Title: Chroniques de J. Froissart, tome 8.2
1370-1377 (Depuis le combat de Pontvallain jusqu'à la Prise d'Ardres et d'Audruicq)
Author: Jean Froissart
Editor: Gaston Raynaud
Release date: August 9, 2024 [eBook #74209]
Language: French
Original publication: Paris: Vve J. Renouard
Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))
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9924—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
TOME HUITIÈME
1370-1377
(DEPUIS LE COMBAT DE PONTVALLAIN JUSQU’A LA PRISE D’ARDRES ET D’AUDRUICQ)
DEUXIÈME PARTIE
TEXTE ET VARIANTES
PAR GASTON RAYNAUD
A PARIS
LIBRAIRIE RENOUARD
(H. LAURENS, SUCCESSEUR)
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6
M DCCC LXXVIII
EXTRAIT DU RÈGLEMENT.
Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.
Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en assurer l’exécution.
Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.
Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VIII de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.
Fait à Paris, le 1er décembre 1887.
Signé L. DELISLE.
Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.
CHRONIQUES
DE J. FROISSART.
§ 669. Assés tost apriès ce que messires Bertrans
fu ravestis de cel office, il dist au roy qu’il voloit
chevaucier vers les ennemis, monsigneur Robert
Canolle, qui se tenoit sus les marces d’Ango et du
5Mainne. Ces parolles plaisirent bien au roy, et dist:
«Faites ce que vous volés: prendés ce qu’il vous
plest et bon vous samble de gens d’armes; tout obeïront
à vous.» Lors se pourvei li dis connestables, et
mist une chevaucie de gens d’armes sus, Bretons et
10autres, et se parti dou roy, et chevauça vers le
Mainne; et en mena en se compagnie avoech lui le
signeur de Cliçon. Si s’en vint li dis connestables en
le cité du Mans, et là fist sa garnison, et li sires de
Cliçon en une aultre ville qui estoit assés priès de là;
15et pooient estre environ cinc cens lances. Encores
estoient messires Robers Canolles et ses gens sus le
[2] 2 pays, mais il n’estoient mies bien d’acort; car il y
avoit un chevalier en leur route englès, qui s’appelloit
messires Jehans Mestreourde, qui point n’estoit de le
volenté et tenure des autres, mais desconsilloit ce
5qu’il pooit, et avoit desconsilliet toutdis le chevauchie,
et disoit qu’il perdoient leur temps, et qu’il ne
se faisoient que lasser et travillier en vain et à petit
de fait et de conquès.
Et estoit li dis chevaliers, qui tenoit une grant route
10et menoit de gens d’armes, partis des aultres. Messires
Robers Canolles et messires Alains de Boukeselle tenoient
toutdis leur route et estoient logiet assés priès de
le cité du Mans. Messires Thumas de Grantson, messires
Gillebiers Giffars, messires Joffrois d’Urselée, messires
15Guillaumes de Nuefville se tenoient d’autre part
à une journée en sus d’yaus. Quant messires Robers
Canolles et messires Alains sceurent le connestable de
France et le signeur de Cliçon venu ou pays, si en furent
grandement resjoy, et disent: «Che seroit bon que
20nous nos remesissions ensamble, et nous tenissions à
nostre avantage sus ce pays; il ne poet estre que messires
Bertrans en se nouvelleté ne nous viegne veoir et
qu’il ne chevauce: il le lairoit trop envis. Nous avons
ja chevaucié tout le royaume de France, et si n’avons
25trouvé nulle aventure plus avant. Mandons nostre
entente à messire Hue de Cavrelée qui se tient à
Saint Mor sus Loire, et à monsigneur Robert Briket,
à monsigneur Robert Ceni, à Jehan Cressuelle et as
aultres chapitainnes des compagnes qui sont priès de
30ci, et qui venront tantost et volentiers. Se nous
poiens ruer jus ce nouvel connestable et le signeur
de Cliçon qui nous est si grans ennemis, nous arions
[3] 3 trop bien esploitié.» Entre monsigneur Robert et
messire Alain et messire Jean Asneton n’i avoit point
de discort, mès faisoient toutes leurs besongnes par
un meisme conseil. Si envoiièrent tantost leurs lettres
5et messages secretement par devers [messire Hue de
Cavrelée et] monsigneur Robert Briket et les aultres,
pour yaus aviser et enfourmer de leur fait, et qu’il
se vosissent traire avant, et il combateroient les
François. Ossi il le segnefiièrent à monsigneur Thumas
10de Grantson, à monsigneur Gillebiert Giffart, à
monsigneur Joffroi Ourselée et as aultres, que il se
volsissent avancier et estre sus un certain pas que on
leur avoit ordonné, car il esperoient que li François
qui chevauçoient seroient combatu. A ces nouvelles
15entendirent li dessus dit très volentiers, et s’ordonnèrent
et appareillièrent selonch ce, bien et à point,
et se misent à voie pour venir vers leurs compaignons,
et pooient estre environ deus cens lances.
Onques si secretement ne si quoiement ne sceurent
20mander ne envoiier devers les compagnons, que
messires Bertrans et li sires de Cliçon ne sceuissent
tout ce qu’il voloient faire. Quant il en furent enfourmé,
il s’armèrent de nuit et se partirent avoech
leurs gens de leurs garnisons, et se trouvèrent sur les
25camps. Celle propre nuit, estoient parti de leurs logeis
messires Thumas de Grantson, messires Joffrois Ourselée,
messire Gillebiers Giffars, messires Guillaumes
de Nuefville et li aultre. Et venoient devers monsigneur
Robert Canolles et monsigneur Alain sus un
30pas où il les esperoient à trouver; mès on leur ascourça
leur chemin, car droitement en un lieu que on
appelle ou pays le Pont Volain, furent il rencontré et
[4] 4 ratendu des François, et courut sus et envay soudainnement.
Et estoient bien quatre cens lances et li Englès
deus cens. Là eut grant bataille et dure et bien combatue,
et qui longement dura, et fait tamaintes grans
5apertises d’armes de l’un costé et de l’autre; car sitos
qu’il se trouvèrent, il misent tout piet à terre et
vinrent l’uns sus l’autre moult arreement, et là se
combatirent des lances et des espées moult vaillamment.
Toutes [fois], la place demora as François, et
10obtinrent contre les Englès, et furent tout mort ou
pris: onques nulz ne s’en sauva, se il ne fu varlès ou
garçons; mès de chiaus aucuns, qui estoient monté
sus les coursiers leurs mestres, quant il veirent le
desconfiture, se sauvèrent et se partirent. Là furent pris
15messires Thumas de Grantson, messires Gillebiers
Giffars, messires Joffrois Ourselée, messires Guillaumez
de Nuefville, messires Phelippes de Courtenay, Hue
le Despensier, neveu à monsigneur Edouwart le Despensier
et pluiseur aultre chevalier et escuier, et tout
20enmené prisonniers en le cité du Mans.
Ces nouvelles furent tantost sceues parmi le pays
de monsigneur Robert Canollez et des aultres, et ossi
de monsigneur Hue de Cavrelée et de monsigneur
Robert Briket et de leurs compagnons: si en furent durement
25courouciet, et se brisa leur emprise pour celle
aventure. Et ne vinrent cil de Saint Mor sus Loire
point avant, mès se tinrent tout quoi en leurs logeis,
et messire Robers Canolles et messires Alains de Bouqueselle
se retraiirent tout bellement, et se desrompi
30leur chevaucie, et rentrèrent en Bretagne: il n’en
estoient pas lonch. Et vint li dis messires Robers en
son chastiel de Derval, et donna toutes manières de
[5] 5 gens d’armes [et d’archiers] congiet pour faire leur
pourfit là où il le poroient faire ne trouver. Si s’en
retraisent li plus en Engleterre, dont il estoient parti;
et messires Alains de Bouqueselle s’en vint ivrener
5et demorer en [sa ville de] S. Salveur le Visconte, que
li roi d’Engleterre li avoit donné.
§ 670. Apriès celle desconfiture de Pont Volain,
où une partie des Englès furent ruet jus, pour quoi
leur chevauchie se desrompi et deffist toute, messires
10Bertrans de Claiekin, qui en se nouvelleté de l’offisce
de le connestablie de France usoit, [qui] en eut
[grant] grasce et grant recommendation, s’en vint
en France, et li sires de Cliçon avoecques lui, et amenèrent
le plus grant partie de leurs prisonniers en
15leur compagnie en le cité de Paris. Là les tinrent il
tout aise et sans dangier, et les recrurent sus leurs
fois courtoisement sans aultre constrainte. Il ne les
misent point en buies, en fers, en ceps, ensi que li
Alemant font leurs prisonniers, quant il les tiennent,
20pour estraire plus grant finance. Maudit soient il!
ce sont gens sans pité et sans honneur, et ossi on
n’en deveroit nul prendre à merci. Li François fisent
bonne compagnie à leurs prisonniers, et les rançonnèrent
courtoisement, sans yaus trop grever ne presser.
25De l’avenue de Pont Volain et dou damage des
Englès furent moult couroucié li princes, li dus de
Lancastre et cil de leur costé qui se tenoient à
Congnach après le revenue et reconquès de Limoges.
En ce temps, et environ le Noël, trespassa de ce
30siecle en Avignon papes Urbains Vez qui tant fu vaillans
clers, preudons et bons François. Et adont se
[6] 6 misent li cardinal en conclave et eslisirent entre yaus
un pape et le fisent par commun acord dou cardinal
de Biaufort; si fu cilz papes appellés Grigores XIez.
De le creation et divine providensce de lui fu durement
5li rois de France liés, pour tant qu’il le sentoit
bon François et preudomme; et estoit au temps de
se creation dalés lui en Avignon li dus d’Ango, qui y
rendi grant painne qu’il le fust.
En ce temps avint à monsigneur Eustasse d’Aubrecicourt
10une moult dure aventure. Car il chevauçoit
en Limozin; si vint un soir ou chastiel le signeur de
Pierebufière qu’il tenoit pour ami et pour compagnon
et pour bon Englès; mais il mist Thiebaut dou
Pont, un bon homme d’armes breton, et se route
15dedens son chastiel, li quelz prist pour son prisonnier
monsigneur Eustasce, qui de ce ne se donnoit
garde, et l’emmena avoeques lui comme son prison
et rançonna de puis à douse mil frans, dont il en
paia quatre mil, et ses filz François demora en ostages
20pour le demorant devers le duch de Bourbon, qui
l’avoit raplegiet et rendu grant painne à sa delivrance,
pour le cause de ce que messires Eustasses
d’Aubrecicourt avoit ossi rendu grant painne et grant
travel à ma dame sa mère, que les compagnes
25prisent à Belleperche. De puis sa delivrance, messires
Eustasses s’en vint demorer en Quarentin, oultre les
gués Saint Climench, en le Basse Normendie, une
bonne ville que li rois de Navare li avoit donné; et
là morut: Dieus en ait l’ame! car il fu, tant qu’il
30vesqui et dura, moult vaillans chevaliers.
§ 671. En ce temps s’en raloit de Paris en son
[7] 7 pays en Limozin, messires Raymons de Maruel, qui
s’estoit tournés François. Si eut un assés dur rencontre
pour lui, car il trouva une route d’Englès des
gens de messire Hue de Cavrelée, que uns chevaliers
5de Poito menoit. Si cheï si à point entre leurs mains
qu’il ne peut fuir, et fu pris et menés ent prisonniers
en Poito ou chastiel du dit chevalier. La prise de
monsigneur Raymon fu sceue en Engleterre, et tant
que li rois en fu enfourmés. Si escripsi tantos li dis
10rois devers le dit chevalier, en lui mandant qu’il li
envoiast son ennemi et trahitte, monsigneur Raymon
de Marueil, car il en prenderoit si grant punition
qu’il seroit exemples à tous aultres, et pour se prise il
li donroit sis mil frans. Messires Joffrois d’Argenton,
15qui le tenoit et en quelle prison il estoit, ne volt mies
desobeïr au roy, son signeur, et dist que tout ce feroit
il volentiers. Messires Raymons de Maruel fu
enfourmés comment li rois d’Engleterre le voloit
avoir et l’avoit mandé, et comment ses mestres estoit
20tous avisés de lui là envoiier. Quant messires Raymons
sceut ces nouvelles, si fu plus esbahis que
devant: ce fu bien raisons. Et commença en se prison
à faire les plus grans et les plus piteus regrés dou
munde; et tant que cilz qui le gardoit, [qui estoit
25englès et de la nation d’Engleterre], en eut grant pité
et le commença à reconforter moult doucement.
Messires Raymons, qui ne veoit nulz reconfors en ses
besongne[s], puis que mener en Engleterre on le devoit
devers le roy, se descouvri envers sa garde, et li dist:
30«Mon ami, se vous me voliés oster et delivrer de ce
dangier, je vous ay en couvent sus ma loyauté que je
vous partirai moitié à moitié toute ma terre, et vous
[8] 8 en ahireterai, ne jamais je ne vous faurrai.» Li Englès,
qui estoit uns povres hom, considera que messires
Raymons estoit en peril de sa vie, et qu’il li prommetoit
grant courtoisie: si en eut pité et compassion,
5et dist qu’il se metteroit en painne de lui sauver.
Adont messires Raymons, qui fut moult resjoïs de
ceste parolle, li creanta se foy qu’il li tenroit son couvent
et encores oultre, se il voloit. Et sus cel estat
s’assegurèrent et avisèrent comment il s’en poroient
10chevir.
Quant ce vint de nuit, cilz Englès qui portoit les
clés dou chastiel et de la tour, où messires Raymons
estoit, ouvri la prison et une posterne dou chastiel,
et fist tant qu’il furent hors, et se misent as camps et
15dedens un bois, pour yaus esconser, par quoi il ne
fuissent rataint. Et eurent celle nuit tant de povreté que
nulz ne la diroit, car il cheminèrent plus de set liewes
tout à piet; et si estoit gellé par quoi il descirèrent tous
leurs piés; et fisent tant que il vinrent à l’endemain en
20Ango en une forterèce françoise, où il furent recueillié
des compagnons qui le gardoient, as quelz messires
Raymons compta sen aventure: si en loèrent tout
Dieu, quant il le sceurent. Bien est voirs que à l’endemain,
quant on se fu aperceu qu’il estoient parti, on
25les quist à gens de chevaus tout par tout, mès on n’en
peut nul trouver. Ensi escapa de grant peril messires
Raymons de Maruel, et retorna en Limozin et recorda
à ses amis comment cilz escuiers englès li avoit fait
grant courtoisie. Si fu de puis li dis Englès moult
30amés et honnourés entre yaus. Et li voloit messires
Raymons donner le moitié de son hiretage, mès cilz
n’en volt onques tant prendre, fors seulement deus
[9] 9 cens livrées de revenue; c’estoit assés, ce disoit, pour
lui et pour son estat parmaintenir.
§ 672. En ce temps trespassa de siècle en le cité
de Bourdiaus li ainsnés filz dou prince et de la princesse;
5si en furent durement couroucié: ce fu bien
raisons. Pour le temps de lors fu consillié au dit
prince de Galles et d’Aquitainnes qu’il retournast en
Engleterre sus se nation, en espoir de recouvrer plus
grant santé qu’il n’avoit encore eu. Et ce conseil li
10donnèrent si surgien et phisicien qui se cognissoient
à se maladie. Li princes se assenti moult bien à ce
conseil, et dist que volentiers il y retourneroit. Si fist
ordener sur ce toutes ses besongnes et me samble que
li contes de Cantbruge, ses frères, et li contes Jehans
15de Pennebruch furent ordonné de retourner avoecques
lui atout leurs gens, pour lui faire compagnie.
Quant li dis princes deubt partir d’Aquitainnes, et
que se navie fu toute preste sus le rivière de Garone
ou havene de Bourdiaus, et proprement il estoit là et
20ma dame sa femme et le jone Richart, leur fil, il fist
un mandement très especial en le ditte cité de Bourdiaus
de tous les barons et chevaliers de Gascongne
et de Poito et de tout ce dont il estoit sires et avoit
l’obeïssance. Quant il furent tout venu et mis ensamble
25en une cambre en sa presence, il leur remoustra
comment il avoit esté leurs sires et les avoit tenu
en pais tant qu’il avoit pout, et en grande prosperité
et poissance contre tous leurs voisins, et que pour
recouvrer santé dont il avoit grant besoing, il avoit
30espoir [et intention] de retourner en Engleterre. Si
leur prioit chierement que le duch de Lancastre, son
[10] 10 frère, il vosissent croire et servir et obeïr à lui, comme
il avoient fait dou temps passé à lui; car il le trouveroient
bon signeur courtois et acordable, et ossi en
toutes ses besongnes il le volsissent aidier et consillier.
5Li baron d’Aquitainnes, de Gascongne, de Poito
et de Saintonge li eurent tout en couvent, et li jurèrent
par leurs fois que ja en yaus n’i trouveroient
defaute, et fisent la feaulté et hommage au dit duch,
et li recogneurent toute amour, service et obeïssance,
10et li jurèrent, present le prince, et le baisièrent
tout en le bouche.
Apriès ces ordenances faites, li dis princes ne sejourna
point plenté [en le cité de Bourdiaux], ains
entra en son vaissiel, et ma dame la princesse, et
15leur fil, et li contes de Cantbruge et li contes de
Pennebruch. Et estoient bien en celle flote cinc cens
combatans sans les archiers. Si singlèrent tant que
sans peril et sans damage il arrivèrent ou havene de
Hantonne. Là issirent il des vaissiaus, et s’i rafreschirent
20par trois jours, et puis montèrent à chevaus,
et li princes en se littière, et tant esploitièrent qu’il
vinrent à Windesore où li rois se tenoit qui rechut
ses enfans moult doucement, et s’enfourma par yaus
de l’estat de Giane. Quant li princes eut estet dalés
25le roy, son père, tant que bien li souffi, il prist congiet,
et se retraiy à son hostel de Berkamestede à
vint liewes de le cité de Londres.
Nous nos soufferons à parler tant qu’en present
dou prince, et parlerons des besongnes d’Aquitainne.
30§ 673. Assés tost apriès che que li princes de Galles
fu partis de Bourdiaus, li dus de Lancastre entendi
[11] 11 à faire faire l’obseque de son cousin Edouwart, le fil
dou prince, son frère. Si le fist moult grandement
et moult reveramment en le cité de Bourdiaus; et là
furent tout li baron de Gascongne et de Poito qui
5avoient juré obeïssance à lui.
Entrues que ces ordenances se faisoient et que on
entendoit à faire cel obseque, et que cil signeur se
tenoient à Bourdiaus, issirent [hors] de le garnison
de Pieregorch bien deus cens lances de Bretons qui
10là se tenoient que li dus d’Ango y avoit envoiiés, des
quelz estoient chapitainne quatre bon chevalier et
hardi homme malement; je les nommerai. Che furent
messires Guillaumes de Loncval, messires Alains
de le Housoie, messires Loeis de Mailli et li sires
15d’Arsi. Si chevauchièrent cil signeur et leurs routes jusques
à un chastiel biel et fort que on dist de Montpaon,
dou quel messires Guillaumes de Montpaon
estoit sires. Quant cil Breton furent venu jusques à
là et il eurent couru devant les barrières, il moustrèrent
20grant samblant d’assaut et l’environnèrent
moult faiticement. Messires Guillaumez de Montpaon,
à ce qu’il moustra, avoit le corage plus françois que il
n’euist englès, et se rendi, et tourna François à peu
de fait, mist les dessus dis chevaliers et leurs gens en
25sa forterèce, li quel disent qu’il le tenroient contre
tout homme. Si le remparèrent et raparillièrent et
rafreschirent de ce que il y apertenoit. Ces nouvelles furent
sceues à Bourdiaus [tantost] coment li dus de
Lancastre et li baron de Giane n’esploitoient mies bien,
30car li Breton chevauçoient et avoient pris Montpaon
qui marcist assés priès de là. De quoi li dus et tout
li signeur qui là estoient eurent grant virgongne,
[12] 12 quant il le sceurent, et se ordonnèrent [et appareillèrent]
tantost pour yaus traire celle part. Et partirent
de le cité de Bourdiaus sus un merkedi après boire
en grant arroy. Avoecques le duch de Lancastre estoient
5li sires de Pons, li sires de Partenay, messires
Loeis de Harcourt, messires Guichars d’Angle, messires
Percevaus de Coulongne, messires Joffrois d’Argenton,
messires Jakemes de Surgières, messires
Mauburnis de Linières, messires Guillaumes de
10Monttendre, messires Huges de Vivone, li sires de
Crupegnach et pluiseur autre baron et chevalier de
Poito et de Saintonge. Si y estoient de Gascongne li
captaus de Beus, li sires de Pumiers, messires Helyes
de Pumiers, li sires de Chaumont, li sires de Monferrant,
15li sires de Longuerem, li soudis de l’Estrade, messires
Bernardès de Labreth, sires de Geronde, messires
Aymeris de Tarse et pluiseur aultre; et d’Engleterre,
messires Thumas de Felleton, messires Thumas
de Persi, li sires de Ros, messires Mikieus de la Poule,
20li sires de Willebi, messires Guillaumes de Biaucamp,
messires Richars de Pontchardon, messires Bauduins
de Fraiville, messires d’Agorisès et pluiseur aultre.
Si estoient bien set cens lances et cinc cens arciers.
Si chevaucièrent moult arreement et ordonneement
25par devers Montpaon et fisent tant qu’il y
parvinrent.
Quant messires Guillaumes de Montpaon sceut
que li dus de Lancastre et toutes ses gens le venoient
assegier, si ne fu mie trop assegurés, car bien savoit
30que se il estoit pris, il le feroient morir à grant
painne, et que point ne seroit receus à merci, car
trop il s’estoit fourfais. Si s’en descouvri à quatre
[13] 13 chevaliers dessus dis, et lor dist qu’il se partiroit et iroit
tenir à Pieregorch, et que dou chastiel il fesissent
leur volenté. Adont se departi li dessus dis ensi que
proposé l’avoit, et s’en vint en le cité de Pieregorch
5qui est moult forte, et laissa son chastiel en le garde
des quatre chevaliers dessus dis.
§ 674. Quant li dus de Lancastre, li baron et li
chevalier et leurs routes, furent venu devant le chastiel
de Montpaon, si le assegièrent et environnèrent
10de tous lés, et s’i bastirent ossi fort et ossi bien que
dont que il y deuissent demorer set ans. Et ne
sejournèrent mies quant il y furent venu, mais se
ordonnèrent et se mirent tantos à l’assallir de grant
volenté, et envoiièrent querre et coper par les villains
15dou pays grant fuison de bois, [d’arbres], de mairiens
et de belourdes; si les fisent là amener et achariier
et reverser ens es fossés; et furent bien sus cel estat
vint jours que on n’entendoit à aultre chose fors que
de raemplir les fossés. Et sus ces bois et mairiens on
20mettoit estrain et terre, et tant fisent li dit signeur par
l’ayde de leurs gens que il raemplirent une grande
quantité des fossés; et tant que il pooient bien venir
jusques as murs pour escarmucier à ceulz dedens,
ensi que il faisoient tous les jours par cinc ou par sis
25assaus. Et y avoit les plus biaus estours dou monde,
car li quatre chevalier breton, qui dedens se tenoient
et qui entrepris à garder l’avoient, estoient droites
gens d’armes et qui si bien se deffendoient et si vaillamment
se combatoient que il en sont grandement
30à recommender, ne quoi que li Englès et li Gascon
les approçassent de si priès que je vous di, nullement
[14] 14 point ne s’en effreoient, ne sus yaus rien on ne
conqueroit.
Assés priès de là en le garnison de Saint Malkaire
se tenoient aultre Breton des quelz Jehans de Malatrait
5et Selevestre Bude estoient chapitainne. Cil doi
escuier, [qui] ooient parler tous les jours et recorder
les grans apertises d’armes que on faisoit devant
Montpaon, avoient grant desir et grant envie que il
y fuissent; si en parlèrent ensamble pluiseurs fois en
10disant: «Nous savons nos compagnons priès de ci et
si vaillans gens que telz et telz», et les nommoient,
«qui ont tous les jours par cinc ou sis estours le bataille
à le main, et point n’i alons, qui ci sejournons à riens
de fait: certainnement nous ne nos en acquittons pas
15bien.» Là estoient en grant estri d’aler y, et quant
il avoient tout parlé, et il consideroient le peril de
laissier leur forterèce sans l’un d’yaus, il ne par
osoient. Si dist une fois Selevestre Bude: «Par Dieu,
Jehan, ou je irai, ou vous irés; or regardés li quelz
20ce sera.» Respondi Jehans: «Selevestre, vous
demorrés, et jou irai.» Là furent de recief en estri
tant que par accort et par sierement fait et juré,
present tous leurs compagnons, il deurent traire
à le plus longe, et cilz qui aroit le plus longe iroit,
25et li aultres demoroit. Si traisent tantost, et escheï
Selevestre Bude à le plus longhe; lors y eut des
compagnons grant risée. Li dis Selevestres ne le
tint mies à gas, mais s’apparilla tantost, et monta
à cheval, et se parti li XIIez de hommes d’armes.
30Et chevauça tant que sus le soir il s’en vint bouter
en le ville et forterèce de Montpaon, dont li chevalier
et li compagnon, qui là dedens estoient,
[15] 15 eurent grant joie, et en tinrent grant bien dou dit
Selevestre.
§ 675. Si com je vous ay ci dessus dit, il y avoit
tous les jours assaut à Montpaon, et trop bien li chevalier
5qui dedens estoient se deffendoient, et y acquisent
haute honneur, car jusques adont que on leur
fist reverser un pan de leur mur, il ne s’effraèrent.
Mais je vous di que li Englès ordenèrent mantiaus et
atournemens d’assaut, quant il peurent approcier par
10mi les fossés raemplis jusques au mur; et là avoit brigans
et gens paveschiés bien et fort, qui portoient
grans pis de fier, par quoi de force il piketèrent tant
le mur qu’il en fisent cheoir sur une remontière plus
de quarante piés de large. Et puis tantost li signeur
15de l’ost ordonnèrent et establirent une grande bataille
de leurs arciers à l’encontre, qui traioient si ouniement
à chiaus de dedens que nulz ne s’osoit
mettre avant ne apparoir. Quant messires Guillaumes
de Loncval, messires Alains de le Housoie, messires
20Loeis de Mailli et li sires d’Arsi se veirent en ce
parti, si sentirent bien qu’il ne se pooient tenir. Si
envoiièrent tantost un de leurs hiraus, monté à cheval,
tout par mi ce mur trauet pour parler de par yaus au
duch de Lancastre, car il voloient entrer en trettié, se
25il pooient. Li hiraus vint jusques au duch, car on
li fist voie, et remoustra ce pour quoi il estoit là
envoiiés. Li dus par le conseil des barons, qui là
estoient, donna respit à chiaus de dedens, tant que
il euissent parlementé à lui. Li hiraus retourna, et
30fist celle relation à ses mestres, et tantost tout quatre
il se traisent avant. Si envoia li dis dus parler à yaus
[16] 16 monsigneur Guichart d’Angle. Là sus les fossés furent
il ensemble en trettié, et demandèrent en quel
manière li dus les voloit prendre ne avoir. Messires
Guiçars, qui estoit cargiés de ce qu’il devoit dire et
5faire, leur dist: «Signeur, vous avés durement couroucié
monsigneur, car vous l’avés ci tenu plus de
onse sepmainnes où il a grandement fraiiet et perdu
de ses gens; pour quoi il dist qu’il ne vous recevera ja
ne prendera, se vous ne vous rendés simplement, et
10encores voet il tout premierement avoir monsigneur
Guillaume de Montpaon et faire morir, ensi qu’il a
desservi comme trahitour envers lui.» Lors respondi
messires Loeis de Mailli, et dist: «Messires Guiçart,
tant que de monsigneur Guillaume que vous demandés
15à avoir, nous vous jurrons bien en loyauté que nous
ne savons où il est, et que point il ne se tient en ceste
ville ne n’est tenus de puis que vous mesistes le si[è]ge
ci devant; mais il nous seroit moult dur de nous rendre
en le manière que vous volés avoir, qui ci sommes
20envoiiet comme saudoiier, gaegnans nostre argent,
ensi que vous envoieriés le[s] vostres ou vous iriés
personelment. Et ançois nous feissions ce marchié, nous
nos venderions si chierement que on en parleroit
cent ans à venir. Mais retournés devers monsigneur le
25duch, et li dittes qu’il nous prende courtoisement
sus certainne composition de raençon ensi que il
vorroit que il fesist les siens, se il estoient escheu en
ce dangier.» Lors respondi messires Guiçars, et dist:
«Volentiers; j’en ferai mon plain pooir.» A ces
30parolles retourna li dis mareschaus devers le duch,
et prist en se compagnie le captal de Beus, le signeur
de Rosem et le signeur de Muchident, pour mieulz
[17] 17 abrisier le duch. Quant cil signeur furent devant lui,
se li remoustrèrent tant de belles parolles, unes et aultres,
qu’il descendi à leur entente, et prist les quatre
chevaliers bretons dessus dis et Selvestre Bude et leurs
5gens à merci comme prisonniers. Ensi eut il de
rechief le saisine et possession de [le forteresche de]
Montpaon; et prist le feauté des hommes de le ville,
et y ordonna deus chevaliers gascons et quarante
hommes d’armes et otant d’arciers pour le garder.
10Et le fisent cil tantost reparer bien et à droit par les
païsans de là environ, et le refreschirent de vivres et
d’artillerie.
§ 676. Apriès le reconquès de Montpaon, et que
li dus de Lancastre l’eut repourveue de bonnes gens
15d’armes et de chapitainnes, ils se deslogièrent; et
donna li dis dus congiet à toutes ses gens pour
retraire cescun en son lieu. Si se departirent li un de
l’autre et retournèrent en leurs nations, et s’en
revint li dus en le cité de Bourdiaus et li Poitevin en
20leur pays, et li signeur de Gascongne [s’en ralèrent]
en leurs villes et chastiaus. Si se commencièrent à
espardre les compagnes sus les pays, li quel y faisoient
moult de maulz, ossi bien en terre d’amis que
d’anemis. Si les soustenoit li dis dus et leur souffroit
25à faire leurs aises pour le cause de ce qu’il en pensoit
à avoir besongne. Et par especial les guerres
estoient pour le temps de lors plus dures et plus
fortes sans comparison en Poito que aultre part. Et
tenoient une grande garnison li François ou chastiel
30de Montcontour à quatre liewes de Touwars et à sis
de Poitiers; des quelz messires Piêres de la Gresille
[18] 18 et Jourdains de Coulongne estoient chapitainne et
souverain. Si couroient priès que tous les jours
[devant Touwars ou devant Poitiers, et y faisoient
grans contraires et moult les resongnoient chil du
5païs; d’autre part à Chastel Eraut se tenoit Charuels
et bien cinc cens Bretons qui trop adamagoient le
païs; et chil de le Roche de Ponsoy et chil de
Saint Salvin ossi priès que tous les jours], et n’osoient
li baron et li chevalier de Poito, qui Englès
10se tenoient, chevaucier fors en grant route pour le
doubtance des François qui estoient enclos en leur
pays.
§ 677. Assés tost apriès le revenue de Montpaon
et que cil signeur de Poito furent retrait en leur
15pays, qui tenoient frontière as François, y eut secrés
trettiés entre monsigneur Loeis de Saint Juliien, le
visconte de Rocewart, et aultres François d’un costé,
et le signeur de Pons; et tant parlementèrent et tant
esploitièrent li François par mi grans pourças qui
20vinrent dou roy de France qui nuit et jour travilloit
à attraire chiaus de Poito à son accord, que li sires
de Pons se tourna françois oultre la volenté de ma
dame sa femme, et chiaus de sa ville de Pons en
Poito, et demora à ce dont la dame englesce et li
25sires françois.
De ces nouvelles furent moult courouciet li baron
et li chevalier de Poito qui englès estoient; car
cilz sires de Pons est là uns grans sires malement.
Quant li dus de Lancastre entendi ce, si en eut grant
30mautalent et tint grant mal dou signeur de Pons et
grant bien de ma dame sa femme, et de chiaus de le
[19] 19 ville de Pons, qui se voloient tenir englès. Si y envoia
tantost pour estre chapitainne de la ditte ville
de Pons, et pour aidier et consillier la dame, un chevalier
qui s’appeloit messires Aymenions de Bourch,
5hardi homme et vaillant durement. Si couroit priès
que tous les jours li sires de Pons devant sa ville et
ne les deportoit en riens. Et tele fois y venoit que
il estoit recaciés et reboutés, et retournoit à damage.
Ensi estoient là les coses entoueillies, et li signeur et
10li chevalier l’un contre l’autre; et y fouloit li fors le
foible ne on n’i faisoit droit ne loy ne raison à
nullui. Et estoient les villes et li chastiel entrelachiet
li un en l’autre, li uns englès, li autres françois, qui
couroient et racouroient et pilloient li un sus l’autre
15sans point de deport.
Or s’avisèrent aucun baron et chevalier de Poito
qui englès estoient, que cil de le garnison de
Montcontour les travilloient plus que nul aultre et
que il se trairoient celle part et les iroient assegier.
20Si fisent un mandement en le cité de Poitiers,
ou non dou seneschal de Poito, monsigneur Thumas
de Persi, au quel commandement obeïrent
tout chevalier et escuier, et furent bien cinc cens
lances et deus mil brigans paveschiés par mi les
25arciers. Là estoient messires Guiçars d’Angle, messires
Loeis de Harcourt, li sires de Partenay, li sires
de Puiane, li sires de Tannai Bouton, li sires de Crupegnach,
messires Parcevaus de Coulongne, messires
Joffrois d’Argenton, messires Huges de Vivone, li
30sire de Tors, li sires de Puisances, messires Jakemes
de Surgières, messires Mauburnis de Linières et pluiseur
aultre; et ossi des chevaliers englès qui pour
[20] 20 le temps se tenoient en Poito, par cause d’office ou
de garder le pays, telz que monsigneur Bauduin de
Fraiville, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Gautier
Huet, monsigneur Richart de Pontchardon et
5des aultres. Quant il se furent tout mis ensamble
à Poitiers, et il eurent ordonné leurs besongnes, leur
arroi et leur charoi, il se partirent à grant esploit et
prisent le chemin de Montcontour, tout ordonné
et appareillié ensi que pour le assegier.
10§ 678. Cilz chastiaus de Montcontour siet sur les
marces d’Ango et de Poito, et est malement fors et
biaus, à quatre liewes de Touars. Tant esploitièrent li
dessus dit Poitevin, qui estoient bien en compte
15trois mil combatant, que il y parvinrent. Si le assegièrent
et environnèrent tout au tour; et avoient fait
amener et achariier avoech eulz grans engiens de le
cité de Poitiers, et ossi il en mandèrent en le ville de
Touars. Si les fisent, tantost qu’il furent venu, drecier
par devant le dit chastiel de Montcontour, li quel
20jettoient nuit et jour à le ditte forterèce. Avoecques
ce, li signeur envoioient leurs gens tous les jours
assallir et escarmucier à chiaus dou dit fort, et là
eut fait pluiseurs grans apertises d’armes, car avoech
les Poitevins estoient gens de compagnes qui point ne
25voloient sejourner, telz que Jehans Cressueille et
David Holegrave. Cil doi avoecques monsigneur
Gautier Huet en estoient chapitainne. Messires Pières
de la Gresille et Jourdains de Coulongne qui dedens
estoient, se portoient vaillamment, et s’en venoient
30tous les jours combatre as Englès à leurs barrières.
Entre les assaus que là eut fais, dont il en y eut
[21] 21 pluiseurs au Xe jour que li Englès et Poitevin
furent là venu, il s’avancièrent telement et de si
grant volenté et par si bonne ordenance, que de
force il pertruisièrent les murs dou chastiel, et entrèrent
5dedens, et conquisent les François. Et y furent
tout mort et occis cil qui dedens estoient, excepté
messires Pières et Jourdains, et cinc ou sis hommes
d’armes que les compagnes prisent à merci.
Apriès ceste avenue et le prise de Montcontour,
10messires Thumas de Persi, messires Loeis de Harcourt
et messires Guiçars d’Angle par l’acort et conseil des
aultres barons et chevaliers, donnèrent le chastiel à
monsigneur Gautier Huet, à Jehan Cressuelle et à
David Holegrave et as compagnes qui bien estoient
15cinc cens combatans, pour faire la frontière as Poitevins
contre chiaus d’Ango et du Maine; et puis se
departirent li signeur, et retournèrent cescuns en
leurs lieus. Ensi demora li chastiaus de Montcontour
et li frontière en le garde et ordenance des dessus
20dis qui y fisent tantost une grande garnison, et le
remparèrent grandement, et le tinrent de puis moult
longement, et moult grevèrent le pays de là environ,
car tous les jours il couroient en Ango et en
Mainne.
25§ 679. Nous retourrons à parler de monsigneur
Bertran de Claiekin, connestable de France, qui s’estoit
tenus à Paris et dalés le roy, de puis le revenue
de Pont Volain, où ilz et li sires de Cliçon avoient
ruet jus les Englès, sicom ci dessus est dit, et bien
30avoient entendu que li Englès en Poito et en Ghiane
tenoient les camps. Si ques tantost apriès le Candeler,
[22] 22 que li prins tamps commença à retourner, li dis
messires Bertrans s’avisa qu’il metteroit sus une
grande armée et assamblée de signeurs et de gens
d’armes, et chevauceroit d’autre part ossi bien que li
5Englès chevauçoient en Poito ou pays de Quersi et de
Roerge, car là avoit aucuns Englès qui s’i tenoient
trop honnourablement et estoient tenu de puis la
guerre renouvelée. Et encores de nouviel les gens
monsigneur Jehan d’Evrues, qui se tenoient ou pays
10de Limozin, avoient en Auvergne pris un chastiel,
cité et ville tout ensamble qui s’appelle [Ussel], qui
mies ne faisoit à souffrir. Si disoit li dis connestables
que il se voloit traire de celle part. Si fist par le congiet
dou roy un grant mandement de signeurs, de
15gens d’armes et d’arciers; et se parti de Paris à grant
route et toutdis li croissoient gens. Et tant esploita
li dis connestables qu’il vint en Auvergne. Adont estoient
dalés lui et en se compagnie li dus de Berri,
li dus de Bourbon, li contes d’Alençon, li contes du
20Perce, ses frères, li contes de Saint Pol, li daufins
d’Auvergne, li contes de Vendome, li contes de Porsiien,
li sires de Sulli, li sires de Montagut, messires
Huges Dauffins, li sires de Biaugeu, li sires de Rocefort,
li sires de Calençon et grant fuison de barons
25et de chevaliers des marces et tenures de France.
Si esploitièrent tant ces gens d’armes avoech le dessus
dit connestable que il vinrent devant le cité
d’Ussel. Si le assegièrent et y furent quinse jours. Là
en dedens il y eut pluiseurs assaus, grans et fors;
30mais onques en celle empainte il ne peurent prendre
le forterèce, car il y avoit dedens Englès, qui trop
vaillamment le gardèrent. Si s’en partirent ces [gens]
[23] 23 d’armes et chevaucièrent oultre avoech le connestable
en Roerge.
Et li aucun des chiés des signeurs vinrent en Avignon
veoir le pape Grigore et le duch d’Ango, qui se
5tenoit dalés lui. Tantost apriès celle visitation, que
cil signeur fisent au pape et au duch d’Ango, il se
departirent de le cité d’Avignon et se retraisent devant
le connestable qui chevauçoit en Roerge et conqueroit
villes et chastiaus sus les Englès. Si s’en vinrent
10devant le ville de La Millau, et le assegièrent, la
quele messire Thumas de Welkefare tenoit et avoit
tenu tout le temps, et aussi le Roce Vauclere. Mais
li dessus dis chevaliers englès, par composition à ce
dont que messires Bertrans fu venus ou pays, s’en
15parti et li Englès qui de se route se tenoient. Et li
rendirent encores aucuns chastiaus sur les frontières
de Limozin. Et quant li dis messires Bertrans les ot
rafreschis, il prist son chemin et son retour, et tout
cil signeur de France en se compagnie pour venir
20de rechief devant le cité d’Ussel, en Auvergne, et le
assegièrent. Et fisent là li dus de Berri et li dus de
Bourbon et li connestables amener et achariier grans
engiens de Rion et de Clermont, et drecier devant
la ditte forterèce, et avoech tout ce appareillier grans
25atournemens d’assaus.
§ 680. Quant li Englès, qui s’estoient tenu en le
cité d’Ussel si vaillamment, veirent le manière et ordenance
dou connestable et des François, et il entendirent
que messires Thumas de Welkefare estoit partis
30de ses forterèces de Roerge et que confors ne leur
apparoit de nul costé, si se commencièrent à consillier
[24] 24 et aviser qu’il se renderoient par trettié, non aultrement.
Si trettièrent si bellement et si sagement
devers le connestable, qu’il se partirent sans damage
et sans blasme, et emportoient tout le leur, ce que
5porter en pooient devant yaus. Et avoech tout ce, on
les devoit conviier jusques à Sainte Sivière en Limozin.
Ceste ordenance fut tenue: li Englès se partirent
et rendirent tout ce que il tenoient d’Ussel,
cité et chastiel, et furent mené sanz peril jusques en
10le garnison dessus dite. Ensi acquitta en ce voiage
messires Bertrans un grant fuison de pays que li Englès
avoient tenu, et tourna françois; dont il acquist
grant grasce, et puis retourna en France.
Vous avés bien ci dessus oy parler de le chevaucie
15monsigneur Robert Canolles, qu’il fist en France, et
comment il retourna en son pays de Derval en
Bretagne; et est bien voirs que aucun Englès, à
leur retour, parlèrent grandement de sen honneur
en Engleterre, et tant que li rois et ses consaulz en
20furent enfourmé contre lui et mal content. Mais
quant li dis messires Robers le sceut, il s’envoia escuser
par deus de ses escuiers d’onneur, telement que
li rois et se[s] consaulz se tinrent pour mal enfourmé
en devant dou dit monsigneur Robert, et de lui bien
25se contentèrent, parmi ce que messires Alains de Bouquesele
et aucun aultre chevalier, bien amé et proçain
dou roy, l’aidièrent à escuser. Et en fu trouvés
en son tort tant que il le compara chierement, messires
Jehans Mestreourde, car il en fu pris et justiciés
30publikement en le cité de Londres. Par celle justice fu
lavés et escusés de toutes amises li dessus dis messires
Robers et demora en le grace dou roy et dou prince.
[25] 25 § 681. Li rois d’Engleterre qui se veoit guerriiés
et cuvriiés des François malement, acqueroit amis,
ce qu’il pooit, par de deça le mer. Et avoit pour lui
le duch de Guerles, son neveu, et le duch de Jullers,
5et devoient en celle saison mettre sus une grande
somme de gens d’armes, et bien estoit en leur poissance
pour entrer en France. Et de ce et d’yaulz se
doubtoit bien li rois de France. En ce temps envoioit
li rois d’Engleterre le conte de Herfort et les chevaliers
10de son hostel moult ordeneement en Bretagne,
pour parler au duch sus aucunes ordenances qui devoient
estre entre lui et le duch.
Et pour lors n’estoient point bien cler li Englès et
li Flamench, et s’estoient celle saison heriiet sus mer,
15et tant que li Flamench avoient perdu: dont il leur
desplaisoit. Si se trouvèrent d’aventure devant un
havene en Bretagne que on dist à le Bay, chil Englès
et cil Flamench. Si estoit paterons de le navie des
Flamens Jehans Pietresone, et des Englès messires
20Guis de Briane. Si tretos comme il se furent trouvé, il
ferirent ensamble et assamblèrent de leurs vaissiaus;
et là eut grant bataille et dure malement. Et estoient
là des chevaliers dou dit roy avoec le comte de Herfort,
messires Richars de Pennebruge, messires Alains de
25Bouquesele, messires Richars Sturi, messires Thumas
Wisk, et des aultres. Si se combatirent chil chevalier
et leurs gens moult asprement à ces Flamens, et s’i
portèrent très vaillamment, comment que li Flamench
fuissent plus grant fuison et pourveu de leur
30fait. Car il n’avoient desiré toute le saison aultre cose
que il peuissent avoir trouvés les Englès, mais pour
ce ne l’eurent il mies davantage. Si dura ceste bataille
[26] 26 sus mer bien trois heures, et là ot fait pluiseurs
apertises d’armes et maint homme navré et
blechié dou trait. Et avoient leurs nefs atachies à
grawés de fier et à kainnes pour quoi il ne peuissent
5fuir. Toutes fois finablement la place demora as Englès,
et furent li dit Flamench desconfi, et sires
Jehans Pietresone, leurs paterons, pris, et tous li demorans
mors et pris; onques piés n’en escapa. Et
retournèrent li dit Englès arrière en Engleterre, qui
10en menèrent leur conquès et leurs prisonniers, et ne
fisent point leur voiage en Bretagne adont. Si comptèrent
ces nouvelles au roi d’Engleterre lor signeur,
qui fu moult joians de leur avenue, quant il entendi
que li Flamench qui envay les avoient, estoient desconfi.
15Si furent tantos envoiiet en prison fremée
Jehan Pietresone et li aultre, et espars par mi
Engleterre.
§ 682. Apriès celle desconfiture qui fu faite sus
les Flamens, devant le Bay en Bretagne, li rois d’Engleterre
20mist grans gens sus mer à l’encontre des
Flamens, et les commanda à guerriier et heriier et à
clore les pas, par quoi riens ne leur venist fors à
grant dangier. Quant cil de Bruges, d’Ippre et de
Gand entendirent ces nouvelles, si misent leurs consaulz
25ensamble et disent, tout imaginé et consideré,
que pourfitable ne leur estoit mie d’avoir la guerre
et le hayne as Englès, qui leur estoient voisin et marcissant
à yaus, pour l’oppinion de leur signeur le
conte aidier à soustenir, comment que il en touchoit
30aucunement à yaus, otant bien c’au conte. Si se dissimulèrent
li plus sage des bonnes villes, et envoiièrent
[27] 27 de par yaus souffisans hommes et bons
trettieurs en Engleterre devers le roy et son conseil,
li quel esploitièrent si bien [ains leur retour], que
il aportèrent pais au pays de Flandres et as Flamens
5sus certains articles et ordenances qui furent ditté et
seelé entre l’une partie et l’autre: si demora la cose
en bon et segur estat.
Or parlerons un petit dou roy Jame de Mayogres.
§ 683. Vous avés bien oy recorder comment li
10rois de Mayogres fu pris ou Val d’Olif en Castille au
reconquès que li rois Henris fist en Espagne, et demora
prisonniers au dit roy Henri. Quant la royne
de Naples, sa femme, et la markise de Montferrat, sa
soer, entendirent ces nouvelles, si furent moult coureciés
15de l’avenue et y pourveirent de remede et de
conseil. Je vous dirai par quel manière elles traittièrent
et fisent traittier par sages et vaillans hommes
devers le roy Henri; et tant que li rois de Mayogres
fu mis à finance et rançonnés à cent mil frans, le[s]quelz
20les deus dames dessus dittes paiièrent si courtoisement
que li rois Henris leur en sceut gré. Tantost
que li rois de Mayogres se peut partir, il retourna en
Naples et ne volt mies sejourner; mès quist or et argent
à grant pooir et amis de tous lés. Et se remist
25de rechief au chemin en istance de ce que pour guerriier
le roy d’Arragon, sen adversaire, qu’il ne pooit
amer; car il li avoit son père mort et li tenoit son
hiretage. Si esploita tant li dis rois qu’il vint en Avignon
devers le pape Grigore XIe, et là se tint plus
30d’un mois. Et fist ses complaintes si bien et si à point
au dit Saint Père, que il descendi à ses priières. Et
[28] 28 consenti bien au dit roy de Mayogres, que il fesist guerre
au dit roy d’Arragon, car il avoit cause qui le mouvoit;
c’estoit pour son hiretage. Dont se pourvei li
dis rois de Mayogres de gens d’armes là où il les peut
5avoir, et le acata bien et chier, Englès, Gascons,
Alemans, Bretons et gens de compagnes, des quelz
messires Garsions dou Chastiel, messires Jehans de
Malatrait et Selevestre Bude et Jakes de Bray estoient
chapitainne. Si pooient estre environ douse cens
10combatans; et passèrent oultre et entrèrent en Navare
et sejournèrent là par le consentement et acord
dou roy; et de Navare en Arragon. Et commencièrent
cil chevalier, ces gens d’armes et leurs routes,
à faire guerre au roy d’Arragon et à courir sus son
15pays, à prendre et à essillier petis fors et travillier le
plain pays où il pooient habiter et entrer et rançonner
hommes et femmes; et tant que li rois d’Arragon,
qui bien se doubtoit de celle guerre, envoia
grant gent d’armes sus les frontières; des quelz li viscontes
20de Rokebertin et li contes de Rodès furent
meneur et chapitainne. Celle guerre pendant, qui estoit
ja toute ouverte et moult felle, li rois James de
Mayogres s’acouça malades de rechief ou Val de
Sorie; de la quele maladie il morut. Par ensi eurent
25li Aragonnois pais de ce costé un grant temps; et se
departirent ces compagnes qui là avoient guerriiet, et
s’en retournèrent en France, cescuns devers le signeur
dont il pensoient avoir plus grant pourfit. Or
parlerons nous dou duch de Lancastre.
30§ 684. Li dus Jehans de Lancastre qui se tenoit
en le bonne cité de Bourdiaus sus Garone, et dalés
[29] 29 lui pluiseurs barons et chevaliers d’Aquitainne, car
encores y estoient les coses en bon estat pour le partie
des Englès, quoi c’aucun baron de Poito et de Limozin
se fuissent retourné françois, faisoit souvent
5des issues et chevaucies sus ses ennemis, où riens ne
perdoit; et bien le ressongnoient ou pays cil qui tenoient
les frontières pour le duch d’Ango. Cilz dus
estoit veues et sans moullier; car ma dame Blance de
Lancastre et Derbi, sa femme, estoit trespassée de ce
10siècle. Si avisèrent li baron de Gascongne et messires
Guiçars d’Angle, que li rois dan Pietres avoit deus
filles de son premier mariage de la suer le roy de Portingal,
les queles estoient en le cité de Bayone, et là
à garant afuies. Et les avoient amenées par mer aucun
15chevalier de le Marce de Sebille, pour le doubtance
dou roy Henri, sitost qu’il sceurent le mort de leur
père, le roy dan Pietre. Si se tenoient là les deus filletes
toutes esgarées, dont on pooit avoir grant pité,
car elles estoient hiretières de Castille, qui bien leur
20fesist droit, par le succession dou roy, leur père. Si fu
ce remoustré au duch de Lancastre en disant ensi:
«Monsigneur, vous estes à marier, et nous savons là
un grant mariage pour vous, dont vous ou vostre hoir
serés encores rois de Castille. Et s’est très grant aumosne
25de reconforter et consillier puceletes et filles de
roy, especiaument qui sont en tel estat comme celles
sont. Si prendés l’ainsnée en mariage, nous le vous
consillons, car en present nous ne savons où vous
vous poés plus hautement marier, ne de quoi si grans
30pourfis vous puist nestre.» Ces parolles [et autres]
entamèrent telement le coer dou dit duch et si bien li
plaisirent, que il y entendi volentiers. Et envoia tantos
[30] 30 et sans delay querre les deus damoiselles qui s’appeloient
Constanse et Ysabiel par quatre de ses chevaliers.
Et parti de Bourdiaus li dis dus, quant il sceut
et entendi que elles venoient, et ala encontre elles en
5grant arroy. Et espousa l’ainnée, ma dame Constanse,
sus ce chemin en un village dalés le cité de Bourdiaus,
qui s’appelle Rocefort. Et eut illuech au jour
des espousalles grans festes et grans reviaus et fuison
de signeurs et de dames pour la feste plus efforcier.
10Tantos apriès les espousalles, li dus amena ma dame
sa femme en le cité de Bourdiaus; et là eut de rechief
grant feste. Et furent la ditte dame et sa suer
moult conjoïes et festées des dames et damoizelles de
Bourdiaus; et leur furent donné grans dons et biaus
15presens pour l’amour dou dit duch.
§ 685. Ces nouvelles vinrent en Castille au roy
Henri et as barons dou dit royaume, qui ahers et
alloiiet à lui s’estoient de foy et d’ommage, comment
sa nièce avoit espousé le duch de Lancastre, et encores
20supposoit on que se mainnée suer Ysabiel espouseroit
le conte de Cantbruge, le dit duch retourné
en Engleterre. Si fu plus pensieus li di rois Henris
que devant, et en mist son conseil ensamble. Si fu
adont conseilliés que il envoiast grans messages devers
25le roy de France, qui bien sceuissent parler et
remoustrer son afaire, et qui de ce mariage estoit tous
enfourmés. A ce conseil et avis se tint li rois Henris,
et ordonna sages hommes et les plus autentis de son
royaume pour aler en France. Si se misent ou chemin
30en grant arroy et fisent tant par leurs journées qu’il
vinrent en le cité de Paris, où il trouvèrent le roy, qui
[31] 31 les rechut à grant joie, ensi que bien le sceut faire.
Entre le dit roy et le conseil dou roy Henri, qui avoient
procurations et seellés bons et justes de faire trettier
et proceder en toutes coses, ou nom de leur signeur,
5eut pluiseurs parlemens, consaulz et trettiés secrés et
aultres, li quel tournèrent à effect. Finablement en ce
temps furent acordées, ordonnées et confremées
alliances et confederations moult grandes et jurées
solennelment de toutes parties, à tenir fermement et
10non brisier ne aler à l’encontre par aucune voie, que
cil doi roy demoroient en une unité de pais, d’amour
et d’alliance. Et jura adont li rois de France solennelment
en parolle de roy que il aideroit et conforteroit
le roy de Castille en tous ses besoings, et ne feroit
15pais ne acord aucunement au roy d’Engleterre, que
il ne fust mis dedens. A ces trettiés, acors et alliances
faire, rendi grant painne et diligense messires Bertrans
de Claiekin, qui moult amoit le roy Henri.
Apriès toutes ces coses faites, confremées et acordées
20et seelées, se departirent li ambasadour dou roy Henri
et retournèrent en Espagne, et trouvèrent leur signeur
au Lyon en Espagne, qui fu moult liés de leur revenue
et de ce qu’il avoient si bien esploitié. Et se tint de
puis par mi ces alliances li rois Henris plus assegurés
25et confortés que devant.
§ 686. Nous retourrons au duch de Lancastre qui se
tenoit en le bonne cité de Bourdiaus, et eut avis environ
le Saint Michiel, qu’il retourneroit en Engleterre,
pour mieulz enfourmer le roy son père des besongnes
30d’Aquitainnes: si se ordonna et appareilla selonch ce.
Un petit devant ce que il deuist mouvoir ne partir,
[32] 32 il assambla en le cité de Bourdiaus tous les barons
et chevaliers de Giane qui pour le temps se tenoient
Englès. Et quant il furent tout venu, il leur remoustra
que il avoient entention de retourner en Engleterre
5pour certainnes coses et le pourfit d’yaus tous
et de la ducé d’Aquitainne, et que à l’esté qui revenoit,
il retourneroit, se li rois, ses frères, l’acordoit.
Ces parolles plaisirent bien à tous ceulz qui les entendirent.
Là institua et ordonna li dis dus monsigneur
10le captal de Beus, le signeur de Moutchident et le
signeur de Lespare pour estre mainbour et gouvreneur
de tout le pays de Gascongne, qui pour yaus se
tenoit, et en Poito monsigneur Loeis de Harcourt
et le signeur de Partenay; et en Saintonge monsigneur
15Joffroi d’Argenton et monsigneur Guillaume
de Monttendre; et laissa tous seneschaus et officiers
ensi comme il estoient en devant. Là furent ordonné
d’aler en Engleterre avoech le dit duch, par le conseil
des Gascons, Saintongiers et Poitevins, pour
20parler au roy et remoustrer les besongnes et l’estat
d’Aquitainne [plus plainement], messires Guiçars
d’Angle, li sires de Puiane, et messires Aymeris de
Tarste. Et encores pour le cause d’yaus attendre,
detria li dus un petit. Quant il furent tout apparelliet
25et les nefs cargies et ordonnées, il entrèrent
dedens sur le havene de Bourdiaus, qui est biaus et
larges. Si se parti li dis dus à grant compagnie de
gens d’armes et d’arciers, et avoit bien soissante gros
vaissiaus en se route parmi les pourveances, et en
30mena avoecques lui sa femme et sa suer; envis les euist
laissies. Si esploitièrent tant li maronnier par le bon
vent qu’il eurent qu’il arrivèrent ou havene de
[33] 33 Hantonne en Engleterre. Et là issirent il des vaissiaus
et entrèrent en le ville; se s’i reposèrent et rafreschirent
par deus jours, et puis s’en partirent. Et
chevaucièrent tant qu’il vinrent à Windesore, où
5li rois se tenoit, qui rechut son fil le duch, les dames
et les damoiselles et les chevaliers estragniers à
grant feste. Et par especial il vei moult volentiers
monsigneur Guichart d’Angle.
En ce temps trespassa cilz gentilz chevaliers,
10messires Gautiers de Mauni, en le cité de Londres,
dont tout li baron d’Engleterre furent moult coureciet,
pour le loyauté et bon conseil que en lui
avoient toutdis veu et trouvé. Si fu ensepelis à
grant solennité en un monastère de Chartrous, qu’il
15avoit fait edifier au dehors de Londres. Et furent au
jour de son obsèque là li rois d’Engleterre et tout si
enfant, et li prelat et baron d’Engleterre. Si rescheï
toute sa terre de delà le mer et de cha en Haynau au
conte Jehan de Pennebruch, qui avoit à femme ma
20dame Anne, sa fille. Si envoia li dis contes de Pennebruch
relever sa terre en Haynau, qui escheue li
estoit, par deus de ses chevaliers qui en fisent leur
devoir au duc Aubert, ensi qu’il apertenoit, et qui
tenoit la conté de Haynau pour ce temps en bail.
25§ 687. Tout cel iver se portèrent ensi les besongnes
en Engleterre, et y eut pluiseurs consaulz et
imaginations entre les signeurs sus l’estat dou pays,
à savoir comment il se maintenroient sus l’esté qui
venoit. Et avoient li Englès intention de faire deus
30voiages, l’un en Ghiane, et l’autre en France par
Calais, et acqueroient amis de tous lés ce qu’il
[34] 34 pooient, tant en Alemagne comme ens es marces de
l’empire, où pluiseur signeur, chevalier et escuier
estoient de leur acord. Avoech tout ce, il faisoient le
plus grant appareil de pourveances et de toutes coses
5neccessaires à ost que on euist [veu] en grant temps
faire. Bien savoit li rois de France aucuns des secrés
des Englès et sus quel estat il estoient, et quel cose il
proposoient à faire. Si se consilloit et fourmoit sur ce,
et faisoit pourveir ses cités, villes et chastiaus moult
10grossement en Pikardie, et tenoit par tout en garnison
grant fuison de gens d’armes, par quoi li pays ne
fust souspris d’aucune mal aventure.
Quant li estés fut venus et li rois Edouwars d’Engleterre
eut tenu sa feste et fait la solennité de Saint
15Gorge, ou chastiel de Windesore, ensi que il avoit
d’usage cascun an de faire, et que messires Guichars
d’Angle y fu entrés comme confrères, avoech le roy et
ses enfans et les barons d’Engleterre qui se nommoient
en confraternité les chevaliers dou bleu ghertier, li dis
20rois s’avala à Londres en son palais de Westmoustier,
et là eut grans consaulz et parlemens sus les besongnes
de rechief dou pays. Et pour tant que li dus de
Lancastre devoit en celle saison passer en France
par les plains de Pikardie, et li contes de Cantbruge,
25ses frères, avoecques lui, li rois ordena et institua, à le
prière et requeste de monsigneur Guichart d’Angle
et des Poitevins, le conte de Pennebruch à aler en
Poito pour viseter le pays et faire guerre as François
de ce costé, car li Gascon et Poitevin avoient priiet
30et requis au roy d’Engleterre par lettres et par la
bouche de monsigneur Guiçart d’Angle, que, se il
estoit si conseilliés que nulz de ses filz ne peuist en
[35] 35 celle saison faire ce voiage, il leur envoiast le conte
de Pennebruch que moult amoient et desiroient à
avoir, car il le sentoient bon chevalier et hardi durement.
Se dist li rois d’Engleterre au conte de Pennebruch,
5presens pluiseurs barons et chevaliers, qui
là estoient assamblé au conseil: «Jehan, biaus fils,
je vous ordonne et institue que vous alés en Poito en
le compagnie de monsigneur Guiçart d’Angle, et
là serés gouvrenères et souverains de toutes les gens
10d’armes que vous y trouverés, dont il y a grant
fuison, si com je sui enfourmés, et de chiaus ossi que
vous y menrés.» Li contes de Pennebruch à ceste
parolle s’engenoulla devant le roy, et dist: «Monsigneur,
grant mercis de le haute honneur, que vous
15me faites. Je serai volentiers ens es parties par de delà
uns de vos petis mareschaus.» Ensi sus cel estat se
departi cilz parlemens, et retourna les rois à Windesore,
et emmena monsigneur Guiçart avoech lui, au
quel il parloit souvent des besongnes de Poito et de
20Ghiane. Messires Guiçars li disoit: «Monsigneur,
mès que nostre chapitainne et mainbour, li contes
de Pennebruch, soit arivés par de delà, nous ferons
bonne guerre et forte. Car encor y trouverons nous
entre quatre mil et cinc mil lances, qui toutes obeïront
25à vous, mais qu’il soient paiiet de leurs gages.»
Lors respondoit li rois: «Messire Guiçart, messire
Guiçart, ne vous soussiiés point d’avoir or et argent
assés pour faire [par delà] bonne guerre, car j’en ay
assés; et si l’emploie volentiers en tel marcheandise,
30puis qu’il me touche et besongne pour l’onneur de
moy et de mon royaume.»
[36] 36 § 688. Ensi et de pluiseurs aultres parolles s’esbatoit
souvent en parlant li rois d’Engleterre au dit
monsigneur Guichart, que moult amoit et creoit:
c’estoit bien raisons. Or fu li contes de Pennebruch
5tous appareilliés, et li saisons vint et ordenance qu’il
deubt partir. Si prist congiet au roy qui li donna liement,
et à tous chiaus qui en se compagnie devoient
aler, et me samble que messires Othes de Grantson
d’oultre le Sone y fu ordonnés [et institués] d’aler.
10Li contes de Pennebruch n’eut mies adont trop
grant gent en se compagnie fors ses chevaliers tant
seulement, sus l’information que li rois avoit de
monsigneur Guiçart d’Angle, mais il emportoit en
nobles et en florins tel somme de monnoie que
15pour gagier trois mil combatans un an. Si esploitièrent
tant li dessus dit, apriès le congiet pris dou
roy, que il vinrent à Hantonne; là sejournèrent il
quinse jours, en attendant le vent qui leur estoit contraires.
Au XVIIe jour il eurent vent à volenté, si entrèrent
20en leurs vaissiaus, et se partirent dou havene, et
se commandèrent en le garde et conduit de Diu et
de saint Gorge, et puis singlèrent devers Poito.
Li rois Charles de France, qui savoit la grignour
partie des consaulz d’Engleterre, mies ne sçai par
25qui il li estoient revelé, et comment messires Guiçars
d’Angle et si compagnon estoient alé en Engleterre
et sus quel estat, pour impetrer au roy qu’il euissent
un bon mainbour et chapitainne, et ja savoit que li
contes de Pennebruch y estoit ordenés de venir, et
30toute se carge, si s’estoit li dis rois de France avisés
selonch ce, et avoit secretement mis sus une armée
de gens d’armes par mer, voires à sa prière et
[37] 37 requeste, car ces gens estoient au roy Henri de Castille,
les quels il li avoit envoiiés parmi les alliances et
confederations qu’il avoient ensamble. Et estoient cil
Espagnol [de une flote] quarante grosses nefs et
5trese barges bien pourveues et breteschies ensi que
nefs d’Espagne sont; si en estoient patron et souverain
quatre vaillant homme, Ambrose Boukenègre,
Cabesse de Vake, dan Ferrant de Pyon et Radigos
de la Roselle. Si avoient cil Espagnol un grant temps
10waucré sus mer, en attendant le retour des Poitevins
et la venue du conte de Pennebruch; car bien
savoient que il devoient venir et ariver en Poito, et
s’estoient mis à l’ancre devant le ville de le Rocelle.
Or avint ensi que le jour devant la vigile Saint Jehan
15Baptiste que on compta l’an mil trois cens settante et
deus, li contes de Pennebruch et se route deurent
ariver ou havene de le Rocelle, mès il trouvèrent les
dessus dis Espagnolz au devant, qui leur calengièrent
le rivage, et furent moult liet de leur venue. Quant li
20Englès et li Poitevin veirent les Espagnolz, et que
combatre les couvenoit, si se confortèrent en eulz
meismes, comment qu’il ne fuissent mies bien parti
tant de gens comme de grans vaissiaus, et s’armèrent
et ordonnèrent ensi que pour tantost combatre, et
25misent leurs arciers au devant d’iaus. Evous les nefs
espagnoles venans, qui bien estoient pourveues et
garitées, et dedens grant fuison de gens, d’armes et de
brigans qui avoient arbalestres et kanons. Et li pluiseur
tenoient grans barriaus de fier et plommées de
30plonch pour tout effondrer: tantost furent approciet
en demenant grant noise et grant huée. Ces grosses
nefs d’Espagne prisent le vent d’amont pour prendre
[38] 38 leur tour sus ces nefs englesces que peu amiroient ne
prisoient, et puis s’en vinrent atendant à plain voile
sus yaus. Là eut à che commenchement grant trairie
des unes as aultres, et s’i portèrent li Englès moult
5bien. Là fist li contes de Pennebruch aucuns de ses
escuiers chevaliers pour honneur, et puis entendirent
à yaus deffendre et combatre de grant volenté. Là
eut grant bataille et dure, et li Englès eurent bien à
quoi entendre, car cil Espagnol qui estoient en leurs
10vaissiaus si grans qu’il se moustroient tout deseure
ces vaissiaus d’Engleterre, et qui tenoient gros barriaus
de fier et pières, les lançoient et jettoient contreval
pour effondrer les nefs englesces, et bleçoient
gens et hommes d’armes malement. Là estoient entre
15les chevaliers d’Engleterre et de Poito chevalerie et
proèce remoustrées très grandement. Li contes de
Pennebruch se combattoit et requeroit ses ennemis
moult fierement, et y fist ce jour pluiseurs grans
apertises d’armes, et ossi fisent messires Othes de
20Grantson, messires Guiçars d’Angle, li sires de Puiane
et tout li aultre chevalier.
§ 689. A ce que je oy recorder chiaus qui furent
à celle besongne devant le Rocelle, bien moustrèrent
li Englès et li Poitevin qui là estoient, que il desiroient
25moult à conquerre et avoir grant pris d’armes;
car onques gens ne se tinrent si vaillamment ne
si bien ne se combatirent, car ils n’estoient qu’un
petit ens ou regard des Espagnols et en menus vaissiaus,
et se poet on esmervillier comment tant durèrent;
30mès la grant proèce et chevalerie d’yaus les
confortoit et tenoit en force et en vigheur; et se il
[39] 39 fuissent ingal de nefs et de vaissiaus, li Espagnol ne
l’euissent mies eu d’avantage, car il tenoient leurs
lances acerées, dont il lançoient les horions si grans
que nulz ne les osoit approcier, se il n’estoit trop
5bien armés et paveschiés. Mès li très et jets qui venoit
d’amont, de pières, de plommées de plonc et de
barriaus de fier, les grevoit et empechoit durement,
et navra et bleça des leurs chevaliers et escuiers ce
premier jour pluiseurs. Bien veoient les gens de le
10Rocelle le bataille, mès point ne s’avançoient d’aler
ne de traire celle part pour conforter leurs gens qui
si vaillamment se combatoient, ançois les laissoient
couvenir. En cel estri et en celle rihote furent il
jusques à le nuit que il se departirent li un de l’autre,
15et se misent à l’ancre, mès li Englès perdirent ce
premier jour deus barges de pourveances, et furent
tout cil mis à bort qui dedens estoient. Toute celle
nuit fu messires Jehans de Harpedane, qui pour le
temps estoit seneschaus de le Rocelle, en grans priières
20envers chiaus de le ville, le maieur, sire Jehan
[Cauderier], et les aultres que il se volsissent armer
et faire armer le communauté de le ville et entrer
en barges et en nefs, qui sus le kay estoient pour
aler aidier et conforter leurs gens, qui tout ce jour
25si vaillamment s’estoient combatu. Cil de le Rocelle
qui nulle volenté n’en avoient, s’escusoient et disoient
que il avoient à garder leur ville et que ce
n’estoient mies gens de mer ne combatre ne se saroient
sus mer ne as Espagnolz; mais se la bataille
30estoit sus terre, il iroient volentiers. Si demora la
cose en cel estat, ne onques ne les peut amener pour
priière que il peuist faire à ce que il y vosissent aler.
[40] 40 A ce jour estoient en le Rocelle li sires de Tannai
Bouton, messires Jakemes de Surgières et messires
Mauburnis de Linières, qui bien s’aquittèrent de
priier ossi avoech le dessus dit chiaus de le Rocelle.
5Quant cil quatre chevalier veirent que il ne
poroient riens esploitier, il s’armèrent et fisent armer
leurs gens, ce qu’il en avoient, ce n’estoit point fuison,
et entrèrent en quatre barges que il prisent sus
le kay, et au point dou jour, quant li flos fu revenus,
10il se fisent naviier jusques à leurs compagnons, qui
leur seurent grant gret de leur venue, et disent bien
au conte de Pennebruch et à monsigneur Guiçart
que de chiaus de le Rocelle il ne seroient point secouru
ne conforté, et qu’il se avisassent sur ce. Et cil
15qui amender ne le pooient, respondirent que il leur
couvenoit le merci de Dieu et l’aventure attendre, et
que un temps venroit que cil de le Rocelle s’en
repentiroient.
§ 690. Quant ce vint au jour que tous li wèbes fu
20revenus et que plains flos estoit, cil Espagnol se
desancrèrent en demenant grant noise de trompes et de
trompètes, et se misent en bonne ordenance ensi que
le jour devant, et arroutèrent toutes leurs grosses
nefs pouveues et armées moult grandement, et prisent
25l’avantage dou vent, pour enclore les nefs des
Englès qui n’estoient point grant fuison, ens ou regard
d’yaus. Et estoient li quatre patron qui ci dessus
sont nommé, tout devant en bonne ordenance.
Li Englès et Poitevin, qui bien veoient leur couvenant,
30se ordenèrent selonch ce, et se recueillièrent
tout ensamble, et ce que il avoient d’arciers, il les
[41] 41 misent tout devant. Evous les Espagnos venus à plain
voile, Ambrose Boukenègre, Cabesse de Vake, dan
Ferrant de Pyon et Radigo de la Roselle, qui les envaïrent,
et commencièrent la bataille felenesce et
5perilleuse. Quant il furent tout assamblé, li Espagnol
jettèrent grans cros et havès de fier à kainnes, et
se atachièrent as Englès, par quoi il ne se peuissent
departir: car il les comptoient ensi que pour yaus.
Avoech le conte de Pennebruch et monsigneur Guichart
10avoit vint et deus chevaliers de grant volenté
et de bon hardement, qui vaillamment se combatoient
de lances et d’espées et d’armeures que il portoient.
Là furent en cel estat un grant temps lançans et combatans
l’un à l’autre. Mais li Espagnol avoient trop
15grant avantage d’assallir et de yaus targier et deffendre
envers les Englès; car il estoient en grans vaissiaus
plus grans et plus fors assés que li Englès.
Pour quoi il lançoient d’amont barriaus de fier, pières
et plommées, qui moult travilloient les Englès. En cel
20estat et en celle rihote, combatant et deffendant, lançant
et traiant l’un sus l’autre, furent il jusques à
l’eure de tierce, ne onques gens sus mer ne prisent si
grant travail que li Englès et Poitevin fisent, car il
en y avoit le plus des leurs blechiés dou trait et dou
25jet des pières et fondes d’amont, et tant que messires
Aymeris de Tarste, cilz vaillans chevaliers de Gascongne,
y fu occis et messires Jehans de Lantonne
qui estoit chevaliers dou corps dou conte
de Pennebruch. Au vaissiel dou dit conte estoient
30arresté quatre nefs espagnoles, des queles Cabesse
de Vake et Ferrant de Pyon estoient gouvreneur
et conduiseur. En ces vaissiaus, ce vous di, avoit
[42] 42 grant fuison de dure gent, et tant au combatre, au
traire et au lancier, travillièrent le conte et ses gens
qu’il entrèrent en leur vaissiel où il eut fait tamainte
grant apertise d’armes, et là fu pris li dis conte et
5tout cil mort et pris, qui estoient en son vaissiel: tout
premierement de ses chevaliers pris messires Robers
Tinfors, messires Jehans Courson et messires Jehans
de Gruières, et mors messires Symons Housagre,
messires Jehans de Mortain et messires Jehans Touchet.
10D’autre part se combatoient li Poitevin, messires
Guichars d’Angle, li sire de Puiane et li sires
de Tannai Bouton, et aucun bon chevalier de leur
route, et en une autre nef messires Othes de Grantson
à Ambrose Boukenègre et à Radigo de la Roselle:
15si avoient plus que leur fais. Et tant que li chevalier
furent tout pris des Espagnolz, ne onques nulz n’en
escapa qui ne fu mors ou pris, Englès ne Poitevins,
et toutes leurs gens ou dangier des Espagnolz de
prendre ou de l’occire. Mais quant il eurent les signeurs
20et il en furent saisit, de puis il ne tuèrent nulz
des varlès, car li signeur priièrent que on leur laissast
leurs gens, et qu’il feroient bon pour tous.
§ 691. Qui se trueve en tel parti d’armes que messires
Guichars d’Angle et li contes de Pennebruc et
25leurs gens se trouvèrent devant le Rocelle en ce jour
dessus nommé, il fault prendre en gré l’aventure, tele
que Diex et fortune li envoie. Et sachiés que pour ce
jour, coi que li baron, chevalier et escuier, qui là
furent mort et pris, le comparassent, li rois d’Engleterre
30y perdi plus que nuls, car par celle desconfiture
se perdi de puis tous li pays, sicom vous orés en avant
[43] 43 recorder en l’ystore. On me dist que la nef englesce
où li finance estoit, dont messires Guiçars devoit gagier
et paiier les saudoiiers en Giane, et tous li avoirs qui
dedens estoit, fu perie et ne vint à nul pourfit. Tout
5ce jour qui fut la vigile Saint Jehan Baptiste, le nuit et
l’endemain jusques apriès nonne, se tinrent li Espagnol
à l’ancre devant le Rocelle, en demenant grant
joie et grant reviel, dont il en cheï trop bien à un
chevalier de Poito qui s’appelloit messires Jakemes de
10Surgières; car il parla si bellement à sen mestre qu’il
fu quittes parmi trois cens frans qu’il paia là tous
appareilliés, et vint le jour Saint Jehan [disner] en le
ville de le Rocelle. Par lui sceut on lors comment la
besongne avoit alé et li quel estoient mort et pris.
15Pluiseur des bourgois de le ville moustroient par
samblant qu’il en fuissent couroucié, qui tout joiant
en estoient, car onques n’amèrent naturelment les
Englès. Quant ce vint apriès nonne ce dit jour Saint
Jean Baptiste que li flos fu revenus, li Espagnol se
20desancrèrent et sachièrent les voiles amont, et se
departirent en demenant grant noise de trompes
et de trompètes, de muses et de tabours. Si avoit
au son de leurs mas grans estramières à manière de
pennons armoiiés des armes de Castille si grans et
25si lons que li coron bien souvent frapoient en l’aigue,
et estoit grans biautés dou regarder. En cel
estat se departirent li dessus dit, et prisent leur
tour de le haute mer pour cheminer vers Galisse.
En ce [propre] jour que on dist ce jour Saint
30Jehan Baptiste au soir, vinrent en le ville de le
Rocelle grant fuison de gens d’armes Gascon et Englès,
li quel encores de ceste avenue n’avoient point
[44] 44 oy parler. Mais bien sçavoient que li Espagnol gisoient
et avoient geu un temps devant le Rocelle: si venoient
celle part pour chiaus de le ditte ville reconforter.
Des quelz gens d’armes estoient chapitainne
5messires li captaus de Beus, messires Berars de la
Lande, messires Pieres de Landuras, messires li soudis
et messires Bertrans dou Franc Gascon, et des
Englès, messires Thumas de Persi, messires Richars
de Pontchardon, messires Guillaumez de Ferintonne,
10monsigneur d’Agoriset, monsigneur Bauduin de Fraiville,
monsigneur Gautier Huet et monsigneur Jehan
d’Evrues. Quant cil signeur et leurs routes, où bien
avoit sis cens hommes d’armes, furent venu en le
Rocelle, on leur fist grant chière de bras, car on
15n’en osoit aultre cose faire. Adont furent il enfourmé
par monsigneur Jakeme de Surgièrez de la bataille
des Espagnolz, comment elle avoit alé, car il y avoit
esté, et li quel y estoient mort ne pris. De ces nouvelles
furent li baron et li chevalier trop durement
20couroucié, et se tinrent bien pour infortuné, quant il
n’i avoient esté, et regretèrent grandement et longement
le conte de Pennebruch et monsigneur Guichart
d’Angle, quant il avoient ensi perdu leur saison.
Si se tinrent en le Rocelle ne sçai quans jours, pour
25avoir avis et conseil et comment il se maintenroient
et quel part il se trairoient. Nous lairons à parler un
petit d’yaus, et parlerons de Yevain de Galles et
comment il esploita en celle saison.
§ 692. Cilz Yewains de Galles avoit esté filz à un
30prince de Galles, le quel li rois [Edouwars] d’Engleterre
avoit fait morir, je ne sçai mies par quel raison,
[45] 45 et saisi la signourie et princeté et donné à son fil
le prince de Galles. Si estoit cilz Yewains venus en
France et complains au roy Charle de France des
injures que li rois d’Engleterre li avoit fait et faisoit
5encores, que mort son père et li tolloit son hiretage;
dont li rois de France l’avoit retenu et ja moult
avancié et donné en carge et en gouvrenance grant
fuison de gens d’armes. Encores en cel esté dont je
parolle presentement, li avoit il delivrés bien trois mil
10combatans et envoiiet sus mer pour courir en Engleterre.
