sont, et nous attenderons là, je n’en

fai mies doubte, mais que nous nos hastons; car il

desirent à avoir le chevalier messire Jehan d’Evrues,

qui vault bien que on le sekeure et oste de dangier.»

A ces parolles evous ces signeurs tantos armés et

15montés et une partie de leurs gens, et se partent,

cescuns qui mieus mieulz, sans attendre l’un l’autre;

et escuier et varlès commencièrent à tourser et à

sievir leurs mestres. Ensi soudainnement se desfist li

sièges de Saint Brieu de Vaus.

20§ 765. Certes li dus de Bretagne, [li contes de

Cantbruge], li contes de le Marce, li sires Despensiers

et [chil baron et] chil chevalier d’Engleterre

avoient si grant haste et tel desir de venir devant ce

Nouviau Fort pour trouver leurs ennemis, qu’il ne

25fisent tout le chemin que reslaissier, et que leur coursier

estoient tout mouilliet de sueur. Mais onques ne

se peurent ne sceurent tant haster, que li sires de

Cliçon et li baron de Bretagne, qui devant le Nouviau

Fort estoient, ne fuissent segnefiiet de ces nouvelles,

30et leur fu dit ensi: «Or tos, signeur, montés sus

vos chevaus et vous sauvés: autrement vous serés

[206] 206 pris à mains, car vechi le duch de Bretagne, le conte

de Campbruge et toutes leurs gens qui viennent.»

Quant cil signeur oïrent ces nouvelles, si furent

moult esbahi et à bonne cause. Or eurent il d’avantage

5tant que leur cheval estoient ensellé; car, se il

ne le fuissent, il ne l’euissent point esté à temps, tant

estoient il et furent hasté. Et si tretos qu’il furent

monté, et qu’il se partoient, il regardèrent derrière

yaus et veirent le grosse route et espesse dou duch

10de Bretagne, qui venoient les grans galos. Adont

sceurent bien cheval qu’esporon valoient en le route

le signeur de Cliçon, car, quanques il pooient brochier,

il brochoient le chemin de Camperlé, et li dus

de Bretagne et se route apriès. Che aida moult au

15signeur de Cliçon et à se compagnie, et leur fist grant

avantage que leur cheval estoient fresch et chil dou

duch de Bretagne travilliet: aultrement il euissent

esté rataint sur le chemin.

Li sires de Cliçon et ses gens trouvèrent les portes

20de Camperlé toutes ouvertes; si leur vint grandement

à point, et entrèrent ens, et à fait qu’il entroient,

il descendoient et prendoient leurs lances, et

s’ordonnoient as barrières pour deffendre et attendre

leurs compagnons, mais li plus lontains n’estoit mies

25le trait d’un arch lonch. Si furent tout recueillié, et

se sauvèrent par grant aventure, et levèrent les pons

et cloïrent les barrières et les portes de Camperlé.

Evous le duch de Bretagne, le conte de Campbruge

et les barons et les chevaliers d’Engleterre tous

30venus, qui font leur course et leur moustre devant

les barrières, et, ensi que il venoient, il s’arrestoient

et descendoient de leurs chevaus, qui estoient tout

[207] 207 blanch de sueur. Là voloit li dus de Bretagne que

tantos on les assallist, mais il li fu dit: «Sire, il

vault trop mieuls que nous nos logons et regardons

par quele ordenance nous les assaurrons, que nous

5nos hastons avoecques le traveil que nous avons. Il

sont enclos; il ne vous poeent nullement escaper, se

il n’en volent en l’air. Camperlé n’est pas si forte

contre vostre host que vous ne le doiiés avoir.»

Adont se logièrent toutes manières de gens, et se

10misent en bonne ordenance tout autour de le ville;

car, quant il furent tout venu, il se trouvèrent gens

assés pour ce faire. Ensi fu messires Jehans d’Evrues

delivrés de grant peril et de grant dangier, et ses

nouviaus fors ossi.

15§ 766. Ce premier jour entendirent li Englès à

yaus logier bien et faiticement, et disoient li signeur

que il ne vosissent estre autre part que là, tant avoient

grant plaisance en ce que il sentoient les barons de

Bretagne, que le plus desiroient à tenir enclos dedens

20Camperlé. Si se tinrent ce premier jour tout aise, et

la nuit ossi, et fisent bon gait. A l’endemain environ

soleil levant, il se misent en ordenance pour assallir,

et se traisent tout devant Camperlé.

Bien savoient li sires de Cliçon et li aultre qu’il

25seroient assalli et que on leur feroit dou pis que on

poroit. Si estoient yaus et leurs gens ossi ordonné

selonch ce et mis en bon couvenant; car il estoient

bien gens, puis qu’il avoient un peu d’avantage, qui

n’estoient mies legier à desconfire. Là ot ce jour jusques

30à haute nonne fort assaut et dur, et n’i avoit

homme ne femme en le ville de Camperlé, qui ne

[208] 208 fust ensonniiés d’aucune cose faire, ou de porter

pières et dessoler les pavemens ou d’emplir pos

plains de cauch ou d’aporter à boire as compagnons

qui se deffendoient et qui de sueur estoient tout

5moulliet. En cel estat furent il jusques en le nuit par

trois ou par quatre assaus, et en y avoit de chiaus de

l’host, en assallant, aucuns bleciés et navrés. A l’endemain,

on refist tout otel, et assallirent li Englès ce

secont jour jusques à le nuit. Li sires de Cliçon et li

10baron qui là estoient et qui en ce dangier se veoient,

et qui en sus de tous confors se sentoient, n’estoient

mies à lor aise. Si regardèrent que trop mieulz leur

valoit à yaus rendre et paiier raençons, que attendre

l’aventure d’estre pris, car bien cognissoient que longement

15ne se pooient tenir en cel estat. Si faisoient

doubte que, se il estoient pris de force, trop grant

meschiés ne lor avenist, car par especial il se sentoient

fort hay dou duch, pour tant que il li avoient

esté trop contraire. Si envoiièrent devers le duch de

20Bretagne un hiraut qui bien remoustra leur entente

avoech lettres de creance qu’il portoit. Li dus à leur

offres ne volt onques entendre, mais [en] respondi

tantost, et dist: «Hiraus, retournés et leur dittes de

par mi, que je n’en prenderai ja nul [à merci], se il

25ne se rendent simplement.» Dont dist li hiraus, je

ne sçai se il en estoit cargiés [de parler] si avant, je

croi bien que oïl: «Chiers sires, ce seroit grans durtés,

se pour loyaument servir leur signeur il se mettoient

en tel dangier.»—«Leur signeur! respondi

30li dus de Bretagne, il n’ont aultre signeur que moy,

et, se je les tieng, ensi que j’ai bien esperance que je

le ferai, je leur remousterai que je sui leurs sires,

[209] 209 siques, hiraus, retournés, vous n’en porterés aultre

cose de moy.» Li hiraus retourna et fist sa response

à ses signeurs tout ensi, ne plus ne mains, que vous

avez oy.

5De ces nouvelles ne furent mies li sires de Cliçon

ne li aultre bien resjoï, car tantost il reurent l’assaut

à l’[end]emain, et leur couvint raler à leur labeur

ensi que devant, et ensi qu’il faut gent d’armes qui

sont en dur parti; car très le premier jour euissent

10il esté pris et conquis, se très vassaument il ne se

fuissent deffendu. Finablement il regardèrent qu’il ne

se pooient tenir, que dedens cinc ou sis jours [de

force] il ne fuissent pris, et encores ne sçavoient

il se on les minoit ou non: c’estoit une cose qui

15bien faisoit à ressongnier pour yaus. Si eurent un

aultre conseil de trettié, lequel il misent avant et

envoiièrent devers le duch de Bretagne, que, se dedens

quinse jours il n’estoient secouru et conforté

par quelconques manière que ce fust, il se renderoient

20simplement en le volenté dou duch. Quant

li dus de Bretagne oy ces trettiés, se li furent plus

plaisans assés que li aultre, et s’en conseilla au conte

de Campbruge et as barons d’Engleterre qui là estoient.

En ce conseil il y eut pluiseurs parolles retournées,

25et regardoient [trop] fort, en imaginant les

aventures, de quel part confors leur poroit venir.

Mais nullement il ne li savoient veoir ne trouver, se

ce n’estoit dou costé de Saint Salveur le Visconte, où

li connestables de France et li François estoient

30efforciement. De ce faisoient il la grigneur doubte, et

pour un tant il s’assentirent à ce trettié, mais il ne

veurent donner que huit jours de souffrance: encores

[210] 210 ne le faisoient il mies volontiers, et furent tout joiant

li sires de Cliçon et si compagnon, quant il les peurent

avoir.

§ 767. Ensi demorèrent chil cinc baron de Bretagne

5en souffrance, et la ville de Camperlé ossi, et

toutdis se tenoit li sièges. Si devés bien croire et savoir

qu’il n’estoient mies à leur aise, quant il se sentoient

en tel dangier que en le volenté de leurs ennemis,

et par especial dou duch qui les haïoit à mort et

10qui bien disoit que ja n’en prenderoit nulle raençon.

De leur fortune et de leur aventure se doubtoit

bien li rois de France, et avoit cinc ou sis coureurs

à cheval, nuit et jour alans et venans de Paris en

Bretagne et de Bretagne à Paris, et qui dou jour à

15l’endemain raportoient nouvelles de cent ou de

quatre vins liewes lonch, par les chevaus dont il se

rafreskissoient de ville en ville; et en tel manière il

avoit aultres messagiers, qui ensi s’esploitoient de

Bruges à Paris et de Paris à Bruges, par quoi tous les

20jours il savoit les trettiés qui là se faisoient. Si tretost

qu’il sceut l’avenue de Camperlé, il se hasta d’envoiier

devers son frère le duch d’Ango, et li manda

estroitement, à quel meschief que ce fust, il fesist

clore ces trettiés et presist triewes as Englès pour

25toutes les metes et limitations de France, et li segnefia

la cause pour quoi. Tantost li dus d’Ango, qui avoit

les legaus en le main, mist main à l’uevre et acorda

unes triewes sus quel estat il estoient, à durer jusques

au premier jour de may l’an mil trois cens settante et

30sis, et eurent en couvent li doi duch de retourner à

le Toussains à Bruges, et devoit li dus de Lancastre

[211] 211 amener avoecques lui le duch de Bretagne, et li dus

d’Ango prommetoit que il seroit pour lui en tous

estas, et le metteroit à accort de la ducé de Bretagne

envers son frère le roy de France.

5Tantost la chartre de le triewe fu escripte, grossée

et seelée, et dou duch de Lancastre à deus de ses

chevaliers delivrée, les quelz on appelloit l’un monsigneur

Nicole Carnessuelle et l’autre monsigneur

Gautier Oursewich. Li dus d’Ango, pour haster la

10besongne et pour ces deus chevaliers moustrer le

chemin, prist deus des sergans d’armes de son frère

le roy, et leur dist: «Hastés vous, et faites haster ces

chevaliers, et renouvelés vous de chevaus par tout où

vous venés, et ne cessés nuit ne jour, tant que vous

15aiiés trouvé le duch de Bretagne.» Avoech tout che,

il en pria et fist priier par les legaus les deus chevaliers

especialment, et ossi [leurs sires] li dus de Lancastre

leur recarga. Si esploitièrent tant et si vighereusement

que sus cinc jours il furent de Bruges

20devant Camperlé, et trouvèrent le duch de Bretagne,

qui jeuoit as eschès au conte de Campbruge dedens

son pavillon. Si s’agenoullièrent devant lui et devant

le conte, et les saluèrent en englès.

Li doi chevalier furent li très bien venu de ces signeurs

25pour tant qu’il venoient de leur frère le duch

de Lancastre, et demandèrent des nouvelles. Tantost

messires Nicoles Carnessuelle mist avant la chartre

de le triewe, où li commission estoit enexée, et commandoit

li dus de Lancastre, qui plain pooir et auctorité

30avoit ou lieu dou roy d’Engleterre, son père,

que, en quel estat qu’il fuissent, il se partesissent

tantos et sans delay. Or regardés se ceste cose vint

[212] 212 bien à point pour les barons de Bretagne, qui estoient

enclos en tel dangier en Camperlé, qui n’avoient

mais c’un jour de respit. Onques cose ne cheï si bien

à gens qu’il leur en cheï.

5Vous devés savoir que li dus de Bretagne fu estragnement

courouciés, quant il oy ces nouvelles, et

crolla la tieste et ne parla en grant temps, et le premier

parler qu’il dist, ce fu: «Maudite soit li heure,

quant onques je m’acordai à donner triewe à mes

10ennemis!» Ensi se deffist li sièges de Camperlé, vosist

ou non li dus de Bretagne, par le vertu de le chartre

de le triewe et de le commission dou duch de Lancastre.

Si se deslogièrent tantost tout courouchié, et

se retraisent vers Saint Mahieu de Fine Posterne, où

15toute leur navie estoit. Quant li sires de Cliçon, li

viscontes de Rohem, li sires de Laval et li aultre [qui

en Camperlé estoient], veirent ce departement et

sceurent par quele condition, car li dus d’Ango leur

en envoia lettres, si furent trop grandement resjoy;

20car au matin la compagnie volsist avoir paiiet deus

cens mil frans, et il fuissent à Paris.

§ 768. Ensi se desrompi ceste armée dou duch de

Bretagne, faite en Bretagne, et retournèrent li contes

25de Campbruge, li contes de le Marce, li sires Despensiers

et tout li Englès en Engleterre, et li dis dus

s’en vint au chastiel d’Auroy, où la ducoise sa femme

estoit, qu’il desiroit moult à veoir, car il ne l’avoit

veu, plus d’un an avoit. Si se tint là un terme dalés

lui, et regarda à ses besongnes, et fist tout à loisir ses

30ordenances, et puis s’en retourna en Engleterre et

en mena sa femme avoecques lui. Ossi li dus de Lancastre

[213] 213 retourna à Calais et de là en Engleterre, sus

l’entente que de revenir à Bruges à le Toussains qui

venoit. D’autre part ossi li dus d’Ango s’en vint à

Saint Omer, et se tint là toute le saison, se ce ne

5fu un petit qu’il s’en vint esbatre à Guise en Tierasse,

où ma dame sa femme estoit, ensi que sus son hyretage,

et puis retourna tantost à Saint Omer, et li doi

legal tretteur se tinrent à Bruges.

Or revenons à chiaus de Saint Salveur, qui estoient

10mis en composition devers le connestable de France.

Li Englès, quant il se partirent de Bretagne, il cuidièrent

que cilz sièges se deuist ossi bien lever, que

il s’estoient levé de devant Camperlé; mais non fist.

Ançois y eut au jour, qui estimés y estoit, plus de

15dis mil lances, chevaliers et escuiers. Quatreton,

messires Thumas Trivés, messires Jehans de Bourch

et li compagnon qui dedens estoient, à leur pooir

debatirent assés la journée, car il avoient oy parler

de le triewe. Si se voloient ens enclore ossi, mais li

20François ne l’entendoient grain ensi; ançois disoient

que la première couvenance passoit la daarraine ordenance,

et qu’il avoient mis ou trettié de leur composition

que, se li dus de Bretagne proprement ne venoit

lever le siège, il se devoient rendre et mettre leur

25garnison en le volenté dou connestable. «Encores

est li dus ou pays, ce disoient li François; pour

quoi ne trest il avant? Nous sommes tout pourveu et

appareillié de l’attendre et dou combatre, et vous

demandons par vostre serement, se vous li avés point

30segnefiiet. Il disoient bien: «Oïl.»—«Et pourquoi

dont ne trait il avant?» Il respondoient: «Il

maintient, et ossi font nos gens, que nous sommes

[214] 214 ou trettiet de le triewe.» Li François disoient qu’il

n’en estoit riens, et les avisa li connestables en tant,

se il ne rendoient la forterèce ensi que oblegié

estoient, tout premierement il feroient morir leurs

5hostages, et puis les constrainderoient d’assaus plus

que il n’euissent onques fait. Bien estoit en leur poissance

dou conquerre; et quant par force il seroient

conquis, il fuissent tout certain que on n’en prenderoit

jamais nul à merci, que tout ne fuissent mort.

10Ces parolles esbahirent Quatreton et les compagnons,

et eurent conseil sur ce et regardèrent, tout consideré,

que confors ne leur apparoit de nul costé, et

ne voloient mies perdre leurs hostages, siques finablement

il se rendirent, et s’en partirent sauvement

15et emportèrent tout le leur, et reurent leurs hostages,

ce fu raisons. Si entrèrent en une nef et misent tout

leur harnas en une aultre, et puis singlèrent vers

Engleterre, et li connestables de France prist le saisine

de Saint Salveur le Visconte, ou nom dou roy

20de France. Adont se departirent toutes gens d’armes,

et se retraist cascuns en son lieu, li duch, li conte, li

baron et li chevalier; et les compagnes fisent leurs

routes à par yaus, qui se retraisent en Bretagne et

sus le rivière de Loire. Là les envoia li rois de France

25reposer jusques à tant que il oroit autres nouvelles.

CHAPITRE CII CHAPITRE CII

§ 769. Ces gens de compagnes qui avoient apris à

pillier et à rober et qui ne s’en savoient abstenir,

fisent en celle saison trop de mauls ens ou royaume

de France, tant que les plaintes en vinrent au roy.

30Li rois, qui volentiers euist adrechiet son peuple et

qui grant compassion en avoit, car trop li touchoit

[215] 215 la destruction de son royaume, n’en savoit que faire.

Or fu adont regardé en France que li sires de Couci,

qui ja avoit demoret hors sis ans ou environ, et qui

estoit uns friches et gentils chevaliers de grant providense

5et de grant sens, seroit remandés; car on li

avoit oy dire pluiseurs fois que il clamoit à avoir

grant droit à la ducé d’Osterice par la succession de

sa dame de mère, qui soer germainne avoit esté dou

duch darrainnement trespassé, et cils qui pour le

10temps possessoit de la ducé d’Osterice, n’estoit que

cousins germains plus lontains assés de droit linage

que li sires de Couci ne fust. Si fu proposé au conseil

dou roy de France que li sires de Couci s’aideroit

bien de ces compagnes, et en feroit son fait [en Osterice],

15et en deliveroit le royaume de France.

Adont fu remandés li gentilz sires de Couci, messires

Engherans, qui s’estoit tenus en Lombardie un

grant temps et de puis sus la terre dou patrimonne,

et fait guerre pour la cause de l’Eglise as signeurs de

20Melans et as autres, ossi as Florentins et as Pisains,

et si vaillamment s’i estoit portés que il en avoit

[grandement] le grasce et le renommée dou Saint

Père le pape Gregore XIe. Quant il fu revenus en

France premierement devers le roy, on li fist grant

25feste, et le vei li rois moult volentiers, et li demanda

des nouvelles: il l’en dist assés. De puis revint li

sires de Couci en sa terre, et trouva ma dame sa

femme, la fille dou roy d’Engleterre, à Saint Goubain.

Si se fisent grans recognissances ensamble, ce

30fu raisons, car il ne s’estoient veu de grant temps.

Ensi petit à petit se racointa li sires de Couci en

France, et se tint dalés le roy qui le vei moult volentiers.

[216] 216 Adont li fu demandé couvertement dou signeur

de la Rivière et Nicolas le Mercier, qui estoient

[instruit] quanques li rois pooit faire, se il se vorroit

point cargier ne ensonnier de ces Bretons et des

5compagnes pour mener en Osterice. Il respondi que

il en aroit avis; si s’en consilla à ses amis et le plus

en soi meismes. Si en respondi sen entente que volentiers

s’en ensonnieroit, mais que li rois y vosist

mettre aucune cose dou sien et li prester ossi aucune

10finance pour paiier leurs menus frès et pour acquerre

amis et les passages tant en Bourgongne, comme en

Aussai, et sus le rivière dou Rin, par où il les couvenoit

passer et aler, se il voloient entrer en Osterice.

Li rois de France n’avoit cure quel marchié il fesist,

15mais que il veist son royaume delivré de ces compagnes:

se li acorda toute sa demande, et fina pour

lui devers les compagnes, et leur delivra grant argent

mal emploiiet, ensi que vous orés recorder temprement;

car onques gens ne s’acquittèrent pis envers

20signeur, qu’il s’acquittèrent devers monsigneur de

Couci. Il prisent son or et son argent, et se ne li

fisent nul service.

§ 770. Environ le Saint Michiel, l’an mil trois cens

settante et cinc, se departirent ces compagnes et ces

25gens d’armes, Bretons et aultres de toutes nations,

dou royaume de France, et passèrent parmi Loerainne,

où il fisent moult de destourbiers et de damages,

et pillièrent pluiseurs villes et chastiaus et

fuison dou plat pays, et eurent de l’or et de l’argent

30à leur entente de chiaus de Mès en Lorrainne. Quant

chil d’Ausay, qui se tenoient pour le duch de

[217] 217 Lussembourch et de Braibant, en veirent le manière, si

se doubtèrent de ces males gens, que il ne leur feissent

à souffrir, et se cloïrent, et mandèrent li baron

d’Ausay au signeur de Couci et as barons de Bourgongne

5qui avoecques lui estoient, le signeur de

Vregi et aultres, que point ne passeroient parmi leur

pays ou cas qu’il se vorroient ensi maintenir. Li sires

de Couci mist son conseil ensamble, car il avoit là

grant fuison de bonne chevalerie de France, monsigneur

10Raoul de Couci, son oncle, le visconte de

Miaus, [le signeur de Roye, monsigneur Raoul de

Raineval], le signeur de Hangest, messire Hue de

Roussi et fuison d’autres, siques, yaus consilliet, il

regardèrent que li signeur et li pays d’Ausay avoient

15droit. Si priièrent moult doucement as chapitains des

compagnes et as Bretons et Bourghegnons, que il

vosissent courtoisement passer et faire passer leurs

gens parmi Ausay, par quoi li pays leur fust ouvers,

et qu’il peuissent faire leur fait et leur emprise. Il

20l’eurent tout en couvent volentiers, mais de puis il

n’en tinrent riens. Toutes fois, au passer et à l’entrer

en Aussai, il furent assés courtois.

Or parlerons des parlemens qui furent assignet à

Bruges. Il est verités que à le Toussains, li dus de

25Lancastre et li dus de Bretagne, pour le partie dou

roy d’Engleterre, y vinrent moult estoffeement et en

grant arroy. Ossi fisent li dus d’Ango et li dus de

Bourgongne, et remoustroit cascuns de ces signeurs

sa grandeur et sa poissance.

30Si fist li dus de Bourgongne en ce temps une très

grande feste de jouste, en le ville de Gand en Flandres,

de cinquante chevaliers et de cinquante escuiers de

[218] 218 dedens. Et furent à celle jouste grant fuison de haus

signeurs et de nobles dames, tant pour honnourer

le duch de Bourgongne que pour veoir l’estat des

dus qui là estoient: le duch d’Ango, le duch de Lancastre

5et le duch de Bretagne. Si y furent li dus de

Braibant et ma dame sa femme, et li dus Aubers et

sa femme, et la ducoise de Bourgongne. Si furent ces

joustes bien festées et dansées, et par quatre jours

joustées; et tint adont là li contes de Flandres grant

10estat et poissant, en honnourant et exauchant la

feste de son fil et de sa fille, et en remoustrant sa

rikèce et sa poissance [à ces signeurs estraingniers de

Franche], d’Engleterre et d’Alemagne. Quant ces

joustes furent passées et li signeur retrait, si retournèrent

15à Bruges li dus d’Ango, li dus de Bourgongne

et leurs consaulz d’Engleterre. Ossi fisent li dus de

Lancastre, li dus de Bretagne et li consaulz d’Engleterre

et li doi legal trettieur. Si se commencièrent à

entamer et à proposer parlement et trettiet, et li doi

20legal à aler de l’un à l’autre, qui portoient ces parolles,

qui peu venoient à effet; car cescuns se tenoit si fiers

et si grans, que raisons n’i pooit descendre. Li rois

d’Engleterre demandoit coses impossibles pour lui,

ce que li François n’euissent jamais fait: toutes les

25terres que li rois de France ou ses gens avoient conquis

sur lui, et tout l’argent qui estoit à paiier quant

la devant ditte pais fu brisie, et delivré le captal [de

Bues] hors de prison. D’autre part li rois de France

voloit avoir la ville, et le chastiel de Calais, abatue,

30quel trettié qu’il fesist, et de cel argent tout l’opposite;

mais toute la somme entièrement que li rois ses

pères et ils avoient d’argent paiiet, il voloit ravoir, ce

[219] 219 que li rois d’Engleterre n’euist jamais fait, l’argent

rendu ne Calais abatue. Si furent grant temps sus cel

estat, et li legal aloient proporsionnant et à leur

pooir amoienant ces demandes, mès elles s’approçoient

5trop mal. Se furent les parties, tant de France

comme d’Engleterre, un grant temps en Flandres,

et fui adont ensi enfourmés que finablement Bretagne

et Espagne rompirent tous les trettiés. Si furent

les triewes ralongies jusques au premier jour d’avril

10mil trois cens settante et sis, et se departirent de

Bruges tout cil duch: li un s’en alèrent en Engleterre,

et li aultre en France, et li legaulx demorèrent à Bruges;

mais cascune de ces parties devoient à le Toussains

renvoiier gens pour yaus, qui aroient plain pooir et

15auctorité, otel comme li doi roy aroient, se il y

estoient personelment, de faire pais et acord ou de

donner triewes.

§ 771. Or revenons au signeur de Couci, qui

estoit en Aussai, et avoit deffiiet le duch d’Osterice

20et tous ses aidans, et li cuidoit faire une grant

guerre, et moult s’en doubtoient li Ostrisien. Nequedent,

comme très vaillans gens d’armes et que bon

guerrieur qu’il sont et soutil, il alèrent et obviièrent

grandement à l’encontre de ces besongnes, car,

25quant il sentirent le signeur de Couci et ses gens et

ces compagnes approcier, euls meismes ardirent et

destruisirent au devant d’yaus bien trois journées

de pays.

Quant cil Breton et ces compagnes furent oultre

30Aussai et sus le rivière de Rin, et il deurent approcier

les montagnes qui departent Aussai et Osterice, et il

[220] 220 veirent un povre pays et trouvèrent tout ars et desrobé,

non pas pays de tel ordenance comme il est

sus le rivière de Marne et de Loire, et ne trouvèrent

que genestes et broussis, et que plus aloient avant et

5plus trouvoient povre pays ars et desrobé d’yaus

meismes, et il avoient apris ces biaus vignobles et

ce gras pays de France, de Berri et de Bretagne, et

ne savoient que donner leurs chevaus, si furent

tout esbahi. Si s’arrestèrent sus le rivière de Rin ensamble

10les compagnes, et eurent parlement les chapitainnes

des Bretons et li Bourghegnon ensamble,

pour savoir comment il se maintenroient. «Et comment,

disent il, est tel cose la ducé d’Osterice? Li

sires de Couci nous avoit donné à entendre que c’estoit

15li uns des gras pays dou monde, et nous le trouvons

le plus povre: il nous a decheu laidement. Se

nous estions delà celle rivière de Rin, jamais ne le

porions rapasser, que nous ne fuissions tout mort et

pris et en le volenté de nos ennemis les Alemans,

20qui sont gens sans pité. Retournons, retournons en

France; ce sont mieulz nos marces. Mal dehait ait

qui ja ira plus avant!» Ensi furent il d’acord d’yaus

logier, et se logièrent tout contreval le Rin, et fisent

le signeur de Couci logier tout en mi yaus, li quelz

25tantos, quant il vei ceste ordenance, se commença à

doubter qu’il n’i euist trahison. Se leur dist moult

doucement: «Signeur, vous avés pris mon or et

mon argent, dont je sui grandement endebtés, et

l’argent dou roy de France, et vous estes oblegié par

30foy et par sierement que de vous acquitter loyaument

en ce voiage: si vous en acquittés. Aultrement, je sui

li plus deshonnourés homs dou monde.»—«Sires

[221] 221 de Couci, respondirent à ce premiers les chapitainnes

des compagnes et li Bourghegnon, la rivière

de Rin est encores moult grosse ne on ne le poet

passer à gué sans navire. Nous sejournerons chi:

5entrues venra li biaus temps. Nous ne savons les chemins

en ce pays. Passés devant, nous vous sievrons.

On ne met mies gens d’armes ensi hors d’un bon

pays, que mis nous avés. Vous nous disiés et affiiés

que Osterice est uns des bons et des gras pays dou

10monde, et nous trouvons tout le contraire.»—«Par

ma foy, respondi li sires de Couci, c’est mont,

mais ce n’est mies chi à l’entrée. Par delà ceste rivière,

et oultre ces montaignes que nous veons, trouverons

nous le bon pays.»—«Or passés dont devant,

15et nous vous sievrons.» Ce fu toute la plus courtoise

response que il peut à celle heure avoir d’yaus,

mais se logièrent, et le signeur de Couci en mi yaus,

et par tel manière que, se il s’en vosist adont estre

partis, il ne peuist, tant estoit il priès gettiés. De la

20quel cose il avoit grant doubte, et ossi avoient tout

li Pikart, li Englès, li Haynuier et li François, des

quelz il y avoit bien trois cens lances.

Or vinrent nouvelles en l’ost que li dus d’Osterice

se voloit acorder et composer au signeur de Couci,

25et li voloit donner une belle terre, qui vault bien

vint mil frans par an, que on claime la conté de

Fuiret. Voirement en furent ils aucuns trettiés; mès il

ne continuèrent point, car ce sambloient au signeur

de Couci et à son conseil trop petites offres.

30§ 772. Quant li sires de Couchi vey que ces gens

que il avoit là amenés, ne vorroient aler plus avant,

[222] 222 et que il ne li faisoient que respondre à le traverse,

si fu durement merancolieus, et s’avisa de soi

meismes, comme sages et imaginatis chevaliers, que

ces compagnes le poroient deshonnourer, car, se de

5force il le prendoient, il le poroient delivrer au duc

d’Osterice et vendre pour la cause de leurs gages, car

voirement demandoient il argent sus le temps à

venir, se on voloit que il alaissent plus avant. Et, se

ensi estoit que il le delivraissent par celle manière as

10Alemans, jamais il ne s’en veroit delivrés. Si eut

conseil secret à aucuns de ses amis, à trop de gens ne

fu ce mies, que il s’embleroit d’yaus et se metteroit

au retour. Tout ensi comme il le pensa et imagina,

il le fist, et se parti de nuit en abit descogneu, et

15chevauça lui troisime tant seulement. Toutes manières

de gens d’armes et de Bretons et ses gens ossi, excepté

cinc ou sis, cuidoient que il fust encores en ses logeis,

et il estoit ja eslongiés et hors de tous perilz

bien deus journées, et ne tenoit nul droit chemin,

20mais il fist tant qu’il s’en revint en France. Si fu

durement li rois de France esmervilliés; ossi furent

li dus d’Ango, li dus de Berri, li dus de Bourgongne

et moult d’autres signeurs, quant il le veirent [en ce

parti] revenu, et il le cuidoient en Osterice: ce leur

25sambla uns drois fantosmes. Et li demandèrent de

ses besongnes comment il en aloit, et dou duch d’Osterice

son cousin quel chière il li avoit fait. Li sires

de Couci ne fu mies esbahis de remoustrer son afaire,

car il estoit richement enlangagiés et [avoit] escusance

30veritable. Si cogneut au roy et à ces dus toute

[le] verité, et leur compta de point en point l’estat des

compagnes et comment il s’estoient maintenu et quel

[223] 223 cose il avoient respondu, et tant fist, et de voir, que

il demora sus son droit, et les compagnes en leur

blasme. Et se tint en France dalés le roi et ses frères,

et tantost apriès Paskes il eut congiet dou roy de

5France d’aler jeuer en Engleterre et de mener y sa

femme la fille dou roy d’Engleterre, et eut adonques

[aucuns] trettiés secrés entre lui et le roy de France,

qui ne furent mies sitost ouvert. Et fu adont regardé

en France des plus sages que c’estoit uns sires de

10grant prudense, bien tailliés de trettiier pais et acord

entre les deus rois, et que on n’avoit en lui veu fors

que toute loyauté. Se li fu dit: «Sires de Couci,

c’est li entention dou roy et de son conseil que vous

demorés dalés nous en France; si nous aiderés à consillier

15et à trettier devers ces Englès, et encores vous

prions nous, que en ce voiage que vous ferés, couvertement

et sagement, ensi que bien le sarés faire, vous

substanciiés dou roy d’Engleterre et de son conseil

sus quel estat on poroit trouver paix ne acord entre

20yaus et nous.» Li sires de Couci eut ensi en couvent;

si se appareilla dou plus tost qu’il peut, et

parti de France, et ma dame sa femme et tout leur

arroy. Si esploitièrent tant que il vinrent en

Engleterre.

25§ 773. Or parlons de ces compagnons qui se tinrent

pour trop decheu, quant il sceurent que li sires

de Couchi leur estoit escapés et retournés en France.

Si disoient li aucun que il avoit bien fait, et li aultre

disoient que il s’estoit fais et portés grant blasme. Si

30se misent au retour et revinrent en France, en ce bon

pays qu’il n’appelloient mies Osterice, mais leur

[224] 224 cambre. Quant li sires de Couci eut esté une espasse

en Engleterre dalès le roy son [grant] signeur, qui li

fist bonne chière et à sa fille ossi, et il eut viseté le

prince de Galles, son frère, qui gisoit malades à

5Londres, et estoit en mains de surgiiens et de medecins,

et ossi viseté ses aultres frères le duch Jehan

de Lancastre et ma dame sa femme, le conte de

Campbruge et monsigneur Thumas le mainsnet, et le

jone Richart, fil dou prince, qui estoit en le garde et

10doctrine de ce gentil et vaillant chevalier monsigneur

Guichart d’Angle, il prist congiet à tous et à toutes,

et laissa là sa mainsnée fille la damoiselle de Couci

et sa femme, et puis s’en retourna en France.

