The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3251, 17 Juin 1905

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Title: L'Illustration, No. 3251, 17 Juin 1905

Author: Various

Release date: February 21, 2011 [eBook #35343]

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3251, 17 JUIN 1905 ***







L'Illustration, No. 3251, 17 Juin 1905


(Agrandissement)


EN AUVERGNE, AVANT LA COURSE
Un chauffeur en reconnaissance sur le parcours des Éliminatoires.

Dessin d'après nature de notre envoyé spécial, L. Sabattier.



Courrier de Paris

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

L'Académie française compte, depuis quelques jours, un «immortel» de plus. L'élection d'un académicien fait partie de ces menus incidents dont Paris ne se préoccupe guère et auxquels certaines traditions littéraires et mondaines exigent pourtant qu'une espèce d'importance doive paraître s'attacher. C'est une chose à quoi personne n'est obligé de penser, mais dont tout le monde parle et de laquelle même, en certains milieux, il serait presque malséant qu'on ne parlât point. Ce n'est pas un souci public; c'est un sujet de conversation.

Le dernier élu s'appelle Etienne Lamy. Dans le monde de jeunes littérateurs, d'artistes, d'hommes d'affaires et de mondains un peu frivoles où je fréquente, personne ne connaît M. Lamy. Mais je me rappelle sa silhouette pour l'avoir entrevue, il y a une dizaine d'années, très loin du boulevard et de l'Académie,--à Kairouan, où un groupe d'amis et de parents, en compagnie de qui j'explorais la Tunisie, se trouva mêlé, pendant deux ou trois jours, à une sorte de caravane officielle dont M. Etienne Lamy faisait partie. Je me souviens: c'était M. René Millet, le résident général d'alors, qui avait organisé cette excursion. M. Millet avait eu la bonne idée de faire les honneurs de son «protectorat» à un certain nombre d'hommes distingués de la métropole--hommes d'État, savants, écrivains, industriels ou financiers--et d'exposer devant eux le tableau vivant de ses pittoresques richesses. Il y avait là M. Gaston Boissier, le géographe Vidal de la Blache, des professeurs du Collège de France et de la Sorbonne: MM. Rambaud, Oppert, Cagnat, Collignon, Marcel Dubois... M. Etienne Lamy suivait la caravane en invité modeste qui ne tient pas à être remarqué. De petite taille, la barbe courte et grisonnante taillée en pointe, l'oeil souriant sous le verre du binocle, il charmait ceux qui l'approchaient par la courtoisie parfaite de ses manières et la grâce de sa conversation. Et j'appris que cet inconnu avait fait, tout jeune, de brillants débuts dans la politique; qu'il s'en était retiré de bonne heure et que, sans ambition, il se consacrait à d'austères travaux d'histoire et de littérature. Son plus intime compagnon de voyage était un petit homme tout mince, très jeune d'aspect, professeur de droit criminel à Angers et dont un ou deux romans d'un sentiment aimable et soigneusement écrits avaient mis le nom, tout récemment, en lumière: il s'appelait René Bazin.

Les deux voyageurs ont fait un joli chemin. M. Bazin est entré à l'Académie; M. Lamy vient de l'y rejoindre. Comment y est-il entré? En quoi ses mérites ont-ils paru plus dignes de cette haute distinction que les mérites de tant d'autres? C'est ce que personne ne peut m'expliquer très clairement. Louis Veuillot, dans un petit volume de poésies que le hasard me fit dénicher l'autre jour au fond d'un cabinet de lecture de mon quartier, se posait irrespectueusement la même question: Qui me dira comment se fait l'Académie; Pourquoi Pantoufle en est, quand Sabot n'en est pas? J'imagine donc ceci: qu'on est presque toujours digne d'entrer à l'Académie, quand on y entre; mais qu'on n'y entre pas uniquement parce qu'on était digne d'y entrer;--et que ces choix se déterminent par toutes sortes de petites raisons, de raisons «à côté», où interviennent on ne sait quelles considérations mystérieuses d'influences, d'amitiés, d'opinions, d'origines et d'attitude... En sorte qu'il y a des hommes qui sont «voués» à l'Académie dès l'âge de trente ans (dussent-ils n'y entrer qu'à soixante) d'une façon aussi impérieuse et aussi naturelle que d'autres, à vingt ans, sont «marqués» pour le professorat, le métier militaire, la poésie, le sport, la magistrature, la débauche ou le commerce d'exportation. Célèbres ou ignorés de tout le monde, s'ils sont nés pour en être, ils en seront. Et l'on pourrait dire de l'Académie ce que M. Guitry disait un jour du métier de comédien: «Jouer très bien la comédie: c'est facile, ou c'est impossible.»

*
* *

... Le retour de Longchamps a marqué l'officielle clôture de la «saison» parisienne. On se débat bien encore un peu pour la faire durer: Whisthler, sur la prière de ses admirateurs, s'attarde aux cimaises de l'École des beaux-arts; Besnard nous convie, rue de Sèze, à une éblouissante exposition de ses oeuvres; les amis des bêtes organisent, au parc de Neuilly, une exposition de chats; mais, tout de même, c'est la fin et le grand exode est commencé. Déjà le bois de Boulogne a changé de figure; avant quinze jours, ce ne sera plus, en semaine, qu'un délicieux désert d'arbres, une oasis de silence; et ce sera, le dimanche, l'affolante kermesse où se déchaîneront l'invasion des faubourgs «en balade» et les traditionnelles joies des déjeuners et des dîners autour du lac. Le Paris des Batignolles, de la Chapelle, de Belleville et de Ménilmontant aura pris, pour trois mois, possession du Bois!

Le voyage, il y a peu d'années encore, était long, presque coûteux, et l'on préférait fêter le dimanche à peu de distance de chez soi: sous les arbres du bois de Vincennes ou des Buttes-Chaumont, qui sont d'exquises promenades. Mais le Métro s'est offert au peuple de Paris... En lui rendant faciles les déplacements à bon marché, il l'a rendu curieux d'impressions nouvelles; il lui a suggéré l'ambition de fréquenter les lieux élégants où il allait peu; et voilà le bois de Boulogne envahi.

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* *

J'y suis allée flâner avant-hier matin. Les fêtes de la Pentecôte avaient déversé là, pendant deux jours, une telle foule que ce pauvre Bois en semblait tout meurtri et comme exténué... Plates-bandes ravagées, massifs d'arbustes démolis; et partout, dans les allées, sur l'herbe, autour de chaque arbre, des papiers graisseux, des boîtes éventrées, des bouteilles vides, des débris de vaisselle oubliée: le paysage tout entier--si joli dans la mélancolie de cette paix matinale--semblait souffrir d'être souillé ainsi.

Je lis dans les journaux que, pour préserver la beauté de cette promenade, M. le préfet de police a décidé de faire placer le long de ses allées principales un certain nombre de récipients, de «poubelles» où les Parisiens devront désormais déposer, avant de quitter le Bois, les reliefs de leurs dînettes en plein air. Je serais bien surprise que cet ordre-là fût obéi.