De quoi li dis Yewains s’en estoit bien acquittés
et loyaument, sicom je vous dirai. Quant il
eut se carge de gens d’armes, ensi que ci est dit, il
entra en mer en ses vaissiaus que li rois de France
15li avoit fait appareillier et pourveir ou havene de
Harflues, et se departi et singla à plain voille devers
Engleterre, et vint prendre terre en l’isle de Grenesée
à l’encontre de Normendie, dou quel isle Aymons
Rose, uns escuiers d’onneur dou roy d’Engleterre,
20estoit chapitainne. Quant il sceut que li François estoient
là arrivet, les quelz Yewains de Galles menoit,
si en eut grant mautalent et se mit tantost au devant,
et fist son mandement parmi le dit isle, qui n’est mies
grans, et assambla que de ses gens, que de chiaus dou
25dit isle, environ yaus huit cens, et s’en vint sus un
certain pas combattre bien et hardiement le dit
Yewain et ses gens, et là eut grant bataille et dure
et qui longement dura. Finablement li Englès furent
desconfi, et en y eut mors plus de trois cens sus le
30place. Et couvint le dit Aymon fuir, aultrement il
euist esté mors ou pris, et se sauva à grant meschief,
et s’en vint bouter en un chastiel qui siet à deus liewes
[46] 46 de là où la bataille avoit esté, que on appelle Cornet,
qui est biaus et fors, et l’avoit li dis Aymons [en celle
saison] fait bien pourveir de tout ce qu’il apertenoit à
forterèce. Après celle desconfiture, li dis Yewains
5chevauça avant, et recueilla ses gens et entendi que
Aymons s’estoit boutés ou chastiel de Cornet; si se
traiy tantost celle part et y mist le siège, et l’environna
de tous costés et y fist pluiseurs assaus. Mais li
chastiaus est fors, et si estoit bien pourveus de bonne
10artellerie; se ne l’avoient mies li François à leur aise.
Che siège pendant devant Cornet, avint li aventure
de le prise le conte de Pennebruch et de monsigneur
Guiçart d’Angle et des aultres devant le Rocelle, sicom
ci dessus est contenu. De quoi li rois de France,
15quant il en oy les nouvelles, fu durement resjoïs, et
entendi plus fort as besongnes de Poito que onques
mès. Car il senti que assés legierement, se li Englès
venoient encores un petit à leur desous, les cités et
les bonnes villes se retourneroient. Si eut avis et
20conseil li dis rois, que en Poito, en Saintonge et en
Rocellois il envoieroit pour celle raison son connestable
et toutes gens d’armes, et feroit caudement les
dessus dis pays guerriier par mer et par terre, entrues
que li Englès et Poitevin n’avoient nul souverain
25chapitainne, car li pays gisoit en grant branle:
pour coi il envoia ses messages et ses lettres au dit
Yewain de Galles, qui se tenoit à siège devant Cornet,
dou quel siège il savoit tout l’estat, et que li chastiaus
estoit imprendables; et que, tantos ces lettres
30veues, il se partesist de là et deffesist son siège et
entrast en mer en un vaissiel, qui ordonnés pour
lui estoit, et s’en alast en Espagne devers le roy
[47] 47 Henri, pour impetrer et avoir barges et gallées et son
amiral et gens d’armes, et de rechief venist mettre
le siège par mer devant le Rocelle. Li dis Yewains,
quant il oy les messages et le mandement dou roy,
5si obeï, ce fu raisons, et desfist son siège et donna
à toutes gens congiet et leur presta navie pour retourner
à Harflues. Et là endroit il entra en une grosse
nef qui ordonée li estoit, et prist le chemin d’Espagne.
Ensi se desfit li siège de Cornet.
10§ 693. Vous devés savoir que li rois d’Engleterre
fu moult courouciés, quant il sceut les nouvelles de
l’armée qu’il envoioit en Poito, qui estoit ruée jus
des Espagnolz: et ossi furent tout cil qui l’amoient,
mès amender ne le peurent tant c’à ceste fois. Si imaginèrent
15tantost li sage homme d’Engleterre que li
pays de Poito et de Saintonge se perderoit par cel
afaire, et le remoustrèrent bien au roy et au duch
de Lancastre. Si furent un grant temps sus cel estat
que li contes de Sallebrin, atout cinc cens hommes
20d’armes et otant d’arciers, iroit celle part; mès comment
qu’il fust consilliet et aviset, il n’en fu riens
fait. Car il vinrent aultres nouvelles et aultres trettiés
et consauls de Bretagne, qui tous chiaulz empecièrent.
De quoi li dis rois se repenti de puis,
25quant il n’i peut mettre remède. Or avint que li
Espagnol qui pris avoient le conte de Pennebruch et
les aultres, dont li livres fait mention, eurent un petit
de sejour sus mer par vent contraire et detriance
plus d’un mois. Toutes fois il arrivèrent au port Saint
30Andrieu en Galisse, et entrèrent en le ville ensi que à
heure de miedi; et là amenèrent en un hostel tous
[48] 48 leurs prisonniers loiiés, enkainnés et embuiés selonch
leur usage. Aultre courtoisie ne scèvent li Espagnol
faire, il sont sannable as Alemans.
Ce propre jour au matin estoient là arivés en sa
5nef li dessus dit Yewains [de Galles] et se route, et
très en cel hostel où dan Ferrant de Pyon et Cabesse
de Vake avoient amené le conte de Pennebruch et
ses chevaliers. Si fu dit ensi à Yewain là où il estoit
en sa cambre: «Sire, venés veoir ces chevaliers d’Engleterre
10que nos gens ont pris; il enteront tantost
cheens.» Yewains qui fu desirans dou veoir, pour
savoir li quel c’estoient, passa oultre, et encontra en le
sale de son hostel, à l’issue de sa cambre, le conte
de Pennebruch. Bien le cogneut comment que il
15l’euist petit veu, se li dist en rampronnant: «Contes
de Pennebruch, venés vous en ce pays, pour moy
faire hommage de la terre que vous tenés en le princeté
de Galles, dont je sui hoirs et que vos rois me
tolt et oste par mauvais conseil.» Li contes de Pennebruch
20qui fu tous honteus, car il se veoit et sentoit
prisonniers en estragne pays, et point ne cognissoit
cel homme qui parloit son langage, respondi: «Qui
estes vous, qui m’acueilliés de telz parolles?»—«Je
sui Yewains, filz au prince Aymon de Galles, que
25vostres rois d’Engleterre, fist morir à tort et à pechié,
et m’a deshireté, et quant je porai par l’ayde de mon
très chier signeur, le roy de France, je y pourveray
de remède. Et voeil bien que vous sachiés que, se je
vous trouvoie en place ne en voie où je me peuisse
30combatre à vous, je vous remousteroie le loyauté
que vous m’avés fait, et ossi li contes de Herfort et
Edowars li Despensiers. Car par vos pères, avoech
[49] 49 aultres consilleurs, fu traïs à mort messires mes pères,
dont il me doit bien desplaire, et l’amenderai quant
je poray.» Adont salli avant messires Thumas de
Saint Aubin, qui estoit chevaliers dou conte, et se
5hasta de parler, et dist: «Yewain, se vous volés
dire et maintenir, que en monsigneur ait ne euist
onques nulle lasqueté quelconques, ne en monsigneur
son père, ne qu’il vous doie foy ne hommage, metés
vostre gage avant, vous trouverés qui le levera.»
10Dont respondi Yewains, et dist: «Vous estes prisonnier,
je ne puis avoir nulle honneur de vous appeller.
Vous n’i estes point à vous, ançois estes à ceulz
qui vous ont pris, et quant vous serés quittes de vo
prison, je parlerai plus avant, car la cose ne demorra
15pas ensi.» Entre ces parolles, se boutèrent aucun
chevalier et vaillant homme d’Espagne qui là estoient,
et les departirent. De puis ne demora mies grant
temps, que li quatre amiral dessus nommé amenèrent
les prisonniers devers le cité de Burghes en Espagne,
20pour rendre au roy à qui il estoient, qui pour le temps
se tenoit droit là. Quant li rois Henris sceut que li
dessus dit venoient et approçoient Burghes, si envoia
son fil ainné qui s’appelloit Jehan, et le quel on
nommoit pour le temps l’enfant de Castille, à l’encontre
25des dessus dis, et grant fuison de chevaliers et
d’escuiers pour yaus honnerer; car bien sçavoit li dis
rois quel cose apertenoit à faire. Et il meismes les
honnoura de parolle et de fait, quant il furent venu
jusques à lui. Assés tost en ouvra li rois par ordenance,
30et furent espars en divers lieus parmi le
royaume de Castille.
[50] 50 § 694. Nous retourrons as besongnes de Poito
qui pour ce temps ne furent mies petites, et parlerons
comment li chevalier Gascon et Englès qui, le
jour Saint Jehan Baptiste, au soir, vinrent en le
5Rocelle, perseverèrent, ensi que cil qui moult courouciet
furent de ce que le jour devant il n’estoient
venu à le bataille et que il n’avoient trouvé à point
les Espagnolz. Or eurent il entre yaus conseil et avis
quel cose il feroient ne où il se trairoient, car ja se
10commençoient il à doulter de ceulz de le Rocelle.
Si ordonnèrent et instituèrent monsigneur Jehan
d’Evrues à estre seneschal de le Rocelle à trois cens
armeures de fier, et le garder, et lui tenir ou chastiel
de le Rocelle. Car tant qu’il en seroient signeur, cil de
15le ville ne s’oseroient reveler. Ceste ordenance faite,
messires li captaus, qui estoit tous gouvrenères et
chiés de ceste chevaucie, et messires Thumas de Persi,
messires d’Agorisès, messires Richars de Pontchardon,
messires li soudis, messires Berars de le Lande,
20et li aultre et leurs routes se departirent de le Rocelle
et pooient estre environ quatre cens lances, et prisent
le chemin de Subise; car là avoit Bretons qui tenoient
eglises et petis fors et les avoient fortefiiés.
Sitost que cil signeur et leurs gens furent là venu,
25il les boutèrent hors, et en delivrèrent le ditte marce.
En ce temps tenoient les camps sus les marces
d’Ango, d’Auvergne et de Berri, li connestables de
France, li dus de Berri, li dus de Bourbon, li contes
d’Alençon, li daufins d’Auvergne, messires Loeis de
30Saussoirre, li sires de Cliçon, li sires de Laval, li
viscontes de Roem, li sires de Biaumanoir, et grant
fuison de baronnie de France, et estoient plus de
[51] 51 trois mil lances. Si chevaucièrent tant cil signeur qui
se tenoient tout au connestable, que il entrèrent en
Poito, où il tiroient à venir, et vinrent mettre le
siège devant un chastiel qui s’appelle Montmorillon.
5Sitost que il furent là venu, il l’assallirent vistement
et radement, et le conquisent de force, et furent mort
tout cil qui dedens estoient; si le rafreschirent
d’autres gens. Apriès il vinrent devant Chauvegni,
qui siet sus le rivière de Cruese, et le assiegièrent et
10y furent deus jours. Au tierch, chil de Chauvegni se
rendirent et furent pris à merchi. En apriès il
chevaucièrent oultre et vinrent devant Leuzach, où il y
a ville et chastiel; si se rendirent tantost sans yaus
faire assallir. Et puis s’en vinrent devant le cité de
15Poitiers et jurent une nuit ens es vignes, de quoi cil
de le cité estoient moult esbahi; et se doubtoient à
avoir le siège, mès non eurent tant c’à celle fois; car
il se partirent à l’endemain et se traïsent devant le
chastiel de Montcontour, dont Jehans Cressuelle et
20David Holegrave estoient chapitainne. Et avoient
desous yaus bien soissante compagnons preus et
hardis, et qui moult avoient constraint le pays et le
marce d’Ango et de Tourainne et ossi toutes les
garnisons françoises; pour quoi li connestables dist
25que il n’entenderoit à aultre cose, si l’aroit.
§ 695. Tant esploitièrent li connestables de France,
li dus de Bourbon, li contes d’Alencon, li sires de
Cliçon, li viscontes de Rohen, li sires de Laval, li
sires de Biaumanoir, li sires de Sulli, et tout li baron,
30li chevalier et leurs routes, que il vinrent devant
Montcontour, un très biel chastiel à sis liewes de
[52] 52 Poitiers. Quant il furent là venu, si l’assegièrent de
grant façon, et se misent tantost à l’assallir par bonne
ordenance. Et pour ce que il avoit à l’environ des
murs grans fossés et parfons, et qu’il ne pooient
5approcier les murs de plus priès, à leur aise et
volenté, il envoiièrent querre et coper par les villains
dou pays grant fuison de bois et d’arbres, et
les fisent là amener et aporter à force de harnas et
de corps et tout reverser ens es fossés, et jetter grant
10fuison d’estrain et de terre sus. Et eurent tout ce
fait en quatre jours, tant que il pooient bien aler
jusques au dit mur à leur aise. Et puis quant il
eurent tout fait, si commencièrent à assallir de grant
volenté et par bon esploit, et chil dou fort à yaus
15deffendre, car il leur besongnoit; et eurent un jour
tout entier l’assaut où il rechurent moult de painne,
et furent en grant aventure d’estre pris; mès il
estoient là dedens tant de bonnes gens que ce
Ve jour il n’eurent garde. Au VIe jour, li connestables
20et si Breton se ordenèrent et traïsent avant
pour assallir plus fort que devant. Et s’en vinrent
tous paveschiés, portans pilz et haviaus en leurs
mains, et vinrent jusques as murs. Si commencièrent
à ferir et à fraper et à traire hors pières et à
25pertuisier le dit murage en pluiseurs lieus, et tant
fisent que li compagnon qui dedens estoient, se commencièrent
à esbahir; nompourquant il se deffendoient
si vaillamment que onques gens mieulz. Jehans
Cressuelle et David Holegrave, qui chapitainne en
30estoient, imaginèrent le peril et comment messires
Bertrans et si Breton les assalloient, et à ce qu’il
moustroient, point de là ne partiroient, si les aroient,
[53] 53 et se de force estoient pris, il seroient tout mort, et
veoient bien que nulz confors ne leur apparoit de
nul costé; si entrèrent en trettiés pour yaus rendre,
salve leurs corps et leurs biens. Li connestables qui
5ne voloit mies trop fouler ne grever ses gens, ne
chiaus dou fort trop presser, pour tant que il estoient
droites gens d’armes, entendi à ces trettiés et les
laissa passer, parmi tant que il se partirent, salve
leurs corps; mès nul de leurs biens il n’en portèrent,
10fors or et argent, [et les fist conduire jusques à Poitiers.
Ainsi eut li connestables le chastel de Montcontour];
si en prist le saisine et le fist remparer, et
se tint illuec pour lui et ses gens refreschir, car il ne
pooit encores savoir quel part il se trairoit, ou devant
15Poitiers, ou ailleurs.
§ 696. Quant cil de le cité de Poitiers sceurent
ces nouvelles, que li connestables et li Breton avoient
repris le chastiel de Montcontour, si furent plus
esbahi que devant, et envoiièrent tantos leurs messages
20devers monsigneur Thumas de Persi, qui estoit
leurs seneschaus et qui chevauçoit en le route et
compagnie dou captal. Ançois que li dis messires
Thumas en oïst nouvelles, messires Jehans d’Evrues,
qui se tenoit ens ou chastiel de le Rocelle, en fu
25enfourmés, et li fu dit comment li connestables de
France avoit ja jeu devant Poitiers et avisé le lieu.
Et bien pensoient cil de Poitiers que il aroient le
siège, et se n’i estoit point leurs seneschaus. Li dis
seneschaus de le Rocelle, messires Jehans d’Evrues,
30ne mist mies ce en noncalloir, mès pour conforter et
consillier chiaus de Poitiers, se parti de le Rocelle à
[54] 54 cinquante lances, et ordonna et institua à son departement
un escuier qui s’appelloit Phelippot Mansiel,
à estre chapitainne et gardiiens jusques à son retour
dou dit chastiel de le Rocelle, et puis chevauça
5jusques à Poitiers, et s’i bouta, dont cil de le cité li
sceurent grant gré. Or vinrent ces nouvelles à monsigneur
Thumas de Persi, qui se tenoit en le route
dou captal, de par ses bonnes gens de Poitiers qui li
prioient que il se volsist retraire celle part, car il
10supposoient à avoir le siège, et ossi que il volsist
venir fors assés, car li François estoient durement
fort sus les camps. Messires Thumas, ces nouvelles
oyes, les remoustra au captal pour savoir qu’il en
vorroit dire. Li captaus eut sur ce avis et lui avisé,
15il n’eut mies conseil de rompre se chevaucie, mès
donna congiet au dit monsigneur Thumas de partir
à cinquante lances et à traire celle part. Dont se
departi li dis messires Thumas et chevauça tant qu’il
vint en le cité de Poitiers, où il fu recheus à grant
20joie des hommes de le ville qui moult le desiroient,
et trouva là monsigneur Jehan d’Evrues; si se fisent
grant feste et grant recueilloite. Tout cel estat et
ceste ordenance sceut li connestables qui se tenoit
encores à Montcontour, et comment cil de Poitiers
25estoient rafresci de bonnes gens d’armes. A ce dont
li estoient venues nouvelles dou duch de Berri, qui
se tenoit atout grant fuison de gens d’armes d’Auvergne,
de Berri, de Bourgogne et de Limozin, sus
les marces de Limozin, et voloit mettre le siège
30devant Sainte Sivière en Limozin, la quele ville et
garnison estoit à monsigneur Jehan d’Evrues, et le
gardoient de par lui messires Guillaumez de Persi,
[55] 55 Richars Gilles et Richars Holme, atout grant fuison
de bons compagnons; et avoient courut tout le temps
sus le pays d’Auvergne et de Limozin et fait y moult
de damages et de destourbiers, pour quoi li dus de
5Berri se voloit traire celle part, et prioit au dit
connestable que se il pooit nullement, que il volsist venir
devers lui, pour aler devant le dit fort. Li connestables,
qui moult imaginatis estoit, regarda que à
present à lui traire ne ses gens devant Poitiers, il ne
10feroit riens; car la chités estoit grandement rafreschie
de bonnes gens d’armes, et qu’il se trairoit
devers le duch de Berri. Si se parti de Montcontour
atout son host, quant il eut ordonné qui garderoit
le forterèce dessus ditte. Et esploita tant que il vint
15devers le dit duch de Berri, qui li sceut grant gré de
sa venue, et à tous le[s] barons et chevaliers ossi. Là
eut grant gent d’armes, quant ces deus hos furent
remis ensamble. Si esploita tant li dis dus de Berri et
li connestables [en sa compaignie], que il vinrent
20devant Sainte Sivière et estoient bien quatre mil
hommes d’armes. Si assegièrent la garnison et ceulz
qui dedens estoient, et avoient bien pourpos qu’il
ne s’en partiroient, si l’aroient. Quant cil signeur
furent venu devant, il ne sejournèrent mies, mès
25commencièrent à assallir par yaus et par leurs gens,
par grant ordenance; et messires Guillaumes de Persi
et ses gens à yaus deffendre.
Ces nouvelles vinrent en le cité de Poitiers à
monsigneur Jehan d’Evrues, comment li dus de
30Berri, li dus de Bourbon, li dauffins d’Auvergne, li
connestables de France, li sires de Cliçon, li viscontes
de Roem et bien quatre mil hommes d’armes avoient
[56] 56 assegiet sa forterèce en Limozin et ses gens dedens;
si n’en fu mies mains pensieus que devant, et en
parla à monsigneur Thumas de Persi qui estoit presens
au raport de ces nouvelles, et dist: «Messire
5Thumas, vous estes seneschaus de ce pays, et qui
avés grant vois et grant poissance; je vous pri que
vous entendés à vostre cousin et mes gens secourir,
qui seront pris de force, se on ne les conforte.»
—«Par ma foy», respondi messires Thumas, «j’en sui
10en grant volenté, et pour l’amour de vous, je me
partirai de ci en vostre compagnie, et nous en irons
parler à monsigneur le captal qui n’est pas lonch de
ci, et mettrai grant painne à lui esmouvoir, afin que
nous alons lever le siège et combatre les François.»
15Lors se departirent [de Poitiers] li dessus dit, et
recommendèrent le cité en le garde dou maiieur de le
ditte cité, qui s’appelloit Jehans Renaus, un bon et
loyal homme. Si chevaucièrent tant li dessus dit, que
il trouvèrent le captal sus les camps qui s’en aloit
20devers Saint Jehan l’Angelier. Adont li doi chevalier
qui là estoient, li remoustrèrent comment li François
avoient pris Montmorillon dalés Poitiers et ossi le
fort chastiel de Montcontour, et se tenoient à siège
devant Sainte Sivière qui estoit à monsigneur Jehan
25d’Evrues, à qui on devoit bien aucun grant service.
Et encores dedens le dit fort estoient enclos et assis
messires Guillaumes de Persi, Richars Gille et Richars
Holme, qui ne faisoient mies à perdre. Li captaus
pensa sus ces parolles un petit, et puis respondi et
30dist: «Signeur, quel cose vous semble il bon que
j’en face?» A ce conseil furent appellé aucun chevalier
qui là estoient. «Sire», respondirent li dessus dit,
[57] 57 «il y a grant temps que nous vous avons oy dire
que vous desirés moult les François à combatre, et
vous ne les poés trouver mieulz à point; si vous
traiiés celle part et faites vostre mandement parmi
5Poito et Saintonge; encores y a gens assés pour combatre
les François avoecques le grant volenté que
nous en avons.»—«Par ma foy», respondi li captaus,
«et je le voeil. Voirement ai jou ensi dit que
je les desire à combatre; si les combaterons temprement,
10se il plaist à Dieu et à saint Jorge.» Tantos là sus
les camps li dis captaus envoia lettres et messages par
devers les barons, chevaliers et escuiers de Poito et
de Saintonge, qui en leur compagnie n’estoient, et
leur prioit et enjoindoit estroitement qu’il se presissent
15priès de venir au plus efforciement qu’il
pooient, et leur donnoit place où on le trouveroit.
Tout baron, chevalier et escuier, as quelz ces nouvelles
vinrent et qui certefiiet et mandé en furent, se
partirent sans point d’arrest, et se misent au chemin
20pour trouver le dit captal, cescuns au plus estoffeement
qu’il peut. Là vinrent li sires de Partenay,
messires Loeis de Harcourt, messires Huges de
Vivone, messires Parchevaus de Coulongne, messires
Aymeris de Rochewart, messires Jakemes de Surgières,
25messires Joffrois d’Argenton, li sires de Ponsances,
li sires de Rousseillon, li sires de Crupegnach,
messires Jehans d’Angle, messires Guillaumez de
Monttendre et pluiseurs aultre. Et fisent tant qu’il se
trouvèrent tout ensamble, et s’en vinrent logier, Englès,
30Poitevins, Gascons et Saintongiers, en l’abbeye
de Charros sus les marces du Limozin; si se trouvèrent
bien nuef cens lanches et cinc cens archiers.
[58] 58 § 697. Ces nouvelles vinrent en l’ost devant Sainte
Sivière à monsigneur Bertran et as aultres signeurs
que li Englès et li Poitevin et tout cil de leur alliance
approçoient durement et venoient pour lever le siège.
5Quant li connestables entendi ce, il n’en fu de riens
effraés, ains fist armer toutes manières de gens et
commanda que cescuns traisist avant à l’assaut. A son
commandement et ordenance ne volt nulz desobeïr,
quelz sires qu’il fust. Si vinrent François et Breton
10devant le forterèce armé et paveschié de bonne
manière, [et commenchèrent à assaillir de bonne volenté,
chascuns sires dessous sa bannère] et entre ses
gens. Si vous di que c’estoit grans biautés dou veoir
et imaginer ces signeurs de France et le riche arroy
15et riche[sse] d’yaus. Car adont à cel assaut, il y eut
par droit compte quarante et nuef banières et grant
fusion de pennons. Et là estoient li dis connestables
et messires Loeis de Saussoire mareschaus, cescuns
ensi que il devoit estre, qui travilloient moult à esvigurer
20leurs gens pour assallir de plus grant [volenté
et] corage. Là s’avançoient chevalier et escuier de
toutes nations pour leur honneur accroistre et leurs
corps avancier, qui y faisoient merveilles d’armes. Car
li pluiseur passoient tout parmi les fossés qui estoient
25plain d’aigue, et s’en venoient les targes sus leurs
testes jusques au mur. Et en celle apertise pour cose
que cil d’amont jettoient, point ne reculoient, mès
aloient toutdis avant. Et là estoient sus les fossés li
dus de Berri, li dus de Bourbon, li contes d’Alençon, li
30dauffins d’Auvergne et les grans signeurs qui amonnestoient
leurs gens de bien faire et pour la cause des
signeurs, qui les regardoient, s’avançoient li compagnon
[59] 59 plus volentiers, et ne ressongnoient mort ne
peril. Messires Guillaumez de Persi et li doi escuier
d’onneur qui chapitainne estoient de le forterèce,
regardèrent comment on les assalloit de grant volenté, et
5que cilz assaulz point ne se refroidoit ne cessoit, et que,
à ensi continuer il ne se poroient tenir, et se ne lor
apparoit confors de nul costé, si com il supposoient.
Car se il sceuissent comment leurs gens estoient à
mains de dis liewes d’yaus, il se fuissent encore reconforté
10et à bonne cause. Car bien se fuissent tenu tant
que il en euissent oy nouvelles, mès point n’en savoient.
Pour tant entrèrent il en trettiet devers le
[dit] connestable pour eskiewer plus grant dangier.
Messires Bertrans qui estoit tous enfourmés que,
15dedens le soir, il oroit nouvelles des Englès et des
Poitevins, car il chevauçoient, entendi à leurs trettiés
volentiers, et les prist salves leurs vies, et se saisi de
le forterèce dont il fist grant feste. Apriès tout che,
il fist toutes ses gens traire sus les camps et mettre en
20ordenance de bataille, ensi que pour tantost combattre;
et leur dist et fist dire: «Signeur, avisés
vous, car li anemi approcent, et esperons encore
anuit à estre combatu.» Ensi se tinrent il de puis
heure de haute tierce que la forterèce fu rendue
25jusques au bas vespre tout rengié et ordonné sus les
camps au dehors de Sainte Sivière, attendans les
Englès et les Poitevins, dont il cuidoient estre combatu.
Et voirement l’euissent il esté sans nulle faute;
mès nouvelles vinrent au captal et à monsigneur
30Thumas de Persi et à monsigneur Jehan d’Evrues
que Sainte Sivière estoit rendue. De ceste avenue
furent li signeur et li compagnon tout courouciet; si
[60] 60 disent et jurèrent là li signeur entre yaus que jamès en
forterèce qui fust en Poito il n’enteroient, si aroient
combatu les François [et ruet jus].
§ 698. Ce terme pendant et ceste chevaucie faisant,
5chil de Poitiers escheïrent en grant discention
et rebellion l’un contre l’autre. Car li communaulté
et les eglises et aucun riche homme de le ville se voloient
tourner françois. Jehans Renaus, qui maires en
estoit, et tout li officiier dou prince et aucun aultre
10grant riche homme ne s’i voloient nullement acorder:
pour quoi il en furent en tel estri que priès sus le
combatre. Et mandèrent cil qui le plus grant acord
avoient secretement devers le connestable que, se il se
voloit avancier et venir si fors que pour prendre le
15saisine de Poitiers, on li renderoit le ville. Quant li
connestables, qui se tenoit en Limozin, oy ces nouvelles,
si s’en descouvri au duch de Berri et au duch
de Bourbon, et leur dist: «Mi signeur, ensi me
mandent cil de Poitiers. A Dieu le veu, je me trairai
20celle part atout trois cens lances, et verai quel cose il
vorront faire; et vous demorrés sus ce pays et ferés
frontière as Englès. Se je puis esploitier, il n’i revenront
jamès à temps.» A ceste ordenance s’acordèrent
bien li dessus dit signeur. Lors se parti secretement
25li dis connestables et prist trois cens lances de
com[pa]gnons d’eslitte tous bien montés, et ossi il le
couvenoit; car, sus demi jour et sus une nuit, il avoient
bien à chevaucier trente liewes, car il ne pooient mies
aler le droit chemin, qu’il ne fuissent sceu et aperceu.
30Si chevauça li dis connestables et se route, à
grant esploit, par bois, par bruières et par divers
[61] 61 chemins et par pays inhabitable, et se uns chevaus
des leurs se recrandesist, il ne l’attendoient point.
Li maires de le cité de Poitiers, qui soupeçonnoit
bien tout cel afaire, envoia secretement un message
5devers monsigneur Thumas de Persi, son mestre,
qui estoit en le compagnie dou captal, et li dist li
varlès, quant il vint à lui: «Sire, mon mestre
vous segnefie que vous aiiés avis, car il besongne,
et vous hastés de retourner en Poitiers, car il sont
10en grant discention l’un contre l’autre, et se
voellent les cinc pars de le ville tourner françois, et
ja en a estet li maires vos varlès en grant peril
d’estre occis. Encores, ne sçai je se vous y porés venir
à temps; car mon mestre fait doubte que il
15n’aient mandé le seneschal.» Quant li seneschal
de Poito entendi che, qui bien congnissoit le
varlet, si fu trop durement esmervilliés, et nompourquant
il le crei bien de toutes ses parolles, car il
sentoit assés le corage de chiaus de Poitiers; si recorda
20tout ce au captal. Dont dist li captaus:
«Messires Thumas, vous ne vos partirés pas de
moy; vous estes li uns des plus grans de nostre
route ou cilz où j’ay plus grant fiance d’avoir
bon conseil, mès nous y envoierons.» Respondi
25messires Thumas: «Sire, à votre ordenance en
soit.» Là fu ordonnés messires Jehans d’Angle et
sevrés des aultres, et li fu dit: «Messire Jehan,
prendés cent lances des nostres, et chevauciés hasteement
vers Poitiers, et vous boutés dedens le ville et
30ne vous en partés jusques à tant que nous vous remanderons
sus certainnes ensengnes.» Messires
Jehans d’Angle obeï tantost; on li delivra sus les
[62] 62 camps cent lances, qui se dessevrèrent des autres: si
chevaucièrent quoiteusement devers Poitiers; mès
onques ne se peurent tant haster que li connestables
de France ne venist devant et trouva les portes ouvertes,
5et le recueillièrent à grant joie et toutes ses
gens. Ja estoit li dis messires Jehans d’Angle et se
route à une petite liewe de Poitiers, quant ces nouvelles
li vinrent, qu’il n’avoit que faire plus avant, se
il ne se voloit perdre; car li connestables et bien
10trois cens lances estoient dedens Poitiers. De ces parolles
fu moult courrouciés li dis messires Jehans, ce
fu bien raisons; comment que il ne les peuist amender,
si tourna sus frain et tout chil ossi qui avoech
lui estoient. Si retournèrent arrière dont il estoient
15parti, et chevaucièrent tant que il trouvèrent le captal
et monsigneur Thumas et les aultres; si leur compta
li dis messires Jehans l’aventure, comment elle aloit
et dou connestable qui s’estoit boutés en Poitiers.
§ 699. Quant li Gascon, li Englès et li Poitevin
20qui là estoient tout ensamble d’un acord et d’une
alliance, entendirent ces nouvelles, si furent plus
esmervilliet et esbahi que devant, et n’i eut baron
[ne] chevalier qui ne fust durement pensieus et courouchiés,
et bien y avoit cause, car il veoient les coses
25aler diversement. Si disent li Poitevin pour les Gascons
et Englès reconforter: «Signeur, sachiés de verité
que il nous desplaist grandement des coses qui
ensi vont en ce pays, se conseil ou remede y poions
mettre. Et regardés entre vous quel cose vous volés
30que nous façons, nous le ferons ne ja en nous vous
ne trouverés nulle lasqueté.»—«Certainnement,
[63] 63 signeur,» ce respondirent li Englès, «nous vous en
creons bien, et nous ne sons pas pensieu sur vous ne
sus vostre estat et afaire, fors sus le infortuneté de
nous; car toutes les coses nous viennent à rebous.
5Si nous fault avoir sur ce avis et conseil comment à
nostre honneur nous en porons perseverer.» Là regardèrent
par grant deliberation de conseil et pour
le milleur, que ce seroit bon que li Poitevin fesissent
leur route à par yaus, et li Englès le leur, et li Gascons
10le leur et se retraisissent en leurs garnisons, et
quand il vorroient chevaucier et il veroient bien où
à emploiier leur chevaucie, il le segnefieroient l’un à
l’autre, et il se trouveroient apparilliet. Ceste ordenance
fu tenue et se departirent moult amiablement
15li un de l’autre, et prisent li dit Poitevin le chemin
de Touwars, et li Gascon le chemin de Saint Jehan
l’Angelier, et li Englès le chemin de Niorth. Ensi se
desrompi ceste chevaucie.
Li Englès qui chevauçoient tout ensamble, quant
20il cuidièrent entrer en le ville de Niorth, on leur cloy
les portes, et leur disent li villain de le ville que
point là il n’enteroient et qu’il alaissent d’autre part.
Or furent li Englès plus courouchié que devant, et
disent que ceste rebellion contre telz villains ne faisoit
25mies à souffrir. Si se appareillièrent tantost et
misent en ordenance pour assallir et assallirent de
grant corage; et cil de le ville se deffendirent à leur
pooir. Là eut grant assaut et dur, et qui se tint une
longe espasse; mès finablement chil de Niorth ne les
30peurent souffrir, car il n’avoient nul gentil homme,
dont il fuissent conforté et consillié. Et se il se peuissent
estre tenu jusques au vespre, il euissent esté
[64] 64 secouru et conforté dou connestable, en quel istance il
s’estoient clos contre li Englès. Mès li dit Englès le
assallirent si virtueusement et de si grant volenté que
de force il rompirent les murs et entrèrent ens et
5occirent le plus grant partie des hommes de le ville,
et puis le coururent et pillièrent toute sans nul deport,
et se tinrent là jusques à tant qu’il oïrent autres
nouvelles.
§ 700. Vous avés bien chi dessus oy recorder comment
10Yewains de Galles à l’ordenance et commandement
dou roy de France ala en Espagne parler au roy
Henri pour impetrer une partie de se navie. Li rois
Henris ne l’euist jamais refusé ne escondi au roy de
France, mès fu tous joians quant il peut envoiier. Si
15ordonna son mestre amiral dan Radigo de Rous à
estre patrons, avoech le dessus dit Yewain, de toute
ceste armée. Si se partirent dou port de Saint Andrieu
en Galisse, quant la navie fu toute preste à quarante
grosses nefs, huit galées et trese barges, toutes fretées
20et appareillies et cargies de gens d’armes. Si singlèrent
tant par mer sans avoir empeecement ne vent
contraire, qu’il arrivèrent devant le ville de le Rocelle,
où il tendoient à venir et ancrèrent tout par
devant, et s’i ordonnèrent et establirent par manière
25de siège. Cil de le Rocelle, quant il veirent celle grosse
flotte là des Espagnolz venue, furent durement esbahi;
car il n’avoient point apris à estre assegié si
poissamment par mer ne de telz gens. Toutes fois quel
samblant que toute la saison il euissent moustré as
30Englès, il avoient le corage tout bon françois, mès il
s’en dissimuloient ce qu’il pooient, et se fuissent ja
[65] 65 trés volentiers tourné françois, se il osassent; mais
tant que li chastiaus fust en le main des Englès, il ne
pooient, se il ne se mettoient en aventure d’estre tout
destruit. Quant cil de le Rocelle veirent que c’estoit
5tout acertes que on les avoit assegiés, si y pourveirent
couvertement de conseil et de remède; car il trettièrent
secretement devers Yewain de Gallez et dan
Radigo de Rous trettiés amiables par composition
tele que il voloient bien estre assegiet, mais il ne devoient
10riens fourfaire l’un sus l’autre; si se tinrent en
tel estat un terme.
Li connestables de France, qui se tenoit en le cité
de Poitiers à tout grant fuison de gens d’armes, envoia
monsigneur Renault, signeur de Pons, en Poito, devant
15le chastiel de Subize, qui siet sus le Charente à
l’emboukure de le mer, et ordonna desous le dessus
dit bien trois cens lances, dont la plus grant partie
estoient Breton et Pikart. Et y furent envoiiet doi escuier
Breton vaillant homme durement, Thiebaus
20dou Pont et Alyot de Chalay. Si vinrent ces gens
d’armes mettre le siège devant le dit chastiel de Subize,
et le assegièrent à l’un des lés et ne mies partout. Dedens
le forterèce n’avoit que une seule dame veve
sans marit, qui s’appelloit la dame de Subize, et pour
25se loyauté tenir, elle demoroit Englesce; si estoit là
aseulée entre ses gens, et ne cuidoit mies avoir le
siège si soudainnement que elle l’eut. Quant elle vei
que ce fu acertes et que li sires de Pons et li Breton
le cuvrioient telement, si envoia devers monsigneur
30le captal de Beus qui se tenoit en garnison en le ville
de Saint Jehan l’Angelier, en lui priant humlement et
doucement que il volsist entendre à lui conforter;
[66] 66 car li sires de Pons et Thiebaus dou Pont Breton et
environ trois cens armeures de fier, l’avoient assegiet
et le constraindoient durement. Li captaus de Beus,
comme courtois et vaillans chevaliers, et qui tous
5jours fu enclins et en grant volenté de conforter
dames et damoiselles, en quel parti que elles fuissent,
ensi que tout noble et gentil homme de sanch doivent
estre, et sicom il reconforta et aida jadis, et se mist
en grant peril ou marchiet à Miaus contre les
10Jakebonhommes, pour la royne de France qui lors estoit
ducoise de Normendie, respondi as messages, qui ces
nouvelles li aportèrent: «Retournés devers la dame
de Subize, et li dittes de par moy que elle se conforte,
car je n’entenderai à aultre cose, si l’arai secourue
15et levet le siège; et me recommendés à lui
plus de cent fois.» Li message furent moult liet de
ceste response, et retournèrent à Subise devers leur
dame, qui ossi en ot grant joie. Li captaus de Beus ne
mist mies en noncalloir ceste emprise, mès envoia
20tantost devers le capitainne de Saintes, monsigneur
Guillaume de Ferintonne et manda monsigneur Henri
Haie, senescal d’Angouloime, monsigneur Renault,
signeur de Maruel, neveut à monsigneur Raymon,
et à Niort monsigneur Thumas de Persi, Jehan
25Cressuelle et David Holegrave; et à Luzegnan monsigneur
Petiton de Courton, monsigneur Gautier
Huet, et monsigneur Meurisse Wis et pluiseurs
aultres. Et s’assamblèrent tout ces gens d’armes en
le ville de Saint Jehan. Tout ce couvenant et ceste
30ordenance sceut bien par ses espies, qu’il avoit alant
et venant, Yewains de Galles, qui se tenoit devant le
Rocelle et ossi le siège dou signeur de Pons qu’il
[67] 67 avoit mis et tenoit devant Subize. Si imagina li dis
Yewains, qui fu uns moult apers et vaillans homs
d’armes, que ceste assamblée dou captal se faisoit
pour lever le siège et ruer jus le signeur de Pons et
5se route. Si s’apensa que il y pourveroit de remède,
se il pooit. Si pria tous les milleurs hommes d’armes
de sa navie par election, et les trouva [si] appareilliés
et obeïssans à sa volenté, et fist son fet secretement
et eut environ quatre cens armeures de fier;
10si les fist tous entrer par ordenance ens es treise barges
qu’il avoit amenet d’Espagne, et se mist en l’une, et
puis nagièrent et rimèrent tant li notonnier, que il
vinrent en l’emboukure de le Charente à l’opposite
dou chastiel de Subize, sans ce que li sires de Pons
15ne la dame de Subize en seuissent riens, et là se tinrent
tout quoi à l’ancre sus la ditte rivière.
§ 701. Li captaus, qui se tenoit à Saint Jehan l’Angelier
et qui avoit fait son mandement de quatre
cens hommes, et de plus fu enfourmés ains son departement
20que li sires de Pons en toute somme n’avoit
devant Subise non plus de cent lances, si crut ceste
information trop legierement, dont il en fu decheus
et renvoia le droite moitié de ses gens pour garder
leurs forterèces, et se parti de Saint Jehan atout
25deus cens lances, tous des milleurs à son avis. Et
chevauça tant ce jour que sus le nuit il vint assés
priès de l’ost as François, qui riens ne savoient de sa
venue, et descendi en un bosket et fist toutes ses gens
descendre: si restraindirent leurs armeures et rechenglèrent
30leurs chevaus, et puis montèrent sans faire
nul effroi. Et chevaucièrent tout quoiement tant que
[68] 68 il vinrent ou logeis dou signeur de Pons et des
Bretons, qui se tenoient tout asseguret, et ja estoit
moult tart. Evous monsigneur le captal et se route,
qui entrent sans dire mot ne faire trop grant noise
5en ces logeis, et commencent à ruer par terre tentes
et trés et foelliès et à abatre gens, occire et decoper
et à prendre. Là furent pris li sires de Pons, Thiebaus
dou Pont, Alyos de Chalay et tout chil qui là
estoient mort ou pris. Et en furent li Englès si mestre
10et si signeur, que tout fu leur pour ceste heure.
Yewains de Galles qui estoit à l’autre part à l’encontre
de celle host oultre le rivière derrière le dit
chastiel, tous pourveus et avisés quel cose il devoit
faire et qui bien savoit le venue dou dit captal, avoit
15pris terre et toutes ses gens ossi, qui bien estoient
quatre cens combatans. Et là estoient messires
Jakemes de Montmore et Morelès, ses frères. Et portoient
ces gens d’armes grant fuison de fallos et de
tortis tous alumés, et s’en vinrent par derrière les
20logeis, où cil Englès se tenoient, qui cuidoient avoir
tout fait et tenoient leurs prisonniers dalés yaus ensi
que pour tous assegurés. Evous le dit Yewain et se
route, qui estoit forte et espesse et en grant volenté
de bien faire le besongne, et entrent en ces logeis,
25les espées toutes nues, et commencent à escriier leurs
cris et à occire et decoper gens d’armes et ruer par
terre et prendre et fiancier prisonniers et à delivrer
chiaus qui pris estoient. Que vous feroi je lonch
compte? Là fu pris li captaus de Beus d’un escuier
30de Pikardie, qui s’appelloit Pières Danviller, apert
homme d’armes durement desous le pennon Yewain.
Là furent telement espars et ruet par terre li Englès
[69] 69 que il ne se peurent ravoir ne desfendre, et furent
tout li prisonnier françois rescous. Li sires de Pons
premierement, qui en fu très ewireus et au quel li
aventure fu plus belle qu’à nulz des aultres; car se li
5Englès l’euissent tenu jamais, il n’euist veu sa delivrance.
Là furent pris messires Henris Haie, messires
Meurisses Wis et pluiseur aultre chevalier et escuier,
et ossi li seneschaus de Poito, messires Thumas de
Persi; et le prist uns prestres de Galles, chapellains
10dou dit Yewain, qui s’appelloit messires David House.
Là furent priès que tout pris et mort, et se sauvèrent
à grant meschief messires Gautiers Huès, messires
Guillaumes de Ferrintonne et messires Petiton de
Courton et Jehan Cressuelle, qui afuirent vers le forterèce
15par une estragne voie, ensi que uns varlès les
mena, qui savoit le couvine de laiens, les entrées et
les issues. Si furent recueilliet de la dame de Subise
par une fausse porte, et leur jetta on une plance par
où il entrèrent en leur forterèce. Si recordèrent à la
20ditte dame de Subise leur aventure et comment il
leur estoit mesavenu par povre soing. De ces nouvelles
fu la dame toute desconfortée, et vei bien que
rendre le couvenoit et venir en l’obeïssance dou roy
de France.
25§ 702. Ceste nuit fu tantost passée, car c’estoit en
temps d’esté, ou mois d’aoust, mais pour ce que il
faisoit noir et brun, la lune estoit en decours. Si se
tinrent li François et cil de leur costé tout liet et
grandement reconforté, et bien y avoit cause; car il
30leur estoit avenu une très belle aventure que pris le
captal de Beus, le plus renommé chevalier de toute
[70] 70 Gascongne et que li François redoubtoient le plus
pour ses hautainnes emprises. De ceste avenue et
achievement eut Yewains de Galles grant grasce.
Quant ce vint à l’endemain dont la besongne avoit
5estet le nuit, li dis Yewains et cil qui prisonniers
avoient, les fisent mener pour tous perilz eschiewer en
leur aultre navie devant le Rocelle, car envis les
euissent perdus; et puis s’en vinrent rengié et ordonné
devant le chastiel de Subise. Et mandèrent en leur
10navie encores grant fuison de Genevois et arbalestriers;
si fisent grant samblant d’assallir la forterèce,
et s’en misent en bon arroi. La dame de Subise qui
veoit tout son confort mort et pris, dont moult li
anoioit, demanda conseil as chevaliers, qui là dedens
15estoient retrait à sauveté, monsigneur Gautier Huet,
et monsigneur Guillaume de Ferrintonne et monsigneur
Petiton de Courton. Li chevalier li respondirent:
«Dame, nous savons bien que à le longe vous
ne vous poés tenir; et nous sommes cheens enclos;
20si n’en poons partir fors par le dangier des François.
Nous traitterons devers yaus que nous partirons
sauvement sus le conduit le signeur de Pons;
et vous demorrés en l’obeïssance dou roy de France.»
La dame respondi: «Diex y ait part, puis que il
25ne poet estre autrement.» Adont li troi chevalier
dessus nommet envoiièrent un hiraut des leurs hors
dou chastiel parler à Yewain de Galles et au signeur
de Pons, qui estoient tout appareilliet et leurs gens
pour assallir. Li dessus dit entendirent à ces trettiés
30volentiers et eurent grasce de partir tout li Englès
qui dedens le fort estoient et de retraire par saufconduit
là où mieus leur plaisoit, fust en Poito ou
[71] 71 en Saintonge; si se partirent sans plus attendre.
Et la dame de Subize, ses chastiaus et toute sa terre,
demora en l’obeïssance dou roy de France. Et li
dis Yewains [de Galles] se retray en se navie devant
5le Rocelle qu’il tenoit pour assegie, quoi que compositions
fust entre li et chiaus de le ville, que
point ne devoient grever l’un l’autre. Et tint toutdis
monsigneur le captal dalés lui, ne point n’avoit volenté
d’envoiier en France devers le roy jusques à
10tant qu’il oroit aultres nouvelles.
§ 703. Vous devés savoir que se li rois d’Engleterre
et li Englès furent courouciet de le prise le
captal de Beus, li rois de France et li François en
furent moult resjoy et en tinrent leur guerre à plus
15belle, et à plus foible le poissance des Englès. Tantost
apriès ceste avenue, li sires de Pons, li sires de Cliçon,
li viscontes de Roem, li sires de Laval, li sires de
Biaumanoir, Thiebaus dou Pont, Alyot de Calay et
une grande route de Bretons et de Poitevins d’une
20alliance, qui bien estoient cinc cens hommes d’armes,
chevaucièrent caudement par devers Saint Jehan
l’Angelier, dont li captaus avoit estet chapitainne,
et esploitièrent tant que il vinrent devant et fisent
grant samblant de l’assallir. Cil de Saint Jehan furent
25tout esbahi de leur venue, car il n’avoient nul gentil
homme, qui les consillast, et si veoient leur chapitainne
pris, et le plus grant partie des Englès; et ne
leur apparoit confors de nul costé. Si se rendirent et
ouvrirent leurs portes as dessus dis, parmi tant que
30on ne leur devoit nul mal faire. De ce leur tint on
bien couvent. Et il jurèrent foy et seurté et toute
[72] 72 obeïssance de ce jour en avant à tenir au roy de
France. Quant il eurent ce fait, il s’en partirent et
chevaucièrent ossi caudement par devers le cité d’Angouloime,
qui est belle et forte, et y apent uns biaus
5chastiaus; mais il avoient perdu leur seneschal, monsigneur
Henri Haie, et n’estoit là dedens de le partie
des Englès, qui les consillast ne confortast. Si furent
si esbahi, quant li sires de Cliçon et li sires de Pons et
li dessus dit approcièrent leur cité, que il n’eurent
10nulle volenté d’yaus tenir, et entrèrent en trettiés
devers les dis François; et les aida à faire li sires de
Pons, pour tant qu’il y avoit plus grant fiance que
ens es Bretons. Si jurèrent feaulté et obeïssance au
roy de France; et entrèrent li Breton dedens le ditte
15cité, et là se rafreschirent par un jour, et l’endemain
s’en partirent; si chevaucièrent viers Taillebourch,
sus le rivière de Charente, qui se tourna françoise
ossi. Et puis chevaucièrent devers le cité de Saintes
en Poito, où messires Guillaumez de Ferrintonne,
20seneschaus de Saintonge, estoit retrais, li quelz dist
qu’il ne se renderoit mies si legierement, et fist clore
la cité et toutes manières de gens aler à leurs deffenses,
fust envis ou volenté. Quant li Breton veirent
ce, si se ordonnèrent et apparillièrent de grant
25manière et commencièrent à assallir la ditte cité de
Saintes, et cil dedens à yaus deffendre par le conseil
dou dit monsigneur Guillaume et de ses gens, qui
pooient estre environ soissante armeures de fier. Et
y eut un jour tout entier grant assaut, mès riens n’i
30perdirent. Si se retraisent au soir li Breton tout las
et travilliet en manechant durement chiaus de le ville,
et leur disent au partir: «Folle gent, vous vos tenés
[73] 73 et cloés contre nous, et si ne poés durer que nous
ne vous aions. Et quant vous serés pris de force,
vostre ville sera toute courue et reubée et arse, et
serés tout mort sans merci.» Ces parolles entendirent
5bien aucun homme de le ville, si les notèrent
grandement et les segnefiièrent à l’evesque dou lieu,
qui en fist grant compte, et leur dist: «Se il avient
ensi que li Breton vous prommettent, vous n’en arés
mies mains: par le oppinion de monsigneur Guillaume
10porions nous estre tout perdu sans nul recouvrier.»
Lors demandèrent cil de le cité à l’evesque
conseil, comment il poroient ouvrer pour le mieulz
sus cel estat. Li evesques leur dist, qui desiroit à estre
françois: «Prendés monsigneur Guillaume de Ferrintonne
15et les plus notables de conseil, et les mettés
en prison, ou dittes que vous les occirés, se il ne
s’acordent à rendre le cité.» Ensi que li dis evesques
le consilla, fu fait. De nuit cil de Saintes prisent de
force leur senescal à son hostel et huit de ses escuiers,
20et leur disent: «Signeur, nous ne nos sentons mies
fort assés pour nous tenir contre le poissance de ces
Bretons, car encores doient il i estre de matin
rafreschi de nouvelles gens de par le connestable
qui se tient à Poitiers. Si volons que vous rendés
25ceste cité ançois que nous y recevons plus grant
damage, ou briefment nous vous occirons.» Messires
Guillaumes et si compagnon veirent bien que deffence
n’i valoit riens; si leur dist: «Signeur, je vous lairai
couvenir, puis que ensi est que vous avés volenté
30de vous rendre, mès mettés nous hors de vostres
trettiés, si ferés courtoisie et vous en sarons gré»; et
chil respondirent: «Volentiers.»
[74] 74 § 704. Quant ce vint l’endemain au matin, li sires
de Cliçon, li sires de Pons, li viscontes de Rohem, et
li baron qui là estoient fisent sonner leurs trompètes
pour assallir et armer et appareillier toutes gens et
5traire avant et mettre en ordenance d’assaut. Evous
autres nouvelles qui leur vinrent envoiies de par
chiaus de Saintes. A ces trettiés entendirent li signeur
de l’ost pour tant que ce leur sambloit honneurs de
conquerre une tele cité que Saintes est, et mettre en
10l’obeïssance dou roy de France, sans travillier ni blechier
leurs gens, qui leur estoit grans pourfis. Et ossi
il tiroient toutdis à chevaucier avant. Si furent cil
trettié oy, retenu et acordé; et se departirent messires
Guillaumes de Ferintonne et ses gens sauvement
15sus le conduit le signeur de Pons, qui fist les
dis Englès conduire jusques en le cité de Bourdiaus.
Ensi eurent li François la bonne cité de Saintes, et
en prisent le feauté et l’ommage; et jurèrent li homme
de le ville à estre bon et loyal françois de ce jour en
20avant. Et puis s’en partirent, quant il s’i furent rafreschi
trois jours, et chevaucièrent devant Pons, qui
se tenoit encores englesce, quoi que li sires fust françois,
et en estoit chapitainne messires Aymenions de
Bourch.
25Mais quant chil de le ville se veirent ensi enclos de
tous lés des François, et que cil de Poitiers, de Saintes
et de Saint Jehan l’Angelier s’estoient rendu et tourné
françois et que li dit Englès perdoient tous les jours,
et que li captaus estoit pris, par le quel toutes recouvrances
30se peuissent estre faites, il n’eurent nulle
volenté d’yaus tenir; mais se rendirent par composition
que tout chil qui le opinion des Englès voloient
[75] 75 [tenir et] soustenir, se pooient partir sans damage et
sans peril, et avoient conduit jusques à Bourdiaus.
Si se parti sus cel estat messires Aymenions, qui
l’avoit gardée plus d’an et demi, et avoech lui toute
5se route, et se traist à Bourdiaus, [et li sire de Pons
entra] en sa ville, où il fut recheus à grant joie. Et
là fist on grans dons et biaus presens, afin que il leur
pardonnast son mautalent, car il avoit dit et juret
en devant que il en feroit plus de soissante de ses
10gens meismes trenchier les testes; et pour celle
doubte s’estoient il tenu si longement. Mais anchois
que il y peuist entrer ne que il vosissent ouvrir leurs
portes, il leur quitta et pardonna tout à le priière
dou signeur de Cliçon et des barons, qui estoient
15en se compagnie. Or parlerons nous de chiaus de le
Rocelle.
§ 705. Chil de le Rocelle estoient en trettiés couvers
et secrés devers Yewain de Galles, qui les avoit
assegiés par mer, sicom chi dessus vous avés oy, et
20ossi devers le connestable de France qui se tenoit à
Poitiers, mès il n’en osoient nulz descouvrir; car
encores estoit li chastiaus en le possession des Englès,
et sans le chastiel il ne s’osassent nullement
tourner françois. Quant messires Jehans d’Evrues, sicom
25chi dessus est recordé, s’en parti pour conforter
de tous poins chiaus de Poitiers, il y establi un
escuier à garde, qui s’appelloit Phelippot Mansiel, qui
n’estoit mies trop soutieulz; et demorèrent avoech
lui environ soissante compagnons. En ce temps avoit
30en le ville de le Rocelle un maieur durement agu et
soubtil en toutes ses coses et bon François de corage,
[76] 76 sicom il le moustra. Car quant il vei que poins fu,
il ouvra de sa soutilleté, et ja s’en estoit descouvers à
pluiseurs bourgois de le ville, qui estoient tout de
son acord. Bien sçavoit li dis maires, qui s’appelloit
5sire Jehan [Cauderier], que cilz Phelippos, qui estoit
gardiiens dou chastiel, comment qu’il fust bons
homs d’armes, n’estoit mies trop soubtieulz ne perchevans
sus nul malisce; si le pria un jour de disner
dalés lui, et aucuns bourgois de le ville. Chilz Phelippos
10qui n’i pensoit que tout bien, li acorda et y
vint. Anchois que on s’assesist au disner, sire Jehans
[Cauderier], qui estoit tous pourveus de son fait et
qui enfourmé en avoit ses compagnons, dist à Phelippot:
«Chastelains, j’ay recheu de puis hier unes
15lettres de par nostre chier signeur le roy d’Engleterre,
qui bien vous touchent.»—«Et queles sont
elles?» dist cilz. Respondi li maires: «Je les vous
mousterai et ferai lire en vostre presence, car c’est
bien raisons.» Adont ala il en un coffre et prist une
20lettre toute ouverte, anchiennement faite, seelée dou
grant seel le roy Edowart d’Engleterre, qui de riens
ne touchoit à son fait; mais il li fist touchier par
grant sens, et dist à Phelippot: «Vés le chi.» Lors
li moustra le seel au quel cilz s’apaisa moult bien, car
25assés le recogneut; mais il ne savoit lire: pour tant
fu il decheus. Sire Jehans [Cauderier] appella un
clerch que il avoit tout pourveu et avisé de son fait,
et dist: «Lisiés nous ceste lettre.» Li clers le prist
et lisi ce que point n’estoit en le lettre, et parloit en
30lisant que li rois d’Engleterre commandoit au maieur
[de le Rochelle] que il fesist faire leur moustre de
tous hommes armés demorans en le Rocelle, et l’en
[77] 77 rescrisist le nombre par le porteur de ces lettres, car
il le voloit savoir, et ossi de chiaus dou chastiel; car
il esperoit temprement à là venir et arriver. Quant
ces parolles furent toutes dittes, ensi que on list une
5lettre, li maires appella ledit Phelippot, et li dist:
«Chastellain, vous oés bien que li rois, vos sires, me
mande et commande: siques de par lui, je vous
commande que demain vous fachiés vostre moustre
de vos compagnons en le place devant le chastiel. Et
10tantost apriès la vostre, je ferai la mienne, par quoi
vous le verés ossi, si vaurra trop mieulz, et en ceste
meisme place. Si en rescrirons l’un par l’autre la
verité à nostre très chier signeur le roy d’Engleterre.
Et aussi se il besongne argent à vos compagnons, je
15crois bien oïl, tantost le moustre faite, je vous en
presterai, par quoi vous les paierés lor gages, car li
rois d’Engleterre, nos sires, le m’a mandé ensi en
une lettre close, que je les paie sus mon offisce.»
Phelippes qui adjoustoit en toutes ces parolles grant
20loyauté, li dist: «Sires maires, de par Dieu, puis que
c’est à demain que je doy faire ma moustre, je le
ferai volentiers, et li compagnon en aront grant joie,
pour tant qu’il seront paiiet; car il desirent à avoir
argent.» Adont laissièrent il les parolles [sur tel estat]
25et alèrent disner, et furent tout aise. Apriès disner
cilz Phelippos se retray ens ou chastiel de le Rocelle,
et compta à ses compagnons tout ce que vous avés
oy et leur dist: «Signeur, faites bonne chière, car
demain tantos apriès vo moustre, vous serés paiiet de
30vos gages; car li rois l’a ensi mandé et ordené au
maieur de ceste ville, et j’en ay veu les lettres.» Li
saudoiier qui desiroient à avoir argent, car on leur
[78] 78 devoit de trois mois ou plus, respondirent: «Vechi
riches nouvelles.» Si commencièrent à fourbir leurs
bachinès, à roler leurs cotes de fier et à esclarchir
leurs espées ou armeures teles qu’il les avoient. Ce
5soir se pourvei tout secretement sire Jehans [Cauderier]
et enfourma le plus grant partie de chiaus
de le Rocelle, que il sentoit de son acord, et leur
donna ordenance pour l’endemain, à savoir comment
il se maintenroient.
10Assés priès dou chastiel de le Rocelle et sus le
place où ceste moustre se devoit faire, avoit vieses
maisons où nulz ne demoroit. Si dist li maires que
là dedens on feroit une embusche que quatre cens
hommes armés, tous les plus aidables de le ville, et
15quant cil dou chastiel seroient hors issu, il se metteroient
ent[re] le chastel et yaus et les encloroient;
ensi seroient il attrapé, ne il ne veoient mies que
par aultre voie il les peuist avoir. Cilz consaulz fu
tenus, et cil nommé et esleu en le ville qui devoient
20estre en l’embusche, et y alèrent tout secretement
très le nuit tout armé de piet en cap, et yaus enfourmé
quel cose il feroient. Quant ce vint au matin
apriès soleil levant, li maires de le Rocelle et li juret
et chil de l’offisce tant seulement, se traisent tout desarmé
25par couvreture pour plus legierement attraire
chiaus dou chastiel avant. Et se vinrent sus le place
où li moustre se devoit faire, et estoient monté cescuns
sus bons gros ronchins pour tantost partir, quant
la meslée se commenceroit. Li chastellains si tost que
30il vei apparoir le maieur et les jurés, il hasta ses
compagnons, et dist: «Alons! alons! là jus en le place
on nous attent!» Lors se departirent dou chastiel
[79] 79 tout li compagnon sans nulle souspeçon, qui moustrer
se voloient et qui argent attendoient. Et ne demorèrent
dedens le chastiel fors que varlet et meschines,
et vuidièrent le porte et [le] laissièrent toute ample
5ouverte, pour ce que il y cuidoient tantost retraire, et
s’en vinrent sus le place yaus remoustrer au maiieur
et as jurés qui là estampoient. Quant il furent tout en
un mont, li maires, pour yaus ensonniier, les mist en
parolles, et disoit à l’un et puis à l’autre: «Encores
10n’avés vous pas tout vostre harnas, pour prendre
plains gages, il le vous fault amender.» Et chil
disoient: «Sire, volentiers.» Ensi en genglant et en
bourdant, il les tint tant que li embusche sailli hors
armé si bien que riens n’i falloit, et se boutèrent
15tantost entre le chastiel et yaus, et se saisirent de le
porte. Quant li saudoiier veirent ce, si cogneurent bien
qu’il estoient trahi et decheu: si furent durement
esbahi et à bonne cause. A ces cops se parti li maires
et tout li aultre, et laissièrent leurs gens couvenir,
20qui tantost furent mestre de ces saudoiiers qui se
laissièrent bellement prendre, car il veirent bien que
deffense n’y valoit riens. Là les fisent li Rocellois tous
un à un desarmer sus le place, et les menèrent en
prisons en le ville en divers lieus, en tours et en
25portes de le ville: dou plus n’estoient que yaus doi
ensamble.
Assés tost apriès ce, vint li maires tous armés sus
le place, et plus de mil homes en se compagnie. Si se
traist incontinent devers le chastiel qui en l’eure li
30fu rendus; car il n’i avoit dedens fors menue gent,
mechines et varlès, en qui n’avoit nulle deffense;
mès furent tout joiant, quant il se peurent rendre, et
[80] 80 on les laissa en pais. Ensi fu reconquis li chastiaus
de le Rocelle.
§ 706. Quant li dus de Berri et li dus de Bourbon
et ossi li dus de Bourgongne, qui s’estoient tenu
5moult longhement sur le[s] marches d’Auvergne et
de Limozin, à plus de deus mil lanches, entendirent
ces nouvelles, que chil de le Rocelle avoient bouté
hors les Englès de leur chastiel et le tenoient pour
leur, si s’avisèrent que il se trairoient celle part pour
10veoir et savoir quel cose il vorroient faire. Si se
departirent de le marche où il s’estoient tenu, et
chevaucièrent devers Poito le droit chemin pour venir
à Poitiers par devers le connestable. Si trouvèrent
une ville en leur chemin en Poito c’on dist Saint
15Maxiien, qui se tenoit englesce, car li chastiaus qui
siet au dehors de le ville estoit en le gouvrenance
d’Englès. Sitos que chil signeur et leurs routes furent
venu devant le ville, chil de Saint Maxiien se rendirent,
salves leurs corps et leurs biens, mès li chastiaus
20ne se volt rendre. Dont le fisent assallir li dit
signeur moult efforciement, et là eut un jour tout
entier grant assaut, et ne peut ce jour estre pris. A
l’endemain de rechief, il vinrent assallir si efforchiement
et de si grant volenté, qu’il le prisent, et furent
25tout chil mort qui dedens estoient; puis chevaucièrent
li signeur oultre, quant il eurent ordonné gens
de par yaus pour garder le ville, et vinrent devant
Melle, et le prisent et le misent en l’obeïssance dou
roy de France, et puis vinrent devant le chastiel de
30Sevray. Chil de Sivray se tinrent deus jours, et puis
se rendirent, salve leurs corps et leurs biens. Ensi li
[81] 81 signeur, en venant devers le chité de Poitiers, conqueroient
villes et chastiaus, et ne laissoient riens
derrière yaus, qui ne demorast en l’obeïssance dou
roy de France; et tant cheminèrent qu’il vinrent à
5Poitiers où il furent recheu à grant joie dou connestable
et de ses gens et de chiaus de le cité.
§ 707. Quant li troi duch dessus nommé furent
venu à Poitiers et toutes leurs routes, qui se logièrent
là où environ sus le plat pays pour estre mieulz à
10leur aise, li duc de Berri eut conseil qu’il envoieroit
devers chiaus de le Rocelle pour sçavoir quel cose
il vorroient dire et faire, car encores se tenoient il si
clos que nulz n’entroit ne issoit en leur ville. Si y
envoia li dis dus certains hommes et messages pour
15trettier et savoir mieulz leur entente. Li message de
par le duch de Berri et le connestable furent bellement
recheu, et respondu qu’il envoieroient devers
le roy de France; et se li rois leur voloit acorder
che qu’il demandoient, il demorroient bon François.
20Mais il prioient au duch de Berri et au connestable
que il ne se volsissent mie avanchier ne leurs gens,
pour yaus porter nul damage ne nul contraire, jusques
adont qu’il aroient mieus causé. Che fu tout che que
li message raportèrent. Cheste response plaisi [assés]
25bien as dessus dis le duch de Berri et le connestable,
mès ils se tinrent tout quoi à Poitiers et sus le
Marche, sans riens fourfaire as Rocellois; et Yewains
de Galles par mer ossi les tenoit pour assegiés, comment
qu’il ne leur fesist nul contraire.
30Or vous dirai de l’estat des Rocellois et sus quel
point et article il se fondèrent et perseverèrent. Tout
[82] 82 premierement il envoiièrent douse de leurs bourgois
des plus souffissans et des plus notables à Paris
devers le roy de France, sus bon saufconduit que il
eurent dou roy alant et venant, anchois que il se
5partesissent de le Rocelle. Li rois qui les desiroit à
avoir pour amis et pour ses obeïssans, les rechut
liement et oy volentiers toutes leurs requestes, qui
furent celes que je vous dirai. Cil de le Rocelle voloient
tout premierement, anchois que il se mesissent
10en l’obeïssance dou roy, que li chastiaus de
le Rocelle fust abatus. En apriès il voloient que li
rois de France pour tous jours mès, ilz et ses hoirs, les
tenist comme de son droit demainne de le couronne
de France, ne jamais n’en fuissent eslongié pour
15pais, pour accord, pour mariage ne pour alliance
quelconques il euist au roy d’Engleterre ne à autre
signeur. Tierchement il voloient que li rois de France
fesist là forgier florins et monnoie d’otel pris et
aloy, sans nulle exception, que on forgoit à Paris.
20Quartement il voloient que nulz rois de France, si
hoir ne si successeur, ne peuissent mettre ne assir
sus yaus ne sus leurs masniers taille ne sousside,
gabelle, ayde ne imposition nulle ne fouage ne cose
qui le ressemblast, se il ne l’acordoient ou donnoient
25de grasce. Quintement il voloient et requeroient que
li rois les fesist absorre et dispenser de leurs fois et
sieremens qu’il avoient juret et prommis au roy
d’Engleterre, la quele cose estoit uns grans prejudisces
à l’ame, et s’en sentoient grandement cargié
30en conscience. Pour tant il voloient que li rois à ses
despens leur impetrast du Saint Père le pape absolution
et dispensation de tous ces fourfais.
[83] 83 Quant li rois de France oy leurs articles et leurs
requestes, si leur en respondi moult doucement qu’il
en aroit avis. Sur ce, li dis rois s’en conseilla par
pluiseurs fois as plus sages de son royaume, et tint
5là dalés lui moult longement chiaus de le Rocelle,
mès finablement de toutes leurs demandes il n’en
peut riens rabatre, et couvint que il leur acordast
toutes, seelast, cancelast et confremast pour tenir à
perpetuité. Et se partirent dou roy de France [bien
10content], chartré, burlé et seelé tout ensi comme il
le veurent avoir et deviser, car li rois de France les
desiroit moult à avoir en se obeïssance, et recommendoit
le Rocelle pour le plus notable ville que il
euist par delà Paris. Et encores à leur departement,
15leur donna il grans dons et biaus jeuiaus et riches
presens pour reporter à leurs femmes. Dont se partirent
dou roy et de Paris li Rocellois, et se misent
au retour.
§ 708. Or retournèrent li bourgois de le Rocelle
20en leur ville, qui avoient sejourné, tant à Paris que
sus leur chemin, bien deus mois. Si moustrèrent à
chiaus qui là les avoient envoiiés et à le communauté
de le ville, quel cose il avoient esploitié et impetré,
sans nulle exeption, toutes leurs demandes. De ce
25eurent il grant joie, et [se] contentèrent grandement
bien dou roi et de son conseil. Ne demora de puis
mies trois jours que il misent ouvriers en oevre et
fisent abatre leur chastiel et mettre rés à rés de le
terre, ne onques n’i demora pière sus aultre, et
30l’assamblèrent là en le place en un mont. De puis en
fisent il ouvrer as necessités de le ville et paver
[84] 84 aucunes rues qui en devant en avoient grant mestier.
Quant il eurent ensi fait, il mandèrent au duc de
Berri que il venist là, se il li plaisoit, et que on le
recheveroit volentiers au nom dou roy de Franche, et
5feroient tout che qu’il devoient faire. Li dus de Berri
y envoia monsigneur Bertran de Claikin, qui avoit
de prendre le possession procuration du roy de
France. Lors se parti de Poitiers à cent lances li dis
connestables, à l’ordenance dou duch de Berri, et
10chevauça tant qu’il vint en le ville de le Rocelle, où il
fu recheus à grant joie, et moustra de quoi procuration
dou roy, son signeur. Si prist le foy et l’ommage
des hommes de le ville, et y sejourna trois
jours, et li furent faites toutes droitures, ensi comme
15proprement au roy, et y rechut grans dons et biaus
presens. Et ossi il en donna fuison as dames et as
damoiselles, et, quant il eut assés revelé et jeué, il se
parti de le Rocelle, et retourna arrière à Poitiers.
Ne demora gaires de temps puissedi que li rois de
20France envoia ses messages devers Yewain de Galles,
en lui mandant et segnefiant que il le veroit volentiers,
et son prisonnier le captal de Beus. Encore ordonna
li rois en ce voiage, que li amiraus dou vaillant
roy Henri de Chastille, dan Radigho de Rous, se partesist
25o toute sa navie et retournast en Espagne, car
pour celle saison il ne le voloit plus ensonniier. Ensi
se desfist li armée de mer, et retournèrent li Espagnol,
et furent, ains leur departement, tout sech
paiiet de leurs gages, tant et si bien que il se contentèrent
30grandement dou roy de France et de son
paiement. Et Yewains de Galles, au commandement
et ordenance dou roy, prist le chemin de Paris, et là
[85] 85 amena le captal de Beus, dont li rois eut grant joie,
et le quel bien cognissoit, car il l’avoit vu aultrefois:
se li fist grant chière et lie, et le tint en prison courtoise,
et li fist prommettre et offrir grans dons et grans
5hiretages et grans pourfis, pour li rattraire à sen amour
par quoi il se fust retournés françois; mès li captaus
n’i volt onques entendre, mais bien disoit as barons
et as chevaliers de France, qui le visetoient et qui de
chou l’aparloient, que il se ranceneroit volentiers
10si grandement que cinc ou sis fois plus que sa revenue
par an ne li valoit, mès li rois n’avoit point
conseil de ce faire. Si demora la cose en cel estat, et
fu de premiers mis ou chastiel dou Louvre, et là
gardés bien songneusement; et le visetoient souvent
15li baron et li chevalier de France.
Or revenrons nous as besognes de Poito, qui ne sont
mies encores toutes furnies.
§ 709. Quant li connestables de France eut pris
le saisine et possession de le bonne ville de le Rocelle,
20et il se fu retrais à Poitiers, si eurent conseil li
signeur que il se partiroient de là et venroient
devant aucuns chastiaus qui estoient en le marche
de le Rocelle, par quoi la ville, se il se partoient dou
pays, demorroit en plus segur estat. Car encores
25estoient englès Marant, Surgières [et] Fontenay le
Conte, et couroient tous les jours chil de ces garnisons
jusques as portes de le Rocelle, et leur faisoient
moult de destourbiers. Si se partirent de Poitiers en
grant arroi li dus de Berri, li dus de Bourgongne, li
30dus de Bourbon, li daufins d’Auvergne, li sires de
Sulli, li connestables de France, li mareschaus de
[86] 86 France et bien deus mil lances, et s’en vinrent premierement
devant le chastiel de Benon. Si en estoit
chapitainne de par le captal uns escuiers d’onneur
de le conté de Fois, qui s’appelloit Guillonès de Paus,
5et uns chevaliers de Naples, qui s’appelloit messires
Jakes, doi appert homme d’armes malement. Et
avoient là dedens avoech yaus des bons compagnons,
qui ne furent mies trop effraé, quant chil signeur
et li connestables les eurent assegiés, mès se confortèrent
10en ce que bien lor sambloit qu’il estoient pourveu
assés de vivres et d’arteillerie. Si furent assali
pluiseurs fois, mès trop bien se deffendirent de deus
ou de trois assaus à che commenchement qu’il eurent.
Assés priès de là siet li garnison de Surgières,
15où il avoit bien soissante lances d’Englès, tous bons
compagnons et droite gent d’armes. Si s’avisèrent
un jour que de nuit il venroient resvillier l’ost des
François, et s’enventurroient se il pooient riens conquerir.
Si se partirent de leur fort, quant il fu tout
20avespri, et chevaucièrent devers Benon, et se boutèrent
environ mienuit en l’ost et chevaucièrent si
avant qu’il vinrent sus le logeis dou connestable, et
là s’arrestèrent. Si commenchièrent à abatre et à decoper
et blechier gens qui de ce ne se donnoient
25garde. Si en y eut moult de navrés et de mal appareilliés;
et par especial, ou logeis dou connestable,
fu occis uns siens escuiers d’onneur, que il amoit oultre
l’ensengne. Li hos s’estourmi, on s’arma tantost.
Chil se retraisent, quant il veirent que poins fu et
30qu’il eurent fait leur emprise, et retournèrent sans damage
en leur garnison. Quant li connestables sceut
le verité de son escuier que tant amoit, que il estoit
[87] 87 mors, si fu telement courouchiés que plus ne peut,
et jura que de là jamais ne partiroit, si aroit pris le
chastiel de Benon, et seroient sans merchi tout chil
mort, qui dedens estoient. A l’endemain, quant il
5eut fait entierer son escuier, il commanda toutes ses
gens à armer et traire avant à l’assaut, et, pour mieulz
esploitier, il meisme s’arma et y ala. Là eut grant
assaut et dur et bien continué; et telement s’i esprouvèrent
Breton et aultres gens, que li chastiaus de
10Benon fu pris et conquis de forche, et tout chil qui
dedens estoient, mort et occis, sans prendre nullui
à merchi.
§ 710. Apriès che que li connestables de France
eut faite sen entente dou chastiel de Benon et de tous
15ceulz qui dedens estoient, il donna conseil de traire
devant le chastiel de Marant à quatre liewes de le
Rocelle. Dou chastiel de Marant estoit chapitainne
uns Alemans qui s’appelloit Wisebare, hardi homme
durement, et avoit avoech lui grant fuison d’Alemans.
20Mais, quant il veirent que cil signeur de France venoient
si efforciement et que riens ne se tenoit devant
yaus, et que chil de le Rocelle s’estoient tourné franchois,
et que li connestables avoit tous mis à mort
chiaus dou chastiel de Benon, si furent si effraé que
25il n’eurent nulle volenté d’yaus tenir; mès se rendirent,
et le forterèce, et se tournèrent tout françois,
et le jurèrent à estre bon de ce jour en avant, en le
main dou signeur de Pons, que li connestables y
envoia pour trettiier et pour prendre le saisine et
30possession, mès il y misent une condicion tant que
on leur vorroit paiier de leurs gages, ensi que li Englès
[88] 88 les avoient paiiés bien et courtoisement, et, se
on en estoit en defaute, il se pooient partir sans
nulle reproce et traire quel part qu’il voloient: on
leur eut ensi en couvent. Si demorèrent sus cel estat
5comme en devant, pour tenir et garder le forterèche,
et puis passèrent li signeur oultre, et vinrent
devant le chastiel de Surgières. Quant il furent là
parvenu, il le trouvèrent tout vuit et tout ouvert;
car chil qui l’avoient gardé toute le saison, pour le
10doubtance dou connestable, s’en estoient parti et
bouté en aultres forterèces en Poito. Si entrèrent
li François dedens le chastiel de Surgières, et le
rafreschirent de nouvelles gens, et puis chevaucièrent
devant Fontenay le Conte, où la femme à monsigneur
15Jehan de Harpedane se tenoit, et avoech lui
pluiseurs bons compagnons, qui ne furent à che
commenchement noient effraé de tenir le forterèce
contre les François.
§ 711. Quant li dus de Berri et li aultre duch et
20leurs routes et li connestables de France furent venu
devant Fontenai le Conte en Poito, si assegièrent le
ville et le chastiel par bonne ordenance, et chiaus
qui dedens estoient; et puis ordonnèrent enghin et
manière comment il les poroient conquerre. Si y
25fisent pluiseurs assaus, le terme qu’il y sisent; mais
il ne l’avoient mies d’avantage, car il trouvoient
chiaus de le garnison appers et legiers et bien ordonnés
pour yaus deffendre. Si y eut là devant le
ville de Fontenay pluiseurs assaus, escarmuces et
30grans apertises d’armes et moult de gens blechiés.
Car priès [que] tous les jours y avoit aucun fais
[89] 89 d’armes, et par deus ou par trois estours. Si ne pooit
remanoir que il n’en y euist [des mors et] des blechiés;
et vous di que, se chil de Fontenai sentesissent
ne euissent esperance que il peuissent estre
5conforté dedens trois ne quatre mois, de qui que
ce fust par mer ou par terre, il se fuissent assés tenu,
car il avoient pourveances à grant fuison, et si estoient
en forte place. Mais, quant il imaginoient le
peril que il estoient là enclos et que de jour en jour
10on leur prommetoit que, se de force pris estoient, il
seroient [tout] mort sans merchi, et se ne leur apparoit
confors de nul costé, il s’avisèrent et entendirent
as trettiés dou connestable, qui furent tel qu’il se
pooient partir, se il voloient, et porter ent tout le
15leur, et seroient conduit jusques en le ville de
Touwars, où tout li chevalier de Poito englès pour le
temps se tenoient et s’estoient là recueilliet. Cilz trettiés
passa et fu tenus, et se partirent cil de Fontenay
qui englès estoient, et en menèrent leur dame avoech
20euls, et se retraisent sus le conduit dou connestable
en le ville de Touwars, où il furent recueilliet. Ensi
eurent li François Fontenai le Conte, le ville et le
chastiel, et y ordonnèrent un chevalier à chapitainne,
et vint lances desous lui, qui s’appelloit
25messires Renaulz de Lazi, et puis retournèrent devers
le cité de Poitiers, et esploitièrent tant qu’il y vinrent,
[et y furent receu à grant joye.]
