Title: Chroniques de J. Froissart, tome 07/13
1367-1370 (Depuis l'expédition du Prince de Galles en Espagne jusqu'à la nomination de B. Du Guesclin à la charge de Connétable de France)
Author: Jean Froissart
Editor: Siméon Luce
Release date: July 4, 2024 [eBook #73967]
Language: French
Original publication: Paris: Vve J. Renouard
Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))
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9924—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
PAR SIMÉON LUCE
TOME SEPTIÈME
1367-1370
(DEPUIS L’EXPÉDITION DU PRINCE DE GALLES EN ESPAGNE JUSQU’A LA NOMINATION DE B. DU GUESCLIN A LA CHARGE DE CONNÉTABLE DE FRANCE)
A PARIS
CHEZ MME VE JULES RENOUARD
(H. LOONES, SUCCESSEUR)
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6
M DCCC LXXVIII
EXTRAIT DU RÈGLEMENT.
Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.
Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en surveiller l’exécution.
Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.
Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VII de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.
Fait à Paris, le 1er mai 1878.
Signé L. DELISLE.
Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.
ENTRÉE DU PRINCE DE GALLES EN ESPAGNE.—1367, 6 janvier. NAISSANCE A BORDEAUX DU PRINCE RICHARD, DEPUIS RICHARD II.—Du 10 au 29 janvier. CONCENTRATION DE L’ARMÉE ANGLAISE A DAX; ARRIVÉE DU DUC DE LANCASTRE; OCCUPATION DE MIRANDA ET DE PUENTE-LA-REINA; ENTREVUE DE DON PÈDRE, DU PRINCE DE GALLES ET DU ROI DE NAVARRE, A PEYREHORADE.—Du 14 au 20 février. PASSAGE DES PYRÉNÉES ET DU DÉFILÉ DE RONCEVAUX PAR LES TROIS CORPS DE L’ARMÉE ANGLAISE.—13 mars. ARRESTATION CONCERTÉE DU ROI DE NAVARRE PAR OLIVIER DE MAUNY.—REDDITION DE SALVATIERRA A DON PÈDRE ET ARRIVÉE DES ANGLAIS DEVANT VITORIA; DÉFAITE DE THOMAS FELTON; MORT DE GUILLAUME FELTON.—MOUVEMENT RÉTROGRADE DE l’ARMÉE ANGLAISE; PASSAGE A LAGUARDIA, A VIANA; OCCUPATION DE LOGRONO ET DE NAVARRETE.—1er avril. LETTRE DU PRINCE DE GALLES A DON ENRIQUE.—2 avril. RÉPONSE DE DON ENRIQUE CAMPÉ A NAJERA (§§ 560 à 576).
La princesse de Galles met au monde à Bordeaux l’enfant qui fut depuis Richard II[1]. Le dimanche suivant, le prince de Galles IV part le matin de Bordeaux[2] et arrive le soir à Dax[3], en Gascogne, où il séjourne trois jours, attendant que son frère le duc de Lancastre le vienne rejoindre. Parti de basse Normandie, celui-ci débarque à Saint-Mathieu[4], passe à Nantes, traverse le Poitou et la Saintonge, franchit la Gironde à Blaye et arrive à Bordeaux où la princesse fait ses relevailles en l’abbaye de Saint-André. Après une courte halte dans cette ville, le duc de Lancastre s’empresse d’aller rejoindre son frère à Dax. Le prince de Galles reçoit aussi, sur ces entrefaites, la visite du comte de Foix qu’il charge de garder sa principauté pendant son absence. Inquiet sur les dispositions de Charles le Mauvais, qui passe pour avoir conclu un traité d’alliance avec don Enrique de Trastamare, il fait occuper par Hugh de Calverly, un de ses lieutenants, Miranda[5] et Puente-la-Reina[6]. Le roi de Navarre, après avoir fait présenter V des excuses au prince à Dax, par l’entremise de Martin de la Carra[7], vient lui-même à Saint-Jean-Pied-de-Port[8], où il s’abouche avec le duc de Lancastre et Jean Chandos, et là il ménage une entrevue qui doit avoir lieu à Peyrehorade[9] entre lui, don Pèdre et le prince de Galles. P. 1, 5, 259, 261.
Entrevue de don Pèdre, du prince de Galles et du roi de Navarre, à Peyrehorade[10]. Charles le Mauvais prend l’engagement de livrer passage à travers son royaume à l’armée anglaise. Le captal de Buch, les seigneurs d’Albret et de Clisson viennent rejoindre à Dax[11] le prince d’Aquitaine et de Galles. Bertrand du Guesclin, de son côté, qui se tient alors auprès du duc d’Anjou, traverse à marches forcées l’Aragon et revient en Espagne offrir ses services à don Enrique de Trastamare auquel il amène un corps de volontaires français et bretons. P. 5, 6, 261.
VI Entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Pampelune se trouvent des défilés tellement étroits et inaccessibles que trente hommes en pourraient fermer le passage à toute une armée. L’armée anglaise entreprend ce passage à la mi-février[12], et pour l’opérer avec moins de difficulté, se divise en trois corps. Le premier corps ou avant-garde, sous les ordres du duc de Lancastre, opère ce passage le lundi[13]. Noms des principaux chevaliers qui composent cette avant-garde. P. 7, 8, 261 et 262.
Le mardi, passage du deuxième corps, sous les ordres du prince de Galles, de don Pèdre et du roi de Navarre. Noms des principaux chevaliers qui composent ce deuxième corps. Charles le Mauvais amène le prince de Galles et don Pèdre en sa cité de Pampelune, tandis que leurs hommes vont camper sur les hauteurs qui dominent cette ville. P. 8, 9, 262 et 263.
Le mercredi, passage du troisième corps où figurent James, roi détrôné de Majorque, le captal de Buch, les comtes d’Armagnac et de Périgord, les seigneurs de Clisson, d’Albret, une foule d’autres seigneurs anglo-gascons et les principaux chefs des Compagnies. Tous ces gens d’armes, au nombre d’environ trente mille chevaux, restent campés sur le «comble» de Pampelune jusqu’au dimanche suivant[14] et mettent au pillage le pays des environs, au grand mécontentement du roi de Navarre. P. 9, 10, 263 et 264.
Pendant ce temps, don Enrique de Trastamare, qui attend de jour en jour l’arrivée de Bertrand du Guesclin à la tête des troupes auxiliaires de France, appelle sous les armes tous les hommes valides du royaume de Castille pour résister à ses adversaires. Le rendez-vous général est à Santo Domingo[15] où le roi de Castille parvient à rassembler plus de soixante mille hommes, tant de pied qu’à cheval. P. 10, 264.
VII Don Enrique envoie en Navarre un de ses hérauts porter une lettre[16] de défi au prince de Galles. Celui-ci donne lecture de cette lettre à ses principaux conseillers qui ne sont pas d’accord sur la réponse qu’il convient de faire au défi du roi de Castille. P. 10 à 12, 264 et 265.
Pendant que le prince se tient en la marche de Pampelune, les frères Felton, Thomas[17] et Guillaume, et Robert Knolles, à la tête de cent soixante lances et de trois cents archers, quittent le gros de l’armée, passent l’Èbre à Logroño et vont se poster en un village appelé Navarrete[18].—Sur ces entrefaites, le roi de Navarre, chevauchant sur les frontières de la Navarre et de l’Aragon, se laisse faire prisonnier par Olivier de Mauny[19], et l’on suppose aussitôt que c’est une ruse concertée à l’avance entre ce prince et le chevalier breton qui l’a arrêté: en demeurant captif jusqu’à l’issue de la campagne, Charles échappe à l’obligation de se joindre de sa personne à l’expédition du prince de Galles et peut attendre les événements[20]. Martin de la Carra, VIII lieutenant général de Navarre pendant la captivité du roi son maître, fournit des guides au prince et à ses gens pour traverser les défilés des montagnes[21]. L’armée anglaise s’avance par le col d’Arruiz[22], traverse le Guipuzcoa[23] et arrive à Salvatierra[24]. P. 12 à 15, 265 à 267.
Salvatierra n’oppose aucune résistance et ouvre ses portes à don Pèdre[25]. Pendant ce temps, Thomas Felton et ses éclaireurs, qui se sont rendus maîtres de Navarrete, vont un jour réveiller don Enrique jusque dans son camp et renseignent le prince, établi à Salvatierra, sur la situation et les forces de son adversaire.—Don Enrique, de son côté, passe la rivière qui coule à Najera[26], et s’avance dans la direction de Vitoria à la rencontre des Anglais. Aussitôt qu’il est informé de ce mouvement, le prince IX de Galles vient à son tour rejoindre devant Vitoria Thomas Felton et ses éclaireurs. P. 15 à 18, 267 à 269.
Les chefs de l’armée anglaise, le prince, le duc de Lancastre, Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, qui se croient à la veille d’une grande bataille, font trois cents chevaliers nouveaux, et dans le nombre, don Pèdre, le roi détrôné de Castille, et Thomas Holland, le fils d’un premier lit de la princesse d’Aquitaine et de Galles.—Les deux armées restent immobiles en présence l’une de l’autre. P. 18, 19, 269 et 270.
Thomas Felton fait une reconnaissance, à la tête de deux cents hommes d’armes, bien deux lieues en avant des lignes anglaises.—Au moment où Bertrand du Guesclin amène à don Enrique un renfort de trois mille combattants de France et d’Aragon[27], don Tello et don Sanche[28], frères du roi de Castille, partent avec un corps de six mille chevaux pour aller réveiller les Anglais. P. 19 à 21, 270 et 271.
Ils dispersent une bande de fourrageurs de la compagnie de Hugh de Calverly et vont jeter l’alarme jusqu’au quartier du duc de Lancastre qui commande l’avant-garde de l’armée anglaise. Au retour, ils rencontrent les deux cents hommes d’armes qui sont allés en reconnaissance sous les ordres de Thomas Felton. Ceux-ci descendent aussitôt de cheval, se retranchent sur un tertre et attendent de pied ferme les Espagnols[29]. Seul, Guillaume Felton, frère de Thomas, ne veut point quitter son cheval et se précipite, la lance baissée, au plus épais des rangs ennemis où il trouve la mort[30]. C’est seulement vers le soir que les Castillans X parviennent à entamer cette poignée d’Anglais qui sont tous tués ou faits prisonniers. P. 21 à 25, 271 à 274.
Don Tello et don Sanche amènent leurs prisonniers à don Enrique. Le roi de Castille, en présence de Bertrand du Guesclin et d’Arnoul, sire d’Audrehem, félicite ses deux frères du succès qu’ils viennent de remporter. Dialogue entre le sire d’Audrehem et don Enrique: le sire d’Audrehem conseille au roi de Castille de ne pas livrer de bataille rangée, mais de garder les passages des montagnes et d’affamer l’ennemi[31]. Don Enrique répond qu’il dispose de sept mille hommes d’armes, de dix mille génétaires et de soixante mille fantassins[32], et qu’avec de telles forces il est bien décidé à tenter la fortune des armes. P. 25 à 27, 274 et 275.
XI L’armée anglaise, campée depuis six jours devant Vitoria, commence à manquer de vivres et à souffrir de la famine. Le prince de Galles rentre en Navarre[33], franchit le pas ou col de Laguardia[34], s’arrête deux jours à Viana[35], traverse sur le pont de Logroño la rivière qui sépare la Navarre de la Castille[36], et s’établit sur la rive droite de cette rivière, sous les murs mêmes de Logroño[37], au milieu d’une campagne plantée d’oliviers.—A cette nouvelle, don Enrique quitte San Vicente[38] et vient camper devant Najera.—Frappé du courage et de l’esprit de résolution de son adversaire, le prince de Galles se décide, avant d’en venir aux mains, à adresser une lettre à don Enrique. P. 27 à 29, 275 et 276.
Par cette lettre, datée de Logroño le 30 mars [1367], le prince fait savoir au comte de Trastamare, en réponse au message qu’il en a reçu, qu’il entre à main armée en Castille pour rétablir le roi légitime, don Pèdre, allié du roi d’Angleterre son père. Il ajoute que, si le comte veut se désister de ses prétentions sur la couronne de Castille, il se fait fort d’obtenir pour lui de don XII Pèdre la plus grande situation et qu’au reste il entrera en Castille par où il lui conviendra le mieux[39]. P. 29, 276 et 277.
Un héraut du prince de Galles apporte le message à Najera où don Enrique est campé au milieu des bruyères. A la lecture de cette lettre, Bertrand du Guesclin conseille au roi de Castille de prendre sans retard toutes ses mesures en vue d’une bataille désormais imminente. Don Enrique répond qu’il ne désire rien tant que d’en venir aux mains et fait de nouveau l’énumération des forces dont il peut disposer. P. 29, 30, 277 et 278.
Le vendredi[40] 2 avril, à l’aube du jour, le prince de Galles quitte Logroño et s’arrête entre neuf et dix heures du matin[41] à Navarrete[42] qui n’est qu’à deux lieues de Logroño. Arrivé là, il envoie des éclaireurs reconnaître la position de l’ennemi et donne l’ordre de se préparer à la bataille pour le lendemain. P. 30, 31, 278 et 279.
RESTAURATION DE DON PÈDRE.—1367, 3 avril. BATAILLE DE NAJERA; BERTRAND DU GUESCLIN ET LE MARÉCHAL D’AUDREHEM PRISONNIERS DES ANGLAIS.—Fin d’avril et mai. DON PÈDRE ET LE PRINCE DE GALLES A BURGOS.—Mai. ARRIVÉE DE DON ENRIQUE EN LANGUEDOC.—Juin. SÉJOUR DU PRINCE DE GALLES A VALLADOLID ET DÉPART DE DON PÈDRE POUR SÉVILLE; DISSENTIMENTS ENTRE LE PRINCE ET LE ROI DE CASTILLE.—13 août. TRAITÉ D’ALLIANCE DE DON ENRIQUE AVEC LE DUC D’ANJOU.—Août et septembre. RETOUR DU PRINCE DE GALLES ET DE L’ARMÉE ANGLAISE EN GUYENNE.—27 décembre. MISE EN LIBERTÉ DE BERTRAND DU GUESCLIN.—1368, du 4 mars au 22 mai. SIÉGE ET PRISE DE TARASCON PAR DU GUESCLIN ET LE DUC D’ANJOU; RAVAGES DES COMPAGNIES ANGLAISES EN BOURGOGNE, EN CHAMPAGNE, DANS L’AUXERROIS, LA SOLOGNE, LA BEAUCE ET LE GÂTINAIS.—4 mai. MARIAGE DU SIRE D’ALBRET AVEC MARGUERITE DE BOURBON.—Fin de mai. ARRIVÉE DE JEAN CHANDOS EN BASSE NORMANDIE (§§ 577 à 594).
Ce vendredi, sur le soir, don Enrique et Bertrand du Guesclin se préparent, de leur côté, à marcher contre les Anglais. Après minuit, les trompettes sonnent le réveil et, vers l’aube du jour, les gens d’armes entrent en ligne. On forme trois batailles ou divisions: la première, composée de quatre mille chevaliers et écuyers de France ou d’autres pays étrangers, sous les ordres de Bertrand du Guesclin; la seconde, un peu en arrière et à gauche de la première, où l’on compte seize mille hommes et dans ce nombre beaucoup de génétaires, sous la direction de don Tello et de don Sanche, frères de don Enrique; la troisième enfin, dont l’effectif est évalué à sept mille cavaliers et à quarante mille fantassins[43], sous le commandement de don Enrique lui-même. Celui-ci, XIV monté selon l’usage du pays sur une forte mule et d’allure rapide, parcourt les lignes, exhortant ses gens à bien faire et promettant de leur donner l’exemple. Environ soleil levant, les Espagnols ainsi rangés s’avancent dans la direction de Navarrete. P. 32 et 33, 279 à 281.
Les Anglais se sont aussi rangés en bataille et mis en mouvement dès le point du jour[44]. Les deux armées marchent ainsi l’une contre l’autre. Tout à coup, à la descente d’une petite montagne, le prince de Galles et ses gens se trouvent en présence du gros des forces de don Enrique. Aussitôt on fait halte des deux côtés et l’on s’apprête à en venir aux mains. Avant que l’action soit engagée, Jean Chandos se fait autoriser par le prince de Galles, avec le cérémonial d’usage, à lever bannière[45]. P. 33 à 35, 281 à 283.
Les Anglo-Gascons mettent pied à terre[46]. Le prince de Galles, les mains jointes et les yeux levés vers le ciel, prie Dieu de lui donner la victoire et le prend à témoin de la justice de sa cause. Le premier choc a lieu entre l’avant-garde anglaise, que conduisent Jean Chandos et le duc de Lancastre[47], et l’avant-garde de l’armée de don Enrique, commandée par Bertrand du Guesclin et le maréchal d’Audrehem. P. 35, 36, 283 et 284.
Le prince de Galles, à la tête de sa division, vient attaquer la XV bataille ou division de don Tello et de don Sanche; mais don Tello lâche pied sans coup férir et, suivi de deux ou trois mille fuyards, s’éloigne du champ de bataille[48]. Vainqueurs de ce côté, le prince et don Pèdre tournent alors toutes leurs forces contre les quarante mille hommes de la division de don Enrique. Les frondeurs espagnols et catalans, dont les pierres ont d’abord brisé les heaumes et les bassinets des hommes d’armes ennemis, ne peuvent soutenir longtemps la grêle de traits des archers anglais. Pendant ce temps, les chevaliers de France et d’Aragon, sous les ordres de Bertrand du Guesclin, font éprouver de grandes pertes à la division de Jean Chandos et du duc de Lancastre. Une lutte corps à corps s’engage entre Jean Chandos et un chevalier castillan nommé Martin Fernandez[49]. Celui-ci terrasse son adversaire, mais Jean Chandos entraîne l’Espagnol dans sa chute et, le frappant d’un coup de poignard au défaut de la cuirasse, le blesse mortellement. P. 36 à 38, 284 à 286.
Noms des principaux guerriers anglais, gascons, chefs des Compagnies, qui se distinguent dans les trois divisions de l’armée du prince de Galles.—Noms de plusieurs chevaliers de France et de Hainaut qui combattent aux côtés de Bertrand du Guesclin et du maréchal d’Audrehem.—Don Enrique fait tous ses efforts XVI pour rallier ses soldats et les ramène trois fois à la charge[50]. P. 38 à 41, 286 à 288.
Les fantassins et les gens des communautés d’Espagne, armés seulement de frondes, se débandent sous les décharges meurtrières des archers anglais; toutefois, les génétaires, échelonnés à cheval sur les deux ailes, réussissent à maintenir pendant quelque temps les lignes qui commencent à plier.—Noms d’un certain nombre de seigneurs et de sénéchaux des diverses parties de la Guyenne, enrôlés sous la bannière du prince de Galles.—Don Pèdre et don Enrique payent largement de leur personne et donnent à leurs partisans l’exemple de la bravoure. P. 41 à 43, 288 et 289.
La division de Bertrand du Guesclin oppose à l’avant-garde anglaise la résistance la plus opiniâtre. Tous les compagnons d’armes de Bertrand se font tuer ou sont faits prisonniers avec leur chef. Noms de quelques-uns de ces prisonniers[51]. Encouragés par ce succès, Jean Chandos et le duc de Lancastre vont joindre leurs forces à celles du prince de Galles pour achever d’écraser la division de don Enrique; celui-ci redouble d’efforts pour ramener XVII au combat les fuyards, et quinze cents des siens restent sur le champ de bataille[52]. P. 43 à 44, 289 et 290.
Les Espagnols, ne pouvant soutenir le choc des trois divisions anglaises, effectuent leur retraite en désordre du côté de Najera dont ils sont séparés par une grosse rivière; don Enrique, après avoir vainement essayé de les retenir, remonte à cheval et se sauve dans une autre direction. Anglais et Gascons, remontant aussi à cheval et s’élançant à la poursuite des fuyards, les écrasent aux abords du pont de Najera ou les forcent à se jeter dans la rivière[53]. Le grand prieur de Saint-Jacques[54] et le grand maître de Calatrava[55] parviennent à entrer dans la ville et se barricadent dans une grande maison maçonnée de pierre; mais l’ennemi les y force et, se répandant par les rues, fait main basse sur la vaisselle et les joyaux de don Enrique. Cette bataille se livre entre Najera et Navarrete le samedi 3 avril 1367[56]. P. 44 à 46, 290 et 291.
La déconfiture des Espagnols a commencé vers midi et dure jusqu’au soir. Le prince de Galles, le roi de Majorque, don Martinez de la Carra, commandant en chef des forces navarraises, font flotter leurs bannières sur des hauteurs pour rallier leurs gens. Le prince de Galles tend la main à don Pèdre qui veut s’agenouiller devant lui, et l’invite à rendre grâces à Dieu seul de la victoire qu’ils viennent de remporter[57]; il charge quatre XVIII chevaliers et quatre hérauts d’aller sur le champ de bataille compter les morts. Les pertes des Espagnols s’élèvent à cinq mille soixante hommes d’armes[58] et à sept mille cinq cents fantassins et gens de communautés, sans compter ceux qui se sont noyés dans la rivière de Najera et dont on n’a pu retrouver les cadavres. Les Anglais, au contraire, n’ont à regretter que quatre chevaliers, deux Gascons, un Anglais et un Allemand, vingt archers et quarante simples soudoyers. Les vainqueurs passent ce samedi soir et le lendemain dimanche de [la Passion[59]], en fêtes et en réjouissances. P. 46 à 48, 291 et 292.
A la prière du prince de Galles, don Pèdre accorde le pardon aux seigneurs espagnols, faits prisonniers à Najera, qui ont pris les armes contre lui et consent à recevoir leurs serments. Il embrasse même son frère don Sanche[60], et lui promet d’oublier sa conduite passée. Gomez Carrillo est seul excepté de l’amnistie, et on lui tranche la tête séance tenante[61]. Don Pèdre, don Sanche, XIX le maître de Calatrava et les deux maréchaux de l’armée anglaise marchent ensuite sur Burgos; le lundi matin, ils arrivent devant cette ville dont les habitants leur ouvrent aussitôt les portes[62]. Le prince de Galles, de son côté, après avoir fait halte à Briviesca, du lundi au mercredi, vient dans la journée du mercredi rejoindre son avant-garde sous les murs de Burgos où il établit son camp et tient cour plénière[63]. P. 48 à 51, 292 et 293.
Le prince anglais et don Pèdre célèbrent la fête de Pâques[64] dans la ville de Burgos et y séjournent plus de trois semaines. Mis en demeure d’exécuter ses engagements et de payer à ses auxiliaires l’indemnité de guerre convenue, le roi de Castille dit qu’il n’a point d’argent, mais qu’il va se rendre en la marche de Séville pour s’en procurer[65], et il promet d’être de retour au plus tard au terme de la Pentecôte. Il se dirige en effet vers Séville, tandis que le prince de Galles va se loger à Valladolid. P. 51, 52, 293 à 295.
La victoire de Najera porte à son comble la renommée et la gloire du prince de Galles, spécialement en Allemagne et en Angleterre; et les bourgeois de Londres donnent à cette occasion une fête triomphale. En France, au contraire, la nouvelle de XX cette victoire produit la plus pénible impression, surtout quand on apprend que Bertrand du Guesclin[66] et le maréchal d’Audrehem[67] ont été faits prisonniers. P. 52 à 54, 295 et 296.
XXI Don Enrique vaincu avait gagné l’Aragon[68]. Arrivé à Valence[69], il confie sa femme et ses enfants[70] à la garde du roi don Pedro IV, en guerre avec le prince de Galles; il se rend ensuite à Montpellier[71] auprès du duc d’Anjou son allié, et, du château de XXII Roquemaure[72] qui lui est assigné pour résidence, il fait des incursions dans la principauté d’Aquitaine. Sur les plaintes de la princesse de Galles, le roi de France adresse à ce sujet des représentations à don Enrique et fait même enfermer au Louvre le jeune comte d’Auxerre qui enrôle des gens d’armes pour les amener au roi détrôné de Castille. Don Enrique, à la tête de quatre cents Bretons qu’il a pris à sa solde, n’en ouvre pas moins les hostilités, envahit le Bigorre et s’empare de Bagnères. P. 54 à 56, 296 à 298.
Le prince de Galles se tient à Valladolid jusqu’à la Saint-Jean[73] d’été. Étonné de ne pas recevoir de nouvelles du roi de Castille, il envoie deux de ses chevaliers à Séville demander à don Pèdre pourquoi il ne tient pas ses engagements. Celui-ci répond que ses sujets refusent de lui payer aucuns subsides tant que les Compagnies, qui mettent son royaume au pillage, ne seront pas sorties d’Espagne. Pendant ce séjour du prince à Valladolid, le roi de Majorque tombe malade, et l’on met en liberté moyennant rançon ou l’on échange le sire d’Audrehem, le Bègue de Villaines et la plupart des chevaliers de France et de Bretagne faits prisonniers à Najera. Informé que don Enrique vient de recommencer la guerre en Bigorre[74], le prince ne veut à aucun prix délivrer XXIII Bertrand du Guesclin, dans la crainte qu’il n’aille prêter assistance au bâtard de Castille. P. 56 à 58, 298 et 299.
Édouard, irrité de la mauvaise foi de don Pèdre et très-éprouvé par le climat brûlant de l’Espagne[75], se décide à reprendre le chemin de la Guyenne; il laisse à Valladolid le roi de Majorque, encore trop malade pour remonter à cheval ou se faire porter en litière. Il effectue son retour par Madrigal, campe pendant un mois dans la vallée de Soria, sur les confins de la Castille, de l’Aragon et de la Navarre, et réussit, à la suite de longs pourparlers, à se faire octroyer par les rois de Navarre et d’Aragon le passage à travers leur pays. Il préfère, comme plus direct, le passage par la Navarre, dont le roi l’accompagne jusqu’au pas de Roncevaux. Après une halte de quatre jours à Bayonne, il XXIV rentre à Bordeaux et donne congé à ses gens[76]. Toutefois, il ne peut licencier sur-le-champ les Compagnies qui attendent toujours le payement de leur solde. A la nouvelle du retour du prince, don Enrique quitte Bagnères et va passer tout l’hiver à la cour du roi d’Aragon son allié[77], où il se prépare à recommencer la guerre contre don Pèdre, leur ennemi commun. P. 58 à 62, 299 à 302.
XXV Bertrand du Guesclin, amené à Bordeaux[78] où il est le prisonnier du prince de Galles et de Jean Chandos, est mis en liberté moyennant le payement d’une rançon de cent mille francs[79]. A peine délivré, Bertrand vient servir le duc d’Anjou[80] qui fait alors la guerre à la reine de Naples, comtesse de Provence[81], et assiége XXVI Tarascon[82].—Le lundi après la Trinité[83] 1368, Lion, duc de Clarence, l’un des fils d’Édouard III, après avoir traversé au milieu des fêtes la France, le duché de Bourgogne et la Savoie, se marie à Milan à la fille de Galeas Visconti, seigneur de Milan, et de Blanche de Savoie, nièce du comte de Savoie. P. 62 à 64, 302 et 303.
Le prince de Galles invite les Compagnies, dont l’effectif s’élève à six mille combattants, à vider sa principauté d’Aquitaine.—Noms des principaux chefs de ces Compagnies.—Chassées de la Guyenne, les Compagnies entrent en France[84] qu’elles appellent leur chambre, passent la Loire et s’établissent en Champagne[85], XXVII dans l’archevêché de Reims, les évêchés de Noyon et de Soissons. Elles se disent envoyées par le prince de Galles, et le roi de France donne au seigneur de Clisson[86], devenu l’un de ses favoris, le commandement suprême des forces chargées de les combattre.—D’un autre côté, le mariage du seigneur d’Albret avec [Marguerite[87]] de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France, qui a lieu sur ces entrefaites, excite au plus haut degré le mécontentement du prince de Galles. P. 64 à 66, 304 et 305.
Édouard, dont les dettes ont été accrues par les frais de l’expédition d’Espagne, prend le parti, pour se mettre en mesure de les payer, de lever dans sa principauté d’Aquitaine un fouage qui doit durer cinq ans[88]. Les habitants du Poitou, du Limousin, de la Saintonge, de la Rochelle, convoqués à Niort par le conseil de l’évêque de Bath[89], chancelier du prince, se XXVIII laissent imposer ce fouage; mais les vassaux des hautes marches de Gascogne, le comte d’Armagnac, le sire d’Albret son neveu, les comtes de Périgord et de Comminges, le vicomte de Caraman et plusieurs autres seigneurs refusent de s’y soumettre. Ces hauts barons viennent à Paris porter leurs plaintes au roi de France à qui ils en appellent des exactions du prince comme à leur souverain. Charles V les accueille avec empressement, s’engage à appuyer leurs réclamations et les entretient ainsi dans leur résistance. Jean Chandos, opposé à la levée de ce fouage dont on attend, à raison de un franc par feu, un produit annuel de douze cent mille francs, voyant qu’il ne peut rien empêcher, quitte de dépit le Poitou et va passer plus d’un an[90] dans sa terre de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie. P. 66 à 69, 305 à 311.
RESTAURATION DE DON ENRIQUE.—1367, fin de septembre. ENTRÉE DE DON ENRIQUE EN CASTILLE.—Fin d’octobre. REDDITION DE BURGOS.—1368, fin de janvier. PRISE DE LÉON.—1368, avril, à 1369, fin de mars. SIÉGE DE TOLÈDE.—1368, 20 novembre. TRAITÉ D’ALLIANCE AVEC LE ROI DE FRANCE; RETOUR DE BERTRAND DU GUESCLIN EN ESPAGNE.—1369, 14 mars. BATAILLE DE MONTIEL.—23 mars. MORT DE DON PÈDRE.—4 mai. BERTRAND DU GUESCLIN CRÉÉ DUC DE MOLINA (§§ 595 à 600).
Don Enrique prend congé du roi d’Aragon à Valence[91] et entre en campagne contre don Pèdre à la tête de trois mille cavaliers XXIX et de six mille fantassins. Il occupe successivement Burgos[92], Valladolid, où le roi de Majorque est fait prisonnier[93], Léon[94]. P. 70, 71, 311 et 312.
Après la reddition de Léon, don Enrique voit la Galice[95] tout entière se déclarer pour lui ainsi que plusieurs hauts barons que don Pèdre s’est aliénés par sa cruauté. Il met le siége devant Tolède, au moment où Bertrand du Guesclin, qui est déjà entré en Aragon après sa campagne en Provence et devant Tarascon au service du duc d’Anjou, s’avance à marches forcées pour le venir rejoindre.—Don Pèdre, de son côté, qui se tient en la marche de Séville et de Portugal, à la première nouvelle du retour offensif de son adversaire, fait alliance avec les rois de Grenade, des Béni-Mérin et de Tlemcen, qui lui envoient vingt mille hommes[96], et parvient à réunir sous ses ordres quarante mille XXX combattants, tant Chrétiens que Juifs et Sarrasins.—Sur ces entrefaites[97], Bertrand du Guesclin arrive sous les murs de Tolède et apporte à l’armée assiégeante un renfort de deux mille soudoyers[98]. P. 71 à 73, 312 et 313.
Don Pèdre, après avoir concentré ses forces, quitte Séville et entre en campagne pour faire lever le siége de Tolède[99]. Par le conseil de Bertrand du Guesclin, don Enrique, laissant devant la ville assiégée une partie de ses troupes sous les ordres de don Tello, l’un de ses frères, marche avec don Sanche, son autre frère, et six mille combattants, l’élite de son armée, à la rencontre du roi de Castille. Il lance en avant des espions pour éclairer sa marche, et, grâce à cette précaution, il tombe à l’improviste, dans les environs de Montiel, sur l’ennemi qui chemine en XXXI désordre; il l’attaque malgré une supériorité numérique de six contre un et donne l’ordre de ne prendre personne à rançon. P. 73 à 76, 313 et 314.
Bertrand du Guesclin et ses Bretons, ainsi que plusieurs chevaliers de l’Aragon, font des prodiges de valeur. Du côté de don Pèdre, les Juifs tournent le dos dès le début de l’action; mais le trait des Sarrasins de Grenade et des Béni-Mérin, armés d’arcs et d’archigaies, produit de grands ravages. Don Pèdre brandit une hache avec laquelle il donne de tels coups que nul ne l’ose approcher. Don Enrique, précédé de sa bannière, va droit à la bannière de don Pèdre. Les hommes d’armes qui entourent le roi de Castille commencent alors à lâcher pied. Par le conseil de don Fernand de Castro, don Pèdre lui-même court s’enfermer avec douze des siens dans le château de Montiel[100]. Ce château n’est accessible que par un défilé dont le Bègue de Villaines se hâte de garder l’entrée. Vingt-quatre mille hommes restent sur le champ de bataille[101], et don Enrique et Bertrand du Guesclin font plus de trois grandes lieues à la poursuite des fuyards. Cette bataille se livre sous Montiel le [14 mars 1369[102]]. P. 76 à 78, 314.
Don Enrique et Bertrand soumettent le château de Montiel au XXXII plus étroit blocus. Ce château est très-fort et pourrait faire une longue résistance, mais il n’est pourvu de vivres que pour quatre jours. Vers minuit, don Pèdre essaye de s’échapper[103] en compagnie de don Fernand de Castro et des gens de sa suite, mais il est fait prisonnier par le Bègue de Villaines, qui garde le passage à la tête de trois cents compagnons. Il est conduit dans la tente d’Yvon de Lakouet[104], où don Enrique se rend aussitôt, et, après XXXIII un échange de paroles injurieuses, une lutte corps à corps s’engage entre les deux frères. Don Pèdre a d’abord le dessus; il terrasse son compétiteur et le tient sous lui; mais le vicomte de Rocaberti[105], chevalier aragonais présent à cette scène, dégage don Enrique qui tue d’un coup de dague le roi de Castille. P. 78 à 82, 314 à 316.
Le lendemain de la mort de don Pèdre, le seigneur de Montiel vient rendre son château à don Enrique. A la nouvelle de cette mort, Tolède ouvre aussitôt ses portes au vainqueur, et le roi de Portugal, après avoir d’abord défié le meurtrier de son cousin et envahi la marche de Séville, ne tarde pas à faire la paix. Une fois redevenu maître et paisible possesseur du royaume dont il a déjà été investi, don Enrique récompense magnifiquement les chevaliers de France et de Bretagne, qui ont tant contribué à le remettre sur le trône. Bertrand du Guesclin est créé connétable de Castille et gratifié de la terre de Soria[106] qui vaut par an vingt XXXIV mille florins. Olivier de Mauny, neveu de Bertrand, est investi de la seigneurie d’Agreda[107], d’un revenu annuel de dix mille florins. Don Enrique vient tenir sa cour à Burgos où les rois de France, d’Aragon et le duc d’Anjou lui font parvenir leurs félicitations.—Mort tragique[108] de Lion d’Angleterre marié à la fille de Galeas Visconti, seigneur de Milan; guerre entre Galeas et Édouard Spencer, apaisée par l’entremise du comte de Savoie. P. 81 à 84, 317 à 319.
RUPTURE DU TRAITÉ DE BRÉTIGNY.—1368, 26 janvier. LEVÉE D’UN FOUAGE EN AQUITAINE.—Mai et juin. APPEL PORTÉ DEVANT LE ROI DE FRANCE PAR LES BARONS DE GASCOGNE.—3 décembre. NAISSANCE DU DAUPHIN CHARLES, DEPUIS CHARLES VI.—1368, fin de décembre, et 1369, janvier. RÉCEPTION DE L’APPEL DES BARONS DE GASCOGNE ET CITATION ADRESSÉE AU PRINCE DE GALLES.—1369, premiers mois. DÉFAITE DE THOMAS DE WETENHALE, SÉNÉCHAL ANGLAIS DU ROUERGUE, PRÈS DE MONTAUBAN.—RETOUR DE JEAN CHANDOS EN GUYENNE; SON ARRIVÉE A MONTAUBAN.—RUPTURE DES NÉGOCIATIONS ET DÉCLARATION DE GUERRE.—29 avril. REDDITION D’ABBEVILLE ET DU PONTIEU AU ROI DE FRANCE (§§ 601 à 610).
Le prince de Galles lève un fouage[109] dans sa principauté d’Aquitaine et convoque à cet effet des parlements à Niort, à Angoulême, XXXVI à Poitiers, à Bordeaux et à Bergerac. Les seigneurs de Gascogne, notamment les comtes d’Armagnac[110], de Périgord, de Comminges et le seigneur d’Albret, s’insurgent contre cette prétention et en appellent au roi de France[111]. Les personnages les plus influents de l’entourage de Charles V, notamment Gui de Ligny, comte de Saint-Pol[112], qui vient de rentrer en France, XXXVII après avoir été pendant plusieurs années otage en Angleterre, conseillent de faire droit à la requête des barons de Gascogne, en s’appuyant sur certaines stipulations du traité de Brétigny. P. 84 à 87, 319 à 321.
Texte de l’une de ces stipulations, dite charte des soumissions, datée de Calais le 24 octobre 1360[113]. P. 87 à 91, 321, 322.
D’après les conseillers de la cour de France, Charles V doit recevoir l’appel des barons de Gascogne, non-seulement parce qu’Édouard III a violé plusieurs stipulations du traité de Brétigny, mais encore parce que les habitants de la principauté, surtout ceux du Poitou, de la Saintonge, du Limousin, du Rouergue, du Quercy et de l’Aunis, sont animés au plus haut degré contre les Anglais, le peuple, parce qu’il est écrasé d’impôts, les gentilshommes du pays, parce que le prince d’Aquitaine les exclut de tous les emplois au profit de ses compatriotes et des chevaliers de son entourage. Le duc d’Anjou, qui réside alors à Toulouse en qualité de lieutenant général dans le Languedoc, est un des plus ardents à pousser le roi son frère à une rupture avec l’Angleterre[114].—Charles V fait le meilleur accueil aux appelants, sans vouloir néanmoins prendre au début un engagement exprès, et pendant ce temps il sonde les dispositions des habitants d’Abbeville et du Pontieu.—En 1368, par un avent, naissance de XXXVIII Charles, fils aîné du roi de France[115], et de Charles d’Albret, fils du seigneur d’Albret[116]. P. 91 à 93, 322 à 324.
Charles V se décide à recevoir l’appel porté devant le parlement de Paris contre le prince de Galles par la plupart des barons de Gascogne[117].—Noms de ces barons.—Un clerc de XXXIX droit[118] et un chevalier de Beauce, nommé Caponnet de Caponval[119], vont à Bordeaux porter au prince une lettre du roi de France. P. 93 à 95, 324.
Par cette lettre en date du 15 janvier [1369[120]], le prince est sommé de se rendre à Paris dans le plus bref délai pour y être jugé en Chambre des Pairs au sujet de l’appel interjeté et des plaintes portées contre lui par ses vassaux, tant de la Gascogne que des autres parties de l’Aquitaine. P. 95, 96, 324.