En ce temps paia li rois Edouwars d’Engleterre as

15barons et as chevaliers de son pays son jubilé, car il

avoit esté cinquante ans rois. Mais ançois fu trespassés

messires Edowars ses ainsnés filz, princes de

Galles et d’Aquittaines, la fleur de toute chevalerie

dou monde en ce temps et qui le plus avoit esté fortunés

20en grans fais d’armes et acompli de belles

besongnes. Si trespassa li vaillans homs et gentilz

princes de Galles ens ou palais de Wesmoustier dehors

la cité de Londres. Si fu moult plains et regretés,

et sa bonne chevalerie moult regretée, et eut li gentilz

25princes à son trespas la plus belle recognissance

à Dieu et la plus ferme creance et repentance, que

on vei onques grant signeur avoir. Ce fu le jour de

le Trinité, en l’an de grasce Nostre Signeur mil trois

cens settante et sis. Et pour plus autentiquement et

30reveramment faire la besongne, et que bien avoit

dou temps passé conquis par sa bonne chevalerie

que on li fesist toute l’onneur et reverense que on

[225] 225 poroit, il fu embausumés et mis en un vaissiel de

plonch et là tous ensepelis, excepté le viaire, et ensi

gardés jusques à le Saint Michiel, que tout li prelat,

conte, baron et chevalier d’Engleterre furent à son

5obsèque à Wesmoustier.

§ 774. Sitos que li rois de France fu segnefiiés de

la mort de son cousin le prince, il li fist faire son

obsèque moult reveramment en la Sainte Capelle dou

palais, et y furent si troi frère et grant fuison de

10prelas, de barons et de chevaliers dou royaume de

France; et dist bien li rois de France et afrema que

li princes de Galles avoit regné poissamment et

vassaument.

Or vint li Toussains, que li rois d’Engleterre envoia

15as parlemens à Bruges, ensi que ordenance se

portoit, monsigneur Jehan de Montagut, le signeur

de Gobehem, l’evesque de Halfort et le doiien de

Saint Pol de Londres; et li rois de France, le conte

de Salebruce, le signeur de Chastillon et monsigneur

20Phillebert de l’Espinace; et toutdis estoient là li doi

legal trettieur. Si se tinrent chil signeur et chil trettieur

tout le temps à Bruges, et peu esploitièrent, car

toutes leurs coses tournoient à noient; car li Englès

demandoient, et li François ossi.

25En ce temps estoit li dus de Bretagne en Flandres

dalés son cousin le conte Loeis de Flandres, le quel

il trouvoit assés traittable et amiable, mès point ne

s’ensonnioit de ces trettiés.

Environ le quaremiel se fist uns secrés treti[é]s entre

30ces François et ces Englès, et deurent li Englès leurs

trettiés porter en Engleterre, et li François en France,

[226] 226 cascuns devers son signeur le roy, et devoient retourner,

ou aultre commis que li roy renvoieroient,

à Moustruel sus mer; et sus cel estat furent les triewes

ralongies jusques au premier jour de may. Si en alèrent

5li Englès en Engleterre, et li François [revinrent]

en France, et raportèrent leurs trettiés, et recordèrent

sus quel estat il estoient parti l’un de l’autre.

Si furent envoiiet à Moustruel sus mer, dou costé des

François, li sires de Couci, li sires de le Rivière, messires

10Nicolas Brake et Nicolas le Mercier, et dou

costé des Englès, messires Guichars d’Angle, messires

Richars Sturi et Joffrois Cauchiés. Et parlementèrent

cil signeur et ces parties grant temps sus le

mariage dou jone Richart, fil dou prince, et de ma

15demoiselle Marie, fille dou roy de France, et revinrent

arrière en Engleterre, et raportèrent leurs trettiés,

et ossi li François en France, et furent les triewes

ralongies un mois.

§ 775. Nous avons oubliiet à recorder comment

20li rois d’Engleterre, le jour de le Nativité Nostre Seigneur,

l’an dessus dit, tint en son palais, à Wesmoustier,

une grant feste et solennele, et y furent,

par mandement et commandement dou roy, tout li

prelat, [li duc], li conte, li baron et li chevalier

25d’Engleterre. Et là fu eslevés Richars, li filz dou prince, et

le fist li rois porter devant lui, et le ravesti, present

tous les dessus dis, de l’iretage et royaume d’Engleterre

à tenir apriès son dechès, et l’assist dalés lui, et

fist jurer tous prelas, contes, barons et chevaliers et

30officiiers des cités et des bonnes villes des pors et

des passages d’Engleterre, que il le tenroient à signeur

[227] 227 et à roy. Apriès ce, li vaillans rois encheï en une

foiblèce, de la quele il morut en l’anée, ensi que vous

orés [recorder] temprement. Mais nous perseverrons

de ces parlemens et de ces trettiés, qui ne vinrent à

5nul pourfit.

§ 776. A ces parlemens et secrés trettiés qui furent

assigné en le ville de Moustruel, furent envoiiet

de par le roy de France li sires de Couci et messires

Guillaumes des Dormans, canceliers de France: si s’en

10vinrent tenir à Moustruel. De le partie des Englès

furent renvoiiet à Calais li contes de Sallebrin, messires

Guichars d’Angle, li evesques de Halfort et li

evesques de Saint David, cancelier d’Engleterre. Et

estoient là li trettieur qui aloient de l’un à l’autre, et

15qui portoient les trettiés, li archevesques de Ravane

et li evesques de Carpentras. Et furent toutdis leur

parlement et leur trettié sus le mariage devant dit,

et offroient li François, avoecques leur dame, fille

dou roy de France, douse cités ou royaume de

20France, c’est à entendre en la ducé d’Aquittaines, mais

il voloient avoir Calais abatue. Si se desrompirent

cil parlement et cil trettié, sans riens faire, car onques

pour cose que cil trettieur seuissent dire, priier ne

remoustrer, ces parties ne se veurent ou osèrent onques

25assegurer sus certainne place, entre la ville de Moustruel

et Calais, pour yaus comparoir l’un devant

l’autre. Si demorèrent les coses ensi, et ne furent les

triewes plus ralongies, mais la guerre renouvelée, et

retournèrent li François en France.

30Quant li dus de Bretagne vei ce, qui se tenoit à

Bruges dalés son cousin le conte de Flandres, et li

[228] 228 legal furent là retourné, qui disent qu’il ne pooient

riens faire, si escrisi devers le conte de Sallebrin et

monsigneur Guichart d’Angle, qui estoient à Calais,

que à tel jour, atout gens d’armes et arciers, il fuissent

5contre lui, car il s’en voloit raler en Engleterre,

et il se doubtoit des embusces sus les frontières de

Flandres et d’Artois, siques li dessus dit, li contes de

Sallebrin et messires Guichars d’Angle, se departirent

de Calais à cent hommes d’armes et deus cens archiers,

10et vinrent requerre bien avant en Flandres

le duch de Bretagne, et le ramenèrent sauvement à

Calais.

§ 777. Quant Nostre Saint Père le pape Grégoire

XIe senti et entendi que la pais entre le roy de

15France et le roy d’Engleterre ne se pooit trouver

pour moiien ne pour trettié que on sceuist ne peuist

mettre avant, se li fu une cose moult desplaisans, et

dist à ses frères les cardinaus que il se voloit partir

d’Avignon et qu’il se ordonnaissent, car il voloit aler

20tenir son siège à Romme. Li cardinal ne furent mies

trop resjoy de ces nouvelles et li debatirent ce qu’il

peurent par pluiseurs voies raisonnables, et li

remoustrèrent bien que, se il aloit là, il metteroit

l’Eglise en grant tourble. Non obstant toutes parolles,

25il dist que il avoit ce de veu et qu’il iroit, comment

que ce fust. Si se ordonna et les constraindi au partir

avoecques lui; toutes fois, quant il veirent qu’il n’en

aroient aultre cose, il se misent avoecques lui et

montèrent en mer à Marseille, et singlèrent tant qu’il

30vinrent à Genuenes. Là se rafreskirent, et puis entrèrent

de rekief en leurs galées, et esploitièrent tant

[229] 229 par leurs journées qu’il vinrent à Romme. Si furent

li Rommain grandement resjoy de leur venue, et

tous li pays de Rommagne. Par celle motion que li

dessus dis papes fist, avinrent depuis grans tourbles

5en l’Eglise, sicom vous orés recorder cha apriès,

mais que ceste hystore dure jusques à là.

§ 778. Toute celle saison que cil trettié et parlement

de paix qui point n’avinrent, furent à Bruges,

li rois de France avoit ses pourveances et sen armée

10fait faire sur mer et appareillier très grossement, et

avoit entention d’envoiier ardoir en Engleterre; et

estoient ses gens pourveu de gallées et de gros vaissiaux

que li rois Henris d’Espagne leur avoit envoiiés,

et l’un de ses [maistres] amiraus, qui s’appelloit dan

15Ferrans Sanses de Touwars. Et li amiraus de France

estoit pour le temps messires Jehans de Viane;

avoecques lui estoit messires Jehans de Rays et pluiseur

appert chevalier et escuier de Bourgongne, de

Campagne et de Pikardie [et d’aultre part]. Si waucroient

20ces gens marins sus mer, et n’attendoient

aultre cose que nouvelles leur venissent que la guerre

fust renouvelée, et bien s’en doubtoient en Engleterre,

et l’avoient les chapitainnes des isles d’Engleterre,

de Gernesie, de Grenesée et de Wisk segnefiiet

25au conseil dou roy d’Engleterre, car li rois estoit ja

moult malades, et ne parloit on point à lui des besongnes

de son royaume, fors à son fil le duch de

Lancastre, et estoit si très foibles que li medecin

n’i esperoient point de retour. Si fu envoiiés à

30Hantonne messires Jehan d’Arondiel, atout deus

cens hommes d’armes et trois cens arciers, pour

[230] 230 garder le havene, le ville et le frontière contre les

François.

Quant li dus de Bretagne, ensi que contenu et devisé

est chi devant, fu ramenés à Calais dou conte de

5Sallebrin et de monsigneur Guichart d’Angle, il entendi

que li rois, ses sires, estoit durement malades et

afoiblis. Si se parti dou plus tost qu’il peut et monta

en mer, et demorèrent encores à Calais li contes de

Sallebrin et messires Guichars d’Angle. Si prist terre

10à Douvres li dis dus, et puis chevauça viers Londres,

et demanda dou roy, où il estoit. On li dist que il

gisoit [moult] malades en un petit manoir royal, qui

est là sus le [rivière de] Tamise, à cinc liewes englesces

de Londres, que on dist Cenes. Là vint li

15dus de Bretagne: si y trouva le duch de Lancastre,

le conte de Campbruge et monsigneur Thumas le

mainsnet, et ossi le conte de le Marce, et n’attendoient

dou roy fors l’eure de Dieu; et ossi estoit là

sa fille, ma dame de Couci, qui moult estoit astrainte

20de coer de grant dolour et anguisse, de ce que elle

veoit son signeur de père en ce parti.

Le jour devant la vigile Saint Jehan Baptiste, en

l’an de grasce Nostre Signeur mil trois cens settante

et set, trespassa de ce siècle li vaillans et li preus rois

25Edouwars d’Engleterre: de la quele mort tous li pays

et li royaumes d’Engleterre fu durement désolés; et

ce fu raisons, car il leur avoit estet bons rois. Onques

n’eurent tel ne le pareil puis le temps le roy Artus,

qui fu ossi jadis rois d’Engleterre, qui s’appelloit à

30son temps la Grant Bretagne. Si fu li rois embaulsumés

et mis et couchiés sus un lit moult reveramment

et moult poissamment, et portés ensi au lonch de le

[231] 231 cité de Londres de vint et quatre chevaliers vestis de

noir, si troi fil et le duch de Bretagne et le conte de

le Marce derrière lui, et ensi alant pas pour pas, à

viaire descouvert. Qui veist et oïst en ce jour les

5grans lamentations que li peuples faisoit, les plours,

les cris et les regrés qu’il disoient et qu’il faisoient,

on en euist grant pité et grant compassion au cuer.

Ensi fu li nobles rois aportés au lonch de Londres

jusques à Wesmoustier, et là mis jus et ensepelis

10dalés ma dame sa femme, Phelippe de Haynau,

royne d’Engleterre, ensi qu’en leur vivant avoient

ordonné. Et fu fais li obsèques dou roy si noblement

et si reveramment que on peut onques, car

bien le valli; et y furent tout li prelat, li conte, li

15baron et li chevalier d’Engleterre, qui pour ce temps

y estoient.

Apriès cel obsèque, on regarda que li royaumes

d’Engleterre ne pooit estre longement sans roy, et

que pourfitable estoit pour tout le royaume de couronner

20tantost le roy qui estre le devoit, et le quel li

vaillans rois, qui mors estoit, avoit ordonné et ravesti

dou royaume très son vivant. Si ordonnèrent là li

prelat, li conte, li baron, li chevalier et les communautés

d’Engleterre, et assignèrent un certain jour et

25bien brief, que on couronneroit l’enfant, le jone Richart,

qui fils avoit estet dou prince, et furent à ce

tout d’acord.

En celle sepmainne que li rois estoit trespassés,

retournèrent de Calais en Engleterre li contes de Sallebrin

30et messires Guichars d’Angle, qui furent moult

tristre et fort courouchié de la mort le vaillant roy;

mès souffrir leur convint, puis que Diex le voloit

[232] 232 ensi. Si furent tout li pas clos en Engleterre, ne nulz

n’en partoit, de quel costé que ce fust, pour tant que

on voloit mettre toutes les besongnes dou pays en

bonne et estable ordenance, ançois que la mort dou

5vaillant roy fust sceue.

Or vous parlerons de l’armée françoise, qui estoit

sus mer.

§ 779. Droitement la vigile Saint Pière et Saint

Pol, vinrent li François prendre terre à un port en

10le conté d’Exesses, vers les marces de la conté de

Kent, à une assés bonne ville plainne de peskeurs

et de maronniers, que on dist Rie. Si le pillièrent et

robèrent et ardirent toute entierement, puis rentrèrent

en leurs vaissiaus et rentrèrent en mer, et prisent le

15parfont et les costières de Hantonne, mès point n’i

approcièrent à celle fois.

Quant les nouvelles en vinrent à Londres, où tous

li pays s’assambloit pour couronner leur signeur le

jone Richart, si en furent toutes gens durement

20esmeu, et disent ensi li signeur et toutes gens d’un

acord: «Il nous fault haster de couronner nostre

roy, et puis aler contre ces François, ançois que il

nous portent plus grant damage.» Si fu couronnés

ou palais, et en le capelle de Wesmoustier, à roy

25d’Engleterre li jones Richars, le VIIIe jour dou mois

de jule l’an dessus dit, en l’onsime an de son eage;

et fist ce jour li dis rois Richars nuef chevaliers et

cinc contes. [Les chevaliers ne sçay je mie bien nommer;

si m’en tairay, mais les contes vous nommeray:

30premierement] monsigneur Thumas, son oncle,

conte de Boukinghem; monsigneur Henri, signeur

[233] 233 de Persi, conte de Northombrelande; monsigneur

Thumas de Hollandes, son frère, conte de Kent;

monsigneur Guichart d’Angle, son mestre, conte de

Hostidonne; et le signeur de Montbrai, conte de

5Notinghen.

Tantost apriès celle feste et le couronnement dou

roy, on ordonna li quel iroient à Douvres pour là

garder le passage, et li quel iroient d’autre part. Si

furent esleu li contes de Campbruge et li contes de

10Boukinghen, li doi frère, d’aler à Douvres, à tout

quatre cens hommes d’armes et sis cens archiers, et

li contes de Sallebrin et messires Jehans de Montagut,

ses frères, à une aultre ville et bon port, que on

dit Pesk, atout deus cens hommes d’armes et trois

15cens archiers.

Or vous parlerons des François, comment il esploitièrent,

entrues que ces ordenances se fisent et li couronnemens

dou jone roy, où on detria environ dis

ou douse jours, ançois que chil signeur fuissent et

20leurs gens où il devoient aler, excepté messires Jehans

d’Arondiel. Chilz [là] fu toutdis tous quois

avoech ses gens et se carge à Hantonne, et bien il [y]

besongna; car, se il n’i euist esté en l’estat que je vous

di, la ville euist estet destruite des François, car il

25vinrent prendre terre en l’isle de Wiske, et là s’arrestèrent,

et misent leurs chevaus hors de leurs nefs,

pour courir sus le pays, et y coururent et ardirent

ces villes que je vous nommerai: Lemonde, Dartemonde,

Pleumonde et Wesmue, qui estoient bon

30gros village. Si les pillièrent et robèrent, et y prisent

sus le pays et ens es dittes villes pluiseurs riches

hommes à prisonniers, et puis s’en retournèrent à

[234] 234 leur navie et misent ens tout leur conquès et leurs

chevaus, et rentrèrent ens, et se desancrèrent, et s’en

alèrent vers Hantonne. Si cuidièrent là arriver de

l’autre marée, et vinrent devant le havene, et fisent

5grant samblant de prendre terre. Messires Jehans

d’Arondiel et ses gens, qui estoient tout avisé de leur

venue, car il les avoient veu nagier sus mer et prendre

lor tour pour ariver et prendre terre à Hantonne,

estoient tout ordené et armé et mis en bataille devant

10le havene. Là eut un petit d’escarmuce, et veirent

bien li François que il n’i pooient riens conquerir:

si se retraisent et se boutèrent en mer, en costiant

Engleterre et en revenant vers Douvres. Si singlèrent

tant, que il vinrent à un autre port que on dist Pesk,

15où il y a une bonne ville, et veurent là prendre terre;

mais messires Guillaumes de Montagut, contes de

Sallebrin, et messires Jehans, ses frères, et leurs gens

leur furent au devant et se misent ordonneement en

bataille pour yaus attendre. Là eut un petit escarmuciet,

20mais ce ne fu point gramment; car il rentrèrent

en mer et singlèrent [aval] en costiant Engleterre

et en approchant Douvres. Là sont pluiseur

village sus coste seans sus mer, qui, en leur venant,

euissent esté tout ars et gasté, mais li contes de

25Sallebrin et ses frères et leurs gens les poursievoient

et costioient as chevaus; et quant il voloient

prendre terre, chil leur estoient au devant, qui leur

deffendoient vaillamment, et remoustrèrent bien que

c’estoient droites gens d’armes et de bonne ordenance,

30et qui avoient à garder l’onneur de leur pays.

§ 780. Tout ensi en costiant Engleterre, messires

[235] 235 Jehans de Viane et messires Jehans de Rays et li amiraus

d’Espagne herrioient le pays et mettoient grant

entente et grant painne à ce que il peuissent prendre

terre sus Engleterre à leur plus grant avantage. Et

5tant alèrent en cel estat, qu’il vinrent à un bon gros

village sus mer, et où il y a une bonne riche priorie,

que on dist Lyaus. Là estoient les gens dou pays

venu et recueillié avoeques le prieus de Lyaus et deus

chevaliers, par le quel conseil il se voloient ordonner

10et combatre, se li François venoient. Li chevalier

estoient nommet messires Thomas Cheni et messires

Jehans Afasselée. Là ne peurent li contes de Sallebrin

ne ses frères venir à temps, pour les divers chemins

et le mauvais pays qui est entre Lyaus et le marce,

15où il se tenoient. Là vinrent à ce port li dessus dit

François et leurs gallées moult ordonneement et ancrèrent

dou plus priès de terre qu’il peurent, et prisent

terre, vosissent ou non li Englès, qui leur deffendirent

ce qu’il peurent. Là eut à l’entrer en la

20ville grant hustin et force escarmurce et pluiseurs

hommes navrés des François à ce commencement

par le trait; mais il estoient si grant fuison qu’il

reculèrent leurs ennemis, li quel se recueillièrent moult

faiticement en une place devant le moustier, et attendirent

25leurs ennemis, li quel s’en vinrent sus yaus

hardiement combatre main à main très ordonneement.

Là furent faites pluiseurs grans apertises

d’armes des uns et des aultres, et se deffendirent li

Englès moult bien selonch leur quantité, car il n’estoient

30que un petit ens ou regard des François: si se

prendoient priès de bien faire la besongne. Ossi li

François avoient, avoecques le bon desir, grant entente

[236] 236 d’yaus porter damage. Là obtinrent il le place,

et furent li Englès desconfi, et en y eut bien deus

cens mors et grant fuison de pris des plus notables,

riches hommes de le marce, qui là estoient venu

5pour leur corps avancier; et furent pris li doi chevalier

et li prieus. Si fu li ville de Lyaus toute courue,

arse et destruite, et aucun petit village marcissant

illuech. Et puis, quant la marée fut revenue, il

estoient ja rentré en leurs vaissiaus, il se desancrèrent,

10et si se partirent de Lyaus et en menèrent leur

pillage et leurs prisonniers, par les quels il sceurent

la mort dou roy d’Engleterre et le couronnement

dou roy Richart.

Adont messires Jehans de Viane s’avança de segnefiier

15ces nouvelles au roy de France. Si fist partir un

sien chevalier et trois escuiers, qui portoient lettres

de creance, en une grosse barge espagnole qui traversa

la mer, et vint arriver au Crotoi desous Abbeville:

là prisent il terre, et montèrent as chevaus, et

20chevaucièrent viers la cité d’Amiens sans entrer en

Abbeville, et esploitièrent tant par leurs journées que

il vinrent à Paris. Là trouvèrent il le roy [de France],

le duch de Berri, le duch de Bourgongne et le duch

de Bourbon, et grant fuison de nobles signeurs: si

25fisent leur message bien et à point, et furent bien

creu parmi les lettres de creance qu’il portoient.

Quant li rois de France sceut le mort de son adversaire

le roy d’Engleterre, et le couronnement dou roy

Richart, si ne fu mies mains pensieus que devant,

30non que ce li touchast noient, mais il se voloit

acquitter de le mort son cousin le roi d’Engleterre,

le quel, le paix durant, il appelloit frère; et

[237] 237 li fist faire son obsèque ossi poissamment et ossi

notablement, en le Sainte Chapelle de Paris, que dont

que li rois d’Engleterre euist esté ses cousins germains,

et là remoustra li rois de France qu’il estoit

5plains de toute honneur, car il s’en fust bien passés

à mains, se il volsist.

Or parlerons nous de monsigneur Jehan de Viane,

et compterons comment il persevera.

§ 781. Apriès le desconfiture de Lyaus, ensi que

10vous avés oy, [les François] rentrèrent en leur navie et

singlèrent devers Douvres, où tous li pays estoit assamblés,

et là estoient li doi oncle dou roy, li contes

de Campbruge et li contes de Boukinghen, et bien

quatre cens lances et huit cens arciers, et euissent

15volentiers veu que li François se fuissent avancié

pour là prendre terre. Et avoient ordené ensi qu’il

ne leur deve[e]roient point à prendre terre pour combatre

mieus à leur aise; car il se sentoient fors assés

pour yaus recueillier. Si se tenoient tout quoi en le

20ville, ordonné par manière de bataille, et veoient

bien avant en le mer la navie monsigneur Jehan de

Viane, qui approçoit et venoit avoech le mer tout

droit vers Douvres. Si se tenoient li signeur et li Englès,

qui là estoient, pour tout conforté qu’il venroient

25jusques à là et que il aroient bataille; et furent

voirement devant le havene et droit à l’entrée, et

n’eurent point conseil de prendre là terre, mais tournèrent

leurs singles, et s’en vinrent de celle marée

tout droit devant Calais, et là ancrèrent. De quoi cil

30de le ville de Calais furent moult esmervilliet, quant

il les veirent si soudainement là venir, et se coururent

[238] 238 tantost armer et appareillier, car il cuidoient

avoir l’assaut, et cloïrent leurs portes et leurs barrières,

et furent en grant effroi; car messires Hues de

Cavrelée, qui pour ce temps estoit chapitainne de

5Calais, n’i estoit point, mais il revint au soir, car en

che propre jour, il avoit chevaucié hors devant Saint

Omer, en se compagnie messires Jehan de Harleston,

gouvreneur de Ghines, et li sires de Gommegnies,

chapitainne d’Arde. Si fu fais nouviaus chevaliers en

10celle chevaucie li ainsnés filz le signeur de Gommegnies,

messires Guillaumes: si retournèrent au

soir sans riens faire, fors yaus moustrer ces chapitainnes

en leurs garnisons: si trouva, ensi que je

vous di, messires Hues de Cavrelée celle grosse navie

15de France et d’Espagne devant Calais. Si fisent bon

ghet et grant, celle première nuit, et à l’endemain,

toute jour furent il armé, car il cuidièrent avoir l’assaut

et le bataille. On supposoit adont en France, et

ossi le cuidièrent bien adont li Englès de Calais, que

20ceste armée par mer deuist assegier Calais; mais,

quant il eurent là esté à l’ancre huit jours, au

VIIIe jour leur leva uns vens qui les prist soudain[ne]ment,

et les couvint par force partir, tant estoit li

vens fors et durs et mauvais, et li fortune de le mer

25perilleuse. Si se desancrèrent et levèrent les singles, et

se misent aval vent. Si furent moult tost eslongié, et

vinrent de celle course prendre terre et ferir ou havene

de Harflues en Normendie. Ensi se desrompi

pour celle saison li armée de mer dou roy de France;

30ne je n’ai point oy parler qu’il en fesissent plus en

grant temps.

[239] 239 § 782. Vous avés bien oy parler et recorder comment

messires Jehans de Graili, dis captaus de Beus,

fu pris devant Subise en Poito de l’armée Yewain

de Galles et Radigho de Rous, et comment il fu

5amenés à Paris comme prisonniers et mis en le tour

dou Temple, et là bien gardés. Trop de fois li rois

d’Engleterre et ses consaulz offrirent pour li le conte

de Saint Pol et encores trois ou quatre [chevaliers]

prisonniers, qu’il n’euissent mies rendus pour cent

10mil frans, mais li rois de France n’en voloit riens

faire; car il sentoit le captal de Beus trop durement

un bon chapitainne de gens d’armes et grant guerrieur,

et que par lui, se il estoit delivrés, se feroient

trop de belles recouvrances et recueilloites de gens

15d’armes, car, sus cinc jours ou huit, uns tel chevaliers

comme le captal, estoit bien tailliés, par se hardie

emprise, d’entrer en un pays et de courir et de

porter cent mil ou deus cens mil frans de damage.

Se le voloit tenir en prison, et li prommettoit bien

20que jamais ne partiroit de là, se il ne se tournoit françois;

mais, se il voloit estre françois, il li donroit en

France si grant terre et si belle revenue, que bien li

deveroit souffire, et le marieroit hautement et richement.

Li captaus respondoit que ja, se il plaisoit à

25Dieu, ne feroit ce marchié; et puis remoustroit courtoisement

as chevaliers qui le venoient veoir, comment

on ne li faisoit mies le droit d’armes, quant par

bataille et en servant loyaument son signeur, ensi que

tout chevalier doient faire le leur, il estoit pris, et on

30ne le voloit mettre à finance, et que ce on vosist remoustrer

au roy de France que on ne li faisoit mies

la cause pareille que li rois d’Engleterre et si enfant

[240] 240 avoient dou temps passet fait à ses gens, tant de monsigneur

Bertran de Claiekin que des autres des plus

nobles de tout le royaume de France, qui n’estoient

mies mort en prison, ensi que on li faisoit morir et

5perdre son temps villainnement. Li chevalier de

France qui le venoient veoir, au voir dire, en avoient

pité et disoient bien qu’il remoustroit raison; et par

especial, li escuiers qui l’avoit pris, qui s’appelloit

Pières d’Auviller, qui moult apers homs d’armes estoit

10et qui eu n’en avoit pour se prise que douse cens

frans, disoit bien que on faisoit au captal tort, quant

on ne le mettoit à finance courtoise, selonch son

estat; et en avoit tel pité, où il en ooit parler et comment

il faisoit ses regrés, qu’il amast mieulz que il ne

15l’euist onques pris.

Si fu en especialité remoustré au roy et priiet par

pluiseurs bons chevaliers de son royaume, que il

vosist estre plus douls au captal que il n’avoit esté;

car, par droit d’armes, toutes gens disoient que on

20li faisoit tort. Li sires de Couci, sicom je fui adont

enfourmés, y trouva un moiien, car li rois de France

qui adont se rafrena un petit, demanda quel grasce

on li poroit faire; et li dis sires de Couci respondi et

dist: «Sire, se vous li faisiés jurer que jamais ne

25s’armast contre le royaume de France, vous le poriés

bien delivrer, et se feriés vostre honneur.»—«Et

nous le volons, dist li rois, mais qu’il le voeille.»

Adont fu demandé à monsigneur le captal s’il se vorroit

obligier en ceste composition; li captaus respondi

30qu’il en aroit avis. En ce terme qu’il s’en devoit

aviser, tant de merancolies et d’abusions le prisent

et aherdirent de tous lés, qu’il en entra en une petite

[241] 241 maladie frenesieuse, et ne voloit ne boire ne mengier.

Si afoibli [du corps] durement, et entra en une

langueur qui le mena jusques à mort. Ensi morut prisonniers

li captaus de Beus. Se li fist faire li rois de

5France son obsèque moult honnourablement et ensepelir,

pour le bien et pour la vaillance dou dit

captal, et ossi il estoit dou sanch et dou linage dou

roy, dou costé dou conte de Fois et d’Arragon, par

quoi il y estoit le plus tenus.

10§ 783. En celle saison que la guerre de France et

d’Engleterre fu renouvelée, et que messires Jehans de

Viane, sicom chi dessus est dit, couri et ardi en Engleterre,

et qu’il eut esté devant Calais et qu’il se fu

retrais en Normendie, messires Hues de Cavrelée,

15chapitainne de Calais, et messires Jehans de Harleston,

chapitainne de Ghines, et li sires de Gommegnies,

chapitainne d’Arde, avoecques leurs gens, couroient

souvent sus le pays devant Saint Omer, devant

Tieruane, en le conté de Saint Pol, en le conté

20d’Artois et de Boulongne; ne riens ne demoroit devant

yaus dehors les forterèces, que tout ne fust pris

et pilliet et amenet en leurs garnisons; de quoi les

plaintes en estoient venues et venoient encores tous

les jours au roy de France. Li rois, à qui ces choses

25desplaisoient et qui voloit obviier à ce, s’en conseilla

à aucuns de son royaume, comment on poroit à ces

garnisons englesces, estans en le marce d’Artois et de

Calais, porter damage. On li dist que la bastide [d’Arde]

estoit bien prendable, mais que on y alast caudement

30sans ce que chil de Calais en sceuissent riens; car on

avoit entendu par aucuns [chapitaines et] compagnons

[242] 242 de le garnison qui s’en estoient descouvert,

que elle n’estoit point bien pourveue d’arteillerie;

car li sires de Gommegnies, qui chapitains en estoit,

en avoit esté moult negligens. Ces parolles plaisirent

5moult bien au roy, et dist que il y envoieroit hasteement.

Lors li fu dit que ce fust secretement, par quoi

nouvelles n’en fuissent ou pays devant ce que on fust

venu là; et, se on pooit tant faire que on l’euist françoise,

on ne se doubtoit noient que on ne deuist

10tout reconquerre jusques as portes de Calais; et, se

on estoit signeur des frontières, on aroit milleur

avantage pour constraindre Calais.

Adont li rois, tous avisés et pourveus de son fait,

mist sus une grande assamblée de gens d’armes, et

15escrisi à son frère le duch de Bourgongne qu’il se

traisist à Troies en Campagne, et là fesist ses pourveances,

car il voloit qu’il fust chiés de toutes ces gens

d’armes. Li dis dus obeï au commandement dou roy,

ce fu raisons, et s’en vint à Troies, et là vinrent tout

20li Bourghegnon qui en furent priiet et mandet, et ossi

delivret et paiiet tout sech de leurs gages pour trois

mois. D’autre part, li rois fist son mandement, à

Paris, des Bretons et des François, et là furent ossi

tout prestement paiiet de leurs gages, et des Vermendisiens

25et Artisiens en le cité d’Arras. Adont s’avalèrent

li dus de Bourgongne et ses gens de Troies et

vinrent à Paris; si se misent là ensamble Bourghegnon,

Breton et li François, et sceurent adont aucuns

des chapitains, et ne mies tous, quel part il devoient

30aler. Si se departirent sus le darrainne sepmainne

d’aoust, et s’en vinrent à Arras en Pikardie, et de là

à Saint Omer. Si se trouvèrent bien vint cinc cens

[243] 243 lances de bonne estoffe, pourveu de quanques il

apertenoit as gens [d’armes, et toute fleur de gens]

d’armes, chevaliers et escuiers. Si se departirent de

Saint Omer sus un samedi moult ordonneement et

5arreement, et s’en vinrent devant Arde.

Cil de le garnison d’Arde ne s’en donnoient de

garde, quant il les veirent tous rengiés et ordonnés

devant leur ville, et si belles gens d’armes, et si grant

fuison que c’estoit grans merveilles. Là estoient

10avoech le duch de Bourgongne, que je ne l’oublie,

tout premiers, banerès bourghegnons, le conte de

Geneve, le conte de Grantpret, monsigneur Loeis

de Chalon, le signeur de le Rivière, le signeur de

Vregi, monsigneur Thiebaut dou Noefchastiel, messires

15Hughe de Viane, Pière de Bar, le signeur de

Sombrenom, le signeur de Poises, le signeur d’Englure,

le signeur de Rougemont; et puis banerès bretons,

le signeur de Cliçon, le signeur de Biaumanoir,

le signeur de Rocefort, le signeur de Rieus, messires

20Charles de Dignant; banerès normans, le signeur de

Blainville, mareschal de France, le signeur de Hanbiie,

le signeur de Riville, le signeur d’Estouteville,

le signeur de Graville, le signeur de Clères, le signeur

d’Ainneval, le signeur de Friauville; banerès françois,

25monsigneur Jakeme de Bourbon, monsigneur

Hue d’Antoing, le conte de Dammartin, messire

Charles de Poitiers, le senescal de Haynau, le signeur

de Wavrin, le signeur de Helli, le signeur de le Fère,

l’evesque de Biauvais, monsigneur Hue d’Amboise,

30le signeur de Saint Digier; Vermendisiens, le signeur

d’Aufemont, le signeur de Moruel, le visconte des

Kesnes, le signeur de Fransures, le signeur de Rainneval;

[244] 244 Artisiens, le visconte de Miaus, le signeur de

Villers, le signeur de Cresèkes; et là estoient tout

chil baron en tel arroi et si bien acompagnié, que

merveilles seroit à recorder. Si se logièrent li pluiseur

5de fueillies, et li aultre de nient fors au nu chiel,

car il voloient moustrer qu’il ne seroient mies là longement

et qu’il assauroient continuelment, car il

fisent drechier et appareillier leurs canons, qui portoient

quarriaus de deus cens de pesant.