§ 712. Quant cil signeur de France furent retret
à Poitiers et rafreschi quatre jours, yaus et leurs chevaus,
30il eurent conseil qu’il s’en partiroient et s’en
iroient devant Touwars où tout li chevalier de Poito
[90] 90 se tenoient, chil qui soustenoient l’opinion dou roy
d’Engleterre, et bien y avoit cent, uns c’autres, et
metteroient là le siège et ne s’en partiroient, si en
aroient une fin, ou il seroient tout françois, ou il
5demorroient tout englès. Si se partirent en grant
arroi et bien ordené de le cité de Poitiers, et estoient
bien trois mil lances, chevaliers et escuiers, et
quatre mil pavais parmi les Genevois. Si cheminèrent
tant ces gens d’armes qu’il vinrent devant Touwars,
10où il tendoient à venir. Si y establirent et ordonnèrent
tantost leur siège grant et biel, tout à l’environ
de le ville et dou chastiel, car bien estoient gens
pour ce faire, et n’i laissoient nullui entrer ne issir,
ne point n’assalloient; car bien savoient que par
15assaut jamais ne les aroient, car là dedens avoit trop
de bonnes gens d’armes, mais il disoient que là tant
seroient que il les affameroient, se li rois d’Engleterre,
de se poissance, ou si enfant ne venoient lever
leur siège. Quant li baron et li chevalier qui là
20dedens enclos estoient, telz que messires Loeis de
Harcourt, li sires de Partenai, li sires de Cors, messires
Hughes de Vivone, messires Aymeris de Rochewart,
messires Perchevaus de Coulongne, messires
Renaulz de Touwars, li sires de Roussellon, messires
25Guillaumez de Crupegnach, messires Joffrois d’Argenton,
messires Jakes de Surgières, messires Jehans
d’Angle, messires Guillaumez de Monttendre, messires
Mauburnis de Linières et pluiseurs aultres que
je ne puis mies tous nommer, perchurent le manière,
30et imaginèrent l’arroy et l’ordenance des François,
comment il estoient là trait et se fortefioient et
monteplioient tous les jours, si eurent sur ce avis et
[91] 91 conseil; car bien veoient que cil signeur qui assegié
les avoient, ne partiroient point, si en aroient leur
entente ou en partie. Si dist messires Perchevaus
de Coulongne, qui fu uns sages et imaginatis chevaliers
5et bien enlangagiés, un jour qu’il estoient tout
ensamble en une cambre pour avoir conseil sus leurs
besongnes: «Signeur, signeur, com plus gielle, plus
destraint. A ce pourpos, vous savés que nous avons
tenu nostre loyauté devers le roi d’Engleterre tant
10que nous avons pout, et que par droit il nous en doit
savoir gré, car en son service et pour son hiretage
aidier à garder et deffendre, nous avons emploiiet
et aventuré nos corps sans nulle faintise et mis toute
nostre chavance au par daarrain. Nous sommes chi
15enclos, et n’en poons partir ne issir fors par dangier,
et sur ce j’ai moult imaginé et estudiié comment
nous ferons et comment de chi à nostre honneur
nous isterons, car partir nous en fault, et, se vous le
volés oïr, je le vous dirai, salve tous jours le milleur
20conseil.» Li chevalier qui là estoient, respondirent:
«Oïl, sire, nous le volons oïr.» Lors dist messires
Perchevaus: «Il ne poet estre que li rois d’Engleterre
pour qui nous sommes en ce parti, ne soit
enfourmés en quel dangier chil François nous
25tiennent, et comment tous les jours ses hiretages se
pert. Se il le voet laissier perdre, nous ne li poons
garder ne sauver, car nous ne sommes mies si fort
de nous meismes que pour resister et estriver contre
le poissance dou roy de France; car encores nous
30veons en ce pays que cités, villes, forterèces et chastiaus,
avoech prelas, barons et chevaliers, dames et
communautés, se tournent tous les jours françois, et
[92] 92 nous font guerre, la quele cose nous ne poons longement
souffrir ne soustenir: pour quoi je conseille
que nous entrons en trettiés devers ces signeurs
de France qui chi nous ont assegiés, et prendons
5unes triuwes à durer deus ou trois mois. En celle
triewe durant, et au plus tost que nous poons,
segnefions tout plainnement nostre estat à nostre
signeur le roy d’Engleterre et le dangier où nous
sommes et comment ses pays se piert, et impetrons
10en celle triewe devers ces signeurs de France que,
se li rois d’Engleterre ou li uns de ses enfans poeent
venir, ou tout ensamble, si fort devant ceste ville,
dedens un terme expresse que nous y assignerons
par l’acord et ordenance de nous et d’yaus, que
15pour combatre yaus et leur poissance et lever le
siège, nous demorrons englès à tous jours mès; et se
li contraires est, nous serons bon François de ce
jour en avant. Or respondés se il vous samble que
jou aie bien parlé.» Il respondirent tout d’une vois:
20«Oïl, ce est la voie la plus prochainne par la quele
nous en poons voirement à nostre honneur et gardant
nostre loyauté issir.»
A ce conseil et pourpos n’i eut plus riens replikié,
mès fu tenus et affremés, et en usèrent en avant par
25l’avis et conseil dou dessus dit monsigneur Percheval,
et entrèrent en trettiés devers le duch de Berri et le
connestable de Franche. Chil trettiet entre yaus
durèrent plus de quinse jours, car li dessus dit
signeur, qui devant Touwars se tenoient, n’en voloient
30riens faire sans le sceu dou roy de France. Tant
fu alé de l’un à l’autre et parlementé, que chil de
Thouwars et li chevalier de Poito qui dedens estoient,
[93] 93 et ossi chil qui devant seoient, demorèrent en segur
estat parmi unes triuwes qui furent là prises, durans
jusques au jour Saint Mikiel prochain venant, et, se
dedens ce jour li rois d’Engleterre où li uns de ses
5filz, ou tout ensamble, pooient venir si fort en Poito
que pour tenir le place devant Touwars contre les
François, il demorroient, yaus et leurs terres, englès
à tousjours mès, et, se c’estoit que li rois d’Engleterre,
ou li uns de ses filz, ne tenoient le journée, tout chil
10baron et chevalier poitevin, qui dedens Touwars
enclos estoient, devenoient [franchois], et metteroient
yaus et leurs terres en l’obeïssance dou roy de France.
Ceste cose sambla grandement raisonnable à tous
ceulz qui en oïrent parler. Nequedent, comment que
15les triewes durassent et que il fuissent en segur estat
dedens [la dite ville de Thouwart et ossi ou siège des
dis signeurs de France], ne se deffist mie pour ce
li sièges, mès [tous les jours que Dieux amenoit se
renforchoit, car par bonne deliberation et conseil,
20comme on doibt entendre et presupposer], y envoioit
tous les jours li rois de France gens tous à
esliçon des milleurs de son royaume, pour aidier à
garder se journée contre le roy d’Engleterre, ensi
que ordonné estoit et que devise se portoit.
25§ 713. Au plus tos que li baron et li chevalier, qui
dedens Touwars assegiet estoient, peurent, il envoiièrent
en Engleterre certains messages et lettres moult
doulces et moult sentans sus l’estat dou pays, et dou
dangier où il estoient, et que pour Dieu et par pité
30li rois y volsist pourveir de remède, car en lui en
touchoit plus qu’à tout le monde. Quant li rois
[94] 94 d’Engleterre oy ces nouvelles, et comment si chevalier de
Poito li segnefioient, si dist que, se il plaisoit à Dieu,
il iroit personelment et seroit à le journée devant
Touwars et y menroit tous ses enfans. Proprement li
5princes de Galles, ses filz, comment qu’il ne fust mies
bien hetiés, dist que il iroit, et deuist demorer ens
ou voiage. Adont fist li rois d’Engleterre un très grant
et très especial mandement de tous chevaliers et escuiers
parmi son royaume et hors de son royaume,
10et le fist à savoir ou royaume d’Escoce, et eut bien
de purs Escos trois cens lances, et se hasta li dis rois
dou plus qu’il peut. Et li cheï adont si bien que
toute le saison on avoit fait pourveances sus mer
pour son fil le duch de Lancastre, qui devoit passer
15le mer et ariver à Calais, siques ces pourveances
furent contournées en l’armée dou roy, et li voiages
dou duch de Lancastre brisiés et retardés. Onques
li rois d’Engleterre, pour ariver en Normendie ne
en Bretagne, ne nulle part, n’eut tant de bonnes gens
20d’armes, ne tel fuison d’arciers qu’il eut là. Ançois
que li rois partesist d’Engleterre, il ordonna, present
tous les pers de son royaume, prelas, contes, barons
et chevaliers et consaulz des cités et bonnes villes,
que, se il moroit ne devioit en ce voiage, il voloit
25que Richars, filz au prince de Galles, son fil, fust
rois et successères de lui et de tout le royaume
d’Engleterre, et que li dus de Lancastre, ses filz ne si
troi aultre fil, messires Jehans, messires Aymons ne
messires Thumas, n’i peuissent clamer droit, et tout
30che leur fist li rois, leurs pères, jurer solennelment
et avoir en couvent à tenir fermement devant tous
le[s] prelas, contes et barons, à ce especialment
[95] 95 appellés. Quant toutes ces coses furent [ordonnées et]
faites, il se parti de Londres, et si troi fil; et ja la
plus grant partie de ses gens estoient devant, qui
l’attendoient à Hantonne ou là environ, où il devoient
5monter en mer et où toute leur navie et leur
pourveance estoit. Si entrèrent li rois, si enfant et
toutes leurs gens, en leurs vaissiaus, ensi comme ordené
estoient. Quant il veirent que poins fu, et se
desancrèrent dou dit havene et commencièrent à
10singler et à tourner devers le Rocelle. En celle flote
avoit bien quatre cens vaissiaus, uns c’autres, quatre
mil hommes d’armes et dis mil archiers.
Or vous dirai que il avint de celle navie et dou
voiage dou roy qui tiroit pour venir en Poito. Il
15n’euist cure où il euist pris terre, [ou en Poitou], ou en
Bourdelois: tout li estoit un, mès que il fust oultre le
mer. Li rois, si enfant et leur grosse navie, waucrèrent
et furent sus le mer le terme de nuef sepmainnes
par faute de vent, ou contraire ou aultrement,
20que onques ne peurent prendre terre en Poito,
en Saintonge, en Rocellois ne sus les marches voisines,
dont trop couroucié [et esmerveilliet] estoient.
Si singlèrent il de vent de quartier et de tous vens
pour leur voiage avancier, mais il reculoient otant
25sus un jour que il aloient en trois. En ce dangier furent
il tant que li jours Saint Mikiel espira, et que li
rois vei et cogneut bien que il ne poroit tenir sa
journée devant Touwars pour conforter ses gens. Si
eut conseil, quant il eut ensi travilliet sus mer, que
30je vous di, de retourner arrière en Engleterre, et que
il comptast Poito à perdu pour celle saison. Adont
dist li rois d’Engleterre de coer couroucié, quant il se
[96] 96 mist au retour: «Diex nous aye, et Saint Jorge! il n’i
eut onques mès en France si mescheant roy comme
cilz à present est, et se n’i eut onques roy qui tant
me donnast à faire comme il fait.» Ensi et sus cel
5estat, sans riens faire, retourna li dis rois en Engleterre,
si enfant et toutes leurs gens. Et, si tost comme
il furent retourné, li vens fu si bons et si courtois sus
mer et si propisces pour faire un tel voiage que il
avoient empris, que deus cens nefs, d’un voille,
10marcheans d’Engleterre, de Galles et d’Escoce, arivèrent
ou havene de Bourdiaus sus le Garonne, qui
là aloient as vins. Dont on dist et recorda en pluiseurs
lieus en ce temps que Diex y fu pour le roy de
France.
15§ 714. Si en sçavoit messires Thumas de Felleton,
qui estoit seneschaus de Bourdiaus, le journée
expresse pour yaus rendre as François, que li baron
et li chevalier, qui dedens Touwars se tenoient,
avoient [pris], et ossi que li rois d’Engleterre, ses sires,
20en estoit segnefiiés. Si le manda et segnefia, et avoit
mandet et segnefiié certainnement et seurement à
tous les barons de Gascongne qui pour englès se
tenoient, tant que par son pourcach et pour yaus
acquitter, li sires de Duras, li sires de Rosem, li sires
25de Mouchident, li sires de Longuerem, li sires de
Condon, messires Bernardès de Labreth, sires de
Geronde, li sires de Pommiers, messires Helyes de
Poumiers, li sires de Chaumont, li sires de Montferrant,
messires Pières de Landuras, messires Petiton
30de Courton et pluiseur aultre, yaulz et leurs gens,
cescuns au plus qu’il en pooient avoir, estoient venu
[97] 97 à Bourdiaus. Et parti de là li dis seneschaus en leur
compagnie, et ossi li seneschaus des Landes; et
avoient tant chevaucié qu’il estoient entré en Poito
et venu à Niorth, et là trouvèrent il les chevaliers
5englès, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Jehan
d’Evrues, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur
Hue de Cavrelée, monsigneur Robert Mitton,
monsigneur Martin l’Escot, monsigneur Bauduin de
Fraiville, monsigneur Thumas Balastre, monsigneur
10Jehan Trivet, Jehan Cressuelle, David Holegrave et
des aultres qui tout s’estoient là recueilliet, et ossi
monsigneur Aymeri de Rochewart, monsigneur Joffroi
d’Argenton, monsigneur Mauburni de Linières et
[monsigneur] Guillaumes de Monttendre, qui s’estoient
15parti de Touwars et dou trettié des aultres signeurs
de Poito et retrait à Niorth avoech les Englès.
Quant il se trouvèrent tout ensamble, si furent plus
de douse cens lances, et approchièrent Touwars, et
se misent sus les camps sitos que il veirent que la
20journée estoit inspirée, et que dou roy d’Engleterre
on n’ooit nulles nouvelles.
Vous devés sçavoir que, pour tenir se journée à
l’ordenance dou connestable dessus ditte, li rois de
France avoit là envoiiet toute la fleur de son royaume,
25car il avoit entendu veritablement que li rois d’Engleterre
et si enfant y seroient au plus fort comme il
poroient. Si voloit ossi que ses gens y fuissent si fort
que pour tenir honnourablement leur journée: pour
quoi avoech le dit connestable estoient si doi frère, li
30dus de Berri et li dus de Bourgongne, moult estoffeement
de chevaliers et d’escuiers, et ossi li dus de Bourbon,
li contes d’Alençon, messires Robers d’Alençon,
[98] 98 ses frères, li daufins d’Auvergne, li contes de Boulongne,
li sires de Sulli, li sires de Craan et tant de
haus signeurs et de barons que uns detris seroit de
nommer; car là estoit li fleurs de gens d’armes de
5toute Bretagne, de Normendie, de Bourgongne, d’Auvergne,
de Berri, de Tourainne, de Blois, d’Ango,
de Limozin et du Mainne, et encores grant fuison
d’estragniers, d’Alemans, de Thiois, de Flamens et
de Haynuiers, et estoient bien quinse mil hommes
10d’armes et trente mil d’autres gens. Nonobstant leur
force et leur poissance, il furent moult resjoy quant
il sceurent et veirent que li jours Saint Mikiel estoit
passés et inspirés, et li rois d’Engleterre ne aucuns
de ses enfans n’estoient point comparut pour lever le
15siège. Si segnefiièrent ossi tantost ces nouvelles au roy
de France, qui en fu moult resjoïs, quant sans peril
ne bataille, mès par sages trettiés, il couvenoit que
cil de Poito et leurs terres fuissent en se obeïssance.
§ 715. Li Gascon et li Englès, qui estoient à Niorth,
20et là venu et amassé, et se trouvoient bien douse cens
lances de bonnes gens, et savoient tous les trettiés
des barons et chevaliers de Poito, qui en Touwars
se tenoient, car notefiiet especialement leur estoit,
veirent que li jours estoit passés qu’il se devoient
25rendre, se il n’estoient conforté, et que li rois
d’Engleterre ne aucuns de ses enfans n’estoient encores
point trait avant, dont on euist oy ne eu nulles nouvelles,
dont il estoient moult courouchié. Si eurent
conseil entre yaus, comment il poroient perseverer et
30trouver voie d’onneur que cil Poitevin, qui oblegiet
s’estoient enviers les François, demorassent toutdis
[99] 99 de leur partie, car moult les amoient dalés yaus. Si
eurent sus ces besongnes [en le ville de Niorth] grans
consaulz ensamble. Finablement, yaus aviset et consilliet,
il segnefiièrent, par lettres seelées, envoiies par
5un hiraut, leur entente as Poitevins, qui en Touwars
se tenoient. Se devisoient et disoient ces lettres avoecques
salus et amistés, que, comme ensi fust que à
leur avis pour le milleur il s’estoient composé enviers
les François, par foy et sierement, de yaus mettre en
10l’obeïssance dou roy de France [et de devenir tous
Franchois], se dedens le jour de le Saint Mikiel il
n’estoient conforté dou roy d’Engleterre, leur chier
signeur, ou aucun de ses enfans personelment, or
veoient que la defaute y estoit, et supposoient que
15c’estoit par fortune de mer, et non aultrement. Toutes
fois il estoient là trait et venu à Niorth, à quatre
liewes priès d’yaus, et se trouvoient bien douse cens
lances, ou plus de bonnes gens d’estoffe. Si offroient
que, se il voloient issir de Touwars et prendre journée
20de bataille pour combatre les François, il enventuroient
leurs corps avoecques l’iretage de leur signeur
le roy d’Engleterre.
Ces lettres furent entre les Poitevins volentiers oyes
et veues, et en sceurent li pluiseur grant gré as Gascons
25et as Englès, qui ensi leur segnefioient, et se
conseillièrent sur cestes grandement et longement,
mès, yaus conseillié, tout consideré et bien imaginé
leur afaire et les trettiés les quels il avoient jurés à
tenir as François, il ne pooient veoir ne trouver par
30nulle voie de droit, que il fesissent aultre cose que
d’yaus rendre, puis que li rois d’Engleterre ou li uns
de ses filz ne seroit à le bataille que li Gascon voloient
[100] 100 avoir personelement. En ce conseil et parlement
avoit grant vois li sires de Partenay, et volt, tele fois
fu, que on acceptast le journée des Gascons, et y
moustroit voie de droit et de raison assés par deus
5conditions. La première estoit que il savoient de verité,
et ce estoit tout notore, que li rois d’Engleterre,
leurs sires, et si enfant et la grigneur partie de leur
poissance estoient sus mer, et que fortune leur avoit
estet si contraire que il n’avoient pout ne pooient
10ariver ne prendre terre en Poito, dont il devoient
bien estre escusé, car outre pooir n’e[s]t riens. La
seconde raison estoit que, quoique il euissent juré et
seelé as François, il ne pooient l’iretage dou roy
d’Engleterre donner, anulliier ne alliier aucunement
15as François, sans son gré. Ces parolles et raisons
proposées dou dit baron de Partenay estoient
bien specifiies et examinées en ce conseil, mès tantost
on y remetoit aultres raisons qui toutes les afoiblissoient.
Dont il avint que li sires de Partenay issi
20un jour dou parlement et dist au partir que il demorroit
englès, et s’en revint à son hostel. Mais li sires
de Puiane et li sires de Tannai Bouton le vinrent, de
puis qu’il fu refroidiés, requerre, et l’en menèrent de
rechief où tous li consaulz estoit. Là li fu tant dit et
25remoustré, dont de l’un, puis de l’autre, que finablement
il s’acorda à tous leurs trettiés, et s’escusèrent
moult bellement et moult sagement par lettres enviers
les barons et les chevaliers gascons et englès, qui à
Niorth se tenoient, et qui leur response attendoient.
30Si les raporta li hiraus, et envoiièrent avoecques
leurs lettres seelées le copie dou trettié, ensi que il
devoient tenir as François, pour mieulz coulourer
[101] 101 leur escusance. Quant Englès et Gascon veirent qu’il
n’en aroient aultre cose, si furent moult couroucié,
mais pour ce ne se departirent il mies si tretost de
Niorth, ançois se tinrent il là bien un mois pour savoir
5encor plus plainnement comment il se maintenroient.
Tantost apriès ce parlement parti et finé, qui
fu en le ville de Touwars, li baron et li chevalier de
Poito qui là estoient, mandèrent au duch de Berri,
au duch de Bourgongne, au duch de Bourbon et au
10connestable de France, qu’il estoient tout appareilliet
de tenir ce que juré et seelé avoient. De ces nouvelles
furent li signeur de France tout joiant, et chevaucièrent
en le ville de Touwars à grant joie, et se
misent, yaus et leurs terres, en l’obeïssance dou roy
15de France.
§ 716. Ensi se tournèrent tout chil de Poito, ou
en partie, françois, et demorèrent en pais, et encores
se tenoient englès avoec Niorth, et se tinrent toute le
saison, Cisech, Mortagne sus mer, Mortemer, Luzegnon,
20Chastiel Acart, la Roche sur Ion, Gensay, la
tour de la Broe, Merspin et Dieunée. Quant cil signeur
de France eurent fait leur emprise et pris le
possession de le ville de Touwars, li dus de Berri, li
dus de Bourgongne, li dus de Bourbon et la grigneur
25partie des haus barons de France se departirent et
retournèrent en France, et li connestables s’en vint
à Poitiers.
A ce departement li sires de Cliçon s’en vint mettre
le siège devant Mortagne sus mer o toute sa carge de
30gens d’armes, et se loga par devant, et leur prommist
que jamais de là ne partiroit, si les aroit, se trop
[102] 102 grant infortuneté ne li couroit sus. De la garnison de
Mortagne estoit chapitains uns escuiers d’Engleterre,
qui s’appelloit Jakes Clerch, qui frichement et vassaument
se deffendoit, quant cil Breton l’assalloient.
5Quant li dis escuiers vei que c’estoit acertes et que
li sires de Cliçon ne le lairoit point, si les aroit conquis,
et sentoit que sa forterèce n’estoit pas bien pourveue
pour tenir contre un lonch siège, et savoit encor
tous ces chevaliers de Gascongne et les Englès à
10Niorth, il s’avisa que il leur segnefieroit. Si leur segnefia
secretement par un varlet, qu’il mist de nuit
hors de sa forterèce, tout l’estat en partie dou signeur
de Cliçon et le sien ossi. Chil baron et chil
chevalier gascon et englès furent moult resjoy de ces
15nouvelles, et disent qu’il n’en vorroient pas tenir quarante
mil frans, tant desiroient il le signeur de Cliçon
à trouver sus tel parti. Si s’armèrent et montèrent as
chevaus, et issirent de Niorth bien cinc cens lances,
et chevaucièrent couvertement devers Mortagne. Li
20sires de Cliçon, comme sages et bons guerriiers, n’estoit
mies à aprendre d’avoir espies sus le pays pour
savoir le couvenant de ses ennemis, et encores quant
il les sentoit en le ville de Niorth; et ce li vint trop
grandement à point, car il euist estet pris à mains,
25ja n’en euist on failli, se ce n’euist esté uns de ses
espies qui estoit partis de Niorth avoech les Englès
et les Gascons, et qui ja sçavoit quel chemin il tenoient.
Mais cilz espies qui cognissoit le pays, les
adevança et trota tant à piet que il vint devant Mortagne;
30si trouva le signeur de Cliçon seant au souper
dalés ses chevaliers. Se li dist en grant quoité: «Or
tost, sires de Cliçon, montés à cheval et vous partés
[103] 103 de chi et vous sauvés; car vechi plus de cinc cens
lances, englès et gascons, qui tantost seront sur vous
et qui fort vous manachent, et dient qu’il ne vous
vorroient mies ja avoir pris pour le deduit qu’il
5aront dou prendre.» Quant li sires de Cliçon oy ces
nouvelles, si crut bien son espie, car jamais en vain
ne li euist dit ces nouvelles. Si dist: «As chevaus!»
et bouta la table oultre où il seoit. Ses chevaus li
fu tantost appareilliés, et ossi furent tout li aultre,
10car il avoient de pourveance les sielles mises. Si
monta li sires de Cliçon, et montèrent ses gens sans
arroi et sans ordenance ne attendre l’un l’autre, et
n’eurent mies li varlet loisir de tourser ne de recueillier
tentes ne trés, ne cose nulle qui fust à yaus,
15fors entente d’yaus fuir et d’yaus sauver. Et prisent
le chemin de Poitiers, et tant fist li sires de Cliçon
qu’il y vint et la plus grant partie de ses gens. Si recorda
au connestable de France comment il lor estoit
avenu.
20§ 717. Quant cil chevalier englès et gascons furent
parvenu jusques devant Mortagne et yaus bouté ens
es logeis le signeur de Cliçon, et point ne l’i trouvèrent,
si furent durement couroucié. Si demorèrent
là celle nuit et se tinrent tout aise dou bien
25des François, et l’endemain il fisent tout le demorant,
tentes et trés, tourser et amener à Niorth, et
les aultres pourveances, vins, chars, sel et farine,
mener ens ou chastiel de Mortagne, dont il furent
bien rafreschi. Si retournèrent li dessus dit Englès et
30Gascon en le ville de Niorth.
De puis ne demora gaires de temps que li baron de
[104] 104 Gascongne et li chevalier qui là estoient, eurent conseil
de retourner vers Bourdiaus; car bien pensoient
que cel ivier on ne guerrieroit plus en Poito, fors que
par garnisons. Si ordonnèrent leurs besongnes, et
5toursèrent et montèrent as chevaus et se partirent.
Si s’adrechièrent parmi la terre le signeur de Partenai
et l’ardirent toute, excepté les forterèces, et
fisent tant par leurs journées que il vinrent à Bourdiaus,
et li englès chevalier demorèrent à Niorth.
10Si en estoient chapitainnes [uns chevaliers englès
nommés] messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorisès
et Jehans Cresuelle. De le Roche sur Ion estoit
chapitainne uns chevaliers englès qui s’appelloit
messires Robers, dis Grenake; de Luzegnon, messires
15Thumas de Saint Quentin; et de Mortemer, la
dame de Mortemer et ses gens; et de Gensay, uns escuiers
englès, qui s’appelloit Jakes Taillour; et de Cisek,
messires Robers Miton et messires Martins l’Escot.
Si vous di que chil de ces garnisons chevauçoient
20dont d’un lés, puis de l’autre, et ne sejournoient
onques. Et tenoient toutes aultres forterèces françoises
en grant guerre, et herioient amerement le
plat pays et le rançonnoient telement que apriès yaus
il n’i couvenoit nullui envoiier. De tout ce estoit bien
25enfourmés li connestables de France, qui se tenoit à
Poitiers et s’i tint tout cel ivier sans partir; mais il disoit
bien que à l’esté il feroit remettre avant as Englès
tout che que il pilloient et prendoient sus le pays.
Or parlerons nous un petit des besongnes de
30Bretagne.
§ 718. Li dus de Bretagne, messires Jehans de
[105] 105 Montfort, estoit durement coureciés en coer des
contraires que li François faisoient as Englès, [et volentiers
euist conforté les dis Englès], se il peuist et
osast; mès li rois de France, qui sages et soubtis fu
5là où sa plaisance s’enclinoit, et qui bellement savoit
gens attraire et tenir à amour où ses pourfis estoit,
avoit mis en ce un trop grant remède. Car il avoit
tant fait, que tout li prelat de Bretagne, li baron, li
chevalier, les cités et les bonnes villes estoient de son
10acord, excepté messires Robers Canolles; mais cilz
estoit dou conseil et de l’acort dou duch, et disoit
bien que pour perdre tout che qu’il tenoit en Bretagne,
il ne relenquiroit ja le roy d’Engleterre ne ses
enfans, qu’il ne fust appareilliés en leur service.
15Cilz dus qui appelloit le roy d’Engleterre son père,
car il avoit eu sa fille en mariage, recordoit moult
souvent en soi meismes les biaus services que li rois
d’Engleterre li avoit fais, car ja n’euist estet dus de
Bretagne, se li confors et ayde dou roy d’Engleterre
20et de ses gens ne l’i euissent mis. Si en parla pluiseurs
fois as barons et as chevaliers de Bretagne en
remoustrant l’injure que li rois de France faisoit au
roy d’Engleterre, la quelle ne faisoit mies à consentir.
Et cuidoit par ses parolles coulourées attraire ses
25gens pour faire partie avoecques lui contre les François,
mès jamais ne les y euist amenés; car il estoient
trop fort enrachiné en l’amour dou roy de France et
dou connestable qui estoit leurs voisins. Et tant en
parla as uns et as aultres que ses gens s’en commencièrent
30à doubter. Si se gardèrent les cités, li chastiel
et les bonnes villes plus priès que devant, et fisent
grans gais. Quant li dus vei ce, il se doubta ossi de
[106] 106 ses gens, que de fait, par le information et requeste
dou roy de France il ne li fesissent aucun contraire.
Si segnefia tout son estat au roy d’Engleterre, et li
pria que il li volsist envoiier gens, par quoi il fust
5soubdainnement aidiés, se il besongnoit.
Li rois d’Engleterre, qui veoit bien que li dus
l’amoit et que ceste rancune que ses gens li moustroient,
nasçoit pour l’amour de lui, ne li euist
jamais refuset, mais ordonna le signeur de Nuefville,
10à quatre cens hommes d’armes et otant d’arciers,
pour aler en Bretagne et prendre terre à Saint Mahieu
de Fine Posterne, et là li tant tenir que li oroit aultres
nouvelles. Li sires de Nuefville obeï; sa carge de
gens d’armes et d’arciers li fu appareillie et delivrée.
15Si monta en mer ou havene de Hantonne, et tournèrent
li maronnier vers Bretagne, li quel singlèrent tant
par l’ayde dou vent, que il arrivèrent ou havene de
Saint Mahiu et entrèrent en le ville; car li dus avoit
là de ses chevaliers tous pourveus, monsigneur Jehan
20de Lagnigai et aultres, qui li fisent voie. Quant li
sires de Nuefville et se route eurent pris terre, et il
furent entré courtoisement en le ville de Saint Mahieu,
il disent as bonnes gens de le ville, qu’il ne s’esfreassent
de riens; car il n’estoient mies là venu pour
25yaus porter contraire ne damage, mais les en garderoient
et deffenderoient, se il besongnoit et voloient
bien paiier tout ce qu’il prenderoient. Ces nouvelles
rapaisièrent assés chiaus de le ville.
Or s’espardirent et semèrent les parolles par mi la
30ducé de Bretagne, que li dus avoit mandé en Engleterre
confort, et estoient arrivet en le ville de Saint
Mahieu plus de mil hommes d’armes, de quoi tous li
[107] 107 pays fu grandement esmeus et en grigneur souspeçon
que devant. Et s’assamblèrent li prelat, li baron, li
chevalier et li consaulz des cités et des bonnes villes
de Bretagne, et s’en vinrent au duch, et li remoustrèrent
5vivement et plainnement que il n’avoit que
faire, se paisieulement voloit demorer ou pays, de
estre englès couvertement ne pourvuement, et, se il
le voloit estre, il le leur desist; car tantost il en
ordonneroient. Li dus, qui vei adont ses gens durement esmeus
10et courouciés sur lui, respondi si sagement et
si bellement, que cette assamblée se departi par paix.
Mais pour ce ne partirent mies li Englès de le ville
de Saint Mahieu, ançois s’i tinrent toute le saison.
Si demorèrent les coses en cel estat; li dus en gait et
15en soupeçon [de ses gens], et ses gens de lui.
§ 719. Quant la douce saison d’esté fu revenue et
qu’il fait bon hostoiier et logier as camps, messires
Bertrans de Claiekin, connestables de France, qui
tout cel yvier s’estoit tenus à Poitiers et avoit durement
20manechiet les Englès, pour tant que leurs garnisons,
qu’il tenoient encores en Poito, avoient trop
fort cel yvier guerriiet et travilliet les gens et le pays,
si ordonna toutes ses besongnes de point et d’eure,
ensi que bien le savoit faire, tout son charoi et son
25grant arroi, et rassambla tous les compagnons d’environ
lui, des quelz il esperoit à estre aidiés et servis,
et se parti de le bonne cité de Poitiers à bien quinse
cens combatans, la grigneur partie tous Bretons, et
s’en vint mettre le siège devant le ville et le chastiel
30de Chisek, dont messires Robers Mitton et messires
Martins Scot estoient chapitain. Avoech monsigneur
[108] 108 Bertran estoient de chevaliers bretons, messires Robers
de Biaumanoir, messires Alains et messires Jehans
de Biaumanoir, messires Ernaulz Limozins, messires
Joffrois Ricon, messires Yewains de Lakonet, messires
5Joffrois de Quaremel, Thiebaus dou Pont, Alains
de Saint Pol et Alyos de Calay et pluiseur aultre bon
homme(s) d’armes. Quant il furent tout venu devant
Cisek, il environnèrent le ville selonch leur quantité,
et fisent bon palis derrière yaus, par quoi soudainement
10de nuit ou de jour on ne le peuist porter
contraire ne damage. Et se tinrent là dedens pour
tous assegurés et confortés que jamais n’en partiroient
sans avoir le forterèce, et y fisent et y livrèrent
pluiseurs assaus.
15Li compagnon, qui dedens estoient, se deffendirent
vassaument, tant que à che commencement riens n’i
perdirent. Toutes fois, pour estre conforté et lever le
dit siège, car il sentoient bien que à le longe il ne se
poroient tenir, si eurent conseil dou segnefiier [leur
20estat] à monsigneur Jehan d’Evrues et as compagnons
qui se tenoient à Niorth. Si fisent de nuit partir un
de leurs varlès, qui aporta une lettre à Niorth, et
y fu tantos acourus, car il n’i a que quatre liewes.
Messires Jehans d’Evrues et li compagnon lisirent
25celle lettre et veirent comment messires Robers Mitton
et messires Martins l’Escot leur prioient que il les
vosissent aidier à dessegier de ces François, et leur
segnefioient l’estat et l’ordenance dou connestable si
avant qu’il le savoient, dont il se dechurent et leurs
30gens ossi, car il acertefioient par leurs lettres et par
le parolle dou message que messires Bertrans n’avoit
devant Chisek non plus de cinc cens combatans.
[109] 109 Quant messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorissès
et Cressuelle sceurent ces nouvelles, si affremèrent
que il iroient celle part lever le siège et conforter
leurs compagnons, car moult y estoient tenu. Si
5mandèrent tantost chiaus de le garnison de Luzegnon
et de Gensay, qui leur estoient moult prochain. Cil
vinrent à ce que il avoient de gens, leur garnison
gardée, et si s’assamblèrent à Niorth. Là estoient
avoec les dessus dis messires Aymeris de Rochewart
10et messires Joffrois d’Argenton, David Holegrave et
Richars Holme. Si se partirent de Niorth tout appareillié
et bien monté, et furent compté à l’issir hors
de le porte set cens et trois tiestes armées et bien
trois cens pillars bretons et poitevins. Si s’en alèrent
15tout le pas, sans yaus fourhaster, par devers Chisech,
et tant s’esploitièrent que il vinrent assés priès, et se
misent au dehors d’un petit bois.
Ces nouvelles vinrent ou logeis dou connestable de
France, que li Englès estoient là venu et arresté dalés
20le bois pour yaus combatre. Tantost tout quoiement
li connestables fist toutes ses gens armer et tenir en
leurs logeis, sans yaus amoustrer, et tout ensamble.
Et cuida de premiers que li Englès deuissent de saut
venir jusques à leurs logeis pour yaus combatre, mais
25il n’en fisent riens, dont il furent mal conseilliet, car,
se baudement il fuissent venu, ensi qu’il chevauçoient,
et yaus frapé en ces logeis, li pluiseur supposent que il
euissent desconfi le connestable et ses gens, avoech
che que cil de le garnison de Chisek fuissent salli
30hors, ensi qu’il fisent.
Quant messires Robers Mitton et messires Martins
l’Escot veirent apparant les banières et les pennons
[110] 110 de leurs compagnons, si furent tout resjoy, et disent:
«Or tos, armons nous, et nous partons de chi, car
nos gens viennent combattre nos ennemis: s’est raisons
que nous soions à le bataille.» Tantost furent
5armé tout li compagnon de Cisek et se trouvèrent
tout ensamble, et estoient bien soissante armeures de
fier. Si fisent avaler le pont et ouvrir le porte [et se
mirent tout hors, et clore la porte] et relever le pont
apriès yaus. Quant li François en veirent l’ordenance,
10qui se tenoient armé et tout quoi en leurs logeis, si
disent: «Veci chiaus dou chastiel qui sont issu et
nous viennent combatre.» Là dist li connestables:
«Laissiés les traire avant, il ne nous poeent grever;
il cuident que leurs gens doient venir pour nous
15combatre tantos, mais je n’en voi nul apparant.
Nous desconfirons chiaus qui viennent: si arons
mains à faire.» Ensi que il se devisoient, evous les
deus chevaliers englès et leur route, tout à piet en
bonne ordenance, qui viennent les lances devant
20yaus, et escriant en fuiant: «Saint Jorge! Ghiane!»
et se fièrent en ces François: ossi il furent moult
bien recueilliet. Là eut bonne escarmuce et dure, et
fait tammaint biau fait d’armes; car cil Englès qui
n’estoient que un petit, se combatoient sagement, et
25detrioient toutdis, en yaus combatant, ce qu’il
pooient; car il cuidoient que leurs gens deuissent
venir, mais non fisent, de quoi il ne peurent porter
le grant fuison des François, et furent de premiers
chil là tout desconfi, mort et pris. Onques nulz des
30leurs ne rentra ou chastiel, et puis se recueillièrent li
François tout ensamble.
[111] 111 § 720. Ensi furent pris messires Robers Mitton
et messires Martins l’Escot et leurs gens de premiers,
sans ce que li Englès, qui sus les camps
estoient, en seuissent riens. Or vous dirai comment
5il avint de ceste besongne. Messires Jehans d’Evrues
et messires d’Aghorisès et li aultre regardèrent que il
y avoit là bien entre yaus trois cens pillars bretons et
poitevins que il tenoient de leurs gens. Si les voloient
emploiier, et leur disent: «Entre vous, compagnon,
10vous en irés escarmucier ces François pour yaus
attraire de leurs logeis, et si tretost que vous arés
assamblé à yaus, nous venrons sus ele en frapant, et
les metterons jus.» Il couvint ces compagnons obeïr,
puis que les chapitainnes le voloient, mais il ne venoit
15mies à aucuns à biel. Quant il se furent dessevré des
gens d’armes, il approcièrent le logeis des François,
et vinrent baudement jusques bien priès de là. Li
connestables et ses gens, qui se tenoient dedens
leurs palis, se tinrent tout quoi, et sentirent tantost
20que li Englès les avoient là envoiiés pour yaus attraire.
Si vinrent aucun de ces Bretons des gens le
connestable jusques as barrières de leurs palis pour
veoir quelz gens c’estoient. Si parlementèrent à yaus,
et trouvèrent que c’estoient tout Poitevin et Breton
25et gens rassamblés; si leur disent li Breton de par le
connestable: «Vous estes bien mescheans gens, qui
vous volés faire occire et decoper pour ces Englès,
qui vous ont tant de maulz fais. Sachiés que, se
nous venons au dessus de vous, nulz n’en sera pris à
30merci.» Cil pillart entendirent ce que les gens le
connestable leur disoient; si commencièrent à murmurer
ensamble, et estoient de coer la grigneur
[112] 112 partie tout françois, si disent entre yaus: «Il dient
voir. Encores appert bien qu’il font peu de compte
de nous, quant ensi il nous envoient chi devant
pour combatre et escarmuchier et commenchier la
5bataille, qui ne sons qu’une puignie de povres gens,
qui riens ne durrons à ces François; il vault trop
mieulz que nous nos tournons devers nostre nation,
que nous demorons englès.» Il furent tantost tout de
cel accort et tinrent ceste oppinion, et parlementèrent
10as Bretons, en disant: «Issiés hors hardiement; nous
vous prommetons loyaument que nous serons des
vostres, et nous combaterons avoecques vous, [à ces
parolles le vous disons], à ces Englès.» Les gens le
connestable respondirent: «Et quel quantité
15d’hommes d’armes sont il, chil Englès?» Li pillart
leur disent: «Il ne sont en tout compte que environ
set cens.» Toutes ces parolles et ces devises furent
remoustrées au connestable, qui en eut grant joie, et
dist en riant: «Chil là sont nostre; or tost à l’endroit
20de nous, soions tous nos palis, et puis issons
baudement sus yaus; si les combatons. Chil pillart
sont bonnes gens, qui nous ont dit la verité de lor
ordenance. Nous ferons deus batailles sus elle, dont
vous, messires Alain de Biaumanoir, gouvrenerés
25l’une, et messires Joffrois de Quaremiel l’autre. En
cascune [ara] trois cens combatans, et je m’en irai
assambler de front à yaus.» Chil doy chevalier respondirent
qu’il estoient tout prest d’obeïr, et prist
cascuns sa carge toute tele qu’il le devoit avoir; mais
30tout premierement il soiièrent leurs palis rés à rés de
le terre. Et, quant ce fu fait et leurs batailles ordenées
ensi qu’il devoient faire, il boutèrent soudainnement
[113] 113 oultre leurs palis et se misent as camps,
banières et pennons devant yaus ventelant au vent,
en yaus tenant tout serré, et encontrèrent premierement
ces pillars bretons et poitevins, qui ja avoient
5fait leur marchiet et se tournèrent avoech yaus, et
puis s’en vinrent combatre ces Englès, qui tout s’estoient
mis ensamble quant il perchurent le banière
dou connestable issir hors et les Bretons ossi; et
cogneurent tantost qu’il y avoit trahison de leurs
10pillars et qu’il estoient torné françois. Nequedent
pour ce il ne se tinrent mies à desconfi, mès moustrèrent
grant chière et bon samblant de combatre
leurs anemis. Ensi se commença la bataille desous
Chisech des Bretons et des Englès, et tout à piet,
15qui fu grande et drue et bien maintenue. Et vint de
premiers li connestables de France assambler à yaus
de grant volenté. Là eut grant estecheis et grant
bouteis de lances et pluiseurs grans apertises d’armes
faites; car, au voir dire, li Englès, ens ou regart des
20Franchois, n’estoient qu’un petit: si se combatoient
si vaillamment que merveilles seroit à recorder, et
se prendoient priès de bien faire pour desconfire
leurs ennemis. Là crioient li Breton lor cri: «Nostre
Da[me]! Claiekin!» et li Englès: «Saint Jorge!
25Ghiane!» Là furent très bon chevalier dou costé des
Englès, messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorisès,
messires Joffrois d’Argenton et messires Aymeris
de Rochewart, et se combatirent vaillamment, et y
fisent pluiseurs grans apertises d’armes. Ossi fisent
30Jehans Cressuelle, Richars Holme et Davis Holegrave;
et de le partie des François, premierement messires
Bertrans de Claiekin, messires Alains et messires Jehans
[114] 114 de Biaumanoir qui se tenoit sus une ele, et messires
Joffrois de Quaremiel sus l’autre, et reconfortoient
grandement leurs gens à l’endroit où il les veoien[t]
branler, et ce rafreschi, ce jour la bataille durant, par
5pluiseurs fois les Bretons, car on vei bien l’eure
qu’il furent rebouté et reculé et en grant peril de
tout estre desconfi. De leur costé se combatirent
encores moult vassaument messires Joffrois Richou,
messires Yewains de Lakouet, Thiebaus dou Pont,
10Selevestre Bude, Alains de Saint Pol et Alyos de Calay.
Chil Breton se portèrent si bien pour celle journée,
et si vassaument combatirent leurs ennemis que la
place leur demora, et obtinrent la besongne, et furent
li Englès tout mort ou pris, qui là estoient venu de
15Niorth, ne onques nulz n’en retourna ne escapa. Si
furent pris de leur costet tout li chevalier et escuier
de nom, et eurent ce jour li Breton plus de trois
cens prisonniers, que de puis il rançonnèrent bien et
chier, et si conquissent tout lor harnois où il eurent
20grant butin.
§ 721. Apriès celle desconfiture qui fu au dehors
de Chisek faite de monsigneur Bertran de Claiekin
et des Bretons sus les Englès, se parperdi tous li pays
de Poito pour le roy d’Engleterre, sicom vous orés
25ensievant. Tout premierement il entrèrent en le ville
de Chisech, où il n’i eut nulle deffense, car li homme
de le ville ne se fuissent jamais tenu ou cas que il
avoient perdu leurs chapitainnes, et puis se saisirent
li François dou chastiel, car il n’i avoit que varlès,
30qui li rendirent tantost, salve leurs vies.
Che fait, incontinent et caudement il s’en chevauchièrent
[115] 115 par devers Niorth et en menèrent la grigneur
partie de leurs prisonniers [avec iaux]. Si ne
trouvèrent en le ville fors les hommes qui estoient
bon François, se il osassent, et rendirent tantost le
5ville et se misent en l’obeïssance dou roy de France.
Si se reposèrent là li Breton et li François et rafreschirent
quatre jours. Entrues vint li dus de Berri à
grant gens d’armes d’Auvergne et de Berri, en le cité
de Poitiers: si fu grandement resjoïs quant il sceut
10que leurs gens avoient obtenu le place et le journée
devant Chisech, et desconfi les Englès, qui tout y
avoient esté mort ou pris.
Quant li Breton se furent rafreschi en le ville de
Niorth l’espasse de quatre jours, il s’en partirent et
15chevauchièrent vers Luzegnon. Si trouvèrent le
chastiel tout vuit, car chil qui demoret y estoient de
par monsigneur Robert Grenake, qui estoit pris devant
Chisek, s’en estoient parti sitost qu’il sceurent
comment la besongne avoit alé. Si se saisirent li
20François dou biau chastiel de Luzegnon, et y ordonna
li connestables chastellain et gens d’armes
pour le garder, et puis chevauça oultre à toute son
host par devers Chastiel Acart, où la dame de Plainmartin,
femme à monsigneur Guichart d’Angle, se
25tenoit, car la forterèce estoit sienne.
§ 722. Quant la dessus nommée dame entendi
que li connestables de France venoit là efforciement
pour lui faire guerre, si envoia un hiraut devers lui,
en priant que sus assegurances elle peuist venir parler
30a lui. Li connestables li acorda, et raporta le saufconduit
li hiraus. La dame vint jusques à lui, et le
[116] 116 trouva logiet sus les camps: se li pria que elle peuist
avoir tant de grasce que d’aler jusques à Poitiers
parler au duch de Berri. Encores li acorda li connestables
pour l’amour de son mari, monsigneur Guichart;
5et donna toute assegurance à lui et à sa terre
jusques à son retour, et fist tourner ses gens d’autre
part par devers Mortemer.
Tant s’esploita la dame de Plainmartin, que elle
vint en le cité de Poitiers, où elle trouva le duch de
10Berri: si eut accès de parler à lui, car li dus le rechut
moult doucement, ensi que bien le sceut faire.
La dame se volt mettre en genoulz devant lui, mais
il ne le volt mies consentir, ançois le volt oïr parler
tout en son estant. La dame commença sa parolle, et
15dist ensi: «Monsigneur, vous savés que je sui une
seule femme à point de fait ne de deffense, et veve
de vif mari, s’il plaist à Dieu; car mon signeur, messires
Guichars, gist prisonniers en Espagne, ens es
dangiers dou roy Henri. Si vous vorroie priier en
20humilité que vous me feissiés celle grasce que, tant
que mon signeur sera prisonniers en Espagne, mi
chastiel et ma terre, mon corps et [mes biens, avec]
mes gens, puissent demorer en pais, par mi tant que
nous ne ferons point de guerre, et on ne nous en
25fera point ossi.» A la priière de la dame volt entendre
et descendre à celle fois li dus de Berri, et li
acorda legierement. Car, quoi que ses maris, messires
Guichars, fust bons Englès, se n’estoit il point trop
hays des François; et fist delivrer tantos à la dame
30lettres selonch sa requeste d’assegurances, de quoi
elle fu grandement reconfortée, et les envoia, de puis
qu’elle fu retournée à Chastiel Achart, quoiteusement
[117] 117 par devers le connestable, qui bien et volentiers y
obeï.
Si vinrent li Breton de celle empainte devant
Mortemer, où la dame de Mortemer estoit, qui se
5rendi tantos, pour plus grant peril eskiewer, et se
mist en l’obeïssance dou roy de France, et toute sa
terre ossi avoech le chastiel de Dieunée.
§ 723. En celle saison ne demorèrent en Poito
plus de garnisons englesces que Mortagne sus mer,
10Merspin et la tour de la Broe, [que tout ne fussent
franchoises]. Voirs est que la Roce sur Ion se tenoit
encores, mès c’est sus les marces d’Ango et dou ressort
d’Ango.
En ce temps s’en vinrent mettre le siège li baron
15de Normendie et aucun de Bretagne devant Becheriel,
et là eut bien dis mil hommes, qui s’i tinrent
toute le saison et plus d’un an, car il y avoit dedens
englès chevaliers et escuiers, qui trop bien en pensoient.
Par devant Becheriel furent fait pluiseurs
20grans apertises d’armes, et priès que tous les jours y
avenoit aucunes coses. Là estoient des Normans li
mareschaus de Blainville, li sires de Riville, li sires
d’Estouteville, li sires de Graville, li sires de Clères,
li sires de Hanbiie, li sires de Frauville, li sires
25d’Ainneval; et de Bretagne, li sires de Lyon, li sires de
Dignant, li sires de Rays, li sires de Rieus, li sires de
Quintin, li sires d’Avaugour et li sires d’Ansenis et
pluiseur aultre baron, chevalier et escuier des basses
marces, qui tout s’i tenoient [pour leur corps avanchier
30et pour l’amour l’un de l’autre, et pour delivrer
le pays des Englès].
[118] 118 Or parlerons nous dou connestable de France
comment il persevera. Quant il eut priès que tout
Poito raquitté et par tout mis gens d’armes et garnisons,
il s’en retourna à Poitiers devers les dus qui là
5estoient, le duch de Berri, le duch de Bourgongne et
le duch de Bourbon; si fu li bien venus entre yaus et
à bonne cause, car il avoit en celle saison grandement
bien esploitié pour yaus. Si eurent conseil chil signeur
et li connestables de retourner en France et
10de venir veoir le roy Charle, et donnèrent congiet à
la plus grant partie de leurs gens d’armes de raler
cescun sus son lieu et en sa garnison jusques adont
qu’il oroit aultres nouvelles. Si se departirent ces
gens d’armes, et s’en vinrent une partie des Normans
15et des Bretons devant Becheriel au siège que
on y tenoit. Dou chastiel et de le garnison de Becheriel
estoient chapitainne doi chevalier d’Engleterre,
apert homme d’armes malement. Si les nommoit on
messires Jehans Appert et messires Jehans de Cornuaille.
20Un petit plus bas en Constentin se tenoit
englesce Saint Salveur le Visconte. Si en estoit chapitains,
de par monsigneur Alain de Bouqueselle à qui
la garnison estoit et au quel li rois d’Engleterre l’avoit
donnet apriès le mort monsigneur Jehan Chandos,
25[messires Thumas de Quatreton]. Avoech Quatreton,
qui estoit appert homme d’armes et hardis durement,
s’estoient mis et bouté et venu pour querre les armes
hors de Poito, où il avoient tout perdu, messires
Thomas Trivès, messires Jehans de Bourch, messires
30Phelippes Pikourde et li troi frère de Maulevrier. Et
s’estoient tout par compagnie là aresté pour garnir
et garder la forterèce et la ville de Saint Salveur,
[119] 119 pour l’amour de monsigneur Alain; car li Normant
le maneçoient durement, et disoient que il revenroient
par là, mais que il euissent acompli leur entente
de Becheriel.
5Or retournèrent li troi duch dessus nommé, li connestables
de France, li sires de Cliçon et chil baron
de Bretagne en France devers le roy; si le trouvèrent
à Paris, et le duch d’Ango dalés lui. Si se fisent
grans recognissances, et s’eslargi li rois de quanqu’il
10peut faire pour l’amour de ses frères et dou connestable,
et tint cour ouverte deus ou trois jours, et
donna grans dons et biaus jeuiaus là où il les sentoit
bien emploiiés.
En ce temps estoient en trettié de pais ou de
15guerre li rois de France et li rois de Navare, et le
pourcaçoient, par l’avis et conseil de aucuns sages et
vaillans hommes dou royaume de France, li contes
de Salebruce et messires Guillaumes des Dormans, et
me samble que li rois de Navare, qui se tenoit à
20Chierebourch, fu adont si consilliés que legierement il
s’acorda à le pais envers son serourge, le roy de
France, et vint li connestables de France en Normendie
droit à Kem, pour confremer celle pais et
amener le roy de Navare en France. Si fu ens ou
25chastiel de Kem de tous poins la pais confremée et
jurée à tenir à tous jours mès. Et vint li rois de Navare
en France à Paris; mais li dus d’Ango, qui onques
ne le peut amer, s’en estoit partis et venus esbatre
en Vermendois, et veoir et viseter sa terre de Guise
30en Tierasse, car point ne voloit parler au roy [Charle]
de Navare. Non obstant ce, li rois de France li fist
grant chière et bon samblant, et le tint tout aise dalés
[120] 120 lui plus de douse jours, et li donna des biaus dons
et des riches jeuiaus et à ses gens ossi pour plus
grant conjunction d’amours. Et li pria que il li vosist
laissier deus biaus filz que il avoit, qui estoient si neveut,
5Charle et Pière. Si seroient dalés son fil le
dauffin et Charle de Labreth, car aussi estoient il auques
d’un eage. Li rois de Navare, qui prendoit
grant plaisance en l’amour que ses serourges, li rois de
France, li moustroit et faisoit, li acorda à ses deus filz
10demorer dalés lui, dont puis se repenti, sicom vous
orés avant recorder en l’istore.
§ 724. Quant li rois de Navare eut sejourné assés
dalés le roy de France, tant que bon li eut samblé,
et que li dis rois de France li eut fait si bonne chière
15que merveilles, et l’eut menet au bois de Vicennes, où
il faisoit faire le plus bel ouvrage dou monde, d’un
chastiel, de tours et de haus murs, il prist congiet, et
se parti de Paris, et chevauça vers Montpellier, et
fist tant qu’il y parvint, où il fu recheus à grant joie,
20car la ville de Montpellier et toute la baronnie pour
ce temps estoit sienne.
Nous nos soufferons un petit à parler dou roy
de Navare tant qu’à celle fois, et parlerons d’autres
incidenses qui escheïrent en France. En ce
25temps et en celle meisme saison trespassa de ce
siècle li rois David d’Escoce en une abbeye dalés
Haindebourch en Escoce. Si fu ensepelis en une
aultre abbeye assés priès de là, que on appelle Donfremelin,
dalés le roy Robert, son père. Après ce roy
30fu rois d’Escoce li rois Robers, uns siens neveus, qui
en devant en estoit seneschaus. Cilz [rois] Robers estoit
[121] 121 uns lasques chevaliers, mais il avoit jusques à
onse biaus filz, tous bons hom[me]s d’armes, et ossi
il voloit user par conseil des besongnes d’Escoce, et
tint en très grant chierté tous chiaus que li rois, ses
5oncles, avoit enhays, monsigneur Guillaume, conte
de Duglas, monsigneur Archebaut, son cousin, et
tout leur linage, car che sont loyal chevalier, et n’estoit
mies se entention que ja il se composast as Englès.
Mais en ce temps estoient triewes entre les Escos
10et les Englès, qui avoient à durer encores quatre
ans. Si les tenoient bien li chevalier et li escuier de
l’un pays et de l’autre, mais ce ne faisoient mies li
villain qui se trouvoient ens es foires et marchiés sus
les frontières, ançois se batoient et navroient et souvent
15occioient, et pilloient vaches, bues, pors, brebis
et moutons. Si toloit li plus fors au plus foible, et
quant les plaintes en venoient as rois et à leurs consaulz,
et que il s’en assambloient et mettoient sus
marce de pays, et li Englès se plaindoient des Escos,
20car par especial par yaus venoient les incidenses, et
que il disoient que il avoient rompu leur seelé et
brisiet triewes, qui leur estoit grans blasmes et prejudisces,
il s’escusoient et respondoient qu’il ne
pooient brisier triewes, par celle condition, se banières
25et pennons de signeurs n’i estoient, pour debat
de meschans gens enivrés en foires et en marchiés,
et pour pillage de biestail triewes ne se rompoient
mies. Si demoroient les coses en cel estat:
qui plus y avoit mis, plus y avoit perdu.
30§ 725. Bien estoit li rois d’Engleterre enfourmés
que il avoit perdu tout son pays de Poito, de Saintonge
[122] 122 et de le Rocelle, et que li François estoient
grandement fort sur le mer de galées, de barges et
de gros vaissiaus, des quelz estoient chapitain avoech
Yewain de Galles et dan Radigho de Rous, le maistre
5amiral et patron dou roy Henri d’Espagne, li contes
de Nerbonne, messires Jehans de Rais et messires
Jehans de Viane, et tenoient bien sus mer ces gens
sis vint gros vaissiaus sans leur pourveances, cargiés
de gens d’armes, de bidaus et de Genevois. Et estoit
10li rois d’Engleterre enfourmés que ces gens waucroient
sus les bendes d’Engleterre pour entrer en
son pays, et faire, là où il prenderoient terre, un
grant fait. Si ordonna li rois le conte de Sallebrin,
monsigneur Guillaume de Nuefville et monsigneur
15Phelippe de Courtenay à estre chapitainne de deus
mil hommes d’armes et otant d’arciers, et fisent leurs
pourveances en Cornuaille, et là montèrent il en
mer. Si singlèrent devers Bretagne, car ailleurs ne
pooient il arriver pour faire guerre qui leur vausist,
20ne pour emploiier leur saison. Et ossi il voloient savoir
l’entention dou duch et des barons de Bretagne,
se il se tenroient françois ou englès. Si eurent si bon
vent que de une flote il arrivèrent à Saint Malo de
l’Ille en Bretagne, et trouvèrent ou havene set gros
25vaissiaus espagnolz de marcheans d’Espagne, cargiés
d’avoir, qui là gisoient à l’ancre. Si les ardirent li Englès,
et tout l’avoir qui dedens estoit, et misent à
mort tous les Espagnos qu’il y trouvèrent, et entrèrent
en le ville de Saint Malo et s’i logièrent de fait.
30Le[s] gens de le ville n’en furent mies signeur, et
commenchièrent li Englès à courir là environ et à
faire guerre et à prendre vivres.
[123] 123 Ces nouvelles s’espardirent tantost sus le pays, qui
en fu durement esmeus et en plus grant souspeçon
que devant sus leur duch et sus monsigneur Robert
Canolle, et disent generalment que il avoient mandés
5les Englès et là fait venir et ariver, et que ce ne faisoit
mies à consentir. Et puis que li dus moustroit
clerement que il voloit estre englès et point [ne tenoit]
l’ordenance de son pays, il estoit tenus de perdre
sa terre. Si se cloïrent cités, villes et chastiaus, et
10fist cascuns bon gait et bonne garde, ensi que pour lui.
Pour le temps de lors se tenoit li dus de Bretagne
ens ou chastiel de Vennes, de quoi chil de le cité et
dou bourch n’estoient mies bien asseguret. Et messires
Robers Canolles se tenoit en son chastiel de Derval,
15et le faisoit grandement et grossement pourveir
de toutes choses de vivres et d’arteillerie et remparer
de tous poins, car bien imaginoit que li pays
seroit en guerre et que ses chastiaus aroit à faire. Et
quant il eut tout ce fait, il le recarga à un sien cousin
20chevalier, qui s’appelloit messires Hues Broe, et
le laissa bien pourveu de toutes coses, et puis se
traist ou chastiel et en le ville de Brest, où li sires
de Nuefville, d’Engleterre, à toute sa carge de gens
d’armes, qui arrivet estoient l’anée devant à Saint
25Mahieu de Fine Posterne, ensi que vous savés, estoit.
Si vint messires Robers Canolles dalés lui pour
avoir plus [grant] confort d’aide et de conseil, et ossi
Brest est uns des plus fors chastiaus dou monde.
§ 726. Ces nouvelles et les plaintes des barons et
30des chevaliers de la duché de Bretagne vinrent à Paris
devers le roy de France, et li fu remoustré comment
[124] 124 li dus avoit mandé grant confort en Engleterre
pour mettre les Englès en leur pays, ce que jamais ne
consentiroient, car ils sont et voellent domorer bon
et loyal François; et estoit sceu et tout cler que il voloit
5ses forterèces et ses chastiaus garnir et pourveir
d’Englès. Li rois leur demanda quel cose en estoit
bonne à faire; il respondirent que il mesist sus une
[grosse et grant] carge de gens d’armes, et les envoiast
en Bretagne, et se hastast dou plus tost que il peuist,
10ançois que li Englès y fuissent de noient plus fort, et
presissent chil que il y envoieroit, le saisine et possession
de toutes cités, villes et chastiaus; car li dus
avoit fourfait sa terre. Ces parolles et ces offres des
barons et des chevaliers de Bretagne plaisirent grandement
15au roy, et dist que c’estoient loyaus gens et
bonnes, et que il demorroit dalés yaus. Si ordonna
son connestable, monsigneur Bertran, à traire de celle
part à tel carge de gens d’armes que il vorroit prendre
et avoir, sans nulle exception, car il mettoit tout
20en sa main. Li connestables obeï à l’ordenance dou
roy, ce fu raisons, et se hasta de faire celle armée et
chevaucie, car il touchoit, et s’en vint en le cité de
Angiers; si fist là son amas de gens d’armes. Si estoient
avoecques li li dus de Bourbon, li contes
25d’Alençon, li contes du Perce, li daufins d’Auvergne,
li contes de Boulongne, li contes de Ventadour,
[li contes de Vendosme], li sires de Cliçon, li viscontes
de Rohem, li sires de Biaumanoir, li sires de
Rocefort et tout li baron de Bretagne. Si se trouvèrent
30bien quatre mil lances, chevaliers et escuiers, et
bien dis mil d’autres gens. Si chevauchièrent devers
Bretagne.
[125] 125 Ces nouvelles vinrent au duch de Bretagne qui se
tenoit encor à Vennes, comment François et Breton
venoient sur lui pour prendre et pour saisir de
force sa terre et son corps ossi, et estoient bien
5quinse mil armeures de fier, et de toutes ces gens
d’armes estoient conduiseur et gouvreneur li connestables
et li dus de Bourbon. Avoech tout che, il
avoient d’acord tout le pays, cités, villes et chastiaus.
Si se doubta li dus grandement de soi meismes que il
10ne fust pris et atrapés. Si se departi de Vennes et s’en
vint au cha[stiel] d’Auroy, à quatre liewes d’iluech, et
y sejourna sis jours tant seulement, et ne trouva mies
en son conseil que il y demorast plus, que on ne mesist
le siège devant lui. Et toutefois il ne savoit en
15Bretagne plus nulle ville où il s’osast enclore. Si laissa
là une partie de ses gens et la ducoise, sa femme, en
le garde d’un sien chevalier, qui s’appelloit monsigneur
Jehan Augustin, et puis chevauça oultre vers
Saint Mahieu de Fine Posterne. Quant il fu venus
20jusques à là, il cuida entrer en le ville, mais il se
cloïrent contre lui, et disent que point n’i enteroit.
Quant il vei ce, si se doubta encores plus que devant,
et prist le chemin de Konke sus le mer, et là entra il
en un vaissiel, et ses gens, et singla vers Engleterre.
25Si arriva en Cornuaille. De puis il chevauça tant que
il vint à Windesore, où li rois se tenoit, qui li fist
grant chière quant il le vei, car il l’appelloit son biau
fil. Li dus adont li recorda tout l’estat de Bretagne et
comment la besongne y aloit, et que pour l’amour de
30lui il avoit perdu son pays, et l’avoient tout si
homme relenqui, excepté messires Robers Canolles.
Lors li respondi li rois, et li dist: «Biaus filz, ne
[126] 126 vous doubtés que vous n’aiiés tousjours assés, car ja
[je] ne ferai pais ne acord à mon adversaire de France
ne as François, que vous ne doiiés estre ossi avant
ou trettié que je serai, et demorrés dus de Bretagne,
5malgré tous vos nuisans.» Chilz reconfors plaisi
grandement au duch de Bretagne. Si demora dalés le
roy et le duch de Lancastre et les barons d’Engleterre,
qui li fisent grant solas et grant confort.
O[r] parlerons de monsigneur Bertran de Claiekin
10et des barons de France, comment il entrèrent en
Bretagne efforciement, et se misent en possession des
villes et des chastiaus, et obeïrent tout à lui, non à
monseigneur Robert Canolles, qui estoit demorés bail,
quant li dus se departi.
15§ 727. Li connestables qui avoit le commission dou
roy de France de prendre et de saisir tout le pays de
Bretagne, y entra efforciement à plus de quinse mil
armeures de fier et tous à chevaus, et ne prist mies
premierement le chemin de Nantes, mais celui de le
20bonne cité de Rennes et de le Bretagne bretonnant,
pour tant que il estoient et ont esté toutdis plus favourable
au duch de Bretagne, que li François appelloient
le conte de Montfort, que li douce Bretagne.
Quant li bourgois sentirent venant sur yaus le connestable
25et les François si efforciement, si n’eurent
mies conseil d’yaus clore, mès se ouvrirent, et [les]
recueillièrent doucement, et se misent tantost en
l’obeïssance dou roy de France. Li dis connestables
en prist les fois et les hommages et les sieremens
30que il se tenroient estable, et puis passa oultre et
s’en vint jusques à le bonne ville de Dignant. Chil
[127] 127 de Dignant fisent otel, et puis chevaucièrent jusques
à le cité de Vennes, qui se ouvrirent ossi tantos, et se
misent en l’ordenance dou connestable, et puis s’i
rafreschirent li Breton et li François quatre jours. A
5leur [departement], il prisent le chemin dou Suseniot,
un moult biau chastiel et maison de deduit pour le
duch. Là y avoit aucuns Englès qui le gardoient de
par le duch, li quel ne se veurent mies si tost rendre,
mais se cloïrent et moustrèrent grant deffense.
10Quant li connestables fu venus jusques à là, et il
vei le condition et manière des Englès qui dedens
estoient, si dist qu’il ne s’en partiroit mies ensi. Si
se loga et fist toutes ses gens logier, et, entrues que
li varlet logoient, traire avant à l’assaut les gens
15d’armes, qui riens n’i conquisent ne gaegnièrent ce
premier assaut, fors horions. Si se retraisent au soir
à leurs logeis et se aisièrent de ce qu’il eurent. A
l’endemain il assallirent encores; n’i fisent il riens,
et les couvint là estre quatre jours, ançois que il
20peuissent conquerre le chastiel. Finablement il fu
conquis et pris de force, et tout chil mort, qui
dedens estoient: onques piés n’en escapa; et donna
li dis connestables le chastiel dou Suseniot à un
sien escuier, bon homme d’armes, qui s’appelloit
25Yewains de Mailli. Puis se deslogièrent li François
et chevaucièrent devers Jugon, une bonne ville et
bon chastiel, qui se rendirent tantost et se misent
en l’obeïssance dou roy de France, et puis Ghoy la
Forest, et puis la Roce d’Euriant, Plaremiel, Chastiel
30Josselin, Phauet, Ghingant, Saint Mahieu de
Fine Posterne et pluiseurs villes de là environ, Garlande,
Camperlé et Campercorrentin.
[128] 128 Quant li contes de Sallebrin et messires Guillaumes
de Nuefville et messires Phelippes de Courtenay
et li Englès, qui se tenoient à Saint Malo de
l’Ille, entendirent que li connestables et li sires de
5Cliçon et li baron de France et de Bretagne estoient
entré en Bretagne si efforciement qu’il y prendoient
cités, villes et chastiaus, et que tous li pays se tournoit
viers yaus, et se sentoient encores sus mer la grosse
navie d’Espagne et les François, si eurent conseil
10que il se trairoient viers Brest: là seroient il, yaus et
leur navie, en plus grant segur, car li havenes de Brest
gist en bonne garde, et ossi il y trouveroient de leurs
compagnons le signeur de Nuefville et monsigneur
Robert Canolles, qui là se tenoient sus le confort de
15le forte place. Si aroient milleur conseil tout l’un pour
l’autre. Si cargièrent leurs vaissiaus et entrèrent ens,
et se departirent de Saint Malo de l’Ille, je ne vi
onques mieulz à point, car il euissent esté à l’endemain
assegié. A leur departement il fustèrent et
20robèrent toute le ville de Saint Malo, et puis singlèrent
tant que il vinrent à Hainbon. Là furent il
un jour, et puis rentrèrent en mer et s’en alèrent
tout singlant devant Brest, et tant fisent qu’il y parvinrent:
si y furent recheu à grant joie, et misent
25toute leur navie ou havene de Brest. Si se logièrent
li signeur ou chastiel, et toutes leurs gens en le ville
ou en leur navie. Et li connestables de France s’en
vint à toutes ses routes jusques à Saint Malo de
l’Ille. Si fu moult courechiés, quant il sceut que li
30Englès s’en estoient parti, car il venoit là sus cel
entente et espoir d’yaus combatre ou assegier. Si
prist le saisine de le ville et les fois et sieremens, et
[129] 129 y ordonna gens de par lui, et puis chevauça o son
grant hoost devers le chastiel et le ville de Hainbon,
où il avoit environ sis vint Englès, qui le tenoient,
et les y avoit laissiés li contes de Sallebrin, quant il
5y fu, n’avoit point sis jours. Si en estoit chapitains
uns escuiers englès, qui s’appelloit Thommelin
Wisk.
§ 728. Tant chevauça li connestables et toute se
route où bien avoit vint mil combatans, que il
10vinrent devant le ville de Hainbon. Si trouvèrent les
portes closes et toutes gens appareilliés, ensi que
pour yaus deffendre. Li connestables ce premier jour
se loga et fist logier toutes gens, et à l’endemain au
matin, à heure de soleil levant, sonner les trompètes
15d’assaut, et quant il furent tout armé, traire
celle part et yaus mettre en ordenance pour assallir.
Et ensi fisent cil de Hainbon. Englès et Breton, qui
dedens estoient, s’appareillièrent tantost pour yaus
deffendre. Bien sçavoit li dis connestables que de
20force, ou cas que tout chil, qui dedens Hainbon se
logoient, se vorroient mettre à deffense, jamais ne
les aroient, mès il y trouva un trop grant avantage,
je vous dirai comment. Au commencement de l’assaut,
il s’en vint jusques as barrières, le quasse
25d’achier en le tieste tant seulement, et dist ensi à
chiaus de le ville de Hainbon, en faisant signe de le
main: «A Dieu le veu! homme de la ville, qui là
dedens estes, nous vous arons encor anuit, et enterons
en le ville de Hainbon, se li solaus y poet entrer;
30mais sachiés que, se il en y a nulz de vous qui
s’amoustre pour mettre à deffense, nous li ferons
[130] 130 sans deport trencier la tieste et tout le demorant de
la ville, homme[s], femmes et enfans, pour l’amour
de celi.» Ceste parolle effrea si les hommes [bretons]
de le ville de Hainbon, que il n’i eut onques puissedi
5homme, qui se osast amoustrer ne apparoir
pour mettre à deffense; ançois se traisent tout
ensamble, et disent as Englès: «Signeur, nous
n’avons mies entention de nous tenir contre le connestable
ne les signeurs de Bretagne; nous sommes
10cheens un petit de povres gens, qui ne poons vivre
sans le dangier dou pays. Toutesfois nous vous
ferons tant d’onneur, car vous estes tout bon compagnon,
que de nous n’arés vous garde; vous n’en
serés ne grevé ne conforté, et sur ce aiiés avis.»
15Quant la chapitainne et li Englès oïrent ces nouvelles,
si ne leur furent mies trop plaisans, et se
traisent ensamble et consillièrent. Tout consideré et
imaginé ou cas que il ne seroient conforté de chiaus
de Hainbon, il n’estoient mies gens pour yaus tenir
20contre une tele host que li connestables de France
avoit là devant yaus. Si eurent conseil que il tretteroient
un accort as François, que il renderoient le
ville et on les lairoit partir, salve leurs vies et le
leur. Si envoiièrent un hiraut devers le connestable,
25qui remoustra toutes ces besongnes, qui raporta un
saufconduit que li capitains de Hainbon et quatre
des siens pooi[en]t bien segurement aler en l’ost pour
oïr et savoir plus plainnement quel cose il voloient
dire. Sus celle sauvegarde, Thommelins Wisk et
30quatre de ses compagnons vinrent devant les barrières
parler as signeurs de l’ost. Là se porta trettiés
et compositions, que tout li Englès qui dedens Hainbon
[131] 131 estoient, et tout li Breton ossi qui l’opinion dou
conte de Montfort tenoient, se pooient segurement
partir yaus et le leur, et traire dedens Brest, et non
aultre part. Ensi eut li connestables de France par
5sens, nen par grant fait, le ville et le chastiel de
Hainbon, dont il ne volsist pas tenir cent mil frans,
et s’en partirent li Englès sus bon conduit, et en
portèrent tout le leur, et vinrent en Brest.
§ 729. Apriès le conquès de la ville et dou chastiel
10de Hainbon, li connestables ne li signeur qui
avoech lui estoient, n’eurent mies conseil de traire
devant Brest, car bien savoient qu’il perderoient lor
painne; mais se avisèrent que il se retrairoient tout
bellement devers le bonne cité de Nantes en costiant
15le rivière de Loire, et en conquerant et mettant en
leur subjection et ordenance encores aucunes villes
et chastiaus qui là estoient. Si laissièrent deus chevaliers
bretons à chapitainnes en le ville de Hainbon
et grant gent d’armes, et puis s’en partirent. Si
20prisent le chemin de Nantes, selonch la rivière de
Loire, et misent tout le pays en leur obeïssance,
que il trouvèrent, ne onques nulz n’i fu rebelles;
car, se il l’euissent trouvé, la commission dou connestable
donnée dou roy de France estoit tele que il
25voloit que sans merci tout rebelle fuissent puni à
mort.
En ce temps faisoit li dus d’Ango un grant mandement
pour venir mettre le siège devant le Roce
sur Ion, que li Englès tenoient, la quele garnison
30siet sus les marces d’Ango. Ossi li Englès, qui dedens
Brest estoient, eurent conseil et avis que il se
[132] 132 retrairoient en mer, puis que li connestables de
France et li François les eslongoient, et s’en iroient
reposer et rafreschir viers Gredo et viers Garlande.
Et, se li navie dou roy de France passoit, ou des
5Espagnolz, où il se peuissent emploiier, il se combateroient,
car ossi les pourveances de Brest commençoient
à amenrir, car il estoient trop de gens.
Si recargièrent la ditte forterèce à monsigneur Robert
Canolles, et rentrèrent en leur navie, et ne menoient
10avoecques yaus nulz chevaus. Avoecques le gentil
conte de Sallebrin estoient d’Engleterre li sires de
Luzi, li sires de Nuefville, [messires Guillaumes de
Nuefville], ses frères, li sires de Multonne, li sires
de Filwatier, messires Bruians de Stapletonne,
15messires Richars de Pontchardon, messires Jehans
d’Evrues, messires Thumas le Despensier et pluiseur
aultre baron, chevalier et escuier. Trop s’estoient chil
dit signeur repenti, yaus tenu à Saint Malo et à Brest,
de che que il n’avoient amené leurs chevaus avoec
20yaus, car, se eu les euissent, il disoient bien que il
euissent chevaucié sus le pays et contre les François.
Tant s’esploitièrent li connestables de France et
chil signeur de France et de Bretagne qui avoecques
lui estoient, en prendant leur tour et en revenant
25devers Nantes, que il vinrent devant Derval, qui se
tenoit hiretages de monsigneur Robert Canolle; si
l’avoient en garde messires Hues Broe et messires
Reniers, ses frères. Si tost que li connestables et chil
baron de France et de Bretagne furent là venu, il
30misent le siège environneement et fisent grans bastides
de tous lés pour [mieuls] constraindre chiaus
de le forterèce.
[133] 133 En ce temps s’avala li dus d’Ango atout grant
gent d’armes de Poito, d’Ango et du Mainne, et s’en
vint mettre le siège devant la Roce sur Ion, et là
avoit bien mil lances, chevaliers et escuiers, et
5quatre mil d’autres gens, et se partirent dou connestable
de France par le mandement dou duch d’Ango,
et vinrent devant le Roche sur Ion tenir le siège
messires Jehans de Buel, messires Guillaumez des
Bordes, messires Loeis de Saint Juliien et Charuelz,
10bretons, et leurs routes. Et devés savoir que en celle
saison toutes les guerres et le gens d’armes de
France, de quel marce que il fuissent, se traioient en
Bretagne; car il n’avoient que faire d’autre part, et
ossi li rois de France les y envoioit tous les jours.
15Quant les nouvelles veritables furent sceues en l’ost
dou connestable de France, que li contes de Sallebrin
et tout li Englès, qui en Brest estoient, quant
il furent devant Hainbon, estoient parti et retret en
mer, si en furent moult joiant et en tinrent leur
20guerre à plus belle, et s’avisèrent que il envoieroient
une partie de leurs gens devant Brest et metteroient
là le siège, car il estoient fort assés pour ce faire, et
encloroient monsigneur Robert Canolles dedens Brest
telement, que il n’en poroit issir pour venir conforter
25ne consillier ses gens, qui en sa forterèce de Derval
estoient. Si tretos que il eurent ce imaginé, il tinrent
ce conseil à bon, et se departirent dou siège de
Derval li sires de Clichon, li viscontes de Rohem, li
sires de Lyon, li sires de Biaumanoir, li sires de
30Raiys, li sires de Rieus, li sires d’Avangor, li sires de
Malatrait, li sires dou Pont, li sires de Rocefort et
bien mil lances de bonnes gens d’armes, et s’en
[134] 134 vinrent mettre le siège devant Brest et enclore
monsigneur Robert Canolle dedens, par si bonne
[et si sage] ordenance que uns oizelès par terre
n’en fust point issus, qu’il n’euist esté veus. Ensi tinrent
5les gens le roy de France en celle saison quatre
sièges en France, en Bretagne et en Normendie: li
Normant devant Becheriel, li Breton devant Brest et
Derval, et li Poitevin et li Angevin devant la Roce sur
Ion.
10§ 730. Ce siège pendant devant Derval, y furent
faites pluiseurs assaus, escarmuces et paletis, et priès
que tous les jours y avenoient aucun fait d’armes.