Le prince de Galles entre en fureur en recevant cette sommation: il répond qu’il ira à Paris, puisqu’il y est ajourné par le roi de France, mais que ce sera le bassinet en tête et soixante mille hommes en sa compagnie[121]. Il prétend que le roi Jean, en cédant l’Aquitaine, a déclaré formellement renoncer à toute espèce de suzeraineté ou de ressort, et il reproche à Charles V, fils et successeur de Jean, de violer, en recevant l’appel des barons de Gascogne, l’une des stipulations du traité de Brétigny.—Après leur départ de Bordeaux, les deux messagers du roi de France sont arrêtés en Agenais par un chevalier anglais nommé Guillaume le Moine, sénéchal de ce pays, et mis en prison à Agen au moment où ils se dirigent vers Toulouse pour y rendre compte au duc d’Anjou du résultat de leur message. P. 96 à 99, 324, 325.
Jean, duc de Berry, otage en Angleterre, revient en France XL à la faveur d’un congé d’un an qu’il trouve le moyen de prolonger jusqu’à la déclaration de guerre[122]. Jean, comte de Harcourt, obtient aussi un congé par l’entremise de son oncle Louis de Harcourt, seigneur poitevin, qui à ce titre est alors l’un des vassaux du prince d’Aquitaine, et une maladie dont il est atteint après son retour en France l’amène à prolonger, comme le duc de Berry, son congé jusqu’à l’ouverture des hostilités[123]. Moins heureux que ces deux premiers otages, Gui de Blois, alors jeune écuyer, frère du comte Louis de Blois, est réduit à racheter sa liberté moyennant la cession au roi d’Angleterre du comté de Soissons, qu’Édouard III rétrocède à son gendre le seigneur de Coucy, en échange de quatre mille francs de rente annuelle à valoir sur la dot assignée à la dame de Coucy[124]. Le comte Pierre d’Alençon recouvre aussi la liberté moyennant le payement de trente mille francs[125]. Quant au duc Louis de Bourbon, il se fait octroyer son élargissement définitif, en versant une somme de XLI vingt mille francs[126], et en obtenant du pape Urbain V, dont il a les bonnes grâces, l’évêché de Winchester pour Guillaume Wickam, chapelain et favori du roi d’Angleterre. P. 99 à 102, 325, 326.
Le prince de Galles fait de grands préparatifs de guerre contre le roi de France et dit qu’il compte bien assister de sa personne à la fête du Landit; mais il est retenu à Bordeaux par une hydropisie incurable, et Charles V a trouvé le moyen de se faire exactement renseigner sur la maladie de son adversaire.—Peu après l’arrestation des deux messagers qui ont porté au prince la citation du roi de France, les comtes de Périgord, de Comminges, le vicomte de Caraman et quelques autres seigneurs d’Aquitaine, ralliés au parti français, se concertent pour tirer vengeance de cette arrestation. Ils tendent une embuscade à Thomas de Wetenhale, sénéchal anglais du Rouergue[127], au moment où celui-ci fait XLII route, avec soixante lances et deux cents archers, de Villeneuve-d’Agen à Rodez[128]; ils le surprennent à deux lieues de Montauban, le battent et le forcent à chercher un refuge derrière les remparts de cette dernière ville. A cette nouvelle, le prince de Galles, XLIII qui réside alors à Angoulême, rappelle de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie, Jean Chandos[129] et l’envoie tenir garnison à Montauban. Le sénéchal du Rouergue se rend à Rodez, et met cette ville en état de défense, ainsi que Millau et Monpazier[130].—Noms des principaux seigneurs gascons, poitevins, anglais, qui défendent sous Jean Chandos les frontières du Rouergue contre les comtes d’Armagnac, de Périgord[131], de Comminges, le vicomte de Caraman et le seigneur d’Albret.—Le duc d’Anjou n’a point encore pris les armes, car le roi de France, son frère, lui a défendu de commencer les hostilités sans son ordre exprès. P. 102 à 105, 326 à 330.
Le roi de France met dans ses intérêts plusieurs chefs de Compagnies qui ont remonté la Loire et sont cantonnés sur les marches de Berry et d’Auvergne[132]; mais il le fait en grand secret, pour ne pas donner l’éveil au roi d’Angleterre, qui n’a que peu de forces à Abbeville et dans le Pontieu, dont Charles V travaille à se remettre en possession. Pendant ce temps, le comte de Saarbruck XLIV et Guillaume de Dormans, envoyés en ambassade auprès d’Édouard III, font traîner à dessein les négociations en longueur pendant deux mois[133]. Une fois ses préparatifs terminés et les hostilités ouvertes en Gascogne, le roi de France, qui a pris secrètement toutes ses mesures pour se faire livrer Abbeville, envoie un Breton, l’un de ses valets de cuisine[134], défier le roi d’Angleterre. Le comte de Saarbruck et Guillaume de Dormans, au retour de leur mission, rencontrent ce Breton à Douvres et se hâtent d’autant plus de regagner Boulogne.—Guichard d’Angle, maréchal d’Aquitaine, envoyé par le prince de Galles à Rome en mission auprès du pape Urbain V, est informé de l’ouverture des hostilités au moment où il se dispose à rentrer en France. Il fait route par la Savoie dont le comte est alors en guerre avec le marquis de Saluces; mais, arrivé sur les confins de la Bourgogne, il est réduit à prendre un déguisement de pauvre «chapelain» pour regagner la Guyenne. Jean Ysoré, chevalier breton, gendre de Guichard d’Angle, ne peut retourner en Bretagne qu’en promettant de se rallier au parti français; et un autre compagnon de voyage du maréchal d’Aquitaine, Guillaume de Seris[135], chevalier poitevin, après être resté plus de cinq ans caché à l’abbaye de Cluny, finit aussi par se faire Français. P. 106 à 109, 330 à 332.
XLV Le valet breton, envoyé par Charles V, arrive à Londres et remet à destination la lettre de défi du roi de France. Édouard III, après avoir pris connaissance du message, est transporté de fureur[136] à tel point que le comte dauphin d’Auvergne, le comte de Porcien, les seigneurs de Roye et de Maulevrier, qui sont encore otages en Angleterre, redoutent des représailles sur leurs XLVI personnes[137].—Sans perdre un moment, il envoie quatre cents hommes d’armes, sous les ordres des seigneurs de Percy, de Nevill, de Carlton et de Guillaume de Windsor, renforcer la garnison anglaise d’Abbeville[138]; mais on apprend bientôt que les bourgeois de cette ville, à la suite de pourparlers secrets avec Charles V, ont ouvert leurs portes à un corps de six cents lances amené par Gui, comte de Saint-Pol, et Hue de Châtillon, alors maître des arbalétriers de France[139]. Hue de Châtillon fait prisonnier Nicolas de Louvain[140], sénéchal du Pontieu, et les Français occupent Saint-Valery, le Crotoy[141] et Rue. Le comte de Saint-Pol emporte Pont-Remy après un brillant assaut où son fils aîné Waleran est fait chevalier.—A la nouvelle de l’occupation du Pontieu par les Français, Édouard III redouble de fureur; il envoie dans les villes de l’intérieur de son royaume les bourgeois des bonnes villes de France, otages du traité de Brétigny, et les soumet à une captivité plus étroite. Toutefois, il permet au comte dauphin d’Auvergne[142] de se racheter moyennant trente mille francs, et au XLVII comte de Porcien[143], moyennant dix mille francs. Moins heureux que ces deux otages, le seigneur de Roye ne recouvra la liberté que plus tard et par un cas fortuit[144]. P. 109 à 113, 332 à 335.
PRÉPARATIFS MILITAIRES ET OUVERTURE DES HOSTILITÉS SUR TOUTES LES FRONTIÈRES DU ROYAUME.—1368, 2 et 17 août. PRISE DE VIRE ET DE CHÂTEAU-GONTIER PAR LES COMPAGNIES.—1369, avril et mai. LES COMTES DE CAMBRIDGE ET DE PEMBROKE EN PÉRIGORD; SIÉGE DE BOURDEILLES.—JEAN CHANDOS A MONTAUBAN; PRISE DE ROQUESERRIÈRE.—SIÉGE DE RÉALVILLE PAR LES GENS DU DUC D’ANJOU; REDDITION DE SOIXANTE PLACES FORTES DE LA GUYENNE AUX FRANÇAIS.—7 avril. MARIAGE DU DUC DE BOURGOGNE AVEC MARGUERITE DE FLANDRE.-Août. ARRIVÉE DU ROI DE NAVARRE EN BASSE NORMANDIE ET NÉGOCIATIONS ENTRE CE PRINCE ET LE ROI D’ANGLETERRE.—EXPLOITS DES FRANÇAIS EN POITOU; PRISE DE LA ROCHE-POSAY PAR JEAN DE KERLOUET.—Avril et mai. CAMPAGNE DE ROBERT KNOLLES ET DE JEAN CHANDOS EN QUERCY; SIÉGE DE DURAVEL ET DE DOMME; PRISE DE MOISSAC, DE GRAMAT, DE FONS, DE ROCAMADOUR ET DE VILLEFRANCHE.—REDDITION DE RÉALVILLE AUX FRANÇAIS ET DE BOURDEILLES AUX ANGLAIS (§§ 611 à 627).
Édouard III, apprenant que le roi de France rassemble une flotte pour envahir l’Angleterre, garnit de gens d’armes les frontières d’Écosse, les côtes de son royaume dans la région de Southampton, les îles de Jersey, de Guernesey et de Wight.—Dans XLVIII le midi de la France, le duc d’Anjou réunit un corps d’armée à Toulouse et s’apprête à entrer en Guyenne, tandis que le duc de Berry[145], à la tête des barons de l’Auvergne, du Berry, du Lyonnais, du Beaujolais et du Mâconnais, ouvre les hostilités en Touraine et sur les marches de Poitou[146].—Exploits de Louis de Saint-Julien[147], de Guillaume des Bordes[148] et du Breton XLIX Kerlouet[149], qui commandent les forteresses françaises sur les marches de Touraine. P. 113, 114, 335, 336.
L Un écuyer, dit le Poursuivant d’amours[150], capitaine du château de Beaufort[151], en Champagne, pour le duc de Lancastre, embrasse le parti français, tandis qu’au contraire le Chanoine de Robersart[152], qui avait été jusqu’alors à la solde du roi de France, entre au service du roi d’Angleterre.—Le duc d’Anjou réussit à enrôler quelques chefs de Compagnies[153], notamment Bertucat d’Albret, le Petit Meschin, le bour de Breteuil, Amanieu d’Ortige, Perrot de Savoie, Jacques de Bray et Ernaudon de Pau.—Prise de Vire[154], LI en basse Normandie, et de Château-Gontier[155], dans le Maine, par les Compagnies anglaises.—Les comtes de Cambridge et de Pembroke, chargés par Édouard III d’amener des renforts au prince de Galles, débarquent en Bretagne, et profitent de leur séjour dans ce pays pour embaucher les Compagnies de Vire et de Château-Gontier qu’ils décident à repasser la Loire au pont de Nantes.—Hugh de Calverly[156], qui a quitté la marche d’Aragon pour rejoindre le prince[157] à Angoulême, à la première LII nouvelle de la reprise des hostilités, est mis à la tête de deux mille soudoyers de ces Compagnies d’outre-Loire, réunies à celles qu’il a ramenées d’Espagne; il fait des incursions sur les terres du comte d’Armagnac et du seigneur d’Albret. P. 114 à 118, 336, 337.
A peine arrivés à Angoulême, les comtes de Cambridge et de Pembroke[158] reçoivent du prince de Galles l’ordre de faire une chevauchée dans le comté de Périgord[159], à la tête de trois mille LIII combattants. Ils mettent le siége devant la forteresse de Bourdeilles[160] que défendent les deux frères Ernaudon et Bernardet de Badefol[161], écuyers de Gascogne. P. 118, 119, 337, 338.
En Poitou et sur les marches d’Anjou et de Touraine, la supériorité du nombre est du côté des Français, et deux ou trois cents Anglais ont à garder la frontière contre mille combattants. Profitant de cette supériorité, sept cents Français, sous les ordres de Jean de Beuil[162], de Guillaume des Bordes, de Louis de Saint-Julien et de Jean de Kerlouet, mettent un jour en déroute, sur une chaussée rompue, entre Lusignan[163] et Mirebeau, une troupe LIV d’Anglais commandés par Simon Burleigh[164] et d’Agorisses[165]. Ce dernier réussit à s’échapper et se jette dans le château de Lusignan, mais Simon Burleigh reste au pouvoir des vainqueurs. P. 120, 121, 338, 339.
Sur les frontières du Toulousain, Jean Chandos[166], le captal de Buch[167], LV le sire de Parthenay[168], Louis de Harcourt et Guichard d’Angle, qui tiennent garnison à Montauban et disposent d’un millier de combattants, s’emparent, après quinze jours de siége, de Roqueserrière[169], et peu s’en faut qu’ils ne surprennent Lavaur.—Les LVI Français, de leur côté, ayant à leur tête les comtes de Périgord[170], de Comminges, de l’Isle, les vicomtes de Caraman, de Bruniquel[171], de Talar, de Montredon et de Lautrec, ainsi que Bertucat d’Albret et les autres chefs des Compagnies, détachés du parti anglais par les soins du duc d’Anjou, les Français, dis-je, entrent en campagne avec un effectif d’environ dix mille hommes et mettent le siége devant Réalville[172], en Quercy, dont ils font LVII battre les remparts par quatre grands engins qu’on leur expédie de Toulouse. P. 121 à 124, 339 à 341.
Pendant ce temps, Jean, duc de Berry, Jean d’Armagnac[173] son beau-frère, Jean de Villemur, Roger de Beaufort[174], les seigneurs de Beaujeu, de Villars et de Chalançon, font la guerre aux Anglais sur les frontières du Limousin, de l’Auvergne et du Quercy. L’archevêque de Toulouse[175], envoyé en mission par Louis, duc LVIII d’Anjou, réussit avec le concours de Jean d’Armagnac et des hommes d’armes du duc de Berry, à rallier à la cause française Cahors[176], Figeac, Gramat, Rocamadour, Capdenac[177] et plus de soixante[178] cités, villes, châteaux et forteresses.—Le rôle que joue en Languedoc l’archevêque de Toulouse, Guillaume de Dormans[179] le remplit dans le Pontieu où il va de cité en cité et de bonne ville en bonne ville faire de la propagande en faveur du roi de France.—Charles V institue à Paris des processions où il assiste lui-même pieds nus, ainsi que la reine, et il ordonne des mortifications et des prières publiques par tout son royaume[180]. Les LIX choses se passent de la même manière en Angleterre où l’évêque de Londres fait des sermons contre la France et les Français[181].—Sollicité par son gendre Édouard de Gueldre et par le seigneur de Gommegnies de prendre parti pour Édouard III, le duc Aubert de Bavière, qui tient alors en bail le comté de Hainaut, est détourné d’une telle résolution par Jean de Werchin[182], sénéchal de Hainaut, le comte de Blois[183], Jean de Blois[184], frère du comte, les seigneurs de Barbençon[185] et de Ligne[186], très-attachés à la cause LX française. Il garde donc la neutralité, et cet exemple est suivi par Jeanne, duchesse de Brabant[187]. En revanche, les ducs de Gueldre et de Juliers défient le roi de France. P. 124 à 129, 341 à 345.
Le pape Urbain V refuse pendant cinq ans d’accorder les dispenses nécessaires pour le mariage d’Aymon, comte de Cambridge, l’un des fils d’Édouard III, avec Marguerite de Flandre[188]. Louis, comte de Flandre, père de Marguerite, cédant aux sollicitations de la comtesse d’Artois sa mère, prend le parti de donner la main de sa fille à Philippe, duc de Bourgogne, frère cadet du roi de France[189]. Charles V engage Lille et Douai[190] entre les LXI mains de son jeune frère, en considération de ce mariage qui se célèbre à Gand[191]. Un tel événement a pour effet de refroidir Édouard III à l’endroit des Flamands ses anciens alliés, mais les communes de Flandre n’en continuent pas moins d’être plus favorables au roi d’Angleterre qu’au roi de France. P. 129 à 131, 346.
Par l’entremise d’Eustache d’Auberchicourt, capitaine de Carentan, Charles, roi de Navarre, qui se tient alors à Cherbourg[192], LXII se rend en Angleterre où il conclut un traité d’alliance offensive et défensive avec Édouard III. Les nefs anglaises, qui ont ramené le Navarrais à Cherbourg, sont capturées au retour par des marins normands, et les chevaliers ou écuyers de distinction, embarqués sur ces navires, faits prisonniers. Eustache d’Auberchicourt prend congé du roi de Navarre pour répondre à l’appel du prince de Galles. Arrivé à Angoulême, il se met aux ordres du prince qui l’envoie à Montauban rejoindre Jean Chandos et le captal de Buch. P. 131 à 133, 346, 347.
Les chevaliers et écuyers de Picardie, au nombre de mille lances, vont, sous les ordres de Moreau de Fiennes, connétable de France, et de Jean de Werchin, sénéchal de Hainaut, faire une démonstration devant la bastide d’Ardres[193] occupée par les Anglais. P. 133, 134, 347, 348.
La forteresse de Réalville, en Quercy, abandonnée par Jean Chandos et le captal de Buch qui font frontière à Montauban ainsi que par les comtes de Cambridge et de Pembroke qui assiégent Bourdeilles, se rend aux Français[194]. Après la reddition de Réalville, les chefs des Compagnies à la solde du duc d’Anjou LXIII vont tenir garnison à Cahors, tandis que le comte de Périgord et les autres seigneurs regagnent leurs terres pour les défendre contre les incursions des Compagnies anglaises.—Exploits de Thomas de Wetenhale[195], capitaine anglais de Millau[196] et de la Roque-Valsergue[197], en Rouergue, contre les Français. P. 134 à 136, 348, 349.
LXIV Prise de la Roche-Posay[198], sur les confins du Poitou et de la Touraine, par les Français sous les ordres du breton Kerlouet[199], de Jean de Beuil, de Guillaume des Bordes et de Louis de LXV Saint-Julien.—A cette nouvelle, Guichard d’Angle[200], Louis de Harcourt[201] et le seigneur de Parthenay[202] quittent Montauban où ils servent sous Jean Chandos pour aller en Poitou défendre leurs possessions.—Le seigneur de Chauvigny, vicomte de Brosses[203], LXVI se tourne français et fait occuper par des Bretons sa forteresse de Brosses. Le vicomte de Rochechouart[204], accusé aussi de défection, vient à Angoulême se justifier auprès du prince de Galles. James d’Audeley, sénéchal du Poitou[205], Baudouin de Fréville, sénéchal de Saintonge[206], et les principaux seigneurs de ces deux provinces vont porter le ravage en Berry; ils assiégent et prennent Brosses et, pour punir le seigneur de Chauvigny de sa défection, font pendre seize de ses hommes, puis ils retournent à Poitiers. P. 136 à 139, 349 à 351.
Robert Knolles quitte son château de Derval[207], en Bretagne, et va à Angoulême offrir ses services au prince de Galles qui l’institue souverain maître de son hôtel. Robert, ayant sous ses ordres LXVII cinq cents hommes d’armes, cinq cents archers et autant de brigands, va tenir garnison à Agen[208] d’où il compte se rendre en Quercy où se trouvent les chefs des Compagnies ralliés au parti français. Il ménage une entrevue avec Bertucat d’Albret, le plus important de ces chefs, et réussit à le faire rentrer au service du prince de Galles[209], ainsi que cinq ou six cents soudoyers gascons. P. 139 à 142, 351 à 354.
LXVIII Après la défection de Bertucat d’Albret, les autres chefs des Compagnies, Amanieu d’Ortige, Jacques de Bray, Perrot de Savoie, Ernaudon de Pau, évacuent Cahors et se fortifient dans le prieuré de Duravel[210] où Robert Knolles vient les assiéger. A cette nouvelle, Jean Chandos part de Montauban avec une troupe de trois cents lances, se fait rendre en chemin Moissac[211] et vient rejoindre Robert Knolles devant Duravel. P. 142 à 145, 354 à 356.
LXIX Les Anglais sont obligés de lever le siége de Duravel et, après avoir assiégé sans succès Domme[212] pendant quinze jours, ils envoient le héraut Chandos à Angoulême demander des renforts au prince de Galles. P. 145 à 147, 356 à 359.
Levée du siége de Domme. Gramat[213], Fons[214], Rocamadour[215], Villefranche[216] se rendent aux Anglais. P. 147 à 150, 359 à 362.
Le siége de Bourdeilles par le corps d’armée anglais qui opère en Périgord sous le commandement des comtes de Cambridge et de Pembroke, dure depuis plus de onze semaines. Les assiégeants LXX ont recours à la ruse; ils simulent un jour un mouvement de retraite et attirent ainsi dans une embuscade Ernaudon et Bernardet de Badefol, capitaines de la forteresse assiégée, qui sont pris par Jean de Montagu[217]. Celui-ci est fait chevalier par le comte de Cambridge. Bourdeilles tombe au pouvoir des deux comtes qui confient la garde de cette place au seigneur de Mussidan[218] et rentrent à Angoulême. P. 150 à 153, 362 à 364.
Jean Chandos, Thomas Felton et le captal de Buch retournent aussi dans cette ville où ils sont rappelés par le prince de Galles; Robert Knolles se joint à eux, quoique le prince l’ait invité à rester en Quercy. Avant leur départ, ils chargent Bertucat d’Albret de tenir garnison à Rocamadour et conseillent aux chefs des Compagnies anglaises de concentrer leurs bandes sur les marches du Limousin et de l’Auvergne pour y vivre aux dépens des habitants de ces deux provinces. P. 153 à 155, 364 à 366.
1369, août. OCCUPATION DE BELLEPERCHE PAR LES COMPAGNIES ANGLAISES.—PROJET ET PRÉPARATIFS D’UNE INVASION FRANÇAISE EN ANGLETERRE.—REDDITION DE LA ROCHE-SUR-YON AUX ANGLAIS.—MORT DE JAMES D’AUDELEY; JEAN CHANDOS, SÉNÉCHAL DU POITOU.—DESCENTE DU DUC DE LANCASTRE A CALAIS; CHEVAUCHÉE DE TOURNEHEM.—AFFAIRE DE PURNON; LE COMTE DE PEMBROKE EST SURPRIS ET ASSIÉGÉ PAR LOUIS DE SANCERRE.—MORT DE PHILIPPA DE HAINAUT, REINE D’ANGLETERRE.—PRISE DES PONTS-DE-CÉ ET DE SAINT-MAUR-SUR-LOIRE PAR LES ANGLAIS, DE SAINT-SAVIN PAR LES FRANÇAIS.—1370, 1er janvier. COMBAT DU PONT DE LUSSAC ET MORT DE JEAN CHANDOS.—Premiers jours de juillet. PRISE DE CHATELLERAULT PAR JEAN DE KERLOUET.—1369, derniers mois, et 1370, premiers mois. SIÉGE ET REPRISE DE BELLEPERCHE PAR LE DUC DE BOURBON (§§ 628 à 652).
Trois chefs des Compagnies anglaises, Hortingo, Bernard de Wisk et Bernard de la Salle, vont s’établir sur les marches du Limousin dont Jean Devereux est sénéchal pour le prince de Galles. Ils surprennent et enlèvent par escalade le château de Belleperche[219], en Bourbonnais, où ils font prisonnière la mère du duc de Bourbon et de la reine de France. Ils s’emparent aussi de Sainte-Sévère[220] qu’ils livrent à Jean Devereux.—Louis de LXXII Sancerre est nommé maréchal de France en remplacement d’Arnoul, sire d’Audrehem, accablé de vieillesse, de blessures et d’infirmités[221]. P. 155 à 157, 366 à 368.
Le roi de France emploie tout cet été à faire des préparatifs de guerre. A Harfleur, à Rouen, sur la Seine entre Rouen et Harfleur, il travaille à rassembler une flotte qui doit transporter en Angleterre une puissante armée d’invasion sous les ordres de Philippe son frère, duc de Bourgogne. Il établit alors sa résidence à Rouen pour surveiller lui-même ces préparatifs[222]. Le sire de LXXIII Clisson fait de vains efforts pour détourner le roi de ce projet.—Édouard III est informé de ces préparatifs et prend ses mesures pour repousser cette invasion. Jean, duc de Lancastre, l’un des fils d’Édouard, à la tête de six cents hommes d’armes et de quinze cents archers, débarque à Calais[223] où Robert de Namur est invité à le venir rejoindre. P. 157 à 159, 368, 369.
Après leur retour à Angoulême, les comtes de Cambridge, de Pembroke, Jean Chandos, James d’Audeley et la plupart des barons poitevins, au nombre de plus de trois mille lances, vont sur les marches d’Anjou mettre le siége devant la Roche-sur-Yon[224] dont Jean [Belon[225]] est capitaine pour le duc d’Anjou; ils font battre les remparts de cette forteresse par de grands engins LXXIV amenés de Thouars et de Poitiers. Jean [Belon] s’engage à rendre la place, s’il n’est secouru par le roi de France, les ducs d’Anjou et de Berry, dans le délai d’un mois. Le mois écoulé, il livre, suivant la convention, la Roche-sur-Yon aux Anglais moyennant le payement de six mille francs pour les approvisionnements laissés entre les mains des vainqueurs. Rentré à Angers, Jean [Belon] est mis en prison et noyé dans la Maine par ordre du duc d’Anjou. P. 159 à 163, 369 à 372.
Mort de James d’Audeley, sénéchal du Poitou[226], à Fontenay-le-Comte; LXXV funérailles de ce chevalier à Poitiers. Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, est nommé sénéchal du Poitou[227] en LXXVI remplacement de James d’Audeley et fixe sa résidence à Poitiers.—Le vicomte de Rochechouart, emprisonné, puis mis en liberté par le prince d’Aquitaine, se rend à Paris où il prête serment de fidélité au roi de France; il met le breton Thibaud du Pont en sa forteresse et fait défier le prince. P. 163, 164, 372, 373.
Incursions des deux maréchaux du duc de Lancastre au delà de Guines et de la rivière d’Oske[228], vers l’abbaye de Licques[229], vers Boulogne, vers la cité de Thérouanne défendue par le comte Gui de Saint-Pol et son fils Waleran.—Les nouvelles en viennent au roi de France, qui se tient alors à Rouen, au moment où le duc de Bourgogne est sur le point de s’embarquer et de faire voile pour l’Angleterre en compagnie de trois mille chevaliers. Force est de renoncer à ce projet pour marcher à la LXXVII rencontre du duc de Lancastre. De Rouen, le duc de Bourgogne se dirige vers la Picardie, passe la Somme au pont d’Abbeville et vient, par Montreuil-sur-Mer, Hesdin et Saint-Pol, se loger sur la hauteur de Tournehem[230] en face du duc de Lancastre qu’il trouve campé dans la vallée où les Anglais se sont fortifiés de haies, de fossés et de palissades et où Robert de Namur est accouru les rejoindre. Malgré une supériorité numérique de sept contre un, le duc de Bourgogne reste simplement sur la défensive, car il lui est enjoint de ne point engager de combat sans l’ordre exprès du roi son frère, et il reçoit tous les jours de Gand des messages du comte de Flandre son beau-père qui lui recommandent la même réserve. P. 164 à 167, 373 à 375.
Jean Chandos, qui se tient à Poitiers, invite le comte de Pembroke, capitaine de Mortagne[231] où il a sous ses ordres une garnison de deux cents lances, à faire avec lui une chevauchée en Anjou et Touraine. Le comte refuse de se rendre à cette invitation dans la crainte qu’on n’attribue au sénéchal du Poitou tout LXXVIII l’honneur des succès qu’ils pourraient remporter. Chandos, à la tête de trois cents lances et de deux cents archers, n’en porte pas moins le ravage en Anjou, notamment dans le Loudunois[232], et, s’avançant sur les confins de l’Anjou et de la Touraine, remonte la vallée de la Creuse. Il fait ensuite une pointe dans la vicomté de Rochechouart et essaye sans succès d’emporter la ville de ce nom défendue par une garnison bretonne dont Thibaud du Pont[233] est le capitaine. De retour à Chauvigny et apprenant que Louis de Sancerre est à la Haye, en Touraine, il invite une seconde fois le comte de Pembroke à le venir rejoindre pour marcher contre les Français et lui donne rendez-vous à Châtellerault; il reçoit un nouveau refus et rentre à Poitiers. P. 167 à 170, 375, 376.
Le comte de Pembroke, aussitôt après la chevauchée de Chandos, va à son tour porter le ravage dans la vicomté de Rochechouart et le Loudunois. Louis de Sancerre[234], parti de nuit de la forteresse française de la Roche-Posay en compagnie de Jean de Beuil[235], de Jean de Vienne, de Guillaume des Bordes, LXXIX de Louis de Saint-Julien et du breton Kerlouet, tombe à l’improviste sur les Anglais au moment où ils sont occupés à se loger en un village appelé Purnon[236]; il en tue plus de cent et force les autres à chercher un refuge dans une forte maison de Templiers dépourvue de fossés et entourée seulement de murs en pierre. Les Français livrent un premier assaut que les Anglais parviennent à repousser et que la tombée de la nuit vient interrompre. P. 170 à 174, 376 à 379.
Vers minuit, le comte de Pembroke envoie un de ses écuyers à Poitiers demander du secours à Jean Chandos.—Le lendemain matin, les Français livrent un second assaut qui dure depuis l’aube du jour jusqu’à prime (six heures du matin). P. 174 à 176, 379 à 381.
Entre prime et tierce (neuf heures du matin) et au plus fort de l’assaut, le comte de Pembroke dépêche vers Jean Chandos un LXXX second écuyer auquel il donne un anneau d’or qu’il a au doigt pour se faire plus sûrement reconnaître. Le premier écuyer, qui était parti de Purnon à minuit, s’égare en chemin et n’arrive à Poitiers que vers tierce au moment où le sénéchal du Poitou se dispose à entendre la messe. Jean Chandos, qui a sur le cœur le mauvais vouloir et les refus antérieurs du comte de Pembroke, répond que le secours qu’on lui demande n’arrivera pas en temps utile et entend toute sa messe. Au moment où il va se mettre à table, arrive le second messager. Il lui fait d’abord la même réponse qu’au premier et commence à prendre son repas. Entre le premier et le second service, il réfléchit que le comte de Pembroke a épousé la fille du roi d’Angleterre et qu’il a pour compagnon d’armes le comte de Cambridge, le propre fils de son seigneur et maître; il se décide alors à lui porter secours. Il se lève, s’arme, monte en selle et sans même attendre que tous ses gens soient prêts, s’élance de toute la vitesse de son cheval sur la route de Purnon. P. 170 à 179, 381 à 383.
Vers midi, les Français qui tiennent le comte de Pembroke assiégé dans la forte maison de Purnon, sont informés que Jean Chandos s’avance à la tête de deux cents lances. Épuisés par les assauts qu’ils viennent de livrer, ils n’osent attendre l’attaque de troupes fraîches et se retirent à la Roche-Posay avec leur butin et leurs prisonniers. A peine débloqué, le comte de Pembroke va au-devant de Jean Chandos qu’il rencontre à une lieue de Purnon; puis ces deux capitaines se séparent et retournent, le premier à Mortagne, le second à Poitiers. P. 179 à 181, 383, 384.
Mort de la reine d’Angleterre[237], au château de Windsor, la veille de la fête de Notre-Dame, 14 août 1369; dernières volontés et dernières paroles de la bonne reine. P. 181 à 183, 384, 385.
Pendant que les ducs de Bourgogne et de Lancastre sont campés en face l’un de l’autre à Tournehem, trois cents chevaliers du Vermandois et de l’Artois viennent un matin, au point du jour, pour réveiller les Anglais dans leur camp; ils sont repoussés LXXXI par Robert de Namur, le seigneur de Spontin[238] et Henri de Senzeilles[239]. Un chevalier du Vermandois, nommé Roger de Cologne, est tué dans cette escarmouche. P. 183 à 185, 375, 386.
Le duc de Bourgogne, honteux de rester depuis plusieurs jours avec une armée de quatre mille chevaliers devant une poignée d’ennemis sans leur offrir le combat, décampe vers minuit de Tournehem[240], à l’insu des Anglais. P. 185 à 188, 386.
Tandis que le duc de Bourgogne se dirige vers Saint-Omer, le duc de Lancastre, de son côté, reprend le chemin de Calais[241]. La semaine même de ce départ de Tournehem des deux armées française et anglaise, le comte de Pembroke, Hugh de Calverly, Louis de Harcourt et les seigneurs poitevins du parti anglais font une chevauchée en Anjou; ils assiégent sans succès Saumur défendu par Robert de Sancerre[242]; mais ils prennent et fortifient LXXXII les Ponts-de-Cé[243] ainsi que l’abbaye de Saint-Maur-sur-Loire[244]. LXXXIII En revanche, un moine de Saint-Savin[245], abbaye[246] située à sept lieues de Poitiers, livre en haine de son abbé[247] cette abbaye à Louis de Saint-Julien et à Kerlouet qui sont à la tête des forces françaises dans cette région. P. 188 à 191, 386, 387.
A peine revenu à Calais de la chevauchée de Tournehem, le duc de Lancastre se remet en campagne; il passe devant Saint-Omer, Thérouanne, Hesdin, Saint-Pol, Pernes[248], Lucheux[249], Saint-Riquier. Il passe la Somme au gué de Blanquetaque, entre en Vimeu, puis dans le comté d’Eu, passe à côté de Dieppe et ne s’arrête que devant Harfleur[250] où il reste trois jours. Le but de LXXXIV l’expédition est de s’emparer de cette ville afin d’y brûler la flotte et le matériel naval[251] du roi de France; mais le comte de Saint-Pol, qui s’est enfermé à temps dans la forteresse menacée avec une garnison de deux cents lances, déjoue cette tentative. Dès le quatrième jour, le duc de Lancastre lève le siége, va ravager la terre du seigneur d’Estouteville[252] et se dirige vers LXXXV Oisemont pour repasser la Somme à Blanquetaque. Au moment où les Anglais longent les murs d’Abbeville, Hue de Châtillon[253], capitaine de cette ville et maître des arbalétriers de France, fait une sortie et tombe dans une embuscade entre les mains de Nicolas de Louvain, sénéchal du Pontieu, qu’il avait lui-même fait prisonnier quelques mois auparavant et rançonné à dix mille francs. P. 191 à 195, 387 à 389.
Le duc de Lancastre repasse la Somme à Blanquetaque, suit le chemin de Rue, de Montreuil-sur-Mer et rentre à Calais vers la Saint-Martin d’hiver. Là, il donne congé à Robert de Namur, à Waleran de Borne[254] et à tous les Allemands, puis il retourne en Angleterre. P. 195, 196, 389.
La nuit du 30 décembre 1369, Jean Chandos, sénéchal du Poitou, et Thomas Percy, sénéchal de la Rochelle[255], font une LXXXVI chevauchée pour reprendre l’abbaye de Saint-Savin dont Louis de Saint-Julien est capitaine. Ils s’apprêtent à tenter l’escalade de cette forteresse lorsque, vers minuit, ils entendent sonner du cor: c’est Jean de Kerlouet qui arrive à Saint-Savin avec quarante lances, pour prendre part à une expédition en Poitou. Les deux capitaines anglais s’imaginent que c’est un signal donné par la sentinelle de l’abbaye qui les a reconnus et retournent en toute hâte à Chauvigny[256]. Thomas Percy prend alors congé de Chandos, traverse la Vienne sur le pont de Chauvigny et remonte par la rive gauche le cours de cette rivière. Le 31, au matin, on apprend que Louis de Saint-Julien et Kerlouet, partis pendant la nuit de Saint-Savin, chevauchent pour passer la Vienne au pont de Lussac[257] et porter le ravage en Poitou; Chandos s’élance aussitôt à leur poursuite. Les Français ont une lieue d’avance, ils arrivent les premiers à Lussac; mais ils trouvent le pont occupé par Thomas Percy qui se tient de l’autre côté de la rivière et entreprend de leur en disputer le passage. Ils mettent pied à terre et se préparent à faire l’assaut du pont, lorsque Jean Chandos qui les poursuit vient les charger en queue. P. 196 à 202, 389 à 393.
Jean Chandos est blessé mortellement par un écuyer nommé Jacques de Saint-Martin[258] et rend le dernier soupir le lendemain à Mortemer[259]. Toutefois, les Anglais, qui reçoivent un renfort pendant LXXXVII l’action, restent maîtres du champ de bataille; Louis de Saint-Julien et Jean de Kerlouet sont faits prisonniers[260]. La mort de Chandos excite les regrets des Français aussi bien que des Anglais. P. 202 à 207, 393 à 396.
Thomas Percy[261] succède à Jean Chandos dans la charge de LXXXVIII sénéchal du Poitou. Louis de Saint-Julien et Kerlouet, mis à rançon par les Anglais, retournent en leurs garnisons.—Enguerrand, sire de Coucy, marié à l’une des filles d’Édouard III, et Amanieu de Pommiers veulent rester neutres dans la guerre qui vient d’éclater entre les rois de France et d’Angleterre; le premier se rend en Savoie et en Lombardie, et le second va en Chypre et au Saint-Sépulcre.—Jean de Bourbon, comte de la Marche, et le sire de Pierre-Buffière, quoiqu’ils soient venus habiter Paris, n’en refusent pas moins de renvoyer leur hommage au prince de Galles; mais deux autres barons du Limousin, Louis, sire de Malval[262], et Raymond de Mareuil[263], neveu de Louis, LXXXIX embrassent ouvertement le parti du roi de France.—Caponnet de Chaponval, délivré de sa prison d’Agen et échangé contre Thomas Banastre pris dans une escarmouche devant Périgueux, rentre en France. P. 207 à 210, 396 à 398.
Par acte daté de Westminster le 15 novembre 1370, Édouard III abolit tous fouages et aides levés indûment par le prince de Galles et accorde amnistie pleine et entière à tous les sujets de la principauté qui, après avoir pris parti pour le roi de France, voudront bien faire leur soumission[264]. P. 210, 211, 398.
Des copies de cet acte sont adressées secrètement à Paris aux vicomtes de Rochechouart[265], aux seigneurs de Malval[266] XC et de Mareuil[267].—Jean de Kerlouet, Guillaume des Bordes et Louis de Saint-Julien, capitaines de la Roche-Posay, de la Haye en Touraine et de Saint-Savin pour le roi de France, prennent un matin par escalade la ville de Châtellerault[268]. Pris à l’improviste et réveillé en sursaut, Louis de Harcourt n’a que le temps de se sauver en chemise sur le pont de Châtellerault que ses gens ont fortifié. Depuis lors, des escarmouches ont lieu tous les jours entre la garnison bretonne de la ville, dont Kerlouet prend le commandement, et celle du pont. P. 212, 398.
Louis, duc de Bourbon[269], Louis de Sancerre, maréchal de France, le sire de Beaujeu et les principaux chevaliers du Bourbonnais, du Beaujolais, du Forez et de l’Auvergne[270], mettent XCI le siége devant le château de Belleperche occupé par les Compagnies anglaises. Les assiégés réclament du secours par l’entremise de Jean Devereux, sénéchal du Limousin, qui tient garnison à la Souterraine[271]. Les comtes de Cambridge[272] et de Pembroke, après avoir rassemblé à Limoges quinze cents lances et trois mille soudoyers, accourent en plein hiver pour faire lever le siége de Belleperche. P. 213 à 216, 398 à 401.
Les deux comtes font offrir la bataille au duc de Bourbon qui la refuse. Mécontents de ce refus, ils menacent le duc d’emmener loin de Belleperche sa mère, la duchesse douairière de Bourbon. P. 216 à 218, 401, 402.