10§ 784. Quant li sires de Gommegnies se vei ensi

environnés de telz gens d’armes et de si grant fuison,

dont il ne se donnoit garde, et si sentoit sa forterèce

mal pourveue d’arteillerie, si se commença à esbahir,

et demanda conseil à ses compagnons comment il

15s’en cheviroit, car il ne veoit mies que longhement

[contre telz gens d’armes] il se peuist tenir. Avoecques

lui estoient troi chevalier de Haynau, assés appert

homme d’armes, messires Eustasses, sires de Viertain,

et messires Pières, [ses frères], et messires Jakemes

20dou Sart, et pluiseur bon escuier et apert, qui

estoient en bonne volenté d’yaus deffendre.

Che premier jour que li François furent venu devant

Arde, s’en vint li sires de Hangès, uns moult

apers chevaliers vermendisiens, armés de toutes

25pièces, le lance ou poing, montés sus un coursier,

courir jusques as barrières d’Arde, et dist, quant il

fu là venus en fretillant et remuant son coursier, par

quoi il ne fust avisés dou trait: «Entre vous, Haynuier

englès, que ne rendés vous ceste forterèce à

30monsigneur de Bourgongne?» Adont respondirent

doi escuier frère qui là estoient, Yreus et Hustins

[245] 245 dou Lay: «Nous ne le renderons pas ensi, non.

Pensés vous que nous soions desconfi pour ce que

vous estes chi venu grant fuison de gens d’armes?

Dittes au duch de Bourgongne qu’il ne l’ara pas si

5legierement qu’il cuide.» Adont respondi li sires de

Hanghet, et dist: «Sachiés que, se vous estes conquis

par force, ensi que vous serés, il n’est mies doute, se

nous vous assallons, il n’i ara homme nul pris à

merchi; car je l’ay ensi oy dire monsigneur le duch

10de Bourgongne.» A ces parolles retourna li sires de

Hanghet.

§ 785. Je vous voeil recorder comment cil d’Arde

finèrent. Là estoit en l’ost li sires de Rainneval, cousins

germains au signeur de Gommegnies, qui savoit

15en partie l’entention dou duch. Si s’avança de venir

vers son cousin, et fist tant que il y eut assegurances

d’yaus deus, et parlementèrent dedens la ville d’Arde

moult longement ensamble; et là remoustra li sires

de Rainneval au signeur de Gommegnies, en grant

20especialité et fiance de linage, comment li dus et tout

chil de l’ost le maneçoient et ses gens ossi, non pas

pour prendre raençon se par force estoient conquis,

mais de tous faire morir sans merchi: se li prioit qu’il

se vosist aviser et laissier consillier et rendre le

25forterèce; si s’en partiroient ilz et ses gens sauvement, et

se osteroient de grant peril, car confors ne secours

ne leur apparoit de nul costé. Tant le preeca et sermonna

que sus assegurances il l’amena parler au

duch de Bourgongne et au signeur de Cliçon. Là entrèrent

30en trettiés, et n’en volt adont li sires de Gommegnies

riens avoir en couvent sans le sceu de ses

[246] 246 compagnons. Si retourna dedens Arde, et remoustra

as chevaliers et escuiers qui là estoient, toutes les

parolles et raisons de quoi on l’avoit aresné, et comment

on les maneçoit: si voloit savoir quel cose il

5en diroient. Li aucun li consilloient dou rendre, et li

aultre non, et furent plus de deus jours en fait contraire,

et disoient bien li aucun qu’il se porteroient

trop grant blasme, se il se rendoient si legierement

sans estre assalli, et que jamais ne seroient en nulle

10place creu ne honneré. Li sires de Gommegnies respondoit

que il avoit oy jurer moult especialment le

duch de Bourgongne que, se on aloit jusques à l’assallir,

jamais à yaus rendre ne la forterèce, il ne venroient

à temps qu’il ne fuissent tout mort, se de force

15il estoient pris: «Et vous savés, signeur, que cheens

n’a point d’arteillerie, qui ne fust tantost alevée.» Là

disoient li compagnon: «Sire, vous en avés mal

songnié; c’est par vostre negligense.»

Adont s’escusoit li sires de Gommegnies, et disoit

20que ce n’estoit mies sa defaute ne sa coupe, mais

celle dou roy [d’Engleterre, le roy] Edowart et de son

conseil, car il leur avoit bien dit et moustré en celle

anée par pluiseurs fois, comment dedens Arde il en

estoient mal garni: «Et, se de ce il ont esté negligent,

25ce n’est mie ma coupe, mais la leur, et m’en

vorroie bien escuser par yaus.» Que vous feroi je

lonch parlement de ceste aventure? Tant fu trettié et

pourparlé, parmi l’ayde et pourchac dou signeur de

Rainneval, qui fist tant, que Arde se rendi. Et s’en

30partirent chil qui partir vorrent, et especialment li

quatre chevalier et tant li compagnon saudoiier, et

furent conduit jusques à Calais de monsigneur Gauwinet

[247] 247 de Bailluel. Si demorèrent chil de le nation de

le ville sans riens pierdre dou leur, et en prisent li

François la saisine et possession, li sires de Cliçon et

li mareschaus de France. Si furent moult resjoï li

5François et tous li pays de la prise d’Arde.

§ 786. Ce propre jour que Arde se rendi, tout

caudement s’en vinrent quatre cens lances devant un

aultre petit fort, que on dist le Planke, où il avoit

Englès qui le gardoient. Si furent environné de ces

10gens d’armes, et leur fu dit qu’il ne savoient que

faire de tenir, car Arde s’estoit rendue, et fuissent

tout segur que, se il se faisoient assallir, il seroient

tout mort sans merchi. Quant cil de le Planke oïrent

ces nouvelles, si furent esbahi moult durement, et se

15conseillièrent entre yaus, et regardèrent que il n’estoient

que un petit de compagnons et n’avoient mies

trop forte place: si valoit trop mieulz que il se rendesissent

salves leurs vies et le leur, puis que Arde estoit

rendue, que il feissent pieur marchié. Si rendirent

20la forterèce, salve leurs vies et le leur, et furent conduit

oultre parmi ce trettié pour le peril des rencontres

jusques à Calais; puis prisent li François le

saisine de le Planke, et disent entre yaus que bien il

le tenroient parmi l’ayde d’Arde et des aultres forterèces

25qu’il prenderoient encores. A l’endemain s’en

vinrent li François devant Bavelinghehem, un chastiel

biel et fort en le conté de Ghines, que li Englès

tenoient, et n’i furent mies tout à celle empainte,

car li dus de Bourgongne estoit encores demorés

30derrière et entendoit as ordenances de Arde et au

regarder quels gens y demorroient, et comment on le

[248] 248 poroit tenir contre les Englès. Chil qui vinrent devant

Bavelinghehem, estoient bien douse cens combatans:

si environnèrent le chastiel et fisent grant

samblant de l’assallir. A Bavelinghehem avoit fossés

5et grans rouleis, ançois que on peuist venir jusques as

murs; mais chil François, targiet et paveschiet, passèrent

oultre et rompirent les roulleis et pertruisièrent

les murs. Quant li Englès, qui dedens estoient, se

veirent assalli de tel façon et entendirent que cil

10d’Arde et de le Planke s’estoient rendu, si furent

tout esbahi et entrèrent en trettiés devers ces François.

Finablement il rendirent le chastiel, salve leur

vies et le leur, et deurent estre conduit jusques à

Calais, ensi qu’il furent, et li François prisent le

15possession de Bavelinghehem, qui s’en tinrent tout

joiant.

En apriès, on vint devant un autre petit fort que on

appelle le Haie, mais on trouva que li Englès s’en

estoient parti et avoient bouté le feu ens. Adont s’en

20vint li dus de Bourgongne, et en se compagnie tout

chil baron dessus nommé, et leurs routes, devant

Oudruich, un biau chastiel et fort, douquel troi

escuier englès, que on dist les trois frères de Maulevrier,

estoient chapitain et gardiien, et avoient

25avoecques yaus de bons compagnons. Quant li dus

de Bourgongne et ses gens furent venu jusques à là,

il l’environnèrent, et leur fu demandé à chiaus dou

fort se il se renderoient, et que cil d’Arde et de

Bavelinghehem estoient rendu. Il respondirent que il

30n’en faisoient compte et qu’il ne savoient riens de

cela et que point ne se renderoient ensi. Quant on

oy ceste response, adont se logièrent toutes manières

[249] 249 de gens, ce fu par un merkedi, et le joedi toute jour

on regarda comment on les poroit assallir.

Cilz chastiaus de Oudruich siet sus une mote, environnés

de fossés plains d’aigue bien parfons, qui

5n’estoient mies legier à passer; mais li Breton s’afioient

que bien les passeroient. Adont fist li dus de

Bourgongne drecier ses canons et traire ne sçai cinc

ou sis quariaus pour plus effraer chiaus de dedens.

Si en y eut de ces quariaus qui, par force de trait,

10passèrent oultre les murs et les pertruisièrent. Quant

cil dou chastiel veirent la forte artellerie que li dus

avoit, si se doutèrent plus que devant, mais toutdis

jusques au dimence fisent il grant samblant d’yaus

tenir et deffendre.

15Entrues ordonnèrent li François, et avoient ja ordené

toute lor besongne pour avoir l’avantage d’yaus

assallir, grant fuison de bois, de mairiens, de velourdes

et d’estrain pour raemplir les fossés, et

estoient ja les livrées parties pour aler assallir et

20delivrées, ensi que usages est en telz besongnes, et savoit

cescuns quel cose il devoit faire, et ja jettoient li

kanon, dont il y avoit jusques à set, quariaus de deus

cens de pesant, qui pertruisoient les murs, ne riens

ne duroit devant yaus, quant li troi frère de Maulevrier

25se misent en trettiet envers le duc, et m’est avis

qu’il rendirent la forterèce, salves leurs vies et le leur,

et furent conduit des gens le duch de Bourgongne

jusques à Calais.

Vous devés savoir que messires Hues de Cavrelée,

30capitainne de Calais, et les gens de celi ville furent

moult esmervilliet, quant si soudainnement il se veirent

en leur marce desgarni de cinc chastiaus, et leur

[250] 250 vint trop grandement à desplaisance, et par especial

de le bastide d’Arde, qui leur avoit esté dou temps

passé uns grans escus et confors contre les Artisiens,

et n’en savoient que supposer, car li sires de Gommegnies,

5comment que en devant il l’amaissent,

creissent et honnourraissent tant qu’à merveilles, il

estoit maintenant tout hors de leur grasce, et en

murmuroient li aucun villainnement sus se partie

et tant, que, lui estant à Calais, il s’en donna bien de

10garde et perchut bien que li Englès le regardoient

fellement sus costé, tant qu’il en parla et s’en conseilla

à monsigneur Hue de Cavrelée. Messires Hues

le conseilla loyaument, et li dist: «Sire de Gommegnies,

nullement je ne vous oseroie conseillier dou

15contraire pour vostre honneur que vous n’alés en

Engleterre, et remoustrés tout le fait, ensi qu’il va, au

duch de Lancastre et au conseil dou roy, par quoi

vous en soiiés escusés de yaus et dou pays, et que

vous en demorés sus vostre droit et à vostre honneur.

20On piert bien par fait de guerre plus grant cose que

la bastide d’Arde ne soit, ne Bavelinghehem ne Oudruich.

Si remoustrés vostre escusance de bonne façon,

car vous arés assés à faire à vous escuser contre

le pays; car toutes gens ne sevent mies comment, en

25tel parti d’armes, on se poet ne doit maintenir: si

en parollent li aucun, tel fois est, plus largement qu’à

yaus n’apertiegne.»

§ 787. Li sires de Gommegnies retint en grant

bien tout ce que messires Hues de Cavrelée li dist, et

30ordonna ses besongnes pour passer oultre en Engleterre,

et renvoia monsigneur Guillaume, son fil, le

[251] 251 signeur de Vertain et son frère, messire Jakeme dou

Sart et tous les compagnons de Haynau, qui retournoient

simple et couroucié, ensi que compagnon et

gens d’armes qui ont perdu leur saison pour un grant

5temps; et li sires de Gommegnies passa oultre en

Engleterre: si se remoustra au duch et au conseil dou

roy. Se li fu dit à ce commen[cement] que il avoit mal

esploitié, et fu grandement acqueilliés de chiaus de

Londres de le communauté, qui ne considèrent mies

10toutes coses, ensi que elles poeent avenir; mais li dus

de Lancastre ses escusances à porter oultre li aida

telement, que il demora sus son droit; car on trouva

bien que dou rendage d’Arde il n’avoit recheu or ne

argent, et que tout ce que il en fist, ce fu par composition

15et trettié, et pour eskiewer plus grant damage

pour lui et pour ses compagnons.

Or vous parlerons dou duch de Bourgongne, comment

il persevera.

§ 788. Quant li dus de Bourgongne eut fait ceste

20chevaucie en le marce de Pikardie, en celle saison

qui fu moult honnourable pour lui et pourfitable

pour les François de le frontière d’Artois et de Saint

Omer, il ordonna en cascun de ces chastiaus, dont

il tenoit le possession, chapitainnes et gens d’armes

25pour le tenir; et par especial en le ville d’Arde il y

establi à demorer le visconte de Miaus et le signeur

de Saint Pi. Chil le fisent remparer et fortefiier malement,

comment que elle fust forte assés devant.

Li rois de France, qui de ces nouvelles fu trop

30grandement resjoïs, et qui tint à belle et bonne ceste

chevauchie, envoia tantost ses lettres à chiaus de

[252] 252 Saint Omer, et commanda que la ville d’Arde fust

bien garnie et pourveue de toutes pourveances largement

et grandement. Tout fu fait ensi que il le commanda;

si se desfist ceste chevauchie. Mais li sires de

5Cliçon et li Breton ne desrompirent point leur route,

mais retournèrent dou plus tost qu’il peurent vers

Bretagne, car nouvelles estoient venues au signeur

de Cliçon et as Bretons, yaus estant devant Arde, que

Janekins, dis Clerc, uns escuiers d’Engleterre et bons

10homs [d’armes, estoit yssus] d’Engleterre et venus en

Bretagne et mis les bastides devant Brest: pour quoi

li Breton retournèrent dou plus tost qu’il peurent,

et en menèrent messire Jakeme de Werchin, le seneschal

de Haynau, avoecques yaus, et li dus de

15Bourgongne s’en retourna en France dalés le roy son

frère.

En ce temps, se faisoit une grande assamblée de

gens d’armes en le marce de Bourdiaus au mandement

dou duch d’Ango et dou connestable; car il

20avoient une journée arrestée contre les Gascons englès,

de la quele je parlerai plus plainnement, quant

j’en serai enfourmés plus veritablement.

FIN DU TEXTE DU TOME HUITIÈME
ET DU LIVRE PREMIER.


VARIANTES


§ 669. Assés tost.—Ms. d’Amiens: Dont il avint que sitost que messires Bertrans fu creés connestables, il les ordonna à cevacier contre les Englèz et à aller garder les frontières du Mainne et d’Angho, car messires Robers Canolles et ses routtes tiroient à cevauchier celle part. Si se partirent de Paris et dou roy li doi dessus dit, à grant esploit et à grant fuisson de gens d’armez, et toudis leur en croissoit, car li roys leur en envoioit de tous lés. Si s’en vinrent li connestablez de Franche et messires Oliviers de Clichon en l’evesquet du Mans, et se loga li dis connestables en le cité du Mans, et li sires de Clichon en une autre garnison assés priès de là; et pooient y estre li Franchois bien cinc cens lanches de bonne gens d’estoffe. Si aprendoient tous les jours dou convenant des Englès, et entendirent que il n’estoient mies bien d’accord et s’espardoient par le fait d’un chevalier englèz, qui estoit en leur routte et bien acompaigniés, lequel on clammoit messire Jehan Mestrourde. Chils chevaliers n’estoit point dou chemin ne de le tenure des autrez, et desconsilloit le chevauchie à tous les compaignons de leur costé et disoit qu’il travilloient leur corps et riens ne faisoient, et que briefment il se retrairoit en Engleterre, car il ne faisoit sus l’ivier nul hostoiier. Nonobstant ce, messires Robiers Canolles et pluisseurs des autres chevaliers ne volloient mies tenir son pourpos, quoyqu’il en descoragast pluisseurs, mès volloient achiefver leur emprise à leur loyal pooir, et avoient entendu que li connestablez de France se tenoit en le chité du Mans atout gens d’armes et en vollenté que d’iaux combattre, siques messires Robers Canolles, pour tant qu’il n’avoit encorres sus tout son voiaige de France sceu à qui combattre ne respondre, s’avisa 256 qu’il venroit combattre les Franchois. Si segnefia son desir et sen entente as compaignons qui estoient adont sus le rivière de Loire, et par especial à monseigneur Hue de Cavrelée, qui se tenoit à Saint Mor sur Loire et à monseigneur Robert Cheny, et leur manda qu’il traissent avant, car il combateroit monsigneur Bertran et monsigneur Olivier de Clichon et les Franchois; et d’autre part ossi il le manda à monsigneur Thummas de Grantson et à monsigneur Joffroy Ourselée et à monsigneur Gillebert Griffart et à Jehan Cressuelle et à monsigneur Robert Ceni, mès oncques si secretement ne sceut faire son mandement ne ordonner ceste besoingne pour remettre ses gens enssemble, que messires Bertrans et li sires de Clichon ne fuissent tout aviset de leur chevauchie, et s’ordonnèrent seloncq chou, et se partirent un jour de le chité du Mans; et estoient bien quatre cens lanches de bonnes gens d’armes, et vinrent au devant de monsigneur Thummas de Grantson et de se routte, qui estoient bien deus cens lanches et otant d’archiers, et s’en venoient à esploit deviers l’abbeïe où messires Robers Canolles et leur grosse routte gisoient. Si trouvèrent d’encontre, à un villaige et sus un passaige que on appelle ou païs Pont Volain, les Franchois, le connestable de Franche et le signeur de Clichon et leurs gens qui estoient tous pourveus de leur fait. Quant li Englès virent lors ennemis, il ne daignièrent reculer ne fuir, mès se missent en arroy et en ordonnance de bataille bien et faiticement. Là eut des premiers venues grans joustes et tammaint homme reverssé à terre, de l’une part et de l’autre; et si trestost que les lanches leur furent fallies, il se traissent as espées et as haches, et puis se ferirent l’un dedens l’autre et se donnèrent grans horions sans yaux espargnier. Là eut bataille et hustin ossi dur et ossi fort, gens pour gens, que on euist veu de piecha, et se prendoit chacuns mout priès de bien faire le besoingne. Bien est voirs que li archier d’Engleterre au commencement traissent as Franchois pour yaux bersser et ouvrir, mès il estoient si fort armé que li très ne les greva oncques de riens. Là furent bon chevalier messires Bertrans de Claiequin et li sirez de Clichon, et y fissent tamainte[s] belles appertises d’armes et tinrent leurs gens en bon estat. Finablement li Englès furent là desconfi et ruet jus, et demora la place as Franchois; et y furent pris messire Thummas de Grantson et messires Gillebers Griffars, et messires Joffrois Ourselée, et Hues li Despenssierz, fils à monsigneur Huon le 257 Despenssier, et pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, et en y eut bien mors sour le place set vint. Puis retournèrent li Franchois deviers le chité du Mans, et enmenèrent leurs prisonniers, dont il avoient bien sis vint, tous gentilz hommes, ossi tout leur pillage. Ceste besoingne fu à Pont Volain sur le marce d’Ango et du Mainne, l’an mil trois cens et settante, le Xe jour d’octembre. Fos 171 ro et vo.

P. 1, l. 2: ravestis.—Ms. A 8: revestus. Fo 338 ro.—Ms. B 4: advertis.

P. 1, l. 10: chevauça.—Ms. A 8: chemina.

P. 2, l. 4: et tenure.—Ms. A 8: ne de l’accort. Fo 338 vo.

P. 2, l. 7: en vain et à petit.—Ms. A 8: à point.

P. 2, l. 14: Joffrois d’Urselée.—Ms. A 8: Geffroy Oursellée.

P. 2, l. 16: en sus.—Ms. A 8: arrière.

P. 2, l. 17: Alains.—Ms. A 8: Alains de Bouqueselle.

P. 2, l. 20: remesissions.—Ms. A 8: recueillissons.

P. 3, l. 2: Asneton.—Ms. A 8: Assueton.

P. 3, l. 3: discort.—Ms. A 8: desaccort.

P. 3, l. 9: il le segnefiièrent.—Ms. A 8: il segnefièrent celle besoingne.

P. 3, l. 24: se trouvèrent.—Ms. A 8: tournèrent.

P. 3, l. 30: ascourça.—Ms. A 8: escourcy.

P. 3, l. 32: ou pays le.—Ms. A 8: le pas.

P. 4, l. 1: courut sus et envay.—Ms. A 8: coururent sus et les envaïrent.

P. 5, l. 3: li plus.—Ms. A 8: les pluseurs. Fo 339 ro.

§ 670. Apriès celle.—Ms. d’Amiens: Quant les nouvellez vinrent à monsigneur Robert Canolle et à monseigneur Alain de Bouqueselle et as autres compaignons englès, que messires Thummas de Grantson et se routte avoient estet rencontré au Pont Volain, et là rués jus des Franchois, si en furent durement courouchié, ce fu raisson; et pour tant eurent il consseil qu’il se retrairoient et qu’il ne chevauceroient adont plus avant. De ceste avenue fu adont entre les Englès mout de parolles encouppés messires Jehans Mestreourde, et dissent li pluisseur qu’il estoit trop grandement cause de leur dammaige. Enssi se desrompi ceste chevauchie de monsigneur Robert Canolle, et se retraist au plus tost qu’il peut avoecques ses gens en Bretaingne devers 258 Derval, un sien castiel, fort mout malement, et donna à touttes ses gens congiet. Si rapasèrent le mer chacuns au plus briefment qu’il peurent, et s’en rallèrent en Engleterre, et se retrairent ens es marches dont il estoient parti; mès messires Alains de Bouqueselle s’en vint en le Basse Normendie en Constentin, à Saint Sauveur le Visconte, qui estoit à lui, car apriès le mort de monsigneur Jehan Camdos, li roys englès li donna. Si se tint là li dis messires Alains un grant tamps, et puis rapassa le mer et revint en Engleterre deviers le roy. Quant messires Bertrans de Claiequin et li sires de Clichon virent que li Englès estoient retrait et leur cevaucie toutte anullée, et que il n’aparoit point que ceste yvier il se remesissent enssamble, si donnèrent à touttes leurs gens congiet, et puis s’en revinrent en Franche deviers le roy, qui les festia et reçupt liement, che fu bien raisson, car il avoient bien gardé et deffendu le frontière contre les Englès. Et amenèrent li dessus dit les chevaliers englès prisons qu’il tenoient, à Paris, et les recrurent bellement sur leurs fois, et les laissièrent aller et venir et chevauchier partout sans villain regart ne constrainte, ainsi que tout gentil homme par raisson doient faire li uns de l’autre, et sicomme Englès et Franchois en leur gherre ont eu toudis cel usaige; car mout courtois toudis ont il estet li ungs à l’autre: che ne sont mies li Allemant, car il sont dur et auster à leurs prisonniers, et les tiennent et mettent en ceps, en fiers, en buies et en grisillons, et leur font grieftés dou corps souffrir, à le fin qu’il em puissent plus presser de finanche.

De ceste avenue de Pont Volain et de le desconfiture des Englès acquist li connestables de Franche en se nouvelleté grant grasce de touttez gens, et meysmement li roys et tout si frère l’en honnourèrent mout. En ce tamps que il estoit nouvellement revenus à Paris, trespassa de ce siècle chil preux chevaliers franchois qui ja estoit tous vieux, qui bien est ramenteu chy dessus en ceste histoire en pluisseurs lieux, messires Ernoux d’Audrehen; et fu li roys de Franche à son obsèque à Paris, et ossi y eut grant fuisson de prelas, de contes et de barons, car il avoit estet ung grant temps marescaux de Franche, et bien s’estoit acquités en son offisce et en touttes places où il s’estoit trouvés. Fos 171 vo et 172 ro.

P. 5, l. 10: de Claiequin.—Ms. A 8: du Guesclin.

P. 5, l. 18: buies.—Ms. A 8: prisons.

P. 6, l. 11: ou.—Ms. A 8: dedens le. Fo 339 vo.

259 P. 6, l. 24: et grant travel à.—Ms. A 8: à sa delivrance de.

P. 6, l. 26: Quarentin.—Ms. A 8: Quarenten.

§ 671. En ce temps.—Ms. d’Amiens: Or vous parlerons d’une grant aventure qui advint adont à ce baron de Limozin, monsigneur Raimmon de Maruel, qui s’estoit tournés franchois. Enssi qu’il s’en raloit en son pays, il fu avisés et espiiés sus le chemin des gens monsigneur Hue de Cavrelée, adont senescaux de Limozin, et tant poursuiwis que pris et arestés et menés ent en Poito prisonniers, et mis en un fort castiel en le garde de monsigneur Thummas de Perssi, senescal de Poito, qui le prise dou dessus dit chevalier segnefia tantost au roy englès, pour savoir quel cose il volloit que on en fesist. Li roys, qui fu mout joieant de le prise monsigneur Rammon, manda à monsigneur Thummas qu’il li fuist envoiiés; car il le volloit pugnir si crueusement que tout li autre y prenderoient exemple; et de tout ce fu enfourmés messires Rammons en se prison, que li roys englès le volloit avoir pour lui faire morir. Si en estoit à grant destrèce de coer: c’estoit bien raison. Touttesfois, comme sages chevaliers et ymaginans, regarda le peril où il estoit et que de lui tant qu’au monde n’estoit noient: si s’aquitta et parlementa si bellement et si meurement à un escuier englès qui le gardoit, et li prommist et li jura sus se loyauté, mès qu’il le volsist delivrer de ce peril, qu’il li partiroit toutte se terre et revenue, moitiet à moitiet, et l’en ahireteroit lui et son hoir. Li Englès regarda qu’il n’estoit mies bien rice homs, et que cils li prommetoit grant proffit; si le convoita, et le delivra finablement et se mist avoecq lui en aventure, et ceminèrent une nuit bien set grans lieuwes tout à piés parmy ung bois. A l’endemain il fissent tant qu’il vinrent à le Roce de Pousoi, où messires Guillaummes dez Bordes et Caruel estoient. Si recorda messire Rammons sen aventure et comment li escuiers l’avoit sauvé. De ce furent li dessus dit moult joiant, et loèrent Dieu quant enssi il estoient escappet. Si furent là cinc jours dallés yaux. Entrues envoiea messires Raimmons en son pays querre chevaux et gens, et puis se parti et revint entreus ses amis qui en eurent grant joie, mès il faisoit otant honnourer l’escuier englès qui l’avoit gardé que soy meysmes, et li vot tenir ses couvens et li donner le moitiet de son hiretaige; mès cilz ne veult, et dist que ce seroit trop pour lui. Si prist tant seulement 260 deus cens livres de revenue sus le terre le seigneur de Maruel, et demora depuis toudis avoecq lui, et fu bons Franchois.

En ce tamps, et environ le Noël mil trois cens et settante, trespassa de ce siècle li pappes Urbains Vez, qui tant fu preudons, bons clers et hardis, et qui bien tint et garda à son pooir les drois de l’Eglise. Si fu esleus après lui en plain concitoire en Avignon li cardinaux de Biaufort à estre pappez, et le fu. Si i rendi li dus d’Ango, qui estoit adont à Villeneuve dallés Avignon, grant painne à se creation. Si fu creés à Saint Père le Ve jour de jenvier et appelles Grigoires XIemez. De ces nouvelles furent li roys de Franche et tout li royalme moult joyant, pour tant qu’il le sentoient bon Franchois et loyal. Assés tost apriès se creation, eut Rogiers de Biaufort, ses frères, grasce de lui venir veoir, qui estoit prisonniers au comte de Camtbruge de le prise de Limoges, et ossi eut messires Jehans de Villemur.

En ce tamps estoit en grant tretiet de pais ou de gerre li rois de Franche et li roys de Navarre pour aucunez terrez que li roys de Navarre demandoit à avoir et à tenir ou royaumme de Franche. Si s’en ensonnioient par cause de moiien li comtes de Salebruche et messires Guillaummez des Dormanz; tant fu parlementé et allé de l’un à l’autre que on les acorda, car on remonstra au roy de Franche qu’il valloit mieux qu’il se laiast à dire et aucune [chose] aller du sien, qu’il ewist guerre à son serourge, le roy de Navarre, car il avoit gerré assés as Englès. Si descendi li roys de Franche à l’opinion de ses gens, et pardonna au roy de Navarre son mautalent; et vint li dessus diz roys à Paris, où il fu grandement festiiez. Assés tost apriès fu acordés li mariages de ma dammoissele Jehanne de France, qui fu fille au roy Phelippe et de la roynne Blanche serour au roy de Navarre, au fil le roy Piere d’Aragon, et fu mout honnerablement envoiiée celle part, car elle estoit ante dou roy de France. Si s’en volloit li roys acquitter enssi qu’il fist moult grandement; mès elle trespassa sour le cemin: Dieu en ait l’ame!

En ce tamps et en celle saison, vinrent certainnez nouvelles en Gascoingne et en Acquittainne de par le roy Edouwart d’Engleterre, qui senefioit moult doucement à tous contes, viscontes, barons, chevaliers et communautéz des bonnes villez que, se li prinches de Galles, ses filz, les avoit de riens pressés ou grevés ou voloit faire, il leur amenderoit plainnement à leur vollenté; et, se chil qui estoient retourné franchois par povre avis ou 261 maise infourmation, se volloient recongnoistre et retraire à lui comme en devant, il leur pardonnoit tout son mautalent, et leur donnoit terme quatre mois de pourveanche pour yaux adviser; et du resort il volloit qu’il en fuist sour douse prelas et douse barons d’Acquittaine et douse barons d’Engleterre, et tout ce que cil trente et sis ordonneroient, il le tenroit ferme et estable à tous jours mès, et le feroit jurer ses enfans à tenir, et toutes plaintes, grieftés, expressions, que ses filz li prinches ou si offiscyer avoient fait, dont on voroit avoir amendement et restorier, il en feroit plainne satifaction, tant qu’il deveroit bien souffire. Et en avant il se voulloit rieuller, ordonner et deduire par l’avis et consseil des barons de Gascoingne et d’Acquittainne; et quittoit et anulloit tous fouages, tous cens et touttes expressions: et n’en volloit nulle, car il estoit rices et puissans assés pour yaux maintenir et gouvrener sans nul avantage. Telz paroles et tretiés de pès entre lui et chiaus d’Acquittainne fist li roys englès adont jeter et semer ens es ces terrez dessus dites, et les fist publier tout parmi le païs, les chités [et] les bonnes villes, et estoient ces lettres bien escriptez et grossées et scellées par seaux autentiques dou roy englèz premierement et des plus grans d’Engleterre. Mès, quoyqu’il fust segnefiiés et publiiés, je n’oy oncques dire que nulx s’en retournast englès, qui devenu estoient franchois; mès se retournèrent tous les jours franchois, si tost qu’il pooient avoir un peu de laisseur pour venir en France. Fo 172 ro et vo.

P. 7, l. 6: et menés ent.—Ms. A 8: et amenez.

P. 7, l. 12: punition.—Ms. A 8: vengence.

P. 7, l. 24: gardoit.—Ms. B 4: regardoit.

P. 7, l. 31: je vous ay en couvent sus ma.—Ms. A 8: où je suis, je vous ai en couvent et promet par ma.

P. 8, l. 7: parolle, li creanta.—Ms. A 8: responce, luy jura. Fo 340 ro.

P. 8, l. 15: esconser.—Ms. A 8: destourner.

P. 8, l. 17: diroit.—Ms. A 8: pourroit penser.

P. 8, l. 18: estoit.—Ms. A 8: avoit.

P. 8, l. 30: Et li voloit m. R. donner.—Ms. A 8: Et baillier li voloit m. R.

§ 672. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce temps trespassa li aisnés filx dou prince de Galles, Edouwars, dont vous poés bien savoir que li prinches et la princesse furent durement 262 courouchiés. Adont fu regardé et avisé ou conseil dou prinche pour tant que se maladie ne li allegoit point, que il se partesist dou païs et en rallast en Engleterre: espoir li airs li serroit plus pourfitables que chils de Gascoingne et le remeteroit en santé ou kas qu’il en avoit estés nouris et fais de jonèce; che fu tout li remède que li surgiien et li medechin sceurent prendre ne aviser sus sa maladie. Si en respondi li prinches: «Dieux y ait part!» Si ordonna on tantost naves et vaissiaux sus le rivière de Geronde pour lui, pour le princesse, pour Richart, leur joine fil, et pour touttes leurs gens.