Quant messires Hues Broe et ses frères, qui chapitainne
en estoient, veirent le manière et ordenance
15dou connestable et de ces signeurs de France, qui là
estoient grandement et estofeement, et qui moult les
appressoient, et se ne leur apparoit confors de nul
costet ne point de leur estat ne pooient segnefiier à
leur cousin monsigneur Robert Canolles, et avoient
20entendu que li dus d’Ango estoit avalés moult priès
de là, qui trop fort les maneçoit, si eurent conseil
que il tretteroient un respit et se metteroient en
composition devers le connestable, que, se dedens
quarante jours il n’estoient secouru et conforté de
25gens fors assés pour lever le siège, il renderoient la
forterèce au connestable. Si envoiièrent sus assegurances
parlementer ces trettiés en l’ost au dit connestable.
Li connestables en respondi que riens n’en
feroit sans le sceu dou duch d’Ango. Encores vorrent
30bien chil de Derval attendre la response dou dit
duch; si fu segnefiiés au duch tous li dis trettiés,
[135] 135 ensi que il se devoit porter, mais que il l’acordast.
Li dus n’en volt de riens aler au contraire, mès en
rescrisi au connestable que ou nom de Dieu il le acceptast
ou cas que cil de Derval, pour tenir ce marchiet,
5liveroient bons plèges. Sus cel estat furent il
quatre jours que il n’en voloient nuls livrer fors leur
seelé, mès li connestables disoit que, sans bons hostages,
chevaliers et escuiers, ils ne donroient nulle
souffrance. Finablement messires Hues Broe et ses
10frères veirent et cogneurent bien que il ne fineroient
aultrement, se il ne livroient plèges. Si livrèrent
deus chevaliers et deus escuiers, qui furent tantost
envoiiet à le Roce sur Ion devers le duch d’Ango,
et fu ceste composition faite par ordenance tele, que
15chil de Derval ne pooient ne devoient nullui recueillier
en leur forterèce, qui ne fust fors assés pour
lever le siège. Pour ce ne se desfist mies li principaus
sièges de Derval, mès y laissa li connestables
plus de quatre mil combatans de Bretagne, de Limozin,
20d’Auvergne et de Bourgongne, et puis atout cinc
cens lances, il chevauça vers le cité de Nantes, car
encor n’i avoit il point esté.
§ 731. Quant li connestables de France fu venus
jusques à Nantes, si trouva les portes de le cité closes
25et une partie des bourgois venu au devant de lui et
yaus mis entre les portes et les barrières, et n’i avoit
ouvert tant seulement que les postis. Là parlementèrent
li homme de Nantes moult longement au connestable,
et veurent veoir sa commission, et le fisent
30lire. Quant il l’eurent oy, li connestables leur demanda
qu’il leur en sambloit, et se elle estoit point
[136] 136 bonne. Il respondirent qu’il le tenoient bien à bonne,
et le voloient bien recevoir comme commissaire dou
roy de France, et jurer que il seroient toutdis et
demorroient bon François, et ne lairoient Englès nul
5entrer en le cité, qui ne fust plus fors d’yaus, mais ja
il ne relenquiroient lor naturel signeur, qui tenoit
leurs fois et leurs hommages pour cose que il euist
encores fait, sauf tant que à main armée, ne homme
qui fust avoecques lui, se il venoit jusques à là, il
10ne soufferoient entrer en leurs portes, et, se il venoit
à acord devers le roy de France, il voloient estre
quittes de toutes obligations que faites aroient presentement
au connestable. Messires Bertrans, qui en
tout ce ne veoit fors que toute loyauté, leur respondi
15que il ne le voloit autrement, et que, se li dus de
Bretagne vosist estre bons François et amis au roy de
France et à son pays, il y fust demorés en pais. Et
quant il se vorra recognoistre, il ara grasce de nostre
très chier et redoubté signeur le roy, [mais tant que
20il tiengne ceste oppinion, il ne levera de Bretaigne
nuls des pourfis]. Ensi entra li connestables de France
en le cité de Nantes, et y sejourna huit jours, et en
prist le saisine et possession, mais il n’i fist riens de
nouviel. Au IXe jour, il s’en parti et s’en vint demorer
25en un village dalés Nantes, en un moult biau manoir,
qui est au duch, seant sus le rivière de Loire.
Si ooit tous les jours nouvelles des sièges qui se tenoient
en Bretagne, et ossi dou duch d’Ango, qui
seoit devant Roce sur Ion, et dou roy de France, qui
30moult l’amoit pour tant qu’il entendoit si parfaitement
à ses besongnes.
[137] 137 § 732. Vous avés bien chi dessus oy parler et
recorder dou duc de Bretagne, comment il se departi
de son pays et s’en ala en Engleterre requerre
ayde et confort dou roy, en quel nom il avoit perdu
5tout son pays. Bien sçavoit cilz dus que les besongnes
pour lui en son pays se portoient assés petitement.
Si esploita tant devers le roy, que li rois ordonna son
fil le duch de Lancastre à passer mer atout deus mil
armeures de fier et quatre mil arciers, et de ces gens
10d’armes seroient conduiseur et gouvreneur ses filz et
li dus de Bretagne, et devoient arriver ou havene de
Calais, pour passer parmi Pikardie, et avoient entention,
se li temps ne leur estoit contraires, que il se
metteroient entre Loire et Sainne et s’en iroient rafreschir
15en Normendie et en Bretagne, et conforteroient
les forterèces qui se tenoient englesces, Becheriel,
Saint Salveur, Brest et Derval, et combateroient
le[s] François où que ce fust, se contre yaus se voloient
mettre ne ahatir de combatre. Dont, pour
20faire et furnir ce voiage, li rois d’Engleterre ordonna
à faire toute la saison un ossi grant et ossi estoffé
appareil que en grant temps on euist point veu en
Engleterre pour passer le mer, tant que de belles et
grosses pourveances et de grant fuison de charroi,
25qui porteroient parmi le royaume de France tout ce
qu’il lor seroit de necessité, et par especial moulins à
le main pour mieurre bled et aultres grains, se il trouvoient
les moulins perdus et brisiés, et fours pour
cuire, et toute ordenance de guerre pour avoir appareillié
30sans dangier. Et me fu dit que bien trois ans
en devant, li Englès avoient esté sus ce voiage, comment
que point ne fuissent passet. Et cuida li dus de
[138] 138 Lancastre passer la mer l’anée que la bataille fu à
Jullers dou duch de Braibant contre le duch de Jullers
et monsigneur Edouwart de Guerles. Car si doy
cousin de Jullers et de Guerles li avoient offert
5tel confort que douse cent lances, chevaliers et escuiers,
et que pour courir parmi le royaume de
France jusques ens es portes de Paris. Mais la mort
de monsigneur Edouwart de Guerles et l’ensonniement
que li dus de Jullers eut pour ceste besongne,
10et le mort et le prise des bons chevaliers, qui furent
d’une part et d’autre, retardèrent ce voiage qui point
ne se fist à la première entente dou roy d’Engleterre
et dou duch de Lancastre. Nequedent, toutdis de puis,
li dus de Lancastre et li consaulz dou roy d’Engleterre
15avoient entendu [à] appareillier les pourveances
si grandes et si belles, que merveilles seroit à penser.
Et mandoit li rois d’Engleterre par tout gens, là où
il les pensoit à avoir par leurs deniers paiier, en
Flandres, en Braibant, en Haynau et en Alemagne,
20et eut li dus de Lancastre [de purs Escos] bien trois
cens lances. Si venoient à Calais li estragnier qui
mandé et priiet estoient dou roy, et là se tenoient
attendant le passage des deus dus de Lancastre et de
Bretagne, et là leur estoient paiiet et delivret tout leur
25gage pour sis mois. Si passèrent tout bellement l’un
apriès l’autre de Douvres à Calais les pourveances des
dus et des barons d’Engleterre. Si ne furent mies ces
coses si tost achievées.
Entrues se hastèrent les guerres de Bretagne, car li
30rois de France estoit tous certefiiés que li Englès en
celle saison efforciement passeroient en France. Si
faisoit ossi pourveir en Pikardie cités, villes et chastiaus
[139] 139 très grossement, car bien savoit que li Englès
prenderoient leur chemin par là. Et fist commander
sus le plat pays que cascuns, dedens un terme qui mis
y fu, euist retret le sien ens es forterèces, sus à estre
5abandonné tout ce que on trouveroit.
Encores se tenoit li sièges dou duch d’Ango
devant le Roce sur Ion, mais il estoit si lontains
de tous confors que il veoient bien que longement
il ne se pooient tenir. Dont il avint que messires
10Robers Grenake, uns chevaliers englès, qui chapitainne
en estoit, se mist en composition devers
les gens le duch d’Ango, car li dis dus se tenoit à
Angiers. Et fu la composition tele que, se dedens un
mois il n’estoient secouru de gens fors assés pour
15lever le siège, il renderoient la ville et le chastiel, et
s’en partiroient, salve le leur et leurs corps, et leur
donroit on conduit jusques à Bourdiaus. Cilz termes
inspira; nulz ne vint pour conforter le chastiel de le
Roce sur Ion; si le rendirent li compagnon qui le
20tenoient, as gens le duch d’Ango, et s’en partirent
messires Robers Grenake et li sien, et passèrent oultre,
et furent conduit jusques bien priès de Bourdiaus,
ensi que couvens portoit. Si furent chil de
Poito et d’Ango et du Mainne durement liet et resjoy
25dou reconquès de la Roce sur Ion.
§ 733. En ce temps avint en Bretagne que li sires
de Cliçon, li viscontes de Rohem, li sires de Rocefort
et li sires de Biaumanoir se departirent dou
siège de Brest une matinée, atout cinc cens lances,
30et chevaucièrent tant que il vinrent à Konke, une petite
forterèce sus mer, de la quele messires Jehans
[140] 140 de la Ghingay, uns chevaliers englès et de l’ostel le
duch de Bretagne, estoit chapitains, et avoit avoecques
lui pluiseurs compagnons, qui se misent tantost
en ordenance de deffense quant il veirent les
5Bretons. Là eut ce jour grant assaut et dur, et pluiseurs
hommes navrés et blechiés et mors d’un lés et
de l’autre. Finablement li Breton assallirent si vassaument,
et si bien s’i esprouvèrent, que de force
il conquisent la ville de Konke, [et y furent tout
10mors li Englès qui là estoient, excepté le chapitainne
et sis hommes d’armes qu’il retinrent pour prisonniers.
Si remparèrent les Bretons le ville de Konke]
et le rafreschirent de nouvelles gens à leur entente,
et puis s’en partirent; si en menèrent leurs prisonniers,
15et retournèrent au siège de Brest.
§ 734. Entrues que ceste chevaucie se fist dou
signeur de Cliçon et des dessus dis à Konke, et que
leur host fu un petit esclarcie de gens à l’un des
costés dou siège de Brest, se bouta une espie dou
20soir en le ville de Brest, qui venoit droit de Derval,
et qui là estoit envoiiés parler à monsigneur Robert
Canolle, de par ses cousins monsigneur Hue Broe et
son frère, li quelz dist et compta au dit monsigneur
Robert Canolles toute la besongne de son biau chastiel
25de Derval, comment il en aloit. Quant messires
Robers oy ces nouvelles, si n’en fu mies mains pensieus,
et eut pluiseurs imaginations en lui sur trois
ou quatre jours, comment il s’en poroit chevir; car
de perdre si nicement son biau chastiel de Derval,
30que tant amoit et qui tant li avoit cousté, ce li seroit
trop dur, et toutesfois il n’i pooit veoir tour ne
[141] 141 adrèce que il ne le perdesist, se il n’i mettoit aultre
remède. Si avisa que il tretteroit devers ces signeurs
de France et de Bretagne, que il metteroit Brest en
composition que, se dedens un mois il n’estoient
5secouru, aidié et conforté de gens fors assés pour
combatre le connestable et se poissance, il renderoient
Brest as François. Quant cil trettié furent
entamé de premiers et parlementé, onques li sires de
Cliçon, ne li baron qui au siège estoient, n’en vorrent
10riens faire sans le sceu dou connestable. Mais
il donroient bien un chevalier et deus escuiers des
gens monsigneur Robert conduit que, sus assegurances,
il alaissent parler au dit connestable, qui se
tenoit dalés Nantes.
15Ceste response et ordenance plaisi bien au dit
monsigneur Robert Canolles, et y envoia un chevalier
des siens et deus escuiers, qui vinrent sans peril,
sus bon conduit, parlementer au dit connestable et
proposer ces trettiés. Li connestables de France fu
20adont si bien consilliés que dou rechevoir ces trettiés
et chiaus de Brest en composition, mais que de tenir
leur journée et leur marchié il delivrassent bons
ostages, aultrement non. Sus tel estat retournèrent
chil de Brest, et comptèrent au dit monsigneur
25Robert tout ce que vous [avés] oy. Messires Robers,
qui tiroit à mander le conte de Sallebrin et les barons
d’Engleterre qui estoient sus mer en se compagnie,
li quel, il n’en faisoit mies doubte, quant il leur aroit
segnefiiet tout l’estat, venroient à celle journée, et
30qui grant desir avoit ossi de venir en son chastiel de
Derval, se acorda à celle composition, et livra bons
ostages et souffissans, tant que li connestables et li
[142] 142 Breton s’en tinrent pour content, et se desfist li
sièges de Brest; et se retraisent toutes [ces] gens
d’armes sus le pays devers Nantes, en attendant les
journées qui devoient estre de Derval et de Brest;
5car aultrement li connestables ne donnoit nullui
congiet, se il n’estoit especialment escrips et mandés
dou roy de France.
Si tretost que messires Robers Canolles peut, il se
departi de Brest et s’en vint bouter en son chastiel
10de Derval, de quoi si cousin furent moult resjoy de
sa venue. Quant li connestables et li sires de Cliçon
sceurent ces nouvelles que il s’estoit là boutés, si
n’en furent mies mains pensieu, car il sentoient monsigneur
Robert soubtil et cauteleus, si ne savoient
15comment il se vorroit maintenir de le composition
que ses gens avoient fait. Et encores de rechief il
se contentoient mal sus monsigneur Hue Broe et sen
frère, de ce que il l’avoient recheu, car, par le
teneur de leur trettié et dou seelé de leur composition,
20il ne pooient ne devoient nullui rechevoir ne
recueillier en leur forterèce, se il n’estoient fort
assés pour combatre les François.
§ 735. Avant que messires Robers Canolles se
departesist de Brest, il escripsi unes lettres et seela.
25En ces lettres estoit contenus tous li estas de Brest,
et comment la journée estoit prise et acceptée des
François pour yaus combatre, u de rendre le chastiel
de Brest, la quele cose il feroit moult envis, se
amender le pooit. Quant il eut tout ce fait, il carga
30la lettre à un chevalier des siens, et li dist: «Entrés
en une barge, et nagiés viers Garlande. Je croi que
[143] 143 là environ vous trouverés le conte de Sallebrin et
nos gens: se li donnés ces lettres, et li contés de
bouche comment la cose va.» Li chevaliers avoit
respondu qu’il est[oit] tous près, et ja estoit partis
5de Brest, et tant avoit nagiet que il avoit trouvet le
conte de Sallebrin et toute sa navie, où bien avoit
sis vint vaissiaus d’une flote, sans les barges et les
hokebos; se li moustra ces lettres de monsigneur
Robert, et li compta avoech che tout le fait ensi que
10il aloit et qu’empris estoit. Quant li contes de Sallebrin
fu enfourmés de che, si dist que il seroit à le
journée, se il plaisoit à Dieu, et devant encores. Si
ne fist nul lontain sejour, mais se desancra, et toute
sa navie, et s’adreça pour venir à Brest. [Et tant
15s’esploita par le confort de Dieu et du vent, que il vint
assés près de Brest]; et ancrèrent ou havene de Brest,
et puis avisèrent place et terre qui n’estoit mies trop
lonch de leur navie, où il se misent et ordenèrent
par batailles bien et faiticement, et se trouvèrent
20bien deus mil combatans et otant d’arciers. Si disent
entre yaus que il estoient fort assés pour attendre le
connestable et se poissance, et yaus combatre.
Ensi se tenoient là li Englès, qui moustroient que
il voloient tenir leur journée, et tous les soirs
25retournoient en leur navie. Quant il eurent là esté
environ sis jours, et il veirent que nulz ne venoit,
il prisent un hiraut et l’enfourmèrent de che que il
voloient qu’il desist, et qu’il chevauçast viers le
connestable et les François, qui se tenoient en le
30marce de Nantes. Li hiraus se departi de l’ost des
Englès et tant s’esploita que il vint devers le connestable
et le signeur de Cliçon; se fist son message bien
[144] 144 et à point, et dist ensi: «Mi signeur, li contes de
Sallebrin et si compagnon m’envoient devers vous
et vous segnefient que il leur est venu à cognissance
que une journée est prise devant Brest de monsigneur
5Robert Canolle et de vous, et ordenance de
bataille; sachiés que il sont venu jusques à là et vous
attendent tout prest pour combatre et de delivrer
leurs hostages et le chastiel de Brest.» A ceste
parolle respondi li connestables, et n’i mist point
10trop longement, et dist: «Hiraus, vous retournerés
devers vos mestres et leur dirés de par nous qu’il
viegnent et traient avant; nous les combaterons bien
et volentiers.» Li hiraus respondi que volentiers
leur diroit ensi. Si se parti et monta à cheval, et esploita
15tant que il revint en l’ost de se[s] mestres et
leur fist ceste response.
Li contes de Salebrin pensa sus ceste parolle, et
puis se conseilla à ses compagnons, car là estoient
sis ou set baron de grant prudense, li sires de Luzi,
20li sires de Nuefville, messires Phelippes de Courtenay,
messires Bruians de Stapletonne et les aultres.
Si se porta consaulz entre yaus que li hiraus retourneroit
vers les François et leur diroit de par yaus
que c’estoient gens de mer qui n’avoient point leur
25chevaus. Si n’estoit mies cose deue ne raisonnable
que il alaissent plus avant à piet, mais, se il lor
voloient envoiier leurs chevaus, il trairoient vers
yaus volentiers, et, se il ne voloient faire l’une
pareçon ne l’autre, il renvoiassent leurs ostages, [car]
30il y estoient tenu.
Li hiraus se parti de rechief de ses mestres et
chevauça tant que il vint devers le connestable, qui
[145] 145 tantost le recogneut et qui li demanda de ses maistres
quels nouvelles: «Sire, se vous mandent ensi par
moy mi signeur et mestre, et dient que ce sont gent
de mer qui n’ont nulz de leurs chevaus et qui mies
5ne sont uset d’aler trop lonch à piet: si venés vers
yaus, ou envoiiés leur vos chevaus, et il venront
droit chi, et, se ce ne volés faire, si leur renvoiiés
leurs hostages, car il dient que en avant vous n’avés
nulle cause dou tenir.» Quant li connestables oy
10ceste parolle, si en respondi tantost, et dist: «Hiraus,
nostre cheval nous besongnent, ce n’est pas tant que
à yaus requeste raisonnable, et puis que il ne voelent
traire avant et qu’il s’escusent que ce sont gent de
mer, nous ne sommes pas ne ossi ne sont il ou lieu
15ne en le place où la journée fu trettie et pourparlée;
si leur dirés, quant vous retournerés vers yaus, que
nous leur ferons tant d’avantage que nous irons là
sus le place et ou propre lieu, et là viegnent, ensi
qu’il voelent, et il seront combatu.»
20Sus ceste response se departi li hiraus, et s’en revint
à Brest devers ses mestres et leur fist relation de
toutes les parolles que vous avés oyes, et sur ce il
eurent avis et conseil. Depuis ne demoura gaires de
temps que li connestables, li dus de Bourbon, li
25contes d’Alençon, li sires de Cliçon, li sires de Laval
et tout chil baron de France et de Bretagne, où bien
avoit quatre mil lances et quinse mil d’autres gens,
s’en vinrent à une journée priès de Brest où li Englès
estoient, et là s’arrestèrent et logièrent en moult fort
30lieu, et puis le segnefiièrent as Englès comment il
estoient là venu et sus le lieu droitement, ce disoient,
où li trettiés de chiaus de Brest avoit esté acordés,
[146] 146 et leur mandoient que, se li venoient là, il seroient
combatu, et, se ce ne faisoient, il avoient perdu
leurs hostages.
Quant li contes de Sallebrin et si compagnon
5entendirent ces nouvelles, si veirent bien que li
François y aloient soutieuement et qu’il n’avoient
nulle volenté d’yaus combatre. Si leur segnefiièrent
par leur hiraut, avoech le hiraut françois qui ces
parolles avoit aportées, que, se il voloient traire
10encores avant les deus pars de le voie, il se travilleroient
bien tant que tout à piet il iroient la tierce
part, et, se il ne voloient faire ceste pareçon, il
venissent à piet le moitié dou chemin, et il iroient
l’autre, et, se l’une ne l’autre ne voloient faire, il
15renvoiassent leurs hostages, car il n’avoient nulle
cause dou detenir, mais avoient par droit d’armes
bien fait leur devoir, et estoient en volenté dou faire
et tenir leur journée.
§ 736. Ensi alant et venant se demenèrent ces
20coses et se degastèrent; ne pour pareçon que li
Englès peuissent ne sceuissent faire, li François ne
veurent traire plus avant que vous avés oy. Quant li
Englès veirent ce, si rafreschirent le chastiel de Brest
de bonnes gens d’armes, de pourveances et d’arteillerie,
25et puis entrèrent en leur navie et se desancrèrent,
et prisent le mer par devers Saint Mahieu
de Fine Posterne; car devant Derval ne pooient il
nullement venir à toute lor navie, et à piet ossi il n’i
fuissent jamais alé. Avoech tout ce, messires Robers
30Canolles, qui dedens Derval se tenoit, leur avoit
escript que en riens il ne se travillassent pour lui et
[147] 147 qu’il se cheviroit bien tous seulz contre les François.
En ce propre jour et priès sus une heure que li
Englès partirent et rentrèrent en leurs vaissiaus, se
departirent ossi li Breton et li François dou lieu où
5il s’estoient arresté, et en menèrent les hostages de
Brest. Ensi se desrompi ceste assamblée, et s’en
vinrent li connestables et ses gens devant Derval
pour tenir leur journée. Mais messires Robers Canolles
leur manda bien que il n’avoient là que faire
10de sejourner pour cose que il deuissent avoir son
chastiel, ne il ne s’i avoient que faire d’attendre pour
trettié ne composition nulle qui faite en fust, car
nulle n’en tenroit, et le raison qu’il y mettoit, il
disoit que ses gens ne pooient faire nul trettié sans
15son sceu, et ce que fait en avoi[en]t estoit de nulle
vaille. Ces paroles esmervilloient bien le connestable,
le signeur de Cliçon et les barons de France et de
Bretagne, et disoient li plus sage et li plus usé
d’armes que la cose ne pooit estre ne demorer ensi,
20et que li trettiés que messires Hues Broe et ses frères
avoient fais, estoient bon. Si segnefiièrent tout cel
estat au duch d’Ango, qui se tenoit à Angiers, et la
cautele que messires Robers Canolles y avoit trouvé.
Adont li dessus nommés dus se departi d’Angiers à
25tout grant gent d’armes, et ne cessa de chevaucier si
fu venus devant Derval.
§ 737. Nous nos soufferons un petit à parler, car
la matère le requiert, dou duch d’Ango et dou siège
de Derval, et parlerons de monsigneur de Lancastre
30et dou duch de Bretagne, qui estoient arivet à Calais
à trois mil hommes d’armes et sis mil arciers et
[148] 148 bien deus mil d’autres gens. En celle route avoit largement
de purs Escos bien trois cens lances, qui
servoient le roy d’Engleterre pour ses deniers. De
toutes ces gens d’armes et de l’host estoit connestables
5messires Edouwars, li sires Despensiers, uns
des grans barons de toute Engleterre, friche, gentil
et vaillant chevalier et grant chapitainne de gent
d’armes, et l’avoit li rois d’Engleterre pourveu de cel
offisce; et estoient marescal de l’host li contes de
10Warvich et li contes de Sufforch. Là estoient des barons
d’Engleterre li contes de Stafort, li sires de
Persi, li sires de Ros, li sires de Basset, li sires
Latimiers, li sires de Boursier, li sires de la Poule, li
sires de Maune, li sires de Gobehem, filz au gentil
15signeur dont ceste hystore chi en devant fait bien
mention, messires Loeis de Cliffort, li sires de Ware,
messires Hues de Cavrelée, messires Gautiers Hues,
messires Guillaumez de Biaucamp, filz au conte de
Warvich, messires Guillaumes Helmen, messires
20Mahieus de Gournay, messires Thumas Fouke, li
sires de Walles, li sires de Willebi, messires li Chanonnes
de Robertsart et pluiseurs aultres bons chevaliers
que je ne puis mies tous nommer. Encores y
estoient des capitainnes messires Jehans de Montagut,
25messires Richars de Pontchardon, messires Symons
Burlé et messires Gautiers d’Evrues.
En ce temps estoit chapitains de le ville de Calais
messires Nicole Tamwore, et de Ghines, messires
Jehans de Harleston, et d’Arde, li sires de Gommegnies.
30Quant li dus de Lancastre et li dus de Bretagne
et chil signeur, et leurs gens, se furent rafreschi en le
ville de Calais, et toute leur ordenance fu preste, et
[149] 149 leurs charois cargiés, et leurs chevaus fierés, il se
partirent un merkedi au matin, banières desploiies,
et passèrent devant Ghines et Arde, et ossi devant le
chastiel de le Montoire, que Hondecourte, uns chevaliers
5de Pikardie, gardoit; mais li Englès ne s’i arrestèrent
onques pour assallir, ançois passèrent oultre et
s’en vinrent logier sus celle belle rivière qui keurt à
Hoske. Là se tinrent il une nuit, et comprendoit
leur host tout jusques à Bavelinghehen et jusques à
10l’abbeye de Likes. Quant ce vint au matin, il se departirent,
et puis se misent au chemin, et chevaucièrent
au dehors de Saint Omer.
En le ville de Saint Omer estoit li viscontes de
Miaus atout grant fuison de gens d’armes. Bien vinrent
15courir aucun Englès et une compagnie d’Escos
jusques as barrières, mais riens n’i fourfisent ne jamais
n’euissent fait, anchois en reportèrent leur cheval
des saiettes et des viretons des arbalestriers. Si
s’en vinrent li Englès logier celle seconde journée sus
20les mons de Horfaut, et à l’autre jour passèrent il
devant Tieruane, où li sires de Saintpi et li sires de
Brimeu et messires Lyonniaus d’Arainnes et li sires de
Pois, et bien deus cens lances de François estoient.
Si passèrent li Englès oultre sans riens fourfaire, et
25chevauçoient li Englès en trois batailles moult ordonneement,
et n’aloient le jour non plus de trois ou de
quatre liewes, et se logoient de haute nonne, et tous
les soirs se retrouvoient ensamble, et point ne se
desfouchoient, mais attendoient moult courtoisement
30l’un l’autre. La première bataille estoit des mareschaus,
la seconde des deus dus, dou duch de Lancastre
et dou duch de Bretagne; et puis cheminoit
[150] 150 tous li charois qui portoit [et menoit] toutes leurs
pourveances, et puis l’arrieregarde faisoit li connestables.
Et se joindoient toutes ces batailles ensamble,
ne nulle ne se desfoucoit ne issoit de son pas; ne ossi
5nuls chevaliers ne escuiers, tant fust appers ne bons
homs d’armes, n’osast courir ne faire issue de ses
compagnons, se il ne li fust commandé ou acordé
des chapitainnes de se route et par especial des
marescaus.
10Si tretost que li rois de France sceut que chil doi
duch et leurs gens estoient entré en son pays et
chevauçoient, il envoia caudement en Bretagne apriès
le connestable et le signeur de Cliçon et les bons
chevaliers et escuiers qui là se tenoient, que il s’en
15retournassent en France, car il les voloit grandement
ensonniier. Et par especial li rois remandoit le signeur
de Cliçon, le viscomte de Rohem, monsigneur
Jehan de Buel, messire Guillaume des Bordes et
monsigneur Loeis de Saint Juliien et aucuns chevaliers
20et escuiers [bretons], ables et legiers et bien travillans;
car il voloit faire poursievir les Englès. Et si
voloit bien li dis rois que messires Bertrans, ses
connestables, et li dus de Bourbon et li contes d’Alençon
demoraissent encores dalés son frère le duc
25d’Ango, tant que aucune fins se fust approcie de
chiaus de Derval.
Or avint entrues que cil qui mandé estoient dou
roy, misent le temps et les jours de retourner de Bretagne
en France, et d’avoir leur establissement et leur
30ordenance savoir où cascuns devoit aler, emploiièrent
aussi leur temps grandement li dus de Lancastre
et li dus de Bretagne et leurs gens d’entrer en France
[151] 151 et de courir le pays sis liewes de large à deus eles de
leur host pour plus largement trouver vivres et pourveances,
car il n’en prendoient nulles des leurs, mès
qu’il en peuissent recouvrer des nouvelles où que
5fust.
§ 738. Ensi passoient li Englès le pays, et furent
devant Aire, et escarmucièrent as barrières, et puis
retournèrent amont devers le conté de Saint Pol en
chevauçant en Artois. Si ardirent une partie dou
10pays le jone conte de Saint Pol, et furent devant le
ville de Dourlens, et y livrèrent grant assaut, et se
misent li dit Englès en grant painne pour le conquerre
et pour l’avoir, car il le sentoient riche de
l’avoir dou pays qui là estoit retrais et aportés, et si
15n’estoit pas, ce leur sambloit, tenable à tant de bonnes
gens d’armes qu’il estoient. On voelt bien dire et
maintenir que il l’euissent eu et conquis de force, se
n’euissent esté li gentil homme dou pays, qui là dedens
estoient retrait et qui avoient oy dire que il
20aroient l’assaut. Si passèrent li Englès oultre quant il
eurent là fait leur emprise, et chevaucièrent viers la
cité d’Arras, et vinrent li doy duch, as quels tout li
demorant obeïssoient, logier et s’arrestèrent en l’abbeye
dou Mont Saint Eloy, à deus liewes petites de le
25cité d’Arras. Là se reposèrent il et rafreschirent un
jour et deus nuis, et puis chevaucièrent oultre en
prendant le chemin de le rivière de Somme, et fisent
tant que il vinrent à Bray sus Somme. Là s’arrestèrent
il et misent en ordenance pour assallir, et l’approcièrent
30toutes gens, et y eut moult grant assaut, et
là fu li Chanonnes de Robertsart bons chevaliers, et
[152] 152 fist, en joustant à une porte as gens d’armes qui là
estoient, pluiseurs apertises d’armes. Et euist esté
pris et retenus uns siens escuiers, qui s’appelloit
Esporon, se il n’euist esté, car il fu abatus entre piés
5à l’entrée de le porte, et le tiroient ens li François
qui là estoient. Mais li dis Chanonnes, en joustant
de son glave et montés sus son coursier, recula tous
chiaus qui là estoient et rebouta en le ville, et en
abati ne sçai cinc ou sis.
10En le ville de Bray sur Somme avoit adont grant
garnison de chevaliers et d’escuiers de là environ, et
tout s’i estoient retrait, car bien sçavoient que c’estoit
li passages des Englès, ne onques ne passèrent en
France, que il ne tenissent che chemin. Toutesfois il
15ne conquisent riens adont à Bray.
Si prisent leur retour vers Saint Quentin, et entrèrent
en ce biau et ce plain pays de Vermendois. Se
fremissoient toutes gens devant yaus, et rançonnoient
villes et pays à non ardoir et à vivres, et cheminoient
20si petites journées que trois ou quatre liewes le jour.
De Saint Quentin estoit chapitains messires Guillaumes
des Bordes, et là le trouva li sires de Bousies,
qui s’en aloit à Ribeumont pour aidier à garder la
forterèce, car il y avoit part de par sa femme, la
25fille au signeur de Cin: se li pria que il li volsist delivrer
dis arbalestriers. Messires Guillaumes le fist volentiers.
Si issirent hors de le ville à le porte [que on
ouvry et] qui oevre vers Laon, et n’eurent point cheminet
deus liewes, quant il trouvèrent monsigneur
30Jehan de Buel qui s’en aloit à Laon pour estre chapitains
de le cité; là l’envoioit li dis rois de France. Si
se fisent grans recognissances chil chevalier, quant il
[153] 153 se trouvèrent, et parlementèrent sus les camps ensamble,
et entendi messires Jehans de Buel que li Englès
devoient passer ce jour dalés Ribeumont; si dist
que il iroit là avoech le signeur de Bousies. Si
5chevaucièrent encores avant. Sicomme il estoient à
demi liewe petite de Ribeumont, il trouvèrent les
mainnies et le harnas et charoy de monsigneur Hue
de Cavrelée. Si ferirent tantost à yaus en escriant
leurs cris, et les ruèrent jus et en occirent la grignour
10partie, et en menèrent le harnas dedens le ville de
Ribeumont. Là trouvèrent il le signeur de Chin, qui
tantost estoit venus par une aultre porte, et bien
soissante lances avoecques lui. Si se fisent grant samblant,
quant il se trouvèrent. Là estoit messires
15Jehans des Fosseus, li sires de Soize, li sires de Clari et
pluiseur chevalier et escuier de celle marce et de sus
le rivière d’Oize, et tout s’estoient trait à Ribeumont,
car il avoient entendu que li Englès devoient passer
par là.
20§ 739. Ensi que cil chevalier et escuier de Pikardie
se tenoient là sus le [païs et le] place et devant leurs
hosteuls en le ville de Ribeumont, nouvelles leur
viennent de le gaite dou chastiel, que une route
d’Englès approçoient, où bien pooient estre environ
25cent bachinet, et y avoit quatre pennons. Si tretost
que chil chevalier et escuier sceurent ce, il montèrent
as chevaus et prisent leurs targes et leurs lances,
et fisent ouvrir la porte et la barrière, et s’en vinrent
au cours des esporons en une gaskière nouvellement
30arée dou binoir, où chil Englès estoient arresté. Là
vinrent chil François à chevauçant, le banière le
[154] 154 signeur de Chin tout devant et trois ou quatre pennons
qu’il avoient tous desvolepés, en escriant leurs
cris, et se plantèrent en ces Englès, qui s’ouvrirent
tout, quant li François vinrent, et les laissièrent passer
5tout oultre, et puis se remisent ensamble de
bonne façon. Si commença la bataille de deus cens
hommes ou environ, forte et dure et bien combatue,
et y eut fait pluiseurs grans apertises d’armes
d’un lés et de l’autre. Là estoit li sires de Chin, qui
10s’appelloit messires Gilles, uns fors et durs chevaliers
et bons homs d’armes, qui mies ne s’espargnoit,
et tenoit une mace à manière d’une plommée, dont
il servoit ces Englès les horions si grans sus leurs bachinès,
que cilz estoit moult fors et moult durs que
15il ne ruoit par terre. Ossi li plus fors de l’estour estoit
tous sur lui, et y prist et rechut tamaint pesant horion,
et fu abatus ce jour entre piés; mès uns siens filz
bastars li fist un grant service, car il le releva et
mist par deus fois à cheval. Finablement li François
20obtinrent le place, et furent li Englès qui là estoient
tout mort ou pris; petit s’en sauvèrent. Et rentrèrent
li chevalier et li escuier dedens Ribeumont, et là
amenèrent leurs prisonniers. Ce fu environ heure de
remontière, et tantost à heure de vespres, li doi duch
25et leur grandes routes furent tout rengiet devant
Ribeumont. Si estoient moult couroucié li Englès de
ce que on avoit combatu leurs compagnons, mors et
pris, et point n’i avoient esté. A l’endemain au matin
il passèrent oultre sans plus riens faire, et prisent le
30chemin de Laon. Quant cil de Ribeumont veirent
qu’il passoient oultre et que point n’aroient d’assaut,
si vuidièrent par une porte, et chevaucièrent à le
[155] 155 couverte, hors dou chemin des Englès, messires
Jehans de Buel et se route, et messires Gerars de
Lore et li sires de Soize et pluiseur compagnon de le
marce qui, au rencontre desous Ribeumont avoient
5esté, et fisent tant que il vinrent sus le mont de Laon,
où il furent receus à grant joie.
§ 740. Li dus de Lancastre et li dus de Bretagne et
leurs routes s’en vinrent logier à Vaus desous Laon,
et s’i tinrent trois jours et s’i rafreschirent, yaus et
10leurs chevaus, car il trouvèrent le marche grasse et
plainne de tous vivres, car il estoit en temps de vendenges,
et si rançonnoient le pays et gros villages à
non ardoir, parmi vins et sas de pain et bues et moutons,
que on leur aportoit et amenoit en leur host.
15A ce que li Englès moustroient, il ne desiroient aultre
cose que il peuissent avoir la bataille; mais li rois
de France, qui doubtoit les fortunes, ne s’i voloit
nullement assentir ne acorder que ses gens se combatissent:
se les faisoit il costiier et [le plus qu’on
20pouoit] heriier de cinc cens ou de sis cens lances,
qui tenoient les Englès si cours et en tel doubte que
il ne s’osoient desfoukier. En le cité et sus le mont
de Laon avoit bien trois cens lances de Bretons et de
François, qui veoient les Englès desous yaus à Vaus;
25mais onques de soir, de nuit ne de matin, ne les
resvillièrent. Si se deslogièrent li duch et leurs gens,
et prisent le chemin de Soissons, car il s[ie]voient
toutdis les rivières et le plus cras pays. Li sires de
Clichon, li sires de Laval, li viscontes de Rohem, li
30viscontes de Miaus, messires Raoulz de Couci, messires
Raoulz de Rainneval, messires Jehans de Viane,
[156] 156 messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bordes,
li sires d’Antoing, li sires de Hangest et bien quatre
cens lances de bonnes gens les poursievoient toutdis
sus costière, ensi qu’il aloient, et chevauçoient, tel
5fois estoit, sus ele si priès l’un de l’autre que il se
fuissent bien trouvé et rencontré, se il volsissent, et
parloient à le fois l’un à l’autre. Dont il avint que
messires Henris de Persi, uns des grans barons d’Engleterre,
chevauçoit les camps avoecques se route,
10et messires Guillaumes des Bordes et messires Jehans
de Buel faisoient une aultre route, et tenoit cascuns
son chemin sans point issir dou froais. Là dist messires
Henris de Persi, qui chevauçoit un biau coursier,
en regardant sus senestre, à monsigneur Aymeri
15de Namur, fil au conte: «Il fait biau voler: que ne
volés vous, quant vous avés eles?»—«Sire de Persi,
sire de Persi, dist messires Aymeris, qui un petit issi
de son conroy en fretillant son coursier, vous dittes
voir; li volz est biaus à vous et, se j’en ere creus,
20nous voleriens jusques à là.»—«Par Dieu, Aymeri,
je t’en croy bien; or esmues tes compagnons au
voler: si y ara bon gibier.» Ensi en bourdant, chevauça
li sires de Persi une espasse de temps, costiant
les François, et li plus prochains de lui à qui il parloit,
25c’estoit messires Aymeris, li bastars de Namur,
un moult friche et gentil chevalier et bon homme
d’armes. Trop souvent le jour se fuissent trouvet
François et Englès, et rencontré sus les camps, se il
volsissent, mais et li un et li aultre chevauçoient sagement.
30Si fu en ce voiage la terre dou signeur de
Couci toute deportée, ne on n’i fourfist onques riens,
car li gentilz sires de Couci estoit hors dou pays et se
[157] 157 dissimuloit de ceste guerre pour la cause de sa
femme, ma dame Ysabiel, fille au roy d’Engleterre. Si
estoit escusés de l’une partie et de l’autre.
§ 741. En ce voiage et en le marce de Soissons,
5assés priès d’un village que on dist Ouci, mescheï il
trop grandement à l’un des bons chevaliers de toute
la route dou duch de Lancastre et qui le plus s’estoit
trouvés en devant en grosses besongnes d’armes
et durs rencontres, monsigneur Gautier Huet. Car
10une nuit il avoit fait le gait en lor host, siques sus le
jour, ensi qu’il est d’usage, il s’estoit retrais en son
logeis et se desarmoit pour un petit reposer. Ce propre
matin, messires Jehans de Viane, messires Jehans
de Buel, li viscontes de Miaus et bien sis vint lances
15de François vinrent escarmucier l’ost à l’un des lés
où li gais avoit esté, ensi comme en rifflant oultre
sans arrester. Messires Gautier Hues oy ces nouvelles,
ensi que on li ostoit ses cauces d’achier, et
estoit ja demi desarmés. Il eut si grant quoite, et si
20fretilleusement monta à cheval, qu’il n’estoit vestis
que de une sengle cote de fier, et n’eut mies loisir
de prendre ses plates; mès, la targe au col et la
lance ou poing, s’en vint en cel estat à l’escarmuce.
Evous un chevalier de France qui s’appelloit messires
25Jehans del Mans, hardi et vaillant chevalier,
durement armés de toutes pièces, bien fort monté,
le targe au col et la lance ou poing, qui avise monsigneur
Gautier Huet, et broche cheval des esporons,
et s’en vient sur lui et le fiert de son glave si roidement
30que les armeures que il avoit, ce n’estoient
mies gramment, ne li vallirent onques riens, mais li
[158] 158 fist passer son glave tout oultre le corps et l’abati là à
terre navré à mort. Quant ses gens veirent ce, si
furent trop desconfi, et, à ce que je oy dire, son pennon
le sievoit tout envolepé, mais onques ne fu desvolepés.
5Là eurent li François celle matinée pour
yaus et des bons prisonniers, et s’en partirent sans
damage. Trop furent li doi duch, [li baron et li chevalier
d’Engleterre] couroucié de la mort à monsigneur
Gautier Huet; mais amender ne le peurent
10tant que à ceste fois. Si chevaucièrent de puis
mieulz ensamble et plus sagement, en cheminant
vers la cité de Rains et sus la rivière de Marne.
§ 742. Nous retourrons à parler dou duch d’Ango
et dou connestable de France, qui se tenoient en ce
15temps devant Derval en Bretagne, et de monsigneur
Robert Canolles, et vous compterons comment ne par
quele cause cilz sièges se desfist. Li dus d’Ango, li
dus de Bourbon, li connestables de France et tout li
signeur qui là estoient, tenoient le chastiel de Derval
20à avoir acquis pour yaus par deus raisons. La première
estoit que messires Hues Broe et ses frères
avoient juret et seelet et prommis, et de ce livret
ostages, chevaliers et escuiers, que il ne devoient ne
pooient nullui recueillier en leur forterèce, qui ne
25fust ossi fors comme il estoi[en]t. La seconde raison
estoit que dedens quarante jours il devoient rendre
le chastiel de Derval as signeurs de France, se li Englès
ne venoient là en le place si fors que pour yaus
combatre et lever le siège, des queles coses il estoient
30tout en deffaute. Messires Robers Canolles s’escusoit
et mettoit toutdis avant que ses gens ne pooient faire
[159] 159 nulz trettiés sans son accord, et que tout li trettiet
qu’il avoient fait, estoient de nulle vaille; ne de lui
on ne pooit estraire aultre response. Et mandoit bien
[au duch d’Ango et] au connestable que il n’avoient
5que faire de là sejourner pour son chastiel, car ja,
tant qu’il viveroit, n’en seroi[en]t en saisine. Li dus
d’Ango de ces responces estoit tous merancolieus. Si
s’avisa une fois que il asseeroit monsigneur Robert
par une aultre voie, et li manda bien acertes que, se
10il ne li rendoit le chastiel, ensi que drois et raisons
le voloient, il fust tous seurs qu’il feroit mourir ses
ostages. Messires Robers li remanda, ensi que bien
estoit en se poissance, de faire ensi tout ce qu’il
disoit, mais il fust segurs que, se il les faisoit morir,
15il avoit laiens en son chastiel des bons chevaliers
françois prisonniers, des quelz il pooit avoir grans
raençons, mais il les feroit morir ossi.
Ceste response prist li dus d’Ango en si grant despit
que, sans point d’attente, il manda les ostages
20qui issu de Derval estoient, deus chevaliers et deus
escuiers, bien gentilz hommes, et les fist mener dou
plus priès dou chastiel qu’il peut, et là furent decolé;
ne pour priière ne pour parolle que aucun baron
de l’host peuissent ne sceuissent faire, il n’en furent
25point deporté. Quant messires Robers Canolles, qui
estoit amont as fenestres de son chastiel, vei ce, si fu
ensi que tous foursenés, et fist incontinent une longe
table lancier hors des fenestres, et là amener trois
chevaliers et un escuier, que il tenoit prisonniers,
30dont il avoit refusé dis mil frans: si les fist monter
sus celle table l’un apriès l’autre, et par un ribaut
coper les tiestes et reverser ens es fossés les corps
[160] 160 d’un lés et les tiestes d’autre. De quoi vraiement,
tout considéré, ce fu grans pités que, pour l’oppinion
d’yaus deus, huit gentil homme furent ensi mort. Et
depuis en furent moult courechiet et li une partie et
5li aultre.
§ 743. Assés tost apriès celle herredie et ce cruel
fait acompli, de quoi toutes manières de bonnes gens,
qui parler en oïrent, eurent pité et compassion, li
signeur se partirent, et se desfist li sièges de devant
10Derval, et se traisent devers France toutes manières
de gens d’armes avoecques le duch d’Ango et le connestable,
car il avoient entendu que li dus de Lancastre
et li dus Jehans de Bretagne y chevauçoient
efforciement et estoient ja sus le rivière de Marne.
15Si esploitièrent tant les chapitainnes que il vinrent
à Paris devers le roy, qui les rechut à grant
joie; et fu par especial durement resjoïs de la venue
dou connestable, car il avoit en lui très grant
fiance.
20En ce temps estoit retournés à Paris li sires de Cliçon,
car li rois l’avoit mandé pour avoir colation devant
lui, present ses frères, qui tout troi estoient venu
à Paris et le connestable, sus l’estat des Englès, et se
on les combateroit ou non; car pluiseur baron et
25chevalier dou royaume de France et consaulz des
bonnes villes murmuroient l’un à l’autre et disoient en
puble que c’estoit grans inconveniens et grans vitupères
pour les nobles dou royaume de France, où tant
[a de] baron, chevalier et escuier dont la poissance
30est si renommée, quant il laissoient ensi passer les
Englès à leur [aise], et point n’estoient combatu, et
[161] 161 que de ce blasme il estoient vituperé par tout le
monde.
§ 744. Quant tout chil signeur li plus especial
dou conseil le roy furent assamblé, il se misent en
5une cambre, et là ouvri li rois sa parolle sus l’estat
dessus dit, et pria moult douchement que il en fust
loyaument consilliés, et volt oïr de cascun l’entente
au tour et quele raison il y mettoit dou combatre
ou non combatre. Premierement li connestables en
10fu requis dou dire et demandés que il en vosist dire
à son avis le milleur qui en estoit à faire, pour tant
que il avoit estet le plus en grosses besongnes et
petites arrestées contre les Englès. Moult longement
s’escusa et n’en voloit respondre, si aroient si signeur
15qui là estoient, parlé: li dus d’Ango, li dus de
Berri, li dus de Bourgongne et li contes d’Alençon.
Non obstant ses escusances, il fu tant pressés que il
le couvint parler. Si parla par l’amendement d’yaus
tous, ensi que bien sceut dire ou commencement de
20son langage, et dist au roy: «Sire, tout chil qui
parollent des Englès combatre, ne regardent mies le
peril où il en poeent venir, non que je die nullement
que il ne soient combatu, mais je voeil que
ce soit à nostre avantage, ensi que bien le scevent
25prendre, quant il leur touche; et l’ont pluiseurs fois
eu à Creci, à Poitiers, en Gascongne, en Bretagne,
en Bourgongne, en France, en Pikardie et en Normendie,
les queles victores ont trop grandement
adamagié vostre royaume et les nobles qui y sont;
30et les ont tant enorgueillis que il ne prisent ne
amirent nulle nation fors la leur, par les grans raençons
[162] 162 que il en ont pris et eus, de quoi il sont enrichi
et enhardi. Et veci mon compagnon le signeur de
Cliçon, qui plus naturelment en poroit parler que je
ne face, car il a esté avoech yaus nourris d’enfance:
5si cognoist trop mieulz les conditions et leurs
manières que nulz de nous. Si li pri, et ce soit vostre
plaisir, chiers sires, que il me voeille aidier à parfurnir
ma parolle.» Adont regarda li rois de France
sus le signeur de Cliçon, et li pria droitement en
10en grant amour, pour mieulz complaire à monsigneur
Bertran, que il en vosist dire sen entente. Li
sires de Cliçon ne fu mies esbahis de parler, et
dist que il le feroit volentiers, et porta grant couleur
au connestable, en disant que il consilloit bien le
15roy et moult loyaument, et tantost i mist raison
pour quoi: «A Dieu le veu, mi signeur, Englès sont
si grant d’eulz meismes et ont eu tant de belles journées,
que il leur est avis que il ne poeent perdre;
et en bataille ce sont les plus confortées gens dou
20monde; car, com plus voient grant effusion de
sanch, soit des leurs ou de leurs ennemis, tant sont
il plus chaut et plus arresté de combatre, et dient
que ja ceste fortune ne morra tant que leurs rois
vive, sique, tout consideré, de mon petit advis, je ne
25conseille pas que on les combate, se il ne sont pris
à meschief, ensi que on doit prendre son ennemi.
Je regarde que les besongnes dou royaume de France
sont maintenant en grant estat, et que ce que li Englès
y ont tenu par soutieuement guerriier, il l’ont
30perdu. Dont, chiers sires, se vous avés eu boin conseil
et creu, si le creés encores.»—«Par ma foy,
dist li rois, sires de Cliçon, je n’en pense ja à issir,
[163] 163 ne à mettre ma chevalerie et mon royaume en peril
d’estre perdu pour un pan de plat pays, et de chi
en avant je vous recarge avoech mon connestable
tout le fais de mon royaume, car vostre opinion me
5samble bonne. Et vous, qu’en dittes, mon frere
d’Ango?»—«Par ma foy, respondi li dus d’Ango,
qui vous consilleroit autrement, il ne le feroit pas
loyaument. Nous guerrierons tous jours les Englès,
ensi que nous avons commenchié; quant il nous
10cuideront trouver en l’une partie dou royaume, nous
serons à l’autre, et leur torrons tous jours à nostre
avantage ce petit que il y tiennent. Je pense si bien
à esploitier parmi l’ayde de ces deus compagnons
que je voi là, que ens es marches d’Aquitainnes et
15de le Haute Gascogne dedens brief terme on pora
bien compter ce qu’il y tenront, à peu de cose.»
De ces parolles fu li rois tous resjoïs, et demorèrent
sus cel estat à non combatre les Englès, fors par
le manière que il y ont devisé.
20Apriès ce conseil, se departirent dou roy et de
Paris li connestables, messires Oliviers et bien cinc
cens lances, et chevaucièrent vers Troies, car li Englès
aloient che chemin, et avoient passé et rapassé
à leur aise la rivière de Marne; et quant il trouvoient
25un pont desfait sur quelque rivière que fust,
il avoient avoecques yaus ouvriers et carpentiers,
qui tantost en avoient un ouvré et carpenté, mès
que il euissent le bois, et oïl on lor amenoit devant
yaus, car il avoient gens de tous offices amenés
30avoech yaus d’Engleterre. Si furent li doi duch et
leurs routes devant le ville de Vertus et devant Espernay,
et rançonnèrent à vivres tout che pays de là
[164] 164 environ, et trouvèrent grant pillage et grant pourfit
sus celle bielle rivière de Marne, dont il estoient tout
signeur et mestre, car nulz ne leur aloit au devant.
Si montèrent tout contremont vers Chaalons en Campagne,
5mais point ne l’approcièrent de trop priès,
et prisent le chemin de Troies. En le cité de Troies
estoient ja venu li dus de Bourgongne, li dus de
Bourbon, li connestables, li sires de Cliçon et leurs
routes, où bien avoient douse cens lances. Si se tenoient
10là en garnison, en attendant les Englès, qui
ardoient et destruisoient tout le pays d’environ.
§ 745. En ce temps se fist la delivrance dou conte
[Jehan] de Pennebruch, qui estoit ens es dangiers et
en le prison dou roy Henri de Castille, li quels fu pris
15sus mer devant le Rocelle, ensi que vous avés oy
recorder, et la quele delivrance se fist par le moiien
tel que je vous dirai. Messires Bertrans de Claiekin,
connestables de France, tenoit une terre en Chastille
dou don le roy Henri, en recompensant les biaus
20services qu’il li avoit fais, la quele terre est appelée
Surie et valoit par an au dit connestable bien dis
mil frans, siques il fu trettiet que messires Bertrans
rendi au roy Henri la ditte terre de Surie pour le
corps dou conte de Pennebruch; et li contes se
25rançonna envers le connestable à sis vint mil frans
et paiier tout à une fois; et en finèrent li Lombart
de Bruges. Or furent chil trettié et chil marchié
trop sagement fait et demené des gens le dit conte,
ensi qu’il apparu: vous orés comment. Il ne devoient
30riens paiier, si aroient les gens le connestable remis
le corps dou conte sain et sauf, sans nul peril, en le
[165] 165 ville de Calais. Si se departi li dis contes sus cel
estat d’Espagne, et passa parmi Navare et entra ou
royaume de France, et chevauça avoech ses gens
tout parmi, sus le conduit dou connestable. Si avint
5que, en chevauçant et cheminant, une très grant
maladie le prist, mès toutdis aloit avant, et le couvenoit
porter en littière. Tant ala, et [si] la maladie
le demena que il le couvint arester et alitter en le
cité d’Arras, et là morut. Ensi perdi messires Bertrans
10son prisonnier et sa raençon, et li hoir dou
conte et si plège en furent quitte.
En ce temps se refist uns aultres trettiés et pareçons
de terre et d’un prisonnier, ce gentil chevalier,
monsigneur Guichart d’Angle, entre le roy Henri
15dessus nommé et monsigneur Olivier de Mauni,
neveu dou connestable de France. Li rois d’Espagne
avoit donné au dit monsigneur Olivier une terre en
Castille, que on appelloit Grette, qui bien valoit
quatre mil frans par an. Cilz messires Oliviers estoit
20à marier; si avisa en France un moult hault et biel
mariage pour lui, en Pikardie, de la fille au signeur
de Roie, de qui li pères estoit prisonniers et en grans
dangiers en Engleterre devers le roy. Messires Oliviers
fist trettier devers le linage dou signeur de Roie
25comment il poroit avoir sa fille. On li respondi que,
se il pooit tant faire par moiiens, que il delivrast le
signeur de Roie, il aroit la fille qui estoit taillie de
tenir trois mil frans par an de revenue, car li pères
estoit mais uns vieus chevaliers. Adont messires
30Oliviers de Mauni esploita sus cel estat et mist gens
en oevre, et fu demandé au roy d’Engleterre le quel
des prisonniers qui estoient en Espagne il avoit plus
[166] 166 chier à donner et veoir sa delivrance, pour le baron
de Roie, ou monsigneur Guichart d’Angle, ou monsigneur
Othe de Grantson. Li rois d’Engleterre respondi
que il s’enclinoit plus à monsigneur Guichart
5d’Angle que à monsigneur Othe. Quant on sceut sen
intention, messires Oliviers de Mauni fist trettier
devers le roy Henri, et rendi celle terre de Grette que
il tenoit, pour monsigneur Guichart et Guillaume,
son neveu. Et tantost se fist li escanges dou baron
de Roie pour ces deus. Si revint li sires de Roie en
10France, et messires Oliviers de Mauni espousa sa
fille, et puis tint toute la terre le signeur de Roie, car
il ne vesqui mies puis longement. Et messires Guichars
et ses neveus furent delivré, et ralèrent en Engleterre,
où il furent liement receu; et retint li rois de
15son conseil et dalés lui monsigneur Guichart, li quelz
renonça à tout ce que il tenoit en Poito, et remanda
sa femme et ses enfans et les fist passer mer et venir
en Engleterre. Avoech la renontiation il remercia
grandement le duch de Berri de ce que il avoit tenu
20sa femme et sa terre en pais, le temps qu’il avoit esté
prisonniers en Castille.
§ 746. En ce temps s’avisa li papes Grigores XIez
qui se tenoit en Avignon, par le promotion d’aucuns
25cardinaulz, que il envoieroit deus prelas, souffisans
hommes et bons clers, en legation en France pour
trettier pais, acord ou respit entre les parties de
France et d’Engleterre. Si furent esleu et ordonné li
archevesques de Ravane et li evesques de Carpentras
30de faire ce voiage, li quel tantost se departirent d’Avignon
en grant arroi, et chevaucièrent par mi France,
[167] 167 et esploitièrent tant qu’il vinrent à Paris où benignement
il furent recheu dou roy de France et dou
duch d’Ango. Si leur remoustrèrent sus quel estat il
estoient parti d’Avignon, et là envoiiet dou pape et
5dou Saint Collège. Li rois et li dus d’Ango entendirent
à leurs parolles volentiers et consentirent
assés que il chevauçassent vers les Englès, le duch
de Lancastre et le duch de Bretagne, par quoi il
sceuissent de leur entente aucune cose; et leur fu dit
10encore que à Troies en Champaigne, il trouveroient
le connestable et le signeur de Cliçon, qui estoient
recargié dou fait des guerre[s], et as quelz il en apertenoit
à parler.
Adont cil doi legal de rechief montèrent à cheval,
15[et toutes leurs routes], et chevaucièrent viers Troies.
Si esploitièrent tant qu’il y parvinrent, et là trouvèrent
le duch de Bourgongne, le duch de Bourbon, le
connestable et fuison de grans signeurs, des quelz il
furent li bien venu, et remoustrèrent as deus, au
20connestable et au signeur de Cliçon, pour quoi il estoient
là venu et qui les y avoit envoiiés. Chi[l] doi
signeur respondirent que dou tout à yaus n’en apertenoit
mies, et que otant en touchoit il as Englès de
leur partie, comme il faisoit à yaus, mais volentiers,
25puis que il plaisoit au roy de France et que nos
Sains Pères le mandoit, il y entenderoient. Ensi se
tinrent li doi legal en le cité de Troies trois jours,
tant que li dus de Lancastre et li dus de Bretagne et
li Englès furent venu devant Troies, et là se logièrent
30sus celle rivière de Sainne bien et faiticement. Et
vinrent li doi marescal escarmucier as barrières as
gens d’armes qui là estoient, et courir devant les
[168] 168 portes; et à le porte de Bourgongne revint li connestables,
li sires Despensiers, faire ossi sen envaye, et
descendi à piet devant les barrières, et vint main à
main combatre as chevaliers qui là estoient; et y fu
5li sires Despensiers très bons chevaliers, et y fist
pluiseurs apertises d’armes. Entrues que li doy duch
estoient là arresté et qu’il laissoient leurs gens couvenir
d’escarmucier et de courir le pays d’environ
Troies, issirent li doi legal, et vinrent en leurs tentes
10remoustrer as dus, le duch de Lancastre et le duc de
Bretagne, pour quoi il estoient là venu et qui les y
avoit envoiiés. Et commenchièrent si courtoisement
à entamer leurs trettiés, que li langages en plaisoit
grandement as dessus dis, comment qu’il n’en peuissent
15riens faire et que à yaus riens n’en apertenoit,
et je vous dirai la raison pour quoi.
§ 747. Li rois d’Engleterre et ses consaulz ont
toutdis eu cel usage, et encor le tiennent que, quant
il ont envoiiet et mis hors gens d’armes de leur pays
20pour entrer en France principaument, on les rechargoit
as chapitainnes, fuissent enfant dou roy, cousin
ou baron d’Engleterre ou d’aultre pays, puis que
ensonniier les voloient d’un si grant fais que livrer
gens d’armes et archiers pour faire leur voiage, et ches
25chapitainnes, quelz qu’il fuissent, il traioient à part à
conseil, et leur faisoient solennelment jurer trois coses,
et font encores, les quelz sieremens, sus estre deshonnouré,
il n’oseroient enfraindre. [Le premier], c’est
que le voiage qui leur est cargiés, il le trairont à
30chief à leur loyal pooir; secondement que cose qu’il
aient à faire ne secré que on leur ait dit, il ne
[169] 169 reveleront à homme dou monde fors à yaus meismes;
tiercement, que il se maintenront si bellement et si
quoiement, qu’il ne feront rumeur nulle, entre
yaus quelconques, siques, à ce pourpos li doy duch
5dessus nommé, qui chapitainne et gouvreneur estoient
de toutes ces gens d’armes, et qui, au partir
d’Engleterre, avoient juret ensi que li aultre font et
ont fait dou temps passet, et qui sçavoient bien où
il estoient cargiet d’aler, ne pooient respondre à ces
10trettiés que chil doy legal proposoient, li archevesques
de Ravane et li evesques de Carpentras, fors
couvertement, ne point en leur poissance n’estoit,
jusques à tant qu’il euissent trait à chief leur emprise,
de donner ne de accepter triewes ne respit, ne
15d’entendre à nulle pais quelconques. Ossi il n’en estoient
mies en volenté, mais se dissimuloient envers
les legaus moult sagement, et toutdis aloient avant
sus le royaume, et ardoient villes, maisons et petis
fors, et pilloient et rançonnoient gens, abbeyes et
20pays; ne onques, pour trettiet qui proposet y fuissent,
leur voiage faisant, il ne s’en desrieulèrent de
riens, mais chevauchièrent toutdis en bonne ordenance
et en bon arroi par mi le royaume de France.
Ossi il estoient sagement poursivi dou connestable
25de France, dou signeur de Cliçon, dou visconte de
Rohem, dou visconte de Miaus et de plus de mil
lances, chevaliers et escuiers, tous à election, des
milleurs dou royaume de France et les plus soubtilz
de guerre, qui les tenoient si cours qu’il ne s’osoient
30desfouchier; car, se li baron de France et de Bretagne
y euissent point veu de leur avantage au combattre
ou par trop esparsement logier ou chevaucier,
[170] 170 il ne les euissent ja en riens espargniés pour cose
que li legal fuissent là, qui toutdis aloient de l’un à
l’autre, pour veoir se il trouveroient nul moiien; mès
nennil, car onques gens n’alèrent mieulz ensamble
5qu’il fisent, ne par plus sage ordenance.
§ 748. Ensi chevaucièrent li dus de Lancastre et li
dus de Bretagne parmi le royaume de France et menèrent
leurs gens, ne onques ne trouvèrent à qui
parler par manière de bataille; si ne demandoient il
10aultre cose; et envoioient souvent leurs hiraus devers
les signeurs qui les poursievoient, en requerant
bataille et en donnant et faisant pluiseurs pareçons,
mès onques li François n’en veurent riens accepter,
ne election ne pareçon, que li Englès leur
15feissent, ne peut venir à effect. Mais il les costioient
une heure à diestre, l’autre à seniestre, ensi que les
rivières s’adonnoient; et se logoient priès que tous
les soirs ens es fors et en es bonnes villes, où il se
tenoient tout aise, et li Englès as camps, qui eurent
20pluiseurs disettes de vivres et en l’ivier des grans
froidures; car en Limozin, en Roerge et en Aginois
il trouvèrent moult povre pays, et n’i avoit si grant
ne si joli de leur route qui dedens cinc jours ou sis
mengassent point de pain. Bien souvent ce leur avint
25de puis qu’il furent entré en Auvergne; car il estoient
poursievi, sus le fin de leur chevaucie, de plus de
trois mil lances; si n’osoient aler fourer, fors tout
ensamble. Toutes fois en che meschief, il passèrent
toutes les rivières qui sont courans oultre le Sainne
30jusques à Bourdiaus, le Loire, Aillier, le Dourdonne
et Garone et pluiseurs aultres grosses rivières qui
[171] 171 descendent des montagnes en Auvergne. Mais de
leur charoi, qui en voelt oïr nouvelles, je le vous
dirai: il n’en peurent pas la tierche part remettre en
le cité de Bourdiaus, tant par les chevaus qui leur
5faillirent, que pour les destrois des montagnes où il
ne pooient passer. Et si leur morurent pluiseur chevalier
et escuier des froidures et des povretés qu’il prisent
en l’ivier sus le chemin, car il fu li Noëlz passés
ançois que il rentrassent en le cité de Bourdiaus, et
10en y eut encores des bons chevaliers, qui y conchurent
des maladies, de quoi il morurent de puis, et
par especial li connestables de lor ost, li sires Despensiers,
qui fu moult plains et moult regretés de
tous ses amis, car che fu uns gentilz coers et vaillans
15chevaliers, larges et courtois: Diex li face bonne
merchi!
§ 749. Ensi fu traitte ceste grant chevaucie à chief,
et rentra ossi en le cité de Thoulouse auques en ce
temps li dus d’Ango et li connestables de France avoecques
20lui. Dont se departirent toutes gens d’armes,
mais li dus d’Ango à leur departement disoit à chiés
des signeurs, que tantost à le Paske il retournaissent
devers lui, car il voloit faire se chevaucie moult grande
et moult estoffée, ossi bien que li dus de Lancastre avoit
25fait la sienne en le Haute Gascongne, et tout li avoient
en couvent que il feroient ce qu’il li plairoit. Si se tinrent
li doi legal dalés lui et dalés le connestable, qui
souvent aloient de l’un à l’autre en istance de ce que
volentiers il euissent amenet ces parties à ce que
30acors [ou respis] se fust pris entre les François et les
Englès, et n’avoient point trouvet, en devant ce que
[172] 172 il fust venus à Bourdiaus, le duch de Lancastre en si
bon parti pour y entendre, qu’il le trouvèrent. Mais
de premiers, quant li legal vinrent devers lui à Bourdiaus,
il s’escusa moult bellement que il n’i pooit
5encores entendre, ne donner response où on se peuist
en riens confiier, jusques à tant que il aroit tout l’estat
segnefiiet à son signeur de père. Si ne furent mies
ces coses si tost faites; mais tout l’ivier et le quaresme
et jusques au may, li dus d’Ango fist faire ses pourveances
10grandes et grosses, et dist que il voloit aler
en le Haute Gascongne veoir aucuns rebelles à lui qui
estoient des arrierefiés de Gascongne et qui ne voloient
obeïr au roy de France; ossi n’avoient il fait
au prince de Galles. Et fu li princes, dou temps qu’il
15se tenoit en Acquitainnes, trop de fois temptés pour
faire à ces signeurs de le Haute Gascongne guerre,
et l’euist fait, la saison que il ala en Espagne, se li
voiages ne li euist brisiet; et de puis de plus en plus
il eut tant à faire que il n’i peut entendre. Et voloit
20li contes de Fois ses gens porter et tenir frans, et
disoit que li drois en apertenoit à lui, non au roy de
France ne au roy d’Engleterre.
§ 750. Tantost apriès Paskes revinrent devers le
duch d’Ango toutes manières de gens d’armes de
25France, de Bourgongne, de Bretagne, d’Ango, de
Poito et du Mainne, et estoit li mandemens dou duch
assignés en le ville et en le cité de Pieregorch. Si vinrent
là tout cil qui mandé et escript en furent, et
par especial il y eut bien mil lances de purs Bretons.
30Quant il furent tout assamblé, il se trouvèrent dis
mil hommes d’armes et trente mil de piet sans les
[173] 173 Genevois arbalestriers, où il avoit bien mil et cinc
cens. Là estoient avoech le duch li connestables de
France, li sires de Cliçon, li viscontes de Rohem, li
sires de Laval, li sires de Biaumanoir, messires Jehans
5d’Ermignac, li contes de Pieregorch, li contes de
Commignes, li sires de Labreth, li viscontes de Quarmaing,
li contes de Laille, li dauffins d’Auvergne, li
sires de la Barde, messires Bertrans de Taride et tant
de grans signeurs que jamais ne les aroie tous nommés.
10Et quant il se departirent de Pieregorch, il chevaucièrent
en grant arroi et poissant, et trambloient
toutes gens devant yaus, et disoit on communement
par toute Gascongne, que li dus d’Ango aloit mettre
le siège devant Baione. Si vinrent tout premierement
15devant une ville que on claime Saint Silvier: si
en est uns abbes sires. Si s’arrestèrent par devant li
dus d’Ango et toutes ses gens, et fisent grant samblant
de l’assallir et de drechier engiens, car il en menoient
fuison avoecques yaus. Li abbes de Saint Silvier, qui
20estoit uns moult sages homs, s’umelia grandement
devers le duch d’Ango et le connestable, et remoustra
moult sagement que c’estoit uns homs d’eglise qui
n’estoit mies tailliés ne en volenté de gherriier, et
que il n’estoient pas singulierement là venu pour
25lui, mès pour aultres signeurs qui estoient plus grant
de lui. Si leur prioit que il volsissent chevaucier oultre
et laissier sa terre en composition, et que il feroit
volentiers tout ensi que li aultre. Li dus d’Ango et li
connestables et leurs consaulz regardèrent qu’il disoit
30assés: si le fisent obligier selonch sa parolle et livrer
bons ostages que on envoia à Pieregorch, et jurer que,
se li aultre se mettoient en l’obeïssance dou roy de
[174] 174 France, ilz s’i metteroit ossi. Par ensi demora il en
souffrance, et toute sa terre.
Puis chevaucièrent ces gens d’armes noblement et
richement montés et en grant arroi, et esploitièrent
5tant que il vinrent devant une cité qui s’appelle
Lourde, de la quele uns chevaliers estoit chapitains
de par le conte de Fois, qui s’appelloit messires Pières
Ernaulz de Berne. Là s’arrestèrent toutes ces gens
d’armes et l’assegièrent fortement et estroitement,
10et y furent plus de quinse jours, et fisent drecier leurs
engiens par devant, qui onniement jettoient et qui
chiaus dedens moult travilloient. Trop volentiers se
fuissent rendu les gens de Lourde, mais li chevaliers
ne le voloit consentir, et disoit qu’il estoient fort
15assés pour yaus tenir, mais finablement non furent,
car la cités fu assallie si très fort et par si grant
ordenance que elle fu prise et conquise, et entrèrent ens
toutes gens d’armes et aultres. Si fu li dis chevaliers
mors, car onques ne se volt rendre, et trop vaillamment
20se deffendi. Si fu la cités de Lourde toute
courue et pillie, et y eut mors grant fuison des bonhommes
et pris à raençon.
§ 751. Apriès le conquès et destruction de la cité
de Lourde, chevaucièrent ces gens d’armes et leurs
25routes oultre, et entrèrent en la terre le visconte de
Chastielbon; si fu toute courue, arse et destruite, car
li François estoient moult grant fuison; et puis entrèrent
en la terre dou signeur de Chastiel Nuef: si
fu toute courue ossi sans point espargnier. Puis
30chevaucièrent amont vers Berne, et entrèrent en le
terre le signeur de l’Escut, et vinrent devant une
[175] 175 ville et un fort chastiel que on dist Saut, dont messires
Guillonès de Paus, de le conté de Fois, estoit
chapitains, apert homme d’armes durement. Si s’arrestèrent
là li François, et y misent le siège, et y furent
5moult longement, et pluiseurs grans assaus y
fisent et livrèrent.
Li contes de Fois, qui estoit en son pays, regarda
que cilz pays de ses arrierefiés se perdoit, et bien
savoit que il en devoit hommage au roy de France
10ou au roy d’Engleterre, mais il n’estoit mies encores
discerné au quel des deus ce devoit estre. Si eut avis
et conseil de trettier devers le duch d’Ango et son
conseil, et priier que il vosist mettre ces coses en
souffrance et ces terres en composition, parmi tant que
15cilz qui seroit li plus fors dedens le moiiene d’aoust
devant Montsach en Gascogne, ou li rois de France
ou li rois d’Engleterre ou personnes de par yaus, à
celui il recongnisteroit hommage et obeïssance, et
feroit recognoistre tous chiaus de ces terres en debat,
20et pour ce intimer et acomplir en cause de plus
grant seurté, il livreroit bons plèges, sis chevaliers
et sis escuiers. Li dus d’Ango fu adont si consilliés
que il entendi à ces trettiés et les accepta, et retourna
arrière à Pieregorch, mais il ne donna à nulz de ses
25gens d’armes congiet, ançois les tenoit sus le pays,
pour tant que il voloit estre fors à le journée qui assignée
estoit devant Montsach. A ces trettiés faire dou
costé le conte de Fois rendirent grant painne li abbes
de Saint Silvier et li sires de Marsen. Tout ce sceurent
30bien li dus de Lancastre et li dus de Bretagne,
qui se tenoient à Bourdiaus, et ja estoient retourné
une partie de leurs gens en Engleterre.
[176] 176 Li archevesques de Ravane et li evesques de Carpentras,
qui legal estoient, travilloient fort que uns
respis fust pris et acordés entre le duch d’Ango et le
duch de Lancastre, et esploitièrent tant que li dus de
5Lancastre envoia quatre de ses chevaliers à Pieregorch,
pour parler au duc d’Ango et au connestable et à leur
conseil. Chil chevalier furent li sires d’Aubeterre, li
Chanonnes de Robertsart, messires Guillaumes Helmen
et messires Thumas Douville. Si furent chil quatre
10chevalier recheu, avoech les trettieurs dou duch
d’Ango, moult douchement, et rendoit li connestables
de France [grant painne] à che que unes triewes fuissent
prises entre ces parties. Tant fu parlementé,
pourtrettié et alé de l’un à l’autre, que unes triewes
15furent prises à durer jusques au daarrain jour d’aoust,
et cuidièrent adont li Englès, dont il furent decheu,
que la journée de Montsach deuist estre enclose en
le triewe.
§ 752. Quant ceste triewe fu acordée par l’ayde et
20pourcach des legaus dessus nommés, li dus de Lancastre
et li dus de Bretagne s’ordonnèrent à partir et
retourner en Engleterre, car il avoient ja esté priès
d’un an hors, et ossi toutes leurs gens le desiroient.
Et se tiroit li dus de Bretagne que il peuist avoir une
25armée à par lui pour ariver en Bretagne et conforter
aucunes forterèces qui se tenoient en son non, et
lever le siège de Becheriel; car moult desiroit à oïr
nouvelles de sa femme, que il avoit laissiet ou chastiel
d’Auroy en le garde de monsigneur Jehan Augustin,
30siques ces coses aidièrent moult à ce que li dus
de Lancastre se parti. Si institua et ordonna, à son
[177] 177 departement, à estre grans seneschaus de Bourdiaus
et de Bourdelois, monsigneur Thumas de Felleton,
et pria et requist as barons [de] Gascongne, qui pour
li se tenoient, que il vosissent obeïr à lui comme à
5son lieutenant, et telement et si diligamment consillier
que il n’i euissent point de blasme, ne ils point de
damage. Il li eurent tout en couvent de bonne volenté,
et sus cel estat se departi, et toute sa route,
et s’en retournèrent en Engleterre. De ce departement
10ne furent mies courouchié li dus d’Ango, li
connestables ne li signeur de France, qui à Pieregorch
se tenoient; car leur intention de le journée de
Montsach en fu grandement embellie.
Or parl[er]ons un petit dou siège de Becheriel, qui
15s’estoit tenus un an et plus, sans chiaus de le garnison
estre noient rafreschi ne aidié; car il estoient si
priès gardé de tous costés que riens ne lor pooit venir,
et se ne lor apparoit confors de nulle partie. Quant
il veirent que leurs pourveances commençoient ja à
20afoiblir et que longement ne pooient demorer en cel
estat, il s’avisèrent qu’il tretteroient un respit devers
ces signeurs de France et de Normendie, qui là tenoient
le siège, que, se il n’estoient conforté de gens
fors assés pour combatre les François dedens le jour
25de le Toussains, il renderoient le forterèce. Si envoiièrent
un hiraut promouvoir ce trettié. Li mareschaus
de Blainville et li signeur qui là estoient, respondirent
à ce commenchement que nuls [traictiés]
n’apertenoit à yaus à donner ne à oïr, sans le sceu
30dou roy de France, mais volentiers il envoieroient
devers lui et li segnefieroient tout cel estat. Li hiraus
raporta ceste response as chapitainnes de Becheriel,
[178] 178 monsigneur Jehan Appert et monsigneur Jehan de
Cornuaille: si leur plaisi bien ceste response et ossi
que il envoiassent hasteement devers le roy de France.
Finablement il y envoiièrent, et rescrisi li rois à ses
5mareschaus, monsigneur Loeis de Sausoirre et monsigneur
de Blainville, et les barons qui là estoient,
que de toutes compositions il en fesissent à leur
ordenance, et qu’il les tenoit et tenroit à bonnes.
Dont fu perseverés li trettiés devant pourparlés et
10acordés, et donnés respis à chiaus dedens, et chil
dedens à chiaus dehors, à durer jusques à le Toussains.
Et, se là en dedens li un[s] des filz le roy d’Engleterre
ou li dus de Bretagne ne venoient si fort que
pour lever le siège, il devoient rendre le chastiel de
15Becheriel as François, et de che livroient il bons
ostages, chevaliers et escuiers, tant que li signeur de
France et de Normendie, qui là se tenoient, s’en
contentèrent bien. Ensi demora li chastiaus de Becheriel
en composition, et segnefiièrent tout leur
20estat li doi chevalier qui dedens estoient, au plus
tost qu’il peurent, au roy d’Engleterre et au duch de
Bretagne, et ossi as contes et as barons d’Engleterre.
Si sambla as Englès que il avoient journée [encores]
assés: si le misent en noncaloir, excepté li dus de
25Bretagne, à qui il touchoit plus que à nul des aultres,
car li chastiaus se rendoit de lui et de son
hiretage.
§ 753. Or revenons à le journée de Montsach. Voirs
est que quant la moiienne d’aoust deubt approchier,
30li dus d’Ango s’en vint devant le ville de Montsach,
et là se loga et fist logier ses gens par grande et
[179] 179 bonne ordenance, et avoit en devant priiés et mandés
gens de tous costés, chevalier[s] et escuiers, efforciement.
Avoech tout che li rois de France y envoia
grant gent d’armes, et me fu recordé que trois jours
5devant la moiienne d’aoust et trois jours apriès, il y
eut bien quinse mil hommes d’armes, chevaliers et
escuiers, et bien trente mil d’autres gens. Nulz ne se
comparut, car il n’i avoit nul grant chief ou pays,
excepté monsigneur Thumas de Felleton, qui fu trop
10grandement esmervilliés de celle journée, et le debati
longement et par pluiseurs raisons. Et vint en l’ost,
quant la moiienne d’aoust fu passée et la journée inspirée,
parler moult aviseement au duch d’Ango et au
connestable sus assegurances, et leur remoustra bien
15et sagement que li dus de Lancastre et li dus de Bretagne
avoient donné le respit par mi che que la journée
de Montsach devoit estre ens enclose, mès on li
prouva tout le contraire; car, à verité dire, il y eut
trop peu parlé pour les Englès, car li trettiés de le
20composition ne faisoit point de mention de Montsach.