Les Compagnies anglaises évacuent le château de Belleperche, et leurs capitaines emmènent avec eux la duchesse de Bourbon à «la Roche-Vauclère[273]», en Limousin; mais le prince de Galles, XCII peu satisfait de l’arrestation de cette princesse, voudrait à tout prix l’échanger contre Simon Burleigh. P. 218, 219, 402.
Le duc de Bourbon reprend possession de Belleperche[274] et remet ce château en bon état. Les comtes de Cambridge et de Pembroke retournent, le premier à Angoulême, le second à Mortagne en Poitou[275], tandis que les Compagnies parties de Belleperche se répandent en Poitou et Saintonge où elles portent le ravage.—Au retour de son expédition en Guyenne, Robert Knolles est à peine rentré dans son château de Derval, en Bretagne, qu’Édouard III le mande auprès de lui; il s’embarque aussitôt pour l’Angleterre, débarque à la Roche Saint-Michel[276], en Cornouailles, et arrive à Windsor. P. 219, 220, 402, 403.
1370, mai. LE DUC D’ANJOU A PARIS; PRÉPARATIFS DE GUERRE DES ROIS DE FRANCE ET D’ANGLETERRE.—1372, du 15 au 22 août. DÉLIVRANCE DE LA DUCHESSE DOUAIRIÈRE DE BOURBON PRISE A BELLEPERCHE.—1371, du 25 au 29 mars. ENTREVUE DE VERNON; TRAITÉ DE PAIX ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET DE NAVARRE.—1370, vers le 15 juillet. ARRIVÉE DE BERTRAND DU GUESCLIN, RAPPELÉ D’ESPAGNE, EN LANGUEDOC.—Du 15 juillet au 15 XCIII août. CAMPAGNE DU DUC D’ANJOU ET DE DU GUESCLIN EN GUYENNE; OCCUPATION DE MOISSAC, D’AGEN, DE TONNEINS, DU PORT-SAINTE-MARIE, DE MONTPAZIER ET D’AIGUILLON; SIÉGE DE BERGERAC ET DE LALINDE PAR LES FRANÇAIS.—De la fin de juillet à la mi-septembre. CHEVAUCHÉE DE ROBERT KNOLLES A TRAVERS L’ARTOIS, LA PICARDIE ET L’ILE DE FRANCE.—Du 16 au 24 août. LE DUC DE BERRY ET DU GUESCLIN EN LIMOUSIN; REDDITION DE LIMOGES AU DUC DE BERRY.—Du 14 au 19 septembre. SIÉGE, REPRISE ET SAC DE LIMOGES PAR LE PRINCE DE GALLES.—24 septembre. ROBERT KNOLLES DEVANT PARIS.—2 octobre. DU GUESCLIN A PARIS; SA NOMINATION A L’OFFICE DE CONNÉTABLE DE FRANCE (§§ 653 à 668).
Louis, duc d’Anjou, lieutenant en Languedoc, fait un voyage à Paris[277] où il arrête, de concert avec le roi de France et ses deux frères, les ducs de Bourgogne et de Berry, le plan de la prochaine campagne contre les Anglais. Deux corps d’armée devront envahir la principauté d’Aquitaine, le premier sous les ordres du duc d’Anjou, du côté de Bergerac et de la Réole, le second, sous la conduite du duc de Berry, du côté du Limousin et du Quercy. XCIV L’objectif de l’expédition sera Angoulême où ces deux corps d’armée, après avoir opéré leur jonction, iront assiéger le prince d’Aquitaine. En même temps, on décide de rappeler d’Espagne Bertrand du Guesclin et de le nommer connétable de France.
A l’entrée du mois de mai[278], Louis, duc d’Anjou, prend congé de ses frères pour retourner dans son gouvernement; il s’arrête un mois à Montpellier[279], et se rend ensuite à Toulouse où il rassemble ses gens d’armes. Le petit Meschin, Ernaudon de Pau, Perrot de Savoie[280], le bour Camus et les autres chefs des Compagnies françaises n’ont pas cessé de guerroyer, pendant l’absence du duc, sur les frontières du Quercy et du Rouergue. Le duc de Berry[281], à Bourges, le duc de Bourbon, à Moulins[282], le comte Pierre d’Alençon[283] font aussi des levées de troupes et se préparent XCV à entrer en campagne.—Gui de Blois[284], de retour d’une croisade en Prusse où il a été fait chevalier et où il a levé bannière, vient du Hainaut à Paris offrir ses services au roi de France qui l’envoie rejoindre le corps d’armée commandé par le duc de Berry. P. 220 à 223, 403 à 405.
Le roi d’Angleterre met sur pied, de son côté, deux corps d’armée. Le premier doit opérer en Guyenne sous les ordres du duc de Lancastre, envoyé au secours de ses frères. Le second, sous la conduite de Robert Knolles[285], doit débarquer à Calais et traverser la France de part en part.—Par l’entremise d’Eustache d’Auberchicourt, la duchesse douairière de Bourbon est échangée contre Simon Burleigh[286].—Des négociations s’ouvrent XCVI à Vernon entre les envoyés[287] du roi de France et du roi de Navarre, qui se tient alors en Normandie; à la faveur de ces négociations, un traité de paix est conclu entre les deux rois. Charles le Mauvais renonce à l’alliance d’Édouard III et promet de le faire défier, aussitôt après son retour en Navarre; il s’engage, en outre, à laisser ses deux fils, Charles et Pierre, comme otages entre les mains de Charles V. Il se rend auprès du roi de France à Rouen, puis à Paris[288], d’où il regagne, en prenant le chemin de Montpellier et du comté de Foix, son royaume de Navarre[289]. P. 223 à 225, 405 à 408.
XCVII Bertrand du Guesclin reçoit dans la ville de Léon, en Castille, des lettres et de nombreux messages[290], tant du roi Charles V que du duc d’Anjou, qui l’invitent à rentrer en France. Le chevalier breton prend aussitôt congé de don Enrique et va avec XCVIII tous ses gens rejoindre à Toulouse le duc d’Anjou.—Dans le même temps, le duc de Lancastre s’embarque à Southampton et cingle vers Bordeaux; il emmène avec lui quatre cents hommes d’armes et un égal nombre d’archers. P. 225, 226, 408, 409.
Le duc d’Anjou entre en campagne à la tête de deux mille hommes et de six mille soudoyers à pied, commandés par Bertrand du Guesclin[291], auxquels viennent bientôt s’ajouter un millier de combattants des Compagnies françaises cantonnées en Quercy; il s’avance dans la direction d’Agen. Les Français, après s’être fait rendre successivement Moissac[292], Agen[293], le Port-Sainte-Marie[294], Aiguillon[295], Tonneins[296] et CI Montpazier[297], mettent le siége devant Bergerac[298] défendu par une garnison de cent lances dont Thomas Felton et le captal de Buch sont capitaines.—Le duc de Berry, de son côté, ayant sous ses CII ordres douze cents lances et trois mille brigands, envahit le Limousin et assiége Limoges[299], ville soumise à l’influence CIII toute-puissante de son évêque[300], malgré la garnison anglaise qui l’occupe[301]. Noms des principaux seigneurs qui prennent part à l’expédition du duc de Berry. P. 226 à 229, 409 à 412.
CIV Le prince de Galles se prépare à marcher à la rencontre du duc d’Anjou; il quitte Angoulême et établit son quartier général à Cognac où il donne rendez-vous à tous ses gens d’armes.—Pendant le siége de Bergerac[302], les Français traitent de la reddition de Lalinde[303], moyennant une certaine somme de florins, avec CV Tonnet[304] de Badefol, capitaine de cette dernière place; mais le captal de Buch, informé à temps de ce projet, accourt avec cent lances de Bergerac et tue Tonnet au moment où celui-ci s’apprête à exécuter le marché et à ouvrir les portes de Lalinde aux assiégeants. P. 229 à 232, 412 à 415.
Le roi d’Angleterre conclut avec l’Écosse une trêve de neuf ans[305]. Robert Knolles débarque à Calais à la tête de quinze CVI cents[306] hommes d’armes, dont cent Écossais, et de quatre mille archers, qu’il a enrôlés pour envahir la France. Les Anglais passent à Fiennes[307], à Thérouanne[308], au Mont-Saint-Éloi[309], mettent le feu aux faubourgs d’Arras, poursuivent leur marche par Bapaume[310], Roye[311] et Ham[312] en Vermandois. Ils ne chevauchent que deux ou trois lieues par jour, car ils vivent sur le pays et, comme on vient de faire la moisson, ils trouvent partout les granges pleines de blés[313]. Partout aussi, les habitants du plat pays se sont mis en sûreté dans les forteresses. Loin de s’attarder à faire le siége de ces forteresses, Robert Knolles se contente d’exiger de grosses rançons, à titre de rachat du pays environnant, de ceux qui y sont enfermés et gagne ainsi cent mille francs; il n’épargne que les possessions du seigneur de Coucy[314]. P. 232 à 235, 415 à 418.
Robert Knolles, logé à l’abbaye d’Ourscamps[315], offre en vain la CVII bataille aux habitants de Noyon[316] qui ont remis les remparts de leur ville en bon état de défense. Un chevalier écossais, nommé Jean Asneton, vient seul avec son page devant les barrières jouter pendant une heure contre Lancelot de Lorris[317], Jean de Roye, Dreux de Roye[318] et dix ou douze autres gentilshommes en garnison à Noyon. P. 235 à 237, 418, 419.
Robert Knolles, à son départ de la marche de Noyon, brûle Pont-l’Évêque[319], sur l’Oise. Soixante lances de la garnison de Noyon font une sortie et mettent en déroute l’arrière-garde anglaise qui a allumé cet incendie. Knolles se dirige vers le Laonnois, traverse l’Oise, l’Aisne et épargne le comté de Soissons qui appartient au seigneur de Coucy. Poursuivi par le comte de Saint-Pol, le vicomte de Meaux, le seigneur de Canny, Raoul de Coucy, Jean de Melun et autres chevaliers de France, il passe la Marne, entre en Champagne[320], franchit l’Aube[321] et gagne la CVIII marche de Provins[322]. Après avoir passé et repassé plusieurs fois la Seine, il se dirige vers Paris dans l’espoir que le comte de Saint-Pol et le seigneur de Clisson, mis à la tête des forces françaises, lui offriront la bataille. Charles V invite Bertrand du Guesclin, qui se tient en Guyenne avec le duc d’Anjou, à se rendre en toute hâte à Paris.—Urbain V, qui depuis quatre ans a reporté le saint-siége à Rome, revient à Avignon[323] pour s’employer de tout son pouvoir à faire la paix entre les deux rois de France et d’Angleterre. P. 237 à 239, 419, 420.
Jean, duc de Lancastre, débarque à Bordeaux et vient, après avoir fait sa jonction en route avec le comte de Pembroke, CIX rejoindre à Cognac le prince d’Aquitaine et le comte de Cambridge ses frères.—A cette nouvelle, le duc d’Anjou, qui a conquis plus de quarante forteresses et s’est avancé jusqu’à cinq lieues de Bordeaux, voyant que Bertrand du Guesclin est mandé à la fois à Paris par le roi de France et devant Limoges par le duc de Berry, prend le parti d’interrompre sa chevauchée et de licencier ses gens. Tandis que les comtes d’Armagnac, de Périgord et le seigneur d’Albret vont pourvoir à la sûreté de leurs possessions et que le duc d’Anjou établit son quartier général à Cahors[324], du Guesclin accourt[325] au siége de Limoges auprès des ducs de Berry et de Bourbon. P. 239 à 241, 420, 421.
CX L’entremise de Bertrand[326] fait aboutir les négociations entamées entre l’évêque de Limoges et le duc de Berry. Ce dernier, accompagné du duc de Bourbon et de Gui de Blois, fait son entrée dans la ville assiégée; il en confie la garde à une garnison de CXI cent lances commandée par Jean de Villemur, Hugues de la Roche et Roger de Beaufort et s’y repose trois jours[327]. Après la reddition de Limoges, les deux ducs de Berry et de Bourbon licencient leurs gens et retournent dans leurs duchés menacés par la chevauchée de Robert Knolles. Resté en Limousin avec deux cents lances, Bertrand du Guesclin s’enferme dans les châteaux du seigneur de Malval. P. 241, 242, 421, 422.
A la nouvelle de la reddition de Limoges, le prince d’Aquitaine jure sur l’âme de son père de se venger de cette trahison[328]; il est d’autant plus irrité contre l’évêque, qui a livré la ville aux Français, que cet évêque est son compère[329]. Il part de Cognac CXII avec douze cents lances, mille archers, trois mille hommes de pied, et vient mettre le siége devant Limoges. Noms des principaux seigneurs anglais et poitevins, qui prennent part à cette expédition. La garnison de Limoges oppose aux Anglais la résistance la plus opiniâtre. Le prince, n’espérant pas emporter de vive force une ville si bien défendue, prend le parti de faire miner les remparts. P. 243 à 245, 422 à 424.
Robert Knolles, s’avançant à travers la Brie, vient camper devant Paris[330] un jour et deux nuits. De son hôtel de Saint-Pol, Charles V peut apercevoir la fumée des incendies allumés par les Anglais du côté du Gâtinais. Le roi est entouré de l’élite de ses chevaliers; mais, par le conseil du sire de Clisson, il leur a fait défense de s’aventurer en rase campagne contre l’ennemi. A la porte Saint-Jacque notamment, se tiennent le comte de Saint-Pol, le vicomte de Rohan, les principaux seigneurs de la Picardie et de l’Artois. Le mardi, jour où les Anglais lèvent leur camp après avoir mis le feu aux villages où ils étaient logés, un de leurs chevaliers, qui a voulu par bravade frapper du fer de sa lance les barrières de cette porte Saint-Jacque, est tué au retour par un boucher de Paris. P. 245 à 248, 424, 425.
Pendant le siége de Limoges par le prince de Galles, Bertrand du Guesclin, prenant pour base d’opérations les forteresses françaises de Louis de Malval et de Raymond de Mareuil, fait la guerre aux Anglais en Limousin au nom de la veuve de Charles CXIII de Blois[331] à qui ce pays a jadis appartenu; il se fait rendre Saint-Yrieix[332] et met dans cette place une garnison bretonne[333]. P. 248, 249, 425, 426.
Ce siége de Limoges dure environ un mois[334]. Les mineurs du CXIV prince de Galles parviennent à faire tomber un pan du mur d’enceinte dans les fossés, et les Anglais entrent aussitôt dans la ville par cette brèche. Ils passent au fil de l’épée plus de trois mille habitants de Limoges; ils saisissent l’évêque lui-même dans son palais et l’emmènent devant le prince qui le menace de lui faire trancher la tête. Seuls, les hommes d’armes de la garnison, au nombre de quatre-vingts, s’adossant contre une muraille, déploient au vent leurs bannières et refusent de se rendre. Des combats corps à corps s’engagent entre le duc de Lancastre et Jean de Villemur, entre le comte de Cambridge et Hugues de la Roche[335], entre le comte de Pembroke et Roger de Beaufort[336]; les trois chevaliers français sont réduits à rendre leurs épées. P. 249 à 252, 426 à 428.
Les Anglais brûlent la ville de Limoges[337], la mettent au pillage et retournent chargés de butin[338] à Cognac. Le duc de Lancastre CXV prie le prince son frère de lui livrer l’évêque auquel il fait grâce[339], à la prière du pape Urbain V. P. 252, 253, 428, 429.
La nouvelle de la reprise de Limoges, du massacre des habitants et de la destruction de la ville, porte un coup sensible à Charles[340] V. Sur ces entrefaites, Moreau de Fiennes ayant voulu se démettre de l’office de connétable de France, la voix publique désigne Bertrand du Guesclin pour le remplacer. Le chevalier breton est mandé à Paris par messages, et les courriers porteurs de ces messages le trouvent dans la vicomté de Limoges où il CXVI vient de s’emparer de Brantôme. Bertrand confie la garde des places conquises à son neveu Olivier de Mauny et se rend aussitôt auprès du roi de France. Il est investi, malgré ses objections, de l’office de connétable; le roi le fait asseoir à sa table et lui assigne quatre mille francs de revenu par an[341]. P. 253 à 255, 429, 430.
CHRONIQUES
DE J. FROISSART.
§ 560 Tant fu demenés li temps, en faisant les
pourveances dou prince et en attendant la venue dou
duch de Lancastre, que madame la princesse travilla
d’enfant et en delivra par le grasce de Dieu. Ce fu
5uns biaus filz qui fu nés le jour de l’Apparition des
trois Rois, que on eut adonc en ceste anée par un
merkedi. Et vint cilz enfes sus terre, environ heure
de tierce, de quoi li princes et tous li hosteulz furent
grandement resjoy, et fu baptiziés le venredi
10ensiewant, à heure de haute nonne, ens ès saints-fons
de l’eglise Saint Andrieu, en le cité de Bourdiaus.
Et le baptisa li archevesques dou dit lieu, et le
tinrent sus fons li evesques d’Agen en Aginois et li
rois de Mayogres. Et eut à nom cilz enfes Richars,
15et fu depuis rois d’Engleterre, si com vous orés
compter avant en l’ystore.
[2] 2 Le dimence apriès, à heure de prime, se parti de
Bourdiaus en très grant arroi li dis princes, et toutes
manières de gens d’armes qui là sejournoient ossi;
mès la grigneur partie de ses hos estoient ja passet
5et logiet environ la cité de Dasc en Gascongne. Si
vint li princes ce dimence au soir en celle ditte cité,
et là se loga et y sejourna trois jours, car on li dist
que ses frères li dus de Lancastre venoit. Voirement
approçoit il durement et estoit, passet avoit quinze
10jours, arivés en Bretagne, à Saint Mahieu de Fine
Poterne, et venus à Nantes où li dus de Bretagne
l’avoit grandement festiié et conjoy. Depuis esploita
tant li dus de Lancastre qu’il chevauça parmi Poito
et Saintonge et vint à Blaves, et là passa il le rivière
15de Geronde, et ariva sus le kay à Bourdiaus. Si vint
en l’abbeye de Saint Andrieu où la princesse gisoit,
qui le conjoy et reçut doucement, et toutes les dames
et damoiselles qui là estoient à ce jour. Li dus de
Lancastre ne volt gaires sejourner à Bourdiaus, mès
20prist congiet à sa suer la princesse et se parti o toute
se compagnie, et chevauça tant qu’il vint en le cité
de Dasc, où ses frères l’attendoit encores. Si se conjoïrent
grandement, quant il se trouvèrent, car moult
s’amoient, et là eut grans approcemens d’amour et
25entre leurs gens.
Assés tost apriès que li dus de Lancastre fu là venus,
vint li contes de Fois à Dasc pardevers yaus,
qui fist grant chière et grant reverense de bras et de
samblant au dit prince et à son frère, et se offri dou
30tout en leur commandement. Li princes, qui bien
savoit honnourer tous signeurs, cescun selonc ce qu’il
estoit, le honnoura grandement et le remercia moult
[3] 3 de ce que il les estoit là venus veoir. En apriès, il li
recarga son pays et li pria que il en volsist songnier
dou garder jusques à son retour. Li contes de Fois li
acorda liement et volentiers. Sur ce s’en retourna li
5dis contes, quant il eut pris congiet, en son pays. Et
li princes et li dus de Lancastre demorèrent encores
à Dasc, et toutes leurs gens espars environ et sus le
pays et à l’entrée des pors et dou passage de Navare;
car point ne savoient encores de verité se il passeroient
10ou non, ne se li rois de Navare ouveroit le
passage, quoique il leur ewist en couvent, car fames
couroit communement parmi l’ost que de nouviel il
s’estoit composés et acordés au roy Henri, dont li
princes et ses consaulz estoient durement esmervilliet,
15et li rois dan Pietres moult merancolieus.
Or avint, entrues qu’il sejournoient là et que ces
parolles couroient, que messires Hues de Cavrelée et
les routes s’avancièrent à l’entrée de Navare et prisent
le cité de Mirande et le ville dou Pont le Royne,
20dont tous li pays fu durement effraés, et en vinrent
les nouvelles au dit roy de Navare. Quant il entendi
ce que les Compagnes voloient par force entrer en
son pays, si fu durement courouciés et escrisi errant
tout le fait au prince. Li princes s’en passa assés
25briefment pour tant que li rois de Navare, ce li sambloit
et au roy dan Piètre, ne tenoit mies bien tous
leurs couvens. Et li escrisi et manda li dis princes
qu’il se venist escuser, ou envoiast, des parolles que
on li amettoit; car ses gens disoient notorement que
30il s’estoit tournés devers le roy Henri. Quant li rois
de Navare entendi ce que on l’amettoit de trahison,
si fu plus courouciés que devant, et envoia un sien
[4] 4 especial chevalier devers le prince, lequel chevalier
on nommoit monsigneur Martin de le Kare. Cilz vint
en le cité de Dasc escuser le dit roy de Navare, et
parlementa tant et si bellement au dit prince que li
5princes se apaisa, parmi tant que il devoit retourner
en Navare devers son signeur le roy, et le devoit
faire venir à Saint Jehan dou Piet des Pors, et, lui
là venut, li princes aroit conseil se il iroit parler à
lui ou il y envoieroit. Sus cel estat se parti li dis messires
10Martins de le Kare, dou dit prince, et retourna
en Navare devers le roy et li recorda tout son trettiet,
et en quel estat il avoit trouvé le prince et son conseil,
et ossi comment il s’estoit partis d’yaus. Cilz
messires Martins fist tant qu’il amena le dit roy son
15signeur à Saint Jehan dou Piet des Pors, et puis se
restraist en le cité de Dasc, devers le prince.
Quant li princes sceut que li rois de Navare estoit approciés,
il eut conseil d’envoiier devers lui son frère le
duch de Lancastre et monsigneur Jehan Chandos. Cil
20doi, à privée mesnie, se misent au chemin avoec le dit
monsigneur Martin qui les amena en le ditte ville de
Saint Jehan dou Piet des Pors devers le roy de Navare,
liquels les rechut liement, et eurent là longement
parlement ensamble. Finablement, il fu acordé
25que li rois de Navare approceroit encores le dit prince
et venroit en un certain lieu, que on dist ou pays
Pierre Ferade, et là venroient li princes et li rois
dan Piètres parler à lui, et là de recief il renouveleroient
leurs couvens, et saroit cescuns quel cose il
30devoit tenir et avoir. Li rois de Navare se dissimuloit
ensi, pour tant qu’il voloit encores estre plus segurs
de ses couvenences qu’il n’estoit; car il doubtoit que,
[5] 5 se les Compagnes fuissent entré en son pays, et on
ne li euist en devant plainnement seelé ce qu’il devoit
ou voloit avoir, qu’il n’i venroit jamès bien à
temps.
5§ 561. Sus ce trettié retournèrent li dus de Lancastre
et messires Jehans Chandos, et comptèrent au
dit prince comment il avoient esploitié, et ossi au
roy dan Piètre. Cilz trettiés li plaisi assés bien, et
tinrent leur journée, et vinrent ou dit liu où elle
10estoit assignée, et d’autre part, li rois de Navare et
ses plus especiaus consaulz. Là furent à Pierre Ferade
cil troi signeur, li rois dan Piètres, li princes de Galles
et li dus de Lancastre d’un costé, et li rois de Navare
d’autre, longement ensamble en parlement. Et
15fu là devisé, ordonné et acordé quel cose cescuns devoit
faire et avoir, et là furent renouvelées les couvenences
qui tretties avoient estet entre ces parties en
le cité de Bayone. Et là sceut de verité li dis rois de
Navare quel cose il devoit avoir et tenir sus le royaume
20de Castille, et jurèrent bonne pais, amour et
confederation ensamble, li rois dans Piètres et lui.
Et se departirent de ce parlement amiablement ensamble,
sus ordenance que li princes et ses hos pooient
passer, quant il leur plaisoit, et trouveroient le passage
25et les destrois ouvers, et tous vivres appareilliés
parmi le royaume de Navare, voires prendant et
paiant. Adonc se retrest li dis rois de Navare en se
cité de Pampelune, et li princes et ses frères et li rois
dans Piètres en leurs logeis, en Dasc. Encores estoient
30à venir pluiseur grant signeur de Poito, de
Bretagne et de Gascongne, en l’ost dou prince, qui
[6] 6 se tenoient derrière; car, si com il est dit ci dessus,
on ne sceut clerement jusques en le fin de ce parlement,
se li princes aroit par là passage ou non. Et
meismement on supposoit en France que il ne passeroit
5point et que li rois de Navare li briseroit son
voiage, et on en vei tout le contraire. Dont, quant
li chevalier et li escuier, tant d’un costé comme de
l’autre, en sceurent le verité, et que li passages estoit
ouvers, si avancièrent leurs besongnes et se hastèrent
10dou plus qu’il peurent; car il sentirent tantost, puisque
li princes passeroit, que on ne retourroit point
sans bataille. Si vint li sires de Cliçon à belle route
de gens d’armes, et ossi tout darrainnier et moult
envis li sires de Labreth, à tout deux cens lances, et
15s’acompagna en ce voiage avoech le captal de Beus.
Tout cil trettiet, cil parlement et cil detriement
estoient sceu en France, car toutdis y avoit messagiers
alans et venans sus les chemins, qui portoient
et raportoient les nouvelles. De quoi, quant messires
20Bertrans de Claiekin, qui se tenoit dalés le duch
d’Ango, sceut que li princes passeroit, et que li passage
de Navare li estoient ouvert, si avança ses besongnes,
et renforça ses semonses et ses mandemens,
et cogneut tantost que ceste cose ne se departiroit
25jamais sans bataille. Si se mist au chemin par devers
Arragon, pour venir devers le roy Henri et se avança
dou plus qu’il peut. Et ossi le sievirent toutes manières
de gens d’armes, qui en estoient mandé ou
priiet, et pluiseur ossi dou royaume de France et
30d’ailleurs, qui en avoient affection et qui se voloient
avancier. Or parlerons nous dou passage dou prince,
et com ordeneement il passa et toute se route.
[7] 7 § 562. Entre Saint Jehan dou Piet des Pors et le
cité de Pampelune sont li destroit des montagnes et
li fors passage de Navare, qui sont moult perilleus
et très felenes à passer, car il y a telz cent lieus sus
5ce passage que trente homme les garderoient à non
passer contre tout le monde. Et adonc faisoit il moult
froit et très destroit sus ce passage, car ce fu en le
moiiené de fevrier ou environ qu’il passèrent. Ançois
qu’il se mesissent à voie ne ahatesissent de passer,
10li signeur regardèrent et consillièrent comment il
passeroient ne par quele ordenance. Si veirent bien, et
leur fu dit de ceulz qui cognissoient le passage, qu’il
ne pooient passer tout ensamble, et pour tant se ordenèrent
il à passer en trois batailles et par trois
15jours, le lundi, le mardi et le merkedi. Le lundi, passèrent
cil de l’avantgarde, desquelz li dus de Lancastre
estoit chapitainne. Si passèrent en se compagnie
li connestables d’Aquitainne, messires Jehans
Chandos, qui bien avoit douze cens pennons desous
20lui, tous parés de ses armes, d’argent à un pel aguisiet
de geules. Ce estoit moult belle cose à regarder.
Et là estoient li doi marescal d’Acquitainne ossi,
messires Guichars d’Angle et messires Estievenes de
Cousentonne, et avoient cil le pennon saint Jorge en
25leur compagnie. Là estoient en l’avantgarde, avoech
le dit duch, messires Guillaumes de Biaucamp, filz au
conte de Warvich, messires Huges de Hastinges, li
sires de Nuefville, li sires de Rais, bretons, qui servoit
monsigneur Jehan Chandos à trente lances, en
30ce voiage, et à ses frès, pour le prise de le bataille
d’Auroy. Là estoient li sires d’Aubeterre, messires
Garsis dou Chastiel, messires Richars Tanton,
[8] 8 messires Robers Ceni, messires Robers Brikés, Jehans
Cresuelle, Aymeris de Rocewart, Gaillars de le Motte,
Guillaumes de Cliceton, Willekok, le Boutillier et
Penneriel. Tout cil estoient pennon dessous monsigneur
5Jehan Chandos, et pooient estre environ dix
mil chevaus, et passèrent tout le lundi.
§ 563. Ce mardi, passèrent li princes de Galles et
li rois dans Piètres et ossi li rois de Navare, qui estoit
revenus devers le dit prince pour lui acompagnier
10et ensengnier le passage. En le route dou dit prince
estoient messires Loeis de Harcourt, viscontes de
Chastieleraut, li viscontes de Rocewart, li sires de
Pons, li sires de Partenay, li sires de Puiane, li sires
de Tannai Bouton, li sires d’Argenton et tout li Poitevin,
15messires Thumas de Felleton, grans seneschaus
d’Aquitainne, messires Guillaumes ses frères,
messires Eustasses d’Aubrecicourt, li seneschaus de
Saintonge, li seneschaus de le Rocelle, li seneschaus de
Quersin, li seneschaus de Limosin, li seneschaus de
20Roerge, li seneschaus d’Aginois, li seneschaus de Bigorre,
messires Richars de Pontchardon, messires
Neel Lorinch, messires d’Aghorises, messires Thumas
de Wettevale, messires Thumas Balastre, messires
Loeis de Merval, messires Raimons de Morueil, li
25sires de Pierebufiere, et bien quatre mil tous hommes
d’armes, et estoient environ douze mil chevaus. Si
eurent ce mardi moult dur passage et moult destroit de
vent et de nege. Toutesfois, il passèrent oultre, et se
logèrent toutes ces gens d’armes en le comble de Pampelune.
30Mès li dis rois de Navare amena le prince
de Galles et le roy dan Piètre en se cité de Pampelune
[9] 9 au souper, et là les tint tout aise, il avoit bien
de quoi.
§ 564. Ce merkedi passèrent li rois James de
Mayogres, li contes d’Ermignach, li sires de Labreth,
5ses neveus messires Bernars de Labreth, sires de Geronde,
li contes de Pieregorch, li viscontes de Quarmain,
li contes de Commignes, li captaus de Beus, li
sires de Cliçon, li troi frère de Pumiers, messires Jehans,
messires Helyes et messires Aymenions, li sires
10de Chaumont, li sires de Muchident, messires Robers
Canolles, li sires de Lespare, li sires de Rosem, li
sires de Condom, li sires de Labarde, li soudis de
Lestrade, messires Petiton de Courton, messires Aymeris
de Tarse, messires Bertrans de Taride, li sires
15de Pincornet, messires Perducas de Labreth, li bours
de Bretueil, li bours Camus, Naudon de Bagherant,
Bernart de la Salle, Hortingo, Lamit et tous li remanans
des Compagnes. Si estoient bien dix mil chevaus,
et eurent un peu plus courtois passage ce merkedi
20que n’euissent cil qui passèrent le mardi. Et se logièrent
toutes ces gens d’armes, premier, moiien, et secont,
et li tierch, en le comble de Pampelune, en attendant
l’un l’autre, et en rafreskissant yaus et leurs
chevaus. Et se tinrent là environ Pampelune, pour
25tant qu’il i trouvèrent largement à vivre, pain, char
et vin et toutes aultres pourveances pour yaus et pour
leurs chevaus, jusques au dimence ensiewant. Si
vous di que ces Compagnes ne paioient mies tout ce
que on leur demandoit, et ne se pooient abstenir de
30pillier et de prendre là où il le trouvoient, et fisent,
environ Pampelune et ossi sus leur chemin, moult
[10] 10 de destourbiers. De quoi li rois de Navare estoit
moult courouciés, mès amender ne le pooit, et se repenti,
par trop de fois, de ce qu’il avoit au prince
et à ses gens ouvert ne aministré le passage; car
5plus i avoit de damage que de pourfit.
§ 565. Bien estoit enfourmés li rois Henris dou
passage le prince, car il avoit ses messages et ses espies
toutdis alant et venant. Si s’estoit pourveus et
pourveoit encores tous les jours moult grossement
10de gens d’armes et de communautés de Castille, dont
il s’appelloit rois, pour resister encontre le prince, et
attendoit de jour en jour monsigneur Bertran de
Claiekin et grant secours de France. Et avoit fait un
especial mandement et commandement par tout son
15royaume à tous ses feauls et ses subgès que, sus à
perdre le teste, cescuns, selonch son estat, à piet ou
à cheval, venist dalés lui pour aidier à garder et deffendre
son hiretage. Chilz rois Henris estoit durement
amés, et ossi tout cil de Castille avoient rendu
20painne à lui couronner: si estoient tenu de li aidier,
et pour tant obeirent il plus legierement à son commandement.
Si estoient venu et venoient encores
efforciement tous les jours dalés lui où ses mandemens
estoit. Et avoit li dis rois Henris à Saint Dominike,
25où il estoit logiés, plus de soissante mil hommes,
c’à piet, c’à cheval, liquel estoient tout apparilliet
de faire sa volenté, de vivre et de morir, se il
couvenoit.
§ 566. Quant li rois Henris eut oy les certainnes
30nouvelles que li princes de Galles o son effort estoit
[11] 11 ens ou royaume de Navare et avoit passé les destrois
de Raincevaus et approçoit durement, si eut bien
cognissance que combatre le couvenroit au prince.
Et de ce par samblance estoit il tous joians; si dist
5si haut que tout cil d’environ l’oïrent: «Ou prince
de Galles a vaillant et preu chevalier, et pour ce
qu’il sente que c’est sus mon droit que je l’atens, je
li voeil escrire une partie de men entente.» Adonc
demanda il un clerch; il vint avant. «Escrips,» dist
10li rois Henris; cils escrisi. Là devisa de soi meismes
li rois Henris unes lettres qui parloient ensi:
«A très poissant et très honneré le prince de
Galles et d’Aquitainnes. Chiers sires, comme nous
avons entendu que vous et vos gens soiiés passet
15pardeça les pors et que vous aiiés fais acors et alliances
à nostre ennemi et que vous nous volés grever et
guerriier, dont nous avons grant merveille, car onques
nous ne vous fourfesimes cose ne vorrions faire,
pourquoi ensi à main armée vous doiiés venir sur
20nous pour nous tollir tant petit d’iretage que Diex
nous a donné, mès vous avés le grasce, l’eur et le
fortune d’armes plus que nulz princes aujourd’ui,
pour quoi nous esperons que vous vos glorefiiés en
vo poissance. Et pour ce que nous savons de verité
25que vous nous querés pour avoir bataille, voeilliés
nous laissier savoir par lequel lés vous enterés en
Castille, et nous vous serons au devant pour deffendre
et garder nostre signourie. Escript, etc.»
Quant ceste lettre fu escripte, li rois Henris le fist
30seeler, et puis appella un sien hiraut et li dist:
«Va-t-ent au plus droit que tu poes par devers le
prince de Galles et li baille ceste lettre de par mi.»
[12] 12 Li hiraus respondi: «Monsigneur, volentiers.» Adonc
se parti il dou roy Henri et s’adreça parmi Navare,
et fist tant qu’il trouva le prince; si se agenoulla
devant lui et li bailla la lettre de par le roy Henri.
5Li princes fist lever le hiraut, et prist les lettres
et les ouvri et les lisi par deux fois pour mieulz entendre.
Quant il les eut leutes et bien imaginées, il
manda une partie de son conseil et fist partir le hiraut.
Quant ses consaulz fu venus, se lisi de recief
10la lettre et leur exposa de mot à mot, et puis en demanda
à avoir conseil. Et dist li princes, entrues que
on conseilloit la response: «Vraiement, cilz bastars
Henris est uns vaillans chevaliers et plains de grant
proèce, et le muet grandement hardemens à ce qu’il
15nous a escript maintenant.»
Là furent longement ensamble li princes et ses
consaulz. Finablement, il ne peurent estre d’acort
de rescrire, et fu dit au hiraut: «Mon ami, vous ne
vous poés encore partir de ci. Quant il plaira à monsigneur
20le prince, il rescrira par vous, non par autrui.
Si vous tenés dalés nous tant que vous arés
response, car monsigneur le voet ensi.» Li hiraus
respondi: «Diex i ait part!» Ensi demora il dalés le
prince et les compagnons qui le tinrent tout aise.
25§ 567. Che propre jour, au soir, que li hiraus eut
aporté ces lettres au prince, s’avança messires Thumas
de Felleton et demanda un don au prince. Li princes,
qui mies ne savoit quel cose il voloit, li demanda:
«Et quel don volés vous avoir?»—«Monsigneur,
30dist messires Thumas, je vous prie que vous m’acordés
que je me puisse partir de vostre host et chevaucier
[13] 13 devant. J’ay pluiseurs chevaliers et escuiers
de ma sorte, qui se desirent à avancier, et je vous
prommech que nous chevaucerons si avant que nous
sarons le couvine des ennemis ne quel part il se tiennent
5ne se logent.» Li princes li acorda liement et
volentiers celle requeste, et l’en sceut encores grant
gré.
Adonc se departi de l’ost et dou prince li dis messires
Thumas de Felleton, qui se fist chiés de ceste
10chevaucie. En se compagnie se misent chil que je
vous nommerai: premierement messires Guillaumes
de Felleton ses frères, messires Thumas du Fort,
messires Robers Canolles, messires Gaillars Vighier,
messires Raoulz de Hastinghes, messires d’Aghorises et
15pluiseur aultre chevalier et escuier, et estoient huit
vint lances et trois cens arciers, tous bien montés et
bonnes gens d’armes. Et encores y estoient messires
Hues de Stanfort, messires Symons de Burlé et messires
Richars Tanton, qui ne font mies à oublier. Et
20chevaucièrent ces gens d’armes et cil arcier parmi le
royaume de Navare, et avoient ghides qui les menoient.
Et passèrent le rivière d’Emer, qui est moult
forte et moult rade, au Groing, et alèrent logier
oultre en un village que on dist Navaret, et là se
25tinrent pour mieulz oïr et entendre où li rois Henris
se tenoit, et aprendre son couvenant.
Endementrues que ce se faisoit et que cil chevalier
d’Engleterre se logoient au Navaret, et encores se tenoit
li princes en le marce de Pampelune, fu li rois
30de Navare pris en chevauçant de ville à aultre, dou
costé des François, de monsigneur Olivier de Mauni,
dont li princes et tout li Englès et cil de leur lés furent
[14] 14 trop durement esmervilliet. Et supposoient li
aucun en l’ost dou prince que tout par cautele il s’estoit
fais prendre, pour tant qu’il ne voloit point le
prince convoiier plus avant ne aler avoecques lui en
5se compagnie, pour tant que il ne savoit encores
comment la besongne se porteroit dou roy Henri et
dou roy dan Piètre: il n’estoit nuls qui en seuist à
deviner le certain. Mais toutesfois madame sa femme,
la royne de Navare, en fu moult esbahie et desconfortée
10et s’en vint agenoullier devant le prince, en
disant: «Chiers sires, pour Dieu merci, voeilliés entendre
au roy mon signeur qui est pris fraudeleusement
et ne savons comment, et tant faire, chiers
sires, par pité et pour l’amour de Dieu, que nous le
15raions.» Adonc en respondi li princes moult doucement
et dist: «Certes, dame et belle cousine, sa
prise nous desplaist grandement, et y pourverons de
remède temprement. Si vous prions que vous vos
voeilliés reconforter; car, se nous pourfitons en ce
20voiage, sachiés veritablement qu’il y partira, et
n’entenderons à aultre cose, nous revenu, si le rarés.»