Il n'y a pas de peuple meilleur que le peuple de Paris; mais il n'y en a pas non plus qui soit plus rebelle à ces petits devoirs de discipline collective. J'étais à la Haye, il y a quatre ans, quand la reine Wilhelmine se maria. Une foule effroyable s'y écrasait. Pour y assurer l'ordre et y rendre la circulation aisée, la police avait usé d'un expédient ingénieux; elle avait fait afficher sur tous les murs, au coin des rues, ce simple avis: «Marchez à droite». On obéissait. Et ainsi se formaient, dans chaque rue, deux courants inverses qui se côtoyaient sans se mêler. Nulle part, même dans l'encombrement et le tumulte des fêtes de nuit, je n'ai vu la moindre bousculade se produire.

Ici, je doute qu'un si sage conseil eût été écouté. Paris est une ville où l'individu n'aime point à se sentir gouverné. Les gestes de l' «autorité» l'agacent, ses admonestations lui font hausser les épaules et il ne lui sait aucun gré des attentions qu'elle lui témoigne. Le Parisien flâne sur la chaussée ou la traverse en lisant son journal, et c'est aux cochers qu'il s'en prend s'il a failli être renversé par l'un d'eux. Aux guichets des gares, je vois à chaque instant des gens se heurter et discuter, parce que, sur deux voyageurs, il y en a presque toujours un qui s'obstine à entrer du côté par où il eût fallu sortir. Aux portes d'issue du Métropolitain, on a disposé des coffres de bois où les voyageurs sont invités à jeter leurs tickets en passant: la plupart les gardent dans leurs poches ou les répandent le long des escaliers. Pour procurer aux convalescents des hôpitaux la distraction d'une lecture qui ne leur coûtât rien, les compagnies de chemins de fer ont placé sur leurs quais de grandes boîtes où nous sommes priés de déposer nos vieux journaux: les journaux restent épars sur les banquettes des wagons où tout le monde les oublie; ce sont les hommes d'équipe qui les ramassent. La pêche à la ligne sera rouverte après-demain: cela n'a pas empêché mon propriétaire, qui a la passion de cet exercice (et l'horreur du poisson!), d'aller tous les dimanches, depuis un mois, poser clandestinement de petites lignes dans la Marne, pour tirer de l'eau, au mépris de la loi, des goujons qu'il y rejetait d'ailleurs aussitôt. Et vraiment il semble que ce penchant à blaguer les consignes, à ruer dans le brancard du «règlement», soit inné chez le Parisien: il n'y a pas de ville où le gamin se complaise davantage à narguer l'autorité des cochers en grimpant derrière les voitures jusqu'à ce qu'un coup de fouet l'en déloge, et où la mention Défense d'afficher attire plus invinciblement son coup de crayon sur la pierre immaculée d'un mur.

*
* *

Les plates-bandes du bois de Boulogne seront donc tout aussi sales, cet été, en dépit des consignes de M. Lépine qu'elles le furent les étés précédents; mais l'eau du ciel lavera tout cela, et les rois qui nous rendront visite l'an prochain continueront de penser que cette population d'espiègles est la plus charmante de toutes et que le bois de Boulogne est un coin de terre duquel on ne s'éloigne qu'avec une immense envie d'y revenir...
Sonia.



L'homme du jour

LE PRÉSIDENT ROOSEVELT

S'il est, en ce moment, un personnage auquel s'applique, dans la plus large acception du terme, la qualification d' «homme du jour», c'est assurément le président des États-Unis; l'attention universelle, en effet, se porte vers lui pour les mêmes raisons qui, depuis dix-huit mois, la retiennent anxieusement fixée sur la grave conflagration allumée en Extrême-Orient.

On sait par quelle initiative opportune vient de se signaler M. Théodore Roosevelt. A la date du 8 juin, il a adressé aux gouvernements russe et japonais une note dont la substance se résuma ainsi: «Le président estime que l'heure est venue où, dans l'intérêt de toute l'humanité, il doit rechercher s'il n'est pas possible de mettre fin à ce terrible et lamentable conflit... Il presse vivement les belligérants d'ouvrir des négociations directes en vue de conclure la paix, n'ayant, quant à lui, en amenant une conférence entre les deux puissances, d'autre dessein que de contribuer à un heureux résultat, conforme aux souhaits du monde civilisé tout entier.»

La publication de ce document, immédiatement suivie de pourparlers préliminaires, a eu un retentissement immense, et l'acte a été salué d'un concert unanime d'éloges, tant en raison de ses conséquences éventuelles que des hautes considérations qui l'ont inspiré.


M. THÉODORE ROOSEVELT, PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
qui vient d'intervenir auprès du tsar et du mikado en faveur de la paix.
Photographie prise, il y a quelques semaines, dans le Colorado, où le Président chassait l'ours, vêtu en "rough-rider".

Certes, il fait le plus grand honneur à son auteur; mais, étant donnée la personnalité du président actuel de la République transatlantique, cette généreuse initiative, cette intervention influente suggèrent une curieuse remarque, laquelle, d'ailleurs, n'est pas pour en diminuer le mérite.

Un homme d'action avant tout, malgré son incontestable culture intellectuelle; un apologiste fervent de la force et de l'énergie, ainsi qu'en témoignent ses écrits et ses discours; un chasseur passionné, comme le furent de tout temps la plupart des guerriers entraînés aux combats humains par la lutte contre les bêtes, quittant volontiers, quand il en trouve le loisir, la tranquille résidence de la Maison-Blanche pour aller, dans les déserts sauvages du Far-West, en un équipage des plus frustes, avec une escorte de cow-boys, rechercher les émotions et courir les risques de la grande chasse à l'ours; un soldat plein de vaillance et d'entrain, créateur de ce fameux corps de cavaliers volontaires, les rough-riders, à la tête duquel, lors de la dernière guerre hispano-américaine, il battit l'ennemi et conquit la popularité; enfin, un chef d'État partisan déclaré et artisan déterminé du développement de la puissance militaire de la vaste fédération dont il dirige les destinées,--tel apparaît, en ses traits principaux, une des figures les plus caractéristiques de l'histoire contemporaine. Ce n'est pas, précisément, celle d'un apôtre de certaines doctrines prêchées du haut de diverses tribunes: M. Roosevelt n'est point un «pacifiste». Or, voici que, d'un beau geste résolu, il vient de prendre, dans d'importantes conjonctures, le rôle de «pacificateur». Y a-t-il là une antinomie, une contradiction? La question offre sujet à controverse théorique; mais, esprit éminemment pratique, l'ancien élève de l'université de Harward n'aurait pas de peine à se justifier du reproche d'inconséquence, en citant à propos le vieil adage, encore vrai aujourd'hui: Si vis pacem, para bellum.

L'anéantissement, à Tsou-Shima, de la flotte russe, demeurera, dans l'histoire des guerres maritimes, comme l'un des événements les plus tragiques, un des désastres les plus épouvantables qu'on aura vus. Tant de vies sacrifiées en quelques heures, tant d'espérances d'un seul coup anéanties, sont pour faire rêver à jamais. L'écroulement de Waterloo, ce coup suprême d'une fatalité qui s'acharnait, soulève à peine de pareils regrets et de pareilles rages.