Si couvint monsigneur Thumas de Felleton,
volsist ou non, retourner à Bourdiaus et souffrir [ceste
cose] à laiier passer. Ensi vint en ce temps de ces
arrierefiés. Li contes de Fois entra ou service et en
25l’obeïssance dou roy de France, et tout li baron et li
prelat, qui dedens estoient; et en prist li dus d’Ango
les fois et les hommages; et quant il s’en senti bien
au dessus, il renvoia les ostages qu’il tenoit en Pieregorch
au conte de Fois, et puis s’en retourna à Toulouse,
30quant il eut pris le saisine et possession de le
ville et dou chastiel de Montsach, que moult recommenda
en coer, et le fist de puis remparer et rapareillier,
[180] 180 et dist que de Montsach il feroit sa cambre et
son gardecorps.
§ 754. Tantost apriès le revenue de Montsach à
Thoulouse, et que li dus d’Ango et li baron, qui
5avoecques lui estoient, s’i furent un petit reposet et
rafreschi, li dis dus d’Ango remist une aultre chevaucie
sus de ces propres gens qu’il avoit tenu toute le
saison, et dist qu’il vorroit chevaucier vers le Riole et
vers Auberoce, car là estoit encores uns grans pays à
10reconquerre, qui ne desiroit aultre cose. Si se departi
de Thoulouse le XVIIe jour de septembre, l’an de
grasce mil trois cens settante et quatre, ossi estoffeement
ou plus que quant il fu en le Haute Gascongne,
et estoient avoecques lui par manière de service li
15abbes de Saint Silvier, li viscontes de Chastielbon, li
sires de Chastiel Nuef, li sires de l’Escut et li sires de
Marsen, et fisent tant par leurs journées qu’il vinrent
devant le Riole. Tous li pays trambloit devant. Chil de
le Riole, qui ne desiroient aultre cose qu’il fuissent
20françois, se ouvrirent tantost et se misent en l’obeïssance
dou roy de France. Ossi fisent cil de Langon,
de Saint Malkaire, de Condon, de Saint Basille, de
Prudaire, de Mautlyon, de Dion et de Sebillach, et
bien quarante villes fremées que fors chastiaus, qui
25à point de fait se tournèrent, et la daarrainne ville ce
fu Auberoce; ne riens ne se tenoit ne duroit en celle
saison devant les François, et legière cose estoit à
faire, car il desiroient à yaus rendre, et se ne leur
aloit nuls au devant.
30En ce temps que ces chevaucies se faisoient, estoient
en le marche de Pikardie revenu li doi trettieur legal
[181] 181 et se tenoient à Saint Omer, et avoient leur messages
alans et venans en Engleterre devers le roi et son
conseil, et ossi à Paris devers le roy de France, pour
impetrer un bon respit, et en ce respit durant c’estoit
5leur entention qu’il metteroient toutes parties en
acord. Et, à ce que j’entendi adont, il estoient volentiers
oy dou roy d’Engleterre et de son conseil, car
il veoient que par toutes les metes et limitations [où]
il tenoient terres, villes, chastiaus et pays se perdoient
10à peu de fait pour yaus, et se n’i savoient [comment
donner conseil ne comment remediier. Et par especial
trop fort desplaisoit au roy d’Engleterre en
coer de che que li dus de Bretagne avoit ensi et à
petite ocquison perdu son hiretage pour l’amour
15de lui. Si travillièrent tant chil doi legal que li rois
d’Engleterre acorda que ses filz li dus de Lancastre
paseroit mer et venroit à Calais pour oïr et savoir
plainnement quel cose li François voloient dire. Ossi
li rois de France acorda et seela que ses frères, li dus
20d’Ango, venroit contre lui à Saint Omer, et par le
moiien des discrètes et venerables personnes l’archevesque
de Ravane et l’evesque de Carpentras, il se
lairoient gouvrener et consillier, siques, si tretost que
li dus d’Ango et li baron de France et de Bretagne
25eurent achievé ceste daarrainne chevaucie devant
ditte, il furent quoiteusement remandé dou roy de
France et escript que tantost et sans delay il retournaissent
en France, et qu’il avoit accordé son frère
à estre contre celle Toussains à Saint Omer, car li dus
30de Lancastre devoit estre à Calais; et ossi il touchoit
grandement as barons de Bretagne pour le fait de
Becheriel. Li dus d’Ango, li connestables, li sires de
[182] 182 Cliçon et li aultre se departirent de Roerge au plus
tost qu’il peurent, les lettres dou roy veues et oyes,
sans tourner à Thoulouse, et donnèrent congiet toutes
manières de gens d’armes de lontainnes marces,
5et ne retint avoecques lui li dus fors les Bretons; si
s’en retourna en France, où il fu grandement festés
et conjoys, et toute sa compagnie, dou roy et de
tout son conseil.
§ 755. En ce temps estoient les marces de Pikardie
10trop bien garnies de bonnes gens d’armes, car messires
Hues de Chastillon, mestres des arbalestriers,
qui nouvellement estoit retournés d’Engleterre, se tenoit
en garnison à Abbeville atout grant fuison de
gens d’armes et tous bons compagnons, et desiroit
15grandement [de soy contrevengier] pour ses contraires
et desplaisirs que on li avoit fais en Engleterre
nouvellement; car, ensi que dit est en ceste hystore,
il fu pris au dehors d’Abbeville par embusche de monsigneur
Nicole de Louvaing qui ne le voloit mettre
20a finance, mais il trouva voie et tour par le pourcach
de ma dame sa femme, comment il fu delivrés
par l’ayde d’un maronnier de l’Escluse en Flandres,
qui se mist en l’aventure de li aler querre en le marce
de Northombreland, et fist tant toutes fois qu’il le ramena
25en Flandres. Je m’en passerai assés briefment,
car la matère en seroit trop longe à demener. Mais,
quant il fu revenus, on li rendi son office, ensi que
devant, de estre nommés monsigneur le Mestre. Si
se tenoit en le bonne ville d’Abbeville, et chevauçoit
30à le fois ens et hors, ensi que le mieulz li plaisoit.
De Dieppe sus mer estoit chapitainne messires
[183] 183 Henris des Isles, uns moult appers chevaliers; de Boulongne,
messires Jehans de Lonchvillers; de Moustruel,
messires Guillaumes de Nielle; de Rue, li chastellains
de Biauvais; et toutes ces garnisons de là
5environ françoises estoient très bien pourveues de
bones gens d’armes, et bien besongnoit, car li Englès
estoient ossi fort sus [le marce]. Pour ce temps estoit
chapitains de Calais messires Jehans de Burlé, et ses
lieutenans, messires Gautiers d’Evrues; de Ghines
10messires Jehans de Harleston, et d’Arde, li sires de
Gommegnies.
Or avint que messires Gautiers d’Evrues, messires
Jehans de Harleston et li sires de Gommegnies furent
en parlement et en conseil ensamble de chevaucier,
15et l’acordèrent l’un à l’autre, et fisent leur assamblée
et leur amas dedens le bastide d’Arde, et s’en
partirent au point dou jour bien largement huit vint
lances, et chevaucièrent viers Boulongne. Che propre
jour au matin, estoit partis de Boulogne messires
20Jehans de Lonchvillers à soissante lances, et avoit
chevauciet viers Calais pour trouver aucune aventure.
Ensi que tout le pas il s’en retournoit, et pooit estre
environt deus liewes priès de Boulongne, il encontra
sus son chemin le signeur de Gommegnies et se route.
25Sitos que li Englès les perchurent, il furent moult
resjoy, et escriièrent leur cri, et ferirent chevaus des
esporons, et se boutèrent entre yaus, et les espardirent
et en ruèrent jus jusques à quatorse qu’il retinrent
pour prisonniers. Li aultre se sauvèrent par leurs
30bons coursiers et par l’avantage qu’il prisent, et rentrèrent
tout à point en le ville de Boulongne. Si furent
il cachiet jusques as barrières. Apriès celle cache,
[184] 184 li Englès se recueillièrent et se misent au chemin pour
revenir vers Arde, par une adrèce que on dist ens ou
pays l’Eveline et tout droit devers Alekine, un biau
vert chemin.
5Ce propre jour avoit fait sa moustre messires Hues
de Chastillon, que on dist monsigneur le Mestre; et
avoit avoecques lui toutes ces chapitainnes de là
environ, et estoient bien quatre cens lances. Li jones
contes de Saint Pol, messires Galerans, estoit nouvellement
10revenus de sa terre de Loerainne, et
n’avoit mies à Saint Pol sejourné trois jours, quant
par devotion il s’estoit partis pour aler en pelerinage
à Nostre Dame de Boulongne. Si oy [dire] sus son
chemin que monsigneur le Mestre et chil François
15chevauçoient; se li vint en avis que ce li seroit
blasmes et virgongne, puis que il savoit leurs gens
sus le pays qui chevauçoient, se il ne [se] mettoit en
leur compagnie, et n’i volt trouver nulle excusance,
ensi que uns jones chevaliers qui se desire à avancier
20et qui quiert les armes. Et s’en vint ce propre jour
au matin avoech monsigneur [Hue] de Chasteillon et
les aultres compagnons, qui furent tout resjoy de sa
venue. Si chevaucièrent liement ensamble celle matinée
viers Arde, qui riens ne savoient des Englès
25ne li Englès d’yaus, et cuidoient li François que li
Englès fuissent en Arde, et vinrent jusques à là. Et
fisent leur moustre et leur coursée devant les barrières;
et, quant il eurent là esté une espasse, il s’en
retournèrent et prisent le chemin devers Likes et devers
30Tournehen.
§ 756. Si tretost que li François se furent parti de
[185] 185 devant Arde et mis au retour en chevauçant moult
bellement, uns Englès issi de le ville d’Arde et se mist
à voie couvertement à l’aventure, pour savoir se jamais
il trouveroit leurs gens pour recorder ces riches
5novelles. Et tant ala et tant vint de lonch et de travers,
que sus son chemin d’aventure il trouva le signeur
de Gommegnies, monsigneur Gautier d’Evrues
et monsigneur Jehan de Harleston. Si s’arresta à euls
et yaus à lui, et leur [compta] comment li François
10chevauçoient et avoient fait leur moustre devant Arde.
«Et quel chemin tiennent il?» dist li chevaliers.—«Par
ma foi, mi signeur, il prisent le chemin pour
aler vers Likes; car encores, depuis que je me fui
partis, je les ay veus sus le mont de Tournehen, et
15croi qu’il ne sont pas lonch de chi. Tirés sus destre
en costiant Likes et Tournehen, je espoir que vous
les trouverés, car il chevaucent tout le pas.» Adont
recueillièrent cil troi chevalier toutes leurs gens et
remisent ensamble, et chevaucièrent tout le pas, le
20banière dou signeur de Gommegnies tout devant et
les deux pennons des deus aultres chevaliers dalés.
Ensi que li François eurent passé Tournehen, et
qu’il tiroient à aler viers Likes, il oïrent nouvelles de
chiaus dou pays et furent segnefiiet que li Englès
25chevauçoient et estoient hors d’Arde. Si en furent
trop malement joiant, et disent qu’il ne demandoient
ne queroient aultre cose, et faisoient trop durement
grant enqueste où il en poroient oïr nouvelles, car il
faisoient doubte que il ne les perdesissent; et furent
30sus un estat une espasse, que il se departiroient en
deus chevaucies pour yaus trouver plus prestement,
et puis brisièrent ce pourpos et disent, tout consideret,
[186] 186 que il valoit mieulz que il chevauçassent tout
ensamble. Si chevaucièrent tout ensamble baudement,
barrières et pennons ventelant, car il faisoit
bel et joli, et trop estoit courouciés li contes de Saint
5Pol qu’il n’avoit là tout son arroi et especialment sa
banière, car il l’euist boutée hors, et fretilloit telement
de joie, qu’il sambloit qu’il n’i deuist ja à
temps venir. Et passèrent oultre l’abbeye de Likes et
prisent droitement le chemin que li Englès tenoient.
10Si vinrent à un bosket deseure Likes, et là s’arrestèrent
et rechainglèrent leurs chevaus, et fisent en che
dit bosket une embusche de trois cens lances, des
quelz messires Hues de Chastillon estoit chiés, et fu
ordonnés li contes de Saint Pol à courir, et cent
15lances, chevaliers et escuiers, avoecques lui. Assés
priès de là, au lonch d’une haie, estoient descendu
li Englès, et avoient rechenglé leurs chevaus, et fu
ordonnés messires Jehans de Harleston à courir à
tout quinse lances pour ouvrir l’embusche des François;
20et se parti avoecques se route, et l’avoient li
sires de Gommegnies et messires Gautiers d’Evrues,
au departement, bien avisé que, se il venoit sus les
coureurs des François, que il se fesist cachier, et de
che se tenoit il tous enfourmés. Ensi chevauça messires
25Jehans de Harleston et vint sus le conte de Saint
Pol et se route qui estoient tout bien monté. Sitos
que li Englès furent venu jusques à yaus, il fisent leur
moustre, et tantost se misent au retour pour revenir
à leurs compagnons, qui les attendoient au lonch de
30le haie en très bonne ordenance [et tout à piet], leurs
archiers pardevant yaus. Quant li contes de Saint
Pol les vei fuir, il fu un petit trop aigres d’yaus
[187] 187 poursievir, et feri cheval des esporons, la lance ou poing,
et dist: «Avant, avant! il ne nous poeent escaper.»
Lors veissiés desrouter ces François et mettre en
cache apriès ces Englès, et les cachièrent jusques au
5pas de le haie. Quant li Englès furent là venu, il
s’arrestèrent, et ossi fisent li contes de Saint Pol et se
route, car il furent recueilliet de ces gens d’armes et
de ces archiers, qui commenchièrent à traire saiettes
à effort et à navrer chevaus et abatre chevaliers et
10escuiers. Là eut un petit de bon estour, mais tantost
il fu passés; car li contes de Saint Pol ne chil qui
avoecques lui estoient, n’eurent point de durée à ces
Englès. Si fu li dis contes pris d’un escuier de la
ducé de Guerles, et en celle route li sires de Pois, li
15sires de Clari, messires Guillaumes de Nielle, messires
Charles de Chastillon, messires Lyonniaus d’Arainnes,
li sires de Cipoi, chastellain de Biauvais, messires
Henris des Isles, et Jehans, ses frères, messires Gauwiné[s]
de Bailluel et plus de soissante bons prisonniers,
20chevaliers et escuiers.
§ 757. Droitement sus le point de celle desconfiture,
evous venir à frapant monsigneur Hue de Chastillon
et se banière, et estoient bien trois cens lances,
et chevauchièrent jusques au pas de le haie, où li
25autre s’estoient combatu, et encor en y avoit qui se
combatoient. Quant li sires de Chastillon vei le
manière que li contes de Saint Pol et se route estoient
ruet jus, si n’eut mies desir ne volenté d’arrester,
mais feri cheval des esporons, et se parti, et se banière.
30Li aultre, par droit d’armes, n’eurent point de
blasme se il le sievirent, quant c’estoit leurs sires et
[188] 188 leurs chapitains. Ensi se departirent là trois cens
hommes tous bien montés et tailliés, se li hardemens
fust en yaus, de faire une bonne besongne et de
reskeure le journée, et le jone conte de Saint Pol, au
5quel ceste aventure fu moult dure, et à tous les bons
chevaliers et escuiers qui avoecques lui furent pris.
Sachiés bien que au commenchement, quant li
Englès veirent venir sus yaus celle grosse route, tous
bien montés et appareilliés de faire un grant fait, il
10ne furent mies bien à segur de leurs prisonniers ne
d’yaus meismes; mais, quant il les veirent partir et
moustrer les talons, il furent grandement reconforté
et n’eurent nulle volenté adont de cachier chiaus qui
fuioient, mais montèrent as chevaus et fisent monter
15leurs prisonniers, et tantost fu nuis. Si retournèrent
ce soir en le garnison d’Arde, et se tinrent tout aise
et tout joiant de che qu’il eurent. Che propre soir
après souper, acata li sires de Gommegnies le conte
de Saint Pol à son mestre qui pris l’avoit, et l’en fist
20fin de dis mil frans. Ensi fu li contes de Saint Pol
prisonniers au signeur de Gommegnies. A l’endemain,
cascuns des chapitainnes retourna où il devoit
aler, messires Jehans de Harleston à Ghines, et messires
Gautiers d’Evrues à Calais, et leurs gens, et en
25menèrent leurs prisonniers et tout leur butin.
Ces nouvelles s’espardirent jusques en Engleterre,
et vinrent au roy, et li fu dit que ses chevaliers, li
sires de Gommegnies, avoit eu sus un jour rencontre
et bataille as François, et si bien s’i estoit portés que
30ilz et si compagnon avoient desconfi les François, et
tenoit le conte de Saint Pol à prisonnier. De ces
nouvelles fu grandement resjoïs li rois d’Engleterre
[189] 189 et tint ce fait à grant proèche, et manda par ses
lettres et par un sien escuier au signeur de Gommegnies,
que il le venist veoir en Engleterre et li amenast
son prisonnier. Li sires de Gommegnies obéï,
5che fu raisons, et recarga Arde à ses compagnons,
et puis s’en parti, le conte de Saint Pol en se compagnie.
Si vinrent à Calais, et là se tinrent tant
qu’il eurent vent pour passer oultre, et, quant il
l’eurent, il entrèrent en un passagier. Si arrivèrent,
10ce propre jour qu’il montèrent, à Douvres. De puis
esploitièrent il tant qu’il vinrent à Windesore, où li
rois se tenoit, qui rechut le signeur de Gommegnies
en grant chierté. Tantos li sires de Gommegnies,
quant il li eut fait la reverense, ensi que on doit faire
15à un roy, li presenta et li donna le conte de Saint Pol,
pour tant qu’il sentoit bien que li rois le desiroit à
avoir pour deus raisons. Li une estoit que li rois n’avoit
point amet son signeur de père le conte Gui,
pour tant que sans congiet il s’estoit partis d’Engleterre
20et que très grant painne avoit mis à la guerre
renouveler; l’autre, que il en pensoit bien à ravoir
ce vaillant chevalier et ce grant chapitainne de gens
d’armes monsigneur le captal de Beus, qui gisoit en
prison en le tour dou Temple à Paris, ens es dangiers
25dou roy de France. Si remercia li rois liement
le signeur de Gommegnies de ce don et de ce present,
et li fist tantost delivrer vint mil frans. Ensi
demora li jones contes de Saint Pol en prison courtoise
devers le roy d’Engleterre, recreus sus sa foy
30d’aler et de venir par mi le chastiel de Windesore et
non issir de le porte sans le congiet de ses gardes; et
li sires de Gommegnies retourna à Arde entre ses
[190] 190 compagnons. Si paia bien aise de l’argent le roy
d’Engleterre l’escuier de Guerles, qui pris avoit le
signeur de Lini, conte de Saint Pol.
§ 758. Tantost apriès ceste aventure, furent les
5triewes prises et acordées entre le roy de France et
le roy d’Engleterre, et ne s’estendoient, à ce premier,
fors tant seulement entre Calais et le rivière
de Somme, et furent ensi prises et données par avis
pour les signeurs de France chevaucier segurement
10en le marce, où li parlement devoient estre, car toute
celle saison il n’en tinrent nulles ens es lointaines
marces, et par especial en Bretagne et en Normendie.
Si vint li dus d’Ango à Saint Omer en grant arroy, et
cil doy legal trettieur avoecques lui, et n’i vint mies
15si simplement qu’il n’euist en se compagnie plus de
mil lances de Bretons, dont li connestables de France,
li sires de Cliçon, li viscontes de Rohem, li sires de
Laval, li sires de Biaumanoir et li sires de Rocefort
estoient chief. Si se tenoient ces gens d’armes pour
20les embusches ou plat pays environ Bailluel et le
Crois en Flandres, et prendoient leurs sauls et leurs
gages, et paioient tout ce qu’il prendoient, sans riens
grever le pays, mais il se tenoient là en celle instance
qu’il ne s’asseuroient mies trop parfaitement en es
25Englès.
En ce temps se mist li sièges devant Saint Salveur
le Visconte en Normendie, et li mist premierement
par mer messires Jehans de Viane, amiraus de mer.
En se compagnie estoient li sires de Rays et Yewains
30de Galles, et la navie [du roy] dan Henri de Castille: si
en estoit amiraus dan Radigho de Rous, de Louwars.
[191] 191 Li dus d’Ango, quant il deubt venir à Saint Omer,
manda en Haynau son biau cousin monsigneur Gui
de Blois pour lui acompagnier, li quels y vint moult
estoffeement, quatre chevaliers en se compagnie,
5dont li dus d’Ango li sceut grant gré, quant il le
trouva si honnourable et si appareillié, car il ne l’avoit
priiet qu’à trese chevaus, et il y vint à trente.
Ossi li dus de Lancastre vint à Calais, et là se tint
un temps, et eut grant merveille pour quoi tant de
10gent d’armes de Bretons se tenoient en le marce de
Saint Omer. On li dist que li dus d’Ango, ses cousins,
ne s’asseuroit point bien en lui, et qu’il n’i avoit
aultre visce. De quoi li dus de Lancastre en crolla
le tieste, et dist: «Se il le fait pour ce, il n’est mies
15bien consilliés; car en pais doit estre paix, et en
guerre guerre.» Si commenchièrent à aler de l’un à
l’autre li doi trettieur et à mettre raisons et pareçons
avant, et à entamer matère de paix ou de respit, et
toutdis aloit li saisons aval.
20Or vint li termes qu’il couvenoit chiaus de Becheriel
rendre ou estre conforté, siques, si tretost que li
jours deubt approcier, li rois de France escrisi devers
le connestable et le signeur de Cliçon, et leur
manda que il se presissent priès pour iestre à le journée,
25si en vaurroit la besongne mieulz. Et ossi il voloit
que ses gens y fuissent si fort que, se li Englès y
venoient, qui de poissance vosissent lever le siège,
on les peuist combatre. Si tretost que cil doi signeur
furent segnefiiet [de l’entention] dou roy de France,
30il le remoustrèrent au duc d’Ango, et li dus d’Ango
leur acorda de partir, et une quantité de leurs gens,
et les aultres demorer. Si se partirent, et esploitièrent
[192] 192 tant par leurs journées qu’il vinrent au siège de Becheriel,
où toutes gens d’armes s’arivoient, par l’ordenance
dou roy de France, de Bourgongne, d’Auvergne,
de Poito, de Saintonge, de Berri, de Campagne,
5de Pikardie, de Bretagne et ossi de Normendie,
et eut là, au jour que li compositions devoit
clore, devant Becheriel plus de dis mil lanches, chevaliers
et escuiers, et y vinrent li François si efforciement,
pour tant que on disoit que li dus de Bretagne
10et li contes de Sallebrin estoient sus mer à bien
dis mil hommes parmi les archiers; mès on n’en vei
onques nul apparant. De quoi chil de Becheriel furent
moult couroucié, quant si longhement que plus
de quinse mois s’estoient tenu et si vaillamment, et
15si n’estoient aultrement conforté. Toutes fois il leur
couvint faire et tenir che marchié, puis que juré et
couvenencié l’avoient, et que à ce il s’estoient oblegié
et livré bons ostages. Si rendirent et delivrèrent
au connestable de France la ditte forterèce de Becheriel,
20qui est belle et grande et de bonne garde, et
s’en partirent messires Jehans Appers et messires
Jehans de Cornuaille et leurs gens, et en portèrent
ce qui leur estoit. Tout ce pooient il faire par le trettié
de le composition, et s’en vinrent sus le conduit
25dou connestable à Saint Salveur le Visconte, et là se
boutèrent. Si recordèrent as compagnons de laiens
comment il avoient finet as François.
§ 759. Si tretost que li connestables de France et
li sires de Cliçon et li doi mareschal de France, qui
30là estoient, eurent pris la saisine et possession de
Becheriel, caudement il s’en vinrent mettre le siège
[193] 193 devant Saint Salveur le Visconte. Ensi furent la ville
et li chastiaus de Saint Salveur le Visconte assegiet
par mer et par terre. Si fisent tantost chil baron de
Bretagne et de Normendie, qui là estoient, lever et
5drechier grans mangonniaus et grans engiens devant
le forterèce, qui nuit et jour jettoient grans pières et
grans mangonniaus as tours, as garittes et as crestiaus
de le ville et dou chastiel, qui durement cuvrioient
et travilloient. Et bien souvent sus le jour li chevalier
10et li escuier de l’ost s’en alèrent escarmucier as
barrières à chiaus de dedens, et li compagnon de le
garnison ossi s’esprouvoient à yaus. Si en y avoit
souvent par telz fais d’armes des mors, des navrés
et des blechiés. Quatreton, uns hardis et appers homs
15d’armes, qui chapitains en estoit de par monsigneur
Alain de Bouqueselle, estoit durement curieus et
songneus d’entendre à le forterèce, car trop euist esté
courouciés, se par sa negligense il euissent recheu
damage ne encombrier. Avoecques lui estoient et
20avoient esté toute la saison messires Thumas Trivés,
messires Jehans de Bourch et messires Phelippes
Picourde et li troi frère de Maulevrier, qui ossi en
tous estas en faisoient bien leur devoir; et se y estoient
de rechief revenu messires Jehans Appers et
25messires Jehans de Cornuaille et li compagnon qui
parti estoient de Becheriel. Si se confortoient l’un
par l’autre, et leur sambloit qu’il estoient fort assés
pour yaus tenir un grant temps, et pensoient que li
dus de Bretagne par mer les venroit rafreschir et
30combatre les François, ou à tout le mains li dus de
Lancastre, qui estoit à Calais, les metteroit en son
trettié de triewes ou de respit, par quoi li François
[194] 194 ne seroient mies signeur d’une si belle forterèce
que Saint Salveur est. Ensi en considerant ces coses
à leur pourfit, se tenoient vaillamment li compagnon
qui dedens estoient, et se donnoient dou bon temps,
5car il avoient vins et pourveances assés. La cose del
monde qui plus les grevoit, c’estoit li grant enghien
de l’ost, qui continuelment, nuit et jour, jettoient,
car li grosses pières de fais leur desrompoient et
effondroient les combles et les tois des tours. Ensi se
10tinrent il tout cel ivier, et li dus d’Ango à Saint
Omer, et li dus de Lancastre à Calais.
§ 760. Tant alèrent de l’un à l’autre, amoienant
les besongnes, li doi prelat et legal dessus nommet,
que il approcièrent ces trettiés, et que li doi duch
15d’Angho et de Lancastre s’acordèrent à ce que d’yaus
comparoir à Bruges l’un devant l’autre, car au voir
dire, li trettieur aloient à trop grant painne de Saint
Omer à Calais et de Calais à Saint Omer. Et quant il
avoient tout alé et tout venu, se ne faisoient il riens;
20car, sus trois ou quatre journées que il mettoient tant
en alant et retournant qu’en parlant as parties, se
muoient [bien] nouvel conseil.
Quant li dus de Lancastre se deut partir de Calais,
li dus de Bretagne, qui s’estoit là tout le temps tenus
25avoecques lui, prist congiet et retourna en Engleterre
et raporta nouvelles des trettiés au roy et sus
quel estat il estoient. A ce retour qu’il fist, il esploita
si bien au roy d’Engleterre, parmi les bons moiiens
qu’il eut, monsigneur Alain de Bouqu[es]elle, cambrelent
30dou roy, que li rois li [acorda et] delivra deus
mil hommes d’armes et quatre mil archiers, et par
[195] 195 especial en se compagnie, pour mieulz esploitier de
ses besongnes, monsigneur Aymon, son fil, conte de
Cantbruge, monsigneur le conte de le Marce, monsigneur
Thumas de Hollande, qui de puis fu conte de
5Kent en Engleterre, ainsnet fil de la princesse, le signeur
Despensier, qui pas n’estoit encores mors,
mais il morut au retour de ce voiage, le signeur de
Manne, messires Hughe de Hastinghes, monsigneur
Bruiant de Stapletonne, monsigneur Symon Burlé,
10monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur
Thumas Tinfort, le signeur de Basset, monsigneur
Nicole Stammore, monsigneur Thumas de Grantson,
et pluiseurs aultres. Si fisent leurs pourveances à
Hantonne et là montèrent en mer; et quant il se partirent,
15il avoient entention que de venir combatre
sus mer le navie dou roy de France, qui gisoit devant
Saint Salveur, mais il eurent vent contraire qui
les bouta en Bretagne: si prisent terre devant Saint
Mahieu de Fine Posterne. Si tost que il furent hors
20de leurs vaissiaus, il se traisent devers le chastiel qui
siet au dehors de la ville: si l’assallirent fortement
et diversement, et le conquisent de force, et furent
mort tout chil qui dedens estoient. Adont se rendi la
ville de Saint Mahieu au duch de Bretagne. Si entrèrent
25li Englès dedens le ville de Saint Mahieu: si y
attraisent leurs pourveances là dedens et s’i
rafreschirent.
Or vinrent ces nouvelles au connestable de France,
au signeur de Cliçon et as barons de France et de
30Normendie et de Bretagne, qui devant Saint Salveur
se tenoient, que li dus de Bretagne efforciement estoit
arivés à Saint Mahieu et avoit ja pris le ville et
[196] 196 le chastiel. Si eurent conseil entre yaus comment il
s’en poroient chevir. Dont fu regardé pour le milleur
et segur estat que on envoieroit, contre yaus faire
frontière, trois cens ou quatre cens lances, qui les
5ensonnieroient, et herieroient leurs coureurs, se il
s’abandonnoient de trop avant chevaucier ou pays,
et toutdis tenroient il le siège devant Saint Salveur,
et ne s’en partiroient, ensi qu’en pourpos l’avoient,
si l’aroient conquis. Adont furent ordonné principaument
10quatre baron de Bretagne, li sires de Cliçon,
li viscontes de Roem, li sires de Laval et li
sires de Biaumanoir, à frontière faire contre les Englès.
Si s’en vinrent à Lambale, et là se tinrent.
Li dus de Bretagne, li contes de Cantbruge, li
15contes de le Marce, li sires Despensiers et li baron
[et li chevalier] d’Engleterre, qui estoient arrivet à
Saint Mahieu de Fine Posterne, ne sejournèrent
gaires en le ville de puis que elle fu rendue, mais s’en
vinrent devant Saint Pol de Lyon, et là s’arrestèrent.
20Si l’assallirent fortement et le prisent de force;
si fu toute courue et essillie, et de là il s’en vinrent
devan[t] Saint Brieu de Vaus, une ville malement
forte, et l’assegièrent et avoient grant entention dou
prendre, car il misent mineurs en oevre, qui s’ahatirent
25que dedens quinse jours il esploiteroient si bien,
qu’il feroient reverser un tel pan dou mur, que sans
dangier il enteroient bien en le ville.
§ 761. Quant li Englès, qui dedens Saint Salveur
estoient, entendirent que li dus de Bretagne et li
30contes de Cantbruge et grant fuison de signeurs
d’Engleterre, estoient efforciement arrivet en Bretagne,
[197] 197 si en furent moult joiant; car il en cuidièrent grandement
mieulz valoir et que par yaus fust cilz sièges
levés. Si s’avisèrent, car il leur besongnoit, qu’il
tretteroient devers ces signeurs de France, à fin que
5il euissent un respit un mois ou cinc sepmainnes, et,
se là en dedens il n’estoient conforté, il renderoient
le ville et le chastiel de Saint Salveur. Au voir dire,
il ne pooient en avant; car il estoient si travilliet et
cuvriiet des engiens qui nuit et jour jettoient, qu’il
10n’osoient aler parmi la ville ne le chastiel, mais se
tenoient ens es tours. Et avint une fois que Quatreton,
le chapitainne, gisoit en une tour sus un lit, car
il estoit moult dehetiés: si entra une pière d’engien
en celle tour par une trelle de fier que elle rompi.
15Et fu adont avis proprement à Quatreton que li tonnoires
fust descendus laiens, et ne fu mies assegurés
de sa vie; car celle pière d’engien qui estoit ronde,
pour le fort tret que on li donna, carola tout autour
[de le tour] par dedens, et quant elle cheï, elle effondra
20le planchier et entra en une autre estage, ensi
que Quatreton recorda de puis à ses compagnons,
siques, pour yaus oster de ce dangier, fust par pais
ou par bataille, entre yaus il se consillièrent pour le
millieur que il tretteroient unes triewes. Si le fisent
25et envoièrent par un hiraut querre un saufconduit
au connestable que il peuissent segurement venir parlementer
en l’ost: on leur acorda, et le reporta li
hiraus tout seelé. Dont vinrent en l’ost [traictier]
messires Thumas Trivès et messires Jehans de Bourch
30au connestable et au duch de Bourbon, qui là estoient.
Si esploitièrent si bien que uns respis lor fu acordés
par tel manière, que se dedens la close Paske il
[198] 198 n’estoient conforté dou duc de Bretagne personelment,
il rend[er]oient la forterèce, et c’estoit environ le
miquaresme, et ce terme pendant, on ne leur devoit
faire point de guerre, et ossi il n’en feroient point; et
5se defaute estoit que dou duch de Bretagne il ne fuissent
conforté et secouru dedens le jour qui expresseement
y estoit mis, il liv[re]roient presentement bons
hostages pour rendre la forterèce. Ensi demora Saint
Salveur en composition, et li doi duch d’Angho et de
10Lancastre et leurs consauls estoient à Bruges, qui savoient
et qui ooient tous les jours nouvelles de Bretagne
et de Normendie; et par especial li dus d’Ango
les avoit plus fresches que n’euist ses cousins, li dus
de Lancastre: si s’avisoit selonch ce. Là estoient li
15doi legal moiien pour toutes parties, qui portoient
tous les jours de l’un à l’autre ces trettiés; et quant
on estoit sus voie d’acord, Bretagne et Espagne desrompoient
tout. Je vous diray pour quoi et comment
li dus de Lancastre ne se voloit nullement assentir à
20trettié de paix ne à composition nulle, se li dus de
Bretagne ne ravoit tout entirement la ducé de Bretagne,
ce que li rois de France avoit applikiet à l’iretage
de France et au demainne par l’acort de tous
les barons, les prelas, les cités et les bonnes villes de
25Bretagne. Or regardés se ce n’estoit point fort à oster,
Chastille, que on entent Espagne, quant li rois de
France voloit que tout outreement elle demorast au
roy Henri, dont li dus de Lancastre se tenoit hoirs
de par ma dame se femme, qui avoit estet fille au roy
30dan Pietre et dont li dessus dis dus s’escrisoit sires
et rois, et des armes il s’esquarteloit. Et avoit li rois
de France juré solennelment que jamès pais ne feroit
[199] 199 au roy d’Engleterre, que li rois Henris de Chastille ne
fust ossi avant en le pais comme il seroit. D’autre
part, li rois d’Engleterre avoit ensi juré au duch de
Bretagne, quel trettié qu’il fesist au roy de France,
5il reseroit en son hiretage de Bretagne, siques ces
coses estoient fortes à desrompre et à brisier. Mès li
doi legal, qui sage et avisé estoient et bien enlangagié
et volentiers oy de toutes les parties par leur attemprée
promotion, et qui consideroient bien toutes ces
10coses, disoient que, se il plaisoit à Nostre Signeur, il
trouveroient bien entre ces ordenances aucun moiien
par quoi il se departiroient par acord.
Or revenrons nous au fait de Bretagne et as guerres,
qui y estoient fortes et dures.
15§ 762. Vous devés savoir, comment que Saint
Salveur le Visconte et li Englès, qui dedens estoient,
se fuissent mis sus certains articles de composition,
li connestables de France et li baron de Bretagne et
de Normendie, qui à siège avoient là esté tout l’ivier,
20ne se deslogièrent mies pour ce, mais s’i ordonnèrent
et establirent plus fort assés que devant, et segnefiièrent
tout leur estat au roy de France en remoustrant
sus quel parti il gisoient et comment li dus
de Bretagne, que il appelloient Jehan de Montfort,
25estoit [arrivés] efforciement ou pays, et pooient bien
estre Englès dis mil combatans, et esperoient que
il les venroient combatre pour reskeurre le ville et
le chastiel de Saint Salveur. Li rois de France, qui
ne voloit mies que ses gens fuissent entrepris, ne que
30il receuissent, par faute de poissance, blasme ne
villonnie avoech grant damage, manda et escrisi par
[200] 200 tout là où il pensoit à recouvrer de droite fleur de
gens d’armes, en Flandres, en Braibant, [en Haynnau],
en Hesbain, en le ducé de Guerles, en Bar, en
Loerainne, en Bourgongne et en Champagne, que
5tout fuissent au plus estoffeement qu’il pooient à
celle journée devant Saint Salveur le Visconte en
Constentin. Tout baron, chevalier et escuier et gens
d’armes, qui mandé ou priiet en estoient, obeïrent
et s’appareillièrent dou plus tost qu’il peurent, et se
10misent à voie et à chemin par devers Normendie,
pour estre à celle journée.
Ce terme pendant et ces coses faisans, toutdis
parlementoient li doi duc d’Ango et de Lancastre à
Bruges, et ossi leurs consaulz. Et ossi, d’autre part,
15li sièges se tenoit grans et fors dou duch de Bretagne
et dou conte de Cantbruge et des barons et des
chevaliers d’Engleterre devant Saint Brieu de Vaus.
Entrues que il estoient là à siège et qu’il esperoient
fort à conquerre la ville par le fait de leurs mineurs
20qui ouvroient en leur mine, li quel s’estoient ahati
qu’il leur renderoient le ville dedens quinse jours,
nouvelles leur vinrent de chiaus de Saint Salveur en
remoustrant comment de lonch temps il avoient esté
assegié et le dangier que il avoient souffiert, de quoi
25sus le fiance de leur confort il s’estoient mis en
composition; et couvenoit le ville et le chastiel rendre
as François, se, dedens la close Paske qu’il attendoient,
li sièges n’estoit levés; et pour ce tenir et
acomplir, il avoient livré bons ostages. Li dus de
30Bretagne, li contes de Campbruge, li contes de le
Marce, li sires Despensiers et li baron qui là estoient,
eurent bien mestier d’avoir avis et conseil de ceste
[201] 201 cose et comment à leur honneur il en useroient. Si
eurent sur ce avis et pluiseurs imaginations. Li aucun
disoient que ce seroit bon que on alast les François
combatre, et li autre disoient le contraire, car plus
5honnourable [et proufitable] leur estoit de tenir leur
siège devant Saint Brieu de Vaus, puis que si avant
l’avoient mené qu’il le devoient dedens sis jours
avoir, que soudainn[em]ent yaus partir [de là] et faire
une nouvelle emprise, et que encores, apriès le conquès
10de Saint Brieu de Vaus, tout à temps po[r]oient
il retourner à Saint Salveur. Tant fu cils pourpos demenés
et debatus que finablement, tout consideré
et d’une sieute, il s’acordèrent à tenir le siège devant
Saint Brieu de Vaus, et leur sambla le plus
15pourfitable.
§ 763. Messires Jehans d’Evrues, comme hardis
et entreprendans chevaliers et bons homs d’armes de
le partie des Englès, estoit pour ce temps en l’isle de
Camperlé, et avoit toute celle saison fait sa route à
20par lui et fortefiiet une motte à deus liewes priès de
le ville de Camperlé, que on appelloit ou pays le
Nouviel Fort. Et avoit li dis messires Jehans d’Evrues,
parmi l’ayde de ses gens et le retour et mansion de
ce Nouviel Fort, où il tenoit assés bonne garnison,
25telement travilliet et heriiet et guerriiet le pays, que
nuls n’osoit aler de ville à autre; ne on ne parloit
d’autre cose en toute celle marce ne en l’isle de
Camperlé, que de ce Nouvel Fort; et proprement li
enfant en Bretagne et les jones fillettes en avoient
30fait une cançon que on y chantoit tout communement.
Se disoit la cançons ensi:
[202]202Gardés vous dou Nouviau Fort,
Vous qui alés ces alues;
Car laiens prent son deport
Messires Jehans d’Evrues.
5Il a gens trop bien d’acort,
Car bon leur est viés et nues;
N’espargnent foible ne fort;
Tantost aront plains les crues
De le Mote Marciot
10D’autre avoir que de viés oes;
Et puis menront à bon port
Lor pillage et leur conquès.
Gardés vous dou Nouviau Fort,
Vous qui alés ces alues;
15Car laiens prent son deport
Messires Jehans d’Evrues.
Cliçon, Rohem, Rocefort,
Biaumanoir, Laval, entrues
Que li dus à Saint Brieu dort,
20Chevauchiés les frans alues.
Fleurs de Bretagne, oultre bort
Estre renommée sues,
Et maintenant on te mort,
Dont c’est pités et grans duelz.
25Gardés vous dou Nouviau Fort,
Vous qui alés ces alues;
Car laiens prent son deport
Messires Jehans d’Evrues.
Remoustre là ton effort,
30Se conquerir tu les poes;
Tu renderas maint sourcot
A nos mères, se tu voes.
En ce pays ont à tort
Pris moutons, pors et cras bues;
[203] 203 Or paieront leur escot
A ce cop, se tu t’esmues.
Gardés vous dou Nouviau Fort,
Vous qui alés ces alues;
5Car laiens prent son deport
Messires Jehans d’Evrues.
Ensi estoit messires Jehans d’Evrues par sa chevalerie
criés et renommés ou pays, et tant se montepliièrent
ces canchons, que elles vinrent en le cognissance
10de ces signeurs de Bretagne, qui se tenoient
à Lambale. Si commencièrent à penser sus et
à dire: «A Dieu le veu! li enfant nous aprenderont
à guerriier. Voirement n’est chou pas chose bien
seans que nous savons nos ennemis si priès de nous,
15qui ont toute celle saison robet et pilliet le pays, et
si ne les alons point veoir? Il nous couvient chevaucier
viers ce Nouviau Fort, et tant faire que nous
l’aions et messire Jehan d’Evrues dedens: il ne nous
poet nullement escaper, qu’il ne soit nostres, et nous
20rendera compte de tout son pillage.»
Adont s’esmurent chil signeur et leurs gens une
partie, et une partie en laissièrent en Lambale pour
le garder, et chevaucièrent environ deus cens lances
viers le Nouviau Fort, et fisent tant qu’il y vinrent.
25Si s’arrestèrent par devant et l’environnèrent de
tous lés, afin que nuls n’en peuist issir, et se misent
tantos en ordenance pour assallir, et messires Jehans
d’Evrues et ses gens en bon arroi pour yaus deffendre.
Là eut par trois jours grant assaut, et des
30bleciés d’une part et d’autre, et telement l’avoient
empris li sires de Cliçon et chil baron de Bretagne,
[204] 204 que de là ne partiroient, si aroient conquis ce Nouviau
Fort et chiaus qui dedens estoient. Il n’en euissent
jamais falli que voirement ne l’euissent il eu,
car li Nouviaus Fors n’estoit mies tels que pour tenir
5à le longe contre telz gens d’armes, et l’euissent eu
très le premier jour, se n’euist esté leur bonne et
aperte deffense et la bonne arteillerie qui dedens
estoit, et dont il l’avoient pourveue.
§ 764. Entrues que cil baron de Bretagne estoient
10devant ce Nouviau Fort, assés priès de Camperlé, et
qu’il herioient et appressoient durement monsigneur
Jehan d’Evrues, trois nouvelles en un moment vinrent
au duch de Bretagne, au conte de Campbruge,
au conte de le Marce et as barons d’Engleterre, qui
15devant Saint Brieu de Vaus estoient. Les premières
furent teles que leur mineur avoient perdu leur mine
et que il leur en couvenoit refaire une nouvelle,
se on voloit avoir le ville par mine, la quele cose leur
fu trop grandement desplaisans, et en estoient tout
20pesant et merancolieus, quant Chandos, li hiraus,
leur aporta les secondes nouvelles, qui venoit tout
droit de Bruges et dou duch de Lancastre. S’envoioit
par ses lettres closes au duch de Bretagne, à son frère
de Cantbruge et au conte de le Marce le manière et
25l’ordenance dou trettié et sus quel estat il estoient
entre lui et le duch d’Ango, quant li dis Chandos
parti de Bruges. La tierce nouvelle fu, qui tous les
resvilla, comment li sires de Cliçon, li viscontes de
Rohem, li sires de Biaumanoir, li sires de Laval et
30li sires de Rocefort avoient enclos et assegiet monsigneur
Jehan d’Evrues en son Nouviel Fort, et le faisoient
[205] 205 assallir telement et si fortement qu’il estoit
en peril d’estre pris et en grant aventure.
Quant li dus de Bretagne oy ce, si dist: «Or tost
as chevaus! chevauçons quoiteusement celle part.
5J’aroie ja plus chier la prise de ces cinc chevaliers
que de ville ne de cité qui soit en Bretagne: che
sont chil, avoech messire Bertran de Claiekin, qui
m’ont plus fait à souffrir et les quels je desir plus à
tenir. Nous ne les poons avoir plus aisiement que ens
10ou parti où il sont, et nous attenderons là, je n’en
fai mies doubte, mais que nous nos hastons; car il
desirent à avoir le chevalier messire Jehan d’Evrues,
qui vault bien que on le sekeure et oste de dangier.»
A ces parolles evous ces signeurs tantos armés et
15montés et une partie de leurs gens, et se partent,
cescuns qui mieus mieulz, sans attendre l’un l’autre;
et escuier et varlès commencièrent à tourser et à
sievir leurs mestres. Ensi soudainnement se desfist li
sièges de Saint Brieu de Vaus.
20§ 765. Certes li dus de Bretagne, [li contes de
Cantbruge], li contes de le Marce, li sires Despensiers
et [chil baron et] chil chevalier d’Engleterre
avoient si grant haste et tel desir de venir devant ce
Nouviau Fort pour trouver leurs ennemis, qu’il ne
25fisent tout le chemin que reslaissier, et que leur coursier
estoient tout mouilliet de sueur. Mais onques ne
se peurent ne sceurent tant haster, que li sires de
Cliçon et li baron de Bretagne, qui devant le Nouviau
Fort estoient, ne fuissent segnefiiet de ces nouvelles,
30et leur fu dit ensi: «Or tos, signeur, montés sus
vos chevaus et vous sauvés: autrement vous serés
[206] 206 pris à mains, car vechi le duch de Bretagne, le conte
de Campbruge et toutes leurs gens qui viennent.»
Quant cil signeur oïrent ces nouvelles, si furent
moult esbahi et à bonne cause. Or eurent il d’avantage
5tant que leur cheval estoient ensellé; car, se il
ne le fuissent, il ne l’euissent point esté à temps, tant
estoient il et furent hasté. Et si tretos qu’il furent
monté, et qu’il se partoient, il regardèrent derrière
yaus et veirent le grosse route et espesse dou duch
10de Bretagne, qui venoient les grans galos. Adont
sceurent bien cheval qu’esporon valoient en le route
le signeur de Cliçon, car, quanques il pooient brochier,
il brochoient le chemin de Camperlé, et li dus
de Bretagne et se route apriès. Che aida moult au
15signeur de Cliçon et à se compagnie, et leur fist grant
avantage que leur cheval estoient fresch et chil dou
duch de Bretagne travilliet: aultrement il euissent
esté rataint sur le chemin.
Li sires de Cliçon et ses gens trouvèrent les portes
20de Camperlé toutes ouvertes; si leur vint grandement
à point, et entrèrent ens, et à fait qu’il entroient,
il descendoient et prendoient leurs lances, et
s’ordonnoient as barrières pour deffendre et attendre
leurs compagnons, mais li plus lontains n’estoit mies
25le trait d’un arch lonch. Si furent tout recueillié, et
se sauvèrent par grant aventure, et levèrent les pons
et cloïrent les barrières et les portes de Camperlé.
Evous le duch de Bretagne, le conte de Campbruge
et les barons et les chevaliers d’Engleterre tous
30venus, qui font leur course et leur moustre devant
les barrières, et, ensi que il venoient, il s’arrestoient
et descendoient de leurs chevaus, qui estoient tout
[207] 207 blanch de sueur. Là voloit li dus de Bretagne que
tantos on les assallist, mais il li fu dit: «Sire, il
vault trop mieuls que nous nos logons et regardons
par quele ordenance nous les assaurrons, que nous
5nos hastons avoecques le traveil que nous avons. Il
sont enclos; il ne vous poeent nullement escaper, se
il n’en volent en l’air. Camperlé n’est pas si forte
contre vostre host que vous ne le doiiés avoir.»
Adont se logièrent toutes manières de gens, et se
10misent en bonne ordenance tout autour de le ville;
car, quant il furent tout venu, il se trouvèrent gens
assés pour ce faire. Ensi fu messires Jehans d’Evrues
delivrés de grant peril et de grant dangier, et ses
nouviaus fors ossi.
15§ 766. Ce premier jour entendirent li Englès à
yaus logier bien et faiticement, et disoient li signeur
que il ne vosissent estre autre part que là, tant avoient
grant plaisance en ce que il sentoient les barons de
Bretagne, que le plus desiroient à tenir enclos dedens
20Camperlé. Si se tinrent ce premier jour tout aise, et
la nuit ossi, et fisent bon gait. A l’endemain environ
soleil levant, il se misent en ordenance pour assallir,
et se traisent tout devant Camperlé.
Bien savoient li sires de Cliçon et li aultre qu’il
25seroient assalli et que on leur feroit dou pis que on
poroit. Si estoient yaus et leurs gens ossi ordonné
selonch ce et mis en bon couvenant; car il estoient
bien gens, puis qu’il avoient un peu d’avantage, qui
n’estoient mies legier à desconfire. Là ot ce jour jusques
30à haute nonne fort assaut et dur, et n’i avoit
homme ne femme en le ville de Camperlé, qui ne
[208] 208 fust ensonniiés d’aucune cose faire, ou de porter
pières et dessoler les pavemens ou d’emplir pos
plains de cauch ou d’aporter à boire as compagnons
qui se deffendoient et qui de sueur estoient tout
5moulliet. En cel estat furent il jusques en le nuit par
trois ou par quatre assaus, et en y avoit de chiaus de
l’host, en assallant, aucuns bleciés et navrés. A l’endemain,
on refist tout otel, et assallirent li Englès ce
secont jour jusques à le nuit. Li sires de Cliçon et li
10baron qui là estoient et qui en ce dangier se veoient,
et qui en sus de tous confors se sentoient, n’estoient
mies à lor aise. Si regardèrent que trop mieulz leur
valoit à yaus rendre et paiier raençons, que attendre
l’aventure d’estre pris, car bien cognissoient que longement
15ne se pooient tenir en cel estat. Si faisoient
doubte que, se il estoient pris de force, trop grant
meschiés ne lor avenist, car par especial il se sentoient
fort hay dou duch, pour tant que il li avoient
esté trop contraire. Si envoiièrent devers le duch de
20Bretagne un hiraut qui bien remoustra leur entente
avoech lettres de creance qu’il portoit. Li dus à leur
offres ne volt onques entendre, mais [en] respondi
tantost, et dist: «Hiraus, retournés et leur dittes de
par mi, que je n’en prenderai ja nul [à merci], se il
25ne se rendent simplement.» Dont dist li hiraus, je
ne sçai se il en estoit cargiés [de parler] si avant, je
croi bien que oïl: «Chiers sires, ce seroit grans durtés,
se pour loyaument servir leur signeur il se mettoient
en tel dangier.»—«Leur signeur! respondi
30li dus de Bretagne, il n’ont aultre signeur que moy,
et, se je les tieng, ensi que j’ai bien esperance que je
le ferai, je leur remousterai que je sui leurs sires,
[209] 209 siques, hiraus, retournés, vous n’en porterés aultre
cose de moy.» Li hiraus retourna et fist sa response
à ses signeurs tout ensi, ne plus ne mains, que vous
avez oy.
5De ces nouvelles ne furent mies li sires de Cliçon
ne li aultre bien resjoï, car tantost il reurent l’assaut
à l’[end]emain, et leur couvint raler à leur labeur
ensi que devant, et ensi qu’il faut gent d’armes qui
sont en dur parti; car très le premier jour euissent
10il esté pris et conquis, se très vassaument il ne se
fuissent deffendu. Finablement il regardèrent qu’il ne
se pooient tenir, que dedens cinc ou sis jours [de
force] il ne fuissent pris, et encores ne sçavoient
il se on les minoit ou non: c’estoit une cose qui
15bien faisoit à ressongnier pour yaus. Si eurent un
aultre conseil de trettié, lequel il misent avant et
envoiièrent devers le duch de Bretagne, que, se dedens
quinse jours il n’estoient secouru et conforté
par quelconques manière que ce fust, il se renderoient
20simplement en le volenté dou duch. Quant
li dus de Bretagne oy ces trettiés, se li furent plus
plaisans assés que li aultre, et s’en conseilla au conte
de Campbruge et as barons d’Engleterre qui là estoient.
En ce conseil il y eut pluiseurs parolles retournées,
25et regardoient [trop] fort, en imaginant les
aventures, de quel part confors leur poroit venir.
Mais nullement il ne li savoient veoir ne trouver, se
ce n’estoit dou costé de Saint Salveur le Visconte, où
li connestables de France et li François estoient
30efforciement. De ce faisoient il la grigneur doubte, et
pour un tant il s’assentirent à ce trettié, mais il ne
veurent donner que huit jours de souffrance: encores
[210] 210 ne le faisoient il mies volontiers, et furent tout joiant
li sires de Cliçon et si compagnon, quant il les peurent
avoir.
§ 767. Ensi demorèrent chil cinc baron de Bretagne
5en souffrance, et la ville de Camperlé ossi, et
toutdis se tenoit li sièges. Si devés bien croire et savoir
qu’il n’estoient mies à leur aise, quant il se sentoient
en tel dangier que en le volenté de leurs ennemis,
et par especial dou duch qui les haïoit à mort et
10qui bien disoit que ja n’en prenderoit nulle raençon.
De leur fortune et de leur aventure se doubtoit
bien li rois de France, et avoit cinc ou sis coureurs
à cheval, nuit et jour alans et venans de Paris en
Bretagne et de Bretagne à Paris, et qui dou jour à
15l’endemain raportoient nouvelles de cent ou de
quatre vins liewes lonch, par les chevaus dont il se
rafreskissoient de ville en ville; et en tel manière il
avoit aultres messagiers, qui ensi s’esploitoient de
Bruges à Paris et de Paris à Bruges, par quoi tous les
20jours il savoit les trettiés qui là se faisoient. Si tretost
qu’il sceut l’avenue de Camperlé, il se hasta d’envoiier
devers son frère le duch d’Ango, et li manda
estroitement, à quel meschief que ce fust, il fesist
clore ces trettiés et presist triewes as Englès pour
25toutes les metes et limitations de France, et li segnefia
la cause pour quoi. Tantost li dus d’Ango, qui avoit
les legaus en le main, mist main à l’uevre et acorda
unes triewes sus quel estat il estoient, à durer jusques
au premier jour de may l’an mil trois cens settante et
30sis, et eurent en couvent li doi duch de retourner à
le Toussains à Bruges, et devoit li dus de Lancastre
[211] 211 amener avoecques lui le duch de Bretagne, et li dus
d’Ango prommetoit que il seroit pour lui en tous
estas, et le metteroit à accort de la ducé de Bretagne
envers son frère le roy de France.
5Tantost la chartre de le triewe fu escripte, grossée
et seelée, et dou duch de Lancastre à deus de ses
chevaliers delivrée, les quelz on appelloit l’un monsigneur
Nicole Carnessuelle et l’autre monsigneur
Gautier Oursewich. Li dus d’Ango, pour haster la
10besongne et pour ces deus chevaliers moustrer le
chemin, prist deus des sergans d’armes de son frère
le roy, et leur dist: «Hastés vous, et faites haster ces
chevaliers, et renouvelés vous de chevaus par tout où
vous venés, et ne cessés nuit ne jour, tant que vous
15aiiés trouvé le duch de Bretagne.» Avoech tout che,
il en pria et fist priier par les legaus les deus chevaliers
especialment, et ossi [leurs sires] li dus de Lancastre
leur recarga. Si esploitièrent tant et si vighereusement
que sus cinc jours il furent de Bruges
20devant Camperlé, et trouvèrent le duch de Bretagne,
qui jeuoit as eschès au conte de Campbruge dedens
son pavillon. Si s’agenoullièrent devant lui et devant
le conte, et les saluèrent en englès.
Li doi chevalier furent li très bien venu de ces signeurs
25pour tant qu’il venoient de leur frère le duch
de Lancastre, et demandèrent des nouvelles. Tantost
messires Nicoles Carnessuelle mist avant la chartre
de le triewe, où li commission estoit enexée, et commandoit
li dus de Lancastre, qui plain pooir et auctorité
30avoit ou lieu dou roy d’Engleterre, son père,
que, en quel estat qu’il fuissent, il se partesissent
tantos et sans delay. Or regardés se ceste cose vint
[212] 212 bien à point pour les barons de Bretagne, qui estoient
enclos en tel dangier en Camperlé, qui n’avoient
mais c’un jour de respit. Onques cose ne cheï si bien
à gens qu’il leur en cheï.
5Vous devés savoir que li dus de Bretagne fu estragnement
courouciés, quant il oy ces nouvelles, et
crolla la tieste et ne parla en grant temps, et le premier
parler qu’il dist, ce fu: «Maudite soit li heure,
quant onques je m’acordai à donner triewe à mes
10ennemis!» Ensi se deffist li sièges de Camperlé, vosist
ou non li dus de Bretagne, par le vertu de le chartre
de le triewe et de le commission dou duch de Lancastre.
Si se deslogièrent tantost tout courouchié, et
se retraisent vers Saint Mahieu de Fine Posterne, où
15toute leur navie estoit. Quant li sires de Cliçon, li
viscontes de Rohem, li sires de Laval et li aultre [qui
en Camperlé estoient], veirent ce departement et
sceurent par quele condition, car li dus d’Ango leur
en envoia lettres, si furent trop grandement resjoy;
20car au matin la compagnie volsist avoir paiiet deus
cens mil frans, et il fuissent à Paris.
§ 768. Ensi se desrompi ceste armée dou duch de
Bretagne, faite en Bretagne, et retournèrent li contes
25de Campbruge, li contes de le Marce, li sires Despensiers
et tout li Englès en Engleterre, et li dis dus
s’en vint au chastiel d’Auroy, où la ducoise sa femme
estoit, qu’il desiroit moult à veoir, car il ne l’avoit
veu, plus d’un an avoit. Si se tint là un terme dalés
lui, et regarda à ses besongnes, et fist tout à loisir ses
30ordenances, et puis s’en retourna en Engleterre et
en mena sa femme avoecques lui. Ossi li dus de Lancastre
[213] 213 retourna à Calais et de là en Engleterre, sus
l’entente que de revenir à Bruges à le Toussains qui
venoit. D’autre part ossi li dus d’Ango s’en vint à
Saint Omer, et se tint là toute le saison, se ce ne
5fu un petit qu’il s’en vint esbatre à Guise en Tierasse,
où ma dame sa femme estoit, ensi que sus son hyretage,
et puis retourna tantost à Saint Omer, et li doi
legal tretteur se tinrent à Bruges.
Or revenons à chiaus de Saint Salveur, qui estoient
10mis en composition devers le connestable de France.
Li Englès, quant il se partirent de Bretagne, il cuidièrent
que cilz sièges se deuist ossi bien lever, que
il s’estoient levé de devant Camperlé; mais non fist.
Ançois y eut au jour, qui estimés y estoit, plus de
15dis mil lances, chevaliers et escuiers. Quatreton,
messires Thumas Trivés, messires Jehans de Bourch
et li compagnon qui dedens estoient, à leur pooir
debatirent assés la journée, car il avoient oy parler
de le triewe. Si se voloient ens enclore ossi, mais li
20François ne l’entendoient grain ensi; ançois disoient
que la première couvenance passoit la daarraine ordenance,
et qu’il avoient mis ou trettié de leur composition
que, se li dus de Bretagne proprement ne venoit
lever le siège, il se devoient rendre et mettre leur
25garnison en le volenté dou connestable. «Encores
est li dus ou pays, ce disoient li François; pour
quoi ne trest il avant? Nous sommes tout pourveu et
appareillié de l’attendre et dou combatre, et vous
demandons par vostre serement, se vous li avés point
30segnefiiet. Il disoient bien: «Oïl.»—«Et pourquoi
dont ne trait il avant?» Il respondoient: «Il
maintient, et ossi font nos gens, que nous sommes
[214] 214 ou trettiet de le triewe.» Li François disoient qu’il
n’en estoit riens, et les avisa li connestables en tant,
se il ne rendoient la forterèce ensi que oblegié
estoient, tout premierement il feroient morir leurs
5hostages, et puis les constrainderoient d’assaus plus
que il n’euissent onques fait. Bien estoit en leur poissance
dou conquerre; et quant par force il seroient
conquis, il fuissent tout certain que on n’en prenderoit
jamais nul à merci, que tout ne fuissent mort.
10Ces parolles esbahirent Quatreton et les compagnons,
et eurent conseil sur ce et regardèrent, tout consideré,
que confors ne leur apparoit de nul costé, et
ne voloient mies perdre leurs hostages, siques finablement
il se rendirent, et s’en partirent sauvement
15et emportèrent tout le leur, et reurent leurs hostages,
ce fu raisons. Si entrèrent en une nef et misent tout
leur harnas en une aultre, et puis singlèrent vers
Engleterre, et li connestables de France prist le saisine
de Saint Salveur le Visconte, ou nom dou roy
20de France. Adont se departirent toutes gens d’armes,
et se retraist cascuns en son lieu, li duch, li conte, li
baron et li chevalier; et les compagnes fisent leurs
routes à par yaus, qui se retraisent en Bretagne et
sus le rivière de Loire. Là les envoia li rois de France
25reposer jusques à tant que il oroit autres nouvelles.
§ 769. Ces gens de compagnes qui avoient apris à
pillier et à rober et qui ne s’en savoient abstenir,
fisent en celle saison trop de mauls ens ou royaume
de France, tant que les plaintes en vinrent au roy.
30Li rois, qui volentiers euist adrechiet son peuple et
qui grant compassion en avoit, car trop li touchoit
[215] 215 la destruction de son royaume, n’en savoit que faire.
Or fu adont regardé en France que li sires de Couci,
qui ja avoit demoret hors sis ans ou environ, et qui
estoit uns friches et gentils chevaliers de grant providense
5et de grant sens, seroit remandés; car on li
avoit oy dire pluiseurs fois que il clamoit à avoir
grant droit à la ducé d’Osterice par la succession de
sa dame de mère, qui soer germainne avoit esté dou
duch darrainnement trespassé, et cils qui pour le
10temps possessoit de la ducé d’Osterice, n’estoit que
cousins germains plus lontains assés de droit linage
que li sires de Couci ne fust. Si fu proposé au conseil
dou roy de France que li sires de Couci s’aideroit
bien de ces compagnes, et en feroit son fait [en Osterice],
15et en deliveroit le royaume de France.
Adont fu remandés li gentilz sires de Couci, messires
Engherans, qui s’estoit tenus en Lombardie un
grant temps et de puis sus la terre dou patrimonne,
et fait guerre pour la cause de l’Eglise as signeurs de
20Melans et as autres, ossi as Florentins et as Pisains,
et si vaillamment s’i estoit portés que il en avoit
[grandement] le grasce et le renommée dou Saint
Père le pape Gregore XIe. Quant il fu revenus en
France premierement devers le roy, on li fist grant
25feste, et le vei li rois moult volentiers, et li demanda
des nouvelles: il l’en dist assés. De puis revint li
sires de Couci en sa terre, et trouva ma dame sa
femme, la fille dou roy d’Engleterre, à Saint Goubain.
Si se fisent grans recognissances ensamble, ce
30fu raisons, car il ne s’estoient veu de grant temps.
Ensi petit à petit se racointa li sires de Couci en
France, et se tint dalés le roy qui le vei moult volentiers.
[216] 216 Adont li fu demandé couvertement dou signeur
de la Rivière et Nicolas le Mercier, qui estoient
[instruit] quanques li rois pooit faire, se il se vorroit
point cargier ne ensonnier de ces Bretons et des
5compagnes pour mener en Osterice. Il respondi que
il en aroit avis; si s’en consilla à ses amis et le plus
en soi meismes. Si en respondi sen entente que volentiers
s’en ensonnieroit, mais que li rois y vosist
mettre aucune cose dou sien et li prester ossi aucune
10finance pour paiier leurs menus frès et pour acquerre
amis et les passages tant en Bourgongne, comme en
Aussai, et sus le rivière dou Rin, par où il les couvenoit
passer et aler, se il voloient entrer en Osterice.
Li rois de France n’avoit cure quel marchié il fesist,
15mais que il veist son royaume delivré de ces compagnes:
se li acorda toute sa demande, et fina pour
lui devers les compagnes, et leur delivra grant argent
mal emploiiet, ensi que vous orés recorder temprement;
car onques gens ne s’acquittèrent pis envers
20signeur, qu’il s’acquittèrent devers monsigneur de
Couci. Il prisent son or et son argent, et se ne li
fisent nul service.
§ 770. Environ le Saint Michiel, l’an mil trois cens
settante et cinc, se departirent ces compagnes et ces
25gens d’armes, Bretons et aultres de toutes nations,
dou royaume de France, et passèrent parmi Loerainne,
où il fisent moult de destourbiers et de damages,
et pillièrent pluiseurs villes et chastiaus et
fuison dou plat pays, et eurent de l’or et de l’argent
30à leur entente de chiaus de Mès en Lorrainne. Quant
chil d’Ausay, qui se tenoient pour le duch de
[217] 217 Lussembourch et de Braibant, en veirent le manière, si
se doubtèrent de ces males gens, que il ne leur feissent
à souffrir, et se cloïrent, et mandèrent li baron
d’Ausay au signeur de Couci et as barons de Bourgongne
5qui avoecques lui estoient, le signeur de
Vregi et aultres, que point ne passeroient parmi leur
pays ou cas qu’il se vorroient ensi maintenir. Li sires
de Couci mist son conseil ensamble, car il avoit là
grant fuison de bonne chevalerie de France, monsigneur
10Raoul de Couci, son oncle, le visconte de
Miaus, [le signeur de Roye, monsigneur Raoul de
Raineval], le signeur de Hangest, messire Hue de
Roussi et fuison d’autres, siques, yaus consilliet, il
regardèrent que li signeur et li pays d’Ausay avoient
15droit. Si priièrent moult doucement as chapitains des
compagnes et as Bretons et Bourghegnons, que il
vosissent courtoisement passer et faire passer leurs
gens parmi Ausay, par quoi li pays leur fust ouvers,
et qu’il peuissent faire leur fait et leur emprise. Il
20l’eurent tout en couvent volentiers, mais de puis il
n’en tinrent riens. Toutes fois, au passer et à l’entrer
en Aussai, il furent assés courtois.
Or parlerons des parlemens qui furent assignet à
Bruges. Il est verités que à le Toussains, li dus de
25Lancastre et li dus de Bretagne, pour le partie dou
roy d’Engleterre, y vinrent moult estoffeement et en
grant arroy. Ossi fisent li dus d’Ango et li dus de
Bourgongne, et remoustroit cascuns de ces signeurs
sa grandeur et sa poissance.
30Si fist li dus de Bourgongne en ce temps une très
grande feste de jouste, en le ville de Gand en Flandres,
de cinquante chevaliers et de cinquante escuiers de
[218] 218 dedens. Et furent à celle jouste grant fuison de haus
signeurs et de nobles dames, tant pour honnourer
le duch de Bourgongne que pour veoir l’estat des
dus qui là estoient: le duch d’Ango, le duch de Lancastre
5et le duch de Bretagne. Si y furent li dus de
Braibant et ma dame sa femme, et li dus Aubers et
sa femme, et la ducoise de Bourgongne. Si furent ces
joustes bien festées et dansées, et par quatre jours
joustées; et tint adont là li contes de Flandres grant
10estat et poissant, en honnourant et exauchant la
feste de son fil et de sa fille, et en remoustrant sa
rikèce et sa poissance [à ces signeurs estraingniers de
Franche], d’Engleterre et d’Alemagne. Quant ces
joustes furent passées et li signeur retrait, si retournèrent
15à Bruges li dus d’Ango, li dus de Bourgongne
et leurs consaulz d’Engleterre. Ossi fisent li dus de
Lancastre, li dus de Bretagne et li consaulz d’Engleterre
et li doi legal trettieur. Si se commencièrent à
entamer et à proposer parlement et trettiet, et li doi
20legal à aler de l’un à l’autre, qui portoient ces parolles,
qui peu venoient à effet; car cescuns se tenoit si fiers
et si grans, que raisons n’i pooit descendre. Li rois
d’Engleterre demandoit coses impossibles pour lui,
ce que li François n’euissent jamais fait: toutes les
25terres que li rois de France ou ses gens avoient conquis
sur lui, et tout l’argent qui estoit à paiier quant
la devant ditte pais fu brisie, et delivré le captal [de
Bues] hors de prison. D’autre part li rois de France
voloit avoir la ville, et le chastiel de Calais, abatue,
30quel trettié qu’il fesist, et de cel argent tout l’opposite;
mais toute la somme entièrement que li rois ses
pères et ils avoient d’argent paiiet, il voloit ravoir, ce
[219] 219 que li rois d’Engleterre n’euist jamais fait, l’argent
rendu ne Calais abatue. Si furent grant temps sus cel
estat, et li legal aloient proporsionnant et à leur
pooir amoienant ces demandes, mès elles s’approçoient
5trop mal. Se furent les parties, tant de France
comme d’Engleterre, un grant temps en Flandres,
et fui adont ensi enfourmés que finablement Bretagne
et Espagne rompirent tous les trettiés. Si furent
les triewes ralongies jusques au premier jour d’avril
10mil trois cens settante et sis, et se departirent de
Bruges tout cil duch: li un s’en alèrent en Engleterre,
et li aultre en France, et li legaulx demorèrent à Bruges;
mais cascune de ces parties devoient à le Toussains
renvoiier gens pour yaus, qui aroient plain pooir et
15auctorité, otel comme li doi roy aroient, se il y
estoient personelment, de faire pais et acord ou de
donner triewes.
§ 771. Or revenons au signeur de Couci, qui
estoit en Aussai, et avoit deffiiet le duch d’Osterice
20et tous ses aidans, et li cuidoit faire une grant
guerre, et moult s’en doubtoient li Ostrisien. Nequedent,
comme très vaillans gens d’armes et que bon
guerrieur qu’il sont et soutil, il alèrent et obviièrent
grandement à l’encontre de ces besongnes, car,
25quant il sentirent le signeur de Couci et ses gens et
ces compagnes approcier, euls meismes ardirent et
destruisirent au devant d’yaus bien trois journées
de pays.
Quant cil Breton et ces compagnes furent oultre
30Aussai et sus le rivière de Rin, et il deurent approcier
les montagnes qui departent Aussai et Osterice, et il
[220] 220 veirent un povre pays et trouvèrent tout ars et desrobé,
non pas pays de tel ordenance comme il est
sus le rivière de Marne et de Loire, et ne trouvèrent
que genestes et broussis, et que plus aloient avant et
5plus trouvoient povre pays ars et desrobé d’yaus
meismes, et il avoient apris ces biaus vignobles et
ce gras pays de France, de Berri et de Bretagne, et
ne savoient que donner leurs chevaus, si furent
tout esbahi. Si s’arrestèrent sus le rivière de Rin ensamble
10les compagnes, et eurent parlement les chapitainnes
des Bretons et li Bourghegnon ensamble,
pour savoir comment il se maintenroient. «Et comment,
disent il, est tel cose la ducé d’Osterice? Li
sires de Couci nous avoit donné à entendre que c’estoit
15li uns des gras pays dou monde, et nous le trouvons
le plus povre: il nous a decheu laidement. Se
nous estions delà celle rivière de Rin, jamais ne le
porions rapasser, que nous ne fuissions tout mort et
pris et en le volenté de nos ennemis les Alemans,
20qui sont gens sans pité. Retournons, retournons en
France; ce sont mieulz nos marces. Mal dehait ait
qui ja ira plus avant!» Ensi furent il d’acord d’yaus
logier, et se logièrent tout contreval le Rin, et fisent
le signeur de Couci logier tout en mi yaus, li quelz
25tantos, quant il vei ceste ordenance, se commença à
doubter qu’il n’i euist trahison. Se leur dist moult
doucement: «Signeur, vous avés pris mon or et
mon argent, dont je sui grandement endebtés, et
l’argent dou roy de France, et vous estes oblegié par
30foy et par sierement que de vous acquitter loyaument
en ce voiage: si vous en acquittés. Aultrement, je sui
li plus deshonnourés homs dou monde.»—«Sires
[221] 221 de Couci, respondirent à ce premiers les chapitainnes
des compagnes et li Bourghegnon, la rivière
de Rin est encores moult grosse ne on ne le poet
passer à gué sans navire. Nous sejournerons chi:
5entrues venra li biaus temps. Nous ne savons les chemins
en ce pays. Passés devant, nous vous sievrons.
On ne met mies gens d’armes ensi hors d’un bon
pays, que mis nous avés. Vous nous disiés et affiiés
que Osterice est uns des bons et des gras pays dou
10monde, et nous trouvons tout le contraire.»—«Par
ma foy, respondi li sires de Couci, c’est mont,
mais ce n’est mies chi à l’entrée. Par delà ceste rivière,
et oultre ces montaignes que nous veons, trouverons
nous le bon pays.»—«Or passés dont devant,
15et nous vous sievrons.» Ce fu toute la plus courtoise
response que il peut à celle heure avoir d’yaus,
mais se logièrent, et le signeur de Couci en mi yaus,
et par tel manière que, se il s’en vosist adont estre
partis, il ne peuist, tant estoit il priès gettiés. De la
20quel cose il avoit grant doubte, et ossi avoient tout
li Pikart, li Englès, li Haynuier et li François, des
quelz il y avoit bien trois cens lances.
Or vinrent nouvelles en l’ost que li dus d’Osterice
se voloit acorder et composer au signeur de Couci,
25et li voloit donner une belle terre, qui vault bien
vint mil frans par an, que on claime la conté de
Fuiret. Voirement en furent ils aucuns trettiés; mès il
ne continuèrent point, car ce sambloient au signeur
de Couci et à son conseil trop petites offres.
30§ 772. Quant li sires de Couchi vey que ces gens
que il avoit là amenés, ne vorroient aler plus avant,
[222] 222 et que il ne li faisoient que respondre à le traverse,
si fu durement merancolieus, et s’avisa de soi
meismes, comme sages et imaginatis chevaliers, que
ces compagnes le poroient deshonnourer, car, se de
5force il le prendoient, il le poroient delivrer au duc
d’Osterice et vendre pour la cause de leurs gages, car
voirement demandoient il argent sus le temps à
venir, se on voloit que il alaissent plus avant. Et, se
ensi estoit que il le delivraissent par celle manière as
10Alemans, jamais il ne s’en veroit delivrés. Si eut
conseil secret à aucuns de ses amis, à trop de gens ne
fu ce mies, que il s’embleroit d’yaus et se metteroit
au retour. Tout ensi comme il le pensa et imagina,
il le fist, et se parti de nuit en abit descogneu, et
15chevauça lui troisime tant seulement. Toutes manières
de gens d’armes et de Bretons et ses gens ossi, excepté
cinc ou sis, cuidoient que il fust encores en ses logeis,
et il estoit ja eslongiés et hors de tous perilz
bien deus journées, et ne tenoit nul droit chemin,
20mais il fist tant qu’il s’en revint en France. Si fu
durement li rois de France esmervilliés; ossi furent
li dus d’Ango, li dus de Berri, li dus de Bourgongne
et moult d’autres signeurs, quant il le veirent [en ce
parti] revenu, et il le cuidoient en Osterice: ce leur
25sambla uns drois fantosmes. Et li demandèrent de
ses besongnes comment il en aloit, et dou duch d’Osterice
son cousin quel chière il li avoit fait. Li sires
de Couci ne fu mies esbahis de remoustrer son afaire,
car il estoit richement enlangagiés et [avoit] escusance
30veritable. Si cogneut au roy et à ces dus toute
[le] verité, et leur compta de point en point l’estat des
compagnes et comment il s’estoient maintenu et quel
[223] 223 cose il avoient respondu, et tant fist, et de voir, que
il demora sus son droit, et les compagnes en leur
blasme. Et se tint en France dalés le roi et ses frères,
et tantost apriès Paskes il eut congiet dou roy de
5France d’aler jeuer en Engleterre et de mener y sa
femme la fille dou roy d’Engleterre, et eut adonques
[aucuns] trettiés secrés entre lui et le roy de France,
qui ne furent mies sitost ouvert. Et fu adont regardé
en France des plus sages que c’estoit uns sires de
10grant prudense, bien tailliés de trettiier pais et acord
entre les deus rois, et que on n’avoit en lui veu fors
que toute loyauté. Se li fu dit: «Sires de Couci,
c’est li entention dou roy et de son conseil que vous
demorés dalés nous en France; si nous aiderés à consillier
15et à trettier devers ces Englès, et encores vous
prions nous, que en ce voiage que vous ferés, couvertement
et sagement, ensi que bien le sarés faire, vous
substanciiés dou roy d’Engleterre et de son conseil
sus quel estat on poroit trouver paix ne acord entre
20yaus et nous.» Li sires de Couci eut ensi en couvent;
si se appareilla dou plus tost qu’il peut, et
parti de France, et ma dame sa femme et tout leur
arroy. Si esploitièrent tant que il vinrent en
Engleterre.
25§ 773. Or parlons de ces compagnons qui se tinrent
pour trop decheu, quant il sceurent que li sires
de Couchi leur estoit escapés et retournés en France.
Si disoient li aucun que il avoit bien fait, et li aultre
disoient que il s’estoit fais et portés grant blasme. Si
30se misent au retour et revinrent en France, en ce bon
pays qu’il n’appelloient mies Osterice, mais leur
[224] 224 cambre. Quant li sires de Couci eut esté une espasse
en Engleterre dalès le roy son [grant] signeur, qui li
fist bonne chière et à sa fille ossi, et il eut viseté le
prince de Galles, son frère, qui gisoit malades à
5Londres, et estoit en mains de surgiiens et de medecins,
et ossi viseté ses aultres frères le duch Jehan
de Lancastre et ma dame sa femme, le conte de
Campbruge et monsigneur Thumas le mainsnet, et le
jone Richart, fil dou prince, qui estoit en le garde et
10doctrine de ce gentil et vaillant chevalier monsigneur
Guichart d’Angle, il prist congiet à tous et à toutes,
et laissa là sa mainsnée fille la damoiselle de Couci
et sa femme, et puis s’en retourna en France.