La dame de ceste parolle remercia grandement le
prince.
Or fu gouvreneres et baus de tout le royaume de
25Navarre, messires Martins de le Kare, uns moult sages
chevaliers. Chils emprist le prince à mener et à
conduire parmi le royaume de Navare, et li fist avoir
gides pour ses gens, car aultrement il ne seuissent
ne peuissent avoir tenu les destours ne les divers
30chemins. Si se departi li princes de là où il estoit logiés,
et passèrent il et ses gens parmi un pas que
on appelle de Sarris, qui moult leur fu divers à passer,
[15] 15 car il estoit petis et garnis de mauvais chemin.
Et puis passèrent parmi Epuske; si y eurent moult
de disetes, car il y trouvèrent peu de vivres, et tout
sus ce passage, jusques adonc qu’il vinrent à
5Sauveterre.
§ 568. Sauveterre est une moult bonne ville, et
gist auques en bon pays et cras, selonch les marces
voisines. Et est ceste ville de Sauveterre à l’issue de
Navare et à l’entrée d’Espagne; si se tenoit pour le
10roy Henri. Si s’espardirent toutes les hos en celui
pays, et les Compagnes s’avancièrent, qui cuidièrent
aler assallir Sauveterre et prendre de force et toute
pillier. De ce estoient il en grant volenté, pour le
grant avoir qu’il sentoient dedens, que cil dou pays
15d’environ y avoient mis et aporté, sus le fiance de le
forterèce; mais cil de Sauveterre ne veurent mies
attendre ce peril, car il cogneurent et sentirent tantost
que il ne pooient nullement durer contre si grant
host que li princes menoit, se on les assalloit. Si s’en
20vinrent rendre tantost au roy dan Piètre et li crièrent
merci, et li presentèrent les clés de la ditte ville. Li
rois dan Piètres, par le conseil dou prince, les reçut
à merci; aultrement n’euist ce mies esté, car il les
voloit tous destruire. Toutesfois il furent pris à merci,
25et entrèrent li princes, li rois dan Piètres, li rois de
Mayogres et li dus de Lancastre par dedens, et li contes
d’Ermignach et tous li demorans de l’ost se logièrent
par les villages. Nous nos soufferons un petit
à parler dou prince et parlerons de ses gens qui estoient
30à Navaret.
Cil chevalier dessus nommet, qui là se tenoient,
[16] 16 desiroient moult leurs corps à avanchier; car il estoient
cinq journées en sus de leurs gens, quant il se partirent
premierement d’yaus. Et issoient souvent hors
de Navaret et chevauçoient sus le marce des ennemis,
5pour aprendre le couvenant d’yaus ne quel part il
se tenoient. Et ja estoient ossi logiés li rois Henris
sus les camps et toutes ses hos, qui moult desiroient
à oïr et savoir nouvelles dou prince. Et se esmervilloit
moult li dis rois Henris de ce que ses hiraus ne
10revenoit. Si couroient ossi ses gens tous les jours,
pour aprendre nouvelles des Englès jusques à bien
priès de Navaret; et sceut li contes dan Tilles, frères
au roy Henri, qu’il y avoit gens d’armes de leurs ennemis
en garnison en le ville de Navaret. Dont il
15pensa que il les iroit temprement viseter et veoir de
plus priès; mais, ançois qu’il le fesist, il avint que
cil chevalier d’Engleterre chevaucièrent un soir si
avant qu’il s’embatirent ou logeis dou roy Henri. Et
fisent une grant escarmuce, et resvillièrent mervilleusement
20l’ost et en occirent aucuns et prisent; et
par especial li chevaliers dou get fu pris, et s’en
retournèrent au Navaret sans damage. A l’endemain,
il envoiièrent un hiraut au prince qui se tenoit à
Sauveterre, et li segnefiièrent par celi tout ce qu’il
25avoient veu et trouvé, et en quel estat si ennemi
gisoient, et quel poissance il avoient, car il en furent
tout enfourmé par les prisonniers qu’il tenoient. De
ces nouvelles fu li princes tous joians et de ce ossi
que ses gens se portoient si bien sus le frontière.
30Li rois Henris, qui estoit moult courouciés de ce
que cil Englès qui se tenoient à Navaret l’avoient
ensi resvilliet, dist qu’il les voloit approcier. Si se
[17] 17 desloga, et toutes ses gens, de là où il estoient loget,
et avoit en pourpos que de venir logier ens ès plains
devant Victore. Si passèrent la ditte rivière qui keurt
à Nazres, et se traisent tout devant pour venir devers
5Victore. Quant messires Thumas de Felleton et li chevalier
dessus nommet qui au Navaret se tenoient, entendirent
ces nouvelles que li rois Henris avoit rapassé
l’aigue et traioit toutdis avant pour trouver le
prince et ses gens, si eurent conseil et volenté de
10yaus deslogier de Navaret et de prendre les camps,
pour mieus savoir encores le parfaite verité des Espagnos.
Si se deslogièrent de Navaret et se misent as
camps, et envoiièrent les certainnes nouvelles au
prince comment li rois Henris approçoit durement
15et le desiroit par samblant à trouver.
Quant li princes, qui se tenoit encores à Sauveterre,
entendi ce que li rois Henris avoit passet l’aigue et
prendoit son chemin et ses adrèces pour venir vers
lui, si en fu moult resjoïs, et dist si haut que tout
20l’oïrent cil qui estoient autour de lui: «Par ma foy,
cils bastars Henris est uns vaillans et hardis chevaliers,
et li vient de grant proèce et de grant hardement de
nous querre ensi. Et puisqu’il nous quiert et nous le
querons par droit, nous nos devenons temprement
25trouver et combatre. Se est bon que nous nos partons
de ci et alons devant Victore premierement
prendre le lieu et le place, ançois que nostre ennemi
y viennent.» Dont se departirent il à l’endemain
bien matin de Sauveterre, premierement li princes et
30toutes ses gens, et cheminèrent tant qu’il vinrent devant
Victore. Si trouva là li princes ses chevaliers,
monsigneur Thumas de Felleton et les aultres dessus
[18] 18 nommés, asquelz il fist grant feste, et lor demanda
d’unes coses et d’autres. Entrues qu’il se devisoient,
leur coureur raportèrent qu’il avoient veu les coureurs
de leurs ennemis, et tenoient de certain que li
5rois Henris et ses gens n’estoient point lonch de là,
par les assens qu’il avoient veus et le couvenant des
Espagnolz.
§ 569. Quant li princes de Galles entendi ces nouvelles,
si fist sonner ses trompetes et criier à l’arme,
10de cief en cor, toute son host. Quant il oïrent ces
nouvelles, il se remisent et recueillièrent tout ensamble:
si se ordonnèrent et rengièrent moult couvegnablement
sus les camps, par batailles, ensi que il
devoient estre; car cescuns savoit, très au partir de
15Sauveterre, quel cose il devoit faire, ne où il se devoit
traire. Si se ordonnèrent tantost, et se traist cascuns
là où il devoit aler. Là veist on grant noblèce de banières
et de pennons et de toute armoierie. Si vous
di que c’estoit une grant biauté à regarder.
20Là estoit li avantgarde si bien rengie et si bien ordonnée
qu’à parer, de laquele li dus de Lancastre estoit
chiés et gouvreneres, et avoecques lui messires
Jehans Chandos, connestables d’Aquitainnes, liquelz
y estoit moult estoffeement et en grant arroi. Là y eut
25fait par les batailles pluiseurs chevaliers. Si fist li dus de
Lancastre, en l’avantgarde, chevaliers, monsigneur
Raoul Camois, monsigneur Gautier Oursvich, monsigneur
Thumas de Daimeri, monsigneur Jehan de
Grandson, et en fist li dis dus jusques à douze. Et
30messires Jehans Chandos en fist ossi aucuns de bons
escuiers d’Engleterre et de son hostel, c’est à savoir:
[19] 19 Cliton, Courton, Prieur, Guillaumes de Ferinton,
Aymeri de Rocewart, Gaillart de le Motte et monsigneur
Robert Briket. Et li prinches fist chevaliers,
tout premierement dan Piètre le roy d’Espagne,
5monsigneur Thumas de Hollandes, filz à sa femme la
princesse, monsigneur Hue de Courtenay, monsigneur
Phelippe et monsigneur Pierre de Courtenay,
monsigneur Jehan Trivet, monsigneur Nicolas Bonde
et des aultres pluiseurs.
10Et ensi faisoient li aultre signeur, par leurs batailles.
Si en y eut fait ce jour bien trois cens et
plus, et furent là rengié tout ce jour, ensi que
vous oés, pour attendre bataille et leurs ennemis,
se il fuissent trait avant; mais il ne vinrent point ne
15approcièrent de plus priès que li coureur avoient
esté, car li rois Henris attendoit encore grant secours
d’Arragon, et par especial monsigneur Bertran de
Claiekin qui devoit venir à plus de trois mil combatans,
et sans ces gens il ne se fust nient volentiers
20combatus. De tout ce fu li dis princes moult ewireus,
car ossi toute se arrieregarde, où plus avoit de six mil
combatans, estoit en derrière plus de sept liewes
dou pays: de quoi li princes eut, ce jour qu’il furent
rengiet devant Victore, tamainte angousse au coer,
25pour ce que se arrieregarde detrioit tant à venir.
Nequedent, se li Espagnol fuissent trait avant pour
combatre, li princes sans nulle faute les euist recueilliés
et combatus.
§ 570. Quant ce vint au soir et qu’il estoit heure
30de retraire, li doi mareschal, messires Guichars d’Angle
et messires Estievenes de Gousenton, ordonnèrent
[20] 20 et commandèrent de retraire et de tout homme
logier, et que à l’endemain, au son des trompetes,
cescuns se retraisist sus les camps, en ce propre couvenant
où il avoient esté. Tout obeirent à ceste ordenance,
5excepté messire Thumas de Felleton et
se route dont j’ay parlé chi dessus; car il se partirent
ce propre soir dou prince, et chevaucièrent plus
avant pour mieulz aprendre de l’estat des ennemis,
et s’en alèrent logier en sus de l’ost dou prince bien
10deux grans liewes dou pays.
Avint ce soir que li contes dan Tilles, frères germains
au roy Henri, estoit ens ou logeis le dit roy
son frère, et parloient d’armes et d’unes coses et d’autres;
si dist ensi au roy Henri: «Sire, vous savés que
15nostre ennemi sont logiet moult priès de ci, et n’est
nulz qui les resveille. Je vous pri que vous me donnés
congiet que le matin je puisse chevaucier pardevers
yaus, à tout une route de vostres gens qui en sont en
grant volenté, et je vous ay en couvent que nous
20irons si avant que nous vous raporterons vraies ensengnes
et certainnes nouvelles des ennemis.» Li
rois Henris, qui vei son frère en grant volenté, ne li
volt mies oster ne brisier son bon desir, mès li acorda
legierement.
25En celle propre heure, descendi en l’ost li dis messires
Bertrans de Claiekin à plus de trois mil combatans
de France et d’Arragon, dont li rois Henris et
cil d’Arragon furent grandement resjoy; et fu festiés,
honnourés et recueilliés si grandement comme à lui
30apertenoit.
Li contes dan Tilles ne veult mies sejourner sus
son pourpos, mès quist et pria tous les compagnons
[21] 21 qu’il pensoit de grant volenté et à avoir. Et en euist
volentiers priiet monsigneur Bertran de Claiekin,
monsigneur Ernoul d’Audrehen et monsigneur le
Beghe de Velainne et le visconte de Rokebertin, d’Arragon,
5se il euist enduré; mais, pour tant que il estoient
tantost venu, il les laissa, et ossi li rois Henris
li deffendi que point ne leur en parlast. Li contes
dan Tilles s’en passa ossi assés briefment, et en eut
aucuns de France et d’Arragon qui avoient là sejourné
10toute le saison; et fist tant qu’il eut bien six mil
chevaux et les hommes montés sus, tous appareilliés
et bien abilliés, et estoit ses frères Sanses en se
compagnie.
§ 571. Quant ce vint au matin, à l’aube dou jour,
15il furent tout armé et monté à cheval; si se partirent
de l’ost et chevaucièrent en bon couvenant par devers
le logeis des Englès. Environ soleil levant, il encontrèrent
en une valée une partie des gens monsigneur
Huon de Cavrelée et son harnas, qui avoient jeu le
20nuit une grande liewe en sus de l’host dou prince,
et li dis messires Hues meismes. Sitos que cil Espagnol
et François d’un costé les perchurent, il brochièrent
sus yaus et tantost les desconfirent, car il
n’i avoit que mesnies et garçons. Si furent tout tuet
25ou en partie, et li dis harnas conquis.
Messires Hues de Cavrelée, qui venoit par derrière,
fu enfourmés de cest affaire: si tourna un aultre
chemin; mès toutesfois il fu perceus et caciés, et le
couvint fuir, et le demorant de ses gens, jusques en
30l’ost dou duch de Lancastre. Li Espagnol, qui estoient
plus de six mil en une route, chevaucièrent
[22] 22 adonc caudement avant, et se boutèrent de celle empainte
sus l’un des corons de l’avantgarde ens ès logeis
dou dit duch de Lancastre. Si commencièrent à
escriier Castille et à faire un grant esparsin et à ruer
5par terre loges et foellies, et à abattre, ochire et mehagnier
gens, tout ce qu’il en pooient trouver devant
yaus. Li avantgarde se commença à estourmir, et
gens et signeur à resvillier et yaus armer et traire
devant la loge dou duch de Lancastre qui ja estoit
10armés et mis avant, se banière devant soy. Si se traisent
Englès et Gascon moult hasteement sus les camps,
cescuns sires desous se banière ou son pennon, ensi
que ordonné estoit très au partir de Sauveterre, et
cuidièrent adonc moult bien estre combatu.
15Si se traist tantost li dus de Lancastre et se banière
sus une montagne qui estoit assés priès de là, pour
avoir l’avantage. Là vinrent messires Jehans Chandos
et li doi mareschal et pluiseur bon chevalier, qui se
misent tout en ordenance dalés le dit duc. En apriès,
20vinrent li princes et li rois dan Piètres et, tout ensi
comme il venoient, il s’ordonnoient. Et sachiés que
li contes dan Tilles et ses frères avoient avisé à venir
sus ceste montagne et prendre l’avantage, mais il
fallirent à leur avis, ensi que vous oés recorder. Et
25quant il veirent ce qu’il n’i pooient revenir et que li
hos englesce estoit priesque toute estourmie, si se
partirent et recueillièrent ensamble, et chevaucièrent
oultre en bon couvenant, en espoir que de trouver
aucune aventure. Mais, ains leur departement, il y
30eut fait aucunes apertises d’armes, car aucun chevalier
englès et gascon se partirent de leur arroi, et vinrent
ferir en ces Espagnols et en portèrent par terre;
[23] 23 mès toutdis se tenoient les batailles sus la ditte montagne,
car il cuidoient bien estre combatu.
Au retour que cil Espagnol fisent, en eslongant le
prince et en rapprochant leur host, il encontrèrent
5chiaus de l’avantgarde, les chevaliers dou prince,
monsigneur Thumas de Felleton et ses frères, monsigneur
Richart Tanton, monsigneur d’Agorises, monsigneur
Hue de Hastinges, monsigneur Gaillart Vighier
et les autres, qui bien estoient deux cens chevaliers
10et escuiers, Englès et Gascon. Si brochièrent tantos
vers yaus parmi une valée, en escriant: «Castille au
roy Henri!» Li chevalier dessus nommet, qui veirent
devant yaus en leur encontre celle grosse route d’Espagnols,
lesquels il ne pooient eschiewer, se confortèrent
15au mieulz qu’il peurent, et se traisent sus les
camps, et prisent l’avantage d’une petite montagne,
et là se misent tout ensamble. Evous les Espagnols
venus, qui s’arrestèrent devant yaus, en considerant
comment il les poroient avoir et combatre.
20Là fist messires Guillaumes de Felleton une grant
apertise d’armes et un grant oultrage; car il descendi
de la montagne, la lance abaissie, en esporonnant le
coursier, et s’en vint ferir entre les Espagnols, et
consievi un Casteloing de son glave si roidement qu’il
25li perça toutes ses armeures, et li passa la lance parmi
le corps, et l’abati tout mort entre yaus. Là fu li
dis messires Guillaumes environnés et enclos de toutes
pars, et là se combati si vaillamment que nulz chevaliers
mieulz de lui, et leur porta grant damage, et
30moult leur cousta ançois que il le peuissent atierer.
Si frère et li aultre chevalier, qui sus le montagne
estoient, le veoient bien combatre, et les grans apertises
[24] 24 d’armes qu’il faisoit, et le peril où il estoit; mès
conforter ne le pooient, se il ne se voloient perdre.
Si se tinrent tout quoi sus la ditte montagne en leur
ordenance, et li chevaliers se combati tant qu’il peut
5durer. Là fu occis li dis messires Guillaumes de
Felleton.
Depuis entendirent li Espagnol et li François d’un
costet, à requerre et à envaïr les Englès, qui sus le
montagne se tenoient, liquel, ce saciés, y fisent ce
10jour pluiseurs grans apertises d’armes; et à le fois,
d’une empainte, il descendoient et venoient combattre
leurs ennemis, et puis, en yaus reboutant trop
sagement, il se venoient remettre en leur montagne,
et se tinrent en cel estat jusques à haute nonne. Bien
15les euist li dis princes de Galles envoiiet conforter,
se il le seuist, et les euist delivré de ce peril; mès
riens n’en savoit: si leur couvint attendre l’aventure.
Quant il se furent là tenu et combatu jusques à l’eure
que je di, li contes dan Tilles, qui trop anoiiés
20estoit de ce que tant se tenoient, dist ensi tout hault,
et par grant mautalent: «Signeur, par la poitrine de
nous, tenront meshui ci ces gens? Nous les deuissions
ores avoir tous devorés. Avant! Avant! Combatons
les de milleur ordenance que nous n’aions fait. On
25n’a riens, se on ne le compère.»
A ces mos, s’avancièrent François et Espagnol de
grant volenté, et s’en vinrent en yaus tenant par les
bras, dru et espès, bouter de lances et de glaves sus
les Englès, et montèrent de force la montagne, et
30entrèrent ens ès Englès et Gascons, vosissent ou
non, car il estoient si grant fuison que il ne les peurent
rompre ne ouvrir. Là eut fait sus la montagne
[25] 25 moult de belles apertises d’armes, et se combatirent
et deffendirent à leur pooir li Englès et li Gascon
très vaillamment; mès, depuis que li Espagnol furent
entré en yaus, il ne se peurent longement tenir: si
5furent tout pris et conquis par force d’armes, et en
y eut aucuns occis. Onques nulz des chevaliers et
escuiers qui là estoient, n’en escapa, fors aucuns varlès
et garçons, qui se sauvèrent par leurs chevaus et
revinrent au soir en l’ost dou prince et dou duc de
10Lancastre, qui tout le jour s’estoient tenu rengié,
armé et ordonné sus la montagne, car il cuidoient
estre combatu.
§ 572. Apriès le prise et le conquès des dessus dis
chevaliers, li contes dan Tilles et Sanses ses frères et
15leurs gens retournèrent devers leur host, tout liet et
tout joiant, et vinrent au soir ens ès logeis le roy
Henri. Si fisent li doi frère, qui ceste chevaucie
avoient mis sus, present au roy Henri de leurs prisonniers,
et recordèrent là au dit roy, present monsigneur
20Bertran de Claiekin, monsigneur Ernoul d’Audrehen
et aultres, comment le journée il s’estoient
combatu, et quel chemin il avoient fait, et des gens
monsigneur Hue de Cavrelée, qu’il avoient rué jus,
et lui caciet jusques en l’ost le duc de Lancastre, et
25resvilliet moult durement l’ost dou dit duc, et porté
grant damage, et comment il s’en estoient parti, et à
leur retour il avoient encontré ces chevaliers qui pris
estoient. Li rois Henris, qui ces parolles ooit et retenoit
en grant glore, respondi adonc joieusement au
30conte dan Tille son frère, et dist: «Biaus frères,
vous avés grandement bien esploitié, et vous en sçai
[26] 26 bon gré, et le vous guerredonnerai temprement, et
bien saciés que tout li aultre venront par ce pas.»
Adonc s’avança de parler messires Ernoulz d’Audrehen,
et dist: «Sire, sire, salve soit vostre grasce, je
5ne vous voeil pas reprendre de vostre parolle, mès je
le voeil un petit amender, et vous di que, quant vous
assamblerés par bataille au prince, vous trouverés là
droites gens d’armes; car là est la fleur de toute la
chevalerie dou monde, et les trouverés durs, sages
10et bien combatans, ne ja, pour morir, plain piet ne
fuiront. Si avés bien mestier que vous aiiés avis et
conseil sus ce point; mès, se vous volés croire mon
conseil, vous les desconfiriés tous sans ja cop ferir;
car, se vous faisiés tant seulement garder les destrois
15et les passages, par quoi pourveances ne leur puissent
venir, vous les affameriés et desconfiriés par ce
point, et retourroient en leur pays, sans arroy et
sans ordenance, et lors les ariés vous à vostre
volenté.»
20Dont respondi li rois Henris, et dist: «Mareschaus,
par l’ame à mon père, je desire tant à
veoir le prince et de esprouver ma poissance à le
sienne, que ja nous ne nos partirons sans bataille.
Et, Dieu merci, j’ay et arai bien de quoi; car tout
25premierement ja sont en nostre host sept mil hommes
d’armes, montés cescuns sus bon coursier ou
destrier, et tous couvers de fier, qui ne ressongneront
trait ne arcier. Et en apriès, j’en ay bien dix mil
d’autres gens d’armes, montés sus genès et armés de
30piet en cap. Dou sourplus, j’ay bien soissante mil
hommes de communautés, à lances, à archigaies, à
dars et à pavais, qui feront un grant fait, et tout ont
[27] 27 juret que point ne me faurront jusques au morir,
siques, dan mareschaus, je ne me doi mies esbahir,
mès conforter grandement en le poissance de Dieu
et de mes gens.»
5En cel estat finèrent il leur parlement, et aportèrent
chevalier et escuier vin et espisses; si en prisent
li rois et li signeur d’environ, et puis retournèrent
cescuns en lor logeis. Si furent serementé comme
prisonniers, et departi li un de l’autre, li chevalier et
10escuier englès et gascon, qui pris avoient esté le journée.
Or retourrons nous un petit au prince, et parlerons
de sen ordenance.
§ 573. Li princes de Galles et li dus de Lancastre
se tinrent tout ce jour sus la montagne. Au vespre, il
15furent enfourmé de leurs gens qu’il estoient tout
mort et pris. Si en furent durement courouciet, mès
amender ne le peurent. Si se retraisent à leurs logeis
et se tinrent là tout le soir. Quant ce vint au matin,
il eurent conseil de partir de là et de traire plus
20avant et se deslogièrent et s’en vinrent logier devant
Victore. Et furent là tout armé ensi que pour tantos
combatre, car il estoient enfourmé que li rois Henris
et li bastars ses frères et leurs gens n’estoient mies
trop loing, mais il ne traioient point avant. Et sachiés
25que li princes de Galles et leurs gens estoient
en grant defaute de vivres et de pourveances pour
yaus et pour leurs chevaus, car il logoient en moult
mauvais pays et magre, et li rois Henris et ses gens
en bon pays et cras. Si vendoit on en l’ost dou prince
30un pain un florin, encores tout ewireus qui avoir le
povoit, et faisoit moult destroit temps de froit, de
[28] 28 vent, de plueve et de nege: en celle mesaise et dangier
furent il six jours.
Quant li princes et li signeur veirent que li Espagnol
ne trairoient point avant pour yaus combatre
5et que là estoient en grant destrèce, si eurent conseil
que il iroient querre passage ailleurs. Si se deslogièrent
et se misent au chemin, en retournant viers Navare,
et passèrent un pays et uns destrois que on appelle
le pas de la Garde; et quant il l’eurent passet,
10il s’en vinrent à une ville que on appelle Viane. Là
se rafreschirent li princes, li dus de Lancastre, li
contes d’Ermignach, et li signeur deux jours, et puis
s’en vinrent passer la rivière qui depart Navare et
Castille au pont dou Groing. Et s’en vinrent logier
ce jour devant le Groing ens ès vregiés desous les oliviers, 15
et trouvèrent milleur pays que il n’euissent
fait en devant, mès trop avoient grant deffaute de
vivres.
Quant li rois Henris sceut que li princes et ses gens
20avoient passet le rivière au pont au Groing, si se
desloga de Saint Vinchant, où il s’estoit tenus moult
longement, et s’en vint logier devant le ville de Nazres,
sus ceste meisme rivière. Les nouvelles vinrent
au dit prince comment li rois Henris estoit approciés.
25Si en fu durement liés et dist tout en hault: «Par
saint Jorge, en ce bastart a un vaillant homme, et à
ce qu’il moustre, il nous desire à trouver et à combatre.
Si nous trouvera temprement, et nous combaterons,
ce ne poet remanoir nullement.» Adonc appella
30li princes le duc de Lancastre son frère et
aucuns des barons de son conseil qui là estoient, et
rescrisi par leur avis as lettres que li rois Henris leur
[29] 29 avoit envoiies, laquelle fourme des lettres devisoient
ensi.
§ 574. «Edouwars, par le grasce de Dieu, princes
de Galles et dus d’Aquitainnes, à honnouré et renommé
5Henri, conte de Tristemare, qui pour le present
s’appelle rois de Castille. Comme ensi soit que
vous nous avés envoiiet unes lettres par vostre hiraut,
ès queles sont contenu pluiseur article faisant
mention que vous sariés volentiers pourquoi nous
10tenons à ami vostre ennemit nostre cousin le roy dan
Piètre, et à quel title nous vous faisons guerre et
sommes entré à main armée en Castille, respondons
à cestes: saciés que c’est pour soustenir droiture et
garder raison, ensi qu’il apartient à tous rois et enfans
15de roys, et pour enteriner grans alliances, que
nostre signeur de père le roy d’Engleterre et li rois
dans Piètres ont eu de jadis ensamble. Et pour ce
que vous estes renommés aujourd’ui de bonne chevalerie,
nous vous acorderions volentiers à lui, se
20nous poions, et ferions tant par priière envers nostre
cousin le roy dan Piètre, que vous ariés grant part
au royaume de Castille; mès de le couronne et hiretage
vous faut deporter. Si aiiés avis et brief conseil
sur ce, et sachiés encores que nous enterons ou dit
25royaume de Castille, par lequel lés que il nous plaira
le mieus. Escript dalés le Groing, le trentime jour
de march.»
§ 575. Quant ceste lettre fu escripte, on le cloy et
seela, et fu baillie au hiraut qui avoit l’autre aportée
30et qui le response avoit attendu plus de trois sepmainnes.
[30] 30 Si se parti dou prince et des signeurs à tout
grant pourfit, et chevauça tant qu’il vint devant
Nazres, ens ès bruières où li dis rois estoit logiés. Si
vint jusques au logeis dou roy Henri, et là se traisent
5li plus grant baron de l’ost, pour oïr nouvelles, quant
il sentirent leur hiraut revenu. Li dis hiraus s’engenilla
devant le roy Henri et li bailla la lettre que li
princes li envoioit. Li rois le prist et ouvri et appella
au lire monsigneur Bertran de Claiekin et aucuns
10chevaliers de son conseil. Là fu la ditte lettre leute
et bien considerée.
Adonc parla messires Bertrans de Claiekin, et dist
au roy Henri: «Sire, sachiés que temprement vous
vos combaterés: de tant congnoi je bien le prince.
15Si aiiés avis sur ce; car vous avés bien mestier que
vous regardés à vos besongnes, et entendés à vos
gens et à ordener vos batailles.»—«Dan Bertran,
respondi li rois Henris, ce soit ou nom de Dieu!
Le poissance dou prince ne prise jou noient, car
20j’ai bien trois mil chevaus armés qui seront sus les
deux èles de mes batailles. Et arai bien six mil geniteurs
et bien vingt mil hommes d’armes des milleurs
que on puist trouver en toute Castille, Galisse,
Portingal, Cordewan, Toulete et Seville, et dix mil
25de bons arbalestriers et bien soissante mil de piet à
tout lances et archigaies. Et ont tout juret qu’il ne
me faurront pour morir, siques, dan Bertran, j’en
arai le milleur par le grasce de Dieu en qui je me
confie, et le bon droit ossi que j’ay à la querielle et
30à la besongne.»
§ 576. Ensi se devisoient li rois Henris et messires
[31] 31 Bertrans de Claiekin ensamble d’unes coses et d’autres,
et laissièrent à parler des lettres que li princes
avoit envoiies, car c’estoit bien li intention dou roy
Henri et de monsigneur Bertran qu’il se combateroient,
5et entendirent à ordener leurs gens et leurs
besongnes. A ce donc estoient moult renommé et
honnouré en l’ost li contes dan Tilles et li contes
Sanses, pour le chevaucie que il avoit mis sus, et dont
il estoient venu à bon coron.
10Or vous parlerons dou prince comment il persevera.
Quant ce vint au venredi, le second jour dou
mois d’avril, il se desloga de devant le Groing où il
estoit logiés, et toute son host ossi. Et chevaucièrent
ses gens tout armet et rengiet par bataille, ensi que
15pour tantost combatre, car bien savoient que li rois
Henris n’estoit mies loing. Et cheminèrent ce jour
deux liewes et s’en vinrent à heure de tierce droit à
Navaret et là se logièrent. Sitos qu’il eurent pris
terre, li princes envoia ses coureurs devant pour savoir
20le couvenant des ennemis et là où il estoient
logiet. Cil coureur, tantost montés sus fleur de coursiers,
se departirent de l’ost dou prince et chevaucièrent
si avant que il veirent l’ost entierement des
Espagnolz, qui estoient logiet ens ès bruières devant
25Nazres; et ce raportèrent il au prince qui volentiers
en oy parler, et sur ce eut il avis. Quant ce vint au
soir, il fist secretement segnefiier par toute son host,
que, au premier son de le trompète, on s’apparillast;
au secont son, on s’armast, et au tierch, on montast
30à cheval et partesist, en sievant les banières des mareschaus
et le pennon de saint Jorge, et que nulz, sus le
tieste, ne s’avançast d’aler devant, s’il n’i estoit envoiiés.
[32] 32 § 577. Tout en tel manière que li princes de
Galles avoit, ce venredi, sus le soir, envoiiet ses coureurs
devant, pour aviser le couvenant des Espagnolz,
li rois Henris avoit ossi envoiiet les siens, pour aprendre
5de l’estat dou prince et où il estoit logiés et comment.
Si en raportèrent cil qui envoiiet y furent, le
verité, et sur ce eurent li dis rois Henris et messires
Bertrans avis et conseil. Si fisent ce venredi, de haute
heure, toutes leurs gens souper, et puis aler reposer,
10pour estre plus fresc et plus nouviel à heure de mienuit
que ordené estoit de yaulz armer et appareillier
et traire sus les camps et ordener leurs batailles; car
bien supposoient que à l’endemain il se combateroient.
Si se tinrent li Espagnol ce soir tout aise, et
15bien avoient de quoi, de tous vivres très largement;
et li Englès en avoient très grant defaute: pour ce
desiroient il moult à combatre, ou tout perdre ou tout
gaagnier.
Apriès mienuit, sonnèrent les trompètes en l’ost
20dou roy Henri. A ce son, se resvillièrent toutes
gens, et s’armèrent et appareillièrent; au secont son
apriès, environ l’aube dou jour, se traisent il tout
hors de leurs logeis, et se misent sus les camps et
ordonnèrent trois batailles. La première eurent messires
25Bertrans de Claiekin, messires Ernoulz d’Audrehen,
li viscontes de Rokebertin et li contes de
Dune, d’Arragon. Et là furent tout li estragnier, tant
de France comme d’autre pays, et y furent doi baron
de Haynau, li sires d’Antoing et messires Alars, sires
30de Brifueil. Là furent messires li Bèghes de Vellainnes,
li Bèghes de Villers, messires Jehans de Berghètes,
messires Gauwains de Bailluel, li Alemans de Saint
[33] 33 Venant, qui fu là fais chevaliers, et pluiseur aultre
bon chevalier de France, d’Arragon, de Prouvence et
des marces voisines. Si estoient bien en ceste bataille
yaus quatre mil chevalier et escuier, moult frichement
5armé et ordené à l’usage de France. La seconde bataille
eurent li contes dan Tilles et ses frères, li
contes Sanses, et estoient bien en celle ordenance
yaus seize mil, parmi les geniteurs et chiaus à cheval,
et se traisent un petit en sus de le bataille monsigneur
10Bertran, à le senestre main. La tierce bataille
et la plus grosse sans comparison gouvrenoit li rois
Henris, et estoient en son arroi yaus bien sept mil à
cheval et quarante mil de piet, parmi les arbalestriers.
Quant il furent tout ordené, li rois Henris, montés
15sus une mule fort et rade à l’usage dou pays, se
parti de son arroi et s’en ala viseter les signeurs, de
rench en rench, en yaus priant moult doucement
que il vosissent ce jour entendre à garder sen honneur,
et leur remoustroit sa besongne de si bonne
20chière que tout en avoient joie. Et quant il eut ensi
alé de l’un à l’autre, il s’en revint en sa bataille,
dont il s’estoit partis, et tantost fu jours, environ
soleil levant. Si se misent à voie par devers Navaret,
pour trouver leurs ennemis, tout rengiet, serré et ordonné
25par batailles, ensi que pour tantost combatre,
sans fourpasser l’un l’autre.
§ 578. Li princes de Galles, en tel manière, sus
l’aube dou jour, fu trais, et toutes ses gens, sus les
camps, et se misent en leurs batailles, ensi que il devoient
30aler et estre, et se partirent ensi ordonné; car
bien savoient que il enconteroient et trouveroient
[34] 34 leurs ennemis; et ne chevauçoit nuls devant le bataille
des mareschaus, se il n’estoit ordenés pour
courir. Et bien savoient li signeur ens ès deux hos, par
le raport de leurs coureurs, que il se devoient trouver.
5Si chevaucièrent ensi et cheminèrent tout le pas,
li un contre l’autre. Quant li solaus fu levés, c’estoit
grant biautés de veoir ces banières venteler et ces
armeures resplendir contre le soleil. En cel estat
chevaucièrent et cheminèrent tout souef, tant que il
10approcièrent durement l’un l’autre. Et puièrent li dis
princes et ses gens une petite montagne, et au descendre,
il perchurent tout clerement leurs ennemis
qui venoient le chemin droitement vers yaus. Quant
il eurent tout avalé cette ditte montagne, il se traisent
15en leurs batailles sus les camps, et se tinrent tout
quoi. Ossi, si tretost que li Espagnol les veirent, il
fisent ensi et se arrestèrent en leurs batailles. Si
restraindi cescuns ses armeures et mist en point, ensi
que pour tantost combatre.
20Là aporta messires Jehans Chandos sa banière entre
ses mains, que encores n’avoit nulle part boutée
hors, au prince, et li dist ensi: «Monsigneur, vechi
ma banière: je vous le baille par tel manière que il
le vous plaise à desvoleper et que aujourd’ui je le
25puisse lever; car, Dieu merci, j’ai bien de quoi,
terre et hyretage, pour tenir estat, ensi qu’il apartient
à ce.» Adonc prisent li princes et li rois dans Piètres
qui là estoit, la banière entre leurs mains, et le
desvolepèrent, qui estoit d’argent à un peu aguisiet de
30geules, et li rendirent par le hanste, en disant ensi:
«Tenés, messire Jehan, veci vostre banière: Diex
vous en laist vostre preu faire!» Lors se parti messires
[35] 35 Jehans Chandos, et raporta sa banière entre ses
gens, et le mist en mi yaus, et si dist: «Signeur,
veci ma banière et la vostre; or le gardés ensi que
la nostre.» Adonc le prisent li compagnon qui en
5furent tout resjoy, et disent que, s’il plaisoit à Dieu
et à monsigneur saint Gorge, il le garderoient bien
et s’en acquitteroient à leur pooir. Si demora la banière
ens ès mains d’un bon escuier englès que on
appeloit Guillaume Aleri, qui le porta ce jour et qui
10bien et loyaument s’en acquitta en tous estas.
§ 579. Assés tost apriès, descendirent de leurs
chevaus sus le sabelon li Englès et li Gascon et se
recueillièrent et misent moult ordonneement ensamble,
cescuns sires desous se banière et son pennon, en
15arroy de bataille, ensi que ordonné estoient très donc
qu’il passèrent les montagnes. Si estoit ce grans solas
à veoir et considerer les banières, les pennons et le
noble armoierie qui là estoit. Adonc se commencièrent,
et tout de piet, les batailles à esmouvoir.
20Un petit devant l’approcement, et que on venist
ensamble, li princes de Galles ouvri ses yex, en regardant
vers le ciel et joindi ses mains et dist ensi:
«Vrais pères Jhesu Cris, qui m’avés fourmé, consentés
par vostre benigne grasce que la journée d’ui soit
25pour mi et pour mes gens, si com vous savés que,
pour raison et droiture aidier à garder et à soustenir,
et ce roi escaciet et deshireté remettre en son hiretage
et royaume, je me sui ensonniiés et me avance
de combatre.»
30Apriès ces parolles, il tendi le main droite au roy
dan Piètre qui estoit dalés lui et le prist par le main,
[36] 36 en disant ensi: «Sire rois, au jour d’ui sarés vous se
jamais vous auerés riens au royaume de Castille.»
Et puis dist: «Avant, banière, ou nom de Dieu et
de saint Gorge!» A ces mos, li dus de Lancastre et
5messires Jehans Chandos, qui menoient l’avantgarde,
approcièrent. Dont il avint que li dus de Lancastre
dist à monsigneur Guillaume de Biaucamp: «Veslà
nos ennemis, mès vous me verés au jour d’ui bon
chevalier, ou je morrai en le painne.»
10En ces parolles, il approcièrent et li Espagnol ossi
et assamblèrent de premiers li bataille dou duch de
Lancastre et de monsigneur Jehan Chandos à le bataille
monsigneur Bertran de Claiekin et dou mareschal
d’Audrehen, où bien avoit quatre mil hommes
15d’armes.
§ 580. A l’assambler de ceste bataille dont je vous
parolle, eut de premier encontre grant bouteis de
lances et grant estekeis, et furent grant temps en un
estat, ançois que il peuissent entrer li un dedens l’autre.
20Là eut fait tamainte grant apertise d’armes, et
maint homme reversé et jetté par terre, qui onques
puis ne se relevèrent. Quant ces deux premières batailles
furent assamblées, les aultres ne veurent mies
sejourner, mès s’approcièrent et boutèrent ensamble
25vistement. Et s’en vint li dis princes de Galles assambler
à le bataille dou conte dan Tille et dou conte
Sanse, et là estoit li rois dans Piètres de Castille et
messires Martins de le Kare qui representoit le roi
de Navare. Dont il avint ensi que, quant li princes et
30ses gens approcièrent sus le bataille dou conte dan
Tille, li dis contes dan Tilles ressongna et se parti
[37] 37 sans arroi ne riens combatre, on ne scet qu’il li falli,
et bien deux mil hommes à cheval de se route. Si
fu ceste seconde bataille tantost ouverte et desconfite;
car li captaus de Beus et li sires de Cliçon et leurs
5gens vinrent sus chiaus de piet de le bataille dou
conte dan Tille, et les occirent et mehagnièrent et
abatirent et en fisent grant esparsin.