Maintenant, si l'on détourne un instant les regards de l'infortune irréparable qui atteint tout un grand pays, c'est pour les reporter vers le lit de douleur où l'amiral Rojestvensky déplore, sans doute, de n'avoir pas trouvé, au milieu de ses frères d'armes, une mort glorieuse, de n'avoir pas partagé le sort des héros sans nom engloutis avec leurs navires dans la grande mer, au cours de ces journées néfastes.


VISITE DE L'AMIRAL TOGO A L'AMIRAL ROJESTVENSKY, A
L'HOPITAL MARITIME DE SASEBO

Il avait accompli, en amenant son escadre jusque dans les mers d'Extrême-Orient, un effort surhumain, un exploit qui émerveille les hommes de mer les plus rompus au périlleux métier. Selon l'expression de l'amiral Bienaimé, il n'a pas eu pour lui le Dieu des batailles, mais il a, dans son superbe héroïsme, tout fait pour le mettre de son côté. Et tant de science dépensée, tant de courage, tant d'abnégation, ont abouti à cette effroyable catastrophe.

Il pensa, un moment, peut-être, échapper à l'ultime infortune pour un soldat. Il espéra éviter d'être la proie du vainqueur. Un contre-torpilleur russe l'avait pris à son bord, blessé, sanglant, au soir du combat, lorsque tout fut perdu,--fors l'honneur. Deux navires japonais, envoyés à la découverte, après avoir fouillé toute la nuit l'Océan, rejoignaient au jour deux bateaux russes, dont l'un put encore s'enfuir. L'autre demeura en panne, n'ayant plus d'eau, plus de charbon, le drapeau blanc hissé à son mât de misaine, le pavillon de la Croix-Rouge à son arrière: c'était le Biedovy qui portait Rojestvensky et son état-major.

Les officiers russes supplièrent en grâce leurs ennemis de laisser leur chef sous leur garde, sur le navire où il était, de lui éviter une souffrance de plus. Les Japonais y consentirent, mais placèrent sur le pont du Biedovy une garde armée, en stipulant froidement qu'elle exécuterait, sans faillir, l'amiral, au cas où d'autres vaisseaux russes arriveraient et tenteraient de l'enlever.

Il arriva ainsi à Sasebo à la remorque du Sazanami, par une mer houleuse, dure aux pauvres blessés ballottés à ses soubresauts furieux.

Enfin, l'amiral put être transporté à l'hôpital où des soins dévoués l'entourèrent, et la chevalerie des vainqueurs, cette fois, ne ménagea rien de ce qui pouvait adoucir cette immense infortune, lui faire oublier le traitement martial à l'excès qu'on lui avait infligé sur le Biedovy.

Il était blessé en six endroits. A peine reposait-il dans le petit lit blanc que le ministre de la marine, l'amiral Yamamoto, lui faisait porter des fleurs par brassées, accompagnant l'envoi de cette touchante dépêche:

«Veuillez me permettre de vous exprimer tout mon respect pour la façon toute militaire dont vous avez rempli votre devoir en combattant désespérément pour votre pays.

» Laissez-moi vous dire combien je regrette vos blessures. J'espère que les ressources de nos hôpitaux navals, les capacités de nos chirurgiens de marine, soulageront vos souffrances et vous rendront promptement la santé.»

Un peu plus tard, le 2 juin, l'amiral Togo, son adversaire de Tsou-Shima, venait en personne rendre visite à l'amiral russe. Il le trouva enveloppé de bandages, pâle, fébrile et les yeux hagards.

Quand il vit l'amiral japonais, Rojestvensky voulut se soulever et il se soutint un moment en s'appuyant sur le coude, écoutant Togo lui exprimer ses regrets de le rencontrer dans des circonstances aussi douloureuses. Le blessé souffrait visiblement. Togo eut pitié et, après avoir ajouté qu'il était venu seulement pour prendre de ses nouvelles, il le pria de se recoucher à son aise.

Ce sont là des démarches, des soucis, qui honorent grandement les Japonais. Mais quelles prévenances, quels hommages sauraient calmer l'amertume qui doit gonfler l'âme de ce marin admirable, dont la vaillance aurait mérité de désarmer le sort obstinément contraire aux armes russes?



1. Les autorités allant inspecter la route (au volant: M. Joly, préfet du Puy-de-Dôme). (Phot. Bliès.)--2. En attendant la course: les montreurs d'ours.--3. La passerelle de Vauriat (pour les automobiles).--4. La passerelle de Rochefort (pour les piétons).--5. L'épandage et l'étalage automatiques du goudron.--6. Une tribune, en haut de la côte de Grudelle.--7. La passerelle de Laqueuille (pour les automobiles).--8. Les voitures concurrentes dans la cour de la gare de Laqueuille.


LA COUPE GORDON-BENNETT AU CIRCUIT D'AUVERGNE.
--Sur la route.

M. Sisz (voiture Renault). M. Bernin, sur voiture Renault.

M. Rougier (voiture de Dietrich). M. Girardot, sur voiture
Charron-Girardot-Voigt.

M. Duray sur voiture de Dietrich M. Rigolly, sur voiture Gobron-Brillié.

M. Théry, sur voiture Richard-Brasier. M. Wagner, sur voiture Darracq.

M. A. Clément fils, sur voiture
Bayard-Clément.
M. Lavergne, sur voiture Hotchkiss.

M. Stead (voiture Richard-Brasier). M. H. Farman, sur voiture Panhard-Levassor.

M. Le Blon (voiture Hotchkiss,) M. Hanriot (voiture Bayard-Clément).

M. Gabriel (voiture de Dietrich). M. Heath (voiture Panhard-Levassor).

M. Edmond sur voiture Renault. M. Teste, sur voiture Panhard-Levassor.

M. A. Fournier (voiture Hotchkiss). M. Caillois (voiture Richard-Brasier).

Conducteurs et voitures des Éliminatoires françaises.
LA COUPE GORDON-BENNETT AU CIRCUIT D'AUVERGNE.




                                 M. Michelsen.
UNE SÉANCE HISTORIQUE DU PARLEMENT NORVÉGIEN (7 juin.)--M. Michelsen, président du Conseil d'État, lit l'adresse notifiant au roi Oscar la séparation de la Norvège et de la Suède.


M. Olsson (Guerre). M. Arctander. M. Michelsen (Président). M. Lovland (Affaires étrangères). M. G. Knudsen. M. Vinje.
M. Bathner.M. Hagerup Bull (Justice). M. Lehmkicht. M. C. Knudsen (Instruction publique).

UNE RÉVOLUTION PACIFIQUE EN NORVÈGE.--Les membres du gouvernement provisoire. Photographies Hilfling-Rasmussen.


CHRISTIANIA, REINE DES FJORDS ET CAPITALE DE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE.


UNE ANCIENNE CITÉ HANSÉATIQUE: BERGEN, LA SECONDE VILLE DE NORVÈGE
Phot. M. Meys. Le marché aux pommes de terre sur le quai de la Hanse.