En ce temps paia li rois Edouwars d’Engleterre as
15barons et as chevaliers de son pays son jubilé, car il
avoit esté cinquante ans rois. Mais ançois fu trespassés
messires Edowars ses ainsnés filz, princes de
Galles et d’Aquittaines, la fleur de toute chevalerie
dou monde en ce temps et qui le plus avoit esté fortunés
20en grans fais d’armes et acompli de belles
besongnes. Si trespassa li vaillans homs et gentilz
princes de Galles ens ou palais de Wesmoustier dehors
la cité de Londres. Si fu moult plains et regretés,
et sa bonne chevalerie moult regretée, et eut li gentilz
25princes à son trespas la plus belle recognissance
à Dieu et la plus ferme creance et repentance, que
on vei onques grant signeur avoir. Ce fu le jour de
le Trinité, en l’an de grasce Nostre Signeur mil trois
cens settante et sis. Et pour plus autentiquement et
30reveramment faire la besongne, et que bien avoit
dou temps passé conquis par sa bonne chevalerie
que on li fesist toute l’onneur et reverense que on
[225] 225 poroit, il fu embausumés et mis en un vaissiel de
plonch et là tous ensepelis, excepté le viaire, et ensi
gardés jusques à le Saint Michiel, que tout li prelat,
conte, baron et chevalier d’Engleterre furent à son
5obsèque à Wesmoustier.
§ 774. Sitos que li rois de France fu segnefiiés de
la mort de son cousin le prince, il li fist faire son
obsèque moult reveramment en la Sainte Capelle dou
palais, et y furent si troi frère et grant fuison de
10prelas, de barons et de chevaliers dou royaume de
France; et dist bien li rois de France et afrema que
li princes de Galles avoit regné poissamment et
vassaument.
Or vint li Toussains, que li rois d’Engleterre envoia
15as parlemens à Bruges, ensi que ordenance se
portoit, monsigneur Jehan de Montagut, le signeur
de Gobehem, l’evesque de Halfort et le doiien de
Saint Pol de Londres; et li rois de France, le conte
de Salebruce, le signeur de Chastillon et monsigneur
20Phillebert de l’Espinace; et toutdis estoient là li doi
legal trettieur. Si se tinrent chil signeur et chil trettieur
tout le temps à Bruges, et peu esploitièrent, car
toutes leurs coses tournoient à noient; car li Englès
demandoient, et li François ossi.
25En ce temps estoit li dus de Bretagne en Flandres
dalés son cousin le conte Loeis de Flandres, le quel
il trouvoit assés traittable et amiable, mès point ne
s’ensonnioit de ces trettiés.
Environ le quaremiel se fist uns secrés treti[é]s entre
30ces François et ces Englès, et deurent li Englès leurs
trettiés porter en Engleterre, et li François en France,
[226] 226 cascuns devers son signeur le roy, et devoient retourner,
ou aultre commis que li roy renvoieroient,
à Moustruel sus mer; et sus cel estat furent les triewes
ralongies jusques au premier jour de may. Si en alèrent
5li Englès en Engleterre, et li François [revinrent]
en France, et raportèrent leurs trettiés, et recordèrent
sus quel estat il estoient parti l’un de l’autre.
Si furent envoiiet à Moustruel sus mer, dou costé des
François, li sires de Couci, li sires de le Rivière, messires
10Nicolas Brake et Nicolas le Mercier, et dou
costé des Englès, messires Guichars d’Angle, messires
Richars Sturi et Joffrois Cauchiés. Et parlementèrent
cil signeur et ces parties grant temps sus le
mariage dou jone Richart, fil dou prince, et de ma
15demoiselle Marie, fille dou roy de France, et revinrent
arrière en Engleterre, et raportèrent leurs trettiés,
et ossi li François en France, et furent les triewes
ralongies un mois.
§ 775. Nous avons oubliiet à recorder comment
20li rois d’Engleterre, le jour de le Nativité Nostre Seigneur,
l’an dessus dit, tint en son palais, à Wesmoustier,
une grant feste et solennele, et y furent,
par mandement et commandement dou roy, tout li
prelat, [li duc], li conte, li baron et li chevalier
25d’Engleterre. Et là fu eslevés Richars, li filz dou prince, et
le fist li rois porter devant lui, et le ravesti, present
tous les dessus dis, de l’iretage et royaume d’Engleterre
à tenir apriès son dechès, et l’assist dalés lui, et
fist jurer tous prelas, contes, barons et chevaliers et
30officiiers des cités et des bonnes villes des pors et
des passages d’Engleterre, que il le tenroient à signeur
[227] 227 et à roy. Apriès ce, li vaillans rois encheï en une
foiblèce, de la quele il morut en l’anée, ensi que vous
orés [recorder] temprement. Mais nous perseverrons
de ces parlemens et de ces trettiés, qui ne vinrent à
5nul pourfit.
§ 776. A ces parlemens et secrés trettiés qui furent
assigné en le ville de Moustruel, furent envoiiet
de par le roy de France li sires de Couci et messires
Guillaumes des Dormans, canceliers de France: si s’en
10vinrent tenir à Moustruel. De le partie des Englès
furent renvoiiet à Calais li contes de Sallebrin, messires
Guichars d’Angle, li evesques de Halfort et li
evesques de Saint David, cancelier d’Engleterre. Et
estoient là li trettieur qui aloient de l’un à l’autre, et
15qui portoient les trettiés, li archevesques de Ravane
et li evesques de Carpentras. Et furent toutdis leur
parlement et leur trettié sus le mariage devant dit,
et offroient li François, avoecques leur dame, fille
dou roy de France, douse cités ou royaume de
20France, c’est à entendre en la ducé d’Aquittaines, mais
il voloient avoir Calais abatue. Si se desrompirent
cil parlement et cil trettié, sans riens faire, car onques
pour cose que cil trettieur seuissent dire, priier ne
remoustrer, ces parties ne se veurent ou osèrent onques
25assegurer sus certainne place, entre la ville de Moustruel
et Calais, pour yaus comparoir l’un devant
l’autre. Si demorèrent les coses ensi, et ne furent les
triewes plus ralongies, mais la guerre renouvelée, et
retournèrent li François en France.
30Quant li dus de Bretagne vei ce, qui se tenoit à
Bruges dalés son cousin le conte de Flandres, et li
[228] 228 legal furent là retourné, qui disent qu’il ne pooient
riens faire, si escrisi devers le conte de Sallebrin et
monsigneur Guichart d’Angle, qui estoient à Calais,
que à tel jour, atout gens d’armes et arciers, il fuissent
5contre lui, car il s’en voloit raler en Engleterre,
et il se doubtoit des embusces sus les frontières de
Flandres et d’Artois, siques li dessus dit, li contes de
Sallebrin et messires Guichars d’Angle, se departirent
de Calais à cent hommes d’armes et deus cens archiers,
10et vinrent requerre bien avant en Flandres
le duch de Bretagne, et le ramenèrent sauvement à
Calais.
§ 777. Quant Nostre Saint Père le pape Grégoire
XIe senti et entendi que la pais entre le roy de
15France et le roy d’Engleterre ne se pooit trouver
pour moiien ne pour trettié que on sceuist ne peuist
mettre avant, se li fu une cose moult desplaisans, et
dist à ses frères les cardinaus que il se voloit partir
d’Avignon et qu’il se ordonnaissent, car il voloit aler
20tenir son siège à Romme. Li cardinal ne furent mies
trop resjoy de ces nouvelles et li debatirent ce qu’il
peurent par pluiseurs voies raisonnables, et li
remoustrèrent bien que, se il aloit là, il metteroit
l’Eglise en grant tourble. Non obstant toutes parolles,
25il dist que il avoit ce de veu et qu’il iroit, comment
que ce fust. Si se ordonna et les constraindi au partir
avoecques lui; toutes fois, quant il veirent qu’il n’en
aroient aultre cose, il se misent avoecques lui et
montèrent en mer à Marseille, et singlèrent tant qu’il
30vinrent à Genuenes. Là se rafreskirent, et puis entrèrent
de rekief en leurs galées, et esploitièrent tant
[229] 229 par leurs journées qu’il vinrent à Romme. Si furent
li Rommain grandement resjoy de leur venue, et
tous li pays de Rommagne. Par celle motion que li
dessus dis papes fist, avinrent depuis grans tourbles
5en l’Eglise, sicom vous orés recorder cha apriès,
mais que ceste hystore dure jusques à là.
§ 778. Toute celle saison que cil trettié et parlement
de paix qui point n’avinrent, furent à Bruges,
li rois de France avoit ses pourveances et sen armée
10fait faire sur mer et appareillier très grossement, et
avoit entention d’envoiier ardoir en Engleterre; et
estoient ses gens pourveu de gallées et de gros vaissiaux
que li rois Henris d’Espagne leur avoit envoiiés,
et l’un de ses [maistres] amiraus, qui s’appelloit dan
15Ferrans Sanses de Touwars. Et li amiraus de France
estoit pour le temps messires Jehans de Viane;
avoecques lui estoit messires Jehans de Rays et pluiseur
appert chevalier et escuier de Bourgongne, de
Campagne et de Pikardie [et d’aultre part]. Si waucroient
20ces gens marins sus mer, et n’attendoient
aultre cose que nouvelles leur venissent que la guerre
fust renouvelée, et bien s’en doubtoient en Engleterre,
et l’avoient les chapitainnes des isles d’Engleterre,
de Gernesie, de Grenesée et de Wisk segnefiiet
25au conseil dou roy d’Engleterre, car li rois estoit ja
moult malades, et ne parloit on point à lui des besongnes
de son royaume, fors à son fil le duch de
Lancastre, et estoit si très foibles que li medecin
n’i esperoient point de retour. Si fu envoiiés à
30Hantonne messires Jehan d’Arondiel, atout deus
cens hommes d’armes et trois cens arciers, pour
[230] 230 garder le havene, le ville et le frontière contre les
François.
Quant li dus de Bretagne, ensi que contenu et devisé
est chi devant, fu ramenés à Calais dou conte de
5Sallebrin et de monsigneur Guichart d’Angle, il entendi
que li rois, ses sires, estoit durement malades et
afoiblis. Si se parti dou plus tost qu’il peut et monta
en mer, et demorèrent encores à Calais li contes de
Sallebrin et messires Guichars d’Angle. Si prist terre
10à Douvres li dis dus, et puis chevauça viers Londres,
et demanda dou roy, où il estoit. On li dist que il
gisoit [moult] malades en un petit manoir royal, qui
est là sus le [rivière de] Tamise, à cinc liewes englesces
de Londres, que on dist Cenes. Là vint li
15dus de Bretagne: si y trouva le duch de Lancastre,
le conte de Campbruge et monsigneur Thumas le
mainsnet, et ossi le conte de le Marce, et n’attendoient
dou roy fors l’eure de Dieu; et ossi estoit là
sa fille, ma dame de Couci, qui moult estoit astrainte
20de coer de grant dolour et anguisse, de ce que elle
veoit son signeur de père en ce parti.
Le jour devant la vigile Saint Jehan Baptiste, en
l’an de grasce Nostre Signeur mil trois cens settante
et set, trespassa de ce siècle li vaillans et li preus rois
25Edouwars d’Engleterre: de la quele mort tous li pays
et li royaumes d’Engleterre fu durement désolés; et
ce fu raisons, car il leur avoit estet bons rois. Onques
n’eurent tel ne le pareil puis le temps le roy Artus,
qui fu ossi jadis rois d’Engleterre, qui s’appelloit à
30son temps la Grant Bretagne. Si fu li rois embaulsumés
et mis et couchiés sus un lit moult reveramment
et moult poissamment, et portés ensi au lonch de le
[231] 231 cité de Londres de vint et quatre chevaliers vestis de
noir, si troi fil et le duch de Bretagne et le conte de
le Marce derrière lui, et ensi alant pas pour pas, à
viaire descouvert. Qui veist et oïst en ce jour les
5grans lamentations que li peuples faisoit, les plours,
les cris et les regrés qu’il disoient et qu’il faisoient,
on en euist grant pité et grant compassion au cuer.
Ensi fu li nobles rois aportés au lonch de Londres
jusques à Wesmoustier, et là mis jus et ensepelis
10dalés ma dame sa femme, Phelippe de Haynau,
royne d’Engleterre, ensi qu’en leur vivant avoient
ordonné. Et fu fais li obsèques dou roy si noblement
et si reveramment que on peut onques, car
bien le valli; et y furent tout li prelat, li conte, li
15baron et li chevalier d’Engleterre, qui pour ce temps
y estoient.
Apriès cel obsèque, on regarda que li royaumes
d’Engleterre ne pooit estre longement sans roy, et
que pourfitable estoit pour tout le royaume de couronner
20tantost le roy qui estre le devoit, et le quel li
vaillans rois, qui mors estoit, avoit ordonné et ravesti
dou royaume très son vivant. Si ordonnèrent là li
prelat, li conte, li baron, li chevalier et les communautés
d’Engleterre, et assignèrent un certain jour et
25bien brief, que on couronneroit l’enfant, le jone Richart,
qui fils avoit estet dou prince, et furent à ce
tout d’acord.
En celle sepmainne que li rois estoit trespassés,
retournèrent de Calais en Engleterre li contes de Sallebrin
30et messires Guichars d’Angle, qui furent moult
tristre et fort courouchié de la mort le vaillant roy;
mès souffrir leur convint, puis que Diex le voloit
[232] 232 ensi. Si furent tout li pas clos en Engleterre, ne nulz
n’en partoit, de quel costé que ce fust, pour tant que
on voloit mettre toutes les besongnes dou pays en
bonne et estable ordenance, ançois que la mort dou
5vaillant roy fust sceue.
Or vous parlerons de l’armée françoise, qui estoit
sus mer.
§ 779. Droitement la vigile Saint Pière et Saint
Pol, vinrent li François prendre terre à un port en
10le conté d’Exesses, vers les marces de la conté de
Kent, à une assés bonne ville plainne de peskeurs
et de maronniers, que on dist Rie. Si le pillièrent et
robèrent et ardirent toute entierement, puis rentrèrent
en leurs vaissiaus et rentrèrent en mer, et prisent le
15parfont et les costières de Hantonne, mès point n’i
approcièrent à celle fois.
Quant les nouvelles en vinrent à Londres, où tous
li pays s’assambloit pour couronner leur signeur le
jone Richart, si en furent toutes gens durement
20esmeu, et disent ensi li signeur et toutes gens d’un
acord: «Il nous fault haster de couronner nostre
roy, et puis aler contre ces François, ançois que il
nous portent plus grant damage.» Si fu couronnés
ou palais, et en le capelle de Wesmoustier, à roy
25d’Engleterre li jones Richars, le VIIIe jour dou mois
de jule l’an dessus dit, en l’onsime an de son eage;
et fist ce jour li dis rois Richars nuef chevaliers et
cinc contes. [Les chevaliers ne sçay je mie bien nommer;
si m’en tairay, mais les contes vous nommeray:
30premierement] monsigneur Thumas, son oncle,
conte de Boukinghem; monsigneur Henri, signeur
[233] 233 de Persi, conte de Northombrelande; monsigneur
Thumas de Hollandes, son frère, conte de Kent;
monsigneur Guichart d’Angle, son mestre, conte de
Hostidonne; et le signeur de Montbrai, conte de
5Notinghen.
Tantost apriès celle feste et le couronnement dou
roy, on ordonna li quel iroient à Douvres pour là
garder le passage, et li quel iroient d’autre part. Si
furent esleu li contes de Campbruge et li contes de
10Boukinghen, li doi frère, d’aler à Douvres, à tout
quatre cens hommes d’armes et sis cens archiers, et
li contes de Sallebrin et messires Jehans de Montagut,
ses frères, à une aultre ville et bon port, que on
dit Pesk, atout deus cens hommes d’armes et trois
15cens archiers.
Or vous parlerons des François, comment il esploitièrent,
entrues que ces ordenances se fisent et li couronnemens
dou jone roy, où on detria environ dis
ou douse jours, ançois que chil signeur fuissent et
20leurs gens où il devoient aler, excepté messires Jehans
d’Arondiel. Chilz [là] fu toutdis tous quois
avoech ses gens et se carge à Hantonne, et bien il [y]
besongna; car, se il n’i euist esté en l’estat que je vous
di, la ville euist estet destruite des François, car il
25vinrent prendre terre en l’isle de Wiske, et là s’arrestèrent,
et misent leurs chevaus hors de leurs nefs,
pour courir sus le pays, et y coururent et ardirent
ces villes que je vous nommerai: Lemonde, Dartemonde,
Pleumonde et Wesmue, qui estoient bon
30gros village. Si les pillièrent et robèrent, et y prisent
sus le pays et ens es dittes villes pluiseurs riches
hommes à prisonniers, et puis s’en retournèrent à
[234] 234 leur navie et misent ens tout leur conquès et leurs
chevaus, et rentrèrent ens, et se desancrèrent, et s’en
alèrent vers Hantonne. Si cuidièrent là arriver de
l’autre marée, et vinrent devant le havene, et fisent
5grant samblant de prendre terre. Messires Jehans
d’Arondiel et ses gens, qui estoient tout avisé de leur
venue, car il les avoient veu nagier sus mer et prendre
lor tour pour ariver et prendre terre à Hantonne,
estoient tout ordené et armé et mis en bataille devant
10le havene. Là eut un petit d’escarmuce, et veirent
bien li François que il n’i pooient riens conquerir:
si se retraisent et se boutèrent en mer, en costiant
Engleterre et en revenant vers Douvres. Si singlèrent
tant, que il vinrent à un autre port que on dist Pesk,
15où il y a une bonne ville, et veurent là prendre terre;
mais messires Guillaumes de Montagut, contes de
Sallebrin, et messires Jehans, ses frères, et leurs gens
leur furent au devant et se misent ordonneement en
bataille pour yaus attendre. Là eut un petit escarmuciet,
20mais ce ne fu point gramment; car il rentrèrent
en mer et singlèrent [aval] en costiant Engleterre
et en approchant Douvres. Là sont pluiseur
village sus coste seans sus mer, qui, en leur venant,
euissent esté tout ars et gasté, mais li contes de
25Sallebrin et ses frères et leurs gens les poursievoient
et costioient as chevaus; et quant il voloient
prendre terre, chil leur estoient au devant, qui leur
deffendoient vaillamment, et remoustrèrent bien que
c’estoient droites gens d’armes et de bonne ordenance,
30et qui avoient à garder l’onneur de leur pays.
§ 780. Tout ensi en costiant Engleterre, messires
[235] 235 Jehans de Viane et messires Jehans de Rays et li amiraus
d’Espagne herrioient le pays et mettoient grant
entente et grant painne à ce que il peuissent prendre
terre sus Engleterre à leur plus grant avantage. Et
5tant alèrent en cel estat, qu’il vinrent à un bon gros
village sus mer, et où il y a une bonne riche priorie,
que on dist Lyaus. Là estoient les gens dou pays
venu et recueillié avoeques le prieus de Lyaus et deus
chevaliers, par le quel conseil il se voloient ordonner
10et combatre, se li François venoient. Li chevalier
estoient nommet messires Thomas Cheni et messires
Jehans Afasselée. Là ne peurent li contes de Sallebrin
ne ses frères venir à temps, pour les divers chemins
et le mauvais pays qui est entre Lyaus et le marce,
15où il se tenoient. Là vinrent à ce port li dessus dit
François et leurs gallées moult ordonneement et ancrèrent
dou plus priès de terre qu’il peurent, et prisent
terre, vosissent ou non li Englès, qui leur deffendirent
ce qu’il peurent. Là eut à l’entrer en la
20ville grant hustin et force escarmurce et pluiseurs
hommes navrés des François à ce commencement
par le trait; mais il estoient si grant fuison qu’il
reculèrent leurs ennemis, li quel se recueillièrent moult
faiticement en une place devant le moustier, et attendirent
25leurs ennemis, li quel s’en vinrent sus yaus
hardiement combatre main à main très ordonneement.
Là furent faites pluiseurs grans apertises
d’armes des uns et des aultres, et se deffendirent li
Englès moult bien selonch leur quantité, car il n’estoient
30que un petit ens ou regard des François: si se
prendoient priès de bien faire la besongne. Ossi li
François avoient, avoecques le bon desir, grant entente
[236] 236 d’yaus porter damage. Là obtinrent il le place,
et furent li Englès desconfi, et en y eut bien deus
cens mors et grant fuison de pris des plus notables,
riches hommes de le marce, qui là estoient venu
5pour leur corps avancier; et furent pris li doi chevalier
et li prieus. Si fu li ville de Lyaus toute courue,
arse et destruite, et aucun petit village marcissant
illuech. Et puis, quant la marée fut revenue, il
estoient ja rentré en leurs vaissiaus, il se desancrèrent,
10et si se partirent de Lyaus et en menèrent leur
pillage et leurs prisonniers, par les quels il sceurent
la mort dou roy d’Engleterre et le couronnement
dou roy Richart.
Adont messires Jehans de Viane s’avança de segnefiier
15ces nouvelles au roy de France. Si fist partir un
sien chevalier et trois escuiers, qui portoient lettres
de creance, en une grosse barge espagnole qui traversa
la mer, et vint arriver au Crotoi desous Abbeville:
là prisent il terre, et montèrent as chevaus, et
20chevaucièrent viers la cité d’Amiens sans entrer en
Abbeville, et esploitièrent tant par leurs journées que
il vinrent à Paris. Là trouvèrent il le roy [de France],
le duch de Berri, le duch de Bourgongne et le duch
de Bourbon, et grant fuison de nobles signeurs: si
25fisent leur message bien et à point, et furent bien
creu parmi les lettres de creance qu’il portoient.
Quant li rois de France sceut le mort de son adversaire
le roy d’Engleterre, et le couronnement dou roy
Richart, si ne fu mies mains pensieus que devant,
30non que ce li touchast noient, mais il se voloit
acquitter de le mort son cousin le roi d’Engleterre,
le quel, le paix durant, il appelloit frère; et
[237] 237 li fist faire son obsèque ossi poissamment et ossi
notablement, en le Sainte Chapelle de Paris, que dont
que li rois d’Engleterre euist esté ses cousins germains,
et là remoustra li rois de France qu’il estoit
5plains de toute honneur, car il s’en fust bien passés
à mains, se il volsist.
Or parlerons nous de monsigneur Jehan de Viane,
et compterons comment il persevera.
§ 781. Apriès le desconfiture de Lyaus, ensi que
10vous avés oy, [les François] rentrèrent en leur navie et
singlèrent devers Douvres, où tous li pays estoit assamblés,
et là estoient li doi oncle dou roy, li contes
de Campbruge et li contes de Boukinghen, et bien
quatre cens lances et huit cens arciers, et euissent
15volentiers veu que li François se fuissent avancié
pour là prendre terre. Et avoient ordené ensi qu’il
ne leur deve[e]roient point à prendre terre pour combatre
mieus à leur aise; car il se sentoient fors assés
pour yaus recueillier. Si se tenoient tout quoi en le
20ville, ordonné par manière de bataille, et veoient
bien avant en le mer la navie monsigneur Jehan de
Viane, qui approçoit et venoit avoech le mer tout
droit vers Douvres. Si se tenoient li signeur et li Englès,
qui là estoient, pour tout conforté qu’il venroient
25jusques à là et que il aroient bataille; et furent
voirement devant le havene et droit à l’entrée, et
n’eurent point conseil de prendre là terre, mais tournèrent
leurs singles, et s’en vinrent de celle marée
tout droit devant Calais, et là ancrèrent. De quoi cil
30de le ville de Calais furent moult esmervilliet, quant
il les veirent si soudainement là venir, et se coururent
[238] 238 tantost armer et appareillier, car il cuidoient
avoir l’assaut, et cloïrent leurs portes et leurs barrières,
et furent en grant effroi; car messires Hues de
Cavrelée, qui pour ce temps estoit chapitainne de
5Calais, n’i estoit point, mais il revint au soir, car en
che propre jour, il avoit chevaucié hors devant Saint
Omer, en se compagnie messires Jehan de Harleston,
gouvreneur de Ghines, et li sires de Gommegnies,
chapitainne d’Arde. Si fu fais nouviaus chevaliers en
10celle chevaucie li ainsnés filz le signeur de Gommegnies,
messires Guillaumes: si retournèrent au
soir sans riens faire, fors yaus moustrer ces chapitainnes
en leurs garnisons: si trouva, ensi que je
vous di, messires Hues de Cavrelée celle grosse navie
15de France et d’Espagne devant Calais. Si fisent bon
ghet et grant, celle première nuit, et à l’endemain,
toute jour furent il armé, car il cuidièrent avoir l’assaut
et le bataille. On supposoit adont en France, et
ossi le cuidièrent bien adont li Englès de Calais, que
20ceste armée par mer deuist assegier Calais; mais,
quant il eurent là esté à l’ancre huit jours, au
VIIIe jour leur leva uns vens qui les prist soudain[ne]ment,
et les couvint par force partir, tant estoit li
vens fors et durs et mauvais, et li fortune de le mer
25perilleuse. Si se desancrèrent et levèrent les singles, et
se misent aval vent. Si furent moult tost eslongié, et
vinrent de celle course prendre terre et ferir ou havene
de Harflues en Normendie. Ensi se desrompi
pour celle saison li armée de mer dou roy de France;
30ne je n’ai point oy parler qu’il en fesissent plus en
grant temps.
[239] 239 § 782. Vous avés bien oy parler et recorder comment
messires Jehans de Graili, dis captaus de Beus,
fu pris devant Subise en Poito de l’armée Yewain
de Galles et Radigho de Rous, et comment il fu
5amenés à Paris comme prisonniers et mis en le tour
dou Temple, et là bien gardés. Trop de fois li rois
d’Engleterre et ses consaulz offrirent pour li le conte
de Saint Pol et encores trois ou quatre [chevaliers]
prisonniers, qu’il n’euissent mies rendus pour cent
10mil frans, mais li rois de France n’en voloit riens
faire; car il sentoit le captal de Beus trop durement
un bon chapitainne de gens d’armes et grant guerrieur,
et que par lui, se il estoit delivrés, se feroient
trop de belles recouvrances et recueilloites de gens
15d’armes, car, sus cinc jours ou huit, uns tel chevaliers
comme le captal, estoit bien tailliés, par se hardie
emprise, d’entrer en un pays et de courir et de
porter cent mil ou deus cens mil frans de damage.
Se le voloit tenir en prison, et li prommettoit bien
20que jamais ne partiroit de là, se il ne se tournoit françois;
mais, se il voloit estre françois, il li donroit en
France si grant terre et si belle revenue, que bien li
deveroit souffire, et le marieroit hautement et richement.
Li captaus respondoit que ja, se il plaisoit à
25Dieu, ne feroit ce marchié; et puis remoustroit courtoisement
as chevaliers qui le venoient veoir, comment
on ne li faisoit mies le droit d’armes, quant par
bataille et en servant loyaument son signeur, ensi que
tout chevalier doient faire le leur, il estoit pris, et on
30ne le voloit mettre à finance, et que ce on vosist remoustrer
au roy de France que on ne li faisoit mies
la cause pareille que li rois d’Engleterre et si enfant
[240] 240 avoient dou temps passet fait à ses gens, tant de monsigneur
Bertran de Claiekin que des autres des plus
nobles de tout le royaume de France, qui n’estoient
mies mort en prison, ensi que on li faisoit morir et
5perdre son temps villainnement. Li chevalier de
France qui le venoient veoir, au voir dire, en avoient
pité et disoient bien qu’il remoustroit raison; et par
especial, li escuiers qui l’avoit pris, qui s’appelloit
Pières d’Auviller, qui moult apers homs d’armes estoit
10et qui eu n’en avoit pour se prise que douse cens
frans, disoit bien que on faisoit au captal tort, quant
on ne le mettoit à finance courtoise, selonch son
estat; et en avoit tel pité, où il en ooit parler et comment
il faisoit ses regrés, qu’il amast mieulz que il ne
15l’euist onques pris.
Si fu en especialité remoustré au roy et priiet par
pluiseurs bons chevaliers de son royaume, que il
vosist estre plus douls au captal que il n’avoit esté;
car, par droit d’armes, toutes gens disoient que on
20li faisoit tort. Li sires de Couci, sicom je fui adont
enfourmés, y trouva un moiien, car li rois de France
qui adont se rafrena un petit, demanda quel grasce
on li poroit faire; et li dis sires de Couci respondi et
dist: «Sire, se vous li faisiés jurer que jamais ne
25s’armast contre le royaume de France, vous le poriés
bien delivrer, et se feriés vostre honneur.»—«Et
nous le volons, dist li rois, mais qu’il le voeille.»
Adont fu demandé à monsigneur le captal s’il se vorroit
obligier en ceste composition; li captaus respondi
30qu’il en aroit avis. En ce terme qu’il s’en devoit
aviser, tant de merancolies et d’abusions le prisent
et aherdirent de tous lés, qu’il en entra en une petite
[241] 241 maladie frenesieuse, et ne voloit ne boire ne mengier.
Si afoibli [du corps] durement, et entra en une
langueur qui le mena jusques à mort. Ensi morut prisonniers
li captaus de Beus. Se li fist faire li rois de
5France son obsèque moult honnourablement et ensepelir,
pour le bien et pour la vaillance dou dit
captal, et ossi il estoit dou sanch et dou linage dou
roy, dou costé dou conte de Fois et d’Arragon, par
quoi il y estoit le plus tenus.
10§ 783. En celle saison que la guerre de France et
d’Engleterre fu renouvelée, et que messires Jehans de
Viane, sicom chi dessus est dit, couri et ardi en Engleterre,
et qu’il eut esté devant Calais et qu’il se fu
retrais en Normendie, messires Hues de Cavrelée,
15chapitainne de Calais, et messires Jehans de Harleston,
chapitainne de Ghines, et li sires de Gommegnies,
chapitainne d’Arde, avoecques leurs gens, couroient
souvent sus le pays devant Saint Omer, devant
Tieruane, en le conté de Saint Pol, en le conté
20d’Artois et de Boulongne; ne riens ne demoroit devant
yaus dehors les forterèces, que tout ne fust pris
et pilliet et amenet en leurs garnisons; de quoi les
plaintes en estoient venues et venoient encores tous
les jours au roy de France. Li rois, à qui ces choses
25desplaisoient et qui voloit obviier à ce, s’en conseilla
à aucuns de son royaume, comment on poroit à ces
garnisons englesces, estans en le marce d’Artois et de
Calais, porter damage. On li dist que la bastide [d’Arde]
estoit bien prendable, mais que on y alast caudement
30sans ce que chil de Calais en sceuissent riens; car on
avoit entendu par aucuns [chapitaines et] compagnons
[242] 242 de le garnison qui s’en estoient descouvert,
que elle n’estoit point bien pourveue d’arteillerie;
car li sires de Gommegnies, qui chapitains en estoit,
en avoit esté moult negligens. Ces parolles plaisirent
5moult bien au roy, et dist que il y envoieroit hasteement.
Lors li fu dit que ce fust secretement, par quoi
nouvelles n’en fuissent ou pays devant ce que on fust
venu là; et, se on pooit tant faire que on l’euist françoise,
on ne se doubtoit noient que on ne deuist
10tout reconquerre jusques as portes de Calais; et, se
on estoit signeur des frontières, on aroit milleur
avantage pour constraindre Calais.
Adont li rois, tous avisés et pourveus de son fait,
mist sus une grande assamblée de gens d’armes, et
15escrisi à son frère le duch de Bourgongne qu’il se
traisist à Troies en Campagne, et là fesist ses pourveances,
car il voloit qu’il fust chiés de toutes ces gens
d’armes. Li dis dus obeï au commandement dou roy,
ce fu raisons, et s’en vint à Troies, et là vinrent tout
20li Bourghegnon qui en furent priiet et mandet, et ossi
delivret et paiiet tout sech de leurs gages pour trois
mois. D’autre part, li rois fist son mandement, à
Paris, des Bretons et des François, et là furent ossi
tout prestement paiiet de leurs gages, et des Vermendisiens
25et Artisiens en le cité d’Arras. Adont s’avalèrent
li dus de Bourgongne et ses gens de Troies et
vinrent à Paris; si se misent là ensamble Bourghegnon,
Breton et li François, et sceurent adont aucuns
des chapitains, et ne mies tous, quel part il devoient
30aler. Si se departirent sus le darrainne sepmainne
d’aoust, et s’en vinrent à Arras en Pikardie, et de là
à Saint Omer. Si se trouvèrent bien vint cinc cens
[243] 243 lances de bonne estoffe, pourveu de quanques il
apertenoit as gens [d’armes, et toute fleur de gens]
d’armes, chevaliers et escuiers. Si se departirent de
Saint Omer sus un samedi moult ordonneement et
5arreement, et s’en vinrent devant Arde.
Cil de le garnison d’Arde ne s’en donnoient de
garde, quant il les veirent tous rengiés et ordonnés
devant leur ville, et si belles gens d’armes, et si grant
fuison que c’estoit grans merveilles. Là estoient
10avoech le duch de Bourgongne, que je ne l’oublie,
tout premiers, banerès bourghegnons, le conte de
Geneve, le conte de Grantpret, monsigneur Loeis
de Chalon, le signeur de le Rivière, le signeur de
Vregi, monsigneur Thiebaut dou Noefchastiel, messires
15Hughe de Viane, Pière de Bar, le signeur de
Sombrenom, le signeur de Poises, le signeur d’Englure,
le signeur de Rougemont; et puis banerès bretons,
le signeur de Cliçon, le signeur de Biaumanoir,
le signeur de Rocefort, le signeur de Rieus, messires
20Charles de Dignant; banerès normans, le signeur de
Blainville, mareschal de France, le signeur de Hanbiie,
le signeur de Riville, le signeur d’Estouteville,
le signeur de Graville, le signeur de Clères, le signeur
d’Ainneval, le signeur de Friauville; banerès françois,
25monsigneur Jakeme de Bourbon, monsigneur
Hue d’Antoing, le conte de Dammartin, messire
Charles de Poitiers, le senescal de Haynau, le signeur
de Wavrin, le signeur de Helli, le signeur de le Fère,
l’evesque de Biauvais, monsigneur Hue d’Amboise,
30le signeur de Saint Digier; Vermendisiens, le signeur
d’Aufemont, le signeur de Moruel, le visconte des
Kesnes, le signeur de Fransures, le signeur de Rainneval;
[244] 244 Artisiens, le visconte de Miaus, le signeur de
Villers, le signeur de Cresèkes; et là estoient tout
chil baron en tel arroi et si bien acompagnié, que
merveilles seroit à recorder. Si se logièrent li pluiseur
5de fueillies, et li aultre de nient fors au nu chiel,
car il voloient moustrer qu’il ne seroient mies là longement
et qu’il assauroient continuelment, car il
fisent drechier et appareillier leurs canons, qui portoient
quarriaus de deus cens de pesant.
10§ 784. Quant li sires de Gommegnies se vei ensi
environnés de telz gens d’armes et de si grant fuison,
dont il ne se donnoit garde, et si sentoit sa forterèce
mal pourveue d’arteillerie, si se commença à esbahir,
et demanda conseil à ses compagnons comment il
15s’en cheviroit, car il ne veoit mies que longhement
[contre telz gens d’armes] il se peuist tenir. Avoecques
lui estoient troi chevalier de Haynau, assés appert
homme d’armes, messires Eustasses, sires de Viertain,
et messires Pières, [ses frères], et messires Jakemes
20dou Sart, et pluiseur bon escuier et apert, qui
estoient en bonne volenté d’yaus deffendre.
Che premier jour que li François furent venu devant
Arde, s’en vint li sires de Hangès, uns moult
apers chevaliers vermendisiens, armés de toutes
25pièces, le lance ou poing, montés sus un coursier,
courir jusques as barrières d’Arde, et dist, quant il
fu là venus en fretillant et remuant son coursier, par
quoi il ne fust avisés dou trait: «Entre vous, Haynuier
englès, que ne rendés vous ceste forterèce à
30monsigneur de Bourgongne?» Adont respondirent
doi escuier frère qui là estoient, Yreus et Hustins
[245] 245 dou Lay: «Nous ne le renderons pas ensi, non.
Pensés vous que nous soions desconfi pour ce que
vous estes chi venu grant fuison de gens d’armes?
Dittes au duch de Bourgongne qu’il ne l’ara pas si
5legierement qu’il cuide.» Adont respondi li sires de
Hanghet, et dist: «Sachiés que, se vous estes conquis
par force, ensi que vous serés, il n’est mies doute, se
nous vous assallons, il n’i ara homme nul pris à
merchi; car je l’ay ensi oy dire monsigneur le duch
10de Bourgongne.» A ces parolles retourna li sires de
Hanghet.
§ 785. Je vous voeil recorder comment cil d’Arde
finèrent. Là estoit en l’ost li sires de Rainneval, cousins
germains au signeur de Gommegnies, qui savoit
15en partie l’entention dou duch. Si s’avança de venir
vers son cousin, et fist tant que il y eut assegurances
d’yaus deus, et parlementèrent dedens la ville d’Arde
moult longement ensamble; et là remoustra li sires
de Rainneval au signeur de Gommegnies, en grant
20especialité et fiance de linage, comment li dus et tout
chil de l’ost le maneçoient et ses gens ossi, non pas
pour prendre raençon se par force estoient conquis,
mais de tous faire morir sans merchi: se li prioit qu’il
se vosist aviser et laissier consillier et rendre le
25forterèce; si s’en partiroient ilz et ses gens sauvement, et
se osteroient de grant peril, car confors ne secours
ne leur apparoit de nul costé. Tant le preeca et sermonna
que sus assegurances il l’amena parler au
duch de Bourgongne et au signeur de Cliçon. Là entrèrent
30en trettiés, et n’en volt adont li sires de Gommegnies
riens avoir en couvent sans le sceu de ses
[246] 246 compagnons. Si retourna dedens Arde, et remoustra
as chevaliers et escuiers qui là estoient, toutes les
parolles et raisons de quoi on l’avoit aresné, et comment
on les maneçoit: si voloit savoir quel cose il
5en diroient. Li aucun li consilloient dou rendre, et li
aultre non, et furent plus de deus jours en fait contraire,
et disoient bien li aucun qu’il se porteroient
trop grant blasme, se il se rendoient si legierement
sans estre assalli, et que jamais ne seroient en nulle
10place creu ne honneré. Li sires de Gommegnies respondoit
que il avoit oy jurer moult especialment le
duch de Bourgongne que, se on aloit jusques à l’assallir,
jamais à yaus rendre ne la forterèce, il ne venroient
à temps qu’il ne fuissent tout mort, se de force
15il estoient pris: «Et vous savés, signeur, que cheens
n’a point d’arteillerie, qui ne fust tantost alevée.» Là
disoient li compagnon: «Sire, vous en avés mal
songnié; c’est par vostre negligense.»
Adont s’escusoit li sires de Gommegnies, et disoit
20que ce n’estoit mies sa defaute ne sa coupe, mais
celle dou roy [d’Engleterre, le roy] Edowart et de son
conseil, car il leur avoit bien dit et moustré en celle
anée par pluiseurs fois, comment dedens Arde il en
estoient mal garni: «Et, se de ce il ont esté negligent,
25ce n’est mie ma coupe, mais la leur, et m’en
vorroie bien escuser par yaus.» Que vous feroi je
lonch parlement de ceste aventure? Tant fu trettié et
pourparlé, parmi l’ayde et pourchac dou signeur de
Rainneval, qui fist tant, que Arde se rendi. Et s’en
30partirent chil qui partir vorrent, et especialment li
quatre chevalier et tant li compagnon saudoiier, et
furent conduit jusques à Calais de monsigneur Gauwinet
[247] 247 de Bailluel. Si demorèrent chil de le nation de
le ville sans riens pierdre dou leur, et en prisent li
François la saisine et possession, li sires de Cliçon et
li mareschaus de France. Si furent moult resjoï li
5François et tous li pays de la prise d’Arde.
§ 786. Ce propre jour que Arde se rendi, tout
caudement s’en vinrent quatre cens lances devant un
aultre petit fort, que on dist le Planke, où il avoit
Englès qui le gardoient. Si furent environné de ces
10gens d’armes, et leur fu dit qu’il ne savoient que
faire de tenir, car Arde s’estoit rendue, et fuissent
tout segur que, se il se faisoient assallir, il seroient
tout mort sans merchi. Quant cil de le Planke oïrent
ces nouvelles, si furent esbahi moult durement, et se
15conseillièrent entre yaus, et regardèrent que il n’estoient
que un petit de compagnons et n’avoient mies
trop forte place: si valoit trop mieulz que il se rendesissent
salves leurs vies et le leur, puis que Arde estoit
rendue, que il feissent pieur marchié. Si rendirent
20la forterèce, salve leurs vies et le leur, et furent conduit
oultre parmi ce trettié pour le peril des rencontres
jusques à Calais; puis prisent li François le
saisine de le Planke, et disent entre yaus que bien il
le tenroient parmi l’ayde d’Arde et des aultres forterèces
25qu’il prenderoient encores. A l’endemain s’en
vinrent li François devant Bavelinghehem, un chastiel
biel et fort en le conté de Ghines, que li Englès
tenoient, et n’i furent mies tout à celle empainte,
car li dus de Bourgongne estoit encores demorés
30derrière et entendoit as ordenances de Arde et au
regarder quels gens y demorroient, et comment on le
[248] 248 poroit tenir contre les Englès. Chil qui vinrent devant
Bavelinghehem, estoient bien douse cens combatans:
si environnèrent le chastiel et fisent grant
samblant de l’assallir. A Bavelinghehem avoit fossés
5et grans rouleis, ançois que on peuist venir jusques as
murs; mais chil François, targiet et paveschiet, passèrent
oultre et rompirent les roulleis et pertruisièrent
les murs. Quant li Englès, qui dedens estoient, se
veirent assalli de tel façon et entendirent que cil
10d’Arde et de le Planke s’estoient rendu, si furent
tout esbahi et entrèrent en trettiés devers ces François.
Finablement il rendirent le chastiel, salve leur
vies et le leur, et deurent estre conduit jusques à
Calais, ensi qu’il furent, et li François prisent le
15possession de Bavelinghehem, qui s’en tinrent tout
joiant.
En apriès, on vint devant un autre petit fort que on
appelle le Haie, mais on trouva que li Englès s’en
estoient parti et avoient bouté le feu ens. Adont s’en
20vint li dus de Bourgongne, et en se compagnie tout
chil baron dessus nommé, et leurs routes, devant
Oudruich, un biau chastiel et fort, douquel troi
escuier englès, que on dist les trois frères de Maulevrier,
estoient chapitain et gardiien, et avoient
25avoecques yaus de bons compagnons. Quant li dus
de Bourgongne et ses gens furent venu jusques à là,
il l’environnèrent, et leur fu demandé à chiaus dou
fort se il se renderoient, et que cil d’Arde et de
Bavelinghehem estoient rendu. Il respondirent que il
30n’en faisoient compte et qu’il ne savoient riens de
cela et que point ne se renderoient ensi. Quant on
oy ceste response, adont se logièrent toutes manières
[249] 249 de gens, ce fu par un merkedi, et le joedi toute jour
on regarda comment on les poroit assallir.
Cilz chastiaus de Oudruich siet sus une mote, environnés
de fossés plains d’aigue bien parfons, qui
5n’estoient mies legier à passer; mais li Breton s’afioient
que bien les passeroient. Adont fist li dus de
Bourgongne drecier ses canons et traire ne sçai cinc
ou sis quariaus pour plus effraer chiaus de dedens.
Si en y eut de ces quariaus qui, par force de trait,
10passèrent oultre les murs et les pertruisièrent. Quant
cil dou chastiel veirent la forte artellerie que li dus
avoit, si se doutèrent plus que devant, mais toutdis
jusques au dimence fisent il grant samblant d’yaus
tenir et deffendre.
15Entrues ordonnèrent li François, et avoient ja ordené
toute lor besongne pour avoir l’avantage d’yaus
assallir, grant fuison de bois, de mairiens, de velourdes
et d’estrain pour raemplir les fossés, et
estoient ja les livrées parties pour aler assallir et
20delivrées, ensi que usages est en telz besongnes, et savoit
cescuns quel cose il devoit faire, et ja jettoient li
kanon, dont il y avoit jusques à set, quariaus de deus
cens de pesant, qui pertruisoient les murs, ne riens
ne duroit devant yaus, quant li troi frère de Maulevrier
25se misent en trettiet envers le duc, et m’est avis
qu’il rendirent la forterèce, salves leurs vies et le leur,
et furent conduit des gens le duch de Bourgongne
jusques à Calais.
Vous devés savoir que messires Hues de Cavrelée,
30capitainne de Calais, et les gens de celi ville furent
moult esmervilliet, quant si soudainnement il se veirent
en leur marce desgarni de cinc chastiaus, et leur
[250] 250 vint trop grandement à desplaisance, et par especial
de le bastide d’Arde, qui leur avoit esté dou temps
passé uns grans escus et confors contre les Artisiens,
et n’en savoient que supposer, car li sires de Gommegnies,
5comment que en devant il l’amaissent,
creissent et honnourraissent tant qu’à merveilles, il
estoit maintenant tout hors de leur grasce, et en
murmuroient li aucun villainnement sus se partie
et tant, que, lui estant à Calais, il s’en donna bien de
10garde et perchut bien que li Englès le regardoient
fellement sus costé, tant qu’il en parla et s’en conseilla
à monsigneur Hue de Cavrelée. Messires Hues
le conseilla loyaument, et li dist: «Sire de Gommegnies,
nullement je ne vous oseroie conseillier dou
15contraire pour vostre honneur que vous n’alés en
Engleterre, et remoustrés tout le fait, ensi qu’il va, au
duch de Lancastre et au conseil dou roy, par quoi
vous en soiiés escusés de yaus et dou pays, et que
vous en demorés sus vostre droit et à vostre honneur.
20On piert bien par fait de guerre plus grant cose que
la bastide d’Arde ne soit, ne Bavelinghehem ne Oudruich.
Si remoustrés vostre escusance de bonne façon,
car vous arés assés à faire à vous escuser contre
le pays; car toutes gens ne sevent mies comment, en
25tel parti d’armes, on se poet ne doit maintenir: si
en parollent li aucun, tel fois est, plus largement qu’à
yaus n’apertiegne.»
§ 787. Li sires de Gommegnies retint en grant
bien tout ce que messires Hues de Cavrelée li dist, et
30ordonna ses besongnes pour passer oultre en Engleterre,
et renvoia monsigneur Guillaume, son fil, le
[251] 251 signeur de Vertain et son frère, messire Jakeme dou
Sart et tous les compagnons de Haynau, qui retournoient
simple et couroucié, ensi que compagnon et
gens d’armes qui ont perdu leur saison pour un grant
5temps; et li sires de Gommegnies passa oultre en
Engleterre: si se remoustra au duch et au conseil dou
roy. Se li fu dit à ce commen[cement] que il avoit mal
esploitié, et fu grandement acqueilliés de chiaus de
Londres de le communauté, qui ne considèrent mies
10toutes coses, ensi que elles poeent avenir; mais li dus
de Lancastre ses escusances à porter oultre li aida
telement, que il demora sus son droit; car on trouva
bien que dou rendage d’Arde il n’avoit recheu or ne
argent, et que tout ce que il en fist, ce fu par composition
15et trettié, et pour eskiewer plus grant damage
pour lui et pour ses compagnons.
Or vous parlerons dou duch de Bourgongne, comment
il persevera.
§ 788. Quant li dus de Bourgongne eut fait ceste
20chevaucie en le marce de Pikardie, en celle saison
qui fu moult honnourable pour lui et pourfitable
pour les François de le frontière d’Artois et de Saint
Omer, il ordonna en cascun de ces chastiaus, dont
il tenoit le possession, chapitainnes et gens d’armes
25pour le tenir; et par especial en le ville d’Arde il y
establi à demorer le visconte de Miaus et le signeur
de Saint Pi. Chil le fisent remparer et fortefiier malement,
comment que elle fust forte assés devant.
Li rois de France, qui de ces nouvelles fu trop
30grandement resjoïs, et qui tint à belle et bonne ceste
chevauchie, envoia tantost ses lettres à chiaus de
[252] 252 Saint Omer, et commanda que la ville d’Arde fust
bien garnie et pourveue de toutes pourveances largement
et grandement. Tout fu fait ensi que il le commanda;
si se desfist ceste chevauchie. Mais li sires de
5Cliçon et li Breton ne desrompirent point leur route,
mais retournèrent dou plus tost qu’il peurent vers
Bretagne, car nouvelles estoient venues au signeur
de Cliçon et as Bretons, yaus estant devant Arde, que
Janekins, dis Clerc, uns escuiers d’Engleterre et bons
10homs [d’armes, estoit yssus] d’Engleterre et venus en
Bretagne et mis les bastides devant Brest: pour quoi
li Breton retournèrent dou plus tost qu’il peurent,
et en menèrent messire Jakeme de Werchin, le seneschal
de Haynau, avoecques yaus, et li dus de
15Bourgongne s’en retourna en France dalés le roy son
frère.
En ce temps, se faisoit une grande assamblée de
gens d’armes en le marce de Bourdiaus au mandement
dou duch d’Ango et dou connestable; car il
20avoient une journée arrestée contre les Gascons englès,
de la quele je parlerai plus plainnement, quant
j’en serai enfourmés plus veritablement.
FIN DU TEXTE DU TOME HUITIÈME
ET DU LIVRE PREMIER.
§ 669. Assés tost.—Ms. d’Amiens: Dont il avint que sitost que messires Bertrans fu creés connestables, il les ordonna à cevacier contre les Englèz et à aller garder les frontières du Mainne et d’Angho, car messires Robers Canolles et ses routtes tiroient à cevauchier celle part. Si se partirent de Paris et dou roy li doi dessus dit, à grant esploit et à grant fuisson de gens d’armez, et toudis leur en croissoit, car li roys leur en envoioit de tous lés. Si s’en vinrent li connestablez de Franche et messires Oliviers de Clichon en l’evesquet du Mans, et se loga li dis connestables en le cité du Mans, et li sires de Clichon en une autre garnison assés priès de là; et pooient y estre li Franchois bien cinc cens lanches de bonne gens d’estoffe. Si aprendoient tous les jours dou convenant des Englès, et entendirent que il n’estoient mies bien d’accord et s’espardoient par le fait d’un chevalier englèz, qui estoit en leur routte et bien acompaigniés, lequel on clammoit messire Jehan Mestrourde. Chils chevaliers n’estoit point dou chemin ne de le tenure des autrez, et desconsilloit le chevauchie à tous les compaignons de leur costé et disoit qu’il travilloient leur corps et riens ne faisoient, et que briefment il se retrairoit en Engleterre, car il ne faisoit sus l’ivier nul hostoiier. Nonobstant ce, messires Robiers Canolles et pluisseurs des autres chevaliers ne volloient mies tenir son pourpos, quoyqu’il en descoragast pluisseurs, mès volloient achiefver leur emprise à leur loyal pooir, et avoient entendu que li connestablez de France se tenoit en le chité du Mans atout gens d’armes et en vollenté que d’iaux combattre, siques messires Robers Canolles, pour tant qu’il n’avoit encorres sus tout son voiaige de France sceu à qui combattre ne respondre, s’avisa 256 qu’il venroit combattre les Franchois. Si segnefia son desir et sen entente as compaignons qui estoient adont sus le rivière de Loire, et par especial à monseigneur Hue de Cavrelée, qui se tenoit à Saint Mor sur Loire et à monseigneur Robert Cheny, et leur manda qu’il traissent avant, car il combateroit monsigneur Bertran et monsigneur Olivier de Clichon et les Franchois; et d’autre part ossi il le manda à monsigneur Thummas de Grantson et à monsigneur Joffroy Ourselée et à monsigneur Gillebert Griffart et à Jehan Cressuelle et à monsigneur Robert Ceni, mès oncques si secretement ne sceut faire son mandement ne ordonner ceste besoingne pour remettre ses gens enssemble, que messires Bertrans et li sires de Clichon ne fuissent tout aviset de leur chevauchie, et s’ordonnèrent seloncq chou, et se partirent un jour de le chité du Mans; et estoient bien quatre cens lanches de bonnes gens d’armes, et vinrent au devant de monsigneur Thummas de Grantson et de se routte, qui estoient bien deus cens lanches et otant d’archiers, et s’en venoient à esploit deviers l’abbeïe où messires Robers Canolles et leur grosse routte gisoient. Si trouvèrent d’encontre, à un villaige et sus un passaige que on appelle ou païs Pont Volain, les Franchois, le connestable de Franche et le signeur de Clichon et leurs gens qui estoient tous pourveus de leur fait. Quant li Englès virent lors ennemis, il ne daignièrent reculer ne fuir, mès se missent en arroy et en ordonnance de bataille bien et faiticement. Là eut des premiers venues grans joustes et tammaint homme reverssé à terre, de l’une part et de l’autre; et si trestost que les lanches leur furent fallies, il se traissent as espées et as haches, et puis se ferirent l’un dedens l’autre et se donnèrent grans horions sans yaux espargnier. Là eut bataille et hustin ossi dur et ossi fort, gens pour gens, que on euist veu de piecha, et se prendoit chacuns mout priès de bien faire le besoingne. Bien est voirs que li archier d’Engleterre au commencement traissent as Franchois pour yaux bersser et ouvrir, mès il estoient si fort armé que li très ne les greva oncques de riens. Là furent bon chevalier messires Bertrans de Claiequin et li sirez de Clichon, et y fissent tamainte[s] belles appertises d’armes et tinrent leurs gens en bon estat. Finablement li Englès furent là desconfi et ruet jus, et demora la place as Franchois; et y furent pris messire Thummas de Grantson et messires Gillebers Griffars, et messires Joffrois Ourselée, et Hues li Despenssierz, fils à monsigneur Huon le 257 Despenssier, et pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, et en y eut bien mors sour le place set vint. Puis retournèrent li Franchois deviers le chité du Mans, et enmenèrent leurs prisonniers, dont il avoient bien sis vint, tous gentilz hommes, ossi tout leur pillage. Ceste besoingne fu à Pont Volain sur le marce d’Ango et du Mainne, l’an mil trois cens et settante, le Xe jour d’octembre. Fos 171 ro et vo.
P. 1, l. 2: ravestis.—Ms. A 8: revestus. Fo 338 ro.—Ms. B 4: advertis.
P. 1, l. 10: chevauça.—Ms. A 8: chemina.
P. 2, l. 4: et tenure.—Ms. A 8: ne de l’accort. Fo 338 vo.
P. 2, l. 7: en vain et à petit.—Ms. A 8: à point.
P. 2, l. 14: Joffrois d’Urselée.—Ms. A 8: Geffroy Oursellée.
P. 2, l. 16: en sus.—Ms. A 8: arrière.
P. 2, l. 17: Alains.—Ms. A 8: Alains de Bouqueselle.
P. 2, l. 20: remesissions.—Ms. A 8: recueillissons.
P. 3, l. 2: Asneton.—Ms. A 8: Assueton.
P. 3, l. 3: discort.—Ms. A 8: desaccort.
P. 3, l. 9: il le segnefiièrent.—Ms. A 8: il segnefièrent celle besoingne.
P. 3, l. 24: se trouvèrent.—Ms. A 8: tournèrent.
P. 3, l. 30: ascourça.—Ms. A 8: escourcy.
P. 3, l. 32: ou pays le.—Ms. A 8: le pas.
P. 4, l. 1: courut sus et envay.—Ms. A 8: coururent sus et les envaïrent.
P. 5, l. 3: li plus.—Ms. A 8: les pluseurs. Fo 339 ro.
§ 670. Apriès celle.—Ms. d’Amiens: Quant les nouvellez vinrent à monsigneur Robert Canolle et à monseigneur Alain de Bouqueselle et as autres compaignons englès, que messires Thummas de Grantson et se routte avoient estet rencontré au Pont Volain, et là rués jus des Franchois, si en furent durement courouchié, ce fu raisson; et pour tant eurent il consseil qu’il se retrairoient et qu’il ne chevauceroient adont plus avant. De ceste avenue fu adont entre les Englès mout de parolles encouppés messires Jehans Mestreourde, et dissent li pluisseur qu’il estoit trop grandement cause de leur dammaige. Enssi se desrompi ceste chevauchie de monsigneur Robert Canolle, et se retraist au plus tost qu’il peut avoecques ses gens en Bretaingne devers 258 Derval, un sien castiel, fort mout malement, et donna à touttes ses gens congiet. Si rapasèrent le mer chacuns au plus briefment qu’il peurent, et s’en rallèrent en Engleterre, et se retrairent ens es marches dont il estoient parti; mès messires Alains de Bouqueselle s’en vint en le Basse Normendie en Constentin, à Saint Sauveur le Visconte, qui estoit à lui, car apriès le mort de monsigneur Jehan Camdos, li roys englès li donna. Si se tint là li dis messires Alains un grant tamps, et puis rapassa le mer et revint en Engleterre deviers le roy. Quant messires Bertrans de Claiequin et li sires de Clichon virent que li Englès estoient retrait et leur cevaucie toutte anullée, et que il n’aparoit point que ceste yvier il se remesissent enssamble, si donnèrent à touttes leurs gens congiet, et puis s’en revinrent en Franche deviers le roy, qui les festia et reçupt liement, che fu bien raisson, car il avoient bien gardé et deffendu le frontière contre les Englès. Et amenèrent li dessus dit les chevaliers englès prisons qu’il tenoient, à Paris, et les recrurent bellement sur leurs fois, et les laissièrent aller et venir et chevauchier partout sans villain regart ne constrainte, ainsi que tout gentil homme par raisson doient faire li uns de l’autre, et sicomme Englès et Franchois en leur gherre ont eu toudis cel usaige; car mout courtois toudis ont il estet li ungs à l’autre: che ne sont mies li Allemant, car il sont dur et auster à leurs prisonniers, et les tiennent et mettent en ceps, en fiers, en buies et en grisillons, et leur font grieftés dou corps souffrir, à le fin qu’il em puissent plus presser de finanche.
De ceste avenue de Pont Volain et de le desconfiture des Englès acquist li connestables de Franche en se nouvelleté grant grasce de touttez gens, et meysmement li roys et tout si frère l’en honnourèrent mout. En ce tamps que il estoit nouvellement revenus à Paris, trespassa de ce siècle chil preux chevaliers franchois qui ja estoit tous vieux, qui bien est ramenteu chy dessus en ceste histoire en pluisseurs lieux, messires Ernoux d’Audrehen; et fu li roys de Franche à son obsèque à Paris, et ossi y eut grant fuisson de prelas, de contes et de barons, car il avoit estet ung grant temps marescaux de Franche, et bien s’estoit acquités en son offisce et en touttes places où il s’estoit trouvés. Fos 171 vo et 172 ro.
P. 5, l. 10: de Claiequin.—Ms. A 8: du Guesclin.
P. 5, l. 18: buies.—Ms. A 8: prisons.
P. 6, l. 11: ou.—Ms. A 8: dedens le. Fo 339 vo.
259 P. 6, l. 24: et grant travel à.—Ms. A 8: à sa delivrance de.
P. 6, l. 26: Quarentin.—Ms. A 8: Quarenten.
§ 671. En ce temps.—Ms. d’Amiens: Or vous parlerons d’une grant aventure qui advint adont à ce baron de Limozin, monsigneur Raimmon de Maruel, qui s’estoit tournés franchois. Enssi qu’il s’en raloit en son pays, il fu avisés et espiiés sus le chemin des gens monsigneur Hue de Cavrelée, adont senescaux de Limozin, et tant poursuiwis que pris et arestés et menés ent en Poito prisonniers, et mis en un fort castiel en le garde de monsigneur Thummas de Perssi, senescal de Poito, qui le prise dou dessus dit chevalier segnefia tantost au roy englès, pour savoir quel cose il volloit que on en fesist. Li roys, qui fu mout joieant de le prise monsigneur Rammon, manda à monsigneur Thummas qu’il li fuist envoiiés; car il le volloit pugnir si crueusement que tout li autre y prenderoient exemple; et de tout ce fu enfourmés messires Rammons en se prison, que li roys englès le volloit avoir pour lui faire morir. Si en estoit à grant destrèce de coer: c’estoit bien raison. Touttesfois, comme sages chevaliers et ymaginans, regarda le peril où il estoit et que de lui tant qu’au monde n’estoit noient: si s’aquitta et parlementa si bellement et si meurement à un escuier englès qui le gardoit, et li prommist et li jura sus se loyauté, mès qu’il le volsist delivrer de ce peril, qu’il li partiroit toutte se terre et revenue, moitiet à moitiet, et l’en ahireteroit lui et son hoir. Li Englès regarda qu’il n’estoit mies bien rice homs, et que cils li prommetoit grant proffit; si le convoita, et le delivra finablement et se mist avoecq lui en aventure, et ceminèrent une nuit bien set grans lieuwes tout à piés parmy ung bois. A l’endemain il fissent tant qu’il vinrent à le Roce de Pousoi, où messires Guillaummes dez Bordes et Caruel estoient. Si recorda messire Rammons sen aventure et comment li escuiers l’avoit sauvé. De ce furent li dessus dit moult joiant, et loèrent Dieu quant enssi il estoient escappet. Si furent là cinc jours dallés yaux. Entrues envoiea messires Raimmons en son pays querre chevaux et gens, et puis se parti et revint entreus ses amis qui en eurent grant joie, mès il faisoit otant honnourer l’escuier englès qui l’avoit gardé que soy meysmes, et li vot tenir ses couvens et li donner le moitiet de son hiretaige; mès cilz ne veult, et dist que ce seroit trop pour lui. Si prist tant seulement 260 deus cens livres de revenue sus le terre le seigneur de Maruel, et demora depuis toudis avoecq lui, et fu bons Franchois.
En ce tamps, et environ le Noël mil trois cens et settante, trespassa de ce siècle li pappes Urbains Vez, qui tant fu preudons, bons clers et hardis, et qui bien tint et garda à son pooir les drois de l’Eglise. Si fu esleus après lui en plain concitoire en Avignon li cardinaux de Biaufort à estre pappez, et le fu. Si i rendi li dus d’Ango, qui estoit adont à Villeneuve dallés Avignon, grant painne à se creation. Si fu creés à Saint Père le Ve jour de jenvier et appelles Grigoires XIemez. De ces nouvelles furent li roys de Franche et tout li royalme moult joyant, pour tant qu’il le sentoient bon Franchois et loyal. Assés tost apriès se creation, eut Rogiers de Biaufort, ses frères, grasce de lui venir veoir, qui estoit prisonniers au comte de Camtbruge de le prise de Limoges, et ossi eut messires Jehans de Villemur.
En ce tamps estoit en grant tretiet de pais ou de gerre li rois de Franche et li roys de Navarre pour aucunez terrez que li roys de Navarre demandoit à avoir et à tenir ou royaumme de Franche. Si s’en ensonnioient par cause de moiien li comtes de Salebruche et messires Guillaummez des Dormanz; tant fu parlementé et allé de l’un à l’autre que on les acorda, car on remonstra au roy de Franche qu’il valloit mieux qu’il se laiast à dire et aucune [chose] aller du sien, qu’il ewist guerre à son serourge, le roy de Navarre, car il avoit gerré assés as Englès. Si descendi li roys de Franche à l’opinion de ses gens, et pardonna au roy de Navarre son mautalent; et vint li dessus diz roys à Paris, où il fu grandement festiiez. Assés tost apriès fu acordés li mariages de ma dammoissele Jehanne de France, qui fu fille au roy Phelippe et de la roynne Blanche serour au roy de Navarre, au fil le roy Piere d’Aragon, et fu mout honnerablement envoiiée celle part, car elle estoit ante dou roy de France. Si s’en volloit li roys acquitter enssi qu’il fist moult grandement; mès elle trespassa sour le cemin: Dieu en ait l’ame!
En ce tamps et en celle saison, vinrent certainnez nouvelles en Gascoingne et en Acquittainne de par le roy Edouwart d’Engleterre, qui senefioit moult doucement à tous contes, viscontes, barons, chevaliers et communautéz des bonnes villez que, se li prinches de Galles, ses filz, les avoit de riens pressés ou grevés ou voloit faire, il leur amenderoit plainnement à leur vollenté; et, se chil qui estoient retourné franchois par povre avis ou 261 maise infourmation, se volloient recongnoistre et retraire à lui comme en devant, il leur pardonnoit tout son mautalent, et leur donnoit terme quatre mois de pourveanche pour yaux adviser; et du resort il volloit qu’il en fuist sour douse prelas et douse barons d’Acquittaine et douse barons d’Engleterre, et tout ce que cil trente et sis ordonneroient, il le tenroit ferme et estable à tous jours mès, et le feroit jurer ses enfans à tenir, et toutes plaintes, grieftés, expressions, que ses filz li prinches ou si offiscyer avoient fait, dont on voroit avoir amendement et restorier, il en feroit plainne satifaction, tant qu’il deveroit bien souffire. Et en avant il se voulloit rieuller, ordonner et deduire par l’avis et consseil des barons de Gascoingne et d’Acquittainne; et quittoit et anulloit tous fouages, tous cens et touttes expressions: et n’en volloit nulle, car il estoit rices et puissans assés pour yaux maintenir et gouvrener sans nul avantage. Telz paroles et tretiés de pès entre lui et chiaus d’Acquittainne fist li roys englès adont jeter et semer ens es ces terrez dessus dites, et les fist publier tout parmi le païs, les chités [et] les bonnes villes, et estoient ces lettres bien escriptez et grossées et scellées par seaux autentiques dou roy englèz premierement et des plus grans d’Engleterre. Mès, quoyqu’il fust segnefiiés et publiiés, je n’oy oncques dire que nulx s’en retournast englès, qui devenu estoient franchois; mès se retournèrent tous les jours franchois, si tost qu’il pooient avoir un peu de laisseur pour venir en France. Fo 172 ro et vo.
P. 7, l. 6: et menés ent.—Ms. A 8: et amenez.
P. 7, l. 12: punition.—Ms. A 8: vengence.
P. 7, l. 24: gardoit.—Ms. B 4: regardoit.
P. 7, l. 31: je vous ay en couvent sus ma.—Ms. A 8: où je suis, je vous ai en couvent et promet par ma.
P. 8, l. 7: parolle, li creanta.—Ms. A 8: responce, luy jura. Fo 340 ro.
P. 8, l. 15: esconser.—Ms. A 8: destourner.
P. 8, l. 17: diroit.—Ms. A 8: pourroit penser.
P. 8, l. 18: estoit.—Ms. A 8: avoit.
P. 8, l. 30: Et li voloit m. R. donner.—Ms. A 8: Et baillier li voloit m. R.
§ 672. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce temps trespassa li aisnés filx dou prince de Galles, Edouwars, dont vous poés bien savoir que li prinches et la princesse furent durement 262 courouchiés. Adont fu regardé et avisé ou conseil dou prinche pour tant que se maladie ne li allegoit point, que il se partesist dou païs et en rallast en Engleterre: espoir li airs li serroit plus pourfitables que chils de Gascoingne et le remeteroit en santé ou kas qu’il en avoit estés nouris et fais de jonèce; che fu tout li remède que li surgiien et li medechin sceurent prendre ne aviser sus sa maladie. Si en respondi li prinches: «Dieux y ait part!» Si ordonna on tantost naves et vaissiaux sus le rivière de Geronde pour lui, pour le princesse, pour Richart, leur joine fil, et pour touttes leurs gens.
Ainschois que li prinches de Gallez departesist d’Acquittainne, il s’en vint à Bourdiaux, et manda là tous les barons de Gascoingne, qui estoient demoré dallés lui, et ossi chiaux de Poito et de Saintonge: premierement le seigneur de Duras, monsigneur Berart de Labreth, seigneur de Geronde, monsigneur le captal de Beus, le seigneur de Longeren, le signeur de Courton, le seigneur de Rosen, le seigneur de Pummiers et sen frère, le signeur de Mulciden, le seigneur de Lespare, monsigneur Aimmeri de Tarsce, monsigneur Ghuicart d’Angle, le signeur de Pons, monsigneur Loeys de Halcourt, le signeur de Parthenay, le seigneur de Puiane, le signeur de Tannai Bouton et pluisseurs autrez; et quant il furent tout venut, il les fist venir en une cambre devant lui, et là estoient dallés lui si doi frère, li dus de Lancastre et li conte de Cantbruge, et ossi li contes de Pennebroucq. Là leur remonstra il moult bellement et sagement comment en toutte honneur et en pais à son pooir il lez avoit maintenus et gouvrenés. Or estoit il enssi ordonnés que de retourner en Engleterre, mès il leur lairoit ses deus frèrez, et par especial le duc de Lancastre. Si prioit à tous et requeroit que il volsissent obeïr à lui, sicomme il avoient fait à li dou tamps passet, et li tenissent foy et loiauté en tous kas, si s’aquiteroient enviers Dieu et le roy son père, et li aidaissent à garder et à deffendre leur hiretaige que li Franchois à grant tort leur empechoient. Tout chil baron et chevalier dessus nommet li jurèrent et se obligièrent par fois et par sierement que ossi feroient il. Adont prist li prinches moult doucement congiet à yaux, et se parti assés tost depuis de Bourdiaux, et entra en son vaissiel qui estoit moult bien appareilliet pour lui et madame la princesse, sa femme, et Richart leur fil, et entrèrent leurs gens en autres nefs ordonnées pour yaux: si estoient bien trois cens hommes d’armes et cinc cens archiers, 263 qui aidièrent le prinche à reconduire, afin que nulx mesciés ne durs encontres ne li presist sour le mer. Or lairons nous à parler dou prinche qui singla tant qu’il arriva en Cornuaille en Engleterre, et parlerons de son frère le duc de Lancastre et des seigneurs dessus nommés, qui estoient demourés à Bourdiaux. Apriès le departement dou prinche de Galles, si firent faire le obsèque moult reveramment de Edouwart, fil au dit prinche de Galles, qui estoit nouvellement trespassés, ensi que vous avés oy. Fo 172 vo.
P. 9, l. 10: et phisicien.—Ms. A 8: et medecins.
P. 9, l. 11: se assenti moult bien à ce conseil.—Ms. A 8: s’i accorda assez bien.
P. 10, l. 6: couvent.—Ms. A 8: convenance. Fol. 340 vo.
P. 10, l. 10: et le baisièrent tout en le bouche.—Ms. B 4: et baisièrent tout li un après l’autre.
P. 10, l. 13: ains.—Ms. A 8: mais.
P. 10, l. 15: leur.—Ms. A 8: son.
§ 673. Assés tost apriès.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès chou que li prinches de Galles fu retrès en Engleterre, et entroes que li dus de Lancastre et li baron de Gascoingne entendoient à faire le obsèque dou fil le prince, et qu’il regardoient entre yaux là où il se poroient traire pour emploiier leur saisson et grever lors ennemis, se partirent de le chité de Pieregort une grande routte de Bretons, qui là s’estoient tenu en garnisson tout le temps, et chevauchièrent deviers un castiel mervilleusement fort, que on appelle Mont Paon. Si en estoit sires messires Guillaumme de Mont Paon, et se tenoit pour englès. Si tost que chil Breton furent venu jusques à là, desquels Bretons estoient cappitainne messires Guillammes de Loncval, messires Jehans de le Housoie, messires Loeis de Mailli et li sires d’Arsi, à petit de fait et de parlement, et me samble, seloncq ce que je fui adont infourméz, que li dessus dis messires Guillaummes de Mont Paon les mist en le fortrèche, et se tourna franchois. Ces nouvelles vinrent au duc de Lancastre et as barons de Gascoingne et de Poito, qui estoient adont à Bourdiaux. Quant il en seurent le verité, si en furent durement courouchiet, et regardèrent que tantost et sans delay il se trairoient deviers Mont Paon et y meteroient le siège et n’en partiroient jammès, si le raroient à leur vollenté, combien qu’il deuist couster. Si fist li dus Jehans de Lancastre, comme chiés et souverains de toutte la ducé d’Acquitainne, une priière et un 264 mandement à touttes gens d’armes, barons, chevaliers et escuiers, qu’il fuissent, dedens un brief jour qu’il i mist, à Bregerach; car il s’en alloit devant Mont Paon. A ce mandement ne volt nus desobeïr, mais se partirent de leurs hostels touttes mannières de gens d’armes, et vinrent à Bregerach et à Bourdiaux au jour qui y fu assignés. Dont s’esmurent li dus de Lancastre, li contes de Cantbruge, li comtes de Pennebrucq, li sires de Duras, li sirez de Courton, li captaus de Beus, li sires de Lesparre, li sires de Pummiers, li sires de Longeren, li sirez de Chaumont, messire Loeis de Halcourt, messire Guichars d’Angle, li sires de Pons, li sirez de Partenay, li sires de Puiane, messires Jakes de Surgières, li sires de Tannai Bouton et tout li autre baron, chevalier et escuier, et estoient bien set cens lances de bonne gent d’estoffe et deus mil hommes autres parmy les archiers. Si chevauchièrent et cheminèrent moult areement et ordonneement par deviers Mont Paon, et fissent tant par leur esploit qu’il y vinrent. Si se logièrent tout à l’environ; il estoient gens assés pour faire y et bastir grand siège. Fos 172 vo et 173 ro.
P. 11, l. 2: Si le fist.—Ms. A 8: Et le fist faire.
P. 11, l. 17: dou quel messires Guillaumes de Mont Paon.—Ms. A 8: dont un chevalier.
P. 11, l. 23: se rendi et tourna.—Ms. A 8: se tourna et rendi.
P. 12, l. 15: l’Estrade.—Ms. A 8: l’Estrau. Fo 341 ro.
P. 12, l. 22: Fraiville.—Ms. A 8: Framville.
P. 12, l. 30: feroient morir à grant painne.—Ms. A 8: feroit morir de male mort.
§ 674. Quant li dus.—Ms. d’Amiens: Par devant le ville et le castiel de Mont Paon s’amanagièrent et hebregièrent li Englès, et li Gascons de leur costé ossi bien et ossi fort et par ossi bonne ordonnance que don qu’il y dewissent demourer un an; car il sentoient en le fortrèce bons chevaliers et escuiers et bien tailliés dou garder et dou deffendre. Si ordonnèrent encorre li dessus dit instrumens et atournemens d’assaus grans et fors durement, et faisoient leurs gens priesque tous les jours aller assaillir, traire, lanchier et escarmuchier à ceux de le fortrèche, qui moult bien se deffendoient, et plus y perdoient li assallant que li assis, car messires Guillaummes de Lonchval, messires Alains de le Houssoie, messires Loeis de Mailli et li sirez d’Arssy estoient droite gent 265 d’armes pour yaux souffissamment acquiter en telz besoingnes, et ossi il en fissent bien leur devoir, tant que li dus de Lancastre et ses gens qui estoient plus de trois mil combatans, y sisent plus de nuef sepmaines. En ce tamps et le siège pendant devant Mont Paon, s’avisa uns bons escuiers bretons qui s’appelloit Selevestre Rude, et hardi homme durement, et estoit chils cappittainne et souverains d’une autre fortrèce qui se nomme Sainte Basille, et regarda en soy meysmes que chil chevalier breton, qui se tenoient dedens Mont Paon, gisoient assés honnerablement, et que tous les jours il avoient parti et fait d’armes, et c’estoit tout ce qu’il demandoit: si se parti à dis hommes d’armes seullement de sa garnison, et s’en vint de nuit tout à chevauchant, et fist tant qu’il vint jusques à Mont Paon. Si trestost que chil de le garde sceurent que c’estoit Selevestre Bude et se route, qui venoit là pour querre les armes et aider ses compaignons, si en eurent grant joie et le missent en le forterèce et ses gens ossi, et le conjoïrent li chevalier breton et li compaignon qui là estoient, grandement, et le remerciièrent moult de sa venue. Fo 173 ro.
P. 13, l. 10: lés.—Ms. A 8: costez.
P. 13, l. 16: de belourdes.—Ms. A 8: autres choses.
P. 14, l. 15: y.—Ms. A 8: vers eulx. Fo 341 vo.
P. 14, l. 28: gas.—Ms. A 8: fable.
§ 675. Si com je vous.—Ms. d’Amiens: Ensi se tint li sièges des Englès devant le castiel de Mont Paon, où il y eut fait maintes bellez appertisses d’armes, maint assaut et mainte escarmuce, et priesque tous les jours se venoient combattre chil dou castiel à leur barrière à ciaux de hors, et là en y avoit des blechiés souvent des uns et des autres. Enssi se tinrent il ung grant temps mout honnerablement: si estudioient li signeur, qui devant seoient nuit et jour, comment il pewissent aprochier le fin de leur siège et yaux emploiier ailleurs, et fissent à l’un des lés à leur avis aporter et achariier grant fuisson de bois et de velourdes et de faghos et jeter ens es fossés et terre par dessus, et raemplir tant que on pooit bien aprochier les murs. Si tost que cela fu fait et qu’il eurent l’avantaige pour venir traire, lanchier et combattre à ce costé à chiaux dou fort, il estoient trop pourveu de grans escaufaus et mantiaus bien ouvrés et fort carpentés, où il pooient bien [estre] en chacun vint hommez d’armes et quarante archiers. Si les fissent par roes et enghiens amener et aprochier jusques as 266 murs, tous garnis et emplis de gens d’armes, d’archiers et d’artillerie. Si commencièrent chil à traire par dedens le fortrèche et à assaillir durement; car ou piet de ces escaffaux avoit autrez hommes atout grans pilz et haviaux, qui piketoient et brisoient le mur et tout à le couverte, car d’amont on ne les pooit grever. Là eut ung très fort asaut et trop dur, car on ne poroit ymaginer coumment chil de dedens se deffendoient vaillamment et corageusement, et estoient sur les murs armé et paveschiet contre le tret, et faisoient là merveilles d’armes; mès ce qui les greva et esbahy, che fu par le picketer desoubs ou mur, car on y fist ung grant trau. Si n’estoit ils nulx qui y osast entrer; car il y avoit à l’encontre par de dedens grant fuisson de bonnes gens d’armes, qui trop bien gardoient et deffendoient le passaige et lanchoient à l’encontre mout vistement tonniaux, et les emplissoient de terre pour estouper ces pertruis. Enssi dura ung jour tout entier li assaus, et convint les Englès departir pour le cause de la nuit, mais il pourveirent bien de bonne gent d’armes et d’archiers leurs escaufaus et leurs instrummens d’asaut, par quoy chil dou fort ne leur fesissent nul contraire, et les retrayrent à ce dont par les roes ens sus dou mur, et s’arestèrent tout li seigneur de l’ost que à l’endemain on yroit assaillir plus fort que devant. Cette nuit se renforchièrent li Franchois dou plus qu’il peurent, et restoupèrent les pertruis dou mur; mès bien perçurent li chevalier breton qui là estoient et Selevestre Bude, que il ne se poroient longement tenir. Si aurent tamainte imagination à savoir quel cose il feroient, se il demoroient ou se il se partiroient. Toutteffois tout consideré et pour leur honneur, il demourèrent, et dissent que il avoient pluz chier à atendre l’aventure de Dieu et y estre pris par biau fait d’armez, que ce qu’il leur fuist reprochie nulle vilonnie.