Ainschois que li prinches de Gallez departesist d’Acquittainne, il s’en vint à Bourdiaux, et manda là tous les barons de Gascoingne, qui estoient demoré dallés lui, et ossi chiaux de Poito et de Saintonge: premierement le seigneur de Duras, monsigneur Berart de Labreth, seigneur de Geronde, monsigneur le captal de Beus, le seigneur de Longeren, le signeur de Courton, le seigneur de Rosen, le seigneur de Pummiers et sen frère, le signeur de Mulciden, le seigneur de Lespare, monsigneur Aimmeri de Tarsce, monsigneur Ghuicart d’Angle, le signeur de Pons, monsigneur Loeys de Halcourt, le signeur de Parthenay, le seigneur de Puiane, le signeur de Tannai Bouton et pluisseurs autrez; et quant il furent tout venut, il les fist venir en une cambre devant lui, et là estoient dallés lui si doi frère, li dus de Lancastre et li conte de Cantbruge, et ossi li contes de Pennebroucq. Là leur remonstra il moult bellement et sagement comment en toutte honneur et en pais à son pooir il lez avoit maintenus et gouvrenés. Or estoit il enssi ordonnés que de retourner en Engleterre, mès il leur lairoit ses deus frèrez, et par especial le duc de Lancastre. Si prioit à tous et requeroit que il volsissent obeïr à lui, sicomme il avoient fait à li dou tamps passet, et li tenissent foy et loiauté en tous kas, si s’aquiteroient enviers Dieu et le roy son père, et li aidaissent à garder et à deffendre leur hiretaige que li Franchois à grant tort leur empechoient. Tout chil baron et chevalier dessus nommet li jurèrent et se obligièrent par fois et par sierement que ossi feroient il. Adont prist li prinches moult doucement congiet à yaux, et se parti assés tost depuis de Bourdiaux, et entra en son vaissiel qui estoit moult bien appareilliet pour lui et madame la princesse, sa femme, et Richart leur fil, et entrèrent leurs gens en autres nefs ordonnées pour yaux: si estoient bien trois cens hommes d’armes et cinc cens archiers, 263 qui aidièrent le prinche à reconduire, afin que nulx mesciés ne durs encontres ne li presist sour le mer. Or lairons nous à parler dou prinche qui singla tant qu’il arriva en Cornuaille en Engleterre, et parlerons de son frère le duc de Lancastre et des seigneurs dessus nommés, qui estoient demourés à Bourdiaux. Apriès le departement dou prinche de Galles, si firent faire le obsèque moult reveramment de Edouwart, fil au dit prinche de Galles, qui estoit nouvellement trespassés, ensi que vous avés oy. Fo 172 vo.

P. 9, l. 10: et phisicien.—Ms. A 8: et medecins.

P. 9, l. 11: se assenti moult bien à ce conseil.—Ms. A 8: s’i accorda assez bien.

P. 10, l. 6: couvent.—Ms. A 8: convenance. Fol. 340 vo.

P. 10, l. 10: et le baisièrent tout en le bouche.—Ms. B 4: et baisièrent tout li un après l’autre.

P. 10, l. 13: ains.—Ms. A 8: mais.

P. 10, l. 15: leur.—Ms. A 8: son.

§ 673. Assés tost apriès.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès chou que li prinches de Galles fu retrès en Engleterre, et entroes que li dus de Lancastre et li baron de Gascoingne entendoient à faire le obsèque dou fil le prince, et qu’il regardoient entre yaux là où il se poroient traire pour emploiier leur saisson et grever lors ennemis, se partirent de le chité de Pieregort une grande routte de Bretons, qui là s’estoient tenu en garnisson tout le temps, et chevauchièrent deviers un castiel mervilleusement fort, que on appelle Mont Paon. Si en estoit sires messires Guillaumme de Mont Paon, et se tenoit pour englès. Si tost que chil Breton furent venu jusques à là, desquels Bretons estoient cappitainne messires Guillammes de Loncval, messires Jehans de le Housoie, messires Loeis de Mailli et li sires d’Arsi, à petit de fait et de parlement, et me samble, seloncq ce que je fui adont infourméz, que li dessus dis messires Guillaummes de Mont Paon les mist en le fortrèche, et se tourna franchois. Ces nouvelles vinrent au duc de Lancastre et as barons de Gascoingne et de Poito, qui estoient adont à Bourdiaux. Quant il en seurent le verité, si en furent durement courouchiet, et regardèrent que tantost et sans delay il se trairoient deviers Mont Paon et y meteroient le siège et n’en partiroient jammès, si le raroient à leur vollenté, combien qu’il deuist couster. Si fist li dus Jehans de Lancastre, comme chiés et souverains de toutte la ducé d’Acquitainne, une priière et un 264 mandement à touttes gens d’armes, barons, chevaliers et escuiers, qu’il fuissent, dedens un brief jour qu’il i mist, à Bregerach; car il s’en alloit devant Mont Paon. A ce mandement ne volt nus desobeïr, mais se partirent de leurs hostels touttes mannières de gens d’armes, et vinrent à Bregerach et à Bourdiaux au jour qui y fu assignés. Dont s’esmurent li dus de Lancastre, li contes de Cantbruge, li comtes de Pennebrucq, li sires de Duras, li sirez de Courton, li captaus de Beus, li sires de Lesparre, li sires de Pummiers, li sires de Longeren, li sirez de Chaumont, messire Loeis de Halcourt, messire Guichars d’Angle, li sires de Pons, li sirez de Partenay, li sires de Puiane, messires Jakes de Surgières, li sires de Tannai Bouton et tout li autre baron, chevalier et escuier, et estoient bien set cens lances de bonne gent d’estoffe et deus mil hommes autres parmy les archiers. Si chevauchièrent et cheminèrent moult areement et ordonneement par deviers Mont Paon, et fissent tant par leur esploit qu’il y vinrent. Si se logièrent tout à l’environ; il estoient gens assés pour faire y et bastir grand siège. Fos 172 vo et 173 ro.

P. 11, l. 2: Si le fist.—Ms. A 8: Et le fist faire.

P. 11, l. 17: dou quel messires Guillaumes de Mont Paon.—Ms. A 8: dont un chevalier.

P. 11, l. 23: se rendi et tourna.—Ms. A 8: se tourna et rendi.

P. 12, l. 15: l’Estrade.—Ms. A 8: l’Estrau. Fo 341 ro.

P. 12, l. 22: Fraiville.—Ms. A 8: Framville.

P. 12, l. 30: feroient morir à grant painne.—Ms. A 8: feroit morir de male mort.

§ 674. Quant li dus.—Ms. d’Amiens: Par devant le ville et le castiel de Mont Paon s’amanagièrent et hebregièrent li Englès, et li Gascons de leur costé ossi bien et ossi fort et par ossi bonne ordonnance que don qu’il y dewissent demourer un an; car il sentoient en le fortrèce bons chevaliers et escuiers et bien tailliés dou garder et dou deffendre. Si ordonnèrent encorre li dessus dit instrumens et atournemens d’assaus grans et fors durement, et faisoient leurs gens priesque tous les jours aller assaillir, traire, lanchier et escarmuchier à ceux de le fortrèche, qui moult bien se deffendoient, et plus y perdoient li assallant que li assis, car messires Guillaummes de Lonchval, messires Alains de le Houssoie, messires Loeis de Mailli et li sirez d’Arssy estoient droite gent 265 d’armes pour yaux souffissamment acquiter en telz besoingnes, et ossi il en fissent bien leur devoir, tant que li dus de Lancastre et ses gens qui estoient plus de trois mil combatans, y sisent plus de nuef sepmaines. En ce tamps et le siège pendant devant Mont Paon, s’avisa uns bons escuiers bretons qui s’appelloit Selevestre Rude, et hardi homme durement, et estoit chils cappittainne et souverains d’une autre fortrèce qui se nomme Sainte Basille, et regarda en soy meysmes que chil chevalier breton, qui se tenoient dedens Mont Paon, gisoient assés honnerablement, et que tous les jours il avoient parti et fait d’armes, et c’estoit tout ce qu’il demandoit: si se parti à dis hommes d’armes seullement de sa garnison, et s’en vint de nuit tout à chevauchant, et fist tant qu’il vint jusques à Mont Paon. Si trestost que chil de le garde sceurent que c’estoit Selevestre Bude et se route, qui venoit là pour querre les armes et aider ses compaignons, si en eurent grant joie et le missent en le forterèce et ses gens ossi, et le conjoïrent li chevalier breton et li compaignon qui là estoient, grandement, et le remerciièrent moult de sa venue. Fo 173 ro.

P. 13, l. 10: lés.—Ms. A 8: costez.

P. 13, l. 16: de belourdes.—Ms. A 8: autres choses.

P. 14, l. 15: y.—Ms. A 8: vers eulx. Fo 341 vo.

P. 14, l. 28: gas.—Ms. A 8: fable.

§ 675. Si com je vous.—Ms. d’Amiens: Ensi se tint li sièges des Englès devant le castiel de Mont Paon, où il y eut fait maintes bellez appertisses d’armes, maint assaut et mainte escarmuce, et priesque tous les jours se venoient combattre chil dou castiel à leur barrière à ciaux de hors, et là en y avoit des blechiés souvent des uns et des autres. Enssi se tinrent il ung grant temps mout honnerablement: si estudioient li signeur, qui devant seoient nuit et jour, comment il pewissent aprochier le fin de leur siège et yaux emploiier ailleurs, et fissent à l’un des lés à leur avis aporter et achariier grant fuisson de bois et de velourdes et de faghos et jeter ens es fossés et terre par dessus, et raemplir tant que on pooit bien aprochier les murs. Si tost que cela fu fait et qu’il eurent l’avantaige pour venir traire, lanchier et combattre à ce costé à chiaux dou fort, il estoient trop pourveu de grans escaufaus et mantiaus bien ouvrés et fort carpentés, où il pooient bien [estre] en chacun vint hommez d’armes et quarante archiers. Si les fissent par roes et enghiens amener et aprochier jusques as 266 murs, tous garnis et emplis de gens d’armes, d’archiers et d’artillerie. Si commencièrent chil à traire par dedens le fortrèche et à assaillir durement; car ou piet de ces escaffaux avoit autrez hommes atout grans pilz et haviaux, qui piketoient et brisoient le mur et tout à le couverte, car d’amont on ne les pooit grever. Là eut ung très fort asaut et trop dur, car on ne poroit ymaginer coumment chil de dedens se deffendoient vaillamment et corageusement, et estoient sur les murs armé et paveschiet contre le tret, et faisoient là merveilles d’armes; mès ce qui les greva et esbahy, che fu par le picketer desoubs ou mur, car on y fist ung grant trau. Si n’estoit ils nulx qui y osast entrer; car il y avoit à l’encontre par de dedens grant fuisson de bonnes gens d’armes, qui trop bien gardoient et deffendoient le passaige et lanchoient à l’encontre mout vistement tonniaux, et les emplissoient de terre pour estouper ces pertruis. Enssi dura ung jour tout entier li assaus, et convint les Englès departir pour le cause de la nuit, mais il pourveirent bien de bonne gent d’armes et d’archiers leurs escaufaus et leurs instrummens d’asaut, par quoy chil dou fort ne leur fesissent nul contraire, et les retrayrent à ce dont par les roes ens sus dou mur, et s’arestèrent tout li seigneur de l’ost que à l’endemain on yroit assaillir plus fort que devant. Cette nuit se renforchièrent li Franchois dou plus qu’il peurent, et restoupèrent les pertruis dou mur; mès bien perçurent li chevalier breton qui là estoient et Selevestre Bude, que il ne se poroient longement tenir. Si aurent tamainte imagination à savoir quel cose il feroient, se il demoroient ou se il se partiroient. Toutteffois tout consideré et pour leur honneur, il demourèrent, et dissent que il avoient pluz chier à atendre l’aventure de Dieu et y estre pris par biau fait d’armez, que ce qu’il leur fuist reprochie nulle vilonnie.

Quant ce vint à l’endemain environ soleil levant, li dus de Lancastre fist sonner sez trompettez. Si s’armèrent touttes gens, et se traist chacuns à se livrée, et puis aprochièrent le castiel, et entrèrent dedens les escaufaus touttes nouvellez gens, hommez d’armes et archiers, et puis furent par les roes amenés jusques as murs. Si commencièrent li archier à traire fort et roit, et les gens d’armez à combattre. Là eut, je vous dis, fait mainte belle appertisse d’armes, et trop bien se deffendirent chil dou fort. Entroes que on entendoit à l’assaillir et que priès tout chil de l’ost estoient à l’assaut, messires Guillaummes de Mont Paon, qui ces Bretons avoit mis dedens le fortrèce, regarda le peril et le parti où il estoient, 267 et que nullement à le longe il ne se pooient tenir, et que, se il estoient pris, de se vie estoit noiens, si s’avisa qu’il s’embleroit des autres et se partiroit sans congiet et les lairoit finer au mieux qu’il poroient: si monta sus un courssier, et fist ouvrir une posterne à l’opposite de l’asaut et se mist as camps, et se sauva par telle mannière, et toudis duroit li assaux. Quant ce vint environ primme, li picketeur, qui estoient au darrain estage de l’escauffault, avoient tant ouvré et picketé, que il fissent reverser un pan dou mur, dont n’y eut ens es chevaliers bretons que esbahiz. Si se traissent avant et fissent signe qu’il volloient parler et tretiier d’acort. Li dus de Lancastre, qui en vit le mannière, y envoiea monsigneur Guichart d’Angle, et fist cesser l’assaut; car bien li sambla qu’il les aroit, quant il vorroit. Sitost que li marescaux d’Acquittainne fu là venus, il li dissent: «Monsigneur Guichart, nous nos vollons rendre sauve nos corps et le nostre, et nous partirons de chy, et vous lairons le fortrèce.»—«Signeur, signeur, respondi messires Ghuicars, il n’yra mies enssi. Vous avez tant cousté, argué et courouchié monsigneur de Lancastre que je croi bien qu’il ne vous prendera à nul merchy.» Dont respondirent li chevalier breton, et dissent: «Monsigneur Guicart, nous sommez saudoiiers gaegnans nos saudées au roy de France, et qui loyaumment nous vollons acquitter envierz no signeur, sicomme vous feriés pour le vostre; si vous requerons que vous nous menés justement au droit d’armes, enssi que chevalier et escuier doient faire l’un l’autre, et que vous vorriés que on vous fesist, ou les vostrez, se vous estiés ou parti où nous sommes.» Dont respondi messires Guichars, et dist: «J’en iray vollentiers parler à monsigneur de Lancastre, et savoir quel cose il l’em plaira à fere, et tantost retourray.» Adont se parti messires Guicars, et s’en vint au dit ducq qui n’estoit mies loing de là, et li remoustra comment li chevalier de Mont Paon se volloient partir et laissier leur fortrèche. Dont respondi li dus, et dist: «Maugré en aient il! Sachiés, messire Guichars, qu’il ne s’en partiront pas enssi, mès demoront deviers my et en me vollenté.»—«Monsigneur, dist li marescaux, vostre vollenté serra telle qu’il passeront parmy courtoise raenchon; car, se il se sont tenu et ont gardé le forterèce vaillamment et à leur pooir, on ne leur en doit savoir nul mauvais gré, et ou parti où il sont poevent vos gens escheïr tous les jours, siques vous leur ferez le droit d’armes.»—«Monsigneur, ce dist li captaus de Beus, messires Guicars dist bien et 268 l’en creés, car il vous consseil à vostre honneur.» Adont se rafrenna un peu li dus de Lancastre, et li dist: «Messire Guicart, je le vous acorde, mès nullement je ne voeil que messires Guillaummes de Mont Paon soit mis ou tretiet.»—«Sire, dist li marescaux, de par Dieu!» Adont s’en revint il là où li chevalier breton l’atendoient, et leur dist: «Certes, signeur, à grant dur j’ai empetré deviers monsigneur que vous soiiés pris et mis à raenchon convignable par droit d’armes, sans vous trop presser; toutteffois vous le serés; mès monsigneur Guillaume de Mont Paon ne voet nullement li dus pardonner son mautalent, mès le voet avoir à faire son plaisir.» Dont respondirent li chevalier breton, qui ja estoient enfourmet que chils s’estoit partis, et dissent: «Messire Guicart, nous parlons de nous tant seullement. De monsigneur Guillaumme ne savons nous riens, et quidons mieux qu’il soit hors que ceens ou que dedens, et vous jurons que nous ne savons où il est ne quoi devenus. Par raison vous ne nous en devés demander plus avant.»—«C’est voirs,» dist messires Guichars. Adont fist on retraire touttez mannièrez de gens assallans. Si se vinrent li chevalier françois et li hommes d’armes, qui là estoient avoecq yaux, rendre et mettre en le prison le duc de Lancastre, qui les prist vollentiers et qui envoya tantost dedens Mont Paon querre et cerchier, se on poroit trouver le chevalier dessus nommet; mès il raportèrent que nennil et qu’il s’estoit partis très le matin. De ce fu li dus de Lancastre mout courouchiés, mès amender ne le peut. Si envoiea de rechief par dedens le fort monsigneur Guicart d’Angle prendre le saisinne et le possession dou castiel, et y estaubli à demourer le seigneur de Muchident et monseigneur le soudich de Lestrade et cent hommez d’armes et deus cens archiers pour le garder, lequel chevalier dessus noummet le fissent remparer et fortefiier par les hommes dou pays mieux que devant, et en fissent une grosse garnison et qui mout grevoit et cuvrioit chiaux de Pieregorch avoecq le garnison de Bourdelle qui se tenoit englesse. Fos 173 ro et vo, 174 ro.

P. 15, l. 12: pis.—Ms. A 8: pics.—Mss. B 1 et B 4: pilz.

P. 15, l. 23: par mi ce mur trauet.—Ms. A 8: premierement.

P. 16, l. 14: Guillaume.—Ms. A 8: Guillaume de Mont Paon. Fo 342, ro.

P. 17, l. 1: abrisier.—Ms. A 8: abregier.

P. 17, l. 11: païsans.—Ms. A 8: maçons.

269 § 676. Apriès le reconquès.—Ms. d’Amiens: Apriès le prise de Mont Paon, se departirent li signeur, et leur donna li dus de Lancastre de revenir ung tierme, tant qu’il les manderoit, à leurs maisons. Si s’en rallèrent li signeur de Gascoingne en leur pays, pour garder lors fortrèces à l’encontre dou conte d’Ermignach et dou signeur de Labreth et des compaingnes de leur costé qui leur faisoient grant guerre. Ensi estoit li pays entouilliés li uns sur l’autre: li fors foulloit le foible, li voisins desroboit et tolloit son voisin quanqu’il avoit; un jour tenoit les camps li Englès, et l’autre li Franchois, ne on ne vit oncques tel guerre, ne on ne se savoit en quoy apoiier; et avint pluisseurs fois que, quant li Englès venoient devant une fortrèche franchoise et il les requeroient à rendre, il s’en tournoient englès; et sitost qu’il estoient parti, et li Franchois revenoient, il se retournoient franchois. Dont par celle mannière et par tel variement tamainte ville en fu violée, robée, arse et gastée, et tamains castiaux abatus et reverssés pas terre, et tamains homs mors et perdus sans merchy. Fo 174 ro.

P. 17, l. 22: espardre.—Ms. A 8: estendre.

P. 17, l. 26: à avoir besongne.—Ms. A 8: avoir à besoingnier.

P. 18, l. 5: Charuels.—Ms. A 8: Carlouet le Breton.

P. 18, l. 6: adamagoient.—Ms. A 8: dommageoient.

P. 18, l. 11: doubtance.—Ms. A 8: doubte. Fo 342 vo.

§ 677 et 678. Assés tost et Cilz chastiaus.—Ms. d’Amiens: Or vous diray dou signeur de Pons en Poito qu’il en avint. Assés tost apriès chou que on fu revenu de Mont Paon, il se tray franchois, dont li seigneur d’Engleterre eurent grant merveille, car il avoit estet ja grant plenté en leurs chevauchies. Et si trestost qu’il fu tournés franchois, il envoya souffissamment deffiier le ducq de Lancastre et tous ses aidans, liquelx dus fu de ceste aventure durement courouchiés, car li sirez de Pons li estoit ungs grans bourdons en son pays; et quoyque li sires de Pons fust tournéz franchois, ma damme sa femme se tint englesce, et dist que ja ne relenquiroit le roy d’Engleterre, et ses maris avoit tort, quant il estoit devenus franchois. Enssi se portoient lez parchons. Si envoiea li dus de Lancastre saisir le ville de Pons en Poito, et i mist grant garnison de par lui et fuisson de bonnes gens d’armes, et en fist souverain et cappitainne monseigneur Aimmenon de 270 Bourch, un hardi et sceur chevalier durement. Enssi se tenoit li ville de Pons et la damme englesse, et li sires estoit franchois, et couroit tous lez jours jusques as barrières de sa ville. Fo 174 ro.

P. 18, l. 28: est là uns grans sires malement.—Ms. A 8: estoit malement grant seigneur.

P. 18, l. 31: de le ville... englès.—Ms. A 8: qui se voloient tenir englès, qui demouroient en la dite ville de Pons.

P. 19, l. 13: en l’autre.—Ms. A 8: dedens les autres.

P. 19, l. 18: les.—Ms. A 8: qui les.

P. 19, l. 20: cité.—Ms. A 8: ville.

P. 20, l. 2: ou de.—Mss. A 8 et B 4: pour aidier à.

P. 20, l. 16: de le cité... Touars.—Ms. A 8: de Touars et de la cité de Poitiers. Fo 343 ro.

P. 21, l. 4: pertruisièrent.—Ms. A 8: percièrent.

§ 679 et 680. Nous retourrons et Quant li Englès.—Ms. d’Amiens: Or revenrons à monsigneur Bertran de Claiequin, connestable de Franche, qui s’estoit tenus à Paris dallés le roy ung grant temps après le revenue de Pont Volain, où il avoit rués jus les Englès, sicomme chi dessus est recordé. Si regarda que pour emploiier son tamps, il se trairoit en le Langhedoc et feroit guerre as fortereches qui englesces se tenoient, car encorres y en avoit pluisseurs en Auviergne, en Limozin, en Roherge, en Quersin et en Pieregorch, sans le pays de Poito, de Saintonge et de le Rocelle; et par especial il y avoit un chevalier englès en La Millau sus le marce de Rodès et de Montpellier, qui s’appelloit messires Thummas de Wettevalle, qui là gisoit trop honnerablement, car il tenoit le garnison et avoit tenu plus d’un an et demy contre les Franchois, et ossi Le Roche Vauclere, quoyque li pays d’environ fust tous tournés franchois; et faisoit li dis chevaliers avoecques ses gens pluisseurs belles yssuez, et gaegnoit moult souvent sour le pays pourveances et prisonniers à fuison, dont les plaintes venoient au duc d’Ango et au roy de Franche. Se dist ly connestables qu’il se trairoit celle part et que ce ne faisoit mies à souffrir. Si fist ung très grant mandement à estre à Bourges en Berri dedens un jour qu’il i assigna. Entroes qu’il ordonnoit ses besoingnes et qu’il se pourveoit de gens d’armes, se departirent de Poito et dou ducq de Lancastre li contes de Cantbruges et li contes de Pennebroucq, et revinrent arrière en Engleterre, car li roys les remanda; et messires Bertrans de Claiequin esploita fort et 271 songneusement, et se parti dou roy et s’en vint vers Orlyens. Si le sieuwoient touttes mannières de gens d’armes, et vint à Bourges, et là trouva il le duc de Berri. Si ne fissent gaires long sejour, mès se partirent de Bourges et passèrent tout le pays à grant esploit, et entrèrent en Auviergne, et s’en vinrent premierement devant une cité que on appelle Uzès, que li Englès tenoient, qui se nommoient à monseigneur Thummas de Wettevalle chi dessus. Si s’avisa li connestablez qu’il n’yroit plus avant, si aroit pris la garnison d’Uzès, car elle grevoit trop le pays, et si avoit adont avoecques lui toutte le fleur de le chevalerie de Franche ou en partie: le ducq de Berri, le ducq de Bourbon, monseigneur Robert d’Allenchon, conte du Perche, le conte de Saint Pol, messire Wallerant de Lini, son fils, le dauffin d’Auviergne, messire Huge Daufin, le conte de Bouloingne, messire Jehan de Bouloingne, le signeur de Biaugeu, Ainbaut dou Plasciet et grant fuison de bonnes gens d’armes, et estoient bien deus mil lanches. Si s’atrayrent tout chil signeur et leurs routtes devant Uzès, et le fissent assaillir fortement et durement, et y eut pluisseurs grans assaus et durs et faite tamainte appertisse d’armes, car li seigneur et li chevalier qui là estoient, ne s’espargnoient nient pour leur honneur, mès entroient en es fossés qui estoient grans et parfons et plains d’aighe, et y avoient fait ruer grant fuisson de faghos et d’estrain, sour quoy il passoient et venoient comme bon chevalier et appert li ungs par l’autre, enssi que par envie, jusques au piet dou mur, et montoient contremont, les targes sour lor testes. Ensi et en cel estat s’aquitoient il trop bien de l’assaillir, et ossi cil de le fortrèche d’iaux deffendre, car ils jettoient pierres et baus et gros mangonniaux, dont il les reculloient comme avanchiés qu’il fuissent, et les reboutoient à grant meschief jusques ens es fossés. A l’un de ces assaux fu en grant peril messires Wallerans de Lini, car il montoit contremont sa targe sour sa teste, armés de touttes pièces et vestus d’un jake de kamoukas très rice et bien ouvré; mès il fu ravallés d’une pierre par tel mannière que on le reverssa ens es fossés, et tourna jusques ou bruech, et ne s’en fuist jammès partis, qui ne l’euist secourut. Mès li contes de Saint Pol, ses pères, et se bannière estoient là en present: si saillirent tantost avant à le recousse, chevalier et escuier, et le traissent hors de l’aighe et du broecq où il estoit si entouilliés que on ne savoit de quel coulleur ses jaques estoit. En tel dangier et en tel aventure en y eut pluisseurs celle journée, car oncques 272 gens ne se deffendirent plus aigrement ne plus vassaument comme cil qui dedens Uzès estoient. Quant li connestables de France eut consideret les grans assaus et certains que leurs gens faisoient, qui point ne s’espargnoient, et comment en vain il se travilloient, si lez fist retraire arrière, et chascun aller à son logeis pour yaux rafrescir et reposer, et ils meysmes se retrayst, et vint en le tente monsigneur de Berri. Là furent mandé li plus grant partie des seigneurs pour avoir consseil comment il se maintenroient, car li dis connestablez leur remoustra qu’il avoient ja esté là plus de quinse jours et assaiié le garnison de pluisseurs assaux; mès, à ce qu’il pooit connoistre, elle estoit imprenable, car elle estoit forte, et si avoit dedens trop bonne gens d’armes et grant fuison: si leur pria tout autour que chascuns en volsist dire sen intention. A ce dont estoit nouvellement venus en Auvignon deviers le saint pape Gregoire XIe li dus d’Ango. Si avoit mandé le ducq de Berri, son frère, et le ducq de Bourbon, le conte du Perche, le conte de Saint Pol, le conte de Bouloingne, le dauffin d’Auvergne et aucun de ces seigneurs qui là estoient, qu’il le venissent veoir pour avoir consseil comment apriès les Pâques dont il estoient mout prochain, il se poroient maintenir; car il ne volloit mies que ces chevauchies ne chil concquès se fesissent sans lui. Si estoient enclin chil signeur à yaux trère deviers Auvignon et venir veoir le dist ducq et savoir quel cose il voroit dire et ordonner. Si fu conssilliet que chil signeur se partiroient et venroient tout en Avignon excepté le connestable et li Breton, mès chil là chevauceroient deviers Roherge et Limozin et tenroient les camps à leur pooir. Si se deslogièrent de devant Uzès touttes mannières de gens d’armes, et descendirent par routtes deviers Avignon sicomme dessus est. Et li connestables li sires de Clichon, li viscontes de Rohem, messires Loeis de Sausoire, marescaux de Franche, li sires de Laval, li sires de Biaumannoir et grant fuisson de bonnes gens d’armes de Bretaingne se retraissent plus amont deviers Limozin, et là se missent en le routte dou connestable chil baron de Limozin, messires Loeis de Melval, messires Raimmons de Maroeil et li sires de Pierre Bufière, qui estoient tourné franchois.

Tantost apriès le Pasque que on compta en ce tamps l’an mil trois cent settante et un, et que chil signeur dessus nommet eurent estet en Auvignon veoir le pappe Grigoire et tenu leur pasque avoecq lui et parlet au duc d’Ango, il se departirent et s’en 273 revinrent deviers le connestable qui seoit devant La Millau, où messires Thummas de Wettevalle se tenoit et estoit tenus ung grant tamps mout honnerablement; mès li dus d’Ango, quoyque vollentiers y fuist allés, n’y ala mies adont, car li rois de Franche, ses frères, li manda, entroes qu’il estoit en Avignon, qu’il venist parler à lui. Si s’avala li dis dus deviers Lions sus le Rosne pour venir en Franche; et lis dus de Berri, li dus de Bourbon, li comtes de Saint Pol, li comtes du Perche, li comtes de Bouloingne, li daufins d’Auviergne, li sires de Sulli, li sires de Biaugeu et li autre chevalerie de Franche se traissent en Auviergne et vers Roherge où li connestablez de Franche se tenoit à siège devant La Millau où il y eut pluisseurs assaux, escarmuches et paleteis, et dura li dis sièges mout avant en l’esté. Finablement chil de le garnison furent si astraint qu’il ne peurent plus souffrir, car li dis chevaliers englès, qui là s’estoit tenus plus de vint mois, considera que tous li pays d’environ estoit rendus et tournés franchois, si ne pooit avoir secours ne comfort de nul costé, pour quoy il commencha à traitiier deviers le connestable et les seigneurs qui là estoient, que il renderoient le forterèce, se on le volloit laissier partir et tous les siens, sauve leurs corps et leurs biens. Li signeur de France entendirent ad ce tretiet, et se passa, et partirent li dit Englès de La Millau sauvement, yaux et le leur, et furent conduit jusques en Poito, que oncques n’y eurent point de damage.

Apriès le reconcquès de La Millau, dont tous li pays fu resjoïs grandement, car ceste fortrèce leur avoit porté trop de contraire, se traissent li Franchois devant Le Roce Vauclère qui point ne se tint trop longement, mès se rendirent par composition enssi que li dessus dit, et furent pris à merchy. En apriès reprist li connestables aucuns petits fors sus les marches de Roherge, d’Auviergne et de Quersin, que li Englès avoient fortefyé, et en delivra auques tout le pays parmy le confort des dessus dis seigneurs qui estoient en se routte, puis s’en vint devant le cité d’Uzès, et le assega comme en devant de tous poins. En ce tamps repassa li dus d’Ango parmy Auviergne, qui avoit estet en Franche et viseté le roy Carle, son frère. Si se rafresci à Clermont en Auviergne et envoyea ses gens devant Uzès, où il y eut maint assaut et mainte escarmuche. Finablement chil qui dedens estoient et qui gardé l’avoient, le rendient par composition sauve leurs corps tant seullement: nulle autre cose n’en portèrent. Apriès le prise et le 274 reconket d’Uzès, ces gens d’armes se departirent et passa oultre li dus d’Ango deviers Montpellier et viers Toulouze, où le plus il se tenoit, et li connestables revint en Franche et li plus grant partie des autres seigneurs dessus nommés. Fos 174 ro et vo, 175 ro.

P. 21, l. 26 et partout: de Claiekin.—Ms. A 8: du Guesclin.

P. 22, l. 8: encores de nouviel les.—Ms. A 8: encores les.

P. 22, l. 9: tenoient ou.—Ms. A 8: tenoient de nouvel ou.

P. 22, l. 11 et partout: Ussel.—Mss. A 8 et B 4: Uzès.

P. 22, l. 28: le assegièrent.—Ms. A 8: se logièrent. Fo 343 vo.

P. 23, l. 3: des chiés.—Ms. A 8: chiefz.

P. 23, l. 6: fisent.—Ms. A 8: orent parlé.

P. 23, l. 14: que.—Ms. A 8: quant.

P. 24, l. 1: non.—Ms. A 8: et non.

P. 24, l. 10: acquitta.—Ms. A 8: acquist.

P. 24, l. 17: voirs.—Ms. A 8: verité. Fo 344 ro.

P. 24, l. 31: lavés.—Ms. A 8: loez.

P. 24, l. 31: amises.—Ms. A 8: paroles.

§ 681 et 682. Li rois d’Engleterre et Apriès celle desconfiture.—Ms. d’Amiens: En ce tamps faisoit ung très grant appareil pour passer le mer li dus de Lancastre, et avoit son passage segnefiié à ses deus cousins germains, le duc de Guerle et le ducq de Jullers, qui le devoient servir à mil lanches et entrer ou royaumme ou lés deviers Tieraisse à si grant effort que pour combattre tout chiaux qui contre eux se metteroient; et devoient ossi y estre, il en estoient priiet et mandé, messires Robers de Namur, li comtez de Saumes en Ardane et tout chil de l’empire, qui avoecques yaux estoient aliiet. Et, quoyque ceste armée et emprise se mesist avant pour li, li roys d’Engleterre l’ordonnoit ou nom de son fil, le ducq de Lancastre, qui point n’estoit ou pays, ainschois estoit en Gascoingne, où il guerioit là fortement et avoit gueriiet tous le tamps depuis le departement dou prinche son frère. Mès on l’atendoit de jour en jour, car li roys l’avoit remandé, et estoient ses pourveanches sus le Geronde ou havene devant Bourdiaux. Or avint que ceste armée ne se fist point sicomme li roys et ses conssaux l’avoient empensé à faire, pour le cause de ce que en celle saison, ou mois d’aoust, une grosse 275 assamblée de gens d’armes se mist sus en l’empire entre le ducq Wincelin de Braibant et de Luxembourcq qui en fu chiés de son costé, et le duc de Jullers et messire Edouwart de Guerles de l’autre costé; et là eut, le nuit Saint Bietremieu l’an dessus dit, entre ces seigneurs et leurs gens une très grosse bataille et maint gentil homme mort et pris; et par especial, li dus de Guerle, qui avoit empris le guerre si forte et aporté si grant contraire le royaumme de Franche, y fu ochis, quoyque li dus de Jullers obtenist le plache, et là furent pris, dou costé le ducq de Braibant, il et tout li enfant et signeur de Namur qui là estoient, li comtez de Saumes, messires Jakemes de Bourbon, messires Walerans de Lini, et mors li comtes Guis de Saint Pol, ses pères, et grant fuisson de bons chevaliers mors et pris, siques pour celle avenue et pour le perte que li rois d’Engleterre eut là de son nepveult, messire Edouwart de Guerles, où il avoit très grant fiance, et le prise de monsigneur Robert de Namur et de pluisseurs bons chevaliers, dont li dus de Lancastre, ses fils, euist estet servis et aidiés en son voiaige, il rafrenna son pourpos et contremanda ceste armée et chevauchie: se ne se prist nient si priès li dus de Lancastre de revenir. Depuis fu li dus de Braibant delivrez de le prison le duc de Jullers par le puissanche le roy Carle d’Allemaigne et empereur de Rome, son frère, et pluisseur prisonnier qui furent pris avoecq lui, par le pourcach de madamme Jehanne, femme au dit duch, ducoise de Braibant et de Luxembourcq. Fo 175 ro.