Mine de 300 kilogrammes d'explosif près du fort d'Anteshan.


Phot. James Ricalton. Copyright Underwood and Underwood.
Mine à l'ouest, du fort de Niriousan.

PHOTOGRAPHIES DE L'EXPLOSION DES MINES

Un des systèmes de défense adoptés par les Russes enfermés dans Port-Arthur et qui leur permirent de tenir les Japonais en échec pendant tant de mois fut, sur l'initiative du valeureux et infortuné général Kondratenko, l'installation d'un réseau de mines souterraines qui explosaient au passage des colonnes assiégeantes. Dès que Port-Arthur eut capitulé, les Japonais entrèrent en possession des cartes où était repéré l'emplacement exact des mines intactes--il n'y en avait pas moins de mille dans la zone de la défense--et ils s'empressèrent de les faire éclater. C'est ainsi qu'un de nos correspondants de guerre put les photographier au moment de leur explosion--non sans de graves risques pour ses appareils et pour lui-même. Mais ces instantanés, véritablement uniques, en nous montrant ces effroyables déflagrations, expliquent que des compagnies et même des bataillons entiers de troupes japonaises aient été, d'un seul coup, anéantis en montant à l'assaut.

Mine placée à 45 mètres au nord du fort de Niriousan. Mine placée devant la colline de 203 mètres.


Phot. James Ricalton. Copyright Underwood and Underwood.
Mine placée près du fort d'Anteshan. (Les taches noires sont les débris des caisses de poudre.)
DE LA DÉFENSE TERRESTRE DE PORT-ARTHUR


LE GÉNÉRAL GALLIENI

RETOUR EN FRANCE DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL DE MADAGASCAR.

Gouverneur général de Madagascar depuis neuf ans--c'est la première fois qu'un Français occupe une situation de ce genre aussi longtemps--à la fois organisateur et soldat, pacificateur et conquérant, le général Gallieni, qui vient d'arriver à Paris cette semaine, avait déjà fait ses preuves au Soudan et au Tonkin. Il a réussi, dès les débuts de son administration nouvelle, à étouffer une insurrection qui, sans son énergique autorité, nous eût certainement coûté notre nouvelle possession bien peu de temps après sa douloureuse conquête! Puis, pendant sept ans, grâce à une méthode pour ainsi dire nouvelle dans nos colonies, mais appliquée avec un rare bonheur et un heureux choix tant des circonstances que des collaborateurs appelés à exécuter les idées du maître, ce fut la mise en valeur rationnelle et pratique de ce vaste pays, une fois et demie grand comme la France.

Pour accomplir cette tâche, le général Gallieni eut à surmonter des difficultés sans nombre, et cependant, du chaos dans lequel il trouva Madagascar à son arrivée en 1896, il est parvenu à faire une belle colonie qui, depuis deux ans, ne coûte plus un centime à la métropole, à l'exception, bien entendu, des dépenses militaires. Des routes sillonnent l'île, dans tous les sens, un vaste réseau télégraphique met en communications directes les points les plus extrêmes et, d'ici quelques mois, la locomotive entrera victorieuse à Tananarive, reliant la capitale à la côte orientale et permettant de faire en quarante-huit heures un voyage que le général Gallieni mit huit jours à effectuer lorsqu'il débarqua pour la première fois dans la colonie.

Ne laissant à personne le soin de se rendre compte des besoins de ses administrés--colons ou indigènes --le général Gallieni a effectué nombre de voyages dans les différentes régions de Madagascar. Chaque année il a entrepris une tournée de plusieurs mois dans l'île: voyage pénible et fatigant s'il en est, d'où le confort est le plus souvent banni. C'est au cours d'une de ces pérégrinations dans la brousse qu'a été prise la photographie bien vécue dont notre dessin s'est textuellement inspiré. Le général Gallieni est en costume de voyage et le colonel du génie Roques, son infatigable collaborateur, qui vient de cueillir une noix de coco, lui en verse le contenu,--boisson rafraîchissante et antialcoolique par excellence.


         Général Gallieni. Colonel Roques. En tournée
          d'inspection: le général Gallieni acceptant du
         colonel Roques un verre de lait de coco.

Mais le général ne s'est pas borné à faire de la pacification et de l'organisation administrative, il a créé des oeuvres d'assistance qui vont permettre de régénérer la race malgache et de sauver les milliers d'enfants indigènes qu'un manque de soins et d'hygiène vouait chaque année à une mort inévitable; et alors sera résolu dans son essence même le difficile problème de la main-d'oeuvre à Madagascar, la population s'accroîtra chaque année dans de notables proportions et la grande île africaine, qui ne compte à l'heure actuelle que 2 millions et demi d'habitants pour une superficie égale à la France, la Belgique et la Hollande réunies, aura des bras suffisants pour défricher son sol et mettre en valeur ses richesses incontestables, mais jusqu'à présent inexploitables par suite du manque de travailleurs. Ce beau résultat ne sera, il est vrai, pas atteint avant nombre d'années; mais c'est en cela qu'il faut surtout admirer l'oeuvre féconde du général Gallieni, c'est que, dédaignant les sentiers battus et les satisfactions personnelles immédiates, il a, avec une hauteur de vues remarquable, jeté les bases d'une administration modèle et orienté dans le sens unique de la prospérité future de la colonie tous les actes de son gouvernement.

     
Mme Gallieni.--Phot. Veynachter.                            Mlle Gallieni.--Phot. Veynachter.

Aussi a-t-il lui-même la plus grande confiance dans l'avenir de Madagascar; et il est le premier à dire bien haut que, si nous avons eu, en ces derniers temps, quelques déboires dans la grande île, si des révoltes se sont produites dans certaines régions encore réfractaires à notre autorité, si la prospérité économique de la colonie n'a pas tenu tous les espoirs qu'avaient fait naître deux années particulièrement heureuses, si des intempéries successives ont causé des ravages nombreux,--il ne faut point désespérer; ce sont là épreuves passagères et inhérentes à toute entreprise humaine.

Peut-être le général Gallieni ne retournera-t-il plus à Madagascar, mais son oeuvre survivra à sa présence sur les rives de l'océan Indien et son nom est pour toujours lié à l'avenir et à la prospérité de la grande île africaine.

Avec le général sont revenues en France Mme et Mlle Gallieni qui, toutes deux à Madagascar depuis quatre ans, n'ont pas peu contribué, par leur charme et leur exquise amabilité, à faire aimer notre pays par nos nouveaux sujets. Marc Clique.




(Agrandissement)
LE PRINCE HERITIER D'ALLEMAGNE A L'AUTEL, LE 6 JUIN, DANS LA CHAPELLE DU CHATEAU DE BERLIN.
Dessin d'après nature de notre artiste-correspondant à Berlin, M, Edouard Cucuel.