Adonc se radreça li bataille dou prince et dou roy dan
Piètre sus le bataille dou roy Henri, où plus avoit de
10quarante mil hommes, c’à piet, c’à cheval, et là commença
la bataille, et li estours grans et fors de tous
costés; car cil Espagnol et Cateloing avoient fondes,
dont il jettoient pierres et effondroient hyaumes et
bachinés, de quoi il mehagnièrent et occirent tamaint
15homme. Là fu grans li bouteis entre les batailles des
lances et des glaves, et y eut maint homme occis et
mehagnié et mis par terre. Là traioient archier d’Engleterre,
qui de ce sont coustumier, moult aigrement,
et bersoient ces Espagnolz et mettoient en grant
20meschief. Là crioit on d’un lés: «Castille au roy
Henri!» et d’autre part: «Saint Gorge! Giane!»
Et encores se combatoient les premières batailles,
cestes dou duch de Lancastre et de monsigneur Jehan
Chandos, et des deus mareschaus, monsigneur Guichart
25d’Angle et monsigneur Estievene de Cousenton,
à monsigneur Bertran de Claiekin et les chevaliers
de France et d’Arragon. Là y eut fait tamainte grant
apertise d’armes, et furent li un et li aultre moult
fort à ouvrir et à entamer. Et tenoient li pluiseur
30leurs lances à deus mains, et les boutoient en pressant
l’un contre l’autre, et li aucun se combatoient
de courtes espées et de dages. A ce commencement,
[38] 38 se tinrent trop bien et se combatirent moult vaillamment
François et Arragonnois, et y couvint les bons
chevaliers d’Engleterre souffrir moult de painne.
Là fu, je vous di, messires Jehans Chandos très bons
5chevaliers, et y fist, desous sa bannière, pluiseurs
grandes apertises d’armes, et tout en combatant et
reculant ses ennemis, il s’encloy si avant entre yaus,
que il fu pressés et boutés et abatus à terre; et chei
sus lui uns grans homs casteloing, qui s’appelloit
10Martins Ferrans, qui moult estoit, entre les Espagnolz,
renommés d’outrage et de hardement. Cils
mist grant entente à occire monsigneur Jehan Chandos,
et le tint desous lui en grant meschief. Adonc
s’avisa li dis chevaliers d’un coutiel de plates qu’il
15portoit à son chaint: si le trait et feri tant ce dit
Martin ou dos et ens ès costes, que il li embara ou
corps, et le navra à mort, estant sur lui, et puis le
reversa d’autre part. Si se leva li dis messires Jehans
Chandos au plus tost qu’il peut, et ses gens furent
20tout appareilliet autour de lui, qui à grant painne
avoient rompu la presse là où il estoit cheus.
§ 581. Che samedi au matin, entre Nazres et Navaret,
fu la bataille durement grande, felenesce et
horrible, et moult y eut de gens mis en grant meschief.
25Là fu li princes de Galles bons chevaliers, et
li dus de Lancastre ses frères, et messires Jehans
Chandos, messires Guichars d’Angle, li captaus de
Beus, li sires de Cliçon, li sires de Rays, messires
Hues de Cavrelée, messires Eustasses d’Aubrecicourt,
30messires Gautiers Huet, messires Mahieus de Gournay,
messires Loeis de Harcourt, li sires de Pons, li
[39] 39 sires de Partenay. D’autre part, se combatoient li
Gascon, li contes d’Ermignach, li sires de Labreth,
li sires de Pumiers et si frère, li sires de Moucident,
li sires de Rosem, li contes de Pieregorth, li contes
5de Commignes, li viscontes de Karmain, li sires de
Condon, li sires de Lespare, li sires de Chaumont,
messires Bietremiex de Taride, li sires de Pincornet,
messires Bernardet de Labreth, sires de Geronde,
messires Aymeris de Tarste, li soudis de Lestrade,
10messires Petiton de Courton et pluiseur aultre chevalier
et escuier, qui s’acquittoient en armes à leur
loyal pooir.
Desous le pennon saint Jorge et le banière de
monsigneur Jehan Chandos, estoient les Compagnes,
15où bien avoit douze cens pennonchiaus. Là y
avoit des bons chevaliers et escuiers, durs, hardis et
appers, telz que monsigneur Perducas de Labreth,
monsigneur Robert Ceni, monsigneur Robert Briket,
monsigneur Garsis dou Chastiel, monsigneur Gaillart
20Vighier, Jehan Cressuelle, Naudon de Bagherant,
Aymenion d’Ortige, Perrot de Savoie, le bourch
Camus, le bourch de Lespare, le bourc de Bretuel,
Espiote et Lamit et pluiseur aultre. Si vous di que
messires Bertrans de Claiekin et messires Ernouls
25d’Audrehen et li contes Sanses et messires Gommes
Garils, et li chevalier de France et d’Arragon, qui se
combatoient à ces routes, ne l’avoient mies d’avantage,
car ces Compagnes estoient et sont gens durement
fait et usé d’armes.
30Et encores estoient là grant fuison de bons chevaliers
et escuiers d’Engleterre desous le banière
dou duch de Lancastre et ceste de monsigneur Jehan
[40] 40 Chandos. Car là estoient messires Guillaumes de
Biaucamp, filz au conte de Warvich, messires Raoulz
Camois, messires Gautiers Oursvich, messires Thumas
de Daimeri, messires Thumas de Graindson,
5messires Jehans d’Ippre, messires Aymeris de Rochewart,
monsigneur Gaillart de le Motte et plus de
deus cens, tous chevaliers, que je ne puis mies tous
deviser.
Ossi, à parler justement d’armes, li dis messires
10Bertrans de Claiekin et li mareschaus d’Audrehen
et messires li Bèghes de Vellainnes, li sires d’Antoing,
li sires de Brifueil, messires Gauwains de Bailluel,
messires Jehans de Berghètes, li Bèghes de
Villers, li Alemans de Saint Venant et li bon chevalier
15et escuier de France qui là estoient, s’acquittèrent
très loyaument. Et sachiés de verité que, se li
Espagnol en euissent ossi bien fait leur devoir que
cil fisent, li Englès et li Gascon euissent eu plus à
souffrir que il n’eurent.
20Se ne demora il mies au roy Henri que il n’en
fesist bien son devoir de combatre vaillamment et
hardiement, et de reconforter et amonnester ses
gens, et d’aler au devant de chiaus qui branloient
et qui fuioient, en disant ensi: «Signeur, je sui vos
25rois. Vous m’avés fait roy de toute Castille, et juré
et voé que, pour à morir, vous ne me faurrés.
Gardés pour Dieu vostre sierement et ce que vous
m’avés juré et prommis, et vous acquittés envers
moy: je m’acquitterai envers vous, car ja plain piet
30je ne fuirai, tant que je vous voie combatre.» Par
ces parolles et pluiseurs aultres plainnes de confort
remist li rois Henris trois fois ce jour ses gens
[41] 41 ensamble, et il meismes de sa main se combati si
vaillamment, que on l’en doit bien honnerer et
recommender.
§ 582. Moult fu ceste bataille grande et perilleuse,
5et moult y eut de gens mors, navrés, estains et mehagniés.
Si portoient ces communautés d’Espagne à
leur usage fondes, dont il jettoient pierres, et ce
greva au commencement moult les Englès. Mais
quant cilz jès fu passés, et il sentirent ces saiettes, il
10ne tinrent puis nul conroy. Si y avoit il en le bataille
dou roy Henri grant fuison de bonnes gens d’armes,
tant d’Espagne, de Lusebonne, d’Arragon, que de
Portingal, qui s’acquittèrent loyaument et qui ne se
desconfirent mies si tost, mès se combatirent très
15vaillamment de lances, de gisarmes, d’arcigaies,
d’espois et d’espées. Et y avoit encores sus èle, en le
bataille dou dit roy Henri, pluiseurs geniteurs montés
sus chevaus tous armés, qui tenoient leurs batailles
en vertu; car, quant elles branloient ou se voloient
20ouvrir par aucun costé, cil geniteur qui estoient sus
èle, les reboutoient avant et les resviguroient. Si
n’eurent mies li Englès ne li Gascon le journée d’avantage;
mès le comparèrent et achatèrent moult
grandement par bonne chevalerie et par grant proèce
25et vaillandise d’armes; car, au voir dire, avoech le
prince estoit là toute la fleur de la chevalerie dou
monde et li milleur combatant.
Un petit en sus de le bataille dou prince, estoit li
rois James de Mayogres et se route, qui se combatoit
30vaillamment et s’acquittoit à son loyal pooir. D’autre
part, estoit messires Martins de le Kare, qui representoit
[42] 42 le roy de Navare, qui ossi en faisoit bien son devoir.
Je ne puis mies de tous les bons parler; mès, là
dalés le prince et en sa bataille, avoit pluiseurs bons
chevaliers, tant d’Engleterre comme de Gascongne,
5monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur
Thumas le Despensier, monsigneur Thumas de Hollandes,
monsigneur Neel Lorinch, monsigneur Hue et
monsigneur Phelippe de Courtenay, monsigneur Jehan
Trivet, monsigneur Nicolas Bonde et monsigneur
10Thumas Trivet et pluiseurs aultres, telz que le seneschal
de Saintonge, monsigneur Bauduin de Fraiville,
le seneschal de Bourdiaus, le seneschal de le
Rocelle, le seneschal d’Aginois, le seneschal de Poito,
le seneschal d’Angoulesmois, le seneschal de Roerge,
15le seneschal de Limosin, le seneschal de Bigorre,
monsigneur Loeis de Melval, monsigneur Raymon
de Marueil et pluiseurs aultres.
Et saciés que nulz ne s’i faindoit de bien combatre,
et ossi il trouvoient bien à qui; car Espagnol et Catellain
20estoient priès de cent mil testes armées, siques
la grant quantité de peuple les tenoit en vertu, et ne
pooit estre qu’il n’en euist des bien combatans et bien
faisans à leur pooir. Là estoit li rois dan Piètres moult
escaufés, et qui durement desiroit à trouver et à encontrer
25son frère le bastart Henri, et disoit: «Où est
cilz filz de putain, qui s’appelle rois de Castille?» Li rois
Henris se combatoit d’autre part moult vaillamment,
et tenoit ce qu’il pooit ses gens en vertu, et leur
disoit: «Bonnes gens, vous m’avés fait roy et couronné
30roy. Aidiés moy à deffendre et garder l’iretage
dont vous m’avés ahireté.» Telz parolles et aultres,
que ce jour il leur dist, en fisent pluiseurs hardis et
[43] 43 vaillans, et demorer sus les camps, qui pour leur
honneur ne daignoient fuir.
§ 583. La bataille et la route, qui fu le mieulz
combatue et plus entettement, ce fu ceste de monsigneur
5Bertran de Claiekin; car là estoient droites
gens d’armes qui se combatoient et vendoient à leur
loyal pooir, et là furent faites pluiseurs grans apertises
d’armes. Et par especial, messires Jehans Chandos y
fu très bons chevaliers, et consilla et gouvrena ce
10jour le duch de Lancastre en tel manière comme il
fist jadis son frère le prince de Galles, à le bataille de
Poitiers, de quoi il fu moult honnourés et recommendés,
ce fu bien raisons, car un vaillant homme
et bon chevalier, qui ensi s’acquitte envers ses signeurs,
15on le doit moult recommender. Et n’entendi
ce jour onques à prendre prisonnier de sa main, fors
au combatre et toutdis aler avant. Si furent pris de
ses gens et desous sa banière pluiseur bon chevalier
et escuier de France et d’Arragon, et par especial
20messires Bertrans de Claiekin, messires Ernoulz d’Audrehen
et messires li Bèghes de Vellainnes et plus
de soissante bons prisonniers. Finablement, la bataille
à monsigneur Bertran de Claiekin fu desconfite,
et furent tout mort et pris sans recouvrier chil qui y
25estoient, tant de France comme d’Arragon. Et là fu
mors li Bèghes de Villers, et pris li sires d’Antoing
en Haynau, et li sires de Brifueil et messires Gauwains
de Bailluel, messires Jehans de Berghètes, messires
li Alemans de Saint Venant et moult d’aultres.
30Adonc s’en revinrent ces banières et cil pennon, la
banière dou duch de Lancastre, la banière monsigneur
[44] 44 Jehan Chandos et le banière des mareschaus et le pennon
saint Jorge, sus la bataille dou roy Henri, en escriant
à haute vois: «Saint Jorge! Giane!» Lors furent
Espagnol et cil de leur costé moult fort rebouté.
5Là veist on monsigneur le captal de Beus et le signeur
de Cliçon bien combatre; et, d’autre part, monsigneur
Eustasse d’Aubrecicourt, monsigneur Hue de Cavrelée,
monsigneur le soudich, monsigneur Jehan d’Evrues,
furent là bons chevaliers. Là estoit li princes
10en bon couvenant, qui se moustroit bien estre uns
sires et uns bons chevaliers, et requeroit et combatoit
ses ennemis de grant volenté.
D’autre part, li rois Henris, en tous estas, se acquitta
très vaillamment, et recouvra et retourna ses gens par
15trois fois. Car, très donc que li contes dan Tilles et bien
troi mil à cheval se partirent, se commencièrent li
aultre moult à desconfire, et s’en voloient li plus partir
et fuir. Mès li dis rois Henris leur avoit alé au devant,
en disant: «Biau signeur, que faites vous? Pourquoi
20me volés vous ensi guerpir et trahir, qui m’avés fait
roy et mis le couronne ou chief et l’iretage de Castille
en le main? Retournés vous et le m’aidiés à
calengier et deffendre, et demorés dalés moy: la
journée, par la grasce de Dieu, sera à nous.» Siques
25par telz parolles et telz reconfors, encoraga les pluiseurs
et fist combatre longement et là demorer, qui
n’osoient de honte fuir, quant il veoient leur roy et
leur signeur devant yaus. Et moururent plus de mil
et cinq cens, qui se fuissent bien sauvet autrement et
30eussent pris le temps bien à point et à leur avantage.
§ 584. Quant la bataille des mareschaus de France
[45] 45 fu outrée et desconfite, et toutes les trois grosses
batailles des Englès remises ensamble, li Espagnol ne
peurent ce fais souffrir ne porter; mès se commencièrent
à ouvrir, à fuir et yaus desconfire, et retraire
5moult effraeement et sans arroi devers la cité de
Nazres et le grosse rivière qui là couroit; ne, pour
cose que li rois Henris desist ne criast à yaus, il ne
veurent retourner. Quant li dis rois Henris vei le pestilense
et le desconfiture sus ses gens, et que point
10de recouvrier n’i avoit, si demanda sen cheval, et
monta apertement et se bouta entre les fuians, et ne
prist mies le chemin de le rivière ne de le cité de
Nazres, car pas ne s’i voloit enclore, mès une aultre
voie, en eslongant tous perilz: de tant fu il bien
15avisés, car assés sentoit et cognissoit que, se il estoit
pris, il seroit mors sans merci.
Adonc montèrent Englès et Gascon as chevaus, et
commencièrent à cachier et à encauchier Espagnolz
et Cateloins, qui s’en fuioient tout desconfi jusques à
20la grosse rivière et à l’entrée dou pont de la cité de
Nazres. Là eut grant hisdeur et grant effusion de sanc
et moult de gens occis et noiiés; car li plus saloient
en l’aigue, qui estoit rade, noire et hideuse, et s’avoient
plus chier li aucun à noiier que ce qu’il fuissent
25occis d’espée. En celle fuite et cace, avoit entre les
aultres deux vaillans hommes d’Espagne, chevalier
d’armes et portant abit religieus, dont li uns s’appelloit
li grans prieus de Saint Jame, et li aultres, li
grans mestres de Caltrave.
30Cil et une partie de leurs gens se traisent, pour
estre à sauveté, devers le cité de Nazres, et furent
de si priès poursivi, que Englès et Gascon à leur
[46] 46 dos conquisent le dit pont. Et là eut grant occision,
et entrèrent en la cité avoecques les dessus dis,
qui estoient bouté en une forte maison ouvrée et
machonnée de pierre, mais tantos fu conquise, et li
5dessus dit chevaliers pris, et moult de leurs gens
mors, et toute la ditte cité courute, où pillart fisent
grandement leur pourfit. Et ossi fisent il ou logeis le
dit roy Henri et des Espagnolz. Et moult y trouvèrent
cil qui premierement se traisent celle part, moult de
10vaisselle d’argent et de bons jeuiaus; car li dis rois
Henris et ses gens y estoient venu très efforceement et
en très grant arroi. Et quant ce vint à le desconfiture,
il n’eurent mies loisir de retourner celle part
et de mettre à sauveté ce que au matin laissiet y
15avoient.
Si fu ceste desconfiture moult grande et moult horrible,
et par especial saciés que, sus le rivage, il y eut
moult de gens mors. Et disent adonc li aucun, si com
je l’oy depuis recorder chiaus qui y furent, que on
20vei l’aigue au quai desous Nazres, rouge dou sanch
des hommes et des chevaus, qui là furent mors et
occis. Ceste bataille fu entre Nazres et Navaret, en
Espagne, en l’an de l’incarnation Nostre Signeur
mil trois cens soissante et six, le tierch jour dou mois
25d’avril, et ce jour fu samedis.
§ 585. Apriès le desconfiture de le bataille de
Nazres, qui fu toute passée entre nonne et remontière,
li princes de Galles fist mettre sa banière en
un buisson tout hault sus une petite montagne pour
ralloiier ses gens, et là se recueilloient et rassambloient 30
tout chil qui de le cache revenoient. Là vinrent
[47] 47 li dus de Lancastre, messires Jehans Chandos,
li sires de Cliçon, li captaus de Beus, et puis li contes
d’Ermignach, li sires de Labreth et tout li baron,
et levoient en hault leurs banières pour recuellier
5leurs gens, et se rengoient sus les camps à le mesure
qu’il venoient. Là estoit ossi messires James, rois de
Maiogres, se banière devant lui, où ses gens se recueilloient,
et un petit plus en sus messires Martins
de le Kare, le banière son signeur le roy de Navare
10qu’il representoit, devant lui, et ensi tout li conte et
tout li baron: laquele cose estoit belle à regarder et
considerer.
Adonc vint li rois dan Piètres tous escaufés, qui
revenoit de le cace, montés sus un noir coursier,
15se banière armoiie de Castille devant lui, et descendi
à terre si tretost que il perçut le banière dou
prince, et se traist celle part. Li dis princes, quant
il le vei venant, s’avança, pour lui honnourer,
contre li. Là se volt li rois dans Piètres agenoullier,
20en remerchiant le dit prince; mès li princes se hasta
moult de le prendre par le main, et ne le volt mies
consentir. Là dist li rois dan Piètres: «Chiers sires
et biaus cousins, je vous doi moult de grasces et de
loenges donner pour la belle journée que j’ai hui eu
25et par vous.» Dont respondi li princes moult aviseement:
«Rendés ent grasces à Dieu et toute loenge,
car la victore vient de li et non de moy.»
Lors se traisent ensamble là endroit li signeur dou
conseil dou prince, et parlèrent d’autres besongnes.
30Et fu là tant li dis princes, que toutes leurs gens furent
revenu de le cace, et qu’il eut ordonné quatre chevaliers
et quatre hiraus à aler par les camps, pour aviser
[48] 48 quel gent de pris et quel quantité y estoient mort et
demoré, et ossi pour savoir le verité dou roy Henri,
qu’il appelloient entre yaus le bastart, se il estoit
mors ou non; car encores n’en savoient il noient.
5Apriès ceste ordenance, li princes et ses gens se avalèrent
ens ès logeis le dit roy Henri et des Espagnolz.
Si s’espardirent par ordenance tout partout, et se logièrent
bien et aisiement; car li dit logeis estoient
grant et estendut, et moult i trouvèrent largement de
10bonnes pourveances, dont il avoient eu grant souffreté.
Si soupèrent et se tinrent ce soir, ce poés vous
bien savoir, en grant reviel.
Apriès souper, revinrent li chevalier et li hiraut,
qui avoient cerchié les camps et viseté les mors. Si
15raportèrent, par compte, que cinq mil et soissante
hommes d’armes, Espagnolz et François, y estoient
demoret, mais point n’i estoit trouvés li rois Henris:
de quoi li rois dans Piètres n’estoit mies plus liés. Et
entre ces hommes d’armes, il n’avoient trouvé que
20quatre de leurs chevaliers mors, dont li doi estoient
Gascon, li tiers Alemans et li quars Englès, messires
Raoulz de Ferrières; et encores mors, de communautés,
environ sept mil et cinq cens, sans chiaus qui
furent noiiet, dont on ne poet savoir le nombre, et
25des leurs environ vingt arciers et quarante aultres
hommes. Si se tinrent là, ce samedi, dou soir, tout
aise. Bien trouvèrent de quoi, vins et viandes, bien
et plentiveusement, et s’i rafreschirent, et le dimence
tout le jour, qui fu li Paske florie.
30§ 586. Le dimence au matin, à heure de prime,
quant li princes fu levés et appareilliés, si issi devant
[49] 49 son pavillon. Adonc vinrent devers lui li dus de Lancastre,
ses frères, li contes d’Ermignach, li sires de
Labret, messires Jehans Chandos, li captaus de
Beus, li sires de Pumiers, messires Guichars d’Angle,
5li rois de Maiogres, ses compères, et grant fuison de
barons et de chevaliers. Assés tost apriès, vint devers
le prince li rois dans Piètres de Castille, auquel li dis
princes faisoit toute honneur et reverense. Si se
avança de parler li rois dans Piètres, et dist ensi:
10«Chiers et biaus cousins, je vous pri et requier en
amisté, que vous me voelliés delivrer les mauvais
traïtteurs de mon pays, mon frère Sanse le bastart et
les aultres; si les ferai decoler, car bien l’ont
desservi.»
15Adonc s’avisa li princes, et dist ensi au roy dan
Piètre, qui ceste requeste avoit fait: «Sire rois, je
vous pri et requier, en nom d’amour et par linage,
que vous me donnés et acordés un don.» Li rois
dan Piètres, qui nullement ne li euist refusé, li acorda
20et dist ensi: «Mon cousin, tout ce que jou ay,
est vostre.» Lors dist li princes: «Sire rois, je vous
pri que vous pardonnés à toutes vos gens, qui vous ont
estet rebelle, vos mautalens. Si ferés bien et courtoisie,
et si en demorrés plus à pais en vostre dit
25royaume, excepté Gomme Garilz: de cesti voeil jou
bien que vous faciés vo volenté.» Li rois dans Piètres
li acorda ceste requeste; mès fu moult à envis.
Nonpourquant, il ne l’i osa escondire, tant se sentoit il
tenus à lui, et dist: «Biaus cousins, je le vous acorde
30bonnement.»
Là furent mandé tout li prisonnier d’Espagne,
qui estoient en l’ost, devant le prince, et là les acorda
[50] 50 li dis princes au roy dan Piètre leur signeur, et
baisa le conte Sanse son frère, et li pardonna son
mautalent, et ensi tous les aultres. Et parmi tant,
il li eurent en couvent et jurèrent feaulté, hommage
5et service à tenir bien et loyaument à tousjours
mès, et devinrent si homme, et le recogneurent à
roy et à signeur. Ceste courtoisie, avoech pluiseurs
aultres, li fist li princes, lesqueles depuis il recogneut
et desservi assés petitement, si com vous orés avant
10en l’istore. Et ossi li dis princes fist grant courtoisie
as barons d’Espagne, qui prisonnier estoient; car, se
li rois dans Piètres les euist tenus en son aïr, il les
euist tous fait morir sans merci. Là li fu delivrés
messires Gomme Garilz, douquel il n’euist pris
15nulle raençon, tant fort le haioit: si le fist decoler
devant ses yex au dehors des logeis.
Tantost apriès messe et boire, li rois dan Piètres
monta à cheval, et li contes Sanses ses frères et li
mestres de Caletrave et tout cil qui si homme estoient
20devenu, et li doi mareschal messires Guiçars
d’Angle et messire Estievenes de Cousentonne et bien
cinq cens hommes d’armes, et se partirent de l’ost
et dou prince et chevaucièrent viers Burghes. Si y
vinrent le lundi au matin. Cil de le ville de Burghes,
25qui enfourmé estoient de toute la besongne comment
elle avoit alé et de le desconfiture dou roy Henri,
n’eurent mies conseil ne volenté d’yaus clore contre
le roy dan Piètre; mès vinrent pluiseur riche homme
et li plus notable au dehors de le ville, et li presentèrent
30les clés et le rechurent à signeur, et le menèrent
et toutes ses gens en le ditte ville de Burges à
grant joie et solennité.
[51] 51 Ce dimence, tout le jour, se tint li princes ens ès
logeis que il avoit trouvés et conquis, et le lundi apriès
boire il se desloga, et toutes ses gens, et s’en vinrent
ce jour logier à Barbesque. Si y furent jusques au
5merkedi que il s’en vinrent tout devant Burghes, et
entra li dis princes en le ville à grant reverense, et
ossi li dus de Lancastre, li contes d’Ermignach et
aucun grant signeur; et leurs gens tinrent leurs logeis
sus les camps au dehors de Burghes, car tout ne
10peuissent mies estre entré en le ville ne bien aisiet.
Et proprement li dis princes venoit tous les jours en
son logeis et là rendoit et faisoit jugemens d’armes
et de toutes coses à ce apartenans, et y tint gage et
camp de bataille, par quoi on poet bien dire que
15toute Espagne fu un jour à lui et à son obeissance.
§ 587. Li princes de Galles et li rois dan Piètres
tinrent leurs Paskes en le ville de Burghes, et y
sejournèrent, que là environ, plus de trois sepmainnes.
En ce sejour, vinrent cil d’Esturges, de Toulette, de
20Luzebonne, de Cordewan, de Galisse, de Seville et
de toutes les marces et limitations dou royaume de
Castille, faire hommage au roy dan Piètre. Et le vint
veoir et le dit prince cilz loyaus chevaliers de Castille,
dan Ferrans de Castres, liquels fu des dessus dis
25festés et honnourés et veus moult volentiers.
Quant li rois dan Piètres eut là sejourné ce terme que
je vous di et plus, et qu’il eut veu et entendu que nuls
n’estoit mais rebelles à lui, mais en se obeissance, li
princes de Galles, par le information de ses gens et
30pour faire ce qu’il apertenoit, li dist: «Sire rois,
Dieu merci, vous estes sires et rois de vostre pays, et
[52] 52 n’i sentons mès nul rebelle, que tout n’obeissent à
vous, et nous sejournons chi à grant fret. Si vous disons
que vous querés argent pour paiier chiaus qui
vous ont remis en vostre royaume, et nous tenés vos
5couvens, ensi que juré et seelé l’avés: si vos en sarons
gré. Et com plus briefment le ferés, tant y
arés plus de pourfit; car vous savés que gens d’armes
voelent vivre et estre paiiet de leurs gages, où
que il soit pris.»
10A ces parolles respondi li rois dan Piètres, et
dist: «Sire cousins, nous tenrons et acomplirons
à nostre loyal pooir volentiers ce que juré et seelé
avons, mais tant qu’en present, nous n’avons point
d’argent; si nous trairons en le marce de Seville:
15là en procurrons nous tant que pour bien satisfaire
partout. Si vous tenrés chi ou ou Val d’Olif, où
il y a encores plus grasse marce, et nous retourrons
devers vous, au plus tost que nous porons, et au plus
tart dedens le Pentecouste.» Ceste response plaisi
20adonc moult bien au prince et à son conseil.
Si se parti depuis assés briefment li rois dans Piètres
dou dit prince, et chevauça devers le cité de Seville,
sur le intention de ce que pour procurer et impetrer
argent, ensi que couvens se portoit. Et li princes s’en
25vint logier en le ville dou Val d’Olif, et tout li signeur
et ses gens s’espardirent sus le pays, pour trouver
et avoir vivres et pourveances pour yaus et pour leur
chevaus plus largement. Si y sejournèrent à peu de
pourfit, car les Compagnes ne se pooient tenir de
30pillier.
§ 588. Or furent esparses ces nouvelles en France,
[53] 53 en Engleterre, en Alemagne et en tous pays, que li
princes de Galles et se poissance avoient desconfi par
bataille le roy Henri, et mort et pris ou cachiet en voies
ou noiiet, à ce jour que la bataille fu dalés Nazres,
5plus de cent mil hommes. Si en fu li dis princes renommés
et honnourés de bonne chevalerie et de
haute emprise, en tous les lieus et marces où on en
ooit parler, et par especial en l’empire d’Alemagne et
ou royaume d’Engleterre. Et disoient li Alemant, li
10Thiois, li Flamenc et li Englès, que li princes de
Galles estoit la fleur de toute la chevalerie dou monde,
et que uns telz princes estoit dignes et tailliés de
gouvrener tout le monde, quant par sa proèce il
avoit eu trois si hautes journées et si notables: la
15première à Creci en Pontieu; la seconde, dix ans
apriès, à Poitiers; et la tierce, ossi dix ans apriès, en
Espagne, devant la cité de Nazres.
Si en fisent en le cité de Londres, en Engleterre, li
bourgois de la ditte ville le solennité toute sus, pour le
20victore et le triumphe, ensi que anciennement on faisoit
pour les rois qui avoient obtenu place et desconfis leurs
ennemis. Si furent en France regreté et lamenté li bon
chevalier de leur royaume, qui avoient estet mort et
pris à le journée, et par especial messires Bertrans
25de Claiekin et messires Ernoulz d’Audrehen. Si finèrent
il depuis moult courtoisement, et furent li aucun
mis à finance; mès messires Bertrans de Claiekin ne
le fu mies si tost, car messires Jehans Chandos qui
estoit ses mestres, ne le voloit point delivrer, et ossi
30li dessus dis messires Bertrans n’i pressoit point
plenté. Or vous parlerons un petit dou roy Henri et
comment il persevera, quant il se parti de le bataille,
[54] 54 et puis retourrons au prince et au roy dan Piètre de
Castille.
§ 589. Li rois Henris, si com chi dessus est dit, se
sauva au mieulz qu’il peut, et eslonga ses ennemis,
5et enmena sa femme et ses enfans, au plus hasteement
qu’il peut, en le cité de Valence en Arragon, là
où li dis rois d’Arragon se tenoit, qui estoit ses compères
et ses amis, auquel il recorda toute sen aventure,
et pour lequele li dis rois d’Arragon fu moult
10courouchiés.
Assés tost apriès, li rois Henris eut conseil que
il passeroit oultre et iroit veoir le duc d’Ango, qui
pour le temps se tenoit à Montpellier, et li recorderoit
ossi se mesescance. Cilz avis plaisi bien
15au dit roy d’Arragon, et consentoit bien que il se
partesist, pour tant qu’il estoit ennemis au prince,
qui li estoit encores trop priès voisins. Si se parti li
dis rois Henris dou roy d’Arragon, et laissa en le cité
de Valence sa femme et ses enfans, et esploita tant
20par ses journées, que il passa Nerbonne qui est la
première cité dou royaume de France à ce lés là, et
puis Besiers et Loupian et tout le pays, et vint à
Montpellier. Là trouva il le duc d’Ango qui moult
l’amoit et qui trop fort haoit les Englès, quoique il
25ne leur fesist point de guerre: liquelz dus, qui tous
enfourmés estoit de l’afaire le roy Henri, le rechut et
recueilla moult liement et le reconforta de ce qu’il
peut; et fu avoecques lui une espasse de temps, et
vint en Avignon veoir le pape Urbain Ve, qui se devoit
30partir et aler à Romme, ensi qu’il fist.
Depuis retourna li dis rois Henris à Montpellier devers
[55] 55 le duch d’Ango, et eurent conseil et trettiés ensamble.
Et me fut adonc dit et recordet par chiaus qui en
cuidoient bien aucune cose savoir, et depuis on en vei
l’apparant, que li rois Henris acata ou emprunta au
5duch d’Ango un chastiel seant dalés Tholouse, sus les
frontières de le princeté, lequel chastiel on appelle
Rokemore. Là recueilla il et assambla gens, Bretons et
aultres, de Compagnes, qui n’estoient point passet
oultre en Espagne avoech le prince, et furent à ce
10commencement environ trois cens.
Ces nouvelles vinrent à madame la princesse qui
se tenoit à Bourdiaus, que li rois Henris pourcaçoit
confort et ayde de tous costés, pour faire guerre à
le prinçauté et ducé d’Acquitainne; si en fu toute
15esbahie, et pour tant qu’il se tenoit encores sus le
royaume de France, elle en escrisi et envoia grans
messages par devers le roy de France, en lui suppliant
moult chierement que il ne vosist mies consentir
que li bastars d’Espagne li fesist guerre et euist
20son retour et son ressort en France, car trop grans
mauls en poroit nestre et venir. Li rois Charles de
France descendi legierement à le priière le princesse
et envoia message quoiteusement devers le bastart
Henri, qui se tenoit en ce chastiel de Rokemaure, sus
25les frontières de Montalben, et qui commençoit ja à
heriier le pays d’Acquitainne et la terre dou prince,
en lui mandant et commandant qu’il ne fesist, lui
estant ne sejornant sus son royaume, point de guerre
à le terre son chier neveu le prince de Galles et
30d’Acquittainnes. Et encores, pour donner plus grant exemple
à ses gens que point ne se aherdesissent avoech
le bastart Henri, il fist le jone conte d’Auçoirre aler
[56] 56 tenir prison ens ou chastiel dou Louvre, pour tant
que estoit en grans trettiés devers le roy Henri, et
y devoit aler à tout grant gent d’armes, ce disoit on:
pour ce li fist li rois brisier son pourpos.
5Au mandement dou roy de France obei li rois Henris,
ce fu bien raisons; mais pour ce ne laissa il mies à faire
se emprise, et se parti de Rokemaure à tout bien quatre
cens Bretons. Si estoient alloiiet et ahers avoecques
lui cil chevalier et escuier breton qui chi s’ensievent:
10messires Ernoulz Limozins, messires Joffrois Richon,
messires Yons de Lakonet, messires Selevestre Bude,
Aliot de Talay et Alains de Saint Pol. Et vinrent ces
gens d’armes, Breton et aultre, à chevauçant radement,
parmi les montagnes, et entrèrent en Bigorre,
15en le princeté, et prisent de nuit et eschiellèrent une
ville que on appelle Baniers: si le fortefiièrent et
remparèrent bien et fort, et puis chevaucièrent en le
terre dou prince, et le commencièrent à courir, et y
portèrent grant damage. Mais la princesse y envoia
20au devant monsigneur Jame d’Audelée, qui estoit
demorés en Aquittainne tous souverains et gouvrenères
pour garder le pays. Non obstant ce, se y fisent
li rois Henris et li Breton moult de damage, car tousjours
leur croissoient gens.
25Or retourrons nous au prince de Galles et à ses
gens qui se tenoient ou Val d’Olif et là environ, en
attendant la revenue dou roy dan Piètre, qui point
ne revenoit ne tenoit son jour, ensi que dit avoit,
dont li princes estoit tous anoieus.
30§ 590. Quant li princes de Galles eut sejourné ou
Val d’Olif jusques à le Saint Jehan Baptiste en esté,
[57] 57 et encores oultre, attendans le roy dan Piètre, qui
point ne revenoit, ne de lui nulles certainnes nouvelles
il n’ooit, si fu moult merancolieus, et mist son
conseil ensamble, pour savoir quel cose en estoit
5bonne à faire. Si fu li princes consilliés que il envoiast
deux ou trois chevaliers des siens devers le dit
roy, pour li remoustrer ces besongnes et demander
pourquoi il ne tenoit son couvent et son jour, ensi
que ordonné avoit. Si furent priiet d’aler devers le
10roy dan Piètre messires Neel Lorinch, messires Richars
de Pontchardon et messires Thumas Balastre.
Si esploitièrent tant li chevalier dou prince, et
chevaucièrent tant par leurs journées, que il vinrent en
le cité de Seville, là où li rois dan Piètres se tenoit,
15qui les rechut par samblant assés liement. Cil chevalier
fisent leur message bien et à point, tout ensi que
cargié estoient de par leur signeur le prince. Li rois
dans Piètres respondi à ces parolles, en lui escusant,
et dist: «Certes, signeur, il nous desplaist grandement
20de ce que nous ne poons tenir ce que en couvent
avons à nostre cousin le prince. Si l’avons nous
par pluiseurs fois remoustré et fait remoustrer à nos
gens ens ès marces par de deçà; mès nos gens s’escusent,
et dient ensi que il ne poeent faire point d’argent
25ne ne feront, tant que ces Compagnes soient sus
le pays. Et ja ont il ruet jus et tout desrobés trois ou
quatre de nos tresoriers qui portoient finance devers
nostre cousin le prince: se li dirés, de par nous, que
nous le prions que il se voeille retraire et mettre hors
30de nostre royaume ces maleoites gens de Compagnes,
et nous laisse par de deça aucuns de ses chevaliers,
asquelz, ou nom de lui, nous paierons et deliverons
[58] 58 l’argent tel qu’il le demande, et où nous sommes
tenu et obligiet.» Ce fu toute la finable response
que li messagier dou prince en peurent avoir. Si se
partirent dou roy dan Piètre et retournèrent arrière
5devers le prince ou Val d’Olif. Se li comptèrent et à
son conseil tout ce que oy et trouvé avoient: de
laquele response li dis princes fu plus merancolieus
que devant, et vei bien que li rois dan Piètres li
defalloit de couvent et varioit de raison à faire.
10En ce sejour que li dis princes fist ou Val d’Olif, où
il fu plus de quatre mois, tout l’estet ensievant, ajut
tous quois malades au lit li rois de Mayogres, dont
li princes fu moult courouciés. Ossi furent là mis à
finance et rançonné messires Ernouls d’Audrehen,
15messires li Bèghes de Vellainnes et pluiseur chevalier
de France et de Bretagne, qui avoient esté pris à le
besongne de Nazres, et escangiet pour monsigneur
Thumas de Felleton, pour monsigneur Richart Tanton,
pour monsigneur Huge de Hastinges et pour les
20aultres; mès encores demora ens ou dangier dou prince
messires Bertrans de Claiekin, ne point ne fu rançonnés
si tost que li aultre; car li Englès et li consauls
dou prince disoient ensi que, se il estoit rançonnés
ne delivrés, il feroit de recief plus forte
25guerre que devant, avoech le bastart Henri: douquel
li princes estoit ja enfourmés que il estoit en Bigorre,
et avoit pris le ville de Baniers et guerrioit et herioit
durement son pays; pour laquel cose la delivrance
à monsigneur Bertran n’estoit pas si belle ne si hastieve,
30et tout li couvenoit porter.