P. 25, l. 1 et 2: guerriiés et cuvriiés.—Ms. A 8: hariez et guerriés.

P. 25, l. 13: bien cler.—Ms. A 8: amis.—Ms. B 4: bien d’acort.

P. 25, l. 14: heriiet.—Ms. A 8: hardoiez et envaïs.

P. 25, l. 17: à le Bay.—Ms. A 8: à la Bay.

P. 25, l. 24 et 25: Richars de Pennebruge... Sturi.—Ms. A 8: Richars Savi.

P. 26, l. 4: grawés de fier et à kainnes.—Ms. A 8: crochèz de fer et à kainnes de fer.

P. 26, l. 5: Toutes fois.—Ms. A 8: Et.

P. 26, l. 16: par mi.—Ms. A 8: par.

P. 26, l. 20: des.—Ms. A 8: des dis.

P. 26, l. 21: à guerriier et heriier et à clore.—Ms. A 8: guerrier et clore. Fo 344 vo.

276 P. 26, l. 29: comment que il en touchoit.—Ms. A 8: comment il en tenroit.

P. 26, l. 31: li plus sage des.—Ms. A 8: les.

P. 27, l. 3: ains.—Ms. A 8: avant.

P. 27, l. 5: ordenances qui furent ditté et seelé.—Ms. A 8: ordenances seelé.

§ 683 et 684. Vous avez bien oy et Li dus Jehans de Lancastre.—Ms. d’Amiens: Vous avés bien chy dessus oy recorder comment li rois de Maiogres avoit estet pris en Espaigne en une ville qui s’appelle le Val d’Olif; or vous parlerai de se delivranche. Li rois Henris, qui le tenoit en se prison, l’avoit rendut et delivret à monsigneur Bertran de Claiequin, en cause de paiement de ses gaiges, et estoit li dis rois de Maiogres prisonniers au dit connestable de Franche, et li fist venir tenir prison à Montpellier. Assés tost apriès pourcachièrent sa delivrance la marquis[e] de Montferrat, sa soer, et la roinne de Naples, sa femme, parmy cent mille francs qu’il en paiièrent, et tant en eut messires Bertrans. Depuis qu’il fu delivré, il se composa et acorda au roy Henry d’Espaingne, et vint en Auvignon et se complaindi au pappe Gregoire du roy d’Arragon, qui li tolloit son hiretaige sans droit et sans raison. Li pappes fut adont si consillet qu’il li acorda bien à faire guerre au roi d’Aragon pour le cause de son hiretaige ravoir. Si se pourvei li roys James de Maiogres de gens d’armes; et prist grant fuison de compaignes, dont messires Garsions dou Castel, messires Jehans de Malatrait, messires Selevestre Bude et Jackes de Bray estoient me[ne]ur et cappittainne. Si pooient bien estre ces gens mil combatans, et entrèrent en Espaingne par l’acort dou roy de Navarre et dou roy Henri, et fissent guerre au roy d’Aragon, mès elle ne dura point longement, car li rois de Maiogres s’acoucha malades en Espaingne ou Val de Sorie, de laquelle maladie il morut. Dont se retraissent ces compaingnes et ces gens d’armes deviers le duc d’Ango, qui les rechut vollentiers et qui bien les seut où emploiier.

Encorres avés vous bien oy recorder chy dessus comment la mère de la roynne de Franche et dou duc de Bourbon fu prise en Belleperche, et ossi de messire Ustasse d’Aubrecicourt, comment il fu pris de Thieubaut dou Pont ou castiel de Pierre Bufière, si ques il avint ensi (pour tant, une boute, l’autre requiert), messires Ustasse aida mout grandement à le delivrance de la dessus ditte 277 damme et en eut mout de painne et mout de pourcach: ossi il en souvint le duc de Bourbon et la roynne de Franche. Si fu li dis messires Ustasses mis à finanche parmy douse mil frans que dubt paiier pour se raanchon, et en paya uit mil tous appareillés; et pour les autres quatre mil, demoura li dus de Bourbon parmy, tant que ungs biaux fils que messires Ustasses avoit, nepveux au duc de Jullers, filz de sa soer, en fu plèges et delivrés deviers le dit ducq. Depuis ceste ordonnanche, messires Ustasses d’Aubrecicourt s’en vint en Constentin deviers le roy de Navarre, qui le retint à lui et fist souverain deseure tous ses chevaliers. Assés tost apriès li dis messires Ustasses se acoucha malades en le conté d’Evrues, de laquelle maladie il morut. Dieux en ait l’ame, car ce fu en son tamps ungs moult appers chevaliers!

Nous retourons as besoingnes de Poito, et parlerons des barons et des chevaliers qui là se tenoient de par le roy d’Engleterre, telz que messires Loeis de Harcourt, li sires de Partenay, messires Guicars d’Angle, li sires de Puiane, li sires de Tanai Bouton, li sires de Rousselon, messires Guillaummes de Crupegnach et pluisseurs autres. Si regardèrent en celle saison que la ville et li castiaux de Montcontour leur portoit trop grant contraire: si s’avisèrent qu’il metteroient le siège par devant, et de ceste chevauchie seroit chief messires Thummas de Perssi, senescaux de Poito, li sires de Partenay et messires Ghuichars d’Angle, et feroient leur amas et leur assamblée à Poitiers.

Ensi regardèrent et advisèrent chil signeur dessus nommet, qu’il venroient mettre le siège devant Montcontour. Si se ordonnèrent et mandèrent gens de tous costés et especialement des compaingnes, et fissent leur assamblées à Poitiers. Quant il furent tout venu, il estoient bien trois mil combatans, uns c’autre: si se partirent de le cité de Poitiers et cheminèrent à grant esploit, et fissent tant qu’il vinrent devant Montcontour, qui est ungs très biaux castiaux et fors seans sur le marche d’Ango et de Poito, à quatre lieuwes de Touars. Si le assegièrent de tous costés et l’assaillirent vistement, car il avoient avoecq yaux fait mener et akariier grans instrummens et atournemens d’assaut, dont il grevoient grandement chiaux dou fort. Par dedens le garnison se tenoient messires Pierres de la Gresille et Jourdains de Couloingne, appert hommes as armes durement, et avoient avoecq yaux des bons compaignons bretons et franchois qui leur aidoient à garder le fortrèce. Si furent devant le fortrèce de Montcontour li 278 dessus dit Englès poitevin, desquelx messires Thummas de Perssi, li sires de Partenay et messires Guicars d’Angle estoient souverain, environ quinse jours; et eut là en dedens fait tamaint fort assaut et dur, car mout pressoient li dessus dit que il le peuissent prendre par forche ou autrement, car on leur disoit que li connestables metoit sus grant fuison de gens d’armes pour venir lever le siège. Si n’en estoient mies li dessus dit plus asseguret, et se hastoient ce qu’il pooient à painnes nuit et jour sans cesser de l’assaillir; et requeroient à chiaux dedens qu’il se rendissent, et on les lairoit partir courtoisement; mès il n’y volloient entendre, car il esperoient à estre comforté du connestable de Franche, et l’euissent esté sans faute, se ilz se peuissent estre plus longement tenus; mès, enssi que je vous ai dit, on les assalloit si ouniement et par tant de mannières, que finablement li castiaux fu de forche concquis, et pris li doy cappittainne messires Pieres de la Gresille et Jourdains de Couloingne, et encorres ne say cinc ou sis bons hommes d’armes, et li demorans tous tués sans merchy. Ensi eurent li Englèz le castiel de Montcontour qu’il trouvèrent bien garny de touttes pourveanches et de fuison de bonne artillerie. Si regardèrent entr’iaux li chevalier qu’il le tenroient, puisque conquesté l’avoient, car il leur estoit bien seans pour gueryer le terre d’Ango et les autres villes et fortrèchez qui françoises se tenoient; et y ordonnèrent à demourer monsigneur Gautier Huet, Carsuelle et David Holegrave et touttes les compaingnes, qui là estoient de leur costé, et qui s’estoient remis enssamble depuis le desconfiture de Pont Volain.

Apriès ceste ordonnance de Montcontour et l’estaublissement que messires Guichars d’Angle et li autre y eurent fait, il donnèrent congiet au demourant de leurs gens, et s’en revinrent à Bourdiaux où li dus de Lancastre se tenoit, qui les rechupt à grant chière. Ensi laissièrent il par les dessus dit gens de compaingnes gueriier le pays d’Ango et les marches du Mainne, où il avoit ossi ens es garnisons mout de bonne gens franchois. En ce tamps se trouvèrent sus mer en ung lieu en Bretaingne, que on appelle Le Bay, li Flamenc et li Englès qui adonc se herioient et avoient sur mer heriiet toutte le saison; et consentoit bien li comtes de Flandres ceste guerre entre ses gens et les Englès pour la cause dou duch de Bourgoigne, qui avoit sa fille espousée sicomme vous savés, et euist encorres volentiers plus plainnement gueriiet les Englès, se ses gens l’euissent acordé, mès il n’en avoit mies bien l’acord. 279 Touttefois, ensi que renommée couroit en Engleterre et que li roys englès estoit enfourmés, li comtes Loeis de Flandres avoit mis sus mer grant fuison de ses gens pour porter dammaige as Englès, se il lez trouvaissent ou encontraissent, dont Jehans Pietresone estoit amiraux et cappittainne de leur navie. Et à ce dont venoient en Bretaingne lez gens le roy englès, c’est assavoir: li contes de Herfort, messires Richars de Pennebruge, messires Alains de Bouqueselle, messires Richars de Sturi et pluisseurs autres chevaliers de l’ostel du roy, et pour parler au duc de Bretaingne de par le dit roy; et pour ce que il estoient en doubte des Flammens, s’estoient il pourveu bien et grossement: si estoit amiraux de leur navie messires Guis de Briane. Si se trouvèrent ces deus navies, sicomme dessus est dit, à Le Bay en Bretaingne: si se combatirent enssamble fierement et radement, et y eut très dur hustin et très fort et mout perilleux, et fait de l’un lés et de l’autre tamainte belle appertise d’armes, et furent ce jour li Englès en grant peril d’estre tout mort et desconfi, car li Flamencq estoient plus de gens qu’il ne fuissent et mieux pourveus de gros vaissiaux et de toutte artillerie, dont il eurent un grant temps bon avantaige; mès finalement li comtes de Herfort, qui fu ungs appers et hardi chevaliers, s’i esprouva si bien, et tout chil de se routte, ossi messires Richars Sturi et li autre, qu’il desconfirent che qu’il y avoit là de Flammens; et y fu pris leurs amiraux, Jehans Pietresonne, et prisonniers à monsigneur Gui de Brianne; et en y eut grant fuison de mors et de noyés, et mout petit s’en sauvèrent. Si retournèrent li dessus dit Englès atout leur concquès de barges et de vaissiaux et leurs prisonniers en Engleterre, et recordèrent au roy comment li Flamencq lez avoient envays et assaillis. De che fu li roys moult courouchiés, mès ce le rejoyssoit qu’il veoit ses gens retournés en bon point et à l’onneur d’iaux, et dist adont li roys, en maneçant les Flammens, qu’il leur feroit encorres chier comparer le guerre qu’il avoient de nouviel et sans raison reprise à lui et faite à ses gens.

Apriès le revenue dou dit comte de Herfort et de ses compaignons en Engleterre et le infourmation faite ou dit roy, li roys englès assambla ses gens de son consseil, et fist [mander] ung grant parlement à estre à Londres en son palais de Wesmoustier. A ce parlement vinrent tout chil qui semons et priiet en furent: là eut pluisseurs coses parlées et devisées des sages d’Engleterre, et la principal cose estoit sus l’estat de Flandres, qui celle fois 280 et autre che font à savoir. Li Flammencq avoient heriiet les Englès. Si fu enssi ordonné que li roys, pour l’onneur de lui et de son pays, mesist et establesist une cantité de vaissiaux armés et pourveus de gens d’armes sus les frontièrez de Flandrez, entre Zanduich et Calais, et que chil qui de par le roy là seroient, ne laiassent aller, passer ne venir nulle marchandise en Flandres, et leur fuissent ennemis touttes mannières de gens, de quelque nation qu’il fuissent, qui en Flandres voloient ariver pour faire y marchandise. Tantost apriès ceste ordonnanche, li roys englès par l’avis de son consseil mist et estaubli grant fuison de gens d’armes et d’archiers et de bons vaissiaux bien armés et bien pourveus sus mer, entre les destrois de Douvres et de Calais, sur l’estat dessus dit. Si trestost que ces nefs et ces gens d’armes furent sur mer, et il commencièrent à esploitier fort et delivrement à touttes mannièrez de gens allans et venans en Flandres, et tant que les plaintes en venoient tous lez jours as Flammens, et que tout marcheant resongnoient à venir en Flandres pour le peril et le doubte des Englès, adont regardèrent les bonnes villes de Flandres, et li conssaux et advis des sages hommez qui dedens abitent et demeurent, que ceste guerre et haynne as Englès ne leur estoit pas pourfitable, et que point n’en estoient cause, ne ne se mouvoit de leur costé. Si se traissent enssamble et en eurent pluisseurs conssaux: finablement il s’avisèrent tout d’un commun acord et se traissent deviers leur signeur le comte, qui adont se tenoit dehors Gand en une moult belle maison qu’il y avoit fait faire, et li remoustrèrent les plaintes des marcheans estragniers, qui venoient tous les jours jusques à yaux, comment il n’osoient aler ne venir ne faire ariver nulle marchandise en Flandre pour le doubte dez Englès. Et ossi li estaples des lainnes qui se tenoit à Calais, leur estoit clos, che qui estoit grandement au prejudisce de toutte le communauté de Flandrez; car sans le drapperie ne pooient il nullement vivre: «Pour tant, chiers sires, voeilliés y remediier; si ferés bien et aumosne, et acquerrés la grasce et amour de vos bonnes gens qui vous ont estet appareilliés à tous vos commandemens jusques à ores.»

Quant li contes Loeis de Flandres eut oy les raisons et les complaintes de ses gens, ilz, comme sages et ymaginans sires, leur respondi: «J’en aray prochainnement avis; et tout le bonne remède parmi raison, sauve l’onneur de moy et de mon pays, je y meteray.» Chil qui là estoient envoiiet de par les bonnes villes, 281 se tinrent de ceste responsce à bien content. Au tierch jour apriès fu conssilliéz li comtes, et en respondi plainnement et dist enssi, pour appaisier son païs, que le guerre que ses gens avoit ne faisoit as Englès, elle n’estoit en riens cause ne participans pour le roy de Franche ne pour le duch de Bourgoingne, à qui par succession li hiretaiges de Flandres, par la cause de sa fille, devoit retourner, ou à ses enfans, fors tant que, pour aucuns despis que li Englès avoient, passet avoit ja deus ans, fais à ses gens sur mer, si s’en volloit contrevengier; et, se chil de Flandres volloient aller ou envoyer en Engleterre deviers le roy englès et son consseil, et savoir à quel title il s’estoient de commenchement esmeu contre lui, il le consentiroit assés legierement, et tout ce que li communs en feroient et ordonneroient pour le milleur et pour le commun prouffit de tout le pays, à l’onneur de li et de sa terre, il s’y acorderoit volentiers. Ces parolles furent rapportéez, au consseil dez bonnes villes, qui les acceptèrent, et ordonnèrent tantost douse bourgois des sis milleurs villes de Flandres, liquel yroient en Engleterre parlementer au roy et à son consseil, et saroient plus plainnement qu’il ne savoient encorres pourquoi on les guerrioit. Ainschois que chil s’en meussent ne partesissent de Flandres, il envoiièrent devant impetrer un sauf conduit pour yaux et leur famille aller et retourner sans dammage: si leur fu acordé dou roy assés legierement. Adont se missent il à voie et cheminèrent tant qu’il vinrent à Callais, et là montèrent il en mer. Si arivèrent à Douvres, et puis chevauchièrent jusques à Windesore, là où li roys se tenoit adont.

Quant chil bourgois de Flandres furent venu à Windesore, il n’eurent mies accès de parler au roy, mès leur fu respondu de par le roy que il se traissent deviers Londres, car là seroient il expediet: il fissent ce que ordonné leur fu et vinrent à Londres. Au neufvime jour apriès, il furent mandé au palais de Wesmoustier devant le consseil du roy, à qui il remoustrèrent pourquoi il estoient là venu, et furent respondu si à point que ilz se tinrent assés pour comptens; mès adont il se departirent de le cambre et du consseil le roy sans certain accord, et furent assigné de revenir le tierch jour après, et il oroient à ce jour le plus grant partie de l’intension dou roy. Si se partirent sour ce, et revinrent à lors hostelz. Vous devés savoir que à envis fuissent parti li Flammencq du roy englès ne de son consseil, sans avoir certain acord. Ossi li roys englès et ses conssaux n’avoient mies trop 282 grant desir de gueriier les Flamens, car il avoient assés affaire d’autre part, et si leur est de necessité li pays de Flandres à tenir à amour, pour le cause de le marchandise qu’il y prendent et qu’il y envoient; car nulle part li Englès ne pueent avoir si belle delivranche de leurs lainnes qu’il ont en Flandres et par les Flammens. Si estoit bien chils poins et affaires considerés entre yaux, mès il se faindoient de premiers pour tant qu’il volloient y estre priiet, et moustroient qu’il n’avoient que faire des Flammens, mès li Flammens d’iaux. Touttezfois il fu tant parlementé et allé de l’un à l’autre, que unes trieuwes furent prisses à durer entre le roy englès et ses gens et le comte Loeis de Flandres et les siens jusques à le Saint Jehan Baptiste, que on compteroit l’an mil trois cens settante et deus, et de celle Saint Jehan en nuef ans enssuiwant. Si se fissent fort li bourgois de Flandres, qui là estoient venu et envoiiet, de le tenir et faire tenir à leur seigneur le comte et tout le pays enexsé en le trieuwe, et ossi il en avoient bonne procuration d’esploitier à leur entente. Si se partirent d’Engleterre dou roy et de son consseil, sus l’estat que je vous di, et s’en revinrent arrière à Bruges. Là eut à leur revenue ung grant parlement des bonnes villes de Flandres et dou comte leur signeur dessus noumet, et ossi de quatre chevaliers englès que li roys englès et ses conssaux y avoient envoiiet sus le conduit des dessus dis Flandrois, et le tretiet de le trieuwe dessus devisée, laquele fu là partout confremmée et saiellée et jurée à tenir sans enfraindre le tierme dessus deviset de l’une partie et de l’autre.

Après ces ordonnanches, furent li pas de le mer ouvert, et coururent sceurement les marchandises de l’un pays en l’autre, mèz toudis se tenoit li estaples des lainnes à Calais, et là les venoient querre li Flammencq et acater, s’il les volloient avoir.

Or retourons nous as besoingnes de Poito et de Saintonge et de ces lointainnes marches. Vous avés bien chi dessus oy comment li prinches de Galles estoit tous malades retournés en Engleterre, et madamme la princesse ossi, et leur fil le jone damoiziel Richart, qui fu puis rois d’Engleterre, sicomme vous orés en l’istoire. Li dus de Lancastre, qui estoit là ordonnés et estaublis de par le dessus dit prinche à gouvrenner et à seignourir la duché d’Acquittainne, avoit ja fait depuis le departement de son frère le prinche pluisseurs chevauchies, armées et yssues sus les terres, qui leurs estoient ennemies, et se tenoit une fois en Angouloime et l’autre à Bourdiaux, et li baron de Poito, de Gascoingne, de Roherge et 283 de Saintonge dallés lui. Encorres s’entretenoient bien chi[l] païs et li seigneur, baron et chevalier qui dedens demoroient, pour lui et en sen aye, tels que li sires de Duras, li sires de Rosen, li seigneur de Pumiers, li sirez de Chaumont, li sires de Courton, li sires de Longheron, li sirez de Lespare, li captaux de Beus, li soudis de Lestrade, messires Bernadet de Labreth, li sires de Geronde, messires Aimeris de Tarse; et de Poito: li sires de Partenay, messires Guicars d’Angle, messires Loeis de Halcourt, li sires de Surgières, li sires de Puiane, li sires de Tannai Bouton et pluisseurs autrez barons et chevaliers de ces marches et contrées dessus nomméez. Or fu enssi adont regardé et adviset entre cez signeurs et pluisseurs chevaliers d’Engleterre ossi dou consseil dou duc qui là estoient, que li dessus dis dus de Lancastre estoit à marier, et que une damme de hault affaire et de grant linage seroit bien emploiiée en lui, car il estoit durement haut gentils homs et de noble generation, et avoit eu à femme une très noble et gentil dame, madamme Blanche, fille au bon duc Henry de Lancastre, que li Gascon avoient moult amé. Si n’estoit mies li dus Jehans de Lancastre à present tailliés d’amenrir ne de lui marier en plus bas degret ne de menre linage; car ja estoit il filz de roy et ungs grant sires de soy meysme. Si savoient chil dessus dit signeur deus jonnes dames et filles au roy dant Pierre d’Espaingue et hiretièrez par droit dou royaumme d’Espaingne, qui estoient à Bayonne, et là les avoit laissiées en plèges et en crant pour grant argent li roys dan Piètres, leurs pèrez. Si fu enssi remoustret et dit au duch que adont il ne se pooit mieux mettre et asener que en l’ainnée de ces filles madamoiselle Constanse qui estoit de droit, par le succession dou roy son père, hiretière d’Espaingne, et encorres par che costé poroit il y estre roys d’Espaingne, qui n’est pas petis hiretaiges, mès ungs des grans dou monde royaumes crestyens, ou chil qui de li et de ceste damme descenderoient; et que on devoit bien presumer et ymaginer si grant prouffit sus le temps à venir. A ces parolles entendi li dus de Lancastre mout vollentiers, et li entrèrent si ou coer que oncques puis ne l’en partirent, et bien le moustra; car tantost il fist appareillier douse de ses chevaliers, et envoya querre et delivrer les dessus dittes dammoiselles Constance et Ysabel à Bayonne, et furent amenées et acompaignies des dammes de Gascoingne et de là environ jusques à Bourdiaux sus Geronde et là rechuptes à grant joie. Assés tost apriès espousa li dus de 284 Lancastre l’ainnée madamme Coustanse, en ung villaige dallés Bourdiaux, où il y a un grant mannoir dou signeur, que on appelle Rocefort, et là eut grant feste et grant solempnité des barons et des chevaliers, des dammez et des dammoiselles dou pays, et durèrent les noches et les festez bien douse jours.

Apriès les espousailles dou duc Jehan de Lancastre et de madamme Coustance, fille ainnée au roy dan Piètre d’Espaingne que ses frères, li rois Henris, avoit fait morir, sicomme chy dessus est deviset en ceste histoire, li dus de Lancastre eult consseil et vollenté de retourner en Engleterre et de amener y sa femme et sa serour ossi, madammoiselle Ysabiel. Si ordonna ses besoingnes et fist touttes ses pourveanches, et recommanda le pays de Poito et les marches par de delà, qui pour yaux se tenoient, en le garde et ou gouvernement des barons des pays, et par especial il elisi quatre souverains, dont li ungs fu li sires de Duras pour les marches de Gascoingne, li secons li captaus de Beus pour les frontières de Bourdiaux, li tiers messires Thummas de Persi pour les tierez de Poito et de Saintonge, et li quars avoecq lui li sires de Partenay. Et il leur dist ensi que il ne se partoit mies pour cose que il n’ewist grant vollenté et bonne de gueriier, mès pour imfourmer le roy, son père, et les barons d’Engleterre de l’estat dou pays, et que, se il plaisoit à Dieu, il retouroit à l’esté si bien pourveus de bonne gent d’armes que pour reconcquerir tout le pays qui perdu estoit; et li dessus dit signeur et gardiien estaubli de par lui respondirent: «Dieus y ait part!» Assés tost apriès, quant touttez ses pourveanches furent faittes et cargies, se departi li dus de Bourdiaux, et tous ses hostes, et montèrent en mer sus le rivière de Geronde et nagièrent tant au vent et as estoilles qu’il arivèrent en Engleterre ou havene de Hantonne. Si descargièrent depuis leurs vaissiaus tout bellement, et missent hors lors chevaux et tout leur harnois, et se reposèrent en ce faisant en le ditte ville de Hantonne par deus jours.

Quant il eurent là sejourné ces deus jours, et qu’il y furent rafresci, li dus et la ducoise se partirent et tous leurs arois, et chevauchièrent deviers Londres, et fissent tant par leurs journées qu’il y vinrent. Si y furent recheu moult sollempnement et très reveramment, et fu la nouvelle ducoise de Lancastre moult honerée, festiée et conjoïe, et tout chil et touttes celles qui avoecq lui estoient, pour l’amour de lui. Meysmement li rois en son palais de Wesmoustier le festia et conjoy mout grandement, car 285 bien le savoit faire. Assés tost après le revenue dou duch de Lancastre en Engleterre, fu fais li mariaigez par l’acord et le vollenté dou roy englès et de son consseil, de monseigneur Aimon, comte de Cantbruge, son fil, et de la seconde fille au roy d’Espaingne, madammoisielle Ysabel qui estoit là avoecq sa soer, et eut as espousailles grant feste et grant solempnité; et dissent adont li Englès que cis mariaiges leur plaisoit grandement et que leur doy seigneur s’étoient aloiiet à noble sanch et grant, et que grans biens et grans prouffis leur en venroit encorres et à leurs hoirs; car il en demoroient hiretier dou royaumme d’Espaingne. Et avoecq tout ce, il avoient fait très grant aumosne; car ces deus dammes estoient escachies et deshiretées: si n’euissent jammès esté relevées, se li enfant dou roy n’ewissent esté. Si en devoient avoir grant grace et grant loenge à Dieu et à tout le monde, voirs de chiaux qui loiauté et franchise amoient et aidoient à parmaintenir: telle estoit la vois et la renommée communement des Englès parmy le royaumme d’Engleterre.

Tout cest yvier se tinrent enssi chil signeur en Engleterre, regardans et ymaginans comment à l’estet il poroient faire un grant fet en Franche. Li aucun dou consseil le roy englès consilloient que li dus de Lancastre empresist à porter en touttes ses armoiries les plainnes armes de Castille, comme drois hoirs, et mesist sus une grande armée de naves et de vaissiaus, de gens d’armes et d’archiers, et venist en Espaingne combattre le roy Henry et reconcquerre le pays, et furent li Englès ung grant temps sus cel estat. Fos 175 ro et vo, 176 ro et vo, 177 ro.

P. 27, l. 9: oy.—Ms. A 8: oy cy dessus.

P. 27, l. 10: rois.—Ms. A 8: rois James.

P. 27, l. 13: Montferrat.—Ms. A 8: Montferrant.

P. 27, l. 22: en.—Ms. A 8: à.

P. 27, l. 25: de rechief au chemin en istance de ce que pour guerriier.—Ms. A 8: au chemin de rechief en entencion de guerrier.

P. 27, l. 27: mort.—Ms. A 8: tué.

P. 28, l. 2: au dit roy.—Ms. A 8: au roy.

P. 28, l. 4: peut.—Ms. A 8: pouoit.

P. 28, l. 11 et 12: et acord... Arragon.—Ms. A 8: du dit roy de Navarre et entrèrent en Arragon.

P. 28, l. 15: essillier.—Ms. A 8: assaillir.

P. 28, l. 16: plain.—Ms. A 8: plat.

286 P. 28, l. 21: furent meneur et.—Ms. A 8: furent.

P. 29, l. 3: quoi c’aucun.—Ms. A 8: combien que aucun. Fo 345 ro.

P. 29, l. 8: moullier.—Ms. A 8: femme.

P. 29, l. 15: le doubtance.—Ms. A 8: la doubte.

P. 29, l. 17: les deus filletes.—Ms. A 8: les filletes.

P. 29, l. 26: celles.—Ms. A 8: elles.

P. 30, l. 4: encontre.—Ms. A 8: contre.

§ 685 et 686. Ces nouvelles et Nous retourrons.—Ms. d’Amiens: Bien estoit li rois Henris d’Espaingne enfourmés des mariages dessus dis de ses deus cousinnes, mariées as enfans d’Engleterre, pourquoy il estoit en doubte qu’il ne li fesissent trop grande guerre et que par aucun meschief il s’acordaissent au roy de Franche, affin que plus plainnement il le peuissent gueriier. Si envoiea tantost li roys Henris grans messaiges deviers le roy de Franche, en lui remoustrant ces perils et les doubtes qu’il y metoit, et que pour Dieu et par amours il y volsist regarder et arester, car il estoit bons et loyaux Franchois et seroit tousjours. Li roys de Franche, comme sages et ymaginans, regarda le bonne vollenté dou roy Henri, et que voirement dou tamps passet l’avoit il en tous estas loyamment servi, et ossi que, se li royaummes de Castille estoit soumis ne concquis pas les Englès, sa guerre en seroit plus layde: si aseura tantost le roy Henry, et dist enssi qu’il fuist tout reconfortés, car jammais il n’aroit as Englès pais, acord, trieuwez ne respit, que il ne fuist ossi plainnement dedens enexés, comme il seroit ilz meysmes. Ces parolles et proummesses pleurent grandement au roy Henry, che fu bien raison, et en leva lettrez et instrummens publicques seellées dou propre seel le roy de Franche; et li roys de France ossi à l’autre lés prist lettrez et instrumens autentikes saiellées dou roy Henry et de tous les barons d’Espaingne. Enssi s’aliièrent, jurèrent et confermèrent chil doy roy enssemble, et ne peuvent faire pais ne acord as Englès li ungs sans l’autre, et doient estre aidant et confortant enssamble, et leur doy royaumme; ne point ne s’en doivent ne puevent repentir ne relenquir, che ont il juré par veu solempnel, presens prelas, dus, comtes, barons et chevaliers.

Par celle mannière vinrent les alianches entre le roy Carlon de Franche et le roy Henry d’Espaingne, et meysmement messires Bertrans de Claiequin, connestables de Franche, y mist et rendi 287 grant painne; car moult amoit le roy Henry, et grans biens en disoit et recordoit. Dont il avint qu’il fu consilliet au duc de Lancastre que il fesist le roy son père pourcachier une trieuwe à durer deus ans ou trois entre lui et le roy de Franche; si aroit plus grant loisir et milleur avantaige de gueriier en Espaingne. Et fu adont li roys englès si enfourmés et consilliés qu’il envoiea en Franche grans messaiges sus tel estat que pour avoir unes trieuwez; mès chil qui envoiiet y furent, n’en peurent riens esploitier, et en respondi li roys de Franche plainnement qu’il n’avoit cure des trieuwes ne des respis son adverssaire le roy d’Engleterre. De ces responsses furent li rois englès et li dus de Lancastre durement courouchiés et virgongneux, et se repentirent mout quant envoiiet y avoient; et dist adont et jura li dis dus de Lancastre que hasteement il enterroit en Franche si poissamment que li royaummes s’en dieurroit vint ans apriès, et que jammais n’en partiroit, s’en aroit em partie sa vollenté, fust par pais ou autrement, à sen honneur. Si fist de rechief ses pourveances plus grandez et plus grosses assés que devant, et retint et manda gens de tous lés où il les pooit avoir, et estoit sen entente qu’il aroit le duc de Guerles, son cousin, et le duc de Jullers; car cil li avoient proummis qu’il le serviroit à douse cens lanches toutez etoffées, et feroient ung grant trau en Franche, et bien li en ewissent tenu couvent, mès ungs empecemens leur vint en celle meysme année, qui leur rompi leur pourpos, sicomme vous orés chy apriès en l’istoire. Encorres remanda li dus de Lancastre le seigneur Despenssier qui se tenoit à Venise et avoit gueriiet les seigneurs de Melans, messire Galeas et messire Bernabo, plus de deus ans; et li pria et enjoindi qu’il revenist en Engleterre au plus tost qu’il pewist, car il volloit mettre sus une très grande armée de gens d’armes et chevauchier en Franche. Sitost que li sires Despenssiers oy ces nouvellez, il se hasta ce qu’il peut, et se parti de Venise, mès ce ne fu mies si trestost.