Le 6 juin, après la cérémonie civile, le kronprinz et sa fiancée, la duchesse Cécile de Mecklembourg-Schwerin, furent conduits en grand cérémonial à la chapelle du château royal. Le pasteur Dryander, chapelain de la cour, attendait le cortège sur les marches de l'autel. Il posa les questions de consentement aux fiancés, qui échangèrent les anneaux d'or--or de Silésie, selon la tradition. Puis il prononça un discours dont le texte, choisi par l'empereur, qui règle tout lui-même, était emprunté aux paroles de Ruth à Booz: «Là où tu iras, j'irai; là où tu habiteras, j'habiterai. Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu.»



Mouvement littéraire

Histoire de l'Art. T. Ier: Des débuts de l'art chrétien à la fin de la période romane, sous la direction de M. André Michel (Armand Colin, 15 fr.).--Douris et les Peintres de vases grecs, par Edmond Pottier (Laurens, 2 fr. 50).

Histoire de l'Art.

Ce grand travail ne pouvait être placé sous une direction plus sûre que celle de M. André Michel. Ses études particulières, son cours à l'École du Louvre, ont groupé autour de lui beaucoup de jeunes savants. Mais quelle entreprise! Sortir des monographies pour donner des ensembles où les idées générales, les classifications et en même temps l'érudition minutieuse se doivent combiner, n'est pas chose facile. Plusieurs collaborateurs de marque se sont distingués dans ce tome Ier. M. André Pératé s'est occupé des origines premières--on ne parlera pas dans cette Histoire de l'art antique. Il a pris les catacombes avec leurs fresques, avec leurs représentations symboliques de la colombe, du phénix, avec, surtout, l'Orante, ou l'Ame, sous la forme d'une femme en prière, enveloppée de longs vêtements, avec le Bon Pasteur portant sur son dos une brebis, ou faisant paître des brebis et des agneaux dans les prairies vertes et lumineuses du paradis. Les miracles de Jésus et, en particulier, la guérison du paralytique, la multiplication des pains et la résurrection de Lazare; l'histoire de Jonas, la Vierge et l'Enfant, apparaissent dans les différents cimetières où étaient ensevelis et où s'assemblaient les premiers chrétiens. Plus tard, après le triomphe, au quatrième et au cinquième siècle, quand s'élevèrent les basiliques, ce fut un art nouveau, avec mosaïques et peintures, avec des compositions historiques; ce fut aussi un Christ nouveau, non plus imberbe et d'une jeune beauté, mais semblable à un Jupiter majestueux. Il y a de la sagacité, du savoir et de la poésie dans l'étude harmonieuse de M. André Pératé, qui connaît fort bien Rome et l'Italie. Il nous rend les figures des sarcophages et nous montre l'art byzantin s'emparant de la mosaïque à partir du sixième siècle. Au onzième, vers la fin, naît dans les fresques de saint Clément l'art italien; on y perçoit comme une aube des jours de Giotto.

Mais comment analyser dans ce court article tout ce grand volume? M. Eulard nous explique l'origine de la basilique, ce qu'elle 'est devenue sous l'influence byzantine, pourquoi les tours y ont été ajoutées; il dépeint les deux basiliques de Saint-Apollinaire, à Ravenne (Ve et VIe siècle), qui influencèrent toute l'architecture religieuse. M. Gabriel Millet s'étend longuement et savamment sur l'art byzantin, mélange d'hellénisme et d'orientalisme, et le montre s'installant en Italie au cinquième et au sixième siècle. Les miniatures, les soies byzantines brodées avec représentation, les sculptures sur bois et sur pierre, les ivoires, l'orfèvrerie de Constantinople, se répandent partout; une iconographie débordante succède aux images sobres, naïves et symboliques des catacombes. M. le Prieur s'est surtout préoccupé, dans les pages qui lui ont été dévolues, des miniatures qu'il étudie avec soin et classe avec méthode. Enfin, avec le travail de M. Bertaux sur la peinture dans l'Italie méridionale du cinquième au onzième siècle, le premier volume publié sous la direction de M. André Michel constitue un sérieux monument qui, malgré la diversité des architectes, ne manque pas d'unité.

Douris.



La Collection des grands artistes, qui, jusqu'ici, s'était bornée à nous rappeler les peintres et les sculpteurs modernes, nous présente, cette fois, trois anciens: Lysippe, par M. Maxime Collignon; Praxitèle, par M. Georges Perrot, et Douris, par M. Edmond Pottier. C'est au petit volume de M. Pottier que je veux m'attacher. Après s'être étendu sur la fabrication des vases peints en Grèce, sur les procédés techniques de cette industrie et nous avoir introduits par l'image dans un premier atelier où des ouvriers façonnent et cuisent des poteries, puis dans un autre où des artistes en couvrent quelques-unes de représentations, M. Pottier examine l'oeuvre de Douris, qui vivait au cinquième siècle, à la belle époque de l'art hellénique. Pourquoi a-t-il choisi parmi tous les autres Douris et n'a-t-il pas adopté, par exemple, Brygos ou Euphronios? C'est qu'en même temps que très curieuse, pleine de mouvement, fort caractéristique, l'oeuvre connue de Douris est la plus considérable. Nous possédons de lui vingt-six coupes, un canthare, un vase à rafraîchir le vin, lesquels nous fournissent environ quatre-vingts tableaux.

Où Douris a-t-il pris ses motifs? D'abord, comme ses émules, dans l'histoire héroïque et mythique de la Grèce. Voici, sur une coupe, le combat de Ménélas avec Paris, d'Ajax avec Hector; sur une autre, du musée de Vienne, la dispute des armes d'Achille. Les exploits de Thésée, Hercule combattant les Amazones, ont été traités par Douris. Ce qui est singulier, c'est la façon toute libre dont il a représenté les Silènes jouant et dansant, et, ailleurs, dans le Rapt de Thétis par Pelée, les Néréides fuyant vers Nérée et Doris. Dans ce dernier tableau surtout, rien de conventionnel, mais de gracieuses jeunes filles effarouchées; c'est presque le fugit ad salices. Un des chefs-d'oeuvre mythiques de Douris, c'est la coupe où Eos (l'Aurore) est représentée tenant douloureusement dans ses bras le corps inanimé de son fils Memnon, roi des Ethiopiens et allié de Priam.

A ces sujets mythiques s'ajoutent des peintures purement militaires et surtout, au nombre de quarante et une, des scènes de la vie familière. Qu'il est vivant, l'éphèbe gracieux sur les genoux duquel est posé un lièvre sollicitant une caresse! Grâce à Douris, nous pouvons entrer dans une école de la Grèce antique où nous attend un spectacle ravissant: des écoliers apprennent en même temps à déchiffrer des poèmes et à manier la lyre.

Peu de paysages, peu de cadre dans l'art grec, c'est l'homme qui absorbe tout; c'est lui uniquement que l'on représente, non dans ses détails anatomiques, mais dans son geste, tel que l'oeil le perçoit. M. Pottier, avec une connaissance minutieuse de son sujet, un goût parfait, nous a fait comprendre en Douris tout l'art du peintre de vases et en même temps beaucoup de traits du caractère ethnique des Grecs et de leur façon de concevoir et de rendre la beauté.
E. Ledrain.