§ 591. Quant li princes de Galles oy les escusances
[59] 59 dou roy dan Piètre, si fu plus pensieus que devant,
et en demanda à avoir conseil. Ses gens, qui desiroient
moult à retourner, car il portoient à grant meschief
le caleur et l’air dou pays d’Espagne, et meismement
5li princes en estoit tous pesans et maladieus, se li
consillièrent qu’il retournast et que, se li rois dans
Piètres l’avoit defalli, il faisoit son blasme et sa
deshonneur. Adonc fu ordonné et anoncié partout que
d’yaus mettre au retour. Quant ce vint sus le mouvoir
10et le departement, li princes envoia devers le
roy de Mayogres à son hostel monsigneur Jehan
Chandos et monsigneur Hue de Courtenay, en li remoustrant
comment il voloit partir et issir d’Espagne,
si euist sur çou avis; car trop à envis le lairoit derrière,
15ou cas qu’il s’en vorroit retourner. Li rois de
Mayogres respondi as dessus dis chevaliers et dist:
«Grant mercis à monsigneur le prince, nostre chier
compère; mès, tant qu’en present, je ne poroie souffrir
le chevaucier ne porter en littière. Se me couvient
20chi demorer et sejourner jusques au plaisir de
Dieu.» Adonc parlèrent li chevalier encores, et li
demandèrent: «Monsigneur, et volés vous que messires
li princes vous laisse une quantité de gens d’armes,
pour vous garder et raconduire, quant vous
25serés en point de chevaucier?» Il respondi que nennil
et qu’il ne savoit com lonch sejour il feroit. Lors
prisent congiet li doi baron dou roy de Mayogres, et
retournèrent devers leur signeur le prince, auquel il
recordèrent tout ce qu’il avoient esploitié et les responses
30dou roy de Mayogres. Li princes respondi et
dist: «A le bonne heure.»
Dont se parti li princes et toutes ses gens, et se
[60] 60 mist au retour devers une bonne cité, que on dist
Madrigay, et là se rafreschi, et puis s’en vint logier
ou val de Sorie, sus le departement d’Espagne, de
Navare et d’Arragon. Et là sejourna li dis princes plus
5d’un mois et toutes ses gens, car aucun passage li estoient
clos sus les marces d’Arragon. Et disoit on
communement en l’ost que li rois de Navare, qui
nouvellement estoit retournés de se prison, s’estoit
composés au bastart d’Espagne et au roy d’Arragon,
10et devoit empeechier de tout son pooir le passage et
le retour dou prince et de ses gens; mais il n’en fu
riens, si com il apparut puissedi. Nompourquant, li
Englès et li Gascon et les Compagnes en fisent doubte,
pour tant qu’il estoit en son pays et se ne venoit
15point devers le prince.
En ce sejour faisant ou val de Sorie, li dis princes
envoia les plus especiaulz de son conseil sus
un certain pas entre Espagne et Arragon, là où li
consauls dou dit roy d’Arragon fu ossi à l’encontre,
20et là eurent grans parlemens ensamble et par pluiseurs
journées. Finablement trettiés et conseil se
portèrent telement que li rois d’Arragon deut ouvrir
son pays pour laissier retourner paisieulement
les gens dou prince; et ossi il devoient passer sans
25molesté ne violense faire nul au pays, et paiier courtoisement
tout ce qu’il prenderoient. Adonc vinrent
li rois de Navare et messires Martins de le Kare
contre le prince, quant il sceurent que li trettiés se
portoit ensi entre le prince et le roy d’Arragon, et
30li fisent toute l’onneur et reverense qu’il peurent, et
li offrirent doucement passage pour lui et pour son
frère le duch de Lancastre et pluiseurs barons et chevaliers
[61] 61 d’Engleterre et de Gascongne, mais il voloient
bien que les Compagnes presissent un aultre chemin
que parmi Navare. Li princes et li signeur, qui
veoient leur chemin et leur adrèce plus propisce
5parmi Navare que sus les marces d’Arragon, ne veurent
mies renoncier à ceste courtoisie, mès en remerciièrent
grandement le roy et son conseil. Ensi
se departirent ces gens d’armes et les hos dou prince,
et se misent au retour, et rapassèrent au plus courtoisement
10qu’il peurent.
Si passa li dis princes parmi le royaume de Navare,
et le raconvoiièrent li dis rois de Navare
et messires Martins de le Kare jusques au pas de
Raincevaus. Et tant esploita adonc li dis princes
15qu’il vint en le cité de Bayone; où il fu receus à
grant joie. Et là se rafresci et reposa quatre jours,
et puis s’en parti et revint à Bourdiaus, où on le
reçut à grant solennité. Et vint madame la princesse
contre lui, qui faisoit porter Edouwart son
20ainsné fil, qui pooit avoir d’eage à ce jour environ
trois ans. Ensi se departirent ces gens d’armes li un
de l’autre, et se retraisent li signeur, baron et chevalier
de Gascongne en leurs maisons, et tout li senescal
en leurs senescaudies. Et les Compagnes,
25ensi que il revenoient et rapassoient, se recueilloient
en le princeté, en attendant argent et paiement, car
li princes estoit grandement tenus à yaus. Si les voloit,
ce disoit, tous satisfaire à son pooir, où c’argens
fust pris ne à quel meschief: ja fust ensi que li
30rois dans Piètres ne li euist point tenus ses couvens,
se ne le devoient mies, ce disoit li princes, cil qui
l’avoient servi, comparer.
[62] 62 Si tost que li rois Henris, qui se tenoit en le garnison
de Baniers en Bigorre et estoit tenus tout le
temps, entendi que li princes estoit retournés d’Espagne
en le princeté, il se parti de là à tout ce qu’il
5avoit de gens d’armes, Bretons et Compagnes, et
entra en Arragon, et vint devers le roy d’Arragon,
qui moult l’amoit et qui liement le rechut. Là se tint
tout l’ivier avoecques lui, et eurent de rechief alliances
entre li et le roy d’Arragon, pour guerriier le
10roy dan Piètre. Et couroient ja les routes de Bretons
qui s’estoient ahers avoecques lui, desquelz estoient
chapitainne messire Hernaulz Limozins, messires
Joffrois Ricon et messires Yons de Lakonet, sus le
pays d’Espagne, et y faisoient guerre pour le roy
15Henri. Or parlerons nous de la delivrance monsigneur
Bertran de Claiekin.
§ 592. Apriès ce que li princes de Galles fu retournés
en Aquitainne, et ses frères li dus de Lancastre
en Engleterre, et ensi tout li baron sus leurs lieus,
20demora encores prisonniers messires Bertrans de
Claiekin au prince et à monsigneur Jehan Chandos,
et ne pooit venir à raençon ne à finance, dont moult
desplaisoit au roy Henri, se amender le peuist. Or
avint, si com je fui adonc et depuis enfourmés, que
25un jour li princes de Galles estoit en goges, si vei devant
lui ester monsigneur Bertran de Claiekin. Si
l’appella et li demanda comment il li estoit. «Monsigneur,
respondi messires Bertrans, il ne me fu, Dieu
merci, onques mès mieulz, et c’est drois qu’il me
30soit bien, car je sui li plus honnourés chevaliers dou
monde, quoique je demeure en vos prison, et vous
[63] 63 sarés pourquoi et comment. On dist, parmi le royaume
de France et ailleurs ossi, que vous me doubtés
et ressongniés tant que vous ne m’osés mettre hors
de vostre prison.»
5Li princes de Galles entendi ceste parolle et
cuida bien que messires Bertrans le desist à bon
sens, car voirement ses consaulz ne voloit nullement
que il euist encores sa delivrance, jusques adonc
que li rois dans Piètres aroit paiiet le prince et
10tout ce qu’il estoit tenus envers lui et ses gens. Si
respondi: «Voires, messire Bertran, pensés vous
donc que pour vostre chevalerie nous vous retenons?
Par saint Gorge! nennil; et, biau sire, paiiés cent
mil frans, et vous serés delivrés.» Messires Bertrans,
15qui desiroit sa delivrance et à oïr sus quele fin
il pooit partir, hapa ce mot et dist: «Monsigneur, à
Dieu le veu, je n’en paierai mies mains.» Si tretost
que li princes l’oy ensi parler, il se repenti, ce dist
on; car ses consaulz li ala au devant, et li disent:
20«Monsigneur, vous avés trop mal fait, quant si legierement
vous l’avés rançonné.»
Et volsissent bien adonc les gens dou prince que il
se fust repentis et euist brisiet ceste couvenence. Mès li
princes, qui fu sages et loyaus chevaliers toutdis, en
25respondi bien à point, et dist: «Puisque acordé li
avons, nous li tenrons, ne ja n’en irons arrière. Blasmes
et virgongne nous seroit, se reprocié nous estoit que
nous ne le vosissions mettre à finance, quant il s’i voet
mettre si grossement que paiier cent mil frans.» Depuis
30ceste ordenance, messires Bertrans fu songneus et
diligens de querre finance et de paiier et de priier ses
amis, et esploita si bien que, parmi l’ayde qu’il eut
[64] 64 dou roy de France et dou duch d’Ango qui moult
l’amoit, il paia sus mains d’un mois les cent mil
frans, et s’en vint servir le duch d’Ango, à bien deux
mil combatans, en Prouvence, qui seoit pour le temps
5devant le ville de Tarascon, qui se tient ou tenoit
pour le royne de Naples.
En ce temps, fu trettiés li mariages de monsigneur
Lyon, fil au roy d’Engleterre, duch de Clarense et
conte de Dulnestre, à le fille monsigneur Galeas, signeur
10de Melans, laquele jone dame estoit nièce à
monsigneur le conte de Savoie, et fille de madame
Blance sa suer. Si se porta si bien trettiés et consaulz
entre les parties, que li mariages fu acordés, et vint
li dis dus de Clarense, acompagniés grandement de
15chevaliers et d’escuiers d’Engleterre, en France, où
li rois et li dus de Bourgongne et li dus de Bourbon
et li sires de Couci le recueillièrent grandement et
liement en France et à Paris. Et passa li dessus dis
dus parmi le royaume de France et vint en Savoie,
20où li gentilz contes de Savoie le rechut très honnerablement
en Chamberi, et fu là deux jours en très
grans reviaus de danses, de caroles et de tous esbatemens.
Au tierc jour, il parti, et le conduisi li dis
contes de Savoie jusques à Melans, et là espousa il sa
25nièce, la fille à monsigneur Galeas, le lundi apriès le
Trinité, l’an mil trois cens soixante huit. Or retourrons
as besongnes de France.
§ 593. Vous avés bien chi dessus oy recorder dou
voiage que li princes de Galles fist en Espagne, et
30comment il se parti maucontens dou roy dan Piètre
et retourna arrière en Acquitainne. Quant il fu revenus,
[65] 65 toutes manières de gens d’armes et de Compagnes
le sievirent, tant pour ce que il ne voloient
mies demorer en Espagne, que pour estre paiiet de
leurs gages, ensi que au partir couvens se portoit:
5siques, quant il furent trestout retournet, li princes
n’eut mies ses paiemens si appareilliés que il volsist,
car li voiages d’Espagne l’avoit si miné et effondré
d’argent, que merveilles seroit à penser.
Or sejournoient ces gens de Compagnes sus son pays
10d’Aquitainne, qui ne se pooient toutdis tenir de malfaire,
et estoient bien six mil combatans. Si leur fist
dire li princes et priier que il volsissent bien issir hors
de son pays et aler ailleurs pourcachier et vivre, car il
ne les y voloit plus soustenir. Les capitainnes des Compagnes,
15qui estoient tout ou Englès ou Gascon, telz que
messires Robers Brikés, Jehan Cressuelle, messires Robers
Ceni, messires Gaillars Vigier, le bourch de Bretueil,
le bourch Camus, le bourch de Lespare, Naudon
de Bagerant, Bernart de la Salle, Hortingo et Lamit
20et pluiseur aultre, ne voloient mies courouchier le
prince; mès vuidièrent le princeté dou plus tost
qu’il peurent, et entrèrent en France qu’il appelloient
leur cambre, et passèrent le grosse rivière de Loire,
et s’en vinrent en Campagne et puis en l’archevesquié
25de Rains, en l’evesquiet de Noion et de Soissons, et
toutdis leur croissoient gens. Et estoient si conforté
de leurs besongnes que il euissent, à ce qu’il moustroient,
volentiers combatu les François, n’euissent
cure où, pour yaus enventurer. Et cerchièrent en
30ce temps tout le royaume de France, et y fisent
moult de maulz et de tribulations et de villains fais,
dont les plaintes en venoient tous les jours au roy
[66] 66 de France et à son conseil, et se n’i pooient mettre
remède, car on ne s’osoit enventurer pour yaus combatre.
Et disoient bien cil qui pris estoient, car toutdis
on les poursievoit et costioit à gens d’armes, si
5ne se pooient mies si bien garder qu’il n’en y euist
des atrapés, que li princes de Galles les envoioit là,
dont li royaumes estoit tous esmervilliés, pourquoi
couvertement li princes les faisoit guerriier, et moult
diversement en parloient sus se partie. Si manda
10adonc li rois de France le signeur de Cliçon, et en
fist un grant chapitainne contre ces Compagnes, pour
tant qu’il estoit bons chevaliers et hardis, et s’enamoura
grandement li rois de France de lui.
En ce temps, fu li mariages fais dou signeur de Labreth
15et de madame Ysabiel de Bourbon, soer au
duc Loeis de Bourbon et à la royne de France et à
madame Bonne, contesse de Savoie: dou quel mariage
li princes de Galles ne fu noient resjoïs, mès
euist plus chier que li sires de Labreth se fust mariés
20ailleurs.
§ 594. Entrues que ces Compagnes couroient en
France, fu li princes de Galles consilliés d’aucuns de
son conseil pour eslever un fouage en Aquitainne. Et
par especial li evesques de Bade, ses canceliers, y rendi
25grant painne à lui consillier, car li estat dou prince
et de madame la princesse estoient adonc si grant et
si estoffet que nulz aultres de prince ne de signeur,
en crestiennetet, ne s’acomparoit au leur, de tenir
grant fuison de chevaliers et d’escuiers, de dames et
30de damoiselles, et de faire grans frès. Au conseil de
ce fouage furent appellet tout li baron de Gascongne,
[67] 67 de Poito et de Saintonge, asquelz il en apertenoit à
parler, et pluiseur riche homme des cités et des bonnes
villes d’Aquitainne. Là leur fu remoustré à Niorth,
où cilz parlemens estoit assamblés, especialment et
5generalment de par le dessus dit evesque de Bade,
cancelier d’Aquitainne, et present le prince, sus quel
estat on voloit eslever ce fouage, lequel fouage li
princes n’avoit mies intention de longement tenir
ne faire courir en son pays, fors tant seulement cinq
10ans, tant qu’il fust espaiiés dou grant argent qu’il
devoit, acrut par le voiage d’Espagne.
A celle ordenance tenir et obeir estoient assés d’acort
cil de Poito, de Saintonge, de Limozin, de Roerge et
de le Rocelle, parmi tant que li princes devoit tenir ses
15monnoies estables sept ans. A ce pourpos refusoient
et varioient cil des hautes marces de Gascongne, li
contes d’Ermignach, li sires de Labreth ses neveus,
li contes de Pieregorth, li contes de Commignes, li
viscontes de Carmain, li sires de la Barde, li sires de
20Taride, li sires de Pincornet et pluiseur aultre hault
baron et grant chevalier, tout de ces marces et cités
et bonnes villes de leur ressort. Et disoient que, dou
temps passé et qu’il avoient obei au roy de France,
il n’avoient esté grevé ne pressé de nul souside, imposition,
25fouage ne gabelle, ne ja ne seroient, tant
que deffendre le poroient, et que leurs terres et signeuries
estoient franches et exentes de toutes debites,
et à tenir en cel estat li princes leur avoit juret.
Non obstant ce, pour yaus partir amiablement de ce
30parlement et dou prince, il respondirent qu’il en
aroient avis et metteroient ensamble, yaus retourné,
pluiseurs prelas, evesques, abbés, barons et chevaliers,
[68] 68 asquelz il en touchoit bien à parler, et en
aroient plus grant déliberation de conseil qu’il n’avoient
là presentement. Li princes de Galles ne ses
consaulz n’en peurent adonc avoir aultre cose.
5Ensi se departi cilz parlemens de le ville de Niorth,
et retournèrent cescuns en leurs lieus; mès il leur fu
commandé et ordené de par le prince qu’il fuissent
là tout revenu, dedens un jour qui assignés y fu. Or
retournèrent cil baron et cil signeur de Gascongne
10en leur pays, qui bien affremèrent que, sus l’estat
dont parti estoient devers le prince, plus ne retourroient,
ne que ja, pour faire guerre au prince, cilz
fouages ne courroit en leurs terres. Ensi se commença
li pays à esmouvoir et à rebeller contre le
15prince. Et vinrent en France li contes d’Ermignach,
li sires de Labreth, li contes de Pieregorth, le contes
de Commignes et pluiseur aultre haut baron, prelat
et chevalier de Gascongne, et misent plaintes avant
en le cambre dou roy de France, le roy de France
20present et ses pers, sus les griés que li princes leur
voloit faire; et disoient que il avoient ressort au dit
roy et que à lui se voloient retraire et retourner
comme à leur souverain.
Li rois de France, qui ne voloit mies obviier à le
25pais qui se tenoit entre le roy d’Engleterre et lui,
se dissimuloit de ces parolles, et en respondoit moult
à point, et disoit à ces barons de Gascongne: «Certes,
signeur, le juridiction de nostre hiretage et la couronne
de France vorrions toutdis garder et augmenter;
30mès nous avons juré, apriès nostre signeur de
père, pluiseurs poins et articles en le pais, desquelz
il ne nous souvient mies de tous. Si y regarderons et
[69] 69 viseterons par loisir, et tout ce qui sera pour vous,
nous le vous aiderons à garder, telement que vous
nous en sarés gré; et vous metterons à acord, devers
nostre neveu le prince, tel, espoir qu’il n’est mies bien
5consilliés, que vous demorrés en vos francises et libertés.»
De ces responses que li rois de France faisoit,
se contentoient grandement li baron de Gascongne,
et se tenoient à Paris dalés le roy, qui point n’en
partoient ne retournoient en leur pays. De quoi li
10princes ne s’en contentoit mies bien, et tousjours
perseveroit et faisoit perseverer son conseil sus l’estat
de ce fouage.
Messires Jehans Chandos, qui estoit li uns des grans
de son conseil et vaillans et sages chevaliers durement,
15estoit contraires à ceste oppinion et bien vosist
que li princes s’en deportast. Et quant il vei que
point n’en venroit à chief, afin que point n’en fust demandés
ne encoupés, il prist congiet dou prince et
escusance d’aler en Normendie, en le terre de Saint
20Salveur le Visconte, dont il estoit sires, pour le viseter,
car point n’i avoit encores estet depuis trois
ans; li princes li acorda. Dont se departi de Poito
li dis messires Jehans Chandos, et s’en vint en Constentin,
et sejourna en le ville de Saint Salveur, que
25là environ, plus d’un an. Et toutdis procedoit li
princes sus ce fouage; car ses consaulz, qui à ce tiroient,
li remoustroient que, se il le pooient esploitier,
il vaurroit par an douze cens mil frans, par paiier
tant seulement sus çascun feu un franc, et li fors
30porter le foible. Nous retourrons au roy Henri, qui
estoit en ce temps retrais ou royaume d’Arragon et
recorderons comment il persevera.
[70] 70 § 595. Le plus grant partie de l’estat et de l’afaire
dou prince savoient li roy voisin, telz que li rois
Pierres d’Arragon et li rois Henris, car il mettoient
grant cure au savoir, et bien avoient entendu comment
5li baron de Gascongne estoient à Paris dalés
le roy et se commençoient tout à tourbler et à reveler
contre le prince. De ce n’estoient mies li dessus
dit roy couroucié, et par especial li rois Henris qui
tiroit à revenir au conquès de Castille, qu’il avoit
10perdu par le poissance dou prince. Si se parti dou
roy d’Arragon, et prist congiet à lui à Valense le
Grant; et se partirent en se compagnie, dou royaume
d’Arragon, li viscontes de Rokebertin et li viscontes
de Rodès, et furent bien troi mil hommes à cheval
15et bien six mil de piet, parmi aucuns Geneuois qui
là estoient en saudées. Si chevaucièrent ces gens
d’armes par devers Espagne et jusques à le cité de
Burghes, qui tantost se tourna et ouvri contre le roy
Henri, et le rechurent à signeur; et de là il vinrent
20devant le Val d’Olif, car li rois Henris entendi que li
rois de Mayogres y estoit, de laquelle avenue il fu
moult joians.
Quant cil de le ville dou Val d’Olif entendirent
que cil de Burghes estoient tourné et rendu au roy
25Henri, si n’eurent mies conseil que d’yaus tenir ne
faire assallir: si se ouvrirent, et recueillièrent le
dit roy Henri comme leur signeur, ensi que jadis
avoient fait. Si tost que li rois Henris fu entrés en
le ville, il demanda où li rois de Mayogres estoit et
30se tenoit: on li ensengna liement et volentiers. Tantost
et sans delay, li rois Henris vint celle part et entra
en l’ostel et en le cambre, là où li dis rois estoit
[71] 71 encores tous pesans de sa maladie. Li rois Henris
vint jusques à lui, et là li dist ensi: «Rois de Mayogres,
vous avés esté nostre ennemi, et à main armée
vous estes entrés en nostre royaume de Castille, pour
5quoi nous mettons main à vous, et vous rendés nostre
prisonnier, ou aultrement vous estes mors.» Li rois
de Mayogres, qui se veoit en dur parti et que deffense
riens n’i valoit, respondi et dist: «Sire, je sui
mors voirement, se vous volés. Volentiers je me rench
10vostre prisonnier et non à autrui; et, se vous me
devés ou volés mettre, par quel condition que ce soit,
en aultres mains que ens ès vostres, si le dittes, car
je aroie plus chier à estre mors, que ens ès mains
remis de mon adversaire le roy d’Arragon.» Li rois
15Henris respondi et dist: «Nennil, car je ne vous feroie
pas loyauté, et se seroit grandement à mon
blasme. Vous demorrés mon prisonnier, pour quitter
et pour rançonner, se je voeil.» Ensi fu pris et sierementés
li rois James de Mayogres dou roy Henri, qui
20mist sus lui, ou Val d’Olif, grandes gardes pour plus
especiaument garder, et puis chevauça oultre devers
le cité de Lyon en Espagne, qui tantost s’ouvri contre
lui, quant il oïrent dire qu’il venoit celle part.
§ 596. Quant la ville et la cité de Lyon en Espagne
25se fu rendue au roy Henri, tous li pays de le marce
de Galisse se commença à tourner. Et se vinrent
rendre au dit roy Henri pluiseur hault baron et signeur,
qui avoient en devant fait hommage au roy
dan Piètre; car, quel samblant d’amour qu’il li euissent
30moustré, present le prince, il ne le pooient amer,
tant leur avoit il fait de grans cruaultés jadis, et
[72] 72 estoient bien en doubte que encores de recief il ne
leur en fesist. Et li rois Henris les avoit tenus amiablement
et porté doucement, et leur prommetoit
bien à faire: pour tant se retraioient il tout devers
5lui.
Encores n’estoit mies messires Bertrans de Claiekin
venus en se compagnie, mais il approçoit durement,
à tout bien deux mil combatans, et estoit
partis dou duch d’Ango, qui avoit achievé sa guerre
10en Prouvence et deffait son siège de devant Tarascon,
par composition, je ne sçai mies à dire quele. Si
s’estoient parti avoech le dessus dit monsigneur Bertran
aucun chevalier et escuier de France, qui desiroient
les armes, et estoient ja entré en Arragon, et
15chevauçoient fortement pour venir devers le roy
Henri qui avoit mis le siège devant le cité de
Toulète.
Les nouvelles dou reconquès et comment li pays
se tournoit devers le roy Henri, vinrent au roy dan
20Piètre qui se tenoit en le marce de Seville et de Portingal
et estoit tenus tout le temps. Quant li rois
dan Piètres entendi ce, si fu durement courouciés
sus son frère le bastart et les barons de Castille qui
le relenquissoient, et dist et jura que il en prenderoit
25si cruele vengance, que il seroit exemples à tous aultres.
Si fist tantost un mandement et commandement
partout à tous ceulz dont il esperoit à avoir l’ayde et
le service. Si manda et pria telz qui point ne vinrent
et s’escusèrent au mieulz qu’il peurent, et li aucun
30de recief sans faintise se retournèrent devers le roy
Henri et li renvoiièrent leur hommage. Et quant li
rois dan Piètres vei ce que ses gens li falloient, si se
[73] 73 commença à doubter et se consilla à dan Ferrant de
Castres, qui onques ne li falli, liquelz li consilla que
il presist partout gens là où il les pooit avoir, tant en
Grenade comme ailleurs, et que il se hastast de chevaucier
5contre son frère le bastart, ançois que il se
efforçast plus en son pays, ne moutepliast de gens
d’armes.
Li rois dans Piètres ne volt mies sejourner sur
ce pourpos, mès pria ens ou royaume de Portingal,
10dont li rois estoit ses cousins germains, et y
eut grant gens; et envoia devers le roy de Grenade
et devers le roy de Bellemarine et le roy de Tramesainnes,
et fist alliances à yaus, parmi tant que trente
ans il les devoit tenir en segur estat et point faire de
15guerre. Parmi tant, cil troi roy dessus dit li envoiièrent
plus de vingt mil Sarrasins, pour aidier à faire
sa guerre. Si fist tant li rois dan Piètres, que d’uns,
que d’autres, Crestiiens, Juis et Sarrasins, qu’il eut
bien quarante mil hommes, tous assamblés en le marce
20de Seville. En ces trettiés et pourcas qu’il faisoit, et
entrues que li sièges estoit devant Toulète, descendi
en l’ost dou roy Henri messires Bertrans de Claiekin,
à tout deux mil combatans, qui y fu receus à grant
joie, ce fu bien raisons, et furent tout chil de l’host
25resjoï de sa venue.
§ 597. Li rois dan Piètres, qui avoit fait son amas
de gens d’armes à Seville et là environ, si com chi
dessus est dit, et qui desiroit à combatre son frère le
bastart, se departi de Seville, à tout grant host, en
30istance de ce que pour venir lever le siège de devant
Toulette. Entre le cité de Toulette et celi de Seville,
[74] 74 puet bien avoir neuf journées de pays: si vinrent
les nouvelles en l’ost dou roy Henri, que li rois dans
Piètres approçoit et avoit en se compagnie plus de
quarante mil hommes, uns c’autres, et que sur ce il
5euist avis. A ce conseil furent appellé li chevalier d’Arragon
et de France qui là estoient, et par especial messires
Bertrans de Claiekin, par lequel on voloit dou tout
ouvrer. Là donna li dis messires Bertrans un conseil
qui fu tenus: que tantost, avoech le plus grant partie
10de ses gens, li rois Henris se partesist et chevauçast
à effort devers le roy dan Piètre qui approçoit; et, en
quel estat li et les siens que on le trouvast, on le
combatesist. «Car pour quoi, dist il, si com nous
sommes enfourmé, il vient à grant poissance sur
15nous, qui trop nous poroit grever, se il venoit par
avis jusques à nous. Et, se nous alons sur lui, sans
ce que riens en sace, nous le prenderons bien lui et
ses gens en tel parti que tout despourveu, et que
nous en arons l’avantage, et seront desconfi, je n’en
20doubte mies.»
Li consaulz et avis de monsigneur Bertran fu
oïs et tenus. Si se parti sus un soir li dis rois Henris
de l’host, en se compagnie tous les milleurs combatans
par election que il euist, et laissa le demorant
25de son host en le garde et gouvrenement dou
conte dan Tille, son frère, et puis chevauça avant.
Et avoit ses espies alans et venans, qui savoient et
raportoient songneusement le couvine dou roy dan
Piètre et de son host. Et li rois dan Piètres ne
30savoit riens dou roy Henri, ne que ensi chevauçast
contre lui: de quoi il et ses gens en chevauçoient
plus espars et en petite ordenance. Et avint
[75] 75 que, sus une ajournée, li rois Henris et li sien deurent
encontrer le roy dan Piètre et ses gens, qui celle nuit
avoit jeu en un chastiel, assés priès de là, que on
appelle Montueil, et l’avoit li sires de Montueil recueilliet
5et honnouret ce qu’il pooit. Si en estoit au
matin partis et mis au chemin, et chevauçoit assés
esparsement, car il ne cuidoit mies estre combatus
en ce jour. Evous venant soudainnement, banières
desploiies, et tous pourveus de leurs fais, le roy Henri,
10le conte Sanse son frère, monsigneur Bertran de
Claiekin, par lequel conseil tout il ouvroient, le
Bèghe de Vellainnes, le visconte de Rokebertin, le
visconte de Rodais et leurs routes. Et estoient bien
six mil combatans, et chevauçoient tout serré et de
15grant randon. Et s’en viennent, de plains eslais, de
grant volenté et sans faire nul parlement, ens ès premiers
qu’il encontrèrent, en escriant: «Castille au
roy Henri!» et «Nostre Dame! Claiekin!» Si reculèrent
et abatirent ces premiers, roidement et mervilleusement,
20qui furent tantost desconfi et rebouté
bien avant. Là en y eut pluiseur occis et rués par
terre, car nulz n’estoit pris à raençon, et ensi estoit
ordonné dou conseil monsigneur Bertran, très le jour
devant, pour le grant plenté de mescreans, Juis et
25aultres, qui là estoient.
Quant li rois dan Piètres entendi ces nouvelles,
qui chevauçoit en le plus grant route, que ses gens
estoient assalli et envaï et rebouté villainnement de
son frère le bastart Henri et des François, si fu
30durement esmervilliés dont il venoient, et vei bien
qu’il estoit trahis et decheus et en aventure de tout
perdre, car ses gens estoient moult espars. Non
[76] 76 pourquant, comme bons chevaliers et hardis qu’il
estoit, et de grant confort et emprise, il s’arresta tout
quois sus les camps, et fist sa banière desvoleper et
mettre avant pour recueillier ses gens, et envoia
5noncier et dire à chiaus derrière, que il se hastaissent
de traire avant, car il se combatoit as ennemis.
Dont s’avancièrent toutes manières de bonnes gens
qui oïrent ces nouvelles, et se traisent pour leur
honneur devers le banière dou roy dan Piètre, qui
10venteloit sus les camps. Là eut grant bataille et dure
mervilleusement, et maint homme reversé par terre
et occis dou costet le roy dan Piètre, car li rois Henris
et messires Bertrans et leurs routes les requeroient
de si grant volenté, que nulz ne duroit contre yaus.
15Mès ce ne fu mies si tost fait et achievé, car cil dou
roy dan Piètre estoient si grant fuison, que bien six
contre un; mais tant y avoit de mal pour yaus et de
meschief qu’il furent pris si sus un piet, que ce les
esbahissoit et desconfisoit plus c’autre cose.
20§ 598. Ceste bataille des Espagnolz l’un contre
l’autre, et des deux rois et leurs alliiés, assés priès dou
castiel de Montueil, fu en ce jour moult grande et
moult horible. Et moult y furent bon chevalier, dou
costé le roy Henri, messires Bertrans de Claiekin,
25messires Joffrois Ricon, messires Ernaulz Limozins,
messires Yons de Lakonet, messires Jehans de Berghètes,
messires Gauwains de Baillueil, messires li
Bèghes de Vellainnes, Alains de Saint Pol, Alyos de
Talay et li Breton qui là estoient; et ossi dou royaume
30d’Arragon, li viscontes de Rokebertin et li viscontes
de Rodès et pluiseur aultre bon chevalier et escuier
[77] 77 que je ne puis mies tous nommer. Et y fisent tamaintes
grandes apertises d’armes, et bien leur besongnoit,
car il trouvèrent gens ossi contre yaus assés estragnes,
telz que Sarrasins et Portingalois. Car li Juis qui là
5estoient, tournèrent tantost les dos, ne point ne se
combatirent; mès ce fisent cil de Grenade et de
Bellemarine, qui portoient ars et archigaies, dont il
savoient bien jeuer, et dont il fisent pluiseurs grans
apertises de traire et de lancier.
10Et là estoit li rois dans Piètres hardis homs durement,
qui se combatoit moult vaillamment, et tenoit
une hace dont il donnoit les cops si grans, que nulz
ne l’osoit approcier. Là s’adreça la banière dou roy
Henri son frère devers le sienne, bien espesse et bien
15pourveue de bons combatans, en escriant leurs cris et
en boutant fierement de leurs lances. Lors se commencièrent
à ouvrir cil qui dalés le roy dan Piètre estoient,
et à esbahir malement. Dans Ferrans de Castres, qui
avoit à garder et consillier le corps dou roy dan Piètre
20son signeur, vei bien, tant eut il de sentement, que leurs
gens se perdoient et desconfisoient, pour tant que trop
sus un piet pris on les avoit: si dist au roy dan Piètre:
«Sire, sauvés vous et vous recueilliés en ce castiel de
Montueil, dont vous estes à ce matin partis. Se vous
25estes en ce castiel, vous serés en sauvegarde; et, se
vous estes pris de vos ennemis, vous serés mors sans
merci.» Li rois dan Piètres crut ce conseil, et se
parti au plus tost qu’il peut, et se retraist devers
Montueil. Si y vint si à point, que il trouva les portes
30dou chastiel ouvertes et le signeur qui le rechut,
lui douzime tant seulement. Entrues se combatoient
li aultre qui estoient espars sus les camps, et faisoient
[78] 78 li aucun ce qu’il pooient; car li Sarrasin, qui
là estoient, avoient ossi chier à morir qu’il fuissent
longement cachiet: si se vendoient par ensi li aucun
moult durement.
5Nouvelles vinrent au roy Henri et à monsigneur
Bertran que li rois dan Piètres estoit retrais et enclos
ens ou chastiel de Montueil, et que li Bèghes de
Vellainnes et se route l’avoient poursievi jusques à là;
et se n’i avoit ou dit chastiel que un seul pas, par où
10on y entroit et issoit, et devant celle entrée se tenoit
li dis Bèghes, et avoit là mis son pennon. De ces
nouvelles furent durement resjoy li dessus dis messires
Bertrans et li rois Henris, et se traisent de celle
part, tout en combatant et occiant gens à fous et à
15mons, ensi que bestes, et tant qu’il estoient tout lasset
d’occire, dou decoper et de l’abatre. Si dura ceste
cache plus de trois grans liewes, et y eut ce jour mort
plus de vingt quatre mil hommes, uns c’autres. Et
trop petit s’en sauvèrent, se ce n’estoient cil dou
20pays qui savoient les refuites et les adresces; car li
Sarrasin, qui ne savoient ne cognissoient nient le
pays, ne savoient où fuir: si leur couvenoit attendre
l’aventure, si furent tout mort. Ceste bataille fu
desous Montueil et là environ, en Espagne, le treizime
25jour dou mois d’aoust, l’an de grasce mil trois
cens soixante huit.
§ 599. Apriès le grande desconfiture qui eut estet
faite sus le roy dan Piètre et ses assamblés, assés priès
de Montueil, et que li rois Henris et messires Bertrans
30eurent obtenu le place et qu’il furent retourné
de le cache, il se recueillièrent tout devant le dit
[79] 79 chastiel de Montueil et se logièrent et amanagièrent
tout environ; et bien disent que il n’avoient riens
fait ne esploitié, se il ne prendoient le chastiel et le
roy dan Piètre qui dedens estoit. Si mandèrent tout
5leur estat et afaire à leurs gens, qui se tenoient devant
Toulète, afin qu’il en fuissent plus reconforté.
De ces nouvelles furent tout resjoy li contes dan
Tilles et li contes Sanses et cil qui le siège là tenoient.
Li chastiaus de Montueil estoit fors assés pour bien
10tenir un grant temps, se pourveus euist esté; mès de
tous vivres, quant li rois dan Piètres y entra, il n’en
y avoit point pour lui vivre plus haut de quatre jours;
et ce esbahissoit grandement le roy dan Piètre et les
compagnons, car il estoient si priès gettié, de nuit et
15de jour, que uns oiselés ne se partesist point dou
chastiel, que il ne fust veus et aperçeus.
Li rois dan Piètres, qui estoit là dedens en grant
angoisse de coer, et qui veoit ses ennemis logiés autour
de lui, et qui bien savoit que à nul trettiet de pais ne
20d’accort il ne vorroient entendre ne descendre, eut tamainte
imagination, siques, tout considéré, les perilz
où il se trouvoit et le faute de vivres qui laiens estoit,
il fu consilliés que, à heure de mienuit, dou chastiel,
lui douzime, il se partiroient et se metteroient en le
25garde de Dieu, et aroient guides qui les meneroient
à l’un des corons de l’host et à sauveté. Si se arrestèrent
ou dit chastiel sus cel estat, et se partirent secretement,
environ heure de mienuit, li rois dans
Pietres, dans Ferrans de Castres et tant qu’il furent
30yaus douze, et faisoit celle nuit durement espès et
brun.
A ce donc faisoit le get à plus de trois cens combatans
[80] 80 messires li Bèghes de Vellainnes, ensi que
li rois dans Piètres estoit issus dou chastiel et se
route, et s’en venoit par une haute voie qui descendoit
tout bas, et se tenoient si quoi que il sambloit
5que il n’i euist nullui. Li Bèghes de Vellainnes, qui
estoit toutdis en doubte et en soing de son fait et en
cremeur de tout perdre, oy, ce li sambla, le son de
passer sus le pavement; si dist à chiaus qui dalés lui
estoient: «Signeur, tout quoi et ne faites nul effroy.
10J’ay oy gens: tantost sarons qui ce sont, qui ceminent
à ceste heure. Je ne sçai se ce seroient jamais
vitaillier, qui venissent rafreschir ce chastiel de vivres,
car il n’en est mies bien pourveus.»
Adonc s’avança li dis Bèghes, sa daghe en son puing,
15ses compagnons dalés lui, et vint à un homme priès
dou roy dan Piètre et demanda: «Qui est çou là? Parlés
ou vous estes mors.» Cil à qui messires li Bèghes s’adreça,
estoit englès: se li refusa à parler et se lança
oultre en lui eschievant, et li dis Bèghes le laissa
20passer et s’adreça sus le roy dan Piètre; et li sambla,
quoique il fesist moult brun, que ce fust il, et le ravisa
pour le roy Henri son frère, car trop bien se
ressambloient. Se li demanda, en portant se dage sus
se poitrine: «Et vous, qui estes? Nommés vous tantost,
25ou vous estes mors.» Et en ce parlant il le prist
par le frain de son cheval, et ne volt mies qu’il li
escapast, ensi que li premiers avoit fait, quoique il
fust pris de ses gens.
Li rois dan Piètres, qui veoit une grosse route
30de gens d’armes devant lui et qui bien sentoit que
escaper ne pooit, dist au Bèghe de Vellainnes qu’il
recogneut: «Bèghes, Bèghes, je sui li rois dan
[81] 81 Piètres, rois de Castille, à qui on fait moult de tors
par mauvais conseil. Je me rench ton prisonnier et
me meth, et toutes mes gens qui ci sont, et tout
comptés n’en y a que douze, en ta garde et volenté.