En ce tamps trespassa de ce siècle chils gentilz et preus chevaliers messires Gautiers de Mauny, qui si par ses proèces et par ses biaux vassellages renlumine che livre em pluisseurs lieux. De le mort de lui furent li rois et tout li signeur d’Engleterre durement courouchiet, et fu mout plains et regretés de tous ses amis. Se li fist on faire son obsèque très reveramment en une eglise de Cartrous dehors Londres, que il avoit fait faire et edefiier, et la prouvenda [à] Chartrous qui tous les jours y font le divin offisce. 288 Si furent à son obsèque li roys et tout si enfant, excepté le prinche, et ossi y eut grant fuisson de prelas d’Engleterre, et fist li evesques de Londres le service. De monsigneur Gautier de Mauny remest une fille appellée damme Anne, qui eut à marit le jone comte Jehan de Pennebrucq, liquelx se traist assés tost apriès as hiretaiges monsigneur Gautier comme hiretiers de par sa femme, et envoya saisir et relever par un de ses chevaliers la terre de Mauny en Haynnau. Fo 177 ro et vo.

P. 31, l. 30: selonch.—Ms. A 8: sur. Fo 345 vo.

P. 32, l. 2: pour le temps se tenoient Englès.—Ms. A 8: pour Anglois se tenoient.

P. 32, l. 4: avoient.—Ms. A 8: avoit desir et.

P. 32, l. 6: qui revenoit.—Ms. A 8: prochain venant.

P. 32, l. 7: ses frères.—Ms. A 8: son père.

P. 32, l. 14: estre mainbour et.—Ms. A 8: estre.

P. 33, l. 2: se s’i.—Ms. A 8: s’i se. Fo 346 ro.

P. 33, l. 17: rescheï.—Ms. A 8: cheï.

P. 33, l. 18: cha en Haynau.—Ms. A 8: cha.

§ 687. Tout cel iver.—Ms. d’Amiens: Vous devés savoir que quant li dus de Lancastre se parti de Bourdiaux et qu’il amena la ducoise sa femme, sicomme chy dessus est contenu, ens ou royaumme d’Engleterre, avoecq yaux se partirent de la ducé d’Acquittainne, tant pour yaux acompaignier que pour remoustrer au roy englès les besoingnes dou pays de Poito et de Saintonge, messires Guichars d’Angle, li sires de Puiane et messires Ammeris de Tarse. Si s’estoient chil chevalier tout l’ivier et le temps tenu en Engleterre, ung jour à Londres, l’autre fois dalléz le roy qui se tenoit le plus ens ou castiel de Windesore, ou dallés le prinche, qui gisoit tous maladez ens son mannoir de Berkamestede. Et avoient li dessus dit chevalier pluisseurs fois remoustré au roy l’estat et les besoingnes pour lesquellez il estoient là venu et envoiiet, et par especial messires Ghuicars d’Angle que li rois veoit vollentiers et l’en ooit parler, et li prioient chierement que il y volsist entendre et pourveir de remède. Li roys qui mout enclins a esté tousjours à aidier et à adrechier ses gens et par especial chiaux à qui il besongnoit, leur respondi que ossi feroit il prochainnement, mès il ne savoit encorres de quel part ceste armée qu’il metoit sus, dont si doy fil estoient chief, se trairoit, ou en Franche, ou em Pikardie, ou en Normandie par le pays de Constentin, 289 ou se il iroient em Poito par le Rocelle; se leur prioit que ilz se volsissent souffrir et atendre tant que ses conssaux en aroit ordonné. Telle estoit la cause pour quoy li troi chevalier dessus nommet sejournoient en Engleterre, dont mout leur desplaisoit; mès amender ne le pooient puisque li roys et ses conssaux le volloient enssi. Or parlerons ung petit dou duc de Bretaingne.

Voirs est que en ce temps que ces coses se varioient sicomme vous avés oy recorder, li dus de Bretaingne metoit et rendoit grant cure à ce que ses pays et li noble et gentil homme de sa terre fuissent englès; et en fist pluisseurs assamblées et parlemens tant de chevaliers que des conssaux des chitéz et des bonnes villes de Bretaingne, mès nullement il ne pooit ses gens amenner ad ce qu’il fuissent englès ne qu’il gueriaissent le royaumme de Franche, leurs boins voisins; et s’escusoient souffissamment et disoient tout plainnement au duc et d’un acord que il n’avoit que faire de demourer en Bretaingne, se il volloit gueriier le royaumme de France, mès se tenist en sa pais et allast voller et cachier et lui deduire, et layast le roy de Franche et le roy d’Engleterre gueriier enssamble, et les Bretons servir le roy de Franche, se armer il se volloient. Chils dus, qui le coer avoit moult englès, ne prendoit mies en trop grant gret les responsces que cil de son pays li faisoient, car il se sentoit si tenus au roy d’Engleterre que il disoit bien à ses plus especials amis, tels qu’il estoit, li roy[s] englès et se puissanche l’avoit fait, et ja n’ewisst estet dus de Bretaingne, se li dis rois englès n’euist esté: pour quoy il se veist trop vollentiers dalés lui en renumerant les serviches et amistés que on li avoit fais. Si en eut chils dus pluisseurs imaginations et pourpos l’espasse de deus ou de trois ans, et tout ce savoit assés li roys de Franche par lez barons et les chevaliers de Bretaingne qui se court hantoient, dont li dis roys les tenoit à amour che qu’il pooit, et ossi les prelas et les riches hommes dez chités et des bonnes villez de Bretaingne, et les honneroit grandement, quant il venoient à Paris, et leur donnoit dou sien largement pour yaux mieux atraire à se vollenté, et tant faisoit que il estoient tout enclin et obeïssant à lui, et en avoit l’amour, l’antise et le service.

Or retourons à monseigneur Ghuichart d’Angle et as compaignons qui se tenoient en Engleterre dalés le roy et estoient ung grant temps puis le revenue dou duc de Lancastre ens ou païs, sicomme chy dessus est dit. Quant li yviers fu passés et la douce saison d’esté revenue que on compta l’an mil trois cens settante et 290 deus et qu’il y eut ews pluisseurs parlemens en Engleterre sus l’estat des guerres et d’une très grosse armée que li dus de Lancastre volloit mettre sus et venir en Franche, sicomme il fist; mès ce ne fu mies si tost qu’il esperoit, et ce le arriera [enssi] que je vous diray. Le saison devant, avoit eu entre Tret sus Meuze et Jullers une très grosse bataille dou duc de Jullers et de monsigneur Edouwart de Guerles d’un lés, et de monsigneur Winchelans, duc de Luxembourcq et de Braibant, d’autre, à laquelle besoingne chils messires Edouwars de Guerles avoit esté ochis, dont li confors et espoirs des Englès estoit mout afoiblis; car il devoit servir le roy englès son oncle à mil lanches et faire ung grant trau en Franche, et devoit li dus de Jullers, ses serourges, estre avoecq lui; mès leur chevauchie et armée demoura tant pour le mort dou dessus dit monsigneur Edouwart que pour ce que li dus de Jullers se trouva mout empeschiés, car messires Carles de Behaingne, empereur de Romme, le volloit guerriier pour le cause de son frère, le duc de Braibant, qu’il tenoit em prison et lequel il delivra par le doubtanche et puissance de l’empereur. Et ossi messires Jehans de Blois, et comtez de Blois, avoit pris à femme la sereur de monsigneur Edouwart dessus nommet, et clammoit à la ducé de Guerles grant part de par sa femme; si ne s’osoit li dus de Jullers partir de son pays, car il avoit l’autre serour de monsigneur Edouwart. Enssi estoient chil pays de Guerles et de Jullers ensonniiet et entriboulet, car la contesse de Blois y faisoit grant guerre à l’encontre de son serourge le duc de Jullers, et de laquelle matère je me voeil partir assés briefment pour tant que elle ne touce de riens à nostre histoire des rois, fors tant que li Englès furent mout courouchiés de la mort de monsigneur Edouwart, car au voir dire c’estoit chils de par dechà le mer qui plus les pooit valloir et aidier. Si eurent toutte celle saison li Englès pluisseurs conssaux ens ou palais à Wesmoustier. Finalement il fu consilliet et aresté que li dus de Lancastre et li contes de Cantbruge seroient chief, gouvreneur et souverain de ceste armée, et passeroient le mer à quatre mil hommes d’armes et douse mil archiers et bien otant de Galois et d’autre gens. Si ordonnèrent leurs pourveancez grandes et grosses seloncq chou, et mandèrent et priièrent gens tout partout où il les penssoient à avoir, et retinrent bien de purs Escos quatre cens lances de bonne estoffe.

Quant messires Guichars d’Angle et li sires de Puiane et messires Aimeris de Tarse qui tout le temps s’estoient tenu en Engleterre, 291 veirent et entendirent le certain arrest dou consseil le roy et de ses barons, et que li doy fil le roy seroient chief et souverain de ceste armée, et que nul il n’en aroient pour remenner en Poito avoecq yaux, si se adrechièrent deviers le roy englès, et li fissent une priière et requeste qui s’estendoit en telle mannierre: «Chiers sires et nobles roys, nous veons et entendons que vous devés envoiier en ceste saison une grant armée et chevauchie dez vostres ens ou royaumme de Franche, pour gueriier les marches de Pikardie, de France, de Bourgoingne et d’Auviergne, de laquelle grosse armée vo doi fil seront gouvreneur et souverain, et ce soit à l’onneur de Dieu et d’iaux, si vous prions et requerons, chiers sires, ou kas que nous ne les poons avoir, ne l’un d’iaux par lui, que vous nous voeilliés baillier et delivrer le comte de Pennebrucq à gouvreneur et cappittainne, et que il vous plaise que il s’en viengne avoecq nous en es marcez de Poito.» Adont s’aresta li roys sous monseigneur Guichart d’Angle plus que sus les autres, et dist: «Messires Ghuichart, et se je ordonne le comte de Pennebrucq, mon fil, à aller avoecq vous ens ou pays de Saintonge, vous faurra il grant carge de gens pour aidier à garder et à defendre le pays contre nos ennemis?»—«Monsigneur, respondi messire Ghuichars, nennil, mais que nous aiiens deus cens hommes d’armes et otant d’archiers pour les rencontres dessus mer et le finanche pour gagier trois mil combatans; nous en recouvrerons bien par de delà; car encorres y sont grant fuison de gens des compaingnes et gens d’autres nations, qui vous serviront vollentiers, mès qu’il aient bons gaiges, et que on lor paie ce avant le main pour cinc ou pour sis mois.» Adont respondi ly roys englès: «Messires Guichars, ja pour or ne pour argent ne demourra que je n’aie gens assés et que chils voiages ne se fache; car j’ay bonne vollenté de deffendre et garder mon pays de Poito. Or soiiés de ce costé tous recomfortés et assegurés, car j’en ordonneray temprement, et vous cargeray, avec le mise que vous emporterés, tels gens et tel cappitainne qu’il vous devera bien souffire.» Adont respondirent tout li troy chevalier, et dissent: «Monsigneur, grant merchis». Fos 177 vo, 178 ro et vo.

P. 33, l. 30: Ghiane.—Ms. A 8: Guienne.

P. 34, l. 1: ens es.—Ms. A 8: es.

P. 34, l. 2: pluiseur signeur.—Ms. A 8: pluiseur.

P. 34, l. 4: appareil de pourveances et.—Ms. A 8: appareil et.

292 P. 34, l. 5: ost que.—Ms. A 8: ost aussi quant comme.

P. 34, l. 13: li rois Edouwars.—Ms. A 8: li rois.

P. 34, l. 19: ghertier.—Ms. A 8: jaretier.

P. 34, l. 24: li contes de Cantbruge, ses frères.—Ms. A 8: li Cantbruge. Fo 346 vo.

P. 34, l. 26: prière et requeste.—Ms. A 8: prière.

P. 34, l. 32: peuist.—Ms. A 8: feïst.

P. 35, l. 21: mainbour.—Ms. A 8: meneur.

P. 35, l. 29: l’emploie.—Ms. A 8: l’emploieray.

§ 688. Ensi et de pluiseurs.—Ms. d’Amiens: Depuis ne demoura guaires de tamps que li roys englès ordonna et pria au comte Jehan de Lennebrucq d’aller avoecq les dessus dis chevaliers ens ou pays de Poito et de Saintonge, pour garder les frontierres contre les Franchois, liquelx comtes à l’ordonnanche dou roy obeï et descendi vollentiers et emprist liement le voiaige à faire. Avoecques le dit comte furent nommet chil qui iroient: premierement, messires Othe de Grantson, banereth et riche homme durement, messires Robers Tuifort, messires Jehans Courson, messires Jehan de Gruières, messires Thummas de Saint Aubin, messire Simons Housagre, messires Jehans de Mortain, messires Jehans Touchet et pluisseurs autres bon chevalier et escuier, tant qu’il furent bien deus cens hommes d’armes et otant d’archiers, et fissent leurs pourveanches tout bellement et à grant loisir de tout ce qu’il leur besongnoit, et leur fist li roys delivrer une grande somme de florins pour gagier et paiier un an tout entier trois mil combatans; puis se departirent dou roy li dessus dit seigneur, quant il eurent pris congiet à lui, et se missent au chemin et s’en vinrent à Hantonne. Là sejournèrent il en ordonnant et regardant à lors pourveances et en cargant leurs vaissiaux et en atendant le vens plus de trois sepmaines. Et quant il eurent tout cargiet et ordonné, et le vent pour yaux, il entrèrent en leurs vaissiaux, et puis se desancrèrent: si se partirent des mettes d’Engleterre, et singlèrent par deviers Poito et le Rocelle. Fo 178 vo.

P. 36, l. 12 et 13: que li rois... d’Angle.—Ms. A 8: que monsigneur Guicart avoit faite au roy.

P. 36, l. 15: gagier.—Ms. A 8: paier.

P. 36, l. 19: XVIIe.—Ms. A 8: XVIe.

P. 36, l. 24: sçai par.—Ms. A 8: sçai comment ne par.

293 P. 36, l. 28: mainbour.—Ms. A 8: meneur.

P. 37, l. 5: breteschies.—Ms. A 8: bretanchées. Fo 347 ro.

P. 37, l. 7: Boukenègre.—Ms. A 8: de Boukenègre.

P. 37, l. 8 et p. 41, l. 3: Pyon.—Ms. A 8: Piou.

P. 37, l. 12: venir et ariver.—Ms. A 8: venir.

P. 37, l. 13: à l’ancre.—Ms. A 8: et ancrez.

P. 37, l. 18: calengièrent.—Ms. A 8: destourbèrent.

P. 38, l. 1: amiroient ne.—Ms. A 8: doubtoient et.

P. 38, l. 2: atendant.—Ms. A 8: afendant.

P. 38, l. 3: trairie.—Ms. A 8: crierie.

P. 38, l. 10: si grans.—Ms. A 8: grans.

P. 38, l. 14: malement.—Ms. A 8: mout malement.

P. 38, l. 16: et proèce remoustrées.—Ms. A 8: et remoustrée proèce.

§ 689. A ce que je oi.—Ms. d’Amiens: En ce tamps avoit li roys Henris d’Espaigne, à le priière et requeste dou roy de France, mis sus mer une grosse armée d’Espagnols et de Chatelains, liquel estoient droite gens d’armes sus le mer de grant fait et de hardie emprise. Et estoient li dit Espagnol pourveu de trèse grosses gallées touttes armées et fretées, et gisoient à l’ancre devant le Rocelle, et avoient ja jeu plus d’un mois, fors tant que chiés de fois il waucroient sour les frontières de Poito pour veoir et savoir s’il trouveroit nullez aventures; mès de touttes les marées il revenoient par droite ordonnanche gesir devant le Rocelle, et se tenoient là à l’entente que pour atendre et combattre lez gens d’armes que messires Guichars d’Angle devoit amener ou pays. Si estoient patron de ceste navie Ambrose Boukenègre, Cavesse de Vake, dan Ferant de Pion et Radigo de la Rosele. En tout le royaume d’Espaigne, de Seville, de Ghalisce et de Portingal ne pewist on recouvrer de quatre milleurs amiraux ne patrons pour gouvrenner une grosse navie sus mer, et estoient chil bien pourveu de grant fuison de bons combatans et de droite gent d’eslite. Bien les veoient chil de le ville de le Rocelle et messires Jehans Harpedane, qui estoit pour le temps senescaux de le Rocelle, mès point ne les aloient combattre; et avint que li comtes de Pennebruc dessus nommés et messires Ghuichars d’Angle et leur navie nagièrent tant par mer, en costiant Normendie et Bretaingne et yaux adrechant pour venir en le Rocelle, qu’il aprochièrent les mettes dou pays et trouvèrent 294 à leur encontre celle grosse navie d’Espaingne. Adont seurent il bien qu’il les couvenoit combattre: che fu l’avant vegille de le nuit Saint Jehan Baptiste, l’an mil trois cens settante et deus.

Quant li comtes de Pennebrucq et li chevalier qui là estoient en se compaignie, perchurent le navie des Espagnolx qui estoient en leur chemin, et ne pooient nullement venir ne ariver en le Rocele ne passer fors que parmy yaux, et le virent si grande et si grosse et pourveue de si gros vaissiaus enviers les leurs, si ne furent mies bien aseguret. Nonpourquant, comme bonnes gens, il s’armèrent tost et appertement, et fissent sonner leur trompettes et mettre leurs bannièrez et leurs penons hors avoecq ceux de Saint Jorge, et moustrèrent bon visaige, et requeillièrent et missent enssamble tous leurs vaissiaux, petis et grans, et aroutèrent leurs archiers tout devant, et pooient y estre quatorse nefs parmy leurs pourveanches. D’autre part, li Espagnol qui mout les desiroient à combattre, si trestos comme il les virent nestre ne approcier, il s’armèrent et ordonnèrent, et missent leurs bannières et leurs pennons de Castille hors, et fissent sonner lors trompettes et aller touttes mannières de gens à leur gardes, et montèrent amont as cretiaux et as garittes de leurs vaissiaux qui estoient bien breteskiés, et targièrent et paveschièrent tous leurs rimeurs, dont en chascune gallée avoit grant fuison, et s’estendirent tout au lonch affin que li Englès ne les pewissent fuir ne eslongier. Et quant il se furent enssi ordonné, comme gent de bon et grant couvenant, li quatre patron dessus nommet, dont chascuns estoit en une gallée par soi et entre ses gens, se missent en frontière tout dentre et aprochièrent les Englès vistement et radement. D’autre part, li Englès qui estoient tout comforté de le bataille, car combattre les couvenoit et atendre l’aventure ne ilz ne pooient fuir d’entre yaux ne reculler, ne ossi il n’ewissent daigniet, aprochièrent moult bellement et moult ordonneement. Si trestost que il furent li ung devant l’autre, comme gens de guerre et ennemy, sans noyent parlementer, il se commencièrent à envaïr, à atraire et à lanchier vistement et fortement. Là s’acquitoient li archier d’Engleterre souffisamment au traire, et estoient sour les bors de lors nefs, et traioient si roidement et si ouniement c’à painnes se pooit ne osoit nuls amoustrer. D’autre part Espagnol et Chateloing, qui estoient bien pavesciet et à le couverte en leurs vaissiaux, lanchoient dars et archigaies si trenchans, que qui en estoit à plain cop consieuwis, c’estoit sans remède: il estoit mors 295 ou trop villainnement navrés. Che premier jour tournièrent il enssi en lanchant et escarmuchant, en jettant pierres et en traiant, dont il en y eut des uns et des autres pluiseurs ochis et navrés, tant que li marée dura et que li aige ne leur falli, car li mers seloncq son usage se retraiioit. Si couvint retraire les Englès, mais à ce premier estour il perdirent quatre nefs de leurs pourveanches, que li Espagnol conquissent sus yaux et encloïrent au departement dou hustin entre yaux, et furent mort et noiiet et jetté à bort le plus grant partie de ceux qui dedens estoient: tout che veoient leur mestre et leur signeur qui devant yaux estoient, mès amender ne le pooient. Fos 178 vo et 179 ro.

P. 38, l. 28: ens ou.—Ms. A 8: au.

P. 39, l. 18: Harpedane.—Ms. A 8: Hardane. Fo 347 vo.

P. 39, l. 21: Cauderier.—Ms. A 8: Chauderon.—Ms. B 1: Chaudouvrier.

P. 39, l. 23 et p. 40, l. 9: kay.—Ms. A 8: gué.

P. 39, l. 32: peuist.—Ms. A 8: sceust.

P. 40, l. 1: en le.—Ms. A 8: dedens la.

P. 40, l. 10: naviier.—Ms. A 8: nager.

§ 690. Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Enssi sus heure de vespres au retrait dou flos et que li wèbes leur falli, se departi li bataille, et retournèrent à l’ancre li Englès tous courouchiés, c’estoit bien raison; car il avoient ja perdu grosement jusques à quatre vaissiaux de lors pourveanches et les gens qui dedens avoient estet trouvé, et d’autre part li Espagnol se missent à l’ancre tout joieant, qui se tenoient tout comforté que à l’endemain il aroient le demorant. Moult estoit li tamps et li airs quois et seris, et ne faisoit point de vent. Si eurent che soir et le nuit enssuiwant li signeur d’Engleterre tamainte ymagination comment il se poroient maintenir et deduire contre ces Espagnolz, car point ne se veoient en jeu parti contre yaux, dont il n’estoient miez à leur aise. D’autre part, nullement il n’en pooient venir ne ariver à le Rocelle, car leurs nefs estoient trop grandes, et li aige trop basse, car c’estoit sus le decours de le lune; si n’avoit li mers point de force. Bien avoient des batiaux en leurs nefs et qui les siewoient, ens es quels li chevalier se pewissent bien estre mis, se il volsissent, et venir à rime jusques au kay de le Rocelle, mès il doubtoient le peril; car il ne pooient passer fors parmy leurs ennemis qui avoient ossi otelle pourveance de barges et de 296 batiaux, et estoient tout enfourmé de ce fait; et au passer devant ou dalés lors ghalées, chil qui seroient d’amont leur jetteroient pierres et barriaux de fer et leur effonderoient leurs batiaux: si seroient perdu d’avantaige. Dont à yaux mettre en ce parti il n’estoient point d’acort; ossi dou retourner ne de prendre le parfont, il n’y veoient ne prouffit ne honneur pour yaux, car sitost que li Espagnol les veroient fuir, yaux qui ont leurs gallées armées et pourvewez de grant fuisson de rimeurs, leur seroient mout tost au devant, et les aroient à vollenté avoecq le blamme et le reproce qu’il aroient du fuir. De quoy, tout consideret et peset le bien contre le mal, il dissent que il atenderoient l’aventure de Dieu et se combateroient à l’endemain, tant qu’il poroient durer, et se venderoient plus chier que oncques gens ne fissent, siques sus ce pourpos et avis il s’arestèrent, et passèrent le nuit au plus biel qu’il peurent.

P. 40, l. 19: tous li wèbes.—Ms. A 8: la marée.

P. 40, l. 30: et se.—Ms. A 8: et.

P. 41, l. 1: Evous.—Ms A 8: et puis vindrent. Fo 348 ro.

P. 41, l. 6: cros et havès de fier à kainnes.—Ms. A 8: crochès et chaines.

P. 41, l. 7: peuissent.—Ms. A 8: pouoient.

P. 41, l. 10: Guichart.—Ms. A 8: Guichart d’Angle.

P. 41, l. 15: d’assallir et de yaus targier.—Ms. A 8: d’assallir.

P. 41, l. 22: ne onques.—Ms. A 8: que onques.

P. 41, l. 24: des leurs.—Ms. A 8: de leurs gens.

P. 42, l. 3: où il eut fait tamainte.—Ms. A 8: où l’en fist mainte.

P. 42, l. 15: li.—Ms. A 8: yceulx.

§ 691. Qui se trueve.—Ms. d’Amiens: Celle meysme nuit et tout le soir estoit en grant priière et pourcach messires Jehans de Harpedanne, un chevalier englès et senescaux de le Rocelle pour le temps, enviers chiaux de le ditte ville; et leur disoit et moustroit comment leurs gens se combatoient as Espagnolz, et qu’il ne s’aquitoient mies biens quant il ne les aloient aidier; mès, quoyque li chevaliers les sermonast ne amonestast, il n’en faisoient nul compte, et moustrèrent bien li pluisseur par samblant qu’il avoient plus chier le dammaige des Englès que l’avantaige. A ce dont estoient en le Rocelle doy gentil chevalier de 297 Poito, li sires de Tannay Bouton et messires Jaquemes de Surgières, liquel pour yaux acquitter dissent qu’il se meteroient en barges et en batiaus et venroient dallés leurs gens, et priièrent estroitement et fortement à ciaux de le ville qu’il volsissent aller avoecq yaux, mès oncques nus ne dist: «Vollentiers,» ne ne s’avancha de l’aler. Quant ce vint à l’endemain qui fu la nuit Saint Jehan Baptiste l’an mil trois cens settante et deus, et que li flos de le mer fu revenus, li chevalier, qui en le Rocelle se tenoient, ne veurent mies estre là trouvé sejournant, et il veyssent leurs gens combattre, mèz s’armèrent au plus tost et dou mieux qu’il peurent, et entrèrent et se fissent menner et naviier à esploit de rimmes à l’endroit de leurs gens qui ja se combatoient, et tant alèrent tourniant les gallées et les Espagnols qui entendoient au combattre, qu’il vinrent jusques à yaux, et entrèrent ens es nefs dou conte de Pennebrucq et de monsigneur Ghuichart d’Angle, qui leur seurent mout grant gret de leurs secours et de leur venue. Ja estoit li estours et li hustins commenchiet très le point dou jour, qui fu ossi fors et ossi bien combatus que on vey oncques gens sus mer combattre; car li assallant estoient droite gens de mer, fort et rade, et bien durant et esploitant en tel besoingne, et li Englès très bien deffendant ossi vassamment et radement que on vey oncques gens, et ne l’avoient mies li Espagnol d’avantaige, car li chevalier englès, gascon et poitevin, qui là estoient, se combatoient et deffendoient leurs corps et leur navie de très grant vollenté et mout durement, comment que la parchon n’estoit mies juste pour yaux; car li Espagnol estoient grant fuisson, et se n’y avoit si petit varlet entre yaux, qui ne fesist otant que uns homs d’armes en lors gallées, car il jettoient d’amont pierres de fais, plommées et gros barriaux de fier, dont il debrissoient et deffroissoient tous lez vaissiaux des Englès. Là fu li jones comtes de Pennebrucq très bons chevaliers, et fist merveillez d’armes de se main, et ossi furent messires Othes de Grantson, messires Guichars d’Angle, messires Aimeris de Tarse, li sires de Tannai Bouton, li sires de Puiane, messires James de Surgières, messires Jehans Harpedane, messires Jehans Tuifort, messires Jehans de Gruières, messires Jehans Toursès, messires Jehans de Lantonne, messires Simons Housagre, messires Jehans de Mortain, messires Jehanz Touchet et li autre chevalier et escuier, et estoient par ordonnanche espars par leurs vaissiaux pour mieux entendre à leurs gens et rencoragier les lassés et les esbahis.

298 A ceste bataille, qui fu, devant le Rocelle, dez Espagnols as Englès, eut ce jour fait mainte[s] bellez appertises d’armes, car là s’esprouvoient li hardit et li bien combatant; mais au voir dire li Espagnol avoient moult grant avantaige de bien assaillir et de requerre leurs ennemis, car il estoient en grans et gros vaissiaux, c’on dist gallées, touttes frettées et armées, qui se remoustroient deseure tous les vaissiaux des Englès, et pooient veoir li Espagnol par dedens leurs vaissiaux, et point li Englès en chiaux des Espagnolz; et estoient li jet et li cop lanchiet et ruet des vaissiaux des Espagnols en chiaux des Englès de plus grant force et de plus grant virtu sans comparison, pour ce qu’il descendoient de plus haut que ne fuissent chil des Englès. Si traioient li archier d’Engleterre mout fortement et très ounniement, mès li Espagnol estoient bien paveschiet contre ce, et ne leur fist li très mies trop grant dammaige. Ensi en che hustin et en celle rihotte se tinrent li Englès tout ce jour, et qui quidoient toudis que chil de le Rocelle les dewissent comforter et secourir, mès il n’en avoient nul talent, enssi qu’il apparu; car oncques plus nuls ne s’en partirent, fors li troi chevalier dessus nommet, qui se veurent acquiter de leur honneur, ensi que tout loyal chevalier par droit et raison doient faire en telz besoingnes. Là estoient li quatre patron et cappitainne des Espagnols, chascun en une gallée et entre ses gens en bon couvenant, et moustroient bien chière et fait de hardit homme, et resbaudissoient grandement leurs gens, et disoient en leur langage: «My enfant, esploitiés vous et ne vous esbahissiés de cose que vous voiiés; car ceux chy sont nostre, et apriès venront tout li autre.» De ces parolles avoient li chevalier englès et gascon, qui les entendoient, grant indination, mès amender ne le pooient: si en faisoient leur pooir et leur devoir à leur milleur entente, et s’abandonnoient de grant vollenté et chascun pour rencoragier l’un l’autre. Enssi continuèrent ilz et perseverèrent le plus grant partie dou jour, et tant furent li Englès et chil de leur costé fort requis, combatu et apresset, qu’il furent durement lasset et foullé, et ne se peurent plus tenir, et en furent li Espagnol mestre, et lez conquissent par force d’armes, mès moult leur cousta de leurs gens, car là avoient ossi bonne chevalerie tant pour tant que on pewist point recouvrer, et bien le moustrèrent, car point ne se vorrent rendre jusques à tant que force leur fist faire et que autrement leurs nefs ewissent estet touttes effondrées et yaux perdu sans merchy. Là furent mort de 299 leur costé messires Aimeris de Tarse, gascons, bons chevaliers et preux durement et qui estoit yssus de tamainte dure besoingne, et avoecq lui messires Jehans de Lantonne, messires Simons Housagre et messires Jehans de Mortain, messires Toucet et pluisseurs autres, et pris li comtes de Pennebruc, messires Ghuicars d’Angle, messires Othes de Grantson, li sires de Puiane, li sires de Tannai Bouton, messires Jehans de Harpedane, messires Robers Tuifort, messires Jehans de Gruières, messires Jaquemes de Surgières, messires Jehans Toursès, messires Thummas de Saint Aubin et bien dis et set chevaliers, tous de nom: oncques nuls n’escappa de ceste armée, que n’en fuissent tout mort ou tout pris; et fu li vaissiaus peris et effondrés, où li finanche estoit, que li roys englès envoiioit en Poito pour gagier trois mil combatans et paiier, se il besongnoit, un an. Si poés bien croire que il y avoit grant somme de florins, et oncques ne fist aise ne prouffit à nullui, dont ce fu dammaigez qu’il en escheï enssi; et en furent li Espagnol meysmement courecié, quant il le sceurent; mès ce fu si tart qu’il n’y peurent pourveir de remède.

Qui se treuve en tel parti d’armes que li dessus dit, il couvient qu’il prende en gré l’aventure que fortunne li envoie. Che jour l’eurent moult dur li Englès pour yaux et par le coupe de monsigneur Ghuicart d’Angle et de monsigneur Ammeri de Tarse qui là demoura, et dou signeur de Puiane, qui avoient enfourmé le roy englès qu’il estoient gens assés pour ariver em Poito, de trois cens ou de quatre cens, siques li roys sour leur requeste se fourma et leur acompli leur demande, dont il leur mesvint; et, au voir dire, il s’estoient trop foiblement parti d’Engleterre, seloncq le grant fuison d’ennemis qu’il avoient par mer et par terre. Apriès celle desconfiture, et que li Espagnol eurent quis et cherchié touttes les nefs dez Englès et pris les barons et les chevaliers et fait entrer en leurs gallées, et qu’il se furent tout saisi de leurs armures et les eurent fianchiés, il se tinrent tout quoy à l’ancre devant le Rocelle en atendant le marée et le flos de le mer qui devoit revenir, en menant grant joie et grant reviel. Bien virent et congneurent tantost chil de le Rocelle que leurs gens estoient desconfi, dont li pluisseur en requoy furent tout joieant, et ne volsissent mies que la besoingne fuist autrement allée pour nul avoir, et especialement li plus grant maistre de le ville; car il leur estoit segnefiiet et dit pour certain que on devoit prendre douse de leurs bourgois à election, sus lesquels li roys englès et 300 ses conssaux estoient mal enfourmet, et mener comme prisonniers en Engleterre. Pour celle cause et celle doubte il s’en portèrent et passèrent plus bellement; nonpourquant il se faindirent adont pour apaisier les ennemis, et cloïrent leurs portes mout estroitement, et s’armèrent touttes mannières de gens, et alèrent as cretiaux, as portes, as tours et as gharittes par connestablies, et ne laissièrent nullui entrer ne yssir; car il disoient enssi qu’il ne savoient que li Espagnol penssoient et se ilz les venroient assaillir. Pour tant se tenoient il sour leur garde, mès li Espagnol n’en avoient nul tallent fors de partir au flos revenu et de tourner vers Espaingne et là menner leur concquest et leurs prisonniers à sauveté. Che soir esceï trop bien à monseigneur James de Surgières, un chevalier de Poito, qui là estoit pris; car il parla si bellement et si sagement à son mestre qu’il fu quittes parmy trois cens frans franchois qu’il paiia tous appareilliés, et fu renvoiiés arrièrre en le Rocelle, delivrés sicomme vous avés oy; et pour l’onneur de chevalerie on mist tout les chevaliers qui là avoient estet mort, en une barge, et les envoiièrent li Espagnol en le Rocelle. Là furent il recheu et ensepveli en sainte terre.

Quant li flos de le mer fu revenus et que li mestre patron et souverain des Espagnols, loist assavoir: Ambroise Boukenègre, Cabesse de Vake, dan Ferrant de Pyon et Radigo de la Roselle, eurent ordonné leur besoingnes et mis gens et maronniers ens es nefs englèces qu’il avoient concquis pour gouvrenner et amener avoecq yaux, ilz sachièrent les singles amont et se desancrèrent, et se partirent trompant et cornemusant et faisant grant feste, et entrèrent ou parfont pour prendre le mer d’Espaingne. Fos 179 ro et vo, 180 ro.