Ont paru: Grandeur et Décadence de Rome, par G. Ferrero, t. II. 1 vol. in-16, Plon-Nourrit et Cie, 3 fr. 50.--L'Espionne, par Ernest Daudet. 1 vol., librairie Ollendorff, 3 fr. 50.--Le Génie du peuple, par Emile Blémont. 1 vol., Lemerre, 3 fr. 50.--En Amérique: De San-Francisco au Canada, par Jules Huret. l vol., Fasquelle, 3 fr. 50.--Les Variétés, 1850-1870, par Roger Boutet de Monvel. 1 vol. in-16, Plon-Nourrit et Cie, 3 fr. 50.--Les Litiges de l'automobile, par J. Imbrecq et Lucien Périssé. 1 vol. in-8°, veuve Ch. Dunod. 6 francs.--Principes d'anatomie et de physiologie appliqués à l'étude du mouvement, par le lieutenant-colonel Chandezon. 1 vol., Charles-Lavauzelle, 7 fr. 50.--Fleur de Lys (un ouvrage sur Louis XVII et ses descendants), par Osmond. 1 vol.. imprimerie Dugas et Cie, à Nantes, 2 francs.



Finasseur (par Winckfield's Pride et Finaude), à M.
Michel Ephrussi, gagnant du Grand Prix de Paris en 1905,
monté par N. Turner.


LE NOUVEAU DIRECTEUR
DU CONSERVATOIRE

M. Gabriel Fauré, l'exquis musicien qui vient d'être appelé à succéder à M. Th. Dubois à la direction du Conservatoire de Paris, n'est l'élève
           M. Gabriel Fauré.
           --Phot. Reutlinger.
d'aucun conservatoire. Il est né le 13 mai 1845, à Pamiers (Ariège). Ses maîtres fuient Niedermeyer, Dietsch et Saint-Saëns.

Il a débuté comme organiste à Bennes (1866), puis il vint à Paris où, après divers postes, il fut nommé à la Madeleine (1896). M. Fauré, que l'on appelle souvent «le Schumann français», est l'auteur de mélodies délicates, telles que les Berceaux, les Poses d'Ispahan, le recueil de la Bonne chanson (sur des vers de Verlaine), qui ont fait sa réputation. Sa musique de piano, sa musique de chambre, son Requiem d'une conception très moderne, sa suite d'orchestre pour Pellêas et Mélisande, son Prométhée, son Shylock, sont d'une rare originalité.

La caractéristique du grand talent de M. Gabriel Fauré, c'est une technique très simple; il arrive à noter l'impalpable avec une extraordinaire précision. Debussy ne s'expliquerait guère si M. Gabriel Fauré n'existait pas.

M. Gabriel Fauré est, en outre, le critique musical du Figaro où son savoir élégant, sans pédanterie, lui a conquis tous les suffrages. L. S.

L'ASSASSINAT DE M. DELYANNIS

Le président du conseil des ministres de Grèce, M. Delyannis, a été assassiné, le 13 juin, au moment où il entrait à la Chambre, par un nommé Ghera Karis, joueur de profession, qui l'a frappé d'un coup de
                  M. Delyannis.
               --Phot. Rhomaïdès.
couteau, pour se venger, a-t-il dit, des mesures rigoureuses prises récemment contre les maisons de jeu.

M. Théodore Delyannis était âgé de soixante-dix-neuf ans; il avait commencé sa carrière politique en 1862, sous le gouvernement provisoire, après la chute du roi Othon. Successivement ministre des affaires étrangères, de l'intérieur, de l'instruction publique, plénipotentiaire au congrès de Berlin, il occupa plusieurs fois la présidence du conseil, qu'il reprenait, il y a un an, avec le portefeuille de l'intérieur.

La mort tragique du vénérable homme d'État, activement mêlé depuis quarante-trois ans aux affaires de son pays, a causé une profonde émotion et de vifs regrets. Il avait été ministre de Grèce à Paris, poste actuellement occupé par M. Nicolas Delyannis, son neveu.



Documents et Informations.

A tiennent les taches blanches
de la robe des animaux.




Beaucoup d'animaux blanchissent en hiver et, chez beaucoup d'animaux aussi, on observe des taches blanches qui font un contraste frappant avec la couleur sombre du reste de la fourrure. A quoi tient ceci? Un naturaliste anglais, M. Barret Hamilton, vient d'essayer de résoudre l'énigme. Il observe que le blanchiment du poil accompagne toujours le développement du tissu adipeux, et que les taches blanches se montrent surtout aux endroits où il se fait le plus de graisse. Ce développement des dépôts graisseux serait la manifestation d'une oxydation insuffisante et d'une nutrition ralentie, c'est-à-dire d'une atrophie qui s'étendrait de la peau même au pigment des poils. Comme les taches blanches se montrent aussi en des endroits où il n'y a pas de graisse, il faut admettre que l'atrophie peut se produire par un autre mécanisme: au crâne et ailleurs elle serait due au contact direct de la peau et du squelette. La façon de voir de M. Barret Hamilton explique la calvitie de l'homme; elle explique pourquoi les animaux marins sont d'autant plus glabres que plus gras, et pourquoi les veaux à l'engrais perdent leur poil, etc.

Le «Santos-Dumont XIV».



M. Santos-Dumont dans la nacelle de son nouveau dirigeable. Le "Santos-Dumont-XIV" sur la pelouse du parc
de l'Aéro-Club.

Depuis plusieurs mois, le silence s'était fait autour de M. Santos-Dumont, mais cela n'indiquait pas que le brillant aéronaute fût inactif. Il faisait reconstruire, sur des plans légèrement modifiés, un nouveau dirigeable --le quatorzième--et, au premier jour favorable, nous le verrons de nouveau s'élancer et, sans nul doute, se diriger dans les airs.

Le Santos-Dumont-XIV se distingue des précédents par sa forme beaucoup plus allongée, plus effilée, et par la distance qui sépare l'enveloppe de la nacelle qui porte le moteur, les hélices et le voyageur.

Comment on abîme les chevaux de course.