Quant ce vint à l’endemain environ soleil levant, li dus de Lancastre fist sonner sez trompettez. Si s’armèrent touttes gens, et se traist chacuns à se livrée, et puis aprochièrent le castiel, et entrèrent dedens les escaufaus touttes nouvellez gens, hommez d’armes et archiers, et puis furent par les roes amenés jusques as murs. Si commencièrent li archier à traire fort et roit, et les gens d’armez à combattre. Là eut, je vous dis, fait mainte belle appertisse d’armes, et trop bien se deffendirent chil dou fort. Entroes que on entendoit à l’assaillir et que priès tout chil de l’ost estoient à l’assaut, messires Guillaummes de Mont Paon, qui ces Bretons avoit mis dedens le fortrèce, regarda le peril et le parti où il estoient, 267 et que nullement à le longe il ne se pooient tenir, et que, se il estoient pris, de se vie estoit noiens, si s’avisa qu’il s’embleroit des autres et se partiroit sans congiet et les lairoit finer au mieux qu’il poroient: si monta sus un courssier, et fist ouvrir une posterne à l’opposite de l’asaut et se mist as camps, et se sauva par telle mannière, et toudis duroit li assaux. Quant ce vint environ primme, li picketeur, qui estoient au darrain estage de l’escauffault, avoient tant ouvré et picketé, que il fissent reverser un pan dou mur, dont n’y eut ens es chevaliers bretons que esbahiz. Si se traissent avant et fissent signe qu’il volloient parler et tretiier d’acort. Li dus de Lancastre, qui en vit le mannière, y envoiea monsigneur Guichart d’Angle, et fist cesser l’assaut; car bien li sambla qu’il les aroit, quant il vorroit. Sitost que li marescaux d’Acquittainne fu là venus, il li dissent: «Monsigneur Guichart, nous nos vollons rendre sauve nos corps et le nostre, et nous partirons de chy, et vous lairons le fortrèce.»—«Signeur, signeur, respondi messires Ghuicars, il n’yra mies enssi. Vous avez tant cousté, argué et courouchié monsigneur de Lancastre que je croi bien qu’il ne vous prendera à nul merchy.» Dont respondirent li chevalier breton, et dissent: «Monsigneur Guicart, nous sommez saudoiiers gaegnans nos saudées au roy de France, et qui loyaumment nous vollons acquitter envierz no signeur, sicomme vous feriés pour le vostre; si vous requerons que vous nous menés justement au droit d’armes, enssi que chevalier et escuier doient faire l’un l’autre, et que vous vorriés que on vous fesist, ou les vostrez, se vous estiés ou parti où nous sommes.» Dont respondi messires Guichars, et dist: «J’en iray vollentiers parler à monsigneur de Lancastre, et savoir quel cose il l’em plaira à fere, et tantost retourray.» Adont se parti messires Guicars, et s’en vint au dit ducq qui n’estoit mies loing de là, et li remoustra comment li chevalier de Mont Paon se volloient partir et laissier leur fortrèche. Dont respondi li dus, et dist: «Maugré en aient il! Sachiés, messire Guichars, qu’il ne s’en partiront pas enssi, mès demoront deviers my et en me vollenté.»—«Monsigneur, dist li marescaux, vostre vollenté serra telle qu’il passeront parmy courtoise raenchon; car, se il se sont tenu et ont gardé le forterèce vaillamment et à leur pooir, on ne leur en doit savoir nul mauvais gré, et ou parti où il sont poevent vos gens escheïr tous les jours, siques vous leur ferez le droit d’armes.»—«Monsigneur, ce dist li captaus de Beus, messires Guicars dist bien et 268 l’en creés, car il vous consseil à vostre honneur.» Adont se rafrenna un peu li dus de Lancastre, et li dist: «Messire Guicart, je le vous acorde, mès nullement je ne voeil que messires Guillaummes de Mont Paon soit mis ou tretiet.»—«Sire, dist li marescaux, de par Dieu!» Adont s’en revint il là où li chevalier breton l’atendoient, et leur dist: «Certes, signeur, à grant dur j’ai empetré deviers monsigneur que vous soiiés pris et mis à raenchon convignable par droit d’armes, sans vous trop presser; toutteffois vous le serés; mès monsigneur Guillaume de Mont Paon ne voet nullement li dus pardonner son mautalent, mès le voet avoir à faire son plaisir.» Dont respondirent li chevalier breton, qui ja estoient enfourmet que chils s’estoit partis, et dissent: «Messire Guicart, nous parlons de nous tant seullement. De monsigneur Guillaumme ne savons nous riens, et quidons mieux qu’il soit hors que ceens ou que dedens, et vous jurons que nous ne savons où il est ne quoi devenus. Par raison vous ne nous en devés demander plus avant.»—«C’est voirs,» dist messires Guichars. Adont fist on retraire touttez mannièrez de gens assallans. Si se vinrent li chevalier françois et li hommes d’armes, qui là estoient avoecq yaux, rendre et mettre en le prison le duc de Lancastre, qui les prist vollentiers et qui envoya tantost dedens Mont Paon querre et cerchier, se on poroit trouver le chevalier dessus nommet; mès il raportèrent que nennil et qu’il s’estoit partis très le matin. De ce fu li dus de Lancastre mout courouchiés, mès amender ne le peut. Si envoiea de rechief par dedens le fort monsigneur Guicart d’Angle prendre le saisinne et le possession dou castiel, et y estaubli à demourer le seigneur de Muchident et monseigneur le soudich de Lestrade et cent hommez d’armes et deus cens archiers pour le garder, lequel chevalier dessus noummet le fissent remparer et fortefiier par les hommes dou pays mieux que devant, et en fissent une grosse garnison et qui mout grevoit et cuvrioit chiaux de Pieregorch avoecq le garnison de Bourdelle qui se tenoit englesse. Fos 173 ro et vo, 174 ro.
P. 15, l. 12: pis.—Ms. A 8: pics.—Mss. B 1 et B 4: pilz.
P. 15, l. 23: par mi ce mur trauet.—Ms. A 8: premierement.
P. 16, l. 14: Guillaume.—Ms. A 8: Guillaume de Mont Paon. Fo 342, ro.
P. 17, l. 1: abrisier.—Ms. A 8: abregier.
P. 17, l. 11: païsans.—Ms. A 8: maçons.
269 § 676. Apriès le reconquès.—Ms. d’Amiens: Apriès le prise de Mont Paon, se departirent li signeur, et leur donna li dus de Lancastre de revenir ung tierme, tant qu’il les manderoit, à leurs maisons. Si s’en rallèrent li signeur de Gascoingne en leur pays, pour garder lors fortrèces à l’encontre dou conte d’Ermignach et dou signeur de Labreth et des compaingnes de leur costé qui leur faisoient grant guerre. Ensi estoit li pays entouilliés li uns sur l’autre: li fors foulloit le foible, li voisins desroboit et tolloit son voisin quanqu’il avoit; un jour tenoit les camps li Englès, et l’autre li Franchois, ne on ne vit oncques tel guerre, ne on ne se savoit en quoy apoiier; et avint pluisseurs fois que, quant li Englès venoient devant une fortrèche franchoise et il les requeroient à rendre, il s’en tournoient englès; et sitost qu’il estoient parti, et li Franchois revenoient, il se retournoient franchois. Dont par celle mannière et par tel variement tamainte ville en fu violée, robée, arse et gastée, et tamains castiaux abatus et reverssés pas terre, et tamains homs mors et perdus sans merchy. Fo 174 ro.
P. 17, l. 22: espardre.—Ms. A 8: estendre.
P. 17, l. 26: à avoir besongne.—Ms. A 8: avoir à besoingnier.
P. 18, l. 5: Charuels.—Ms. A 8: Carlouet le Breton.
P. 18, l. 6: adamagoient.—Ms. A 8: dommageoient.
P. 18, l. 11: doubtance.—Ms. A 8: doubte. Fo 342 vo.
§ 677 et 678. Assés tost et Cilz chastiaus.—Ms. d’Amiens: Or vous diray dou signeur de Pons en Poito qu’il en avint. Assés tost apriès chou que on fu revenu de Mont Paon, il se tray franchois, dont li seigneur d’Engleterre eurent grant merveille, car il avoit estet ja grant plenté en leurs chevauchies. Et si trestost qu’il fu tournés franchois, il envoya souffissamment deffiier le ducq de Lancastre et tous ses aidans, liquelx dus fu de ceste aventure durement courouchiés, car li sirez de Pons li estoit ungs grans bourdons en son pays; et quoyque li sires de Pons fust tournéz franchois, ma damme sa femme se tint englesce, et dist que ja ne relenquiroit le roy d’Engleterre, et ses maris avoit tort, quant il estoit devenus franchois. Enssi se portoient lez parchons. Si envoiea li dus de Lancastre saisir le ville de Pons en Poito, et i mist grant garnison de par lui et fuisson de bonnes gens d’armes, et en fist souverain et cappitainne monseigneur Aimmenon de 270 Bourch, un hardi et sceur chevalier durement. Enssi se tenoit li ville de Pons et la damme englesse, et li sires estoit franchois, et couroit tous lez jours jusques as barrières de sa ville. Fo 174 ro.
P. 18, l. 28: est là uns grans sires malement.—Ms. A 8: estoit malement grant seigneur.
P. 18, l. 31: de le ville... englès.—Ms. A 8: qui se voloient tenir englès, qui demouroient en la dite ville de Pons.
P. 19, l. 13: en l’autre.—Ms. A 8: dedens les autres.
P. 19, l. 18: les.—Ms. A 8: qui les.
P. 19, l. 20: cité.—Ms. A 8: ville.
P. 20, l. 2: ou de.—Mss. A 8 et B 4: pour aidier à.
P. 20, l. 16: de le cité... Touars.—Ms. A 8: de Touars et de la cité de Poitiers. Fo 343 ro.
P. 21, l. 4: pertruisièrent.—Ms. A 8: percièrent.
§ 679 et 680. Nous retourrons et Quant li Englès.—Ms. d’Amiens: Or revenrons à monsigneur Bertran de Claiequin, connestable de Franche, qui s’estoit tenus à Paris dallés le roy ung grant temps après le revenue de Pont Volain, où il avoit rués jus les Englès, sicomme chi dessus est recordé. Si regarda que pour emploiier son tamps, il se trairoit en le Langhedoc et feroit guerre as fortereches qui englesces se tenoient, car encorres y en avoit pluisseurs en Auviergne, en Limozin, en Roherge, en Quersin et en Pieregorch, sans le pays de Poito, de Saintonge et de le Rocelle; et par especial il y avoit un chevalier englès en La Millau sus le marce de Rodès et de Montpellier, qui s’appelloit messires Thummas de Wettevalle, qui là gisoit trop honnerablement, car il tenoit le garnison et avoit tenu plus d’un an et demy contre les Franchois, et ossi Le Roche Vauclere, quoyque li pays d’environ fust tous tournés franchois; et faisoit li dis chevaliers avoecques ses gens pluisseurs belles yssuez, et gaegnoit moult souvent sour le pays pourveances et prisonniers à fuison, dont les plaintes venoient au duc d’Ango et au roy de Franche. Se dist ly connestables qu’il se trairoit celle part et que ce ne faisoit mies à souffrir. Si fist ung très grant mandement à estre à Bourges en Berri dedens un jour qu’il i assigna. Entroes qu’il ordonnoit ses besoingnes et qu’il se pourveoit de gens d’armes, se departirent de Poito et dou ducq de Lancastre li contes de Cantbruges et li contes de Pennebroucq, et revinrent arrière en Engleterre, car li roys les remanda; et messires Bertrans de Claiequin esploita fort et 271 songneusement, et se parti dou roy et s’en vint vers Orlyens. Si le sieuwoient touttes mannières de gens d’armes, et vint à Bourges, et là trouva il le duc de Berri. Si ne fissent gaires long sejour, mès se partirent de Bourges et passèrent tout le pays à grant esploit, et entrèrent en Auviergne, et s’en vinrent premierement devant une cité que on appelle Uzès, que li Englès tenoient, qui se nommoient à monseigneur Thummas de Wettevalle chi dessus. Si s’avisa li connestablez qu’il n’yroit plus avant, si aroit pris la garnison d’Uzès, car elle grevoit trop le pays, et si avoit adont avoecques lui toutte le fleur de le chevalerie de Franche ou en partie: le ducq de Berri, le ducq de Bourbon, monseigneur Robert d’Allenchon, conte du Perche, le conte de Saint Pol, messire Wallerant de Lini, son fils, le dauffin d’Auviergne, messire Huge Daufin, le conte de Bouloingne, messire Jehan de Bouloingne, le signeur de Biaugeu, Ainbaut dou Plasciet et grant fuison de bonnes gens d’armes, et estoient bien deus mil lanches. Si s’atrayrent tout chil signeur et leurs routtes devant Uzès, et le fissent assaillir fortement et durement, et y eut pluisseurs grans assaus et durs et faite tamainte appertisse d’armes, car li seigneur et li chevalier qui là estoient, ne s’espargnoient nient pour leur honneur, mès entroient en es fossés qui estoient grans et parfons et plains d’aighe, et y avoient fait ruer grant fuisson de faghos et d’estrain, sour quoy il passoient et venoient comme bon chevalier et appert li ungs par l’autre, enssi que par envie, jusques au piet dou mur, et montoient contremont, les targes sour lor testes. Ensi et en cel estat s’aquitoient il trop bien de l’assaillir, et ossi cil de le fortrèche d’iaux deffendre, car ils jettoient pierres et baus et gros mangonniaux, dont il les reculloient comme avanchiés qu’il fuissent, et les reboutoient à grant meschief jusques ens es fossés. A l’un de ces assaux fu en grant peril messires Wallerans de Lini, car il montoit contremont sa targe sour sa teste, armés de touttes pièces et vestus d’un jake de kamoukas très rice et bien ouvré; mès il fu ravallés d’une pierre par tel mannière que on le reverssa ens es fossés, et tourna jusques ou bruech, et ne s’en fuist jammès partis, qui ne l’euist secourut. Mès li contes de Saint Pol, ses pères, et se bannière estoient là en present: si saillirent tantost avant à le recousse, chevalier et escuier, et le traissent hors de l’aighe et du broecq où il estoit si entouilliés que on ne savoit de quel coulleur ses jaques estoit. En tel dangier et en tel aventure en y eut pluisseurs celle journée, car oncques 272 gens ne se deffendirent plus aigrement ne plus vassaument comme cil qui dedens Uzès estoient. Quant li connestables de France eut consideret les grans assaus et certains que leurs gens faisoient, qui point ne s’espargnoient, et comment en vain il se travilloient, si lez fist retraire arrière, et chascun aller à son logeis pour yaux rafrescir et reposer, et ils meysmes se retrayst, et vint en le tente monsigneur de Berri. Là furent mandé li plus grant partie des seigneurs pour avoir consseil comment il se maintenroient, car li dis connestablez leur remoustra qu’il avoient ja esté là plus de quinse jours et assaiié le garnison de pluisseurs assaux; mès, à ce qu’il pooit connoistre, elle estoit imprenable, car elle estoit forte, et si avoit dedens trop bonne gens d’armes et grant fuison: si leur pria tout autour que chascuns en volsist dire sen intention. A ce dont estoit nouvellement venus en Auvignon deviers le saint pape Gregoire XIe li dus d’Ango. Si avoit mandé le ducq de Berri, son frère, et le ducq de Bourbon, le conte du Perche, le conte de Saint Pol, le conte de Bouloingne, le dauffin d’Auvergne et aucun de ces seigneurs qui là estoient, qu’il le venissent veoir pour avoir consseil comment apriès les Pâques dont il estoient mout prochain, il se poroient maintenir; car il ne volloit mies que ces chevauchies ne chil concquès se fesissent sans lui. Si estoient enclin chil signeur à yaux trère deviers Auvignon et venir veoir le dist ducq et savoir quel cose il voroit dire et ordonner. Si fu conssilliet que chil signeur se partiroient et venroient tout en Avignon excepté le connestable et li Breton, mès chil là chevauceroient deviers Roherge et Limozin et tenroient les camps à leur pooir. Si se deslogièrent de devant Uzès touttes mannières de gens d’armes, et descendirent par routtes deviers Avignon sicomme dessus est. Et li connestables li sires de Clichon, li viscontes de Rohem, messires Loeis de Sausoire, marescaux de Franche, li sires de Laval, li sires de Biaumannoir et grant fuisson de bonnes gens d’armes de Bretaingne se retraissent plus amont deviers Limozin, et là se missent en le routte dou connestable chil baron de Limozin, messires Loeis de Melval, messires Raimmons de Maroeil et li sires de Pierre Bufière, qui estoient tourné franchois.
Tantost apriès le Pasque que on compta en ce tamps l’an mil trois cent settante et un, et que chil signeur dessus nommet eurent estet en Auvignon veoir le pappe Grigoire et tenu leur pasque avoecq lui et parlet au duc d’Ango, il se departirent et s’en 273 revinrent deviers le connestable qui seoit devant La Millau, où messires Thummas de Wettevalle se tenoit et estoit tenus ung grant tamps mout honnerablement; mès li dus d’Ango, quoyque vollentiers y fuist allés, n’y ala mies adont, car li rois de Franche, ses frères, li manda, entroes qu’il estoit en Avignon, qu’il venist parler à lui. Si s’avala li dis dus deviers Lions sus le Rosne pour venir en Franche; et lis dus de Berri, li dus de Bourbon, li comtes de Saint Pol, li comtes du Perche, li comtes de Bouloingne, li daufins d’Auviergne, li sires de Sulli, li sires de Biaugeu et li autre chevalerie de Franche se traissent en Auviergne et vers Roherge où li connestablez de Franche se tenoit à siège devant La Millau où il y eut pluisseurs assaux, escarmuches et paleteis, et dura li dis sièges mout avant en l’esté. Finablement chil de le garnison furent si astraint qu’il ne peurent plus souffrir, car li dis chevaliers englès, qui là s’estoit tenus plus de vint mois, considera que tous li pays d’environ estoit rendus et tournés franchois, si ne pooit avoir secours ne comfort de nul costé, pour quoy il commencha à traitiier deviers le connestable et les seigneurs qui là estoient, que il renderoient le forterèce, se on le volloit laissier partir et tous les siens, sauve leurs corps et leurs biens. Li signeur de France entendirent ad ce tretiet, et se passa, et partirent li dit Englès de La Millau sauvement, yaux et le leur, et furent conduit jusques en Poito, que oncques n’y eurent point de damage.
Apriès le reconcquès de La Millau, dont tous li pays fu resjoïs grandement, car ceste fortrèce leur avoit porté trop de contraire, se traissent li Franchois devant Le Roce Vauclère qui point ne se tint trop longement, mès se rendirent par composition enssi que li dessus dit, et furent pris à merchy. En apriès reprist li connestables aucuns petits fors sus les marches de Roherge, d’Auviergne et de Quersin, que li Englès avoient fortefyé, et en delivra auques tout le pays parmy le confort des dessus dis seigneurs qui estoient en se routte, puis s’en vint devant le cité d’Uzès, et le assega comme en devant de tous poins. En ce tamps repassa li dus d’Ango parmy Auviergne, qui avoit estet en Franche et viseté le roy Carle, son frère. Si se rafresci à Clermont en Auviergne et envoyea ses gens devant Uzès, où il y eut maint assaut et mainte escarmuche. Finablement chil qui dedens estoient et qui gardé l’avoient, le rendient par composition sauve leurs corps tant seullement: nulle autre cose n’en portèrent. Apriès le prise et le 274 reconket d’Uzès, ces gens d’armes se departirent et passa oultre li dus d’Ango deviers Montpellier et viers Toulouze, où le plus il se tenoit, et li connestables revint en Franche et li plus grant partie des autres seigneurs dessus nommés. Fos 174 ro et vo, 175 ro.
P. 21, l. 26 et partout: de Claiekin.—Ms. A 8: du Guesclin.
P. 22, l. 8: encores de nouviel les.—Ms. A 8: encores les.
P. 22, l. 9: tenoient ou.—Ms. A 8: tenoient de nouvel ou.
P. 22, l. 11 et partout: Ussel.—Mss. A 8 et B 4: Uzès.
P. 22, l. 28: le assegièrent.—Ms. A 8: se logièrent. Fo 343 vo.
P. 23, l. 3: des chiés.—Ms. A 8: chiefz.
P. 23, l. 6: fisent.—Ms. A 8: orent parlé.
P. 23, l. 14: que.—Ms. A 8: quant.
P. 24, l. 1: non.—Ms. A 8: et non.
P. 24, l. 10: acquitta.—Ms. A 8: acquist.
P. 24, l. 17: voirs.—Ms. A 8: verité. Fo 344 ro.
P. 24, l. 31: lavés.—Ms. A 8: loez.
P. 24, l. 31: amises.—Ms. A 8: paroles.
§ 681 et 682. Li rois d’Engleterre et Apriès celle desconfiture.—Ms. d’Amiens: En ce tamps faisoit ung très grant appareil pour passer le mer li dus de Lancastre, et avoit son passage segnefiié à ses deus cousins germains, le duc de Guerle et le ducq de Jullers, qui le devoient servir à mil lanches et entrer ou royaumme ou lés deviers Tieraisse à si grant effort que pour combattre tout chiaux qui contre eux se metteroient; et devoient ossi y estre, il en estoient priiet et mandé, messires Robers de Namur, li comtez de Saumes en Ardane et tout chil de l’empire, qui avoecques yaux estoient aliiet. Et, quoyque ceste armée et emprise se mesist avant pour li, li roys d’Engleterre l’ordonnoit ou nom de son fil, le ducq de Lancastre, qui point n’estoit ou pays, ainschois estoit en Gascoingne, où il guerioit là fortement et avoit gueriiet tous le tamps depuis le departement dou prinche son frère. Mès on l’atendoit de jour en jour, car li roys l’avoit remandé, et estoient ses pourveanches sus le Geronde ou havene devant Bourdiaux. Or avint que ceste armée ne se fist point sicomme li roys et ses conssaux l’avoient empensé à faire, pour le cause de ce que en celle saison, ou mois d’aoust, une grosse 275 assamblée de gens d’armes se mist sus en l’empire entre le ducq Wincelin de Braibant et de Luxembourcq qui en fu chiés de son costé, et le duc de Jullers et messire Edouwart de Guerles de l’autre costé; et là eut, le nuit Saint Bietremieu l’an dessus dit, entre ces seigneurs et leurs gens une très grosse bataille et maint gentil homme mort et pris; et par especial, li dus de Guerle, qui avoit empris le guerre si forte et aporté si grant contraire le royaumme de Franche, y fu ochis, quoyque li dus de Jullers obtenist le plache, et là furent pris, dou costé le ducq de Braibant, il et tout li enfant et signeur de Namur qui là estoient, li comtez de Saumes, messires Jakemes de Bourbon, messires Walerans de Lini, et mors li comtes Guis de Saint Pol, ses pères, et grant fuisson de bons chevaliers mors et pris, siques pour celle avenue et pour le perte que li rois d’Engleterre eut là de son nepveult, messire Edouwart de Guerles, où il avoit très grant fiance, et le prise de monsigneur Robert de Namur et de pluisseurs bons chevaliers, dont li dus de Lancastre, ses fils, euist estet servis et aidiés en son voiaige, il rafrenna son pourpos et contremanda ceste armée et chevauchie: se ne se prist nient si priès li dus de Lancastre de revenir. Depuis fu li dus de Braibant delivrez de le prison le duc de Jullers par le puissanche le roy Carle d’Allemaigne et empereur de Rome, son frère, et pluisseur prisonnier qui furent pris avoecq lui, par le pourcach de madamme Jehanne, femme au dit duch, ducoise de Braibant et de Luxembourcq. Fo 175 ro.
P. 25, l. 1 et 2: guerriiés et cuvriiés.—Ms. A 8: hariez et guerriés.
P. 25, l. 13: bien cler.—Ms. A 8: amis.—Ms. B 4: bien d’acort.
P. 25, l. 14: heriiet.—Ms. A 8: hardoiez et envaïs.
P. 25, l. 17: à le Bay.—Ms. A 8: à la Bay.
P. 25, l. 24 et 25: Richars de Pennebruge... Sturi.—Ms. A 8: Richars Savi.
P. 26, l. 4: grawés de fier et à kainnes.—Ms. A 8: crochèz de fer et à kainnes de fer.
P. 26, l. 5: Toutes fois.—Ms. A 8: Et.
P. 26, l. 16: par mi.—Ms. A 8: par.
P. 26, l. 20: des.—Ms. A 8: des dis.
P. 26, l. 21: à guerriier et heriier et à clore.—Ms. A 8: guerrier et clore. Fo 344 vo.
276 P. 26, l. 29: comment que il en touchoit.—Ms. A 8: comment il en tenroit.
P. 26, l. 31: li plus sage des.—Ms. A 8: les.
P. 27, l. 3: ains.—Ms. A 8: avant.
P. 27, l. 5: ordenances qui furent ditté et seelé.—Ms. A 8: ordenances seelé.
§ 683 et 684. Vous avez bien oy et Li dus Jehans de Lancastre.—Ms. d’Amiens: Vous avés bien chy dessus oy recorder comment li rois de Maiogres avoit estet pris en Espaigne en une ville qui s’appelle le Val d’Olif; or vous parlerai de se delivranche. Li rois Henris, qui le tenoit en se prison, l’avoit rendut et delivret à monsigneur Bertran de Claiequin, en cause de paiement de ses gaiges, et estoit li dis rois de Maiogres prisonniers au dit connestable de Franche, et li fist venir tenir prison à Montpellier. Assés tost apriès pourcachièrent sa delivrance la marquis[e] de Montferrat, sa soer, et la roinne de Naples, sa femme, parmy cent mille francs qu’il en paiièrent, et tant en eut messires Bertrans. Depuis qu’il fu delivré, il se composa et acorda au roy Henry d’Espaingne, et vint en Auvignon et se complaindi au pappe Gregoire du roy d’Arragon, qui li tolloit son hiretaige sans droit et sans raison. Li pappes fut adont si consillet qu’il li acorda bien à faire guerre au roi d’Aragon pour le cause de son hiretaige ravoir. Si se pourvei li roys James de Maiogres de gens d’armes; et prist grant fuison de compaignes, dont messires Garsions dou Castel, messires Jehans de Malatrait, messires Selevestre Bude et Jackes de Bray estoient me[ne]ur et cappittainne. Si pooient bien estre ces gens mil combatans, et entrèrent en Espaingne par l’acort dou roy de Navarre et dou roy Henri, et fissent guerre au roy d’Aragon, mès elle ne dura point longement, car li rois de Maiogres s’acoucha malades en Espaingne ou Val de Sorie, de laquelle maladie il morut. Dont se retraissent ces compaingnes et ces gens d’armes deviers le duc d’Ango, qui les rechut vollentiers et qui bien les seut où emploiier.
Encorres avés vous bien oy recorder chy dessus comment la mère de la roynne de Franche et dou duc de Bourbon fu prise en Belleperche, et ossi de messire Ustasse d’Aubrecicourt, comment il fu pris de Thieubaut dou Pont ou castiel de Pierre Bufière, si ques il avint ensi (pour tant, une boute, l’autre requiert), messires Ustasse aida mout grandement à le delivrance de la dessus ditte 277 damme et en eut mout de painne et mout de pourcach: ossi il en souvint le duc de Bourbon et la roynne de Franche. Si fu li dis messires Ustasses mis à finanche parmy douse mil frans que dubt paiier pour se raanchon, et en paya uit mil tous appareillés; et pour les autres quatre mil, demoura li dus de Bourbon parmy, tant que ungs biaux fils que messires Ustasses avoit, nepveux au duc de Jullers, filz de sa soer, en fu plèges et delivrés deviers le dit ducq. Depuis ceste ordonnanche, messires Ustasses d’Aubrecicourt s’en vint en Constentin deviers le roy de Navarre, qui le retint à lui et fist souverain deseure tous ses chevaliers. Assés tost apriès li dis messires Ustasses se acoucha malades en le conté d’Evrues, de laquelle maladie il morut. Dieux en ait l’ame, car ce fu en son tamps ungs moult appers chevaliers!
Nous retourons as besoingnes de Poito, et parlerons des barons et des chevaliers qui là se tenoient de par le roy d’Engleterre, telz que messires Loeis de Harcourt, li sires de Partenay, messires Guicars d’Angle, li sires de Puiane, li sires de Tanai Bouton, li sires de Rousselon, messires Guillaummes de Crupegnach et pluisseurs autres. Si regardèrent en celle saison que la ville et li castiaux de Montcontour leur portoit trop grant contraire: si s’avisèrent qu’il metteroient le siège par devant, et de ceste chevauchie seroit chief messires Thummas de Perssi, senescaux de Poito, li sires de Partenay et messires Ghuichars d’Angle, et feroient leur amas et leur assamblée à Poitiers.
Ensi regardèrent et advisèrent chil signeur dessus nommet, qu’il venroient mettre le siège devant Montcontour. Si se ordonnèrent et mandèrent gens de tous costés et especialement des compaingnes, et fissent leur assamblées à Poitiers. Quant il furent tout venu, il estoient bien trois mil combatans, uns c’autre: si se partirent de le cité de Poitiers et cheminèrent à grant esploit, et fissent tant qu’il vinrent devant Montcontour, qui est ungs très biaux castiaux et fors seans sur le marche d’Ango et de Poito, à quatre lieuwes de Touars. Si le assegièrent de tous costés et l’assaillirent vistement, car il avoient avoecq yaux fait mener et akariier grans instrummens et atournemens d’assaut, dont il grevoient grandement chiaux dou fort. Par dedens le garnison se tenoient messires Pierres de la Gresille et Jourdains de Couloingne, appert hommes as armes durement, et avoient avoecq yaux des bons compaignons bretons et franchois qui leur aidoient à garder le fortrèce. Si furent devant le fortrèce de Montcontour li 278 dessus dit Englès poitevin, desquelx messires Thummas de Perssi, li sires de Partenay et messires Guicars d’Angle estoient souverain, environ quinse jours; et eut là en dedens fait tamaint fort assaut et dur, car mout pressoient li dessus dit que il le peuissent prendre par forche ou autrement, car on leur disoit que li connestables metoit sus grant fuison de gens d’armes pour venir lever le siège. Si n’en estoient mies li dessus dit plus asseguret, et se hastoient ce qu’il pooient à painnes nuit et jour sans cesser de l’assaillir; et requeroient à chiaux dedens qu’il se rendissent, et on les lairoit partir courtoisement; mès il n’y volloient entendre, car il esperoient à estre comforté du connestable de Franche, et l’euissent esté sans faute, se ilz se peuissent estre plus longement tenus; mès, enssi que je vous ai dit, on les assalloit si ouniement et par tant de mannières, que finablement li castiaux fu de forche concquis, et pris li doy cappittainne messires Pieres de la Gresille et Jourdains de Couloingne, et encorres ne say cinc ou sis bons hommes d’armes, et li demorans tous tués sans merchy. Ensi eurent li Englèz le castiel de Montcontour qu’il trouvèrent bien garny de touttes pourveanches et de fuison de bonne artillerie. Si regardèrent entr’iaux li chevalier qu’il le tenroient, puisque conquesté l’avoient, car il leur estoit bien seans pour gueryer le terre d’Ango et les autres villes et fortrèchez qui françoises se tenoient; et y ordonnèrent à demourer monsigneur Gautier Huet, Carsuelle et David Holegrave et touttes les compaingnes, qui là estoient de leur costé, et qui s’estoient remis enssamble depuis le desconfiture de Pont Volain.
Apriès ceste ordonnance de Montcontour et l’estaublissement que messires Guichars d’Angle et li autre y eurent fait, il donnèrent congiet au demourant de leurs gens, et s’en revinrent à Bourdiaux où li dus de Lancastre se tenoit, qui les rechupt à grant chière. Ensi laissièrent il par les dessus dit gens de compaingnes gueriier le pays d’Ango et les marches du Mainne, où il avoit ossi ens es garnisons mout de bonne gens franchois. En ce tamps se trouvèrent sus mer en ung lieu en Bretaingne, que on appelle Le Bay, li Flamenc et li Englès qui adonc se herioient et avoient sur mer heriiet toutte le saison; et consentoit bien li comtes de Flandres ceste guerre entre ses gens et les Englès pour la cause dou duch de Bourgoigne, qui avoit sa fille espousée sicomme vous savés, et euist encorres volentiers plus plainnement gueriiet les Englès, se ses gens l’euissent acordé, mès il n’en avoit mies bien l’acord. 279 Touttefois, ensi que renommée couroit en Engleterre et que li roys englès estoit enfourmés, li comtes Loeis de Flandres avoit mis sus mer grant fuison de ses gens pour porter dammaige as Englès, se il lez trouvaissent ou encontraissent, dont Jehans Pietresone estoit amiraux et cappittainne de leur navie. Et à ce dont venoient en Bretaingne lez gens le roy englès, c’est assavoir: li contes de Herfort, messires Richars de Pennebruge, messires Alains de Bouqueselle, messires Richars de Sturi et pluisseurs autres chevaliers de l’ostel du roy, et pour parler au duc de Bretaingne de par le dit roy; et pour ce que il estoient en doubte des Flammens, s’estoient il pourveu bien et grossement: si estoit amiraux de leur navie messires Guis de Briane. Si se trouvèrent ces deus navies, sicomme dessus est dit, à Le Bay en Bretaingne: si se combatirent enssamble fierement et radement, et y eut très dur hustin et très fort et mout perilleux, et fait de l’un lés et de l’autre tamainte belle appertise d’armes, et furent ce jour li Englès en grant peril d’estre tout mort et desconfi, car li Flamencq estoient plus de gens qu’il ne fuissent et mieux pourveus de gros vaissiaux et de toutte artillerie, dont il eurent un grant temps bon avantaige; mès finalement li comtes de Herfort, qui fu ungs appers et hardi chevaliers, s’i esprouva si bien, et tout chil de se routte, ossi messires Richars Sturi et li autre, qu’il desconfirent che qu’il y avoit là de Flammens; et y fu pris leurs amiraux, Jehans Pietresonne, et prisonniers à monsigneur Gui de Brianne; et en y eut grant fuison de mors et de noyés, et mout petit s’en sauvèrent. Si retournèrent li dessus dit Englès atout leur concquès de barges et de vaissiaux et leurs prisonniers en Engleterre, et recordèrent au roy comment li Flamencq lez avoient envays et assaillis. De che fu li roys moult courouchiés, mès ce le rejoyssoit qu’il veoit ses gens retournés en bon point et à l’onneur d’iaux, et dist adont li roys, en maneçant les Flammens, qu’il leur feroit encorres chier comparer le guerre qu’il avoient de nouviel et sans raison reprise à lui et faite à ses gens.
Apriès le revenue dou dit comte de Herfort et de ses compaignons en Engleterre et le infourmation faite ou dit roy, li roys englès assambla ses gens de son consseil, et fist [mander] ung grant parlement à estre à Londres en son palais de Wesmoustier. A ce parlement vinrent tout chil qui semons et priiet en furent: là eut pluisseurs coses parlées et devisées des sages d’Engleterre, et la principal cose estoit sus l’estat de Flandres, qui celle fois 280 et autre che font à savoir. Li Flammencq avoient heriiet les Englès. Si fu enssi ordonné que li roys, pour l’onneur de lui et de son pays, mesist et establesist une cantité de vaissiaux armés et pourveus de gens d’armes sus les frontièrez de Flandrez, entre Zanduich et Calais, et que chil qui de par le roy là seroient, ne laiassent aller, passer ne venir nulle marchandise en Flandres, et leur fuissent ennemis touttes mannières de gens, de quelque nation qu’il fuissent, qui en Flandres voloient ariver pour faire y marchandise. Tantost apriès ceste ordonnanche, li roys englès par l’avis de son consseil mist et estaubli grant fuison de gens d’armes et d’archiers et de bons vaissiaux bien armés et bien pourveus sus mer, entre les destrois de Douvres et de Calais, sur l’estat dessus dit. Si trestost que ces nefs et ces gens d’armes furent sur mer, et il commencièrent à esploitier fort et delivrement à touttes mannièrez de gens allans et venans en Flandres, et tant que les plaintes en venoient tous lez jours as Flammens, et que tout marcheant resongnoient à venir en Flandres pour le peril et le doubte des Englès, adont regardèrent les bonnes villes de Flandres, et li conssaux et advis des sages hommez qui dedens abitent et demeurent, que ceste guerre et haynne as Englès ne leur estoit pas pourfitable, et que point n’en estoient cause, ne ne se mouvoit de leur costé. Si se traissent enssamble et en eurent pluisseurs conssaux: finablement il s’avisèrent tout d’un commun acord et se traissent deviers leur signeur le comte, qui adont se tenoit dehors Gand en une moult belle maison qu’il y avoit fait faire, et li remoustrèrent les plaintes des marcheans estragniers, qui venoient tous les jours jusques à yaux, comment il n’osoient aler ne venir ne faire ariver nulle marchandise en Flandre pour le doubte dez Englès. Et ossi li estaples des lainnes qui se tenoit à Calais, leur estoit clos, che qui estoit grandement au prejudisce de toutte le communauté de Flandrez; car sans le drapperie ne pooient il nullement vivre: «Pour tant, chiers sires, voeilliés y remediier; si ferés bien et aumosne, et acquerrés la grasce et amour de vos bonnes gens qui vous ont estet appareilliés à tous vos commandemens jusques à ores.»
Quant li contes Loeis de Flandres eut oy les raisons et les complaintes de ses gens, ilz, comme sages et ymaginans sires, leur respondi: «J’en aray prochainnement avis; et tout le bonne remède parmi raison, sauve l’onneur de moy et de mon pays, je y meteray.» Chil qui là estoient envoiiet de par les bonnes villes, 281 se tinrent de ceste responsce à bien content. Au tierch jour apriès fu conssilliéz li comtes, et en respondi plainnement et dist enssi, pour appaisier son païs, que le guerre que ses gens avoit ne faisoit as Englès, elle n’estoit en riens cause ne participans pour le roy de Franche ne pour le duch de Bourgoingne, à qui par succession li hiretaiges de Flandres, par la cause de sa fille, devoit retourner, ou à ses enfans, fors tant que, pour aucuns despis que li Englès avoient, passet avoit ja deus ans, fais à ses gens sur mer, si s’en volloit contrevengier; et, se chil de Flandres volloient aller ou envoyer en Engleterre deviers le roy englès et son consseil, et savoir à quel title il s’estoient de commenchement esmeu contre lui, il le consentiroit assés legierement, et tout ce que li communs en feroient et ordonneroient pour le milleur et pour le commun prouffit de tout le pays, à l’onneur de li et de sa terre, il s’y acorderoit volentiers. Ces parolles furent rapportéez, au consseil dez bonnes villes, qui les acceptèrent, et ordonnèrent tantost douse bourgois des sis milleurs villes de Flandres, liquel yroient en Engleterre parlementer au roy et à son consseil, et saroient plus plainnement qu’il ne savoient encorres pourquoi on les guerrioit. Ainschois que chil s’en meussent ne partesissent de Flandres, il envoiièrent devant impetrer un sauf conduit pour yaux et leur famille aller et retourner sans dammage: si leur fu acordé dou roy assés legierement. Adont se missent il à voie et cheminèrent tant qu’il vinrent à Callais, et là montèrent il en mer. Si arivèrent à Douvres, et puis chevauchièrent jusques à Windesore, là où li roys se tenoit adont.
Quant chil bourgois de Flandres furent venu à Windesore, il n’eurent mies accès de parler au roy, mès leur fu respondu de par le roy que il se traissent deviers Londres, car là seroient il expediet: il fissent ce que ordonné leur fu et vinrent à Londres. Au neufvime jour apriès, il furent mandé au palais de Wesmoustier devant le consseil du roy, à qui il remoustrèrent pourquoi il estoient là venu, et furent respondu si à point que ilz se tinrent assés pour comptens; mès adont il se departirent de le cambre et du consseil le roy sans certain accord, et furent assigné de revenir le tierch jour après, et il oroient à ce jour le plus grant partie de l’intension dou roy. Si se partirent sour ce, et revinrent à lors hostelz. Vous devés savoir que à envis fuissent parti li Flammencq du roy englès ne de son consseil, sans avoir certain acord. Ossi li roys englès et ses conssaux n’avoient mies trop 282 grant desir de gueriier les Flamens, car il avoient assés affaire d’autre part, et si leur est de necessité li pays de Flandres à tenir à amour, pour le cause de le marchandise qu’il y prendent et qu’il y envoient; car nulle part li Englès ne pueent avoir si belle delivranche de leurs lainnes qu’il ont en Flandres et par les Flammens. Si estoit bien chils poins et affaires considerés entre yaux, mès il se faindoient de premiers pour tant qu’il volloient y estre priiet, et moustroient qu’il n’avoient que faire des Flammens, mès li Flammens d’iaux. Touttezfois il fu tant parlementé et allé de l’un à l’autre, que unes trieuwes furent prisses à durer entre le roy englès et ses gens et le comte Loeis de Flandres et les siens jusques à le Saint Jehan Baptiste, que on compteroit l’an mil trois cens settante et deus, et de celle Saint Jehan en nuef ans enssuiwant. Si se fissent fort li bourgois de Flandres, qui là estoient venu et envoiiet, de le tenir et faire tenir à leur seigneur le comte et tout le pays enexsé en le trieuwe, et ossi il en avoient bonne procuration d’esploitier à leur entente. Si se partirent d’Engleterre dou roy et de son consseil, sus l’estat que je vous di, et s’en revinrent arrière à Bruges. Là eut à leur revenue ung grant parlement des bonnes villes de Flandres et dou comte leur signeur dessus noumet, et ossi de quatre chevaliers englès que li roys englès et ses conssaux y avoient envoiiet sus le conduit des dessus dis Flandrois, et le tretiet de le trieuwe dessus devisée, laquele fu là partout confremmée et saiellée et jurée à tenir sans enfraindre le tierme dessus deviset de l’une partie et de l’autre.
Après ces ordonnanches, furent li pas de le mer ouvert, et coururent sceurement les marchandises de l’un pays en l’autre, mèz toudis se tenoit li estaples des lainnes à Calais, et là les venoient querre li Flammencq et acater, s’il les volloient avoir.
Or retourons nous as besoingnes de Poito et de Saintonge et de ces lointainnes marches. Vous avés bien chi dessus oy comment li prinches de Galles estoit tous malades retournés en Engleterre, et madamme la princesse ossi, et leur fil le jone damoiziel Richart, qui fu puis rois d’Engleterre, sicomme vous orés en l’istoire. Li dus de Lancastre, qui estoit là ordonnés et estaublis de par le dessus dit prinche à gouvrenner et à seignourir la duché d’Acquittainne, avoit ja fait depuis le departement de son frère le prinche pluisseurs chevauchies, armées et yssues sus les terres, qui leurs estoient ennemies, et se tenoit une fois en Angouloime et l’autre à Bourdiaux, et li baron de Poito, de Gascoingne, de Roherge et 283 de Saintonge dallés lui. Encorres s’entretenoient bien chi[l] païs et li seigneur, baron et chevalier qui dedens demoroient, pour lui et en sen aye, tels que li sires de Duras, li sires de Rosen, li seigneur de Pumiers, li sirez de Chaumont, li sires de Courton, li sires de Longheron, li sirez de Lespare, li captaux de Beus, li soudis de Lestrade, messires Bernadet de Labreth, li sires de Geronde, messires Aimeris de Tarse; et de Poito: li sires de Partenay, messires Guicars d’Angle, messires Loeis de Halcourt, li sires de Surgières, li sires de Puiane, li sires de Tannai Bouton et pluisseurs autrez barons et chevaliers de ces marches et contrées dessus nomméez. Or fu enssi adont regardé et adviset entre cez signeurs et pluisseurs chevaliers d’Engleterre ossi dou consseil dou duc qui là estoient, que li dessus dis dus de Lancastre estoit à marier, et que une damme de hault affaire et de grant linage seroit bien emploiiée en lui, car il estoit durement haut gentils homs et de noble generation, et avoit eu à femme une très noble et gentil dame, madamme Blanche, fille au bon duc Henry de Lancastre, que li Gascon avoient moult amé. Si n’estoit mies li dus Jehans de Lancastre à present tailliés d’amenrir ne de lui marier en plus bas degret ne de menre linage; car ja estoit il filz de roy et ungs grant sires de soy meysme. Si savoient chil dessus dit signeur deus jonnes dames et filles au roy dant Pierre d’Espaingue et hiretièrez par droit dou royaumme d’Espaingne, qui estoient à Bayonne, et là les avoit laissiées en plèges et en crant pour grant argent li roys dan Piètres, leurs pèrez. Si fu enssi remoustret et dit au duch que adont il ne se pooit mieux mettre et asener que en l’ainnée de ces filles madamoiselle Constanse qui estoit de droit, par le succession dou roy son père, hiretière d’Espaingne, et encorres par che costé poroit il y estre roys d’Espaingne, qui n’est pas petis hiretaiges, mès ungs des grans dou monde royaumes crestyens, ou chil qui de li et de ceste damme descenderoient; et que on devoit bien presumer et ymaginer si grant prouffit sus le temps à venir. A ces parolles entendi li dus de Lancastre mout vollentiers, et li entrèrent si ou coer que oncques puis ne l’en partirent, et bien le moustra; car tantost il fist appareillier douse de ses chevaliers, et envoya querre et delivrer les dessus dittes dammoiselles Constance et Ysabel à Bayonne, et furent amenées et acompaignies des dammes de Gascoingne et de là environ jusques à Bourdiaux sus Geronde et là rechuptes à grant joie. Assés tost apriès espousa li dus de 284 Lancastre l’ainnée madamme Coustanse, en ung villaige dallés Bourdiaux, où il y a un grant mannoir dou signeur, que on appelle Rocefort, et là eut grant feste et grant solempnité des barons et des chevaliers, des dammez et des dammoiselles dou pays, et durèrent les noches et les festez bien douse jours.
Apriès les espousailles dou duc Jehan de Lancastre et de madamme Coustance, fille ainnée au roy dan Piètre d’Espaingne que ses frères, li rois Henris, avoit fait morir, sicomme chy dessus est deviset en ceste histoire, li dus de Lancastre eult consseil et vollenté de retourner en Engleterre et de amener y sa femme et sa serour ossi, madammoiselle Ysabiel. Si ordonna ses besoingnes et fist touttes ses pourveanches, et recommanda le pays de Poito et les marches par de delà, qui pour yaux se tenoient, en le garde et ou gouvernement des barons des pays, et par especial il elisi quatre souverains, dont li ungs fu li sires de Duras pour les marches de Gascoingne, li secons li captaus de Beus pour les frontières de Bourdiaux, li tiers messires Thummas de Persi pour les tierez de Poito et de Saintonge, et li quars avoecq lui li sires de Partenay. Et il leur dist ensi que il ne se partoit mies pour cose que il n’ewist grant vollenté et bonne de gueriier, mès pour imfourmer le roy, son père, et les barons d’Engleterre de l’estat dou pays, et que, se il plaisoit à Dieu, il retouroit à l’esté si bien pourveus de bonne gent d’armes que pour reconcquerir tout le pays qui perdu estoit; et li dessus dit signeur et gardiien estaubli de par lui respondirent: «Dieus y ait part!» Assés tost apriès, quant touttez ses pourveanches furent faittes et cargies, se departi li dus de Bourdiaux, et tous ses hostes, et montèrent en mer sus le rivière de Geronde et nagièrent tant au vent et as estoilles qu’il arivèrent en Engleterre ou havene de Hantonne. Si descargièrent depuis leurs vaissiaus tout bellement, et missent hors lors chevaux et tout leur harnois, et se reposèrent en ce faisant en le ditte ville de Hantonne par deus jours.
Quant il eurent là sejourné ces deus jours, et qu’il y furent rafresci, li dus et la ducoise se partirent et tous leurs arois, et chevauchièrent deviers Londres, et fissent tant par leurs journées qu’il y vinrent. Si y furent recheu moult sollempnement et très reveramment, et fu la nouvelle ducoise de Lancastre moult honerée, festiée et conjoïe, et tout chil et touttes celles qui avoecq lui estoient, pour l’amour de lui. Meysmement li rois en son palais de Wesmoustier le festia et conjoy mout grandement, car 285 bien le savoit faire. Assés tost après le revenue dou duch de Lancastre en Engleterre, fu fais li mariaigez par l’acord et le vollenté dou roy englès et de son consseil, de monseigneur Aimon, comte de Cantbruge, son fil, et de la seconde fille au roy d’Espaingne, madammoisielle Ysabel qui estoit là avoecq sa soer, et eut as espousailles grant feste et grant solempnité; et dissent adont li Englès que cis mariaiges leur plaisoit grandement et que leur doy seigneur s’étoient aloiiet à noble sanch et grant, et que grans biens et grans prouffis leur en venroit encorres et à leurs hoirs; car il en demoroient hiretier dou royaumme d’Espaingne. Et avoecq tout ce, il avoient fait très grant aumosne; car ces deus dammes estoient escachies et deshiretées: si n’euissent jammès esté relevées, se li enfant dou roy n’ewissent esté. Si en devoient avoir grant grace et grant loenge à Dieu et à tout le monde, voirs de chiaux qui loiauté et franchise amoient et aidoient à parmaintenir: telle estoit la vois et la renommée communement des Englès parmy le royaumme d’Engleterre.
Tout cest yvier se tinrent enssi chil signeur en Engleterre, regardans et ymaginans comment à l’estet il poroient faire un grant fet en Franche. Li aucun dou consseil le roy englès consilloient que li dus de Lancastre empresist à porter en touttes ses armoiries les plainnes armes de Castille, comme drois hoirs, et mesist sus une grande armée de naves et de vaissiaus, de gens d’armes et d’archiers, et venist en Espaingne combattre le roy Henry et reconcquerre le pays, et furent li Englès ung grant temps sus cel estat. Fos 175 ro et vo, 176 ro et vo, 177 ro.
P. 27, l. 9: oy.—Ms. A 8: oy cy dessus.
P. 27, l. 10: rois.—Ms. A 8: rois James.
P. 27, l. 13: Montferrat.—Ms. A 8: Montferrant.
P. 27, l. 22: en.—Ms. A 8: à.
P. 27, l. 25: de rechief au chemin en istance de ce que pour guerriier.—Ms. A 8: au chemin de rechief en entencion de guerrier.
P. 27, l. 27: mort.—Ms. A 8: tué.
P. 28, l. 2: au dit roy.—Ms. A 8: au roy.
P. 28, l. 4: peut.—Ms. A 8: pouoit.
P. 28, l. 11 et 12: et acord... Arragon.—Ms. A 8: du dit roy de Navarre et entrèrent en Arragon.
P. 28, l. 15: essillier.—Ms. A 8: assaillir.
P. 28, l. 16: plain.—Ms. A 8: plat.
286 P. 28, l. 21: furent meneur et.—Ms. A 8: furent.
P. 29, l. 3: quoi c’aucun.—Ms. A 8: combien que aucun. Fo 345 ro.
P. 29, l. 8: moullier.—Ms. A 8: femme.
P. 29, l. 15: le doubtance.—Ms. A 8: la doubte.
P. 29, l. 17: les deus filletes.—Ms. A 8: les filletes.
P. 29, l. 26: celles.—Ms. A 8: elles.
P. 30, l. 4: encontre.—Ms. A 8: contre.
§ 685 et 686. Ces nouvelles et Nous retourrons.—Ms. d’Amiens: Bien estoit li rois Henris d’Espaingne enfourmés des mariages dessus dis de ses deus cousinnes, mariées as enfans d’Engleterre, pourquoy il estoit en doubte qu’il ne li fesissent trop grande guerre et que par aucun meschief il s’acordaissent au roy de Franche, affin que plus plainnement il le peuissent gueriier. Si envoiea tantost li roys Henris grans messaiges deviers le roy de Franche, en lui remoustrant ces perils et les doubtes qu’il y metoit, et que pour Dieu et par amours il y volsist regarder et arester, car il estoit bons et loyaux Franchois et seroit tousjours. Li roys de Franche, comme sages et ymaginans, regarda le bonne vollenté dou roy Henri, et que voirement dou tamps passet l’avoit il en tous estas loyamment servi, et ossi que, se li royaummes de Castille estoit soumis ne concquis pas les Englès, sa guerre en seroit plus layde: si aseura tantost le roy Henry, et dist enssi qu’il fuist tout reconfortés, car jammais il n’aroit as Englès pais, acord, trieuwez ne respit, que il ne fuist ossi plainnement dedens enexés, comme il seroit ilz meysmes. Ces parolles et proummesses pleurent grandement au roy Henry, che fu bien raison, et en leva lettrez et instrummens publicques seellées dou propre seel le roy de Franche; et li roys de France ossi à l’autre lés prist lettrez et instrumens autentikes saiellées dou roy Henry et de tous les barons d’Espaingne. Enssi s’aliièrent, jurèrent et confermèrent chil doy roy enssemble, et ne peuvent faire pais ne acord as Englès li ungs sans l’autre, et doient estre aidant et confortant enssamble, et leur doy royaumme; ne point ne s’en doivent ne puevent repentir ne relenquir, che ont il juré par veu solempnel, presens prelas, dus, comtes, barons et chevaliers.
Par celle mannière vinrent les alianches entre le roy Carlon de Franche et le roy Henry d’Espaingne, et meysmement messires Bertrans de Claiequin, connestables de Franche, y mist et rendi 287 grant painne; car moult amoit le roy Henry, et grans biens en disoit et recordoit. Dont il avint qu’il fu consilliet au duc de Lancastre que il fesist le roy son père pourcachier une trieuwe à durer deus ans ou trois entre lui et le roy de Franche; si aroit plus grant loisir et milleur avantaige de gueriier en Espaingne. Et fu adont li roys englès si enfourmés et consilliés qu’il envoiea en Franche grans messaiges sus tel estat que pour avoir unes trieuwez; mès chil qui envoiiet y furent, n’en peurent riens esploitier, et en respondi li roys de Franche plainnement qu’il n’avoit cure des trieuwes ne des respis son adverssaire le roy d’Engleterre. De ces responsses furent li rois englès et li dus de Lancastre durement courouchiés et virgongneux, et se repentirent mout quant envoiiet y avoient; et dist adont et jura li dis dus de Lancastre que hasteement il enterroit en Franche si poissamment que li royaummes s’en dieurroit vint ans apriès, et que jammais n’en partiroit, s’en aroit em partie sa vollenté, fust par pais ou autrement, à sen honneur. Si fist de rechief ses pourveances plus grandez et plus grosses assés que devant, et retint et manda gens de tous lés où il les pooit avoir, et estoit sen entente qu’il aroit le duc de Guerles, son cousin, et le duc de Jullers; car cil li avoient proummis qu’il le serviroit à douse cens lanches toutez etoffées, et feroient ung grant trau en Franche, et bien li en ewissent tenu couvent, mès ungs empecemens leur vint en celle meysme année, qui leur rompi leur pourpos, sicomme vous orés chy apriès en l’istoire. Encorres remanda li dus de Lancastre le seigneur Despenssier qui se tenoit à Venise et avoit gueriiet les seigneurs de Melans, messire Galeas et messire Bernabo, plus de deus ans; et li pria et enjoindi qu’il revenist en Engleterre au plus tost qu’il pewist, car il volloit mettre sus une très grande armée de gens d’armes et chevauchier en Franche. Sitost que li sires Despenssiers oy ces nouvellez, il se hasta ce qu’il peut, et se parti de Venise, mès ce ne fu mies si trestost.
En ce tamps trespassa de ce siècle chils gentilz et preus chevaliers messires Gautiers de Mauny, qui si par ses proèces et par ses biaux vassellages renlumine che livre em pluisseurs lieux. De le mort de lui furent li rois et tout li signeur d’Engleterre durement courouchiet, et fu mout plains et regretés de tous ses amis. Se li fist on faire son obsèque très reveramment en une eglise de Cartrous dehors Londres, que il avoit fait faire et edefiier, et la prouvenda [à] Chartrous qui tous les jours y font le divin offisce. 288 Si furent à son obsèque li roys et tout si enfant, excepté le prinche, et ossi y eut grant fuisson de prelas d’Engleterre, et fist li evesques de Londres le service. De monsigneur Gautier de Mauny remest une fille appellée damme Anne, qui eut à marit le jone comte Jehan de Pennebrucq, liquelx se traist assés tost apriès as hiretaiges monsigneur Gautier comme hiretiers de par sa femme, et envoya saisir et relever par un de ses chevaliers la terre de Mauny en Haynnau. Fo 177 ro et vo.
P. 31, l. 30: selonch.—Ms. A 8: sur. Fo 345 vo.
P. 32, l. 2: pour le temps se tenoient Englès.—Ms. A 8: pour Anglois se tenoient.
P. 32, l. 4: avoient.—Ms. A 8: avoit desir et.
P. 32, l. 6: qui revenoit.—Ms. A 8: prochain venant.
P. 32, l. 7: ses frères.—Ms. A 8: son père.
P. 32, l. 14: estre mainbour et.—Ms. A 8: estre.
P. 33, l. 2: se s’i.—Ms. A 8: s’i se. Fo 346 ro.
P. 33, l. 17: rescheï.—Ms. A 8: cheï.
P. 33, l. 18: cha en Haynau.—Ms. A 8: cha.
§ 687. Tout cel iver.—Ms. d’Amiens: Vous devés savoir que quant li dus de Lancastre se parti de Bourdiaux et qu’il amena la ducoise sa femme, sicomme chy dessus est contenu, ens ou royaumme d’Engleterre, avoecq yaux se partirent de la ducé d’Acquittainne, tant pour yaux acompaignier que pour remoustrer au roy englès les besoingnes dou pays de Poito et de Saintonge, messires Guichars d’Angle, li sires de Puiane et messires Ammeris de Tarse. Si s’estoient chil chevalier tout l’ivier et le temps tenu en Engleterre, ung jour à Londres, l’autre fois dalléz le roy qui se tenoit le plus ens ou castiel de Windesore, ou dallés le prinche, qui gisoit tous maladez ens son mannoir de Berkamestede. Et avoient li dessus dit chevalier pluisseurs fois remoustré au roy l’estat et les besoingnes pour lesquellez il estoient là venu et envoiiet, et par especial messires Ghuicars d’Angle que li rois veoit vollentiers et l’en ooit parler, et li prioient chierement que il y volsist entendre et pourveir de remède. Li roys qui mout enclins a esté tousjours à aidier et à adrechier ses gens et par especial chiaux à qui il besongnoit, leur respondi que ossi feroit il prochainnement, mès il ne savoit encorres de quel part ceste armée qu’il metoit sus, dont si doy fil estoient chief, se trairoit, ou en Franche, ou em Pikardie, ou en Normandie par le pays de Constentin, 289 ou se il iroient em Poito par le Rocelle; se leur prioit que ilz se volsissent souffrir et atendre tant que ses conssaux en aroit ordonné. Telle estoit la cause pour quoy li troi chevalier dessus nommet sejournoient en Engleterre, dont mout leur desplaisoit; mès amender ne le pooient puisque li roys et ses conssaux le volloient enssi. Or parlerons ung petit dou duc de Bretaingne.
Voirs est que en ce temps que ces coses se varioient sicomme vous avés oy recorder, li dus de Bretaingne metoit et rendoit grant cure à ce que ses pays et li noble et gentil homme de sa terre fuissent englès; et en fist pluisseurs assamblées et parlemens tant de chevaliers que des conssaux des chitéz et des bonnes villes de Bretaingne, mès nullement il ne pooit ses gens amenner ad ce qu’il fuissent englès ne qu’il gueriaissent le royaumme de Franche, leurs boins voisins; et s’escusoient souffissamment et disoient tout plainnement au duc et d’un acord que il n’avoit que faire de demourer en Bretaingne, se il volloit gueriier le royaumme de France, mès se tenist en sa pais et allast voller et cachier et lui deduire, et layast le roy de Franche et le roy d’Engleterre gueriier enssamble, et les Bretons servir le roy de Franche, se armer il se volloient. Chils dus, qui le coer avoit moult englès, ne prendoit mies en trop grant gret les responsces que cil de son pays li faisoient, car il se sentoit si tenus au roy d’Engleterre que il disoit bien à ses plus especials amis, tels qu’il estoit, li roy[s] englès et se puissanche l’avoit fait, et ja n’ewisst estet dus de Bretaingne, se li dis rois englès n’euist esté: pour quoy il se veist trop vollentiers dalés lui en renumerant les serviches et amistés que on li avoit fais. Si en eut chils dus pluisseurs imaginations et pourpos l’espasse de deus ou de trois ans, et tout ce savoit assés li roys de Franche par lez barons et les chevaliers de Bretaingne qui se court hantoient, dont li dis roys les tenoit à amour che qu’il pooit, et ossi les prelas et les riches hommes dez chités et des bonnes villez de Bretaingne, et les honneroit grandement, quant il venoient à Paris, et leur donnoit dou sien largement pour yaux mieux atraire à se vollenté, et tant faisoit que il estoient tout enclin et obeïssant à lui, et en avoit l’amour, l’antise et le service.
Or retourons à monseigneur Ghuichart d’Angle et as compaignons qui se tenoient en Engleterre dalés le roy et estoient ung grant temps puis le revenue dou duc de Lancastre ens ou païs, sicomme chy dessus est dit. Quant li yviers fu passés et la douce saison d’esté revenue que on compta l’an mil trois cens settante et 290 deus et qu’il y eut ews pluisseurs parlemens en Engleterre sus l’estat des guerres et d’une très grosse armée que li dus de Lancastre volloit mettre sus et venir en Franche, sicomme il fist; mès ce ne fu mies si tost qu’il esperoit, et ce le arriera [enssi] que je vous diray. Le saison devant, avoit eu entre Tret sus Meuze et Jullers une très grosse bataille dou duc de Jullers et de monsigneur Edouwart de Guerles d’un lés, et de monsigneur Winchelans, duc de Luxembourcq et de Braibant, d’autre, à laquelle besoingne chils messires Edouwars de Guerles avoit esté ochis, dont li confors et espoirs des Englès estoit mout afoiblis; car il devoit servir le roy englès son oncle à mil lanches et faire ung grant trau en Franche, et devoit li dus de Jullers, ses serourges, estre avoecq lui; mès leur chevauchie et armée demoura tant pour le mort dou dessus dit monsigneur Edouwart que pour ce que li dus de Jullers se trouva mout empeschiés, car messires Carles de Behaingne, empereur de Romme, le volloit guerriier pour le cause de son frère, le duc de Braibant, qu’il tenoit em prison et lequel il delivra par le doubtanche et puissance de l’empereur. Et ossi messires Jehans de Blois, et comtez de Blois, avoit pris à femme la sereur de monsigneur Edouwart dessus nommet, et clammoit à la ducé de Guerles grant part de par sa femme; si ne s’osoit li dus de Jullers partir de son pays, car il avoit l’autre serour de monsigneur Edouwart. Enssi estoient chil pays de Guerles et de Jullers ensonniiet et entriboulet, car la contesse de Blois y faisoit grant guerre à l’encontre de son serourge le duc de Jullers, et de laquelle matère je me voeil partir assés briefment pour tant que elle ne touce de riens à nostre histoire des rois, fors tant que li Englès furent mout courouchiés de la mort de monsigneur Edouwart, car au voir dire c’estoit chils de par dechà le mer qui plus les pooit valloir et aidier. Si eurent toutte celle saison li Englès pluisseurs conssaux ens ou palais à Wesmoustier. Finalement il fu consilliet et aresté que li dus de Lancastre et li contes de Cantbruge seroient chief, gouvreneur et souverain de ceste armée, et passeroient le mer à quatre mil hommes d’armes et douse mil archiers et bien otant de Galois et d’autre gens. Si ordonnèrent leurs pourveancez grandes et grosses seloncq chou, et mandèrent et priièrent gens tout partout où il les penssoient à avoir, et retinrent bien de purs Escos quatre cens lances de bonne estoffe.
Quant messires Guichars d’Angle et li sires de Puiane et messires Aimeris de Tarse qui tout le temps s’estoient tenu en Engleterre, 291 veirent et entendirent le certain arrest dou consseil le roy et de ses barons, et que li doy fil le roy seroient chief et souverain de ceste armée, et que nul il n’en aroient pour remenner en Poito avoecq yaux, si se adrechièrent deviers le roy englès, et li fissent une priière et requeste qui s’estendoit en telle mannierre: «Chiers sires et nobles roys, nous veons et entendons que vous devés envoiier en ceste saison une grant armée et chevauchie dez vostres ens ou royaumme de Franche, pour gueriier les marches de Pikardie, de France, de Bourgoingne et d’Auviergne, de laquelle grosse armée vo doi fil seront gouvreneur et souverain, et ce soit à l’onneur de Dieu et d’iaux, si vous prions et requerons, chiers sires, ou kas que nous ne les poons avoir, ne l’un d’iaux par lui, que vous nous voeilliés baillier et delivrer le comte de Pennebrucq à gouvreneur et cappittainne, et que il vous plaise que il s’en viengne avoecq nous en es marcez de Poito.» Adont s’aresta li roys sous monseigneur Guichart d’Angle plus que sus les autres, et dist: «Messires Ghuichart, et se je ordonne le comte de Pennebrucq, mon fil, à aller avoecq vous ens ou pays de Saintonge, vous faurra il grant carge de gens pour aidier à garder et à defendre le pays contre nos ennemis?»—«Monsigneur, respondi messire Ghuichars, nennil, mais que nous aiiens deus cens hommes d’armes et otant d’archiers pour les rencontres dessus mer et le finanche pour gagier trois mil combatans; nous en recouvrerons bien par de delà; car encorres y sont grant fuison de gens des compaingnes et gens d’autres nations, qui vous serviront vollentiers, mès qu’il aient bons gaiges, et que on lor paie ce avant le main pour cinc ou pour sis mois.» Adont respondi ly roys englès: «Messires Guichars, ja pour or ne pour argent ne demourra que je n’aie gens assés et que chils voiages ne se fache; car j’ay bonne vollenté de deffendre et garder mon pays de Poito. Or soiiés de ce costé tous recomfortés et assegurés, car j’en ordonneray temprement, et vous cargeray, avec le mise que vous emporterés, tels gens et tel cappitainne qu’il vous devera bien souffire.» Adont respondirent tout li troy chevalier, et dissent: «Monsigneur, grant merchis». Fos 177 vo, 178 ro et vo.
P. 33, l. 30: Ghiane.—Ms. A 8: Guienne.
P. 34, l. 1: ens es.—Ms. A 8: es.
P. 34, l. 2: pluiseur signeur.—Ms. A 8: pluiseur.
P. 34, l. 4: appareil de pourveances et.—Ms. A 8: appareil et.
292 P. 34, l. 5: ost que.—Ms. A 8: ost aussi quant comme.
P. 34, l. 13: li rois Edouwars.—Ms. A 8: li rois.
P. 34, l. 19: ghertier.—Ms. A 8: jaretier.
P. 34, l. 24: li contes de Cantbruge, ses frères.—Ms. A 8: li Cantbruge. Fo 346 vo.
P. 34, l. 26: prière et requeste.—Ms. A 8: prière.
P. 34, l. 32: peuist.—Ms. A 8: feïst.
P. 35, l. 21: mainbour.—Ms. A 8: meneur.
P. 35, l. 29: l’emploie.—Ms. A 8: l’emploieray.
§ 688. Ensi et de pluiseurs.—Ms. d’Amiens: Depuis ne demoura guaires de tamps que li roys englès ordonna et pria au comte Jehan de Lennebrucq d’aller avoecq les dessus dis chevaliers ens ou pays de Poito et de Saintonge, pour garder les frontierres contre les Franchois, liquelx comtes à l’ordonnanche dou roy obeï et descendi vollentiers et emprist liement le voiaige à faire. Avoecques le dit comte furent nommet chil qui iroient: premierement, messires Othe de Grantson, banereth et riche homme durement, messires Robers Tuifort, messires Jehans Courson, messires Jehan de Gruières, messires Thummas de Saint Aubin, messire Simons Housagre, messires Jehans de Mortain, messires Jehans Touchet et pluisseurs autres bon chevalier et escuier, tant qu’il furent bien deus cens hommes d’armes et otant d’archiers, et fissent leurs pourveanches tout bellement et à grant loisir de tout ce qu’il leur besongnoit, et leur fist li roys delivrer une grande somme de florins pour gagier et paiier un an tout entier trois mil combatans; puis se departirent dou roy li dessus dit seigneur, quant il eurent pris congiet à lui, et se missent au chemin et s’en vinrent à Hantonne. Là sejournèrent il en ordonnant et regardant à lors pourveances et en cargant leurs vaissiaux et en atendant le vens plus de trois sepmaines. Et quant il eurent tout cargiet et ordonné, et le vent pour yaux, il entrèrent en leurs vaissiaux, et puis se desancrèrent: si se partirent des mettes d’Engleterre, et singlèrent par deviers Poito et le Rocelle. Fo 178 vo.
P. 36, l. 12 et 13: que li rois... d’Angle.—Ms. A 8: que monsigneur Guicart avoit faite au roy.
P. 36, l. 15: gagier.—Ms. A 8: paier.
P. 36, l. 19: XVIIe.—Ms. A 8: XVIe.
P. 36, l. 24: sçai par.—Ms. A 8: sçai comment ne par.
293 P. 36, l. 28: mainbour.—Ms. A 8: meneur.
P. 37, l. 5: breteschies.—Ms. A 8: bretanchées. Fo 347 ro.
P. 37, l. 7: Boukenègre.—Ms. A 8: de Boukenègre.
P. 37, l. 8 et p. 41, l. 3: Pyon.—Ms. A 8: Piou.
P. 37, l. 12: venir et ariver.—Ms. A 8: venir.
P. 37, l. 13: à l’ancre.—Ms. A 8: et ancrez.
P. 37, l. 18: calengièrent.—Ms. A 8: destourbèrent.
P. 38, l. 1: amiroient ne.—Ms. A 8: doubtoient et.
P. 38, l. 2: atendant.—Ms. A 8: afendant.
P. 38, l. 3: trairie.—Ms. A 8: crierie.
P. 38, l. 10: si grans.—Ms. A 8: grans.
P. 38, l. 14: malement.—Ms. A 8: mout malement.
P. 38, l. 16: et proèce remoustrées.—Ms. A 8: et remoustrée proèce.
§ 689. A ce que je oi.—Ms. d’Amiens: En ce tamps avoit li roys Henris d’Espaigne, à le priière et requeste dou roy de France, mis sus mer une grosse armée d’Espagnols et de Chatelains, liquel estoient droite gens d’armes sus le mer de grant fait et de hardie emprise. Et estoient li dit Espagnol pourveu de trèse grosses gallées touttes armées et fretées, et gisoient à l’ancre devant le Rocelle, et avoient ja jeu plus d’un mois, fors tant que chiés de fois il waucroient sour les frontières de Poito pour veoir et savoir s’il trouveroit nullez aventures; mès de touttes les marées il revenoient par droite ordonnanche gesir devant le Rocelle, et se tenoient là à l’entente que pour atendre et combattre lez gens d’armes que messires Guichars d’Angle devoit amener ou pays. Si estoient patron de ceste navie Ambrose Boukenègre, Cavesse de Vake, dan Ferant de Pion et Radigo de la Rosele. En tout le royaume d’Espaigne, de Seville, de Ghalisce et de Portingal ne pewist on recouvrer de quatre milleurs amiraux ne patrons pour gouvrenner une grosse navie sus mer, et estoient chil bien pourveu de grant fuison de bons combatans et de droite gent d’eslite. Bien les veoient chil de le ville de le Rocelle et messires Jehans Harpedane, qui estoit pour le temps senescaux de le Rocelle, mès point ne les aloient combattre; et avint que li comtes de Pennebruc dessus nommés et messires Ghuichars d’Angle et leur navie nagièrent tant par mer, en costiant Normendie et Bretaingne et yaux adrechant pour venir en le Rocelle, qu’il aprochièrent les mettes dou pays et trouvèrent 294 à leur encontre celle grosse navie d’Espaingne. Adont seurent il bien qu’il les couvenoit combattre: che fu l’avant vegille de le nuit Saint Jehan Baptiste, l’an mil trois cens settante et deus.
Quant li comtes de Pennebrucq et li chevalier qui là estoient en se compaignie, perchurent le navie des Espagnolx qui estoient en leur chemin, et ne pooient nullement venir ne ariver en le Rocele ne passer fors que parmy yaux, et le virent si grande et si grosse et pourveue de si gros vaissiaus enviers les leurs, si ne furent mies bien aseguret. Nonpourquant, comme bonnes gens, il s’armèrent tost et appertement, et fissent sonner leur trompettes et mettre leurs bannièrez et leurs penons hors avoecq ceux de Saint Jorge, et moustrèrent bon visaige, et requeillièrent et missent enssamble tous leurs vaissiaux, petis et grans, et aroutèrent leurs archiers tout devant, et pooient y estre quatorse nefs parmy leurs pourveanches. D’autre part, li Espagnol qui mout les desiroient à combattre, si trestos comme il les virent nestre ne approcier, il s’armèrent et ordonnèrent, et missent leurs bannières et leurs pennons de Castille hors, et fissent sonner lors trompettes et aller touttes mannières de gens à leur gardes, et montèrent amont as cretiaux et as garittes de leurs vaissiaux qui estoient bien breteskiés, et targièrent et paveschièrent tous leurs rimeurs, dont en chascune gallée avoit grant fuison, et s’estendirent tout au lonch affin que li Englès ne les pewissent fuir ne eslongier. Et quant il se furent enssi ordonné, comme gent de bon et grant couvenant, li quatre patron dessus nommet, dont chascuns estoit en une gallée par soi et entre ses gens, se missent en frontière tout dentre et aprochièrent les Englès vistement et radement. D’autre part, li Englès qui estoient tout comforté de le bataille, car combattre les couvenoit et atendre l’aventure ne ilz ne pooient fuir d’entre yaux ne reculler, ne ossi il n’ewissent daigniet, aprochièrent moult bellement et moult ordonneement. Si trestost que il furent li ung devant l’autre, comme gens de guerre et ennemy, sans noyent parlementer, il se commencièrent à envaïr, à atraire et à lanchier vistement et fortement. Là s’acquitoient li archier d’Engleterre souffisamment au traire, et estoient sour les bors de lors nefs, et traioient si roidement et si ouniement c’à painnes se pooit ne osoit nuls amoustrer. D’autre part Espagnol et Chateloing, qui estoient bien pavesciet et à le couverte en leurs vaissiaux, lanchoient dars et archigaies si trenchans, que qui en estoit à plain cop consieuwis, c’estoit sans remède: il estoit mors 295 ou trop villainnement navrés. Che premier jour tournièrent il enssi en lanchant et escarmuchant, en jettant pierres et en traiant, dont il en y eut des uns et des autres pluiseurs ochis et navrés, tant que li marée dura et que li aige ne leur falli, car li mers seloncq son usage se retraiioit. Si couvint retraire les Englès, mais à ce premier estour il perdirent quatre nefs de leurs pourveanches, que li Espagnol conquissent sus yaux et encloïrent au departement dou hustin entre yaux, et furent mort et noiiet et jetté à bort le plus grant partie de ceux qui dedens estoient: tout che veoient leur mestre et leur signeur qui devant yaux estoient, mès amender ne le pooient. Fos 178 vo et 179 ro.
P. 38, l. 28: ens ou.—Ms. A 8: au.
P. 39, l. 18: Harpedane.—Ms. A 8: Hardane. Fo 347 vo.
P. 39, l. 21: Cauderier.—Ms. A 8: Chauderon.—Ms. B 1: Chaudouvrier.
P. 39, l. 23 et p. 40, l. 9: kay.—Ms. A 8: gué.
P. 39, l. 32: peuist.—Ms. A 8: sceust.
P. 40, l. 1: en le.—Ms. A 8: dedens la.
P. 40, l. 10: naviier.—Ms. A 8: nager.
§ 690. Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Enssi sus heure de vespres au retrait dou flos et que li wèbes leur falli, se departi li bataille, et retournèrent à l’ancre li Englès tous courouchiés, c’estoit bien raison; car il avoient ja perdu grosement jusques à quatre vaissiaux de lors pourveanches et les gens qui dedens avoient estet trouvé, et d’autre part li Espagnol se missent à l’ancre tout joieant, qui se tenoient tout comforté que à l’endemain il aroient le demorant. Moult estoit li tamps et li airs quois et seris, et ne faisoit point de vent. Si eurent che soir et le nuit enssuiwant li signeur d’Engleterre tamainte ymagination comment il se poroient maintenir et deduire contre ces Espagnolz, car point ne se veoient en jeu parti contre yaux, dont il n’estoient miez à leur aise. D’autre part, nullement il n’en pooient venir ne ariver à le Rocelle, car leurs nefs estoient trop grandes, et li aige trop basse, car c’estoit sus le decours de le lune; si n’avoit li mers point de force. Bien avoient des batiaux en leurs nefs et qui les siewoient, ens es quels li chevalier se pewissent bien estre mis, se il volsissent, et venir à rime jusques au kay de le Rocelle, mès il doubtoient le peril; car il ne pooient passer fors parmy leurs ennemis qui avoient ossi otelle pourveance de barges et de 296 batiaux, et estoient tout enfourmé de ce fait; et au passer devant ou dalés lors ghalées, chil qui seroient d’amont leur jetteroient pierres et barriaux de fer et leur effonderoient leurs batiaux: si seroient perdu d’avantaige. Dont à yaux mettre en ce parti il n’estoient point d’acort; ossi dou retourner ne de prendre le parfont, il n’y veoient ne prouffit ne honneur pour yaux, car sitost que li Espagnol les veroient fuir, yaux qui ont leurs gallées armées et pourvewez de grant fuisson de rimeurs, leur seroient mout tost au devant, et les aroient à vollenté avoecq le blamme et le reproce qu’il aroient du fuir. De quoy, tout consideret et peset le bien contre le mal, il dissent que il atenderoient l’aventure de Dieu et se combateroient à l’endemain, tant qu’il poroient durer, et se venderoient plus chier que oncques gens ne fissent, siques sus ce pourpos et avis il s’arestèrent, et passèrent le nuit au plus biel qu’il peurent.