P. 42, l. 28: coi que.—Ms. A 8: combien que.

P. 43, l. 1: recorder en.—Ms. A 8: en. Fo 348 vo.

P. 43, l. 16 fuissent.—Ms. A 8: estoient.

P. 43, l. 25: coron.—Ms. A 8: boux.

P. 44, l. 10: d’Agoriset.—Ms. A 8: d’Angonse.

§ 692. Cilz Yewains.—Ms. d’Amiens: Nous lairons un petit à parler d’iaux et parlerons d’une armée que Yeuwains de Gallez et messires Jehans de Ray, bourgignons, avoient au commandement dou roy de Franche en celle saison mis sus, et estoient venut sus les ysles de Coustentin, et pooient y estre environ uit cens hommez d’armes et avoient tout le temps gardé le 301 mer et les pas de Normendie, et estoient arivet chil Franchois en l’isle de Grenesée, dont Ammons Rose, uns escuiers dou roy d’Engleterre, estoit cappitainne. Quant il sceut que Yeuwains de Galles et se routte devoient prendre terre en l’isle dont il estoit gardiiens, il requeilla chiaux dou pays et chiaux qu’il avoit amenés d’Engleterre avoecq lui, et s’en vint sus un certain pas où il penssoit que li Franchois prenderoient terre. Là eut grant bataille et dure, et moult fu trait, lanchiet et assailli, et coust(um)a moult grandement li passaiges as Franchois, ainschois qu’il pewissent ariver. Toutteffois finablement il le concquissent, et en y eut bien mors de le partie as Englèz sis cens et se sauva à grant meschief Ammon Rose, et se bouta ou castiel de Cornet, qui est priès de là. Depuis celle desconfiture n’y eut riens retenu sus tout le pays, car il n’y a nulle forterèche. Si ardirent et essillièrent li dit Franchois tout cesti ysle, et y ranchonnèrent hommes et femmez, et apriès entrèrent en l’isle de Gersée, et l’ardirent et ranchonnèrent ossi, et puis vinrent mettre le siège devant le castiel de Cornet, où Ammon Rose et aucun gentil homme d’Engleterre estoient retret. Là y eut pluisseurs assaux, mès il ne fu mies adont gaegniés, car li roys de Franche manda au dit Yeuwain de Gallez et à monsigneur Jehan de Ray qu’il se partesissent de là et s’en allaissent en Espaingne parler au roy Henry et impetrer ou nom de lui vint et cinc ou trente grosses gallées pour venir assegier le Rocelle; car li roys savoit ja que cil qui le devoient rafrescir, li comtes de Pennebrucq et li autre dessus nommet, estoient tout mort et tout pris. Si se departi du siège de Cornet li dis Yeuwains, et entra en mer à tout trèse barges tant seullement, et prist le droit chemin d’Espaingne, et singlèrent tant qu’il arivèrent en Galisce, à ung port et à une ville qui s’apelle le bourcq Saint Andrieu. Fo 180 ro.

P. 44, l. 31: par quel.—Ms. A 8: pour quelle.

P. 45, l. 5: et.—Ms. A 8: il. Fo 349 ro.

P. 45, l. 7: en gouvrenance.—Ms. A 8: gouvernement.

P. 45, l. 13: ci.—Ms. A 8: ci dessus.

P. 45, l. 16: Harflues.—Ms. B 4: Harfleux.

P. 45, l. 23: le dit isle.—Ms. A 8: la ditte.

P. 45, l. 28: dura.—Mss. A 8 et B 4: se tint.

P. 46, l. 1: de là.—Ms. A 8: près de là.

P. 46, l. 1: avoit esté.—Ms. A 8: fu.

P. 46, 1. 9: est.—Ms. A 8: estoit.

302 P. 46, l. 18: desous.—Ms. A 8: declin.

P. 47, l. 4: oy.—Ms. A 8: vi.

P. 47, l. 6: à toutes gens congiet.—Ms. A 8: congié à ses gens. Fo 349 vo.

P. 47, l. 9: de.—Ms. A 8: de devant.

§ 693. Vous devés savoir.—Ms. d’Amiens: En ceste meysme heure arivèrent li dessus dit Espagnol, Cabesse de Vake et li autre, qui avoient pris les dessus nommés Englès et Poitevins, et entrèrent auques enssamble en le ville; si furent moult resjoy chil dou pays de le pris des dessus dis et de le belle aventure qui estoit avenue à leurs gens. Si vinrent li dessus dit patron, qui la bataille avoient desconfi, deviers le roy Henry, leur seigneur, qui se tenoit à Burges, et li fissent present de leurs prisonniers. Li roys leur en sceut grant gret, et furent si bien d’acort que li dit prisonnier dubrent demourer et y estre au dit roy parmy une grande somme de florins qu’il en rendoit. Si furent envoiiet querre li dessus dit chevalier à le ville de Saint Andrieu, et vint contre yaux bien acompaigniés li ainsnés filz dou roy Henry, qui s’appelloit Jehans, et les honnoura et requeilli moult bellement, et furent amenet à Burgez, et depuis furent il espars en diviers lieux et mis tous en kainnes et en destroitez prisons, excepté li comtes de Pennebrucq et messires Ghuichars d’Angle. Fo 180 ro.

P. 47, l. 14: tant c’à ceste fois.—Ms. A 8: pour celle fois.

P. 47, l. 14: si imaginèrent tantost li sage homme.—Ms. A 8: si ymagina lui et les sages gens.

P. 48, l. 1: et embuiés.—Ms. A 8: de fer.

P. 48, l. 6: très.—Ms. A 8: entrés.

P. 48, l. 15: rampronnant.—Ms. A 8: reprouchant.

P. 48, l. 29: ne en voie.—Ms. A 8 et B 4: ne en lieu.

P. 49, l. 6: et.—Ms. A 8: ne.

P. 49, l. 27: cose.—Ms. A 8: cose il.

§ 694. Nous retourrons.—Ms. d’Amiens: Nous retourrons as besoingnes et as avenues de Poito, de Saintonge et de le Rocelle, et vous parlerons que droitement le jour saint Jehan Baptiste, dont le jour devant la bataille avoit esté desconfite sus mer, vinrent en le Rocelle grant fuison de gens d’armes de le partie as Englèz, dont li captaus de Beus estoit souverains, et de se route, 303 li soudis de Lestrades, messires Petiton de Courton, li bastart de Courton, messires Berars de le Lande, messires Pierres de Landuras, messires Bertrans dou Franch et pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, et furent mout courouchiet, quant il oïrent les nouvellez que leurs gens estoient desconfit. Si trouvèrent là monsigneur Jehan d’Ewrues, qui avoit estet à la besoingne et s’en estoit sauvés. Là eurent chil dit signeur chevalier grant conseil enssemble quel cose il feroient et comment il se maintenroient. Si fu enssi ordonné que messires Jehan d’Ewrues demourroit ou castiel de le Rocelle et le garderoit, car ja se commenchoient il à souppechonner de chiaux de le ville, et entr’iaux chevaucheroient il sour le pays, et bouteroient hors Bretons qui tenoient aucuns petis fors, marchissans sour le marinne, qui ranchonnoient et herioient le pays.

Si se partirent ces gens d’armes de le Rocelle, et pooient estre environ trois cens lanchez, et s’en vinrent deviers Subise; là environ se tenoient Breton qui avoient fortefiiet eglises et petis fors. Si se traist celle part li captaux et se routte, et les commenchièrent à envayr et à assaillir asprement et roidement. Fo 180 ro et vo.

P. 50, l. 4 et 5: le Rocelle.—Ms. A 8: la ville de la Rochelle, si comme vous avez oy cy dessus.

P. 50, l. 18: d’Agorisès.—Ms. A 8: Agonses.

P. 50, l. 24: gens.—Ms. A 8: routes.

P. 51, l. 9: Cruese.—Ms. B 4: Tierasse.

P. 51, l. 25: cose, si.—Ms. A 8: jusques il. Fo 350 vo.

§ 695. Tant esploitièrent.—Ms. d’Amiens: En ce tamps chevauchoient et tenoient les camps li connestablez de Franche et li dus de Bourbon, il dauffins d’Auviergne, messires Loeis de Saussoire, marescaux de Franche, li sirez de Sulli, li viscontes de Miaux, li viscontes d’Aunay, messires Raoul de Rainneval, li sires de Biaumanoir, li viscontez de Rohem, messires Oliviers de Clichon, li sires de [La]val et pluisseurs autres barons et chevaliers, et vinrent devant une forterèche en Poito qui s’appelle Mont Morillon, et l’asaillirent vistement et radement et le prisent d’assaut, et furent mort tout chil qui dedens estoient. En apriès il vinrent devant Cauvegny et furent là deus jours: au tierch jour li ville se rendi à yaux, et d’illuecq il vinrent devant Leusach, et prissent le ville et le castiel et y missent gens et gardes 304 de par yaux, et encorrez prissent il pluisseurs autres petis fors, et puis s’en vinrent il logier devant Poitiers, et là jurent il une nuit ens es vingnes, et celle nuit eurent il consseil et advis qu’il venroient devant Mont Contour, qui estoit ungs biaux castiaux et fors, et qui durement contraindoit les fortrècez franchoises. Si se deslogièrent à l’endemain de devant Poitiers li dit Breton et Franchois, et vinrent à Mont Contour et le assegièrent et environnèrent de tous costés, car il estoient bien gens assés pour tout chou faire.

De la ville et du castiel de Mont Contour estoit cappitainnes et gardiien Jehans Carsuelle et David Holegrave, et avoient laiens avoecq yaux bien soissante compaignons d’armes. Sitost que li connestablez de Franche, li dus de Bourbon, messires Loeis de Sausoire, messires Oliviers de Clichon, li sires de Biaumannoir et li autre chevalier dessus nommet furent venu devant, il commenchièrent fortement à assaillir, et chil de dedens à eux defendre, et n’y fissent riens li dit Breton dou premier ne dou second ne dou tierch assault. Dont se retraissent li signeur à leur logeis, et eurent autre consseil qu’il fissent les païsans dou pays coper et achariier grant fuison de busce et de arbres pour emplir une partie des fossés et jetter estrain et faghos et terre dessus, et mist on quatre jours à faire ceste ordonnanche. Quant li Englès qui dedens estoient, en virent le mannière, si parlèrent enssemble; car il perchurent bien qu’il ne seroient comforté de nul costé, et, s’il estoient pris par forche, il seroient tout mort et sans merchy. Si commencièrent à traitier à chiaux de l’ost pour rendre le fort. Li signeur de Franche y entendirent volentiers, et fu rendu au VIe jour par composition que chil de dedens se partiroient, sauves lors vies tant seullement, et n’enporteroient riens dou leur, et entrèrent li Franchois dedens et se saisirent de le ville, et y mist li connestables messires Bertrans une cappittainne breton en qui il avoit mout grant fianche. Fo 160 vo.

P. 52, l. 5: de plus priès.—Ms. A 8: de priès.

P. 52, l. 13: tout fait.—Ms. A 8: tout ce fait.

P. 52, l. 15: besongnoit.—Ms. A 8: estoit bien mestier.

P. 52, l. 17: aventure.—Ms. A 8: aventure et peril.

P. 52, l. 20: et traïsent.—Ms. A 8: et se traïrent.

P. 52, l. 21 et 22: vinrent.—Ms. A 8: venoient.

P. 52, l. 22: pilz et haviaus.—Ms. A 8: pics et hoyaulx.

P. 52, l. 27: nompourquant.—Ms. A 8: neantmoins.

305 P. 52, l. 28: mieulz.—Ms. A 8: firent.

P. 52, l. 31: si Breton.—Ms. A 8: ses gens.

P. 53, l. 1: il seroient tout mort.—Ms. B 4: ou ochis.

P. 53, l. 4: leurs corps et leurs biens.—Ms. A 8: leurs vies et leurs corps. Fo 351 ro.

P. 53, l. 14: pooit.—Ms. A 8: savoit.

§ 696. Quant cil de le cité.—Ms. d’Amiens: En ces ordonnances, et entroes que on seoit devant Mont Contour, mandèrent chil de Poitiers, qui se commencièrent à esbahir, secours à messire Thummas de Perssi, leur senescal, qui estoit en le route et en le compaignie dou captal, en lui priant chierement qu’il volsist là venir si fors de gens d’armes que pour garder et deffendre leur chité contre les Franchois, car il penssoient bien qu’il seroient assegiés. Li senescaux de Poito remoustra ces coses au captal et as autres chevaliers qui là estoient. Li captal n’eut mies consseil de rompre se chevauchie, mès il acorda bien qu’il se traysist celle part. Si se parti li dis messires Thummas de Perssi dou captal environ à ciquante lanches, et s’en vint à Poitiers, et y trouva monsigneur Jehan d’Ewrues, qui s’i estoit ja boutés à cent hommez d’armes, car on li avoit comptet aussi que li Franchois le volloient assegier: si avoit laissiet en garnisson ou castiel de le Rocelle un escuier qui puis en fist malle garde, si comme vous orés chy apriès.

Apriès ce que chil baron de Franche eurent repris Mont Contour, il eurent consseil qu’il se trairoient deviers le marce de Limozin, car li dus de Berri à tout grant fuison de gens d’armes de Berri et d’Auviergne se tenoit celle part et volloit mettre le siège devant Sainte Sivière, qui estoit à monsigneur Jehan d’Ewrues. Et en estoient cappittainne et gardiien de par lui messires Guillaumes de Perssi, Richars Gilles et Richars Helme, et pour tant que ceste garnison du Sainte Sivière contraindoit durement les marches et les frontières de Berri et de Limozin, li dus de Berri mettoit grant entente que il le pewissent avoir. Si se traissent celle part touttes mannières de gens d’armes, et vinrent assegier Sainte Sivière, et y eut là pluisseurs grans assaux, dont chils dedens de premiers se portèrent moult bien, car il estoient bien quatre vins hommez d’armes. Ces nouvelles vinrent à monsigneur Jehan d’Ewrues qui estoit à Poitiers, comment li dus de Berri, li dus de Bourbon, li connestables de Franche, messires Oliviers de 306 Clichon, li viscontes de Rohem, li sires de Sulli, li sires de Tournemine, messires Olivier de Mauni, et grant baronnie de Franche, de Bretaingne et de Berri et ossi de Pikardie seoient devant Sainte Sivière qui se tenoit et rendoit à lui, et, se il n’estoient secouru et comforté, il seroient pris de forche. Sitost que messires Jehans d’Ewrues entendi chou, il pria moult affectueuzement au captal et à tous les chevaliers qui là ens ou pays estoient, tant de Poito que d’Engleterre, qu’il volsissent faire leur pooir et dilligensce d’aidier et conforter se fortrèce et ceux qui dedens estoient, et de lever le siège. Chil signeur à le priière monsigneur Jehan d’Ewrues descendirent, et se reunissent tout enssamble et fissent leur amas en l’abbeïe de Charros en Poito, et quant il furent tout enssamble, il se trouvèrent bien uit cens lanches. Si eurent grant entension que de venir combattre les Franchois devant Sainte Sivière. Fo 180 vo.

P. 54, l. 5: jusques à.—Ms. A 8: vers.

P. 54, l. 9: retraire.—Ms. A 8: traire.

P. 54, l. 22: recueilloite.—Ms. A 8: recongnoissance.

P. 54, l. 28: de Bourgogne et de Limozin.—Ms. A 8: d’Auvergne et de Bourgogne.

P. 55, l. 1: Holme.—Ms. A 8: Horme.

P. 56, l. 1: sa forterèce.—Ms. A 8: la forterèce de Sainte Sivière. Fo 351 vo.

P. 56, l. 7: vous entendés à vostre cousin et mes.—Ms. A 8: vous m’entendés et conseilliez à mes.

P. 56, l. 9 et 10: j’en sui en grant.—Ms. A 8: j’en ay grant.

P. 56, l. 16 et 17: de le ditte cité.—Ms. A 8: d’ycelle.

P. 56, l. 17: Renaus.—Ms. A 8: Regnaulz.

P. 56, l. 26: enclos et assis.—Ms. A 8: assis et enclos.

P. 57, l. 14 et 15: qu’il se presissent priès.—Ms. A 8: qu’ilz s’apprestassent.

P. 57, l. 17 et 18: as quelz ces nouvelles vinrent.—Ms. A 8: à qui ces lettres furent envoiées.

P. 57, l. 18: se.—Ms. A 8: s’en.

P. 57, l. 20: estoffeement qu’il peut.—Ms. A 8: efforciement qu’il pouoit.

P. 57, l. 21: vinrent.—Ms. A 8: furent.

P. 57, l. 23: Vivone.—Ms. A 8: Vivoire.

P. 57, l. 25: Ponsances.—Ms. A 8: Puissances.

307 P. 57, l. 29 à 32: trouvèrent tout ensamble, et s’en vinrent logier...—Ms. A 8: trouvèrent neuf cens lanches et cinc cens archiers.

§ 697. Le ms. d’Amiens, à partir de ce paragraphe, présente la même rédaction que notre texte: nous n’en donnerons donc plus que les variantes, quand il y aura lieu.

P. 58, l. 2: Bertran.—Ms. A 8: Bertran du Guesclin.

P. 58, l. 6: ains.—Ms. A 8: et.

P. 58, l. 9: quelz.—Ms. A 8: quelque.

P. 58, l. 11: bonne.—Ms. A 8: grant.

P. 58, l. 14 et 15: le riche arroy et richesse d’yaus.—Ms. A 8: l’afrique armoierie et riche d’eulx.

P. 58, l. 19: esvigurer.—Ms. A 8: asseurer.—Ms. B 4: esmouvoir.

P. 59, l. 1: ressongnoient.—Ms. d’Amiens: refusoient.

P. 59, l. 5: point ne se refroidoit.—Ms. A 8: ne refroidoit point ne.

P. 59, l. 11: n’en.—Ms. A 8: ne le.

P. 59, l. 12: Pour.—Ms. A 8: et pour.

P. 59, l. 13: dangier.—Ms. A 8: dommage.

P. 59, l. 19: toutes ses gens traire.—Ms. A 8: traire toutes ses gens.

P. 59, l. 22: encore.—Le ms. A 8 s’interrompt brusquement après ce mot.

§ 698. P. 61, l. 3 et ailleurs: Poitiers.—Ms. d’Amiens: Poitierres.

P. 61, l. 12: li maires.—Ms. d’Amiens: li maires de celi ville.

P. 61, l. 23: fiance.—Ms. B 4: feauté.

P. 62, l. 2: quoiteusement.—Ms. B 4: courtoisement.

§ 700. P. 64, l. 13: escondi.—Ms. B 4: contredit.

P. 64, l. 10: Yewains.—Ms. d’Amiens: Yeuwains. Fo 181 vo.

P. 65, l. 14: Renault.—Ms. d’Amiens: Renât. Fo 182 ro.

P. 65, l. 20: Alyot de Cholay.—Ms. d’Amiens: Aliot de Calay.

P. 65, l. 23: forterèce.—Ms. d’Amiens: dit castiel.

308 P. 66, l. 2 et ailleurs: armeures de fier.—Ms. B 4: hommes d’armes.

P. 66, l. 18: qui ossi en ot grant joie.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: et li dissent tout ce qu’il avoient eu et trouvé ou captaul: si s’en resjoy grandement la dicte dame, ce fu bien raison.

P. 66, l. 25: Cressuelle.—Ms. d’Amiens: Carsuelle.

P. 66, l. 25 et ailleurs: Luzegnan.—Ms. B 1: Luzegnon.

§ 701. P. 67, l. 20: et toute, lisez en toute.

P. 68, l. 25: commencent.—Ms. d’Amiens: commenchièrent. Fo 182 vo.

P. 69, l. 11: tout pris et mort.—Ms. d’Amiens: tout mort et tout pris.

P. 69, l. 19: leur.—Ms. d’Amiens: le.

§ 702. P. 70, l. 3: achievement.—Ms. d’Amiens: chievement.

P. 70, l. 12: et s’en misent en.—Ms. B 4: en.

§ 703. P. 72, l. 7: des Englès.—Ms. d’Amiens: as Englès. Fo 183 ro.

P. 73, l. 19: force.—Ms. B 1: forforce.

P. 73, l. 25: recevons.—Ms. B 1: revenons.

P. 73, l. 27: deffence.—Ms. d’Amiens: deffendre.

§ 704. P. 75, l. 5: Bourdiaus.—Ms. B 1: Bourdiaus et se traist en sa ville.

§ 705. P. 76, l. 5 et ailleurs: Cauderier.—Ms. d’Amiens: Caudurier. Fo 183 vo.—Ms. B 1: Chaudouvrier.

P. 76, l. 5: Phelippos.—Ms. d’Amiens: Phelippres.

P. 76, l. 28: Li.—Ms. d’Amiens: et li.

P. 77, l. 1: rescrisist.—Ms. d’Amiens: escrisist.

P. 77, l. 24: tel.—Ms. d’Amiens: cel.

P. 78, l. 13: que.—Ms. d’Amiens: de.

P. 78, l. 17: veoient.—Ms. d’Amiens: veoit.

P. 78, l. 26: se.—Ms. d’Amiens: s’en.

P. 79, l. 19: tout li aultre.—Ms. d’Amiens: tout li juré à cheval. Fo 184 ro.—Ms. B 4: tous les jurés à cheval.

309 § 706. P. 80, l. 11: le.—Ms. d’Amiens: leur.

P. 80, l. 28 et ailleurs: Melle.—Ms. B 1: Nielle.

§ 707. P. 81, l. 13: clos.—Ms. d’Amens: enclos.

P. 82, l. 18: d’otel.—Ms. d’Amiens: de tel.

P. 82, l. 22: masniers.—Ms. d’Amiens: masnois.—Ms. B 1: masuiers.—Ms. B 4: meismes.

P. 83, l. 3: s’en.—Ms. d’Amiens: se. Fo 184 vo.

§ 708. P. 83, l. 28: mettre rés.—Ms. d’Amiens: mettre tout rés.

P. 83, l. 31: paver.—Ms. B 4: reparer.

P. 84, l. 6: Bertran de Claikin.—Ms. d’Amiens: Bertran le connestable.

P. 84, l. 12: dou.—Ms. d’Amiens: dou dit.

P. 84, l. 17: revelé et jeué.—Ms. B 4: sejourné et jué.

P. 85, l. 3 à 6: en prison courtoise, et li fist..... retournés françois.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: en prison courtoise sans nulle contrainte, car volentiers l’eust retrait à son amour, par quoy il fust retournez franchois.

§ 709. P. 85, l. 24: segur estat.—Ms. B 4: grant seurté.

P. 86, l. 4: Paus.—Ms. d’Amiens: Paux.

P. 86, l. 5: s’appelloit.—Ms. d’Amiens: se nommoit. Fo 105 ro.

P. 86, l. 10: bien lor sambloit qu’il estoient.—Ms. d’Amiens: bien estoient.

P. 87, l. 9: Breton et aultres gens.—Ms. B 4: messire Bertram et ses gens.

§ 710. P. 88, l. 9: chil.—Ms. B 4: li Englès.

P. 88, l. 12: chastiel.—Ms. d’Amiens: fortière.

§ 711. P. 88, l. 23: enghin.—Ms. B 4: avis.

P. 88, l. 31: priès que tous les jours.—Ms. d’Amiens: tous les jours priès.

P. 89, l. 2: des mors et (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 89, l. 8: imaginoient.—Ms. B 4: imaginèrent.

P. 89, l. 16: Poito englès pour le temps se tenoient.—Ms. B 4: Poito se tenoient.

310 P. 89, l. 25: Renaulz.—Ms. d’Amiens: Renars.

P. 89, l. 27: et y furent reçu à grant joie (d’après le ms. de Valenciennes).

§ 712. P. 90, l. 8: pavais.—Ms. B 4: apavais.

P. 90, l. 28: Mauburnis.—Ms. d’Amiens: Mamburnis ou Mainburnis. Fo 185 vo.

P. 91, l. 8: destraint.—Ms. d’Amiens: estraint.

P. 91, l. 21: messires Perchevaus.—Ms. d’Amiens: il.

P. 93, l. 9: filz.—Ms. B 4: enfans.

P. 93, l. 11: devenoient.—Ms. d’Amiens: devenroient.—Ms. B 4: demouroient.

P. 93, l. 16 à 21: dedens la dite ville... gens tous.—Ms. d’Amiens et ms. B 1: dedens et dehors, ne se deffist mie pour ce li sièges, mès y envoioit li rois de Franche tous les jours gens tous.

§ 713. P. 93, l. 28: sentans.—Ms. B 4: sonnans. Fo 186 ro.

P. 93, l. 30: en.—Ms. d’Amiens: à.

P. 94, l. 12: li.—Ms. d’Amiens: le.

P. 94, l. 11: de purs Escos.—Ms. B 4: depuis.

P. 95, l. 6: estoit. Si entrèrent..... estoient. Quant.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: estoit. Quant.

P. 96, l. 4: cel.—Ms. d’Amiens: celle.

P. 96, l. 6: tost comme.—Ms. d’Amiens: trestost que.

§ 714. P. 96, l. 15: Si en sçavoit.—Ms. d’Amiens et ms. B 3: Bien sçavoit.—Ms. B 4: Bien sçavoient.

P. 96, l. 19: avoient pris et ossi que li rois.—Ms. B 3: avoient bien sceu que le roy.—pris (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 96, l. 25: Mouchident.—Ms. B 1: Monchident.

P. 96, l. 27: Helyes.—Ms. d’Amiens: Halies.

P. 96, l. 31: pooient.—Ms. d’Amiens: pooit.

P. 97, l. 4 et 5: chevaliers englès.—Ms. d’Amiens: englès chevaliers.

P. 97, l. 7: Robert Mitton.—Ms. d’Amiens: Mitton.

P. 97, l. 19: que la journée.—Ms. d’Amiens: la journée qui.

311 P. 97, l. 26: comme.—Ms. d’Amiens: que. Fo 186 vo.

P. 97, l. 30: estoffeement.—Ms. d’Amiens: efforchiement.

§ 715. P. 99, l. 26: conseillièrent sur cestes.—Ms. d’Amiens: conseilloient.

P. 100, l. 12: et.—Ms. d’Amiens: ne.

P. 100, l. 17: specifiies.—Ms. B 4: septefiies.

P. 100, l. 22: Tannai Bouton.—Ms. B. 4: Channai Bouton.

P. 100, l. 26: il s’acorda.—Ms. d’Amiens: il s’apaisa et acorda.

§ 716. P. 101, l. 19: Cisech.—Ms. d’Amiens (fo 187 ro) et Ms. B 4: a sek.

P. 101, l. 21: Dieunée.—Ms. B 4: Dieuvée.

P. 102, l. 4: vassaument.—Ms. B 4: vaillamment.

P. 102, l. 7: pas.—Ms. d’Amiens: point.

P. 102, l. 14: gascon et englès.—Ms. d’Amiens: englès et gascon.

P. 102, l. 16: frans.—Ms. d’Amiens: florins.

P. 102, l. 24: euist.—Ms. B 4: euissent.

P. 103, l. 15: d’yaus.—Ms. d’Amiens: de.

§ 717. P. 104, l. 16: Gensay.—Ms. d’Amiens: Gonsay.

§ 718. P. 105, l. 2: contraires.—Ms. B 4: contraintes. Fo 187 vo.

P. 105, l. 12: tenoit.—Ms. d’Amiens: avoit.

P. 105, l. 29: parla.—Ms. d’Amiens: parla li dus.

P. 106, l. 12: là li.—Ms. d’Amiens: li là.

P. 106, l. 20: Lagnigai.—Ms. d’Amiens: Ghingay.

P. 107, l. 13: s’i tinrent.—Ms. d’Amiens: se partinrent.

§ 719. P. 108, l. 10: ne le peuist, lisez ne leur peuist.

P. 108, l. 19 et 20: dou segnefiier leur estat.—Ms. B 3: de le signifier leur estat (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 109, l. 20: tout quoiement li connestables.—Ms. d’Amiens: li connestables tout coiement. Fo 188 ro.

P. 110, l. 20: et escriant.—Ms. d’Amiens: escrient.

P. 110, l. 28: fuison.—Ms. d’Amiens: fais.

312 § 720. P. 112, l. 25: Quaremiel.—Ms. B 4: Quarevel.

P. 112, l. 27: assambler de front.—Ms. d’Amiens: de front assembler. Fo 188 vo.

P. 113, l. 17 et 18: grant estecheis..... apertises.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: grans appertises.

P. 113, l. 30: Holme.—Ms. d’Amiens: Olive.

P. 114, l. 1: tenoit.—Ms. d’Amiens: tenoient.

P. 114, l. 4: durant.—Ms. d’Amiens: durement.

§ 721. P. 114, l. 30: qui li.—Ms. d’Amiens: si le.

P. 115, l. 3: fors.—Ms. d’Amiens: fors que.

P. 115, l. 12: ou.—Ms. B 1: et.

§ 722. P. 115, l. 31: la dame vint jusques.—Ms. d’Amiens: à la dame jusques. Fo 189 ro.

P. 116, l. 11: sceut.—Ms. d’Amiens: scet.

P. 116, l. 13: ançois.—Ms. d’Amiens: ains.

P. 116, l. 19: dou roy Henri.—Ms. d’Amiens: dou roy d’Espaingne.

P. 116, l. 32: qu’elle.—Ms. d’Amiens: quant elle.

P. 117, l. 4: qui.—Ms. d’Amiens: si.

§ 723. P. 117, l. 10: Merspin.—Ms. d’Amiens: Mespin.

P. 117, l. 16: et là eut.—Ms. d’Amiens: là eut il.

P. 117, l. 24: Hanbiie.—Ms. d’Amiens: Hanbue.

P. 117, l. 27: d’Avangor.—Ms. d’Amiens: d’Avangot.—Ms. B 4: de Nangor.

P. 118, l. 3: raquitté.—Ms. d’Amiens: raquisé.

P. 118, l. 7: saison.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: année.

P. 118, l. 13: departirent.—Ms. d’Amiens: partirent.

P. 118, l. 22: Alain.—Ms. B 3: Jehan.

P. 118, l. 25: messires Thumas de Quatreton (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 120, l. 3: conjunction.—Ms. d’Amiens: conjection. Fo 189 vo.—Ms. B 4: signe.

§ 724. P. 120, l. 17: il.—Ms. d’Amiens: il i.

P. 120, l. 24: escheïrent.—Ms. d’Amiens: estoient.

§ 725. P. 121, l. 30: Bien.—Ms. B 1: Si en.

313 P. 122, l. 6 et ailleurs: Rais.—Ms. B 1: Raiy.

P. 122, l. 24: set.—Ms. B 4: huit.

P. 123, l. 1: sus.—Ms. d’Amiens: sour.

P. 123, l. 7: ne tenoit (d’après le ms. B 3).

P. 123, l. 9: cités, villes.—Ms. d’Amiens: villes, cités. Fo 190 ro.

§ 726. P. 124, l. 5: ses forterèces et ses chastiaus.—Ms. d’Amiens: ses castiaus et ses forterèces.

P. 124, l. 16: bonnes.—Ms. d’Amiens: bonnes gens.

P. 125, l. 6: conduiseur et gouvreneur.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: souverain et conduiseur.

P. 125, l. 8: d’acord tout le pays.—Ms. d’Amiens: tout le pays d’acord.

P. 125, l. 23: Konke.—Ms. d’Amiens: Kouke.

P. 126, l. 13: bail.—Ms. d’Amiens: bail de Bretaigne.

P. 126, l. 14: departi.—Ms. d’Amiens: parti.

§ 727. P. 127, l. 22 à 24: et donna li dis connestables le chastel dou Suseniot à un sien escuier, bon homme d’armes, qui.—Ms. d’Amiens: et donna le chastel... Fo 190 vo.—Mss. B 1, B 3 et B 4: et donna le chastiel dou Suseniot à un sien escuier, bon homme d’armes, li diz connestables, qui.

P. 129, l. 2 et ailleurs: Hainbon.—Ms. B 1: Hanibon.

§ 728. P. 129, l. 24: quasse d’achier.—Ms. d’Amiens et ms. B 1: quaffe d’acier.—Ms. B 3: bacinet.

P. 129, l. 28: anuit.—Ms. d’Amiens: nuit.

P. 130, l. 5: amoustrer.—Ms. d’Amiens: moustrer. Fo 191 ro.

P. 130, l. 27: pooient.—Mss. B 1 et B 4: pooit.

§ 729. P. 131, l. 10: ne.—Ms. d’Amiens: et.

P. 131, l. 15: en.—Ms. d’Amiens: à.

P. 132, l. 17: baron.—Ms. d’Amiens: bon.

P. 133, l. 24: conforter ne consillier.—Ms. d’Amiens: consillier ne conforter. Fo 191 vo.

§ 730. P. 134, l. 12: avenoient.—Ms. d’Amiens: avoient.

P. 135, l. 8: et.—Ms. d’Amiens: ne.

§ 731. P. 136, l. 26: au.—Ms. d’Amiens: dou.

314 § 732. P. 137, l. 3: requerre.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: en cause de.

P. 137, l. 9: armeures de fier.—Ms. d’Amiens: armeures de fer, chevaliers et escuiers.—Ms. B 4: hommes d’armes, escuiers et chevaliers.

P. 137, l. 14: et Sainne.—Ms. B 1: et le Sainne. Fo 192 ro.

P. 138, l. 15: à appareillier.—Ms. d’Amiens: à pourveir et apareillier.

P. 138, l. 18: par.—Ms. d’Amiens: pour.

P. 139, l. 5: on.—Ms. d’Amiens: on y.

P. 139, l. 22: bien priès de.—Ms. d’Amiens: à.

§ 733. P. 139, l. 30: Konke.—Ms. d’Amiens: Kouke.

P. 140, l. 12: remparèrent.—Ms. B 4: reperèrent.

§ 734. P. 140, l. 28: chevir.—Ms. d’Amiens: tenir.