Personne n'ignore, dans le monde sportif, que beaucoup de personnes peu scrupuleuses n'hésitent pas à faire usage de procédés particuliers pour donner artificiellement aux chevaux de course l'énergie nécessaire à l'obtention de la victoire. Elles droguent et médicamentent ceux-ci de façons variées: c'est le doping, un truquage d'importation américaine. Ce truquage se fait avec des alcaloïdes divers, le plus souvent. On n'attend point de nous l'indication des doses à employer et de la manière de les administrer: mais nous pouvons indiquer les poisons dont les maquignons font le plus souvent usage pour donner aux bêtes une énergie factice. Ce sont surtout la strychnine, la caféine, la cocaïne, l'atropine et le cacodylate de soude. Ces matières sont généralement administrées les unes par la bouche, d'autres en injection, pendant les quelques jours ou heures qui précèdent l'épreuve. Les uns sont des stimulants nerveux; d'autres sont des excitants de la nutrition. Les pauvres bêtes qui ont été traitées sont généralement reconnaissables: elles transpirent beaucoup, elles salivent, elles sont agitées, tremblantes, l'oeil est vague, inexpressif, atone, la démarche est celle du maquignon qui a absorbé quelques petits verres de trop, incertaine, titubante. Ces signes, toutefois, ne peuvent donner la certitude; seule une expertise chimique peut la fournir. La circonstance qui fait du doping une pratique frauduleuse et délictueuse, c'est que le possesseur du cheval cherche à donner à celui-ci les apparences de qualités qu'il ne possède pas réellement. Les courses ont pour but--paraît-il--de permettre une sorte de sélection des individus les mieux doués, de ceux qu'il convient d'employer comme reproducteurs. Or, il est bien évident que, si un amateur achète un cheval sur une victoire qu'il vient de remporter et qui le classe parmi les sujets d'élite, propres à propager une race plus rapide, cet amateur est volé si le cheval ne doit son succès qu'à un artifice médicamenteux. Il est induit en erreur sur la valeur réelle de l'animal. Car celui-ci n'a aucune chance spéciale de donner une progéniture supérieure: en outre, c'est un animal qui sera vite à bout de forces. Les excitants qui lui sont administrés le ruinent: il arrive à la neurasthénie et à la maladie de coeur. Jamais le doping ne donnera de résultats pouvant être, même du plus loin, comparés à ceux de la nutrition rationnelle et de l'entraînement scientifique. Il ne peut que ruiner les chevaux. C'est donc une pratique immorale et inintelligente à la fois.

La croisière du duc d'Orléans.



Le 1er juin, la Belgica, portant l'expédition arctique du duc d'Orléans, quittait Tromsoe, pour se rendre d'abord au Spitzberg.

Chasseur émérite et sportsman accompli, le duc d'Orléans est admirablement armé et équipé pour toutes les chasses auxquelles on peut se livrer dans la zone arctique. Mais il a tenu, d'autre part, à donner à son voyage vers le nord un but scientifique qui en doublât l'intérêt et le mît à même de faire profiter la science de sa croisière. Aussi emporte-t-il à bord tout le matériel spécial que nécessitent les pêches pélagiques et abyssales et les observations océanographiques sur les conditions d'habitat des organismes récoltés. Si l'état des glaces le permet, les recherches de l'expédition porteront surtout sur la partie de l'océan Glacial qui s'étend entre le Spitzberg et le Groënland. Tant par leur nature que par les engins avec lesquels elles se feront, ces recherches apporteront une contribution intéressante aux travaux de la Commission internationale de la mer à laquelle, seule des nations riveraines de la mer du Nord, la France n'a pas cru devoir adhérer.


Karlsen, mécanicien. Mérite, peintre. Philippe, duc d'Orléans. Dr Récamier. Comte de Gerlache. Andreassen. Lt Bergendahl.
Le duc d'Orléans et son état-major sur le pont de la "Belgica".--Phot. Jacobsen

L'état-major de la Belgica comprend, outre le duc d'Orléans et le commandant de Gerlache qui a repris, pour cette nouvelle campagne scientifique, le commandement de son ancien navire, le docteur Récamier, de Paris, ami personnel du prince; le lieutenant Bergendahl, de la marine suédoise; M. Mérite, le peintre animalier bien connu à Paris, et M. Koefoed, zoologue danois, attaché à la station biologique de Bergen.

Les aménagements de la Belgica ont subi d'importantes modifications qui en font un bâtiment d'un type nouveau, un véritable yacht polaire.

La mort de l'archiduc Joseph.




           L'archiduc Joseph.
           --Phot. Koller-Karoly.

Un deuil qui vient de frapper le duc d'Orléans pourrait malheureusement interrompre la croisière de la Belgica dont nous parlons plus haut: l'archiduc Joseph, père de Mme la duchesse d'Orléans, vient de mourir à Fiume (Hongrie). Il était né à Presbourg, le 2 mars 1833, de l'archiduc Joseph, palatin de Hongrie, et de la duchesse Marie-Dorothée de Wurtemberg. Il avait pris part, comme général de brigade, à la bataille de Sadowa et s'y était brillamment conduit. Il y conquit le grade de feld-maréchal-lieutenant que lui conféra sur-le-champ l'empereur. Son rôle militaire s'était poursuivi dans la paix par l'organisation, qui lui avait valu en Hongrie une grande popularité, de l'armée des honveds, dont il avait conservé le commandement jusqu'à sa mort. Sur un autre terrain, on lui doit d'intéressants travaux sur l'ethnographie et le folklore hongrois.




LES FÊTES DU CREUSOT


Un canon, fondu au Creusot pour l'armée chinoise, annonçant l'ouverture de la fête.--Ph. Jaillon et Balijean

Le Creusot a célébré dimanche dernier le centenaire de son véritable fondateur, M. Eugène Schneider, né en 1805, mort en 1875.

C'est en 1836 que M. Eugène Schneider prit possession de la pauvre usine dont il devait faire le premier établissement industriel de France. Avant son arrivée au Creusot, cette usine avait trois fois périclité; aujourd'hui elle est connue et réputée dans le monde entier.

En 1836, le Creusot comptait 2.700 habitants; il en compte actuellement 32.000.


M. et Mme B. Schneider et leurs enfants.--Phot. Rajaud.

La ville vit de l'usine, dont elle tire la totalité de ses ressources. Si l'usine disparaissait, la ville disparaîtrait aussi. Sur les 32.000 habitants du Creusot, 3.000 tout au plus, c'est-à-dire moins du dixième, ne dépendent pas directement des établissements Schneider et Cie. Ces établissements occupent 8.700 ouvriers et 950 employés, soit 9.650 personnes. Si l'on supprimait tout d'un coup ces 9.650 personnes et les membres de leurs familles qui vivent de leur travail, il ne resterait plus dans la ville que des commerçants qui, désormais sans clientèle, seraient contraints de fermer leurs magasins et d'aller chercher fortune ailleurs.

Mais l'usine est prospère et la ville l'est aussi. Humble bourgade il y a trois quarts de siècle, la ville a aujourd'hui des rues larges, des boulevards et des squares, des maisons bien construites, de nombreuses fontaines, de belles écoles, un vaste hospice. Aussi, dès 1856, reconnaissante à M. Eugène Schneider de ce qu'il avait fait pour elle, la population adressa au gouvernement une pétition dans laquelle elle demandait que la ville prît le nom de Schneiderville; mais M. Schneider exprima le désir que ce projet n'eût pas de suite et que le nom de Creusot fût toujours conservé.

C'est donc justice que, dimanche dernier, les Creusotins aient honoré la mémoire de celui à qui ils doivent leur existence et leur bien-être. Ce fut une manifestation grandiose, à laquelle, sans exception, chacun voulut prendre part. En quelques jours, la ville se revêtit d'une brillante parure de feuillage et de fleurs, de lanternes et de lampions, avec, aux principaux carrefours, des arcs de triomphe. Tous les habitants avaient décoré leur demeure; toutes les corporations et toutes les sociétés s'étaient unies dans un sentiment commun de reconnaissance. Et, pour bien marquer qu'elle s'associait à l'élan populaire, la municipalité avait fait placer les lettres E. S. au-dessus du portail d'entrée de l'hôtel de ville.