5Si te pri, en nom de gentillèce, que tu nous
mettes à sauveté, et je me rançonnerai à toy si grandement
com tu vorras; car, Dieu merci, j’ai bien
encores de quoi, mès que tu m’eschiewes des mains
dou bastart Henri mon frère.» Là deubt respondre,
10si com je fui depuis enfourmés, li dis Bèghes, que il
venist tout seurement, lui et sa route, et que ja ses
frères li bastars Henris, ne nuls aultres par lui, ne
saroit riens de ceste avenue. Sur cel estat s’en alèrent
il, et en fu menés li rois dan Piètres ou logeis le Bèghe
15de Vellainnes et proprement en le cambre monsigneur
Yon de Lakonet. Il n’eut point là estet une heure,
quant li rois Henris et li viscontes de Rokebertin et
leurs gens, non pas grant fuison, vinrent ou logeis
dou dessus dit.
20Sitost que li rois Henris entra en le cambre où ses
frères li rois dan Piètres estoit, il dist ensi par tel
langage: «Où est li filz de pute juis, qui s’appelle
rois de Castille?» Adonc s’avança li rois dans Piètres,
qui fut moult hardis et crueulz homs. «Mès tu es
25filz de putain, car je sui fiulz dou bon roy Alphons.»
Et à ces mos il prist à bras le roy Henri
son frère et le tira à lui en luitant, et fu plus fors de
li et l’abati desous lui, sus une ambarde, que on dist
en françois une coute de matelas de soie. Et mist
30main à sa coutille, et l’euist là occis sans remède, se
n’euist esté li viscontes de Rokebertin, qui prist le
piet dou roy dan Piètre, et le reversa par desous, et
[82] 82 mist le roy Henri par deseure: liquelz traist tantost
une longe coutille de Castille, que il portoit à escerpe,
et li embara ou corps, tout en afillant desous en
amont, et tantost sallirent cil qui li aidièrent à partuer.
5Et là furent mort ossi dalés li uns chevaliers
d’Engleterre, qui s’appelloit messires Raoulz Helme,
qui jadis avoit estet nommés li Vers Escuiers, et uns
escuiers qui s’appelloit Jakes Rollans, pour tant qu’il
s’estoient mis à deffense; mès à dan Ferrant de Castres
10et as aultres on ne fist point de mal, ains demorèrent
prisonnier à monsigneur le Bèghe de Vellainnes
et à monsigneur Yon de Lakonet.
§ 600. Ensi fina li rois dan Piètres de Castille, qui
jadis avoit regné en si grant prosperité; et encores le
15laissièrent chil qui occis l’avoient, trois jours sus
terre: dont il me samble que ce fu pités pour humanité,
et se gaboient li Espagnol de lui. A l’endemain,
li sires de Montueil se vint rendre au roy Henri, qui
le reçut et prist à merci, et ossi tous chiaus qui se
20voloient retourner devers lui. Ces nouvelles s’espardirent
par toute Castille, comment li rois dans Piètres
estoit mors. Si en furent couroucié si ami, et reconforté
si anemi.
Quant les nouvelles vinrent au roy de Portingal,
25que ses cousins li rois dan Piètres estoit mors par
telle manière, si en fu durement courouciés, et dist
et jura que ce seroit amendé. Si envoia tantost
deffiances au roy Henri et li fist guerre, et tint le
marce de Seville une saison contre lui. Mès pour ce
30ne laissa mies li rois Henris à poursievir se emprise,
et s’en retourna devant Toulète, qui tantost se rendi
[83] 83 et tourna à lui, quant il sceurent la mort dou roy
dan Piètre, et ossi fist tous li pays; ne meismement
li rois de Portingal n’eut mies conseil de tenir longement
le guerre contre le roy Henri: si en fu fais
accors et pais par les moiiens, prelas et barons
5d’Espagne.
Si demora li rois Henris tout à pais dedens Castille,
et messires Bertrans de Claiekin dalés lui et
messires Oliviers de Mauni et li aultre chevalier de
10France et de Bretagne, asquelz li rois Henris fist
grant pourfit, et moult y estoit tenus, et sans l’ayde
d’yaus il ne fust ja venus à chief de ses besongnes.
Si fist le dit monsigneur Bertran de Claiekin,
connestable de toute Castille, et li donna la terre de
15Sorie, qui bien valoit par an vingt mil florins, et à
monsigneur Olivier de Mauni, son neveu, le terre
d’Ecrette, qui bien en valoit ossi par an dix mil, et
ensi tous les aultres chevaliers. Si vint tenir son estat
à Burghes, et sa femme et ses enfans, en regnant
20comme roi. De la prosperité et bonne aventure de
lui furent grandement resjoy li rois de France et li
dus d’Ango, qui moult l’amoient, et ossi li rois
d’Arragon.
En ce temps trespassa de ce siècle, en Ast en Pieumont,
25messires Lyons d’Engleterre qui en celle saison
estoit passés oultre, si com ci dessus est dit, et
avoit pris à femme la fille monsigneur Galeas, signeur
de Melans. Et pour tant qu’il morut assés mervilleusement,
messires Edouwars li Despensiers, ses
30compains, qui là estoit, en fist guerre au dit monsigneur
Galleas et le heria un temps et rua jus par
pluiseurs fois de ses gens. En le fin, messires li contes
[84] 84 de Savoie s’en ensonnia et les mist à acord. Or revenrons
nous as besongnes et as avenues de la ducé
d’Acquitainne.
§ 601. Vous avés chi dessus oy recorder comment
5li princes de Galles estoit enfourmés et consilliés de
eslever un fouage en sa terre, dont toutes gens se tenoient
à trop cargiet, et par especial cil de Gascongne.
Car cil des basses marces de Poito, de Saintonge
et de la Rocelle s’i acordoient assés bien, pour tant
10qu’il estoient plus prochain dou sejour dou prince,
et ossi il ont estet toutdis plus obeissant et descendant
as ordenances de leurs signeurs, et plus ferme
et mieulz estable que cil des lontainnes marces. Pour
ceste cose mettre à l’intention dou prince et de son
15conseil, en furent pluiseur parlement assamblé à
Niorth, en Angouloime, à Poitiers, à Bourdiaus et à
Bregerach; et toutdis maintenoient cil de Gascongne,
que point n’en paieroient, ne ja en leurs terres courir
ne le soufferoient, et mettoient avant qu’il avoient
20ressort en le cambre dou roy de France. De ce ressort
estoit li princes durement courouciés, et respondit
bien à l’encontre et disoit ensi que non avoient,
et que li rois de France avoit quitté tous ressors et
toutes jurisditions, quant il rendi les terres à son signeur
25de père, ensi que bien estoit apparant par les
trettiés et chartre de le pais, qui de ce faisoient clerement
et plainnement mention, et que nul article
n’i avoient li trettieur de le pais pour le roy de France
reservé.
30A ce pourpos respondoient li Gascon, et disoient
que il n’estoit mies en le poissance et ordenance
[85] 85 dou roy de France, ne ne fu onques, qu’il les peuist
quitter dou ressort; car li prelat, li baron, les
cités et les bonnes villes de Gascongne ne l’euissent
jamais souffert, ne soufferoient encores, se il estoit à
5faire, pour tousjours demorer le royaume de France
et le royaume d’Engleterre en guerre. Ensi estoient
en grignes li princes et li signeur de Gascongne, et
soustenoit cescuns se oppinion et disoit qu’il avoit
bon droit. Et se tenoient tout quoi à Paris, dalés le
10roy de France, li contes d’Ermignach, li sires de Labreth,
li contes de Pieregort, li contes de Commignes
et pluiseur aultre baron de Gascongne, qui tutoient
et enfourmoient le roy nuit et jour, par grant loisir,
que li princes, par orgueil et presumption, les voloit
15tous suppediter, et eslever coses indeues en leurs
terres, lesqueles il ne soufferoient jamais à estre faites.
Et disoient et remoustroient au roy que il avoient
ressort à lui; si voloient que li princes fust appellés
en parlement en le cambre des pers, sus les griefs et
20molestes que il leur voloit faire. Li rois de France,
qui se veoit poursievis de ces signeurs de Gascongne,
qui le requeroient de confort et d’ayde comme leur
souverain, ou il se trairoient en aultre court, ce disoient
il, si perderoit celle signourie, descendoit à envis
25à leur requeste, pour tant qu’il sentoit bien que
la cose ne pooit venir à aultre chief que à guerre:
laquele, sans grant title de raison, il ne voloit nullement
esmouvoir, car encores veoit il son royaume
trop grevé et trop pressé de Compagnes et d’ennemis,
30pour lui et son frère le duch de Berri, hostagiier
en Engleterre: si voloit ses coses faire tout meurement.
[86] 86 En ce temps estoit revenus en France messires
Guis de Lini, conte de Saint Pol, sans prendre congiet
as Englès et par grant soutilleté: la matère en
seroit trop longue à demener, je m’en passerai briefment.
5Liquelz contes haoit tant les Englès qu’il n’en
pooit nul bien dire, et rendoit grant painne à ce que
li rois de France descendesist à le priière des Gascons;
car bien savoit que, se li princes estoit appellés, ce
seroit uns mouvemens de guerre. A l’oppinion dou
10conte de Saint Pol estoient descendant pluiseur prelat,
conte, baron et chevalier dou royaume de France.
Et disoient bien ensi au roy que li rois d’Engleterre
ne li princes de Galles n’avoient en riens tenu le pais,
ne ce qu’il avoient juré et seelé, selonch le teneur des
15trettiés, qui furent fait et ordené à Bretegni dalés
Chartres, et depuis confermé à Calais; car li Englès
avoient toujours couvertement et soutieument guerriiet
le royaume de France, et avoit esté grevé et oppressé
li royaumes de France plus, depuis le pais faite,
20que en devant. «Et tout ce que nous vous disons et
moustrons, vous le trouverés en verité, se vous faites
lire les chartres de le pais et en quoi li rois d’Engleterre
et ses ainnés filz li princes de Galles se sousmisent
par foy et sierement.»
25Adonc li rois de France, pour li mieulz enfourmer
de verité et condescendre à ses gens et garder les droitures
de son royaume, fist mettre avant et aporter en
le cambre de conseil toutes les chartres de le pais; et
là les fist lire par pluiseurs jours et à grant loisir,
30pour mieulz examiner les poins et les articles, qui
dedens estoient contenu. Si en furent veues et leues,
ce terme pendant, pluiseurs fois, pour mieulz avenir
[87] 87 au fons de leur matère. Et entre les aultres, il en y
eut une des sousmissions, où li rois et ses consauls
s’arestèrent le plus, pour tant que elle parloit vivement
et clerement, de ce dont il voloient oïr parler,
5laquele lettre disoit en tel manière:
§ 602. Edouwars, par le grasce de Dieu, roy d’Engleterre,
signeur d’Irlande et d’Aquitainne, à tous
ceulz qui ces presentes lettres veront ou oront, salut.
Sachent tout que, en l’acort et pais finable fais
10entre nous et nostre très chier frère le roy de France,
sont contenu deux articles, contenans la fourme qui
s’ensieut. Item, que li roy dessus dit seront tenu de
faire confremer toutes les coses dessus dittes par
nostre Saint Père le pape, et seront vallées par sierement,
15sentenses et censures de court de Romme et
tous aultres liens, en la plus forte manière que faire
se pora. Et seront impetrées dispensations et absolutions
et lettres de la ditte court de Romme, touchans
la perfection et l’acomplissement de ce present
trettiet; et seront baillies as parties, au plus tart dedens 20
trois sepmainnes, apriès ce que li rois de France sera
arrivés à Calais. Item, afin que les coses dessus dittes,
traitiés et paroles soient plus fermes, estables et
vaillables, seront faites et données les fermetés qui
25s’ensievent: c’est à savoir, lettres seelées des seaulz
des rois et des ainsnés filz de ceulz, les milleurs qu’il
poront faire et ordonner par les consaulz des roys. Et
jureront li dit roy et leurs ainsnés enfans et aultres enfans,
et ossi li aultre des linages des dis signeurs, et
30aultres grans des royaulmes, jusques au nombre de
vingt de çascune partie, qu’il tenront et aideront à
[88] 88 tenir, pour tant comme çascun d’eulz touche, les
dittes coses trettiies et acordées, et acompliront sans
jamais venir au contraire, sans fraude et sans mal
engin, et sans faire nul empeechement. Et, se il y
5avoit aucun del royaume de France ou dou royaume
d’Engleterre, qui fuissent rebelles ou ne volsissent
acorder les coses dessus dittes, li doy roy dessus dit
ensamble feront tout leur pooir, de corps, de biens
et d’amis, de mettre les dis rebelles en obeissance,
10selonch la fourme et teneur dou dit trettié. Et avoec
ce se sousmetteront li doy roy et leur royaume à le
cohertion de nostre Saint Père le pape, afin qu’il
puist constraindre par sentenses, censures d’Eglise et
aultres voies deues, celi qui sera rebelles, selonch ce
15qui sera de raison. Et, parmi les fermetés et seurtés
dessus dittes, renonceront li doy roy, pour eulz et
leurs hoirs, par foy et sierement, à toutes graces et
procès de fait. Et se, par desobeissance, rebellion
ou poissance d’aucuns subgès dou royaume de France
20ou aultre juste cause, le roy de France ou ses hoirs
ne pooient acomplir toutes les coses dessus dittes, li
rois d’Engleterre, ses hoirs ou aucuns pour eulz ne
feront ou doient faire guerre contre le roy de France,
ses hoirs ne son royaume; mès tous ensamble s’efforceront
25de mettre les dis rebelles en obeissance et
d’acomplir les coses dessus dittes. Et ossi, se aucun
dou royaume et obeissant dou roy d’Engleterre ne
voloient rendre les chastiaus, villes ou forterèces
qu’il tiennent ou royaume de France et obeir au
30trettié dessus dit, ou par juste cause ne poroit acomplir
li dis rois de France ce qu’il doit faire par ce
present trettiet, li doi roy ensamble doient faire leur
[89] 89 plain pooir de guerriier les rebelles et de mettre en
bonne obeissance, et de recouvrer villes, chastiaus et
forterèces. Et seront ossi faites et données, d’une partie
et d’autre, selonc le nature dou fait, toutes manières
5de fermetés et seurtés, que on pora et sara deviser,
tant par le pape et le colège de le court de
Romme comme aultrement. Et nous, desirans avoir
et nourir perpetuelle pais et amour entre nous et
nostre dit frère et le royaume de France, avons renunciet
10et par ces presentes renonçons à toutes guerres
et aultres procès de fait contre nostre dit frère,
ses hoirs, successeurs et le royaume de France et ses
subgès. Et prommetons et jurons et avons juré sus le
corps Jhesucris, pour nous, nos hoirs et successeurs,
15que nous ne ferons ne venrons, ne faire ou venir
soufferons par fait ou par parolle contre ceste presente
renunciation, ne contre aucune de ces coses
contenues ès dessus dis articles. Et, se nous faisions
ou souffrions estre fait le contraire par quelconque
20manière, ce que Diex ne voeille, nous volons estre
reputé et tenu pour faulz, mauvais et parjure, et encourre
en tel blasme et diffame, comme rois sacrés
doit encourir en tel cas. Et renunçons à impetrer
toutes dispensations et absolutions dou pape et d’autre
25contre le dit sierement. Et, se impetrée estoit,
nous volons qu’elle soit nulle et de nulle valeur, et
que nous ne nous en puissons aidier en aucune manière.
Et, pour tenir plus fermement les coses dessus
dittes, nous sousmetons nous, nos hoirs et nos successeurs,
30à le jurisdiction et cohercion de l’Eglise de
Romme. Et volons et consentons que nostre Saint
Père le pape conferme toutes ces coses, en donnant
[90] 90 monitions et mandemens generaulz, pour l’acomplissement
d’icelles, contre nous, nos hoirs et successeurs
et contre tous nos subgès, soient commugnes,
universités, collèges ou personnes singulères quelconques,
5et en donnant sentenses generaulz d’escumeniement,
de suspension ou d’entredit, pour estre encourues
par nous ou par eulz, sitos comme nous ou
eulz ferons ou attempterons le contraire, en occuppant
ville, forterèce ou chastiel, ou aultre cose quelconque
10faisant, ratefiant ou agreant, ou en donnant conseil,
confort, faveur ne ayde, celeement ou en appert,
contre les coses dessus dittes. Et avons fait samblablement
jurer toutes les dittes coses par nostre très
chier ainsnet fil Edouwart, prince de Galles, et nos
15filz puisnés Leonniel, conte de Dulnestre et Jehan,
conte de Richemont, et Aymon de Langlée et nostre
très chier cousin messire Phelippe de Navare,
et les dus de Lancastre et de Bretagne, les contes
de Stafort et de Sasleberi, le signeur de Mauni,
20Gui de Briane, Renault de Gobehem, le captal de
Beus, le signeur de Montferrant, Jame d’Audelée,
Rogier de Biaucamp, Jehan Chandos, Raoul de
Ferrières, Edouwart le Despensier, Thomas et Guillaume
de Felleton, Eustasce d’Aubrecicourt, Franke
25de Halle, Jehan de Montbray, Bietremieu de
Brouwes, Henri de Persi, Nicole de Cambourne,
Richart de Stafort, Guillaume de Grantson, Raoul
Spingreniel, Gastonnet de Graili et Guillaume Bourtonne,
chevaliers. Et ferons ossi jurer samblablement,
30au plus tost que faire porons bonnement, nos aultres
enfans et la plus grant partie des prelas, des
eglises, contes, barons et aultres nobles de nostre
[91] 91 royaume. En tesmoing de laquel cose, nous avons fait
mettre nostre seel à ces presentes lettres, données en
nostre ville de Calais, l’an de grasce Nostre Signeur
mil trois cens et soixante, le vingt quatrime jour dou
5mois de octembre.
§ 603. Entre les aultres lettres qui avoient estet
données et acordées dalés Chartres comme en le ville
de Calais, quant li rois Jehans s’i tenoit ou temps
dessus dit, fu ceste lettre adonc dou roy Charlon,
10son ainsnet fil, très bien leute et grandement et à
loisir examinée et visetée, present les plus especiaus
de son conseil. Et là disoient bien li prelat et li baron
de France, qui à ce consillier estoient appellet,
que li rois d’Engleterre ne li princes de Galles ne
15l’avoient en riens tenu ne acompli, mès pris fors
chastiaus et villes, sejourné et demoré ou dit royaume
à grant damage, ranchonné et pillié le peuple,
parquoi li paiement de le redemption dou roy estoient
encores ou en partie à paiier, et que sur ce et
20par ce point li rois de France et si soubget avoient
bon title et juste cause de brisier le pais et guerriier
les Englès, et yaus tollir l’iretage qu’il tenoient deça
le mer.
Encores fu adonc dit ensi au roy, secretement et
par grant deliberacion de conseil: «Chiers sires, emprendés 25
hardiement, et vous y avés cause. Et sachiés,
sitos que vous l’arés empris, vous verés et trouverés
que les trois pars dou pays de la ducé d’Aquitainne
se tourneront devers vous, prelat, conte, baron, chevalier,
30escuier et bourgois de bonnes villes, vechi
comment et pourquoi. Li princes procède à eslever
[92] 92 ce fouage dont point ne venra à chief, mès en demorra
en le hayne et malivolense de toutes gens. Et
sont cil de Poito, de Saintonge, de Limozin, de
Roerge, de Quersin et de le Rocelle, de tel nature qu’il
5ne poeent amer les Englès, quel samblant qu’il leur
moustrent. Et li Englès ossi, qui sont orguilleus et
presumptueus, ne les poeent osi amer ne fisent onques,
et encores maintenant mains que onques mais,
mais les tiennent en grant despit et vieuté. Et ont li
10officiier dou prince si sourmonté toutes gens, en Poito,
en Saintonge et en le Rocelle, qu’il prendent tout en
abandon, et y font si grans levées que nulz n’a riens
au sien. Avoech tout ce, li gentil homme dou pays
ne poeent venir à nul office: tout emportent li Englès
15et li chevalier dou prince.»
Ensi estoit tart et tempre li propres rois de France
tutés et consilliés. Et meismement li dus d’Ango, qui
pour le temps se tenoit en le cité de Toulouse, y
rendoit grant painne, et desiroit moult que la guerre
20fust renouvelée, ensi que cilz qui ne pooit amer les
Englès ne ne fist onques, pour aucuns actes de desplaisances
que dou temps passet li avoient fais.
D’autre part, li Gascon songneusement li disoient:
«Chiers sires, nous tenons, dou temps passet et de
25grant anciennetet, à avoir nostre ressort en vostre
court. Si vous prions que vous nous faites droit et
loy, si com vostre court est la plus droiturière dou
monde, dou prince, sus les grans griés qu’il nous voet
faire et à nos gens; et, se vous nous defallés de droit
30à faire, nous nos pourcacerons ailleurs, et nous renderons
et metterons en court de tel signeur qui nous
en fera avoir raison, et vous perderés vostre signorie.»
[93] 93 Li rois de France, qui à envis euist perdu l’amour
et le service de ces signeurs, car à grant blasme et
prejudisce li fust retourné, leur respondoit moult
courtoisement que ja, par faute de loy ne de conseil,
5il ne se trairoient en aultre court que en le
sienne, mès il couvenoit user de telz besongnes par
grant avis. Ensi les demena il priès d’un an, et les
faisoit tous quois tenir à Paris; mais il paioit tous
leurs frès et leur donnoit encores grans dons et grans
10jeuiaus, et toutdis enqueroit secretement comment,
se la pais estoit brisie entre lui et les Englès, il se
maintenroient. Et cil respondoient que ja de la guerre
au lés de delà ne l’en faurroit ensonnier, car il estoient
grant et fort assés pour guerriier le prince et
15se poissance.
Li rois, de l’autre costet, tastoit ossi tout bellement
et secretement à ceulz de Abbeville et de Pontieu,
quelz il les trouveroit, et s’il demorroient Englès ou
François. Cil de Abbeville ne desiroient aultre cose
20que de estre François, tant haoient il les Englès. Ensi
acqueroit li rois de France amis de tous lés: aultrement
il n’euist osé bonnement faire ce qu’il fist.
En ce temps fu nés, et par un avent, Charles de
France, ainsnés filz dou roy de France, l’an mil trois
25cens soixante huit, dont li royaumes fu tous resjoïs.
En devant ce, avoit estet nés Charles de Labreth, filz
au signeur de Labreth. De le nativité de ces deux
enfans, qui estoient cousin, fu li royaumes moult
resleechiés, et par especial li rois de France.
30§ 604. Tant fu li rois de France tutés et enhortés
de chiaus de son conseil, et songneusement quoitiés
[94] 94 des Gascons, que uns appiaus fu fais et fourmés pour
aler en Aquitainne appeller le prince de Galles en
parlement à Paris; et s’en fisent li contes d’Ermignach,
li sires de Labreth, li contes de Pieregorth, li contes
5de Commignes, li viscontes de Carmain, li sires de
Labarde, messires Bertrans de Taride, li sires de
Pincornet et pluiseur aultre, cause et chief. Et contenoit
li dis apiaus comment, sus grans griés dont chil
signeur se plaindoient que li princes de Galles et
10d’Aquitainne leur voloit faire et à leurs terres, il
appeloient et en traioient à ressort au roy de France,
lequel, si com de son droit et signourie, il avoient
pris et ordonné pour leur juge.
Quant li dis apiaus fu bien fais, escrips et fourmés,
15ensi qu’il apertenoit, et bien corrigiés et examinés au
mieulz que li sage de France sceurent ne peurent faire,
et au plus doucement, toutes raisons gardées, on les
carga à un clerch de droit bien enlangagiet, pour mieulz
esploitier de le besongne, et à un chevalier de Biausse,
20qui s’appelloit messires Caponnés de Caponval. Cil
doi, en leur arroi et avoech leurs gens, se departirent
de Paris, et se misent au chemin par devers Poito, et
esploitièrent tant par leurs journées qu’il passèrent
Berri et Tourainne, Poito et Saintonge, et vinrent à
25Blaves, et là passèrent la rivière de Garone, et arrivèrent
à Bourdiaus, où li princes et madame la princesse
se tenoient pour le temps. Et partout disoient
li dessus dit qu’il estoient messagier au roy de France:
si estoient et avoient esté partout li bien venu, pour
30la cause dou dit roy, de qui il se renommoient.
Quant il furent rentré en le cité de Bourdiaus, il se
traisent à hostel, ja estoit tart, environ heure de vespres:
[95] 95 si se tinrent là tout ce jour jusques à l’endemain
que, à heure competente, il vinrent vers l’abbeye de
Saint Andriu, où li dis princes se logoit et tenoit
son hostel. Li chevalier et li escuier dou prince les
5recueillièrent moult doucement, pour le reverense
dou roy de France, de qui il se renommoient, et fu li
dis princes enfourmés de leur venue. Quant il furent
parvenu jusques au prince, il l’enclinèrent moult bas
et le saluèrent, et li fisent toute reverense, ensi
10comme à lui apertenoit et que bien le savoient faire,
et puis li baillièrent lettres de creance. Li princes les
prist moult doucement et les lisi, et puis lor dist:
«Vous nous estes li bien venu. Or dittes avant: que
volés vous dire?»—«Très chiers sires, dist li clers
15de droit, veci unes lettres qui nous furent baillies à
Paris, de nostre signeur le roy de France, lesqueles
nous prommesimes par nos fois que nous publirions
en le presence de vous, car elles vous touchent.» Li
princes lors mua couleur, qui adonc fu tous esmervilliés
20que ce voloit estre, et ossi furent aucun chevalier,
qui dalés lui estoient. Nekedent, il se rafrena
et dist: «Dittes, dittes: toutes bonnes nouvelles
oyons nous volentiers.» Adonc prist li dis clers la
lettre et l’ouvri et le lisi, de mot à mot, laquele lettre
25contenoit ensi:
§ 605. Charles, par le grasce de Dieu, rois de France,
à nostre neveu le prince de Galles et d’Aquitainnes,
salut. Comme ensi soit que pluiseur prelat, baron,
chevalier, universités, commugnes et collèges des
30marces et limitations de Gascongne, demorant et habitant
ès bondes de nostre royaume, avoech pluiseurs
[96] 96 aultres de la ducé d’Aquitainne, se sont trait en nostre
court, pour avoir droit sus aucuns griés et molestés
indeus, que vous, par foible conseil et simple
information, leur avés proposé à faire, dont nous
5sommes tout esmervilliet: donc, pour obviier et remediier
à ces coses, nous nos sommes ahers avoech
yaus et aherdons, tant que, de nostre majesté royal
et signourie, nous vous commandons que vous venés
en nostre cité de Paris en propre personne et vous
10amoustrés et representés devant nous en nostre cambre
des pers, pour oïr droit sus les dites complaintes
et griefs, esmeus de par vous, à faire sus vostre
peuple qui claime à avoir resort en nostre court; et
à ce, comment que ce soit, n’i ait point de defaute,
15et soit au plus hasteement que vous poés, apriès
ces lettres veues. En tesmoing de laquel cose, nous
avons à ces presentes mis nostre seel. Donnet à Paris,
le quinzime jour dou mois de jenvier.
§ 606. Quant li princes de Galles ot oy lire ceste
20lettre, si fu plus esmervilliés que devant, et crola la
tieste et regarda de costé sus les dessus dis François.
Et quant il eut un petit pensé, si respondi par tel manière:
«Nous irons volentiers à nostre ajour à Paris,
puisque commandé nous est dou roy de France, mès
25ce sera le bachinet en le teste et soixante mil hommes
en nostre compagnie.» Dont s’engenoullièrent
li doi François, qui là estoient, si disent: «Chiers
sires, pour Dieu merci, ne prendés cest appel en trop
grant despit ne en trop grant courous. Nous sommes
30messagier au roy nostre signeur, chi envoiiet de
par lui, à qui nous devons toute obeissance, si com li
[97] 97 vostre le vous doivent; et nous couvint par commandement
aporter cest appel, et tout ce que vous
nous cargerés, nous le dirons volentiers au roy.»—«Nennil,
dist li princes, je ne vous en sçai nul mal
5gré, fors ceulz qui chi vous envoient. Et vostre roy
n’est pas bien consilliés, qui s’ahert avoech nos subgès
et se voelt faire juges de c’à lui riens n’apertient
ne où il n’a point de droit; car bien li sera moustré
que, au rendre et mettre en le saisine monsigneur
10mon père ou ses commis de toute la ducée d’Aquitainne,
il en quitta tous les ressors. Et tout chil qui
ont fourmé leur appiel contre mi, n’ont aultre ressort
que en le court d’Engleterre de monsigneur mon
père; et, ançois que il soit aultrement, il coustera
15cent mil vies.»
A ces paroles se departi li dis princes d’yaus, et
entra en une cambre; si les laissa là tous quois ester.
Adonc vinrent avant chevalier englès, qui leur disent:
«Signeur, partés de ci et retournés à vostre
20hostel. Vous avés bien fait ce pour quoi vous estes
venu: vous n’arés autre response que vous avés eu.»
Lors se departirent li chevaliers et li clers, et retournèrent
à leur hostel et là disnèrent. Et tantost apriès
disner, il toursèrent et montèrent, et se departirent
25de Bourdiaus, et se misent au chemin pour revenir
vers Thoulouse et compter au duch d’Ango comment
il avoient esploitié.
Li princes de Galles, si com chi dessus est dit,
estoit tous merancolieus de cel appiel que on li avoit
30fait. Ossi estoient si chevalier, et vosissent bien
li aucun, et le consilloient au prince, que li doi messagier,
qui l’appiel avoient aporté, fuissent occis
[98] 98 pour leur salaire, mais li princes les en deffendoit.
Si eut il sus yaus tamainte imagination trop dure,
et quant on li dist qu’il estoient parti et tenoient le
chemin de Thoulouse, si appella monsigneur Thumas
5de Felleton et le seneschal de Roerge et monsigneur
Richart de Pontchardon et monsigneur Thumas de
Persi et son cancelier l’evesque de Bade, et leur demanda:
«Chil François, qui s’en revont, emportent
il nul sauf conduit de mi?» Li dessus dit respondirent
10qu’il n’en avoient oy nulles nouvelles. «Non,
dist li princes qui crolla la tieste, ce n’est pas bon
qu’il se partent si legierement de nostre pays, et voisent
recorder leur gengles et leurs bourdes au duch
d’Ango, qui nous aime tout petit, et dient comment
15il m’ont ajourné en mon hostiel meismes. Ossi tout
consideré, il sont plus messagier à mes subgès, le
conte d’Ermignach et le signeur de Labreth, li conte
de Pieregorth et celi de Commignes et de Quarmaing,
qu’il ne soient au roy de France, siques, à leur contraire
20et pour le despit qu’il nous ont fait et ont empris
à faire, nous acordons bien qu’il soient retenu
et mis en prison.»
De ces parolles furent cil dou conseil dou prince
tout joiant, et disent ensi que on y avoit trop mis
25au faire. Tantost en fu cargiés li seneschaus d’Aghinois,
qui s’appelloit messires Guillaumes le Monne,
uns moult appers chevaliers d’Engleterre, liquelz
monta tantost à cheval avoech ses gens, et se departi
de Bourdiaus et poursievi tant, en lui hastant, les
30François, que il les raconsievi sus le terre d’Aginois.
Si les arresta et mist main à yaus d’office, et trouva
aultre cautèle que dou fait dou prince; car, en yaus
[99] 99 arrestant, point ne nomma le prince, mès dist que
leurs hostes dou soir s’estoit plains d’un cheval que
on li avoit cangié à son hostel.
Li chevaliers et li clers furent tout esmervilliet de
5ces nouvelles, et s’en escusèrent moult fort; mès,
pour escusance que il fesissent, il ne peurent estre
desaresté, ains en furent mené en la cité d’Agen, et
là mis ou chastiel en prison. Et laissièrent bien partir
li dit Englès aucuns de leurs garçons, qui retournèrent
10en France au plus tost qu’il peurent, et passèrent
parmi le cité de Thoulouse et recordèrent au duch
d’Ango l’afaire ensi qu’il aloit, qui n’en fu mies trop
courouciés, pour tant qu’il pensoit bien que c’estoit
commencemens de hayne et de guerre, et se pourvei
15couvertement et avisa selonch ce.
Les nouvelles vinrent au roy de France, car li varlet
y retournèrent, qui recordèrent tout ce que il
avoient veu et oy dire à leurs mestres de l’estat et
couvenant dou prince. De laquele avenue li rois fu
20moult courouciés et le tint en grant despit, et s’avisa
selonch ce, et sus les parolles que li princes avoit dit,
qu’il venroit à son ajour contre l’appiel qui fais estoit,
personelment, le bachinet en le tieste, et soixante
mil hommes en se compagnie.
25§ 607. De ceste response grande et fière n’en pensèrent
mies li rois de France et ses consauls mains,
et se ordonnèrent et pourveirent selonch che quoiement
et couvertement.
A ce donc estoit retournés en France d’Engleterre,
30par grasce que li rois li avoit fait, messires Jehans de
France, dus de Berri, et avoit congiet un an. Si se
[100] 100 dissimula et porta si bellement que onques puis n’i
retourna; et prist tant d’escusances et d’autres moiiens
que la guerre fu toute ouverte, si com vous orés recorder
assés briefment.
5Ossi messires Guillaumes, contes de Harcourt, estoit
retournés en son pays; et li avoit li dis rois d’Engleterre
fait grasce, à le priière de monseigneur Loeis
de Harcourt, son oncle, qui estoit de Poito et pour
le temps des chevaliers feaulz dou prince. Liquelz
10contes de Harcourt eut une maladie qui trop bien li
chei à point, car elle li dura tant que la guerre fu
toute renouvelée: pourquoi onques puis ne rentra
en Engleterre.
Guys de Blois, qui pour le temps estoit uns jones
15escuiers et frères au conte Loeis de Blois, s’estoit delivrés
franchement d’Engleterre; car, quant il perchut
que li rois de France, pour qui il estoit là hostagiiers,
ne le deliveroit pas, il fist trettier devers le
signeur de Couci qui avoit à femme le fille dou roy
20d’Engleterre et qui tenoit à ce jour grant revenue en
Engleterre de par sa femme, assignés sus les coffres
dou roy. Si se porta trettiés entre le dit roy, le signeur
de Couci son fil et Gui de Blois, que li dis Guis, par
le consentement de ses deux frères Loeis et Jehan et
25l’acort dou roy de France, resigna purement et absoluement
ens ès mains dou roy d’Engleterre la conté
de Soissons, laquele conté li dis rois d’Engleterre
rendi et donna à son fil le signeur de Couci, et
de ce li sires de Couci le quitta de quatre mil
30frans de revenue par an: ensi se fisent ces
pareçons.
Li contes Pieres d’Alençon ossi, par grasce que li
[101] 101 rois d’Engleterre li avoit fait, estoit retournés en
France. Si demora tant et trouva pluiseurs escusances,
pour quoi onques puissedi ne rentra en l’ostagerie
dont il estoit partis; mais je croi que en le fin il paia
5trente mil frans, pour sa foy aquitter.
En devant ce, en estoit trop bien cheu au duch
Loeis de Bourbon qui pour celle cause estoit hostagiiers
en Engleterre, car par grasce que li rois d’Engleterre
li avoit fait il estoit retournés en France.
10Dont il avint, entrues qu’il estoit en France et à Paris
dalés le roy son serourge, que li evesques de Wincestre,
canceliers d’Engleterre, trespassa de ce siècle.
A ce donc regnoit en Engleterre uns prestres qui
s’appelloit Guillaumes Wikam. Chilz estoit si très
15bien dou roy d’Engleterre que par lui estoit tout fait,
et sans lui n’estoit riens fait. Quant cilz offices et celle
eveskiet vaghièrent, tantost li rois d’Engleterre, par
l’information et priière dou dessus dit Wikan, escrisi
au duch de Bourbon qu’il se vosist tant pour l’amour
20de lui travillier que d’aler devers le saint père pape
Urbain et impetrer pour son chapellain l’evesquiet
de Wincestre, et il li seroit courtois à se prison.
Quant li dus de Bourbon vei les messages dou roy
d’Engleterre et ses lettres, si en fu moult resjoïs et
25remoustra tout l’afaire au roy de France, de quoi
li rois d’Engleterre et messires Guillaumes Wikan le
prioient. Li rois li consilla bien d’aler devers le pape.
Si se parti li dis dus o son arroy et esploita tant par
ses journées qu’il vint en Avignon où li papes Urbains
30pour le temps se tenoit, car encores n’estoit il point
partis ne ralés à Romme. Auquel saint père li dus de
Bourbon fist sa priière, à laquele li papes descendi et
[102] 102 donna au dit duch l’evesquiet de Wincestre à faire
ent sa volentet; et, se il trouvoit tel le roy d’Engleterre
que amiable à se composition, il voloit bien
que li dis Wikan l’euist.
5Sus cel estat, retourna li dus de Bourbon en France
et depuis en Engleterre, et tretta de se delivrance
devers le roy et son conseil, ançois qu’il vosist moustrer
ses bulles. Li rois, qui moult amoit ce Wikan,
fist tout ce qu’il veult. Et fu li dus de Bourbon quittes
10de se prison, mais encores paia il vint mil frans.
Et messires Guillaumes Wikan demora eveskes de
Wincestre et canceliers d’Engleterre. Ensi se delivroient
cil signeur de France qui estoient hostagier
en Engleterre. Or revenons au fait de Gascongne où
15les guerres commencièrent premierement, pour le
cause de l’appiel et dou ressort.
§ 608. Vous devés savoir que li princes de Galles
prist en grant despit l’ajour que on li avoit fait à estre
à Paris. Et bien estoit se intention, selonch la response
20qu’il avoit ditte et faite as messagiers dou roy,
que, sus l’esté qui venoit, il venroit tenir son siège
et remoustrer sa personne à le feste dou Lendi. Et
envoia tantost devers les capitainnes des Compagnes,
englès et gascons, qui estoient de son accord, et liquel
25se tenoient sus le rivière de Loire, que il ne se
eslongassent mies trop, car temprement il en aroit à
faire. Desqueles nouvelles li plus des Compagnes furent
tout joiant. A ce n’euist point li princes falli, mès
de jour en jour il aggrevoit d’enfle et de maladie, laquele
30il avoit conçut en Espagne: dont ses gens estoient
tout esbahi, car ja ne pooit il point chevaucier.
[103] 103 Et de ce estoit li rois de France tous enfourmés, et
de l’estat et afaire de lui, et avoit par recepte toute
sa maladie. Si le jugoient li medecin et surgiien de
France plain de ydropisse et de maladie incurable.
5Assés tost apriès la prise de monsigneur Caponnet
de Caponval et dou clerch de droit, qui furent pris
et arresté de monsigneur Guillaume le Monne, et
menet prisonniers en le cité d’Agen, si com ci dessus
est dit, li contes de Pieregorg, li contes de Commignes
10et li viscontes de Quarmain, avoech monsigneur
Bertran de Taride, le signeur de la Barde et le signeur
de Pincornet, qui se tenoient en leurs terres, prisent
en grant despit le prise des dessus dis messagiers,
car, ou nom d’yaus et pour yaus, il avoient eu ce
15damage. Si se avisèrent que il se contrevengeroient
et ouveroient le guerre par aucun lés, et reprenderoient
des gens le prince, car cilz grans despis ne
faisoit mies à souffrir. Si entendirent que messires
Thumas de Welkefare devoit chevaucier à Rodais,
20pour entendre à le forterèce, et se tenoit à Villenove
d’Aginois, et devoit partir de là à soixante lances tant
seulement.