P. 141, l. 4 et 5: il n’estoient secouru, aidié et conforté.—Ms. d’Amiens; il n’estoit conforté et secouru. Fo 192 vo.

P. 142, l. 14: Robert.—Ms. d’Amiens: Robert Canolle.

P. 142, l. 47: contentoient.—Ms. B 4: conchevoient.

§ 735. P. 143, l. 8: hokebos.—Ms. d’Amiens: hokebas.—Ms. B 3: hochecos.—Ms. B 4: hulkés.

P. 143, l. 26: sis.—Ms. B 4: huit.

P. 144, l. 11: leur.—Mss. B 1 et B 4: li.

P. 145, l. 1: de ses maistres.—Ms. d’Amiens (fo 193 ro) et ms. B 4: Hiraux.

P. 145, l. 15: journée.—Ms. d’Amiens: besoingne.

P. 146, l. 18: tenir.—Ms. B 1: tenu.

§ 736. P. 147, l. 15: avoient.—Ms. d’Amiens: avoit estet.

P. 147, l. 22: à.—Ms. d’Amiens: en.

P. 147, l. 24: li dessus nommés dus se departi.—Ms. d’Amiens: li dessus dis dus se parti.

§ 737. P. 148, l. 5: connestables.—Ms. B 4: chapitaines.

P. 148, l. 19: Helmen.—Ms. d’Amiens: Holmen. Fo 193 vo.

P. 148, l. 28: Tamwore.—Ms. d’Amiens: Cannore.—Ms. B 1: Tammore.—Ms. B 4: Tanmore.

315 P. 149, l. 8: Hoske.—Ms. d’Amiens: Heske.

P. 149, l. 20: Horfaut.—Ms. d’Amiens: Herfant.

P. 149, l. 22: Lyonniaus.—Ms. d’Amiens: Lionnès.

P. 150, l. 7: commandé ou.—Ms. d’Amiens: demandé et.

P. 150, l. 12: il.—Ms. d’Amiens: si.

P. 150, l. 29 et 30 leur ordenance savoir.—Ms. d’Amiens: savoir leur ordenance.

§ 738. P. 151, l. 9 et 10: dou pays.—Ms. d’Amiens: de le terre.

P. 152, l. 17: Se.—Ms. d’Amiens: Si. Fo 194 ro.

P. 152, l. 25: Cin.—Ms. d’Amiens: Chin.

§ 739. P. 153, l. 26: sceurent.—Ms. B 4: sentirent.

P. 154, l. 13: ces.—Ms. d’Amiens: les.

§ 740. P. 155, l. 15: desiroient.—Ms. d’Amiens: demandoient. Fo 194 vo.

P. 155, l. 18: assentir.—Ms. d’Amiens: consentir.

P. 155, l. 25: matin.—Ms. d’Amiens: main.

P. 155, l. 26: resvillièrent.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: resvillier vinrent.

P. 156, l. 2 et ailleurs: Hangest.—Ms. B 1: Haughet.

P. 156, l. 9 à 12: avoecques se route, et messires... issir dou froais.—Ms. d’Amiens: avoecques se route, et tenoit chascuns son chemin sans point yssir, et messires Guillaume des Bordes et messires Jehans de Buel faisoient une aultre route.

P. 156, l. 13: biau.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: blanc.

P. 156, l. 15: voler.—Ms. d’Amiens: voler maintenant.

P. 156, l. 17: Aymeris.—Ms. B 4: Couchi.

P. 156, l. 19: ere.—Ms. d’Amiens: estoie.

§ 741. P. 157, l. 5: Ouci.—Ms. B 1: Onci.—Ms. B 4: Couchi.

P. 158, l. 1: le.—Ms. d’Amiens: son.

P. 158, l. 2: si.—Ms. d’Amiens: il.

§ 742. P. 158, l. 17: cause.—Ms. d’Amiens: incidensce.

P. 158, l. 28: en le.—Ms. d’Amiens: em. Fo 195 ro.

P. 159, l. 2: qu’il avoient fait.—Ms. d’Amiens: qui avoient estet fait.

316 P. 159, l. 10: rendoit.—Ms. d’Amiens: rendroit.

P. 159, l. 14: fust segurs.—Ms. d’Amiens: fuist tous assegurés.

P. 159, l. 17: feroit.—Ms. d’Amiens: faisoit.

§ 743. P. 160, l. 8: parler en oïrent.—Ms. d’Amiens: en oïrent parler.

P. 160, l. 9: se desfist li sièges.—Ms. d’Amiens: li sièges se desfist.

P. 160, l. 26 et 27: en puble.—Ms. d’Amiens: l’un à l’autre et en publicque.

P. 160, l. 29: a de (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 160, l. 29: dont.—Ms. d’Amiens: et de quoy.

§ 744. P. 161, l. 7: oïr le cascun.—Ms. d’Amiens: le cascun oïr.

P. 161, l. 14 et 15: si signeur qui là estoient, parlé.—Ms. B 4: si signeur respondu et parlé qui là estoient.

P. 161, l. 25: prendre.—Ms. d’Amiens: faire et prendre.

P. 162, l. 29: soutieuement.—Ms. d’Amiens: soutieuement et par sagement. Fo 195 vo.

P. 163, l. 2: pan.—Ms. d’Amiens: paul.

§ 745. P. 164, l. 26: et.—Ms. d’Amiens: et à.

P. 164, l. 31: sain et sauf.—Ms. d’Amiens et ms. B 4 sain et en boin point.

P. 165, l. 8: alitter.—Ms. d’Amiens: demourer.

P. 165, l. 9: et là morut.—Ms. d’Amiens: et là s’alita et morut.

P. 165, l. 18: Grette.—Ms. d’Amiens: Grettre.

P. 165, l. 22: de qui.—Mss. B 1 et B 4: de quoi.

P. 166, l. 5: Othe.—Ms. d’Amiens: Othe de Grantson. Fo 196 ro.

§ 746. P. 166, l. 30: li quel.—Ms. d’Amiens: qui.

P. 167, l. 4: d’Avignon.—Ms. d’Amiens: d’Anjo.

P. 167, l. 19: deus.—Ms. d’Amiens: deus dus.

P. 167, l. 23: touchoit.—Ms. d’Amiens: appertenoit.

P. 167, l. 27: tinrent.—Ms. d’Amiens: missent.

§ 747. P. 168, l. 22: puis.—Ms. d’Amiens: que puis.

317 P. 168, l. 25: à part à conseil.—Ms. d’Amiens: à conseil à part.

P. 168, l. 28: n’oseroient.—Ms. d’Amiens: ne seroient.

P. 168, l. 28: Le premier (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 169, l. 3: rumeur nulle.—Ms. d’Amiens: remous.

P. 169, l. 7 à 9: avoient juret ensi que... à ces.—Ms. d’Amiens: avoient juret, ensi ne pooient respondre, car il sçavoient bien où il estoient cargiet d’aler, et pour ce ne pooient entendre à ces. Fo 196 vo.

P. 169, l. 26: dou visconte de Miaus.—Ms. d’Amiens: et de Miaus.

P. 170, l. 3: il.—Ms. d’Amiens: il y.

§ 749. P. 172, l. 3: de.—Ms. d’Amiens: à.

§ 750. P. 172, l. 26: de Poito.—Ms. d’Amiens: de Poito et d’Auvergne. Fo 197 ro.

P. 173, l. 10: departirent.—Ms. d’Amiens: partirent.

P. 173, l. 18: de l’assaillir.—Ms. d’Amiens: d’assaillir.

P. 173, l. 21: le duch d’Ango et le connestable.—Ms. B 4: iaulx.

P. 173, l. 31: ostages.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: plèges.

P. 174, l. 9: l’assegièrent.—Ms. d’Amiens: là se logièrent.

P. 174, l. 16: cités.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: ville.

§ 751. P. 174, l. 27: moult.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: si.

P. 174, l. 27: fuison.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: fuison que nulx ne leur alloit au devant.

P. 175, l. 2: Paus.—Ms. B 4: Pars.

P. 175, l. 13: mettre ces coses.—Ms. d’Amiens: ces coses mettre.

P. 175, l. 19: terres.—Ms. d’Amiens: cités.

P. 175, l. 20: intimer.—Ms. d’Amiens et ms. B 3: interiner.

P. 175, l. 21: livreroit.—Ms. B 4: livrèrent.

§ 752. P. 176, l. 29: Auroy.—Ms. B 1: Anroy.

P. 177, l. 17: gardé.—Ms. d’Amiens (fo 197 vo) et ms. B 4: gaitié.

P. 177, l. 30: il envoieroient.—Ms. d’Amiens: envoieroient il.

P. 178, l. 3: envoiassent.—Ms. d’Amiens: envoieroient.

318 P. 178, l. 3: hasteement.—Ms. B 4: hastivement.

P. 178, l. 23: journée.—Ms. d’Amiens: jour.

§ 753. P. 179, l. 1: priiés et mandés.—Ms. d’Amiens: mandés et priés.

§ 754. P. 180, l. 10: reconquerre.—Ms. d’Amiens: conquerre. Fo 198 ro.

P. 180, l. 11: XVIIe.—Ms. d’Amiens, mss. B 3 et B 4: VIIe.

P. 180, l. 15: Chastielbon.—Ms. d’Amiens: Chastillon.

P. 180, l. 23: Prudaire.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: Prudane.

P. 180, l. 25: point.—Ms. d’Amiens: peu.

P. 180, l. 31: li doi trettieur legal.—Ms. d’Amiens: les deux commissaires legaulx.

P. 184, l. 5: en.—Ms. d’Amiens: à.

P. 184, l. 8: où il.—Ms. d’Amiens, mss. B 3 et B 4: il.

P. 184, l. 9: se.—Ms. B 3: qui se.

P. 184, l. 18: ossi.—Ms. d’Amiens: et ossi.

P. 182, l. 3: donnèrent.—Ms. d’Amiens: donnoient.

§ 755. P. 182, l. 15: de soy contrevergier (d’après le ms. de Valenciennes).—Ms. B 3: faire merveilles.

P. 182, l. 15: ses.—Ms. d’Amiens: les.

P. 182, l. 31: sus.—Ms. d’Amiens: sour. Fo 198 vo.

P. 183, l. 2: messires.—Ms. d’Amiens: monsigneur.

P. 183, l. 7: le.—Ms. d’Amiens: leur.

P. 183, l. 7: estoit.—Ms. d’Amiens: estoient.

P. 183, l. 10: Arde.—Ms. d’Amiens: Ardre.

P. 183, l. 22: pas.—Ms. d’Amiens: pays.

P. 183, l. 23: encontra.—Ms. B 1: encontre.

P. 184, l. 3: l’Eveline.—Ms. d’Amiens: d’Eveline.

§ 756. P. 185, l. 11: dist li chevaliers.—Ms. d’Amiens et ms. B 3: dient li chevalier.

P. 185, l. 12: mi signeur.—Ms. B 3: mes seigneurs.—Ms. B 4: monsigneur.

P. 185, l. 17 et 19: pas.—Ms. d’Amiens: pays.

P. 186, l. 19: quinse.—Ms. d’Amiens (fo 199 ro), ms. B 3 et ms. B 4: vint et cinc.

319 P. 186, l. 20: avoecques se route.—Ms. B 3: de se route avec lui.

P. 187, l. 11: ne chil.—Ms. B 4: et ceulx.

P. 187, l. 18: Gauwinès.—Ms. d’Amiens: Gauwains.

§ 757. P. 187, l. 22: venir.—Ms. d’Amiens: venu.

P. 187, l. 28: n’eut.—Ms. d’Amiens: n’eurent.

P. 188, l. 4: reskeure.—Ms. d’Amiens: requerre.

P. 190, l. 1: Si.—Ms. d’Amiens: Se. Fo 199 vo.

§ 758. P. 191, l. 5: li.—Ms. d’Amiens: l’en.

P. 191, l. 29: de l’entention (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 191, l. 32: demorer.—Ms. d’Amiens: demourèrent.

§ 759. P. 193, l. 13: telz fais.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: telx appertises. Fo 200 ro.

P. 194, l. 8: car li, lisez car les.

§ 760. P. 194, l. 17: de.—Ms. d’Amiens: à.

P. 195, l. 8: Manne.—Ms. B 1: Maune.

P. 195, l. 9: Burlé.—Ms. d’Amiens: de Burlé.

P. 195, l. 11: Thumas.—Ms. B 1: Edouwart.

P. 196, l. 18: fu.—Ms. d’Amiens: se fu.

P. 196, l. 26: qu’il.—Ms. d’Amiens: qui.

§ 761. P. 197, l. 4: devers.—Ms. d’Amiens: par devers.

P. 197, l. 18: carola.—Ms. d’Amiens: carole.

P. 198, l. 13: n’euist.—Ms. d’Amiens: n’avoit.

P. 198, l. 27: outreement.—Ms. B 4: entierement.

P. 199, l. 4: trettié.—Ms. d’Amiens: trettié ne acord.

§ 762. P. 199, l. 20: s’i.—Ms. d’Amiens: se.

P. 199, l. 24: que il appelloient.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: mais il l’apeloient.

P. 200, l. 18: à siège.—Ms. B 4: asiegés.

§ 763. P. 201, l. 29: fillettes.—Ms. B 4: filles.

P. 202, l. 11: menront.—Ms. d’Amiens: mouront. Fo 201 ro.

P. 202, l. 19: Saint Brieu.—Ms. d’Amiens: Saint Bieu.

P. 202, l. 30: les.—Ms. d’Amiens: le.

320 P. 203, l. 7: par sa chevalerie criés.—Ms. d’Amiens: criés par sa chevalerie.

P. 203, l. 12: aprenderont.—Ms. d’Amiens: aprendent.

P. 203, l. 26: afin.—Ms. d’Amiens: à le fin.

§ 764. P. 204, l. 11: appressoient.—Ms. B 4: qu’il pressoient.

P. 204, l. 18: le ville par mine.—Ms. d’Amiens: par mine la ville de Saint Brieu de Vaus. Fo 201 vo.

P. 205, l. 7: messire.—Ms. d’Amiens: monsigneur.

P. 205, l. 10: attenderons, lisez attenderont.

P. 205, l. 13: de dangier.—Ms. d’Amiens: de ce dangier.

§ 765. P. 205, l. 25: que.—Ms. d’Amiens: le plus que.

P. 205, l. 31: chevaus.—Ms. B 4: coursiers.

P. 206, l. 19: ses gens.—Ms. d’Amiens: se route.

P. 206, l. 21: qu’il.—Ms. d’Amiens: qui.

P. 207, l. 6 et 8: vous.—Ms. d’Amiens: nous.

P. 207, l. 8: doiiés.—Ms. d’Amiens: doiions.

P. 207, l. 14: nouviaus fors, lisez Nouviaus Fors.

§ 766. P. 207, l. 27: bon couvenant.—Ms. d’Amiens: bonne ordonnance. Fo 202 ro.

P. 207, l. 28: peu.—Ms. d’Amiens: petit.

P. 208, l. 2: et.—Ms. d’Amiens: ou.

P. 208, l. 5: en.—Ms. d’Amiens: à.

P. 208, l. 6: avoit.—Ms. d’Amiens: eult.

P. 208, l. 12: leur.—Ms. d’Amiens: il.

P. 208, l. 16: de froce.—Ms. d’Amiens: que.

P. 208, l. 24: à merci (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 208, l. 32: remousterai.—Ms. d’Amiens: mousterai.

P. 209, l. 25 en imaginant.—Ms. d’Amiens: et imaginoient.

§ 767. P. 211, l. 5: Tantost.—Ms. d’Amiens: Tantost que.

P. 211, l. 13: vous de.—Ms. d’Amiens: vos. Fo 202 vo.

P. 211, l. 14: ne.—Ms. d’Amiens: et.

P. 211, l. 24: li.—Ms. d’Amiens: si.

P. 212, l. 5: estragnement.—Ms. d’Amiens: durement.

P. 212, l. 9: je m’acordai.—Ms. d’Amiens: m’en acordai.

321 § 768. P. 212: l. 22 desrompi.—Ms. d’Amiens: departi.

P. 213, l. 4: se ce.—Ms. d’Amiens: che ce.

P. 213, l. 14: Ançois.—Ms. B 4: Encores.

P. 213, l. 21: première.—Ms. B 4: darraine.

P. 213, l. 32: et ossi font nos gens.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: et nos gens maintiennent.

P. 214, l. 14: s’en.—Ms. d’Amiens: se.

P. 214, l. 25: il oroit.—Ms. d’Amiens: ilz oroient.

§ 769. P. 214, l. 30: Li rois.—Ms. d’Amiens: Et li rois.

P. 215, l. 4: providense.—Ms. B 4: prudence.

P. 215, l. 9: trespassé.—Ms. d’Amiens (fo 203 ro) et ms. B 4: mort.

P. 216, l. 3: instruit (d’après le ms. de Valenciennes).

§ 770. P. 216, l. 26: Loerainne.—Ms. d’Amiens: le royaume.

P. 217, l. 12: messire.—Ms. d’Amiens: monsigneur.

P. 217, l. 23: parlerons.—Ms. d’Amiens: parlons.

P. 218, l. 21: peu.—Ms. d’Amiens: point.

P. 218, l. 27: brisie.—Ms. d’Amiens (fo 203 vo) et ms. B 4: rompue.

P. 219, l. 3: proporsionnant.—Ms. d’Amiens: poursuivant.—Ms. B 4: proposoient.

P. 219, l. 9: d’avril.—Ms. d’Amiens: d’avril l’an.

P. 219, l. 12: legaulx.—Ms. d’Amiens: aultre.

§ 771. P. 219, l. 19: deffiiet.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: fait deffiier.

P. 220, l. 13: disent.—diront.

P. 220, l. 19: de nos ennemis les Alemans.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: des Alemans.

P. 221, l. 11: c’est mont.—Ms. d’Amiens: ce mon.

P. 221, l. 19: gettiés.—Ms. d’Amiens: gaitiez.

P. 221, l. 27: Fuiret.—Ms. d’Amiens, mss. B 3 et B 4: fuir et.

P. 221, l. 27: furent.—Ms. d’Amiens: fissent.

§ 772. P. 222, l. 6: gages.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: saudées.

322 P. 222, l. 7: argent.—Ms. d’Amiens: saudées et argent. Fo 204 ro.

P. 222, l. 18; de tous perilz.—Ms. d’Amiens: dou peril.

P. 222, l. 24: parti revenu.—Ms. d’Amiens: parti que le signeur de Couchy revenu.

P. 222, l. 29: avoit (d’après le ms. de Valenciennes).

P. 223, l. 20: eut.—Ms. d’Amiens: l’eut.

§ 773. P. 223, l. 25: compagnons.—Ms. d’Amiens: compaignes.

P. 223, l. 30: revinrent.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: retournèrent.

P. 224, l. 12 et 13: et laissa là sa mainsnée... et puis s’en.—Ms. d’Amiens: et laissa là sa femme et sa mainsnée fille, la damoiselle de Couci, et puis s’en.

§ 774. P. 226, l. 2: renvoieroient.—Ms. d’Amiens: y envoieroient. Fo 204 vo.

P. 226, l. 5: revinrent.—Ms. d’Amiens: retournèrent.

§ 775. P. 226, l. 22: solennele.—Ms. d’Amiens: solempnité.

§ 776. P. 227, l. 19: dou.—Ms. d’Amiens: au.

P. 227, l. 26: l’un devant.—Ms. d’Amiens: devant l’un.

P. 228, l. 1: qu’il.—Ms. d’Amiens: qui.

P. 228, l. 9: à.—Ms. d’Amiens: à tout.

§ 777. P. 228, l. 25: ce de veu.—Ms. d’Amiens: de ce voé.

P. 228, l. 30: Genuenes.—Ms. B 4: Jennes.

§ 778. P. 229, l. 23 et 24: d’Engleterre, de Gernesie, de Grenesée.—Ms. d’Amiens: d’Engleterre, de Grenesée. Fo 205 ro.

P. 230, l. 9: et messires Guichars d’Angle.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: et li sires d’Angle, messires Guicars.

P. 230, l. 14: Cenes.—Ms. B 3: Chenez.—Ms. B 4: Chenes.

P. 230, l. 15: trouva.—Ms. B 4: ordonna.

P. 230, l. 20: de coer.—Ms. B 4: au coer.

P. 230, l. 21: ce.—Ms. d’Amiens: tel.

323 P. 231, l. 27: estoit.—Ms. B 4: fu.

P. 232, l. 1: pas.—Ms. d’Amiens: pays.

§ 779. P. 232, l. 17: celle.—Ms. d’Amiens: ceste.

P. 232, l. 18: en vinrent.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: furent venues.

P. 232, l. 22: fault.—Ms. d’Amiens: couvient.

P. 232, l. 32: signeur.—Ms. d’Amiens: sire. Fo 205 vo.

P. 233, l. 23: estat.—Ms. d’Amiens: esté.

P. 234, l. 10: petit.—Ms. d’Amiens: peu.

P. 234, l. 23: sus.—Ms. d’Amiens: sour celle.

P. 234, l. 27: chil.—Ms. d’Amiens: il.

P. 234, l. 28: remoustrèrent.—Ms. d’Amiens: remoustroient.

§ 780. P. 235, l. 6: y a.—Ms. d’Amiens: ra.

P. 236, l. 30: non que.—Ms. d’Amiens; neque dent que. Fo 206 ro.

P. 236, l. 30: voloit.—Ms. d’Amiens: vot.

§ 781. P. 237, l. 10: les François.—Ms. d’Amiens: il.

P. 237, l. 17: deveeroient.—Ms. B 1 et B 4: deveroient.

P. 238, l. 21: huit.—Ms. d’Amiens: vii.

P. 238, l. 22: leur leva uns vens.—Ms. d’Amiens: uns vens contraires leur leva.

P. 238, l. 22: prist.—Ms. B 1: leva.

§ 782. P. 239, l. 1: bien oy.—Ms. d’Amiens: bien chy dessus oy.

P. 239, l. 8: chevaliers.—Ms. B 4: bons.

P. 239, l. 12: un bon.—Ms. d’Amiens: bonne.

P. 240, l. 13: qu’il amast mieulz.—Ms. B 4: que il vosist.

P. 240, l. 19 à 23: Li sires de Couci... respondi et dist.—Ms. d’Amiens (fo 206 vo), ms. B 3 et ms. B 4: Adont se rafrenna un petit li roys et demanda quel grace on voroit que on li fesist: li sires de Couci, si com je fui adont enfourmés, y trouva un moiien et dist.

§ 783. P. 241, l. 10: la.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: ceste.

P. 241, l. 12: couri.—Ms. d’Amiens: couru.

324 P. 241, l. 31: par.—Ms. d’Amiens: que.

P. 243, l. 8: leur.—Ms. d’Amiens: la.

P. 243, l. 14: Thiebaut.—Ms. d’Amiens: Thummas.

P. 243, l. 21: Haubue.—Ms. d’Amiens: Hambue. Fo 207 ro.

§ 784. P. 244, l. 12: garde.—Ms. d’Amiens: de garde.

P. 244, l. 28: remuant.—Ms. d’Amiens: remouvant.

P. 244, l. 31: escuier.—Ms. d’Amiens: hainuier englèz.

P. 245, l. 2: soions.—Ms. d’Amiens: soiés.

§ 785. P. 245, l. 20: fiance.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: feauté.

P. 245, l. 25: s’en.—Ms. d’Amiens: se.

P. 246, l. 3: aresné.—Ms. B 4: asseuré.

P. 246, l. 16: alevée.—Ms. d’Amiens: alouée.

P. 246, l. 28: pourparlé.—Ms. B 4: pourcachié.

P. 246, l. 29: tant.—Ms. B 1: tout.

§ 786. P. 247, l. 17: trop mieulz.—Ms. d’Amiens: mieulz. Fo 207 vo.

P. 248, l. 6: murs.—Ms. B 1: mais.

P. 250, l. 3: Artisiens.—Ms. B 4: garnisons.

§ 787. P. 251, l. 6: au duch.—Ms. d’Amiens: au duc de Lancastre. Fo 208 ro.

P. 251, l. 7: fu dit.—Ms. d’Amiens: fu bien dit.

P. 251, l. 10 à 12: mais li dus de Lancastre ses escusances... sus son droit; car.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: mais li dus de Lancastre li aida escusances à porter oultre, et demoura li sires de Gommegnies sus sen droit; car.

§ 788. P. 252, l. 2: toutes.—Ms. B 1: gens.

P. 252, l. 22: enfourmés plus veritablement.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: mieux enfourmés.

FIN DES VARIANTES DU TOME HUITIÈME ET DU LIVRE PREMIER.


TABLE.

CHAPITRE XCVIII.

1370, 4 décembre. Combat de Pontvallain.—19 décembre. Mort du pape Urbain V; 30 décembre. Élection de Grégoire XI.—1371, avant le 15 janvier. Aggravation de la maladie et retour en Angleterre d’Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles.—1370, 1ers jours de décembre-1371, fin de février. Siège et prise de Montpont, en Périgord, par Jean, duc de Lancastre.—1371, août et septembre. Siège et prise de Moncontour, en Poitou, par Jean, duc de Lancastre, et Thomas de Percy, sénéchal de Poitou.—1371, fin de janvier et février. Expédition de Bertrand du Guesclin en vue de la levée du siège de Montpont et siège d’Ussel.—1371, 1er août. Combat naval de la baie de Bourgneuf.—22 août. Bataille de Bastweiler.—1372, premiers mois. Retour en Angleterre de Jean, duc de Lancastre, et mariage de ce prince avec Constance de Castille, fille aînée de D. Pèdre, d’Edmond, comte de Cambridge, frère de Jean, avec Isabelle, sœur de Constance.—1372, 13 janvier. Mort de Gautier de Masny. —Sommaire, p. IIIIII à XXIIIII. —Texte, p. 1 à 33. —Variantes, p. 255 à 288.

CHAPITRE XCIX.

1372, 23 juin. Défaite de la flotte anglaise devant la Rochelle.—juillet. Siège de Moncontour et de Sainte-Sévère; reddition de ces deux places aux Français.—7 août. Reddition de Poitiers.—Du 22 au 23 août. Défaite et capture de Jean de Grailly, captal de Buch, connétable d’Aquitaine, et de Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, devant Soubise; reddition de cette place.—Reddition d’Angoulême (vers le 8 septembre), de Saint-Jean-d’Angely (20 septembre), de Saintes (24 septembre), de Taillebourg et de Pons.—Reddition des châteaux de Saint-Maixent (4 septembre), de Melle et de Civray.—8 septembre. Reddition de la Rochelle.—15 septembre. Prise du château de Benon et reddition de Marans.—19 septembre. Reddition de Surgères.—9 et 10 octobre. Reddition de la 326 ville et prise du château de Fontenay-le-Comte.—1er décembre. Reddition de Thouars et soumission des principaux seigneurs du Poitou et de la Saintonge.—Siège de Mortagne.—1373, 21 mars.—Défaite des Anglais à Chizé.—27 mars. Occupation de Niort.—Reddition des châteaux de Mortemer et de Dienné. —Sommaire, p. XXIIIXXIII à LXVLXV. —Texte, p. 33 à 117. —Variantes, p. 288 à 312.

CHAPITRE C.

1373, fin d’avril, mai et juin. Expédition de Louis, duc de Bourbon, et de Bertrand du Guesclin en Bretagne; départ de Jean de Montfort pour l’Angleterre; occupation de Rennes, de Dinan, de Saint-Malo, de Vannes et d’un certain nombre de places de moindre importance; prise d’Hennebont; sièges de la Roche-sur-Yon, de Derval et de Brest; occupation de Nantes; grands préparatifs en Angleterre des ducs de Lancastre et de Bretagne pour envahir la France à la tête d’une armée considérable; prise de Conq par l’armée franco-bretonne.—6 juillet. Traité de capitulation de Brest et levée du siège de cette place par les Franco-Bretons qui vont renforcer les gens d’armes campés devant Derval.—Fin de juillet. Débarquement à Calais de l’armée rassemblée par les ducs de Lancastre et de Bretagne.—Du 4 août au 8 septembre. Marche et opérations de cette armée à travers l’Artois, la Picardie, le Vermandois et le Soissonnais; combat de Ribemont.—9 septembre. Combat d’Oulchy.—29 septembre. Exécution devant Derval par le duc d’Anjou des otages livrés naguère aux Franco-Bretons en vertu du traité de capitulation de cette place auquel Robert Knolles a refusé de souscrire.—10 septembre. Arrivée à Paris du duc d’Anjou, de Du Guesclin et de Clisson, qui assistent à un grand conseil de guerre tenu par Charles V et y donnent leur avis.—1375, 16 avril. Mort du comte de Pembroke, prisonnier du roi de Castille, livré par le dit roi à Du Guesclin en payement d’une somme de 120 000 francs due pour le comté de Soria, racheté par D. Enrique de Trastamar; rachat par ce même roi du comté d’Agreda moyennant la cession d’un autre de ses prisonniers, Guichard d’Angle, à Olivier de Mauny.—1373, du 11 au 26 septembre. Les Anglais en Champagne; arrivée des légats du pape à Troyes; échec subi sous les murs de cette ville par les envahisseurs.—Du 26 septembre au 25 décembre. Marche pénible et meurtrière de l’armée du duc de Lancastre à travers la Bourgogne, le Nivernais, le Bourbonnais, l’Auvergne, le Limousin et le Périgord; arrivée à Bordeaux. —Sommaire, p. LXVLXV à CIIICIII. —Texte, p. 117 à 171. —Variantes, p. 312 à 317.

327

CHAPITRE CI.

1373, 28 octobre-1374, 8 janvier. Retour du duc d’Anjou à Toulouse par Avignon.—1373, juin et juillet. Traité de capitulation de Bécherel. Expédition du duc d’Anjou en Bigorre; reddition de Saint-Sever; prise de Lourdes.—1374, commencement d’avril. Journée de bataille assignée près de Moissac entre les ducs d’Anjou et de Lancastre; défaut à ce rendez-vous de Lancastre, qui part de Bordeaux et retourne en Angleterre.—21 mai. Expiration de la trêve conclue par Du Guesclin avec le duc de Lancastre.—Juin et juillet. Soumission du vicomte de Castelbon. Expédition de Du Guesclin et du duc d’Anjou, d’abord dans le bas Languedoc contre les Compagnies, ensuite sur les confins de l’Agenais et du Bordelais contre les Anglais; siège et prise de la Réole, de Langon, de Saint-Macaire, de Sainte-Bazeille et des places avoisinantes.—2 octobre. Retour de Du Guesclin à Paris et du duc d’Anjou à Toulouse.—Août et septembre. Siège de Saint-Sauveur-le-Vicomte.—Reddition de Bécherel, dont la garnison va renforcer celle de Saint-Sauveur.—1375, premiers mois. Défaite des Français dans une rencontre entre Licques et Tournehem; capture du comte de Saint-Pol, emmené en Angleterre.—Ouverture des négociations à Bruges entre les ambassadeurs de France et d’Angleterre.—Retour en France du duc de Bretagne et du comte de Cambridge avec un corps d’armée considérable; débarquement à Saint-Mathieu; prise de Saint-Pol de Léon; siège de Saint-Brieuc.—21 mai. Traité de capitulation de Saint-Sauveur.—Levée du siège de Saint-Brieuc par les Anglais, et du siège du Nouveau Fort par les Français, que les Anglais accourus de Saint-Brieuc poursuivent jusqu’à Quimperlé où ils les assiègent.—27 juin. Trêve d’un an entre les rois de France et d’Angleterre conclue à Bruges; levée du siège de Quimperlé.—3 juillet. Reddition de Saint-Sauveur au roi de France. —Sommaire, p. CIIICIII à CXXVIIICXXVIII. —Texte, p. 171 à 214. —Variantes, p. 317 à 321.

CHAPITRE CII.

1375, août et septembre. Guerre entre Enguerrand VII, seigneur de Coucy, et Léopold II, duc d’Autriche, au sujet de seigneuries situées en Alsace, dans le Brisgau, l’Argovie et le comté de Nydau; marche des Compagnies rassemblées par le dit Enguerrand à travers la Champagne orientale, le Barrois, le pays Messin, la Lorraine et l’Alsace.—1375, décembre-1376, 12 mars. Conférences de Bruges. 328 Prorogation jusqu’au 1er avril 1377 des trêves qui devaient expirer le dernier juin 1376.—1375, octobre, novembre, décembre. Ravages exercés par les Compagnies sur la rive gauche du Rhin, en Alsace et en Suisse.—1376, 13 janvier. Conclusion d’un traité de paix avec les ducs d’Autriche et retour furtif en France du seigneur de Coucy.—8 juin. Mort d’Édouard, prince de Galles, surnommé le prince Noir.—Septembre. Mort de Jean de Grailly, captal de Buch.—1376, 20 septembre-1377, 17 janvier. Départ d’Avignon du pape Grégoire XI et arrivée à Rome.—1377, mars, avril et mai. Nouvelles conférences pour la paix entre les plénipotentiaires du roi de France, qui se tiennent à Montreuil-sur-Mer et à Boulogne, et ceux du roi d’Angleterre établis à Calais. Préparatifs maritimes des Français pour faire des descentes sur les côtes d’Angleterre et des Anglais pour s’opposer à ces descentes.—21 juin. Mort d’Édouard III.—28 juin. Descente des Français à Rye; prise et pillage de cette ville.—16 juillet. Couronnement de Richard II.—Fin de juin et juillet. Combat de Lewes; prise et pillage de cette ville, de Folkestone, de Portsmouth, de Darmouth et de Plymouth.—15 août-septembre. Nouvelle campagne maritime des Français; occupation de l’île de Wight; descentes à Southampton et à Winchelsea; incendie de Poole. Expédition du duc de Bourgogne sur les confins du Boulonnais et du Calaisis; prise d’Ardres et d’Audruicq. —Sommaire, p. CXXIXCXXIX à CLVIIICLVIII. —Texte, p. 214 à 252. —Variantes, p. 321 à 324.

APPENDICEAPPENDICE p. CLVCLV - CLXIIICLXIII.

FIN DE LA TABLE DU TOME HUITIÈME.


ERRATA.


9627.—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9