La cérémonie du centenaire sur la place Eugène-Schneider, au Creusot.
Instantané de MM. Jaillon, chef, et Balijean, opérateur de l'atelier de photographe du Creusot.


La délégation de la maison de retraite allant déposer une
couronne sur le socle de la statue.


M. Burdy, ancien contremaître, prononçant son
discours au pied de la statue d'Eugène Schneider.

La fête commença le samedi soir par une retraite aux flambeaux. Le dimanche matin, à six heures, le canon tonne. Sur la place de la Couronne, qui domine le Creusot, une pièce d'artillerie, qui partira dans quelques jours pour la Chine, tire sept coups auxquels répondent, d'autres points culminants qui entourent la ville, des coups tirés par des pièces destinées au Portugal. Ainsi, avant de semer la mort, ces canons auront résonné pour la fraternité.

A sept heures, le bureau de secours de l'usine remet 5 francs à chacun des pauvres de la ville; ces pauvres sont au nombre de 804, qui défilent, vieux et vieilles, humblement mais proprement vêtus. Puis c'est une distribution de primes pour la bonne tenue des logements et jardins ouvriers, et la distribution de 171 médailles d'honneur du travail suivie d'un lunch offert par M. Eugène Schneider, député, petit-fils du fondateur du Creusot, assisté du maire et des adjoints, de M. Geny, directeur général de l'usine, des membres du comité de direction et des chefs de service.




            Les trois fils de M. E. Schneider au
             pied de de la statue de leur aïeul.

                        --Phot. Rajaud.

A une heure et demie a lieu la principale cérémonie de la journée. Sur la place Schneider, devant la statue de celui qu'on fête, défilent des délégations de toutes les sociétés et corporations de la ville. Sur une estrade dressée pour la circonstance ont pris place: M. Schneider et sa famille; M. Geny, directeur général de l'usine; M. Coureau, conseiller général du Creusot; les chefs de service; le maire, les adjoints et les conseillers municipaux; les représentants de la presse; des officiers français et étrangers; des délégations d'employés et d'ouvriers. Deux discours seulement: le premier prononcé par M. Burdy, ancien ouvrier et ancien contremaître de l'usine, ancien adjoint au maire, qui rappelle ce que la ville doit à la famille Schneider; le second prononcé par M. Schneider, qui remercie tous ceux qui se sont associés à l'hommage rendu à son grand-père. Avant de se retirer, les délégations vont déposer au pied de la statue du fondateur du Creusot des fleurs et des palmes; elles sont précédées par les trois jeunes fils de M. Schneider, qui marchent de front, et qui, arrivés devant le monument de leur aïeul, s'arrêtent et font le salut militaire.

Le soir, un très beau feu d'artifice a été tiré sur la place de la Molette en présence de plus de 60.000 personnes. Et la fête s'est poursuivie tard dans la nuit, à la grande lumière des illuminations, dans un ordre parfait. Pas un cri, pas une scène fâcheuse. Partout la bienséance, partout une foule à la fois joyeuse et recueillie.



NOUVELLES INVENTIONS

(Tous tes articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

CALENDRIER PERPÉTUEL AUTOMATIQUE J. TILMANT.

Depuis que les horloges mécaniques existent, on a cherché à leur adjoindre un système particulier donnant les dates: mois, jours et quantièmes, c'est-à-dire un calendrier perpétuel automatique. Mais des difficultés sans nombre se présentaient, car il fallait tenir compte des mois de trente ou trente et un jours et des mois de février de vingt-huit ou vingt-neuf jours dans les années bissextiles.

Depuis Quare, habile horloger anglais du dix-septième siècle, qui paraît être le premier en date, tous les maîtres de l'horlogerie aux dix-huitième et dix-neuvième siècles ont également cherché à produire, sous des formes diverses, montres, pendules ou horloges, des calendriers perpétuels automatiques. Certains y sont arrivés; malheureusement ces pièces, remarquables sous beaucoup d'autres rapports, ne résolvaient pas toutes complètement le problème de tenir compte automatiquement des bissextiles; celles qui y parvenaient atteignaient alors des prix élevés qui ne les rendaient abordables qu'à de rares privilégiés de la fortune.

Un ingénieux ouvrier horloger français, M. J. Tilmant, après de longues et patientes années d'études et d'essais, a résolu, d'une façon complète et heureuse, ce problème si ardu. Le modèle que représente notre gravure, aussi simple que robuste et d'un prix très abordable, est destiné à rendre de réels services en raison de ses remarquables qualités.

L'Auto-Tilmant est constitué: 1° par un mouvement d'horlogerie A occupant la partie supérieure du système et donnant l'heure; 2° en dessous, par un mécanisme B constituant le calendrier perpétuel automatique proprement dit.

Les deux mouvements sont reliés par un levier qui, déplacé par une cheville spéciale plantée verticalement dans le plan d'une roue qui fait un tour en vingt-quatre heures, produit le changement des jours et des quantièmes, vers minuit, et des mois en temps opportun. Les noms des mois et des jours sont inscrits sur deux rouleaux que l'on aperçoit au milieu, et les quantièmes sur deux disques verticaux placés en dessous.

De ces deux disques, l'un, celui qui est le plus rapproché du mécanisme, porte en couronne les dix chiffres: 9, 8,... 1, 0; l'autre, qui chevauche sur le premier, est divisé en quatre parties égales dans chacune desquelles on a percé une ouverture rectangulaire. Les chiffres du premier disque, qui fait chaque jour un dixième de tour, apparaissent au travers des ouvertures du deuxième disque qui, lui, au moyen des chiffres 1, 2, 3, que l'on a marqués à la gauche des ouvertures précitées, est destiné à l'indication des dizaines du quantième. Ce deuxième disque fait un tour complet, tantôt en 31, 30, 28 et quelquefois 29 jours; c'est là la partie ingénieuse du système. Ce résultat est obtenu par l'emploi d'une roue spéciale divisée en 48 parties inégales. Ces parties correspondent aux 48 mois compris dans un cycle de quatre années, dont une bissextile; cependant, un dispositif spécial permet de tenir compte entièrement de la loi du calendrier grégorien qui veut que les années centenaires comme 1700, 1800, 1900, 2100, 2200, etc., ne soient pas bissextiles malgré leur divisibilité par 4, à l'exception des quatrièmes centenaires: 1600, 2000, 2400, etc. Tout cela s'obtient automatiquement, et l'on ne peut qu'admirer la patiente ingéniosité de l'inventeur. Une seule précaution est à prendre, celle de remonter régulièrement la pendule tous les huit jours. Ajoutons que le mouvement d'horlogerie est à échappement circulaire à cylindre et que l'appareil peut ainsi marcher dans toutes les positions. Il peut donc s'emporter en voyage. Son prix est de 50 francs, chez M. G. Bourdilliat, agent général, 22, faubourg Poissonnière, Paris.


Calendrier automatique Tilmant.



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