Quant li dessus dit entendirent ces nouvelles, si
en furent tout joiant, et se misent en embusche
25sus le dit monsigneur Thumas, trois cens lances en
leur compagnie, siques, au dehors de Montalben,
environ deux liewes en sus, ensi que li dis seneschaus
de Roerge chevauçoit à soixante lances et deux
cens arciers, ceste grosse embusce des Gascons leur
30salli au devant. Li Englès furent tout esbahi, qui
ne s’en donnoient garde. Toutesfois, il se misent
à deffense bien et faiticement; mès li François, qui
[104] 104 estoient tout pourveu et avisé de leur fait, les envaïrent
et assallirent fierement. Et là en eut, de premier
encontre, grant fuison ruet par terre. Et ne
peurent li dit Englès à ce donc porter le fais, ne souffrir
5les Gascons de Pieregorth, de Commignes et
de Quarmaing; si se ouvrirent et desconfirent et
tournèrent les dos. Et là en y eut grant fuison de
mors et de pris, et couvint le dit monsigneur Thumas
fuir; aultrement, il euist esté pris. Si se sauva à
10grant painne et à grant meschief par le bonté de son
coursier, et s’en vint bouter en le garnison de Montalben:
là fu il à sauveté. Li dessus dit François retournèrent
en leur pays; si en menèrent leurs prisonniers
et leurs conquès.
15Ces nouvelles vinrent moult tost au prince, qui se
tenoit pour le temps en Angouloime, comment ses
seneschaus de Roerge avoit esté ruet jus dou conte de
Pieregorth et de chiaus qui l’avoient fait appieller en
le cambre des pers à Paris. De ceste avenue fu li
20princes durement coureciés, et dist bien que ce
seroit amendé chierement et hasteement sus chiaus
et leurs terres, qui cest outrage avoient fait. Si escrisi
tantost li dis princes devers monsigneur Jehan Chandos,
qui se tenoit en Constentin à Saint Salveur le
25Visconte, en lui mandant que, ses lettres veues, il se
retraisist sans point de delay avant. Li dis messires
Jehans Chandos volt obeir et se hasta dou plus qu’il
peut, et s’en vint en Angouloime devers son signeur
li prince, qui le rechut à grant joie; et tantost li
30dis princes l’envoia à tout grant fuison de gens
d’armes et d’archiers en le ville de Montalben, pour
là faire frontière as Gascons françois, qui mouteplioient
[105] 105 tous les jours et couroient sus le tierre dou
prince.
Li dis messires Thumas de Welkefare, seneschaus
de Roerge, se recueilla au mieulz qu’il peut, et s’en
5vint à Rodais, et pourvei et rafreschi grandement le
cité, et ossi le ville et le chastiel de la Millau, sus les
marces de Montpellier, et toutes les garnisons de se
seneschaudie et le fort chastiel de Montpesier, et partout
mist gens d’armes et arciers.
10Messires Jehans Chandos, qui se tenoit à Montalben,
tint là franchement le marce et le frontière
contre les François, avoech aultres barons et chevaliers
que li princes y envoia, telz que monsigneur
le captal de Beus, les deux frères de Pumiers, monsigneur
15Jehan et monsigneur Helye, le soudic de
Lestrade, le signeur de Partenay, le signeur de
Pons, monsigneur Loeis de Harcourt, le signeur de
Puiane, le signeur de Tannai Bouton et monsigneur
Richart de Pontchardon. Si faisoient souvent des
20issues chil chevalier et leurs routes sus les gens le
conte d’Ermignach et le signeur de Labreth, qui faisoient
ossi la frontière, et li contes de Pieregorth, li
contes de Commignes, li viscontes de Quarmaing, li
sires de Taride, li sires de Pincornet, li sires de Labarde
25et pluiseur aultre, tout d’une alliance. Si gaegnoient
une fois li un, et puis li aultre, ensi que tels
aventures aviennent en fais d’armes.
Encores se tenoit li dus d’Ango tous quois, qui ne
se mouvoit pour cose qu’il oïst dire; car li rois de
30France, ses frères, li avoit deffendu qu’il ne fesist
point de guerre au prince, jusques à tant qu’il oroit
et aroit de lui certainnes nouvelles.
[106] 106 § 609. Li rois de France, toute celle saison, secretement
et soutievement avoit ratrait pluiseurs capitainnes
des Compagnes, Gascons et aultres, qui s’estoient
partis des Englès et estoient monté contremont
5le Loire, sus les marces de Berri et d’Auvergne.
Et les consentoit là li rois de France à vivre et à demorer,
mès point ne se nommoient encores ces
Compagnes François, car li rois de France n’en voloit
mies estre nommés, par quoi il perdesist son fait de
10la conté de Pontieu, qu’il tendoit fort à ravoir. Car,
se li rois d’Engleterre sentesist que li rois de France
li volsist avoir fait guerre, il euist bien obviiet au damage
qu’il rechut de Pontieu, car il euist si grossement
pourveu le bonne ville d’Abbeville d’Englès et
15de gens de par lui, qu’il en eussent esté mestre et
souverain, et ossi de toutes les garnisons appendans
à le ditte conté. A ce donc estoit seneschaus de Pontieu,
de par le roy d’Engleterre, uns bons chevaliers
englès, qui s’appelloit messires Nicoles de Louvaing,
20et ouquel li rois d’Engleterre avoit grant fiance et à
bon droit, car, pour les membres à trencier, il n’euist
pensé ne consenti nulle lasqueté à faire.
En ce temps estoient envoiiet en Engleterre, de par
le roy de France, li contes de Salebruce et messires
25Guillaumes de Dormans, pour parler au roy d’Engleterre
et à son conseil et yaus remoustrer comment,
de leur partie, la pais avoit esté et estoit encores
tous les jours mal tenue, si com il disoient, tant
pour le fait des Compagnes, qui guerrioient et avoient
30depuis six ans guerriiet le royaume de France, que
par aultres incidens, dont li rois de France et ses
consauls estoient enfourmet et se contentoient mal
[107] 107 sus le roy d’Engleterre et son fil le prince. Si avoient
li doy dessus dit demoret en Engleterre le terme de
deux mois, et, en ce terme pendant, proposé pluiseurs
articles et raisons au corps dou dit roy, dont
5pluiseurs fois l’avoient melancoliiet et courouciet;
mais il n’i acontoient c’un petit, car de ce à dire et
faire estoient il cargiet dou roy de France et de son
conseil.
Or avint ensi que, quant li rois de France eut le
10seurté secretement de chiaus de Abbeville, que il se
retourroient François et que les guerres estoient toutes
ouvertes en Gascongne, et toutes gens d’armes dou
royaume de France appareilliet et en grant volenté
de faire guerre au prince et d’entrer en le princeté,
15ils, qui ne voloit mies ou temps present ne avenir
estre reprociés que il euist envoiiés ses gens sus la
terre dou roy et dou prince et prendre villes, cités
et chastiaus et forterèces sus yaus sans deffiances,
eut conseil que il envoieroit deffiier le roy d’Engleterre,
20ensi qu’il fist par ses lettres closes. Et porta
uns de ses varlés de cuisine, breton, les dittes deffiances
et passa le mer si à point que il trouva à Douvres
les dessus dis, le conte de Salubruce et messire Guillaume
de Dormans, qui retournoient d’Engleterre en
25France et avoient acompli leur message, asquelz li
dis Bretons compta une partie de se entente, car
ensi en estoit il cargiés. Et quant li dessus dit
l’entendirent, il partirent d’Engleterre au plus tost qu’il
peurent et rapassèrent le mer; si furent tout joiant,
30quant il se trouvèrent en le ville et forterèce de
Boulongne.
En ce temps, avoit esté envoiiés à Romme, deviers
[108] 108 le pape Urbain Ve, de par le prince de Galles, pour
les besongnes de la ducé d’Aquittainne, messires
Guichars d’Angle, mareschaus d’Aquittainne. Si avoit
trouvé le pape assés amiable et descendant à ses
5priières, siques au retour li dis messires Guichars oy
nouvelles que on faisoit guerre au prince et que li
François couroient sus le princeté; si en fu tous esbahis
comment il poroit estre retournés. Non obstant
ce, il s’en vint devers monsigneur le gentil conte de
10Savoie, lequel en ce temps il trouva en Pieumont, en
le ville de Pinnerol, car il faisoit guerre contre le
markis de Saluce. Li dis contes de Savoie reçut
liement et grandement monsigneur Guichart d’Angle
et toute se route, et les tint deux jours moult
15aise, et leur donna grans dons et biaus jeuiaus, chaintures
et autres presens; et par especial, messires
Guichars en eut le milleur part, car li gentils contes
de Savoie l’onnoroit et recommendoit grandement
pour sa bonne chevalerie. Et quant li dis messires
20Guichars et ses gens se furent departi dou conte de
Savoie, il passèrent sans nul dangier parmi le conté
de Savoie; et plus approçoient les mettes de France
et de Bourgongne, et tant ooient il dures nouvelles et
desplaisans à leur pourpos, siques, tout consideré,
25messires Guichars vei bien que nullement, en l’estat
où il chevauçoit, il ne pooit retourner en Giane. Si
se dissimula et differa et mist et donna tout son estat
et son arroy en le gouvrenance et ordenance d’un
chevalier, qui en se compagnie estoit, qui s’appelloit
30messires Jehans Ysorés. Chilz avoit sa fille espousée
et estoit bons François, des marces de Bretagne. Li
dis messires Jehans prist en carge et en conduit toutes
[109] 109 les gens à monsigneur Guichart d’Angle, son père,
et s’en vint en le terre le signeur de Biaugeu, et là
passa le rivière de Sone; et s’acointa si bellement dou
dit signeur de Biaugeu, que li dis sires de Biaugeu
5amena le chevalier et toute se route à Rion, en Auvergne,
devers le duch de Berri. Si se offri là à estre
bons François, ensi qu’il estoit. Parmi tant, il
passa paisieulement et vint chiés soy en Bretagne. Et
li dis messires Guichars, en ghise et estat d’un povre
10capellain, tout deschiré et mal monté, rapassa parmi
France les marces de Bourgongne et d’Auvergne, et
fist tant que, en grant peril et en grant painne, il
rentra en le princeté, et vint en Angouloime, devers
le prince, où il fu moult liement recueilliés et li bien
15venus. Et uns aultres chevaliers de se route de Poito,
qui estoit partis en legation avoech lui, qui s’appelloit
messires Guillaume de Seris, s’en vint bouter en le
abbeye de Clugni en Bourgongne, et là se tint plus
de cinq ans, que onques ne s’en osa partir ne bougier,
20et en le fin se rendi il François.
Or revenons au Breton qui porta les deffiances
dou roy Charle de France au roy Edouwart
d’Engleterre.
§ 610. Tant esploita cilz dis varlés qu’il vint à
25Londres, et entendi que li rois d’Engleterre et ses
consaulz estoient ou palais de Wesmoustier, et avoient
là un grant temps parlementé et consilliet sus les besongnes
de le princeté et l’afaire dou prince, qui estoit
des barons de Gascongne guerriiés, à savoir comment
30il s’en maintenroient, et quelz gens d’Engleterre
on y envoieroit pour conforter le prince. Evous
[110] 110 venues autres nouvelles, qui leur donna plus à penser
que devant; car li varlés, qui les dittes deffiances
aportoit, fist tant qu’il entra en le ditte cambre, où
li rois et tous ses consauls estoient, et dist qu’il estoit
5uns varlés de l’ostel dou roy Charle de France,
là envoiiés de par le dit roy, et aportoit lettres qui
s’adreçoient au roy d’Engleterre, mès mies ne savoit
de quoi elles parloient, ne point à lui n’en apertenoit
de parler ne dou savoir. Si les offri il en genoulz
10au roy. Li rois, qui desiroit à savoir quel
cose il y avoit dedens, les fist prendre, ouvrir et lire.
Or furent moult esmervilliet li rois qui là estoit et
tout cil qui les oïrent lire, quant il entendirent les
deffiances, et regardèrent bien et avisèrent desous et
15deseure le seel, et cogneurent assés clerement que
les dittes deffiances estoient bonnes. Si fist on le
garçon partir, et li fu dit que il avoit bien fait son
message et qu’il se mesist hardiement au retour, il
ne trouveroit point d’empeecement, ensi qu’il fist, et
20retourna au plus tost qu’il peut parmi raison. Encores
estoient à ce jour hostagier en Engleterre, pour
le fait dou roy de France, li contes daufins d’Auvergne,
li contes de Porsiien, li sires de Roiie, li sires
de Maulevrier et pluiseur aultre, qui furent en grant
25soussi de coer, quant il oïrent ces nouvelles, car mies
ne savoient que li rois d’Engleterre et ses consaulz
vorroient faire d’yaus.
Vous devés savoir que adonc li rois d’Engleterre
et ses consaulz prisent en grant despit et desplaisance
30les deffiances aportées par un garçon; et disent
que ce n’estoit pas cose apertenans, que guerre
de si grans signeurs, comme dou roy de France et
[111] 111 dou roy d’Engleterre, fust nonciée ne deffiiée par
un varlet, mès bien valoit que ce fust par un prelat
ou par un vaillant homme, baron ou chevalier:
nequedent il n’en eurent adonc aultre cose. Si fu
5dit et consilliet là au roy que il envoiast, tantost et
sans delay, grans gens d’armes en Pontieu, pour
là garder le frontière, et especialment en le ville de
Abbeville, qui gisoit en grant peril de estre prise.
Li rois entendi volentiers à ce conseil, et y furent
10ordené et cargiet de là aler li sires de Persi, li sires
de Nuefville, li sires de Carlestonne et messires Guillaumes
de Windesore, à quatre cens hommes d’armes
et mil arciers.
Entrues que cil signeur et leur gens se ordenèrent
15et appareillièrent dou plus tost qu’il peurent, et ja
estoient trait à Douvres et venu pour passer le mer,
aultres nouvelles leur vinrent de Pontieu, qui ne leur
furent mies trop plaisans. Car si tretost que li contes
Guis de Saint Pol et messires Hues de Chastillon,
20mestres pour le temps des arbalestriers de France, peurent
penser et aviser ne considerer que li rois d’Engleterre
estoit deffiiés, il se traisent avant par devers
Pontieu, et avoient fait secretement leur mandement
de chevaliers et de escuiers d’Artois, de Haynau, de
25Cambresis, de Vermendois, de Vismeu et de Pikardie,
et estoient six cens lances, et vinrent à Abbeville.
Si leur furent les portes tantost ouvertes, car c’estoit
cose toute pourparlée et avisée, et entrèrent ces gens
d’armes ens, sans mal faire à nul de chiaus de le nation
30de le ville.
Messires Hues de Chastillon, qui estoit menères
et conduisières de ces gens d’armes, se traist tantost
[112] 112 de celle part où il pensoit à trouver le senescal de
Pontieu, monsigneur Nicole de Louvaing, et fist tant
qu’il le trouva et qu’il le prist et retint pour son
prisonnier, et prist encores un moult riche clerch
5et vaillant homme durement, qui estoit tresoriers
de Pontieu. Ce jour eurent li François tamaint bon
et riche prisonnier et se saisirent dou leur, et perdirent
li Englès tout ce que il avoient à ce jour en le
ditte ville de Abbeville. Encores coururent en ce jour
10caudement li François à Saint Walleri, et y entrèrent
de fait et s’en saisirent, et ossi au Crotoi et le prisent,
et ensi le ville de Rue sus mer.
Assés tost apriès, vint li contes de Saint Pol au
Pont de Remi sus Somme, où aucun Englès de là
15environ estoient recueilliet: si les fist assallir li dis
contes, et là eut grant escarmuce et forte. Et y fu
fais chevaliers messires Gallerans ses ainsnés filz,
liquelz se porta bien et vaillamment en se nouvelle
chevalerie. Si furent cil Englès, qui là estoient, si dur
20assalli qu’il furent desconfi, mort et pris, et li dis
pons et la forterèce conquise, et demora as François.
Briefment, tous li pays et la conté de Pontieu fu delivrée
des Englès, ne onques nulz n’i demora, qui
peuist grever le pays.
25Ces nouvelles vinrent au roy d’Engleterre, qui se
tenoit à Londres, comment cil de Pontieu l’avoient
relenqui et estoient tourné françois. Si en fu durement
courouciés, et eut li dis rois tamainte dure imagination
sus aucuns hostagiers de France, qui estoient encores
30à Londres, quant il se ravisa que ce seroit cruaultés se
il leur faisoit comparer son mautalent. Nequedent, il
envoia tous les bourgois des cités et bonnes villes de
[113] 113 France, qui là estoient hostagier, en aultres villes et
forterèces parmi son royaume, et ne les tint mies si au
large que il avoient esté tenu dou temps passé. Et le
conte daufin d’Auvergne, il rançonna à trente mil
5frans, et le conte de Porsiien à dix mil francs. Et
encores demora li sires de Roie en prison, en grant
dangier, car il n’estoit mies bien de court: se li
couvint souffrir et endurer au plus bellement qu’il
peut et povoit, tant que jours de delivrance vint pour
10li, par grant fortune et aventure, si com vous orés
avant en l’istore.
§ 611. Quant li rois d’Engleterre se vei deffiiés
dou roy de France et le conté de Pontieu perdue,
qui tant li avoit cousté au remparer villes, chastiaus
15et maisons, car il y avoit mis cent mil francs deseure
toutes revennes, et il se vei guerriiés de tous costés,
car dit li fu que li Escot estoient alloiiet au roy de
France, qui li feroient guerre, si fu durement courouciés
et merancolieus. Et toutesfois il doubta plus
20la guerre des Escos que des François; car bien savoit
que li Escot ne l’amoient mies bien, pour les grans
damages que dou temps passé il leur avoit fais. Si
envoia tantost grans gens d’armes sur les frontières
d’Escosse, à Bervich, à Rosebourch, au Noef Chastiel
25sur Thin et là partout sus les frontières. Et ossi il mist
grans gens d’armes sus mer au lés devers Hantonne,
Grenesie, l’isle de Wiske et Grenesee, car on li dist
que li rois de France faisoit un trop grant appareil de
naves et de vaissiaus pour venir en Engleterre. Si ne
30se savoit de quel part gaitier, et vous di que li Englès
furent adonc bien esbahi.
[114] 114 Sitost que li dus d’Ango et li dus de Berri sceurent
que les deffiances estoient et la guerre ouverte,
si ne veurent mies sejourner, mès fisent leurs mandemens
grans et especiaulz, li uns en Auvergne, et li
5aultres à Thoulouse, pour envoiier en le princeté. Li
dus de Berri avoit de son mandement tous les barons
d’Auvergne et de l’archeveskié de Lyons et de l’eveskié
de Mascons, le signeur de Biaugeu, le signeur de
Villars, le signeur de Tournon, monsigneur Godefroy
10de Boulongne, monsigneur Jehan d’Ermignach son
serourge, monsigneur Jehan de Villemur, le signeur
de Montagut, le signeur de Calençon, monsigneur
Hughe daufin, le signeur d’Achier, le signeur d’Achon,
le signeur de Rocefort et moult d’autres.
15Si se traisent tantost ces gens d’armes en Tourainne
et sus les marces de Berri, et commencièrent
fort à guerriier et à heriier le bon pays de Poito, mès
il le trouvèrent pourveu et garni de bonnes gens
d’armes, chevaliers et escuiers: si ne l’eurent mies
20d’avantage. Adonc estoient, sus les marces de Tourainne
et en garnison ès forterèces françoises, messires
Loeis de Saint Juliien, messires Guillaumes des
Bordes et Keranloet, Breton. Chil troi estoient compagnon
et grant capitainnes de gens d’armes. Si
25fisent en ce temps pluiseurs grans apertises d’armes
sus les Englès, ensi que vous orés recorder avant en
l’ystore.
§ 612. Li dus de Lancastre de son hiretage tenoit
un chastiel en Campagne, entre Troies et Chaalons,
30qui s’appelloit Biaufort, douquel uns escuiers englès,
qui se nommoit le Poursieugant d’amours, estoit
[115] 115 chapitainne. Quant cilz escuiers vei que la guerre estoit
renouvelée entre le roy d’Engleterre et le roy de
France, il avoit si enamouré le royaume de France
qu’il se tourna François et jura foy et loyauté à tenir,
5de ce jour en avant, comme bons François au roy de
France. Et li rois, pour ce, li fist grant pourfit et li
laissa en se garde, avoech un aultre escuier de Campagne,
le dit chastiel de Biaufort. Cilz Poursieugans
d’amours et Yewains de Galles estoient compagnon
10ensamble, et fisent depuis sus les Englès et chiaus de
leur costé tamaintes grans apertises d’armes. Ossi
messires li Chanonnes de Robertsart avoit en devant
estet toutdis bons François, mais à celle guerre renouvelée
il se tourna Englès et devint homs de foy
15et d’ommage au roy d’Engleterre qui fu de son service
moult joians. Ensi se tournoient li chevalier et
li escuier d’un lés ou de l’autre.
Et tant avoit procuré li dus d’Ango devers les Compagnes
gascons que messires Perducas de Labreth,
20li Petis Meschins, li bours de Bretueil, Aymenions
d’Ortige, Perros de Savoie, Jakes de Bray et Ernaudon
de Paus se tournèrent François: dont li Englès
furent moult courouciet, car leur force en fu durement
afoibli. Et demorèrent Englès Naudon de Bagherant,
25li bours de Lespare, li bours Camus et les
plus grans capitainnes des leurs: si estoient messires
Robers Brikés, messires Robers Cheni, Jehans Cressuelle,
Gaillart de le Motte et Aymeri de Rochewart.
Si se tenoient ces Compagnes, Englès et Gascon de
30leur acort, en l’eveskiet du Mans et sus le Basse Normendie,
et avoient pris une ville que on appelle Vire,
et destruisoient et honnissoient tout le pays de là
[116] 116 environ. Ensi tournèrent toutes les Compagnes ou
d’un lés ou d’aultre, et se tenoient tout ou Englès
ou François.
Li rois d’Engleterre eut conseil d’envoiier son fil
le conte de Cantbruge et le conte de Pennebruch,
5en le ducé d’Aquitainne, devers son fil le prince de[*]
Galles, à tout une carge de gens d’armes et d’arciers.
Si furent nommé et ordené cil qui avoecques yaus
iroient. Si me samble que li sires de Carbestone en
fu li uns, et messires Brians de Stapletonne, messires
10Thomas Balastre, messires Jehans Trivés et pluiseur
aultre. Si montèrent en mer au plus tost qu’il peurent,
et estoient en somme quatre cens hommes d’armes
et quatre cens arciers. Si singlèrent devers Bretagne,
si eurent vent à souhet, si arrivèrent ou havene de
15Saint Malo de l’Ille. Quant li dus de Bretagne sceut
que il estoient arrivé en son pays, si en fu durement
joiant, et envoia tantost aucuns de ses chevaliers
devers yaus pour les mieulz conjoïr, telz que messires
Jehans de Lagnigay et messires Jehans
20Augustins.
[*] Numéroté ainsi dans l’original (n. d. t.)
De la venue les chevaliers dou duch de Bretagne,
furent moult content li contes de Cantbruge et li
contes de Pennebruch. Encores ne savoient il de verité
se li baron, li chevalier et les bonnes villes de
25Bretagne les lairoient passer parmi leur pays, pour
entrer en Poito. Si en fisent li doi dessus dit signeur
d’Engleterre requeste et priière au duc et au pays.
Li dus, qui moult estoit favourables as Englès et qui
30envis les euist courechiés, s’i acorda legierement et
esploita tant par devers les barons et chevaliers et
bonnes villes de son pays, qu’il leur fu acordé qu’il
[117] 117 passeroient sans dangier et sans rihote, par paier tout
ce qu’il prenderoient sus le pays, et li Englès si
l’acordèrent ensi. Si trettièrent li contes de Cantbruge,
li contes de Pennebruch et leurs consauls devers ces
5Compagnes qui se tenoient en Mainne, à Chastiel
Gontier et à Vire, et qui avoient tout honni et
apovri le pays de là environ, qu’il passeroient oultre
avoecques euls. Si se porta trettiet et acort, qu’il se
partiroient de là et venroient passer la rivière de
10Loire au pont de Nantes, sans porter damage au pays:
ensi l’acordèrent li Breton.
En ce temps, estoit messires Hues de Cavrelée, à
une grosse route de Compagnes, sus le marce d’Arragon,
qui nouvellement estoit issus hors d’Espagne.
15Sitost qu’il peut savoir et entendre que li François
faisoient guerre au prince, il se parti à tout ce qu’il
avoit de gens d’armes, Compagnes et aultres, et passa
entre Fois et Arragon et entra en Bigorre, et fist tant
qu’il, de bien guerriier pourveus, vint devers le
20prince qui se tenoit en le cité d’Angouloime. Quant
li princes le vei venu, se li fist grant chière et lie, et
li sceut grant gré de ce secours, et le fist un petit demorer
dalés lui, tant que les Compagnes, qui estoient
issu hors de Normendie et qui avoient vendu les forterèces
25qu’il tenoient, furent venu; car li Breton les
laissièrent passer parmi leur pays, parmi tant qu’il
n’i portoient nul damage. Sitost qu’il furent venu en
Angouloime et là environ, li princes ordonna monsigneur
Hue de Cavrelée à estre souverain et chapitainne
30d’yaus; et estoient bien, parmi chiaus qu’il
avoient amené avoecques lui d’Arragon, deux mil
combatans. Si les envoia tantost li dis princes ens ès
[118] 118 terres le conte d’Ermignach et dou signeur de Labreth,
pour les ardoir et exillier; et y fisent grant
guerre et y portèrent grant damage.
§ 613. Li contes de Cantbruge et li contes de Pennebruch
5s’estoient tenu à Saint Malo de l’Ille, à tout
leur carge, si com chi dessus est dit, tant que toutes
les Compagnes de leur costé furent passet oultre, par
l’acort dou pays de Bretagne et le bonne diligense
que li dus de Bretagne y mist. Quant il se furent rafreschi,
10et il eurent le congié et acord de passer, il
passèrent et se departirent de Saint Malo, et s’en
vinrent par leurs journées en le cité de Nantes. Et là
les rechut li dus grandement et honnourablement,
et se tinrent dalés lui trois jours, et s’i rafreschirent
15yaus et leurs gens. Au quatrime jour, il passèrent
oultre et le grosse rivière de Loire au pont à Nantes,
et puis cheminèrent tant par leurs journées, qu’il
vinrent en Angouloime, où il trouvèrent le prince et
madame la princesse. De la venue le conte de Cantbruge
20son frère et dou conte de Pennebruc fu li
princes grandement resjoïs: si leur demanda dou roy
leur père et de madame la royne leur mère et de ses
aultres frères, comment il le faisoient; et li dessus dit
en parlèrent bien et à point, ensi qu’il apertenoit.
25Quant il eurent sejourné dalés le prince environ
quatre jours et il s’i furent rafreschi, li princes les
ordonna d’aler en le Gascongne et de faire une chevaucie
en le conté de Pieregorth. Li doi dessus dit signeur
d’Engleterre et li chevalier, qui avoech yaus
30estoient venu, s’i assentirent volentiers, et se ordonnèrent
et pourveirent selonch che, et se departirent
[119] 119 dou prince en grant arroy, et estoient bien troi
mil combatans, parmi pluiseurs chevaliers et escuiers
de Poito, de Saintonge, de Quersin, de Limozin
et de Roerge, que li princes ordonna et commanda
5d’aler en leur compagnie. Si chevaucièrent cil
signeur et ces gens d’armes, et entrèrent efforciement
en le conté de Pieregorth: si le commencièrent à
courir et à exillier, et y fisent pluiseurs grans apertises
d’armes et moult de damages. Et quant il eurent
10ars et couru le plus grant partie dou plat pays,
il s’en vinrent mettre le siège devant une forterèce
que on appelle Bourdille, de laquele estoient chapitainne
doy escuier de Gascongne et frère, Ernaudon
et Bernardet de Batefol.
15§ 614. En le garnison de Bourdille, en le conté de
Pieregorth, avoit, avoech les deus chapitainnes dessus
nommés, fuison de bons compagnons, que li
contes de Pieregorth y avoit ordonnés et establis,
pour aidier à garder le forterèce, laquele estoit bien
20pourveue de toute artillerie, de vins, de vivres et de
toutes aultres pourveances, pour le tenir bien et longement;
et ossi cil qui le gardoient, en estoient en
bonne volenté. Si eut devant Bourdille, le siège
pendant, pluiseurs grans apertises d’armes faites,
25maint assaut, mainte envaïe, mainte recueilloite et
tamainte escarmuce, et priesque tous les jours, car
li doy escuier estoient hardi et orghilleus, et qui petit
amiroient les Englès; si venoient souvent à leurs barrières
escarmucier à yaus: une fois perdoient et l’autre
30gaegnoient, ensi que les aventures aviennent en
telz fais d’armes et en samblables.
[120] 120 D’autre part, en Poito et sus les marces dou dit
pays et d’Ango et de Tourainne, estoient bien mil
combatans, François, Bretons, Bourghegnons, Pikars,
Normans et Angevins; et couroient tous les jours
5moult souvent en le terre dou prince et y faisoient
grant damage: desquelz estoient capitainne messires
Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bordes, messires
Loeis de Saint Juliien et Carenloet, Breton. A l’encontre
de ces gens d’armes se tenoient ossi, sus les
10frontières de Poito et de Saintonge, aucun chevalier
dou prince, et par especial, messires Symons Burlé et
messires d’Aghorises, mès il n’avoient pas le quarte
partie de gens que li François, quant il chevauçoient,
se trouvoient; car il estoient toutdis mil combatans
15ou plus ensamble, et li Englès environ deux cens ou
trois cens dou plus. Car li princes en avoit envoiié
en trois chevaucies grant fuison, à Montalben plus
de cinq cens avoech monsigneur Jehan Chandos, et
ens ès terres le conte d’Ermignach, et le signeur de
20Labreth ossi grant fuison avoecques monsigneur Hue
de Cavrelée, et le plus grant partie avoech le conte
de Cantbruge, son frère, devant Bourdille. Pour ce ne
demoroit mies que cil qui estoient en Poito contre
ces François, ne s’acquittassent bien et loyaument
25de faire lor devoir de chevaucier et de garder les
frontières à leur pooir. Et toutdis l’ont ensi fait li Englès
et toute manière de gens d’armes de leur costé,
ne n’ont pas ressongné pour ce se il n’estoient point
moult grant fuison.
30Dont il avint que un jour li François furent enfourmé
de verité que li Englès chevauçoient et estoient
sus les camps: de ce furent il tout joiant, et
[121] 121 s’ordonnèrent et cueillièrent selonch ce, et se misent
en embusce toutes leurs routes. Ensi que li
Englès retournoient, qui leur chevaucie avoient fait
entre Luzegnan et Mirabiel, sus une desroute cauchie
5qui là est, li François leur sallirent au devant,
qui bien estoient sept cens combatant, dont les dessus
dittes capitainnes estoient meneur et gouvreneur,
messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bordes,
messires Loeis de Saint Juliien et Carenloet, Breton.
10Là eut grant hustin et fort rencontre et tamaint
homme reversé par terre, car li Englès se misent à
deffense, qui se combatirent bien et vaillamment,
tant qu’il peurent durer, et y fisent li aucun pluiseurs
belles apertises d’armes. Et y furent très bon chevalier
15messires Symons Burlé et messires d’Agorises; mès
finablement il n’en eurent point le milleur, car il
n’avoient q’une puignie de gens ens ou regard des
François: si furent desconfi, et les couvint fuir. Si
se sauva messires d’Aghorises au mieulz qu’il peut,
20et s’en vint bouter ens ou chastiel de Luzegnan. Et
messires Symons Burlé fut si priès sievois et encauciés
que, sus une desroute caucie, assés priès de Lusegnan,
il fu ratains, et ne peut fuir ne escaper les
François. Si fu là pris li dis chevaliers, et toutes ses
25gens mors ou pris: petit s’en sauvèrent. Et retournèrent
li François en leurs garnisons, qui furent
moult resjoy de ceste avenue, et ossi fu li rois de
France, quant il le seut, et li princes de Galles durement
courechiés, qui moult plaindi le prise de son
30chevalier monsigneur Symon Burlé, que moult amoit.
§ 615. Apriès ceste avenue qui avint entre Mirabiel
[122] 122 et Luzegnan, si com ci dessus est dit, chevaucièrent
li Englès et li Poitevin mieulz ensamble et plus
sagement.
Or parlerons de monsigneur Jehan Chandos, de
5monsigneur le captal, de monsigneur de Harcourt,
de monsigneur Guichart d’Angle et des aultres qui
se tenoient à Montalben, à sept liewes de Thoulouse,
et faisoient souvent des issues honnerables et pourfitables
pour yaus sus les François, car il estoient bien
10mil combatans et plus: si desiroient moult à trouver
les François, pour yaus combatre.
Entrues qu’il estoient là, il regardèrent qu’il n’emploioient
pas trop bien leur saison, fors que de garder
le frontière. Si se avisèrent qu’il venroient mettre le
15siège par devant le ville de Terrières en Thoulousain.
Si se ordonnèrent selonch che, et se departirent un
jour en grant arroy de Montalben, et s’en vinrent devant
Terrières. Quant il furent là parvenu, il le assegièrent
tout environ, et le imaginèrent bien que de
20assaut il ne l’aroient point à leur aise, se il ne l’avoient
par mine. Si misent leurs mineurs en oevre,
liquel esploitièrent si bien que, au chief de quinze
jours, il le prisent par mine; et furent mort tout cil
qui dedens estoient, et la ville robée et courue. Encores
25en celle chevaucie, il avoient avisé une aultre
ville, à trois liewes de Thoulouse, que on appelle Laval,
et avoient mis leur embusche assés priès de là
en un bois, et s’en venoient devant environ quarante
des leurs, armés desous vestemens de villains.
30Si furent deceu par un garçon qui venoit piet à piet
avoech yaus; aultrement il euissent eu le ville, et fallirent
à leur entente et retournèrent arrière à Montalben.
[123] 123 En ce temps, tenoient les camps li contes de Pieregorth,
li contes de Commignes, li contes de Lille, li
viscontes de Quarmaing, li viscontes de Brunikiel, li
viscontes de Talar, li viscontes de Murendon, li viscontes
5de Lautré, messires Bertrans de Taride, li sires
de Labarde, li sires de Pincornet, messires Perducas
de Labreth, li bourch de Lespare, li bourch de
Bretuel, Aymenion d’Ortige, Jakes de Bray, Perros de
Savoie et Ernaudon de Paus, et estoient bien ces gens
10d’armes, parmi les Compagnes, dix mil combatans. Si
entrèrent, par le commandement et ordenance dou
duch d’Ango, qui pour le temps se tenoit en le cité
de Thoulouse, en Quersin moult efforciement, et
contournèrent le pays en grant tribulation, et ardirent
15et exillièrent le plus grant partie dou plat pays,
et s’en vinrent par devant Royauville en Quersin et
le assegièrent. Li seneschaus de Quersin l’avoit en
devant pourveu bien et souffissamment de tout ce que
il apertenoit pour une ville garder, et de bons compagnons
20englès, qui jamais ne se fuissent rendu pour
morir, quoique cil de le ville en fuissent en bonne
volenté, se il peuissent.
Quant cil baron et chevalier de France l’eurent
assegié, il envoiièrent querre quatre moult grans engiens
25en le cité de Thoulouse. Tantos on leur envoia,
et fist on là achariier. Si furent drechiet et
mis en ordenance par devant le garnison de Royauville.
Si jettoient nuit et jour pierres et mangonniaus
par dedens la ville, qui moult les constraindi
30et afoibli. Avoech tout ce, il avoient mineurs avoech
yaus, qu’il misent en leurs mines et qui se vantoient
qu’il prenderoient le ville, et toutdis se tenoient li
[124] 124 Englès comme bonnes et vaillans gens, et se confortoient
bien de ces mineurs, et par samblant nul
compte n’en faisoient.
§ 616. Endementrues que ces gens d’armes françois
5se tenoient si efforciement en Quersin, sus les
marces de Limozin et d’Auvergne, li dus de Berri, d’autre
part, estoit en Auvergne, et tenoit là grant genz
d’armes, telz que monsigneur Jehan d’Ermignach,
son serourge, monsigneur Jehan de Villemur, Rogier
10de Biaufort, le signeur de Biaugeu, le signeur de Villars,
le signeur de Serignach, le signeur de Calençon,
monsigneur Griffon de Montagut, monsigneur Hughe
Daufin et grant fuison de bonnes gens d’armes; et
couroient sus les marces de Roerge, de Quersin et de
15Limozin, et apovrissoient et honnissoient durement le
pays où il entroient et conversoient, ne nulz ne duroit
devant yaus. Dont il avint adonc que, par le promovement
de monsigneur le duch d’Ango, qui veoit
ses besongnes en bon parti, et que leurs gens tenoient
20les camps en Quersin et en Roerge, il fist partir de
Thoulouse l’archevesque de la ditte ville, qui estoit
grans clers et vaillans homs durement, et chevaucier
devers le cité de Chaours, dont ses frères estoit
evesques.
25Li dis archevesques preeça là telement et si bellement
la querelle dou roy de France que la cité de
Chaours se tourna françoise, et jurèrent foy et loyauté
à tenir de ce jour en avant au roy de France. En
apriès, il chevauça oultre, et partout preeçoit et remoustroit
30la querelle dou roy de France si bellement,
que tous li pays se tournoit. Et fist à ce donc tourner
[125] 125 plus de soissante cités, villes, chastiaus et forterèces,
parmi le confort des gens le duch de Berri, qui chevauçoient
ou pays, messires Jehans d’Ermignach et
les aultres. Si fist tourner Figeach, Gramach, Rochemadour
5et Chapedenach et pluiseurs bonnes villes et
fors chastiaus, car il preeçoit le roy de France si grant
droit avoir en ceste querelle, que les gens qui l’ooient,
le creoient en verité; et ossi de nature et de volenté
il estoient trop plus françois qu’englès, qui bien aidoit
10à le besongne.
En tel manière que cilz archevesques aloit preeçant
et remoustrant la querelle dou dit roy ens ès mettes
et limitations de le Langue d’Ok, estoient en Pikardie
pluiseur prelat et clerch de droit, qui souffissamment
15en faisoient bien leur devoir dou preechier et dou remoustrer
as communautés des cités et bonnes villes.
Et par especial messires Guillaumes de Dormans preeçoit
la ditte querelle dou roy de France, de cité en cité
et de bonne ville en bonne ville, si bellement et si
20notablement que toutes gens y entendoient volentiers,
et estoient les besongnes dou royaume par li et par
ses parolles telement coulourées que merveilles seroit
à oïr recorder.
Avoech tout ce, li rois de France, meus en devotion
25et en humilité, faisoit continuelement faire,
en le cité de Paris, grandes processions de tout le
clergié; et il meismes, tous descaus et à nus piés, et
madame la royne ensi en cel estat y aloient en suppliant
devotement à Dieu que il volsist entendre à
30eulz et as besongnes dou royaume, qui avoient de
lonch temps esté en grant tribulation. Et faisoit li
dis rois, par tout son royaume, estre son peuple,
[126] 126 