P. 40, l. 19: tous li wèbes.—Ms. A 8: la marée.
P. 40, l. 30: et se.—Ms. A 8: et.
P. 41, l. 1: Evous.—Ms A 8: et puis vindrent. Fo 348 ro.
P. 41, l. 6: cros et havès de fier à kainnes.—Ms. A 8: crochès et chaines.
P. 41, l. 7: peuissent.—Ms. A 8: pouoient.
P. 41, l. 10: Guichart.—Ms. A 8: Guichart d’Angle.
P. 41, l. 15: d’assallir et de yaus targier.—Ms. A 8: d’assallir.
P. 41, l. 22: ne onques.—Ms. A 8: que onques.
P. 41, l. 24: des leurs.—Ms. A 8: de leurs gens.
P. 42, l. 3: où il eut fait tamainte.—Ms. A 8: où l’en fist mainte.
P. 42, l. 15: li.—Ms. A 8: yceulx.
§ 691. Qui se trueve.—Ms. d’Amiens: Celle meysme nuit et tout le soir estoit en grant priière et pourcach messires Jehans de Harpedanne, un chevalier englès et senescaux de le Rocelle pour le temps, enviers chiaux de le ditte ville; et leur disoit et moustroit comment leurs gens se combatoient as Espagnolz, et qu’il ne s’aquitoient mies biens quant il ne les aloient aidier; mès, quoyque li chevaliers les sermonast ne amonestast, il n’en faisoient nul compte, et moustrèrent bien li pluisseur par samblant qu’il avoient plus chier le dammaige des Englès que l’avantaige. A ce dont estoient en le Rocelle doy gentil chevalier de 297 Poito, li sires de Tannay Bouton et messires Jaquemes de Surgières, liquel pour yaux acquitter dissent qu’il se meteroient en barges et en batiaus et venroient dallés leurs gens, et priièrent estroitement et fortement à ciaux de le ville qu’il volsissent aller avoecq yaux, mès oncques nus ne dist: «Vollentiers,» ne ne s’avancha de l’aler. Quant ce vint à l’endemain qui fu la nuit Saint Jehan Baptiste l’an mil trois cens settante et deus, et que li flos de le mer fu revenus, li chevalier, qui en le Rocelle se tenoient, ne veurent mies estre là trouvé sejournant, et il veyssent leurs gens combattre, mèz s’armèrent au plus tost et dou mieux qu’il peurent, et entrèrent et se fissent menner et naviier à esploit de rimmes à l’endroit de leurs gens qui ja se combatoient, et tant alèrent tourniant les gallées et les Espagnols qui entendoient au combattre, qu’il vinrent jusques à yaux, et entrèrent ens es nefs dou conte de Pennebrucq et de monsigneur Ghuichart d’Angle, qui leur seurent mout grant gret de leurs secours et de leur venue. Ja estoit li estours et li hustins commenchiet très le point dou jour, qui fu ossi fors et ossi bien combatus que on vey oncques gens sus mer combattre; car li assallant estoient droite gens de mer, fort et rade, et bien durant et esploitant en tel besoingne, et li Englès très bien deffendant ossi vassamment et radement que on vey oncques gens, et ne l’avoient mies li Espagnol d’avantaige, car li chevalier englès, gascon et poitevin, qui là estoient, se combatoient et deffendoient leurs corps et leur navie de très grant vollenté et mout durement, comment que la parchon n’estoit mies juste pour yaux; car li Espagnol estoient grant fuisson, et se n’y avoit si petit varlet entre yaux, qui ne fesist otant que uns homs d’armes en lors gallées, car il jettoient d’amont pierres de fais, plommées et gros barriaux de fier, dont il debrissoient et deffroissoient tous lez vaissiaux des Englès. Là fu li jones comtes de Pennebrucq très bons chevaliers, et fist merveillez d’armes de se main, et ossi furent messires Othes de Grantson, messires Guichars d’Angle, messires Aimeris de Tarse, li sires de Tannai Bouton, li sires de Puiane, messires James de Surgières, messires Jehans Harpedane, messires Jehans Tuifort, messires Jehans de Gruières, messires Jehans Toursès, messires Jehans de Lantonne, messires Simons Housagre, messires Jehans de Mortain, messires Jehanz Touchet et li autre chevalier et escuier, et estoient par ordonnanche espars par leurs vaissiaux pour mieux entendre à leurs gens et rencoragier les lassés et les esbahis.
298 A ceste bataille, qui fu, devant le Rocelle, dez Espagnols as Englès, eut ce jour fait mainte[s] bellez appertises d’armes, car là s’esprouvoient li hardit et li bien combatant; mais au voir dire li Espagnol avoient moult grant avantaige de bien assaillir et de requerre leurs ennemis, car il estoient en grans et gros vaissiaux, c’on dist gallées, touttes frettées et armées, qui se remoustroient deseure tous les vaissiaux des Englès, et pooient veoir li Espagnol par dedens leurs vaissiaux, et point li Englès en chiaux des Espagnolz; et estoient li jet et li cop lanchiet et ruet des vaissiaux des Espagnols en chiaux des Englès de plus grant force et de plus grant virtu sans comparison, pour ce qu’il descendoient de plus haut que ne fuissent chil des Englès. Si traioient li archier d’Engleterre mout fortement et très ounniement, mès li Espagnol estoient bien paveschiet contre ce, et ne leur fist li très mies trop grant dammaige. Ensi en che hustin et en celle rihotte se tinrent li Englès tout ce jour, et qui quidoient toudis que chil de le Rocelle les dewissent comforter et secourir, mès il n’en avoient nul talent, enssi qu’il apparu; car oncques plus nuls ne s’en partirent, fors li troi chevalier dessus nommet, qui se veurent acquiter de leur honneur, ensi que tout loyal chevalier par droit et raison doient faire en telz besoingnes. Là estoient li quatre patron et cappitainne des Espagnols, chascun en une gallée et entre ses gens en bon couvenant, et moustroient bien chière et fait de hardit homme, et resbaudissoient grandement leurs gens, et disoient en leur langage: «My enfant, esploitiés vous et ne vous esbahissiés de cose que vous voiiés; car ceux chy sont nostre, et apriès venront tout li autre.» De ces parolles avoient li chevalier englès et gascon, qui les entendoient, grant indination, mès amender ne le pooient: si en faisoient leur pooir et leur devoir à leur milleur entente, et s’abandonnoient de grant vollenté et chascun pour rencoragier l’un l’autre. Enssi continuèrent ilz et perseverèrent le plus grant partie dou jour, et tant furent li Englès et chil de leur costé fort requis, combatu et apresset, qu’il furent durement lasset et foullé, et ne se peurent plus tenir, et en furent li Espagnol mestre, et lez conquissent par force d’armes, mès moult leur cousta de leurs gens, car là avoient ossi bonne chevalerie tant pour tant que on pewist point recouvrer, et bien le moustrèrent, car point ne se vorrent rendre jusques à tant que force leur fist faire et que autrement leurs nefs ewissent estet touttes effondrées et yaux perdu sans merchy. Là furent mort de 299 leur costé messires Aimeris de Tarse, gascons, bons chevaliers et preux durement et qui estoit yssus de tamainte dure besoingne, et avoecq lui messires Jehans de Lantonne, messires Simons Housagre et messires Jehans de Mortain, messires Toucet et pluisseurs autres, et pris li comtes de Pennebruc, messires Ghuicars d’Angle, messires Othes de Grantson, li sires de Puiane, li sires de Tannai Bouton, messires Jehans de Harpedane, messires Robers Tuifort, messires Jehans de Gruières, messires Jaquemes de Surgières, messires Jehans Toursès, messires Thummas de Saint Aubin et bien dis et set chevaliers, tous de nom: oncques nuls n’escappa de ceste armée, que n’en fuissent tout mort ou tout pris; et fu li vaissiaus peris et effondrés, où li finanche estoit, que li roys englès envoiioit en Poito pour gagier trois mil combatans et paiier, se il besongnoit, un an. Si poés bien croire que il y avoit grant somme de florins, et oncques ne fist aise ne prouffit à nullui, dont ce fu dammaigez qu’il en escheï enssi; et en furent li Espagnol meysmement courecié, quant il le sceurent; mès ce fu si tart qu’il n’y peurent pourveir de remède.
Qui se treuve en tel parti d’armes que li dessus dit, il couvient qu’il prende en gré l’aventure que fortunne li envoie. Che jour l’eurent moult dur li Englès pour yaux et par le coupe de monsigneur Ghuicart d’Angle et de monsigneur Ammeri de Tarse qui là demoura, et dou signeur de Puiane, qui avoient enfourmé le roy englès qu’il estoient gens assés pour ariver em Poito, de trois cens ou de quatre cens, siques li roys sour leur requeste se fourma et leur acompli leur demande, dont il leur mesvint; et, au voir dire, il s’estoient trop foiblement parti d’Engleterre, seloncq le grant fuison d’ennemis qu’il avoient par mer et par terre. Apriès celle desconfiture, et que li Espagnol eurent quis et cherchié touttes les nefs dez Englès et pris les barons et les chevaliers et fait entrer en leurs gallées, et qu’il se furent tout saisi de leurs armures et les eurent fianchiés, il se tinrent tout quoy à l’ancre devant le Rocelle en atendant le marée et le flos de le mer qui devoit revenir, en menant grant joie et grant reviel. Bien virent et congneurent tantost chil de le Rocelle que leurs gens estoient desconfi, dont li pluisseur en requoy furent tout joieant, et ne volsissent mies que la besoingne fuist autrement allée pour nul avoir, et especialement li plus grant maistre de le ville; car il leur estoit segnefiiet et dit pour certain que on devoit prendre douse de leurs bourgois à election, sus lesquels li roys englès et 300 ses conssaux estoient mal enfourmet, et mener comme prisonniers en Engleterre. Pour celle cause et celle doubte il s’en portèrent et passèrent plus bellement; nonpourquant il se faindirent adont pour apaisier les ennemis, et cloïrent leurs portes mout estroitement, et s’armèrent touttes mannières de gens, et alèrent as cretiaux, as portes, as tours et as gharittes par connestablies, et ne laissièrent nullui entrer ne yssir; car il disoient enssi qu’il ne savoient que li Espagnol penssoient et se ilz les venroient assaillir. Pour tant se tenoient il sour leur garde, mès li Espagnol n’en avoient nul tallent fors de partir au flos revenu et de tourner vers Espaingne et là menner leur concquest et leurs prisonniers à sauveté. Che soir esceï trop bien à monseigneur James de Surgières, un chevalier de Poito, qui là estoit pris; car il parla si bellement et si sagement à son mestre qu’il fu quittes parmy trois cens frans franchois qu’il paiia tous appareilliés, et fu renvoiiés arrièrre en le Rocelle, delivrés sicomme vous avés oy; et pour l’onneur de chevalerie on mist tout les chevaliers qui là avoient estet mort, en une barge, et les envoiièrent li Espagnol en le Rocelle. Là furent il recheu et ensepveli en sainte terre.
Quant li flos de le mer fu revenus et que li mestre patron et souverain des Espagnols, loist assavoir: Ambroise Boukenègre, Cabesse de Vake, dan Ferrant de Pyon et Radigo de la Roselle, eurent ordonné leur besoingnes et mis gens et maronniers ens es nefs englèces qu’il avoient concquis pour gouvrenner et amener avoecq yaux, ilz sachièrent les singles amont et se desancrèrent, et se partirent trompant et cornemusant et faisant grant feste, et entrèrent ou parfont pour prendre le mer d’Espaingne. Fos 179 ro et vo, 180 ro.
P. 42, l. 28: coi que.—Ms. A 8: combien que.
P. 43, l. 1: recorder en.—Ms. A 8: en. Fo 348 vo.
P. 43, l. 16 fuissent.—Ms. A 8: estoient.
P. 43, l. 25: coron.—Ms. A 8: boux.
P. 44, l. 10: d’Agoriset.—Ms. A 8: d’Angonse.
§ 692. Cilz Yewains.—Ms. d’Amiens: Nous lairons un petit à parler d’iaux et parlerons d’une armée que Yeuwains de Gallez et messires Jehans de Ray, bourgignons, avoient au commandement dou roy de Franche en celle saison mis sus, et estoient venut sus les ysles de Coustentin, et pooient y estre environ uit cens hommez d’armes et avoient tout le temps gardé le 301 mer et les pas de Normendie, et estoient arivet chil Franchois en l’isle de Grenesée, dont Ammons Rose, uns escuiers dou roy d’Engleterre, estoit cappitainne. Quant il sceut que Yeuwains de Galles et se routte devoient prendre terre en l’isle dont il estoit gardiiens, il requeilla chiaux dou pays et chiaux qu’il avoit amenés d’Engleterre avoecq lui, et s’en vint sus un certain pas où il penssoit que li Franchois prenderoient terre. Là eut grant bataille et dure, et moult fu trait, lanchiet et assailli, et coust(um)a moult grandement li passaiges as Franchois, ainschois qu’il pewissent ariver. Toutteffois finablement il le concquissent, et en y eut bien mors de le partie as Englèz sis cens et se sauva à grant meschief Ammon Rose, et se bouta ou castiel de Cornet, qui est priès de là. Depuis celle desconfiture n’y eut riens retenu sus tout le pays, car il n’y a nulle forterèche. Si ardirent et essillièrent li dit Franchois tout cesti ysle, et y ranchonnèrent hommes et femmez, et apriès entrèrent en l’isle de Gersée, et l’ardirent et ranchonnèrent ossi, et puis vinrent mettre le siège devant le castiel de Cornet, où Ammon Rose et aucun gentil homme d’Engleterre estoient retret. Là y eut pluisseurs assaux, mès il ne fu mies adont gaegniés, car li roys de Franche manda au dit Yeuwain de Gallez et à monsigneur Jehan de Ray qu’il se partesissent de là et s’en allaissent en Espaingne parler au roy Henry et impetrer ou nom de lui vint et cinc ou trente grosses gallées pour venir assegier le Rocelle; car li roys savoit ja que cil qui le devoient rafrescir, li comtes de Pennebrucq et li autre dessus nommet, estoient tout mort et tout pris. Si se departi du siège de Cornet li dis Yeuwains, et entra en mer à tout trèse barges tant seullement, et prist le droit chemin d’Espaingne, et singlèrent tant qu’il arivèrent en Galisce, à ung port et à une ville qui s’apelle le bourcq Saint Andrieu. Fo 180 ro.
P. 44, l. 31: par quel.—Ms. A 8: pour quelle.
P. 45, l. 5: et.—Ms. A 8: il. Fo 349 ro.
P. 45, l. 7: en gouvrenance.—Ms. A 8: gouvernement.
P. 45, l. 13: ci.—Ms. A 8: ci dessus.
P. 45, l. 16: Harflues.—Ms. B 4: Harfleux.
P. 45, l. 23: le dit isle.—Ms. A 8: la ditte.
P. 45, l. 28: dura.—Mss. A 8 et B 4: se tint.
P. 46, l. 1: de là.—Ms. A 8: près de là.
P. 46, l. 1: avoit esté.—Ms. A 8: fu.
P. 46, 1. 9: est.—Ms. A 8: estoit.
302 P. 46, l. 18: desous.—Ms. A 8: declin.
P. 47, l. 4: oy.—Ms. A 8: vi.
P. 47, l. 6: à toutes gens congiet.—Ms. A 8: congié à ses gens. Fo 349 vo.
P. 47, l. 9: de.—Ms. A 8: de devant.
§ 693. Vous devés savoir.—Ms. d’Amiens: En ceste meysme heure arivèrent li dessus dit Espagnol, Cabesse de Vake et li autre, qui avoient pris les dessus nommés Englès et Poitevins, et entrèrent auques enssamble en le ville; si furent moult resjoy chil dou pays de le pris des dessus dis et de le belle aventure qui estoit avenue à leurs gens. Si vinrent li dessus dit patron, qui la bataille avoient desconfi, deviers le roy Henry, leur seigneur, qui se tenoit à Burges, et li fissent present de leurs prisonniers. Li roys leur en sceut grant gret, et furent si bien d’acort que li dit prisonnier dubrent demourer et y estre au dit roy parmy une grande somme de florins qu’il en rendoit. Si furent envoiiet querre li dessus dit chevalier à le ville de Saint Andrieu, et vint contre yaux bien acompaigniés li ainsnés filz dou roy Henry, qui s’appelloit Jehans, et les honnoura et requeilli moult bellement, et furent amenet à Burgez, et depuis furent il espars en diviers lieux et mis tous en kainnes et en destroitez prisons, excepté li comtes de Pennebrucq et messires Ghuichars d’Angle. Fo 180 ro.
P. 47, l. 14: tant c’à ceste fois.—Ms. A 8: pour celle fois.
P. 47, l. 14: si imaginèrent tantost li sage homme.—Ms. A 8: si ymagina lui et les sages gens.
P. 48, l. 1: et embuiés.—Ms. A 8: de fer.
P. 48, l. 6: très.—Ms. A 8: entrés.
P. 48, l. 15: rampronnant.—Ms. A 8: reprouchant.
P. 48, l. 29: ne en voie.—Ms. A 8 et B 4: ne en lieu.
P. 49, l. 6: et.—Ms. A 8: ne.
P. 49, l. 27: cose.—Ms. A 8: cose il.
§ 694. Nous retourrons.—Ms. d’Amiens: Nous retourrons as besoingnes et as avenues de Poito, de Saintonge et de le Rocelle, et vous parlerons que droitement le jour saint Jehan Baptiste, dont le jour devant la bataille avoit esté desconfite sus mer, vinrent en le Rocelle grant fuison de gens d’armes de le partie as Englèz, dont li captaus de Beus estoit souverains, et de se route, 303 li soudis de Lestrades, messires Petiton de Courton, li bastart de Courton, messires Berars de le Lande, messires Pierres de Landuras, messires Bertrans dou Franch et pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, et furent mout courouchiet, quant il oïrent les nouvellez que leurs gens estoient desconfit. Si trouvèrent là monsigneur Jehan d’Ewrues, qui avoit estet à la besoingne et s’en estoit sauvés. Là eurent chil dit signeur chevalier grant conseil enssemble quel cose il feroient et comment il se maintenroient. Si fu enssi ordonné que messires Jehan d’Ewrues demourroit ou castiel de le Rocelle et le garderoit, car ja se commenchoient il à souppechonner de chiaux de le ville, et entr’iaux chevaucheroient il sour le pays, et bouteroient hors Bretons qui tenoient aucuns petis fors, marchissans sour le marinne, qui ranchonnoient et herioient le pays.
Si se partirent ces gens d’armes de le Rocelle, et pooient estre environ trois cens lanchez, et s’en vinrent deviers Subise; là environ se tenoient Breton qui avoient fortefiiet eglises et petis fors. Si se traist celle part li captaux et se routte, et les commenchièrent à envayr et à assaillir asprement et roidement. Fo 180 ro et vo.
P. 50, l. 4 et 5: le Rocelle.—Ms. A 8: la ville de la Rochelle, si comme vous avez oy cy dessus.
P. 50, l. 18: d’Agorisès.—Ms. A 8: Agonses.
P. 50, l. 24: gens.—Ms. A 8: routes.
P. 51, l. 9: Cruese.—Ms. B 4: Tierasse.
P. 51, l. 25: cose, si.—Ms. A 8: jusques il. Fo 350 vo.
§ 695. Tant esploitièrent.—Ms. d’Amiens: En ce tamps chevauchoient et tenoient les camps li connestablez de Franche et li dus de Bourbon, il dauffins d’Auviergne, messires Loeis de Saussoire, marescaux de Franche, li sirez de Sulli, li viscontes de Miaux, li viscontes d’Aunay, messires Raoul de Rainneval, li sires de Biaumanoir, li viscontez de Rohem, messires Oliviers de Clichon, li sires de [La]val et pluisseurs autres barons et chevaliers, et vinrent devant une forterèche en Poito qui s’appelle Mont Morillon, et l’asaillirent vistement et radement et le prisent d’assaut, et furent mort tout chil qui dedens estoient. En apriès il vinrent devant Cauvegny et furent là deus jours: au tierch jour li ville se rendi à yaux, et d’illuecq il vinrent devant Leusach, et prissent le ville et le castiel et y missent gens et gardes 304 de par yaux, et encorrez prissent il pluisseurs autres petis fors, et puis s’en vinrent il logier devant Poitiers, et là jurent il une nuit ens es vingnes, et celle nuit eurent il consseil et advis qu’il venroient devant Mont Contour, qui estoit ungs biaux castiaux et fors, et qui durement contraindoit les fortrècez franchoises. Si se deslogièrent à l’endemain de devant Poitiers li dit Breton et Franchois, et vinrent à Mont Contour et le assegièrent et environnèrent de tous costés, car il estoient bien gens assés pour tout chou faire.
De la ville et du castiel de Mont Contour estoit cappitainnes et gardiien Jehans Carsuelle et David Holegrave, et avoient laiens avoecq yaux bien soissante compaignons d’armes. Sitost que li connestablez de Franche, li dus de Bourbon, messires Loeis de Sausoire, messires Oliviers de Clichon, li sires de Biaumannoir et li autre chevalier dessus nommet furent venu devant, il commenchièrent fortement à assaillir, et chil de dedens à eux defendre, et n’y fissent riens li dit Breton dou premier ne dou second ne dou tierch assault. Dont se retraissent li signeur à leur logeis, et eurent autre consseil qu’il fissent les païsans dou pays coper et achariier grant fuison de busce et de arbres pour emplir une partie des fossés et jetter estrain et faghos et terre dessus, et mist on quatre jours à faire ceste ordonnanche. Quant li Englès qui dedens estoient, en virent le mannière, si parlèrent enssemble; car il perchurent bien qu’il ne seroient comforté de nul costé, et, s’il estoient pris par forche, il seroient tout mort et sans merchy. Si commencièrent à traitier à chiaux de l’ost pour rendre le fort. Li signeur de Franche y entendirent volentiers, et fu rendu au VIe jour par composition que chil de dedens se partiroient, sauves lors vies tant seullement, et n’enporteroient riens dou leur, et entrèrent li Franchois dedens et se saisirent de le ville, et y mist li connestables messires Bertrans une cappittainne breton en qui il avoit mout grant fianche. Fo 160 vo.
P. 52, l. 5: de plus priès.—Ms. A 8: de priès.
P. 52, l. 13: tout fait.—Ms. A 8: tout ce fait.
P. 52, l. 15: besongnoit.—Ms. A 8: estoit bien mestier.
P. 52, l. 17: aventure.—Ms. A 8: aventure et peril.
P. 52, l. 20: et traïsent.—Ms. A 8: et se traïrent.
P. 52, l. 21 et 22: vinrent.—Ms. A 8: venoient.
P. 52, l. 22: pilz et haviaus.—Ms. A 8: pics et hoyaulx.
P. 52, l. 27: nompourquant.—Ms. A 8: neantmoins.
305 P. 52, l. 28: mieulz.—Ms. A 8: firent.
P. 52, l. 31: si Breton.—Ms. A 8: ses gens.
P. 53, l. 1: il seroient tout mort.—Ms. B 4: ou ochis.
P. 53, l. 4: leurs corps et leurs biens.—Ms. A 8: leurs vies et leurs corps. Fo 351 ro.
P. 53, l. 14: pooit.—Ms. A 8: savoit.
§ 696. Quant cil de le cité.—Ms. d’Amiens: En ces ordonnances, et entroes que on seoit devant Mont Contour, mandèrent chil de Poitiers, qui se commencièrent à esbahir, secours à messire Thummas de Perssi, leur senescal, qui estoit en le route et en le compaignie dou captal, en lui priant chierement qu’il volsist là venir si fors de gens d’armes que pour garder et deffendre leur chité contre les Franchois, car il penssoient bien qu’il seroient assegiés. Li senescaux de Poito remoustra ces coses au captal et as autres chevaliers qui là estoient. Li captal n’eut mies consseil de rompre se chevauchie, mès il acorda bien qu’il se traysist celle part. Si se parti li dis messires Thummas de Perssi dou captal environ à ciquante lanches, et s’en vint à Poitiers, et y trouva monsigneur Jehan d’Ewrues, qui s’i estoit ja boutés à cent hommez d’armes, car on li avoit comptet aussi que li Franchois le volloient assegier: si avoit laissiet en garnisson ou castiel de le Rocelle un escuier qui puis en fist malle garde, si comme vous orés chy apriès.
Apriès ce que chil baron de Franche eurent repris Mont Contour, il eurent consseil qu’il se trairoient deviers le marce de Limozin, car li dus de Berri à tout grant fuison de gens d’armes de Berri et d’Auviergne se tenoit celle part et volloit mettre le siège devant Sainte Sivière, qui estoit à monsigneur Jehan d’Ewrues. Et en estoient cappittainne et gardiien de par lui messires Guillaumes de Perssi, Richars Gilles et Richars Helme, et pour tant que ceste garnison du Sainte Sivière contraindoit durement les marches et les frontières de Berri et de Limozin, li dus de Berri mettoit grant entente que il le pewissent avoir. Si se traissent celle part touttes mannières de gens d’armes, et vinrent assegier Sainte Sivière, et y eut là pluisseurs grans assaux, dont chils dedens de premiers se portèrent moult bien, car il estoient bien quatre vins hommez d’armes. Ces nouvelles vinrent à monsigneur Jehan d’Ewrues qui estoit à Poitiers, comment li dus de Berri, li dus de Bourbon, li connestables de Franche, messires Oliviers de 306 Clichon, li viscontes de Rohem, li sires de Sulli, li sires de Tournemine, messires Olivier de Mauni, et grant baronnie de Franche, de Bretaingne et de Berri et ossi de Pikardie seoient devant Sainte Sivière qui se tenoit et rendoit à lui, et, se il n’estoient secouru et comforté, il seroient pris de forche. Sitost que messires Jehans d’Ewrues entendi chou, il pria moult affectueuzement au captal et à tous les chevaliers qui là ens ou pays estoient, tant de Poito que d’Engleterre, qu’il volsissent faire leur pooir et dilligensce d’aidier et conforter se fortrèce et ceux qui dedens estoient, et de lever le siège. Chil signeur à le priière monsigneur Jehan d’Ewrues descendirent, et se reunissent tout enssamble et fissent leur amas en l’abbeïe de Charros en Poito, et quant il furent tout enssamble, il se trouvèrent bien uit cens lanches. Si eurent grant entension que de venir combattre les Franchois devant Sainte Sivière. Fo 180 vo.
P. 54, l. 5: jusques à.—Ms. A 8: vers.
P. 54, l. 9: retraire.—Ms. A 8: traire.
P. 54, l. 22: recueilloite.—Ms. A 8: recongnoissance.
P. 54, l. 28: de Bourgogne et de Limozin.—Ms. A 8: d’Auvergne et de Bourgogne.
P. 55, l. 1: Holme.—Ms. A 8: Horme.
P. 56, l. 1: sa forterèce.—Ms. A 8: la forterèce de Sainte Sivière. Fo 351 vo.
P. 56, l. 7: vous entendés à vostre cousin et mes.—Ms. A 8: vous m’entendés et conseilliez à mes.
P. 56, l. 9 et 10: j’en sui en grant.—Ms. A 8: j’en ay grant.
P. 56, l. 16 et 17: de le ditte cité.—Ms. A 8: d’ycelle.
P. 56, l. 17: Renaus.—Ms. A 8: Regnaulz.
P. 56, l. 26: enclos et assis.—Ms. A 8: assis et enclos.
P. 57, l. 14 et 15: qu’il se presissent priès.—Ms. A 8: qu’ilz s’apprestassent.
P. 57, l. 17 et 18: as quelz ces nouvelles vinrent.—Ms. A 8: à qui ces lettres furent envoiées.
P. 57, l. 18: se.—Ms. A 8: s’en.
P. 57, l. 20: estoffeement qu’il peut.—Ms. A 8: efforciement qu’il pouoit.
P. 57, l. 21: vinrent.—Ms. A 8: furent.
P. 57, l. 23: Vivone.—Ms. A 8: Vivoire.
P. 57, l. 25: Ponsances.—Ms. A 8: Puissances.
307 P. 57, l. 29 à 32: trouvèrent tout ensamble, et s’en vinrent logier...—Ms. A 8: trouvèrent neuf cens lanches et cinc cens archiers.
§ 697. Le ms. d’Amiens, à partir de ce paragraphe, présente la même rédaction que notre texte: nous n’en donnerons donc plus que les variantes, quand il y aura lieu.
P. 58, l. 2: Bertran.—Ms. A 8: Bertran du Guesclin.
P. 58, l. 6: ains.—Ms. A 8: et.
P. 58, l. 9: quelz.—Ms. A 8: quelque.
P. 58, l. 11: bonne.—Ms. A 8: grant.
P. 58, l. 14 et 15: le riche arroy et richesse d’yaus.—Ms. A 8: l’afrique armoierie et riche d’eulx.
P. 58, l. 19: esvigurer.—Ms. A 8: asseurer.—Ms. B 4: esmouvoir.
P. 59, l. 1: ressongnoient.—Ms. d’Amiens: refusoient.
P. 59, l. 5: point ne se refroidoit.—Ms. A 8: ne refroidoit point ne.
P. 59, l. 11: n’en.—Ms. A 8: ne le.
P. 59, l. 12: Pour.—Ms. A 8: et pour.
P. 59, l. 13: dangier.—Ms. A 8: dommage.
P. 59, l. 19: toutes ses gens traire.—Ms. A 8: traire toutes ses gens.
P. 59, l. 22: encore.—Le ms. A 8 s’interrompt brusquement après ce mot.
§ 698. P. 61, l. 3 et ailleurs: Poitiers.—Ms. d’Amiens: Poitierres.
P. 61, l. 12: li maires.—Ms. d’Amiens: li maires de celi ville.
P. 61, l. 23: fiance.—Ms. B 4: feauté.
P. 62, l. 2: quoiteusement.—Ms. B 4: courtoisement.
§ 700. P. 64, l. 13: escondi.—Ms. B 4: contredit.
P. 64, l. 10: Yewains.—Ms. d’Amiens: Yeuwains. Fo 181 vo.
P. 65, l. 14: Renault.—Ms. d’Amiens: Renât. Fo 182 ro.
P. 65, l. 20: Alyot de Cholay.—Ms. d’Amiens: Aliot de Calay.
P. 65, l. 23: forterèce.—Ms. d’Amiens: dit castiel.
308 P. 66, l. 2 et ailleurs: armeures de fier.—Ms. B 4: hommes d’armes.
P. 66, l. 18: qui ossi en ot grant joie.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: et li dissent tout ce qu’il avoient eu et trouvé ou captaul: si s’en resjoy grandement la dicte dame, ce fu bien raison.
P. 66, l. 25: Cressuelle.—Ms. d’Amiens: Carsuelle.
P. 66, l. 25 et ailleurs: Luzegnan.—Ms. B 1: Luzegnon.
§ 701. P. 67, l. 20: et toute, lisez en toute.
P. 68, l. 25: commencent.—Ms. d’Amiens: commenchièrent. Fo 182 vo.
P. 69, l. 11: tout pris et mort.—Ms. d’Amiens: tout mort et tout pris.
P. 69, l. 19: leur.—Ms. d’Amiens: le.
§ 702. P. 70, l. 3: achievement.—Ms. d’Amiens: chievement.
P. 70, l. 12: et s’en misent en.—Ms. B 4: en.
§ 703. P. 72, l. 7: des Englès.—Ms. d’Amiens: as Englès. Fo 183 ro.
P. 73, l. 19: force.—Ms. B 1: forforce.
P. 73, l. 25: recevons.—Ms. B 1: revenons.
P. 73, l. 27: deffence.—Ms. d’Amiens: deffendre.
§ 704. P. 75, l. 5: Bourdiaus.—Ms. B 1: Bourdiaus et se traist en sa ville.
§ 705. P. 76, l. 5 et ailleurs: Cauderier.—Ms. d’Amiens: Caudurier. Fo 183 vo.—Ms. B 1: Chaudouvrier.
P. 76, l. 5: Phelippos.—Ms. d’Amiens: Phelippres.
P. 76, l. 28: Li.—Ms. d’Amiens: et li.
P. 77, l. 1: rescrisist.—Ms. d’Amiens: escrisist.
P. 77, l. 24: tel.—Ms. d’Amiens: cel.
P. 78, l. 13: que.—Ms. d’Amiens: de.
P. 78, l. 17: veoient.—Ms. d’Amiens: veoit.
P. 78, l. 26: se.—Ms. d’Amiens: s’en.
P. 79, l. 19: tout li aultre.—Ms. d’Amiens: tout li juré à cheval. Fo 184 ro.—Ms. B 4: tous les jurés à cheval.
309 § 706. P. 80, l. 11: le.—Ms. d’Amiens: leur.
P. 80, l. 28 et ailleurs: Melle.—Ms. B 1: Nielle.
§ 707. P. 81, l. 13: clos.—Ms. d’Amens: enclos.
P. 82, l. 18: d’otel.—Ms. d’Amiens: de tel.
P. 82, l. 22: masniers.—Ms. d’Amiens: masnois.—Ms. B 1: masuiers.—Ms. B 4: meismes.
P. 83, l. 3: s’en.—Ms. d’Amiens: se. Fo 184 vo.
§ 708. P. 83, l. 28: mettre rés.—Ms. d’Amiens: mettre tout rés.
P. 83, l. 31: paver.—Ms. B 4: reparer.
P. 84, l. 6: Bertran de Claikin.—Ms. d’Amiens: Bertran le connestable.
P. 84, l. 12: dou.—Ms. d’Amiens: dou dit.
P. 84, l. 17: revelé et jeué.—Ms. B 4: sejourné et jué.
P. 85, l. 3 à 6: en prison courtoise, et li fist..... retournés françois.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: en prison courtoise sans nulle contrainte, car volentiers l’eust retrait à son amour, par quoy il fust retournez franchois.
§ 709. P. 85, l. 24: segur estat.—Ms. B 4: grant seurté.
P. 86, l. 4: Paus.—Ms. d’Amiens: Paux.
P. 86, l. 5: s’appelloit.—Ms. d’Amiens: se nommoit. Fo 105 ro.
P. 86, l. 10: bien lor sambloit qu’il estoient.—Ms. d’Amiens: bien estoient.
P. 87, l. 9: Breton et aultres gens.—Ms. B 4: messire Bertram et ses gens.
§ 710. P. 88, l. 9: chil.—Ms. B 4: li Englès.
P. 88, l. 12: chastiel.—Ms. d’Amiens: fortière.
§ 711. P. 88, l. 23: enghin.—Ms. B 4: avis.
P. 88, l. 31: priès que tous les jours.—Ms. d’Amiens: tous les jours priès.
P. 89, l. 2: des mors et (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 89, l. 8: imaginoient.—Ms. B 4: imaginèrent.
P. 89, l. 16: Poito englès pour le temps se tenoient.—Ms. B 4: Poito se tenoient.
310 P. 89, l. 25: Renaulz.—Ms. d’Amiens: Renars.
P. 89, l. 27: et y furent reçu à grant joie (d’après le ms. de Valenciennes).
§ 712. P. 90, l. 8: pavais.—Ms. B 4: apavais.
P. 90, l. 28: Mauburnis.—Ms. d’Amiens: Mamburnis ou Mainburnis. Fo 185 vo.
P. 91, l. 8: destraint.—Ms. d’Amiens: estraint.
P. 91, l. 21: messires Perchevaus.—Ms. d’Amiens: il.
P. 93, l. 9: filz.—Ms. B 4: enfans.
P. 93, l. 11: devenoient.—Ms. d’Amiens: devenroient.—Ms. B 4: demouroient.
P. 93, l. 16 à 21: dedens la dite ville... gens tous.—Ms. d’Amiens et ms. B 1: dedens et dehors, ne se deffist mie pour ce li sièges, mès y envoioit li rois de Franche tous les jours gens tous.
§ 713. P. 93, l. 28: sentans.—Ms. B 4: sonnans. Fo 186 ro.
P. 93, l. 30: en.—Ms. d’Amiens: à.
P. 94, l. 12: li.—Ms. d’Amiens: le.
P. 94, l. 11: de purs Escos.—Ms. B 4: depuis.
P. 95, l. 6: estoit. Si entrèrent..... estoient. Quant.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: estoit. Quant.
P. 96, l. 4: cel.—Ms. d’Amiens: celle.
P. 96, l. 6: tost comme.—Ms. d’Amiens: trestost que.
§ 714. P. 96, l. 15: Si en sçavoit.—Ms. d’Amiens et ms. B 3: Bien sçavoit.—Ms. B 4: Bien sçavoient.
P. 96, l. 19: avoient pris et ossi que li rois.—Ms. B 3: avoient bien sceu que le roy.—pris (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 96, l. 25: Mouchident.—Ms. B 1: Monchident.
P. 96, l. 27: Helyes.—Ms. d’Amiens: Halies.
P. 96, l. 31: pooient.—Ms. d’Amiens: pooit.
P. 97, l. 4 et 5: chevaliers englès.—Ms. d’Amiens: englès chevaliers.
P. 97, l. 7: Robert Mitton.—Ms. d’Amiens: Mitton.
P. 97, l. 19: que la journée.—Ms. d’Amiens: la journée qui.
311 P. 97, l. 26: comme.—Ms. d’Amiens: que. Fo 186 vo.
P. 97, l. 30: estoffeement.—Ms. d’Amiens: efforchiement.
§ 715. P. 99, l. 26: conseillièrent sur cestes.—Ms. d’Amiens: conseilloient.
P. 100, l. 12: et.—Ms. d’Amiens: ne.
P. 100, l. 17: specifiies.—Ms. B 4: septefiies.
P. 100, l. 22: Tannai Bouton.—Ms. B. 4: Channai Bouton.
P. 100, l. 26: il s’acorda.—Ms. d’Amiens: il s’apaisa et acorda.
§ 716. P. 101, l. 19: Cisech.—Ms. d’Amiens (fo 187 ro) et Ms. B 4: a sek.
P. 101, l. 21: Dieunée.—Ms. B 4: Dieuvée.
P. 102, l. 4: vassaument.—Ms. B 4: vaillamment.
P. 102, l. 7: pas.—Ms. d’Amiens: point.
P. 102, l. 14: gascon et englès.—Ms. d’Amiens: englès et gascon.
P. 102, l. 16: frans.—Ms. d’Amiens: florins.
P. 102, l. 24: euist.—Ms. B 4: euissent.
P. 103, l. 15: d’yaus.—Ms. d’Amiens: de.
§ 717. P. 104, l. 16: Gensay.—Ms. d’Amiens: Gonsay.
§ 718. P. 105, l. 2: contraires.—Ms. B 4: contraintes. Fo 187 vo.
P. 105, l. 12: tenoit.—Ms. d’Amiens: avoit.
P. 105, l. 29: parla.—Ms. d’Amiens: parla li dus.
P. 106, l. 12: là li.—Ms. d’Amiens: li là.
P. 106, l. 20: Lagnigai.—Ms. d’Amiens: Ghingay.
P. 107, l. 13: s’i tinrent.—Ms. d’Amiens: se partinrent.
§ 719. P. 108, l. 10: ne le peuist, lisez ne leur peuist.
P. 108, l. 19 et 20: dou segnefiier leur estat.—Ms. B 3: de le signifier leur estat (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 109, l. 20: tout quoiement li connestables.—Ms. d’Amiens: li connestables tout coiement. Fo 188 ro.
P. 110, l. 20: et escriant.—Ms. d’Amiens: escrient.
P. 110, l. 28: fuison.—Ms. d’Amiens: fais.
312 § 720. P. 112, l. 25: Quaremiel.—Ms. B 4: Quarevel.
P. 112, l. 27: assambler de front.—Ms. d’Amiens: de front assembler. Fo 188 vo.
P. 113, l. 17 et 18: grant estecheis..... apertises.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: grans appertises.
P. 113, l. 30: Holme.—Ms. d’Amiens: Olive.
P. 114, l. 1: tenoit.—Ms. d’Amiens: tenoient.
P. 114, l. 4: durant.—Ms. d’Amiens: durement.
§ 721. P. 114, l. 30: qui li.—Ms. d’Amiens: si le.
P. 115, l. 3: fors.—Ms. d’Amiens: fors que.
P. 115, l. 12: ou.—Ms. B 1: et.
§ 722. P. 115, l. 31: la dame vint jusques.—Ms. d’Amiens: à la dame jusques. Fo 189 ro.
P. 116, l. 11: sceut.—Ms. d’Amiens: scet.
P. 116, l. 13: ançois.—Ms. d’Amiens: ains.
P. 116, l. 19: dou roy Henri.—Ms. d’Amiens: dou roy d’Espaingne.
P. 116, l. 32: qu’elle.—Ms. d’Amiens: quant elle.
P. 117, l. 4: qui.—Ms. d’Amiens: si.
§ 723. P. 117, l. 10: Merspin.—Ms. d’Amiens: Mespin.
P. 117, l. 16: et là eut.—Ms. d’Amiens: là eut il.
P. 117, l. 24: Hanbiie.—Ms. d’Amiens: Hanbue.
P. 117, l. 27: d’Avangor.—Ms. d’Amiens: d’Avangot.—Ms. B 4: de Nangor.
P. 118, l. 3: raquitté.—Ms. d’Amiens: raquisé.
P. 118, l. 7: saison.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: année.
P. 118, l. 13: departirent.—Ms. d’Amiens: partirent.
P. 118, l. 22: Alain.—Ms. B 3: Jehan.
P. 118, l. 25: messires Thumas de Quatreton (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 120, l. 3: conjunction.—Ms. d’Amiens: conjection. Fo 189 vo.—Ms. B 4: signe.
§ 724. P. 120, l. 17: il.—Ms. d’Amiens: il i.
P. 120, l. 24: escheïrent.—Ms. d’Amiens: estoient.
§ 725. P. 121, l. 30: Bien.—Ms. B 1: Si en.
313 P. 122, l. 6 et ailleurs: Rais.—Ms. B 1: Raiy.
P. 122, l. 24: set.—Ms. B 4: huit.
P. 123, l. 1: sus.—Ms. d’Amiens: sour.
P. 123, l. 7: ne tenoit (d’après le ms. B 3).
P. 123, l. 9: cités, villes.—Ms. d’Amiens: villes, cités. Fo 190 ro.
§ 726. P. 124, l. 5: ses forterèces et ses chastiaus.—Ms. d’Amiens: ses castiaus et ses forterèces.
P. 124, l. 16: bonnes.—Ms. d’Amiens: bonnes gens.
P. 125, l. 6: conduiseur et gouvreneur.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: souverain et conduiseur.
P. 125, l. 8: d’acord tout le pays.—Ms. d’Amiens: tout le pays d’acord.
P. 125, l. 23: Konke.—Ms. d’Amiens: Kouke.
P. 126, l. 13: bail.—Ms. d’Amiens: bail de Bretaigne.
P. 126, l. 14: departi.—Ms. d’Amiens: parti.
§ 727. P. 127, l. 22 à 24: et donna li dis connestables le chastel dou Suseniot à un sien escuier, bon homme d’armes, qui.—Ms. d’Amiens: et donna le chastel... Fo 190 vo.—Mss. B 1, B 3 et B 4: et donna le chastiel dou Suseniot à un sien escuier, bon homme d’armes, li diz connestables, qui.
P. 129, l. 2 et ailleurs: Hainbon.—Ms. B 1: Hanibon.
§ 728. P. 129, l. 24: quasse d’achier.—Ms. d’Amiens et ms. B 1: quaffe d’acier.—Ms. B 3: bacinet.
P. 129, l. 28: anuit.—Ms. d’Amiens: nuit.
P. 130, l. 5: amoustrer.—Ms. d’Amiens: moustrer. Fo 191 ro.
P. 130, l. 27: pooient.—Mss. B 1 et B 4: pooit.
§ 729. P. 131, l. 10: ne.—Ms. d’Amiens: et.
P. 131, l. 15: en.—Ms. d’Amiens: à.
P. 132, l. 17: baron.—Ms. d’Amiens: bon.
P. 133, l. 24: conforter ne consillier.—Ms. d’Amiens: consillier ne conforter. Fo 191 vo.
§ 730. P. 134, l. 12: avenoient.—Ms. d’Amiens: avoient.
P. 135, l. 8: et.—Ms. d’Amiens: ne.
§ 731. P. 136, l. 26: au.—Ms. d’Amiens: dou.
314 § 732. P. 137, l. 3: requerre.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: en cause de.
P. 137, l. 9: armeures de fier.—Ms. d’Amiens: armeures de fer, chevaliers et escuiers.—Ms. B 4: hommes d’armes, escuiers et chevaliers.
P. 137, l. 14: et Sainne.—Ms. B 1: et le Sainne. Fo 192 ro.
P. 138, l. 15: à appareillier.—Ms. d’Amiens: à pourveir et apareillier.
P. 138, l. 18: par.—Ms. d’Amiens: pour.
P. 139, l. 5: on.—Ms. d’Amiens: on y.
P. 139, l. 22: bien priès de.—Ms. d’Amiens: à.
§ 733. P. 139, l. 30: Konke.—Ms. d’Amiens: Kouke.
P. 140, l. 12: remparèrent.—Ms. B 4: reperèrent.
§ 734. P. 140, l. 28: chevir.—Ms. d’Amiens: tenir.
P. 141, l. 4 et 5: il n’estoient secouru, aidié et conforté.—Ms. d’Amiens; il n’estoit conforté et secouru. Fo 192 vo.
P. 142, l. 14: Robert.—Ms. d’Amiens: Robert Canolle.
P. 142, l. 47: contentoient.—Ms. B 4: conchevoient.
§ 735. P. 143, l. 8: hokebos.—Ms. d’Amiens: hokebas.—Ms. B 3: hochecos.—Ms. B 4: hulkés.
P. 143, l. 26: sis.—Ms. B 4: huit.
P. 144, l. 11: leur.—Mss. B 1 et B 4: li.
P. 145, l. 1: de ses maistres.—Ms. d’Amiens (fo 193 ro) et ms. B 4: Hiraux.
P. 145, l. 15: journée.—Ms. d’Amiens: besoingne.
P. 146, l. 18: tenir.—Ms. B 1: tenu.
§ 736. P. 147, l. 15: avoient.—Ms. d’Amiens: avoit estet.
P. 147, l. 22: à.—Ms. d’Amiens: en.
P. 147, l. 24: li dessus nommés dus se departi.—Ms. d’Amiens: li dessus dis dus se parti.
§ 737. P. 148, l. 5: connestables.—Ms. B 4: chapitaines.
P. 148, l. 19: Helmen.—Ms. d’Amiens: Holmen. Fo 193 vo.
P. 148, l. 28: Tamwore.—Ms. d’Amiens: Cannore.—Ms. B 1: Tammore.—Ms. B 4: Tanmore.
315 P. 149, l. 8: Hoske.—Ms. d’Amiens: Heske.
P. 149, l. 20: Horfaut.—Ms. d’Amiens: Herfant.
P. 149, l. 22: Lyonniaus.—Ms. d’Amiens: Lionnès.
P. 150, l. 7: commandé ou.—Ms. d’Amiens: demandé et.
P. 150, l. 12: il.—Ms. d’Amiens: si.
P. 150, l. 29 et 30 leur ordenance savoir.—Ms. d’Amiens: savoir leur ordenance.
§ 738. P. 151, l. 9 et 10: dou pays.—Ms. d’Amiens: de le terre.
P. 152, l. 17: Se.—Ms. d’Amiens: Si. Fo 194 ro.
P. 152, l. 25: Cin.—Ms. d’Amiens: Chin.
§ 739. P. 153, l. 26: sceurent.—Ms. B 4: sentirent.
P. 154, l. 13: ces.—Ms. d’Amiens: les.
§ 740. P. 155, l. 15: desiroient.—Ms. d’Amiens: demandoient. Fo 194 vo.
P. 155, l. 18: assentir.—Ms. d’Amiens: consentir.
P. 155, l. 25: matin.—Ms. d’Amiens: main.
P. 155, l. 26: resvillièrent.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: resvillier vinrent.
P. 156, l. 2 et ailleurs: Hangest.—Ms. B 1: Haughet.
P. 156, l. 9 à 12: avoecques se route, et messires... issir dou froais.—Ms. d’Amiens: avoecques se route, et tenoit chascuns son chemin sans point yssir, et messires Guillaume des Bordes et messires Jehans de Buel faisoient une aultre route.
P. 156, l. 13: biau.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: blanc.
P. 156, l. 15: voler.—Ms. d’Amiens: voler maintenant.
P. 156, l. 17: Aymeris.—Ms. B 4: Couchi.
P. 156, l. 19: ere.—Ms. d’Amiens: estoie.
§ 741. P. 157, l. 5: Ouci.—Ms. B 1: Onci.—Ms. B 4: Couchi.
P. 158, l. 1: le.—Ms. d’Amiens: son.
P. 158, l. 2: si.—Ms. d’Amiens: il.
§ 742. P. 158, l. 17: cause.—Ms. d’Amiens: incidensce.
P. 158, l. 28: en le.—Ms. d’Amiens: em. Fo 195 ro.
P. 159, l. 2: qu’il avoient fait.—Ms. d’Amiens: qui avoient estet fait.
316 P. 159, l. 10: rendoit.—Ms. d’Amiens: rendroit.
P. 159, l. 14: fust segurs.—Ms. d’Amiens: fuist tous assegurés.
P. 159, l. 17: feroit.—Ms. d’Amiens: faisoit.
§ 743. P. 160, l. 8: parler en oïrent.—Ms. d’Amiens: en oïrent parler.
P. 160, l. 9: se desfist li sièges.—Ms. d’Amiens: li sièges se desfist.
P. 160, l. 26 et 27: en puble.—Ms. d’Amiens: l’un à l’autre et en publicque.
P. 160, l. 29: a de (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 160, l. 29: dont.—Ms. d’Amiens: et de quoy.
§ 744. P. 161, l. 7: oïr le cascun.—Ms. d’Amiens: le cascun oïr.
P. 161, l. 14 et 15: si signeur qui là estoient, parlé.—Ms. B 4: si signeur respondu et parlé qui là estoient.
P. 161, l. 25: prendre.—Ms. d’Amiens: faire et prendre.
P. 162, l. 29: soutieuement.—Ms. d’Amiens: soutieuement et par sagement. Fo 195 vo.
P. 163, l. 2: pan.—Ms. d’Amiens: paul.
§ 745. P. 164, l. 26: et.—Ms. d’Amiens: et à.
P. 164, l. 31: sain et sauf.—Ms. d’Amiens et ms. B 4 sain et en boin point.
P. 165, l. 8: alitter.—Ms. d’Amiens: demourer.
P. 165, l. 9: et là morut.—Ms. d’Amiens: et là s’alita et morut.
P. 165, l. 18: Grette.—Ms. d’Amiens: Grettre.
P. 165, l. 22: de qui.—Mss. B 1 et B 4: de quoi.
P. 166, l. 5: Othe.—Ms. d’Amiens: Othe de Grantson. Fo 196 ro.
§ 746. P. 166, l. 30: li quel.—Ms. d’Amiens: qui.
P. 167, l. 4: d’Avignon.—Ms. d’Amiens: d’Anjo.
P. 167, l. 19: deus.—Ms. d’Amiens: deus dus.
P. 167, l. 23: touchoit.—Ms. d’Amiens: appertenoit.
P. 167, l. 27: tinrent.—Ms. d’Amiens: missent.
§ 747. P. 168, l. 22: puis.—Ms. d’Amiens: que puis.
317 P. 168, l. 25: à part à conseil.—Ms. d’Amiens: à conseil à part.
P. 168, l. 28: n’oseroient.—Ms. d’Amiens: ne seroient.
P. 168, l. 28: Le premier (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 169, l. 3: rumeur nulle.—Ms. d’Amiens: remous.
P. 169, l. 7 à 9: avoient juret ensi que... à ces.—Ms. d’Amiens: avoient juret, ensi ne pooient respondre, car il sçavoient bien où il estoient cargiet d’aler, et pour ce ne pooient entendre à ces. Fo 196 vo.
P. 169, l. 26: dou visconte de Miaus.—Ms. d’Amiens: et de Miaus.
P. 170, l. 3: il.—Ms. d’Amiens: il y.
§ 749. P. 172, l. 3: de.—Ms. d’Amiens: à.
§ 750. P. 172, l. 26: de Poito.—Ms. d’Amiens: de Poito et d’Auvergne. Fo 197 ro.
P. 173, l. 10: departirent.—Ms. d’Amiens: partirent.
P. 173, l. 18: de l’assaillir.—Ms. d’Amiens: d’assaillir.
P. 173, l. 21: le duch d’Ango et le connestable.—Ms. B 4: iaulx.
P. 173, l. 31: ostages.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: plèges.
P. 174, l. 9: l’assegièrent.—Ms. d’Amiens: là se logièrent.
P. 174, l. 16: cités.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: ville.
§ 751. P. 174, l. 27: moult.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: si.
P. 174, l. 27: fuison.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: fuison que nulx ne leur alloit au devant.
P. 175, l. 2: Paus.—Ms. B 4: Pars.
P. 175, l. 13: mettre ces coses.—Ms. d’Amiens: ces coses mettre.
P. 175, l. 19: terres.—Ms. d’Amiens: cités.
P. 175, l. 20: intimer.—Ms. d’Amiens et ms. B 3: interiner.
P. 175, l. 21: livreroit.—Ms. B 4: livrèrent.
§ 752. P. 176, l. 29: Auroy.—Ms. B 1: Anroy.
P. 177, l. 17: gardé.—Ms. d’Amiens (fo 197 vo) et ms. B 4: gaitié.
P. 177, l. 30: il envoieroient.—Ms. d’Amiens: envoieroient il.
P. 178, l. 3: envoiassent.—Ms. d’Amiens: envoieroient.
318 P. 178, l. 3: hasteement.—Ms. B 4: hastivement.
P. 178, l. 23: journée.—Ms. d’Amiens: jour.
§ 753. P. 179, l. 1: priiés et mandés.—Ms. d’Amiens: mandés et priés.
§ 754. P. 180, l. 10: reconquerre.—Ms. d’Amiens: conquerre. Fo 198 ro.
P. 180, l. 11: XVIIe.—Ms. d’Amiens, mss. B 3 et B 4: VIIe.
P. 180, l. 15: Chastielbon.—Ms. d’Amiens: Chastillon.
P. 180, l. 23: Prudaire.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: Prudane.
P. 180, l. 25: point.—Ms. d’Amiens: peu.
P. 180, l. 31: li doi trettieur legal.—Ms. d’Amiens: les deux commissaires legaulx.
P. 184, l. 5: en.—Ms. d’Amiens: à.
P. 184, l. 8: où il.—Ms. d’Amiens, mss. B 3 et B 4: il.
P. 184, l. 9: se.—Ms. B 3: qui se.
P. 184, l. 18: ossi.—Ms. d’Amiens: et ossi.
P. 182, l. 3: donnèrent.—Ms. d’Amiens: donnoient.
§ 755. P. 182, l. 15: de soy contrevergier (d’après le ms. de Valenciennes).—Ms. B 3: faire merveilles.
P. 182, l. 15: ses.—Ms. d’Amiens: les.
P. 182, l. 31: sus.—Ms. d’Amiens: sour. Fo 198 vo.
P. 183, l. 2: messires.—Ms. d’Amiens: monsigneur.
P. 183, l. 7: le.—Ms. d’Amiens: leur.
P. 183, l. 7: estoit.—Ms. d’Amiens: estoient.
P. 183, l. 10: Arde.—Ms. d’Amiens: Ardre.
P. 183, l. 22: pas.—Ms. d’Amiens: pays.
P. 183, l. 23: encontra.—Ms. B 1: encontre.
P. 184, l. 3: l’Eveline.—Ms. d’Amiens: d’Eveline.
§ 756. P. 185, l. 11: dist li chevaliers.—Ms. d’Amiens et ms. B 3: dient li chevalier.
P. 185, l. 12: mi signeur.—Ms. B 3: mes seigneurs.—Ms. B 4: monsigneur.
P. 185, l. 17 et 19: pas.—Ms. d’Amiens: pays.
P. 186, l. 19: quinse.—Ms. d’Amiens (fo 199 ro), ms. B 3 et ms. B 4: vint et cinc.
319 P. 186, l. 20: avoecques se route.—Ms. B 3: de se route avec lui.
P. 187, l. 11: ne chil.—Ms. B 4: et ceulx.
P. 187, l. 18: Gauwinès.—Ms. d’Amiens: Gauwains.
§ 757. P. 187, l. 22: venir.—Ms. d’Amiens: venu.
P. 187, l. 28: n’eut.—Ms. d’Amiens: n’eurent.
P. 188, l. 4: reskeure.—Ms. d’Amiens: requerre.
P. 190, l. 1: Si.—Ms. d’Amiens: Se. Fo 199 vo.
§ 758. P. 191, l. 5: li.—Ms. d’Amiens: l’en.
P. 191, l. 29: de l’entention (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 191, l. 32: demorer.—Ms. d’Amiens: demourèrent.
§ 759. P. 193, l. 13: telz fais.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: telx appertises. Fo 200 ro.
P. 194, l. 8: car li, lisez car les.
§ 760. P. 194, l. 17: de.—Ms. d’Amiens: à.
P. 195, l. 8: Manne.—Ms. B 1: Maune.
P. 195, l. 9: Burlé.—Ms. d’Amiens: de Burlé.
P. 195, l. 11: Thumas.—Ms. B 1: Edouwart.
P. 196, l. 18: fu.—Ms. d’Amiens: se fu.
P. 196, l. 26: qu’il.—Ms. d’Amiens: qui.
§ 761. P. 197, l. 4: devers.—Ms. d’Amiens: par devers.
P. 197, l. 18: carola.—Ms. d’Amiens: carole.
P. 198, l. 13: n’euist.—Ms. d’Amiens: n’avoit.
P. 198, l. 27: outreement.—Ms. B 4: entierement.
P. 199, l. 4: trettié.—Ms. d’Amiens: trettié ne acord.
§ 762. P. 199, l. 20: s’i.—Ms. d’Amiens: se.
P. 199, l. 24: que il appelloient.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: mais il l’apeloient.
P. 200, l. 18: à siège.—Ms. B 4: asiegés.
§ 763. P. 201, l. 29: fillettes.—Ms. B 4: filles.
P. 202, l. 11: menront.—Ms. d’Amiens: mouront. Fo 201 ro.
P. 202, l. 19: Saint Brieu.—Ms. d’Amiens: Saint Bieu.
P. 202, l. 30: les.—Ms. d’Amiens: le.
320 P. 203, l. 7: par sa chevalerie criés.—Ms. d’Amiens: criés par sa chevalerie.
P. 203, l. 12: aprenderont.—Ms. d’Amiens: aprendent.
P. 203, l. 26: afin.—Ms. d’Amiens: à le fin.
§ 764. P. 204, l. 11: appressoient.—Ms. B 4: qu’il pressoient.
P. 204, l. 18: le ville par mine.—Ms. d’Amiens: par mine la ville de Saint Brieu de Vaus. Fo 201 vo.
P. 205, l. 7: messire.—Ms. d’Amiens: monsigneur.
P. 205, l. 10: attenderons, lisez attenderont.
P. 205, l. 13: de dangier.—Ms. d’Amiens: de ce dangier.
§ 765. P. 205, l. 25: que.—Ms. d’Amiens: le plus que.
P. 205, l. 31: chevaus.—Ms. B 4: coursiers.
P. 206, l. 19: ses gens.—Ms. d’Amiens: se route.
P. 206, l. 21: qu’il.—Ms. d’Amiens: qui.
P. 207, l. 6 et 8: vous.—Ms. d’Amiens: nous.
P. 207, l. 8: doiiés.—Ms. d’Amiens: doiions.
P. 207, l. 14: nouviaus fors, lisez Nouviaus Fors.
§ 766. P. 207, l. 27: bon couvenant.—Ms. d’Amiens: bonne ordonnance. Fo 202 ro.
P. 207, l. 28: peu.—Ms. d’Amiens: petit.
P. 208, l. 2: et.—Ms. d’Amiens: ou.
P. 208, l. 5: en.—Ms. d’Amiens: à.
P. 208, l. 6: avoit.—Ms. d’Amiens: eult.
P. 208, l. 12: leur.—Ms. d’Amiens: il.
P. 208, l. 16: de froce.—Ms. d’Amiens: que.
P. 208, l. 24: à merci (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 208, l. 32: remousterai.—Ms. d’Amiens: mousterai.
P. 209, l. 25 en imaginant.—Ms. d’Amiens: et imaginoient.
§ 767. P. 211, l. 5: Tantost.—Ms. d’Amiens: Tantost que.
P. 211, l. 13: vous de.—Ms. d’Amiens: vos. Fo 202 vo.
P. 211, l. 14: ne.—Ms. d’Amiens: et.
P. 211, l. 24: li.—Ms. d’Amiens: si.
P. 212, l. 5: estragnement.—Ms. d’Amiens: durement.
P. 212, l. 9: je m’acordai.—Ms. d’Amiens: m’en acordai.
321 § 768. P. 212: l. 22 desrompi.—Ms. d’Amiens: departi.
P. 213, l. 4: se ce.—Ms. d’Amiens: che ce.
P. 213, l. 14: Ançois.—Ms. B 4: Encores.
P. 213, l. 21: première.—Ms. B 4: darraine.
P. 213, l. 32: et ossi font nos gens.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: et nos gens maintiennent.
P. 214, l. 14: s’en.—Ms. d’Amiens: se.
P. 214, l. 25: il oroit.—Ms. d’Amiens: ilz oroient.
§ 769. P. 214, l. 30: Li rois.—Ms. d’Amiens: Et li rois.
P. 215, l. 4: providense.—Ms. B 4: prudence.
P. 215, l. 9: trespassé.—Ms. d’Amiens (fo 203 ro) et ms. B 4: mort.
P. 216, l. 3: instruit (d’après le ms. de Valenciennes).
§ 770. P. 216, l. 26: Loerainne.—Ms. d’Amiens: le royaume.
P. 217, l. 12: messire.—Ms. d’Amiens: monsigneur.
P. 217, l. 23: parlerons.—Ms. d’Amiens: parlons.
P. 218, l. 21: peu.—Ms. d’Amiens: point.
P. 218, l. 27: brisie.—Ms. d’Amiens (fo 203 vo) et ms. B 4: rompue.
P. 219, l. 3: proporsionnant.—Ms. d’Amiens: poursuivant.—Ms. B 4: proposoient.
P. 219, l. 9: d’avril.—Ms. d’Amiens: d’avril l’an.
P. 219, l. 12: legaulx.—Ms. d’Amiens: aultre.
§ 771. P. 219, l. 19: deffiiet.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: fait deffiier.
P. 220, l. 13: disent.—diront.
P. 220, l. 19: de nos ennemis les Alemans.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: des Alemans.
P. 221, l. 11: c’est mont.—Ms. d’Amiens: ce mon.
P. 221, l. 19: gettiés.—Ms. d’Amiens: gaitiez.
P. 221, l. 27: Fuiret.—Ms. d’Amiens, mss. B 3 et B 4: fuir et.
P. 221, l. 27: furent.—Ms. d’Amiens: fissent.
§ 772. P. 222, l. 6: gages.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: saudées.
322 P. 222, l. 7: argent.—Ms. d’Amiens: saudées et argent. Fo 204 ro.
P. 222, l. 18; de tous perilz.—Ms. d’Amiens: dou peril.
P. 222, l. 24: parti revenu.—Ms. d’Amiens: parti que le signeur de Couchy revenu.
P. 222, l. 29: avoit (d’après le ms. de Valenciennes).
P. 223, l. 20: eut.—Ms. d’Amiens: l’eut.
§ 773. P. 223, l. 25: compagnons.—Ms. d’Amiens: compaignes.
P. 223, l. 30: revinrent.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: retournèrent.
P. 224, l. 12 et 13: et laissa là sa mainsnée... et puis s’en.—Ms. d’Amiens: et laissa là sa femme et sa mainsnée fille, la damoiselle de Couci, et puis s’en.
§ 774. P. 226, l. 2: renvoieroient.—Ms. d’Amiens: y envoieroient. Fo 204 vo.
P. 226, l. 5: revinrent.—Ms. d’Amiens: retournèrent.
§ 775. P. 226, l. 22: solennele.—Ms. d’Amiens: solempnité.
§ 776. P. 227, l. 19: dou.—Ms. d’Amiens: au.
P. 227, l. 26: l’un devant.—Ms. d’Amiens: devant l’un.
P. 228, l. 1: qu’il.—Ms. d’Amiens: qui.
P. 228, l. 9: à.—Ms. d’Amiens: à tout.
§ 777. P. 228, l. 25: ce de veu.—Ms. d’Amiens: de ce voé.
P. 228, l. 30: Genuenes.—Ms. B 4: Jennes.
§ 778. P. 229, l. 23 et 24: d’Engleterre, de Gernesie, de Grenesée.—Ms. d’Amiens: d’Engleterre, de Grenesée. Fo 205 ro.
P. 230, l. 9: et messires Guichars d’Angle.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: et li sires d’Angle, messires Guicars.
P. 230, l. 14: Cenes.—Ms. B 3: Chenez.—Ms. B 4: Chenes.
P. 230, l. 15: trouva.—Ms. B 4: ordonna.
P. 230, l. 20: de coer.—Ms. B 4: au coer.
P. 230, l. 21: ce.—Ms. d’Amiens: tel.
323 P. 231, l. 27: estoit.—Ms. B 4: fu.
P. 232, l. 1: pas.—Ms. d’Amiens: pays.
§ 779. P. 232, l. 17: celle.—Ms. d’Amiens: ceste.
P. 232, l. 18: en vinrent.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: furent venues.
P. 232, l. 22: fault.—Ms. d’Amiens: couvient.
P. 232, l. 32: signeur.—Ms. d’Amiens: sire. Fo 205 vo.
P. 233, l. 23: estat.—Ms. d’Amiens: esté.
P. 234, l. 10: petit.—Ms. d’Amiens: peu.
P. 234, l. 23: sus.—Ms. d’Amiens: sour celle.
P. 234, l. 27: chil.—Ms. d’Amiens: il.
P. 234, l. 28: remoustrèrent.—Ms. d’Amiens: remoustroient.
§ 780. P. 235, l. 6: y a.—Ms. d’Amiens: ra.
P. 236, l. 30: non que.—Ms. d’Amiens; neque dent que. Fo 206 ro.
P. 236, l. 30: voloit.—Ms. d’Amiens: vot.
§ 781. P. 237, l. 10: les François.—Ms. d’Amiens: il.
P. 237, l. 17: deveeroient.—Ms. B 1 et B 4: deveroient.
P. 238, l. 21: huit.—Ms. d’Amiens: vii.
P. 238, l. 22: leur leva uns vens.—Ms. d’Amiens: uns vens contraires leur leva.
P. 238, l. 22: prist.—Ms. B 1: leva.
§ 782. P. 239, l. 1: bien oy.—Ms. d’Amiens: bien chy dessus oy.
P. 239, l. 8: chevaliers.—Ms. B 4: bons.
P. 239, l. 12: un bon.—Ms. d’Amiens: bonne.
P. 240, l. 13: qu’il amast mieulz.—Ms. B 4: que il vosist.
P. 240, l. 19 à 23: Li sires de Couci... respondi et dist.—Ms. d’Amiens (fo 206 vo), ms. B 3 et ms. B 4: Adont se rafrenna un petit li roys et demanda quel grace on voroit que on li fesist: li sires de Couci, si com je fui adont enfourmés, y trouva un moiien et dist.
§ 783. P. 241, l. 10: la.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: ceste.
P. 241, l. 12: couri.—Ms. d’Amiens: couru.
324 P. 241, l. 31: par.—Ms. d’Amiens: que.
P. 243, l. 8: leur.—Ms. d’Amiens: la.
P. 243, l. 14: Thiebaut.—Ms. d’Amiens: Thummas.
P. 243, l. 21: Haubue.—Ms. d’Amiens: Hambue. Fo 207 ro.
§ 784. P. 244, l. 12: garde.—Ms. d’Amiens: de garde.
P. 244, l. 28: remuant.—Ms. d’Amiens: remouvant.
P. 244, l. 31: escuier.—Ms. d’Amiens: hainuier englèz.
P. 245, l. 2: soions.—Ms. d’Amiens: soiés.
§ 785. P. 245, l. 20: fiance.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: feauté.
P. 245, l. 25: s’en.—Ms. d’Amiens: se.
P. 246, l. 3: aresné.—Ms. B 4: asseuré.
P. 246, l. 16: alevée.—Ms. d’Amiens: alouée.
P. 246, l. 28: pourparlé.—Ms. B 4: pourcachié.
P. 246, l. 29: tant.—Ms. B 1: tout.
§ 786. P. 247, l. 17: trop mieulz.—Ms. d’Amiens: mieulz. Fo 207 vo.
P. 248, l. 6: murs.—Ms. B 1: mais.
P. 250, l. 3: Artisiens.—Ms. B 4: garnisons.
§ 787. P. 251, l. 6: au duch.—Ms. d’Amiens: au duc de Lancastre. Fo 208 ro.
P. 251, l. 7: fu dit.—Ms. d’Amiens: fu bien dit.
P. 251, l. 10 à 12: mais li dus de Lancastre ses escusances... sus son droit; car.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: mais li dus de Lancastre li aida escusances à porter oultre, et demoura li sires de Gommegnies sus sen droit; car.
§ 788. P. 252, l. 2: toutes.—Ms. B 1: gens.
P. 252, l. 22: enfourmés plus veritablement.—Ms. d’Amiens et ms. B 4: mieux enfourmés.
FIN DES VARIANTES DU TOME HUITIÈME ET DU LIVRE PREMIER.
1370, 4 décembre. Combat de Pontvallain.—19 décembre. Mort du pape Urbain V; 30 décembre. Élection de Grégoire XI.—1371, avant le 15 janvier. Aggravation de la maladie et retour en Angleterre d’Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles.—1370, 1ers jours de décembre-1371, fin de février. Siège et prise de Montpont, en Périgord, par Jean, duc de Lancastre.—1371, août et septembre. Siège et prise de Moncontour, en Poitou, par Jean, duc de Lancastre, et Thomas de Percy, sénéchal de Poitou.—1371, fin de janvier et février. Expédition de Bertrand du Guesclin en vue de la levée du siège de Montpont et siège d’Ussel.—1371, 1er août. Combat naval de la baie de Bourgneuf.—22 août. Bataille de Bastweiler.—1372, premiers mois. Retour en Angleterre de Jean, duc de Lancastre, et mariage de ce prince avec Constance de Castille, fille aînée de D. Pèdre, d’Edmond, comte de Cambridge, frère de Jean, avec Isabelle, sœur de Constance.—1372, 13 janvier. Mort de Gautier de Masny. —Sommaire, p. IIIIII à XXIIIII. —Texte, p. 1 à 33. —Variantes, p. 255 à 288.
1372, 23 juin. Défaite de la flotte anglaise devant la Rochelle.—juillet. Siège de Moncontour et de Sainte-Sévère; reddition de ces deux places aux Français.—7 août. Reddition de Poitiers.—Du 22 au 23 août. Défaite et capture de Jean de Grailly, captal de Buch, connétable d’Aquitaine, et de Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, devant Soubise; reddition de cette place.—Reddition d’Angoulême (vers le 8 septembre), de Saint-Jean-d’Angely (20 septembre), de Saintes (24 septembre), de Taillebourg et de Pons.—Reddition des châteaux de Saint-Maixent (4 septembre), de Melle et de Civray.—8 septembre. Reddition de la Rochelle.—15 septembre. Prise du château de Benon et reddition de Marans.—19 septembre. Reddition de Surgères.—9 et 10 octobre. Reddition de la 326 ville et prise du château de Fontenay-le-Comte.—1er décembre. Reddition de Thouars et soumission des principaux seigneurs du Poitou et de la Saintonge.—Siège de Mortagne.—1373, 21 mars.—Défaite des Anglais à Chizé.—27 mars. Occupation de Niort.—Reddition des châteaux de Mortemer et de Dienné. —Sommaire, p. XXIIIXXIII à LXVLXV. —Texte, p. 33 à 117. —Variantes, p. 288 à 312.
1373, fin d’avril, mai et juin. Expédition de Louis, duc de Bourbon, et de Bertrand du Guesclin en Bretagne; départ de Jean de Montfort pour l’Angleterre; occupation de Rennes, de Dinan, de Saint-Malo, de Vannes et d’un certain nombre de places de moindre importance; prise d’Hennebont; sièges de la Roche-sur-Yon, de Derval et de Brest; occupation de Nantes; grands préparatifs en Angleterre des ducs de Lancastre et de Bretagne pour envahir la France à la tête d’une armée considérable; prise de Conq par l’armée franco-bretonne.—6 juillet. Traité de capitulation de Brest et levée du siège de cette place par les Franco-Bretons qui vont renforcer les gens d’armes campés devant Derval.—Fin de juillet. Débarquement à Calais de l’armée rassemblée par les ducs de Lancastre et de Bretagne.—Du 4 août au 8 septembre. Marche et opérations de cette armée à travers l’Artois, la Picardie, le Vermandois et le Soissonnais; combat de Ribemont.—9 septembre. Combat d’Oulchy.—29 septembre. Exécution devant Derval par le duc d’Anjou des otages livrés naguère aux Franco-Bretons en vertu du traité de capitulation de cette place auquel Robert Knolles a refusé de souscrire.—10 septembre. Arrivée à Paris du duc d’Anjou, de Du Guesclin et de Clisson, qui assistent à un grand conseil de guerre tenu par Charles V et y donnent leur avis.—1375, 16 avril. Mort du comte de Pembroke, prisonnier du roi de Castille, livré par le dit roi à Du Guesclin en payement d’une somme de 120 000 francs due pour le comté de Soria, racheté par D. Enrique de Trastamar; rachat par ce même roi du comté d’Agreda moyennant la cession d’un autre de ses prisonniers, Guichard d’Angle, à Olivier de Mauny.—1373, du 11 au 26 septembre. Les Anglais en Champagne; arrivée des légats du pape à Troyes; échec subi sous les murs de cette ville par les envahisseurs.—Du 26 septembre au 25 décembre. Marche pénible et meurtrière de l’armée du duc de Lancastre à travers la Bourgogne, le Nivernais, le Bourbonnais, l’Auvergne, le Limousin et le Périgord; arrivée à Bordeaux. —Sommaire, p. LXVLXV à CIIICIII. —Texte, p. 117 à 171. —Variantes, p. 312 à 317.
1373, 28 octobre-1374, 8 janvier. Retour du duc d’Anjou à Toulouse par Avignon.—1373, juin et juillet. Traité de capitulation de Bécherel. Expédition du duc d’Anjou en Bigorre; reddition de Saint-Sever; prise de Lourdes.—1374, commencement d’avril. Journée de bataille assignée près de Moissac entre les ducs d’Anjou et de Lancastre; défaut à ce rendez-vous de Lancastre, qui part de Bordeaux et retourne en Angleterre.—21 mai. Expiration de la trêve conclue par Du Guesclin avec le duc de Lancastre.—Juin et juillet. Soumission du vicomte de Castelbon. Expédition de Du Guesclin et du duc d’Anjou, d’abord dans le bas Languedoc contre les Compagnies, ensuite sur les confins de l’Agenais et du Bordelais contre les Anglais; siège et prise de la Réole, de Langon, de Saint-Macaire, de Sainte-Bazeille et des places avoisinantes.—2 octobre. Retour de Du Guesclin à Paris et du duc d’Anjou à Toulouse.—Août et septembre. Siège de Saint-Sauveur-le-Vicomte.—Reddition de Bécherel, dont la garnison va renforcer celle de Saint-Sauveur.—1375, premiers mois. Défaite des Français dans une rencontre entre Licques et Tournehem; capture du comte de Saint-Pol, emmené en Angleterre.—Ouverture des négociations à Bruges entre les ambassadeurs de France et d’Angleterre.—Retour en France du duc de Bretagne et du comte de Cambridge avec un corps d’armée considérable; débarquement à Saint-Mathieu; prise de Saint-Pol de Léon; siège de Saint-Brieuc.—21 mai. Traité de capitulation de Saint-Sauveur.—Levée du siège de Saint-Brieuc par les Anglais, et du siège du Nouveau Fort par les Français, que les Anglais accourus de Saint-Brieuc poursuivent jusqu’à Quimperlé où ils les assiègent.—27 juin. Trêve d’un an entre les rois de France et d’Angleterre conclue à Bruges; levée du siège de Quimperlé.—3 juillet. Reddition de Saint-Sauveur au roi de France. —Sommaire, p. CIIICIII à CXXVIIICXXVIII. —Texte, p. 171 à 214. —Variantes, p. 317 à 321.
1375, août et septembre. Guerre entre Enguerrand VII, seigneur de Coucy, et Léopold II, duc d’Autriche, au sujet de seigneuries situées en Alsace, dans le Brisgau, l’Argovie et le comté de Nydau; marche des Compagnies rassemblées par le dit Enguerrand à travers la Champagne orientale, le Barrois, le pays Messin, la Lorraine et l’Alsace.—1375, décembre-1376, 12 mars. Conférences de Bruges. 328 Prorogation jusqu’au 1er avril 1377 des trêves qui devaient expirer le dernier juin 1376.—1375, octobre, novembre, décembre. Ravages exercés par les Compagnies sur la rive gauche du Rhin, en Alsace et en Suisse.—1376, 13 janvier. Conclusion d’un traité de paix avec les ducs d’Autriche et retour furtif en France du seigneur de Coucy.—8 juin. Mort d’Édouard, prince de Galles, surnommé le prince Noir.—Septembre. Mort de Jean de Grailly, captal de Buch.—1376, 20 septembre-1377, 17 janvier. Départ d’Avignon du pape Grégoire XI et arrivée à Rome.—1377, mars, avril et mai. Nouvelles conférences pour la paix entre les plénipotentiaires du roi de France, qui se tiennent à Montreuil-sur-Mer et à Boulogne, et ceux du roi d’Angleterre établis à Calais. Préparatifs maritimes des Français pour faire des descentes sur les côtes d’Angleterre et des Anglais pour s’opposer à ces descentes.—21 juin. Mort d’Édouard III.—28 juin. Descente des Français à Rye; prise et pillage de cette ville.—16 juillet. Couronnement de Richard II.—Fin de juin et juillet. Combat de Lewes; prise et pillage de cette ville, de Folkestone, de Portsmouth, de Darmouth et de Plymouth.—15 août-septembre. Nouvelle campagne maritime des Français; occupation de l’île de Wight; descentes à Southampton et à Winchelsea; incendie de Poole. Expédition du duc de Bourgogne sur les confins du Boulonnais et du Calaisis; prise d’Ardres et d’Audruicq. —Sommaire, p. CXXIXCXXIX à CLVIIICLVIII. —Texte, p. 214 à 252. —Variantes, p. 321 à 324.
APPENDICEAPPENDICE | p. CLVCLV - CLXIIICLXIII. |
FIN DE LA TABLE DU TOME HUITIÈME.
9627.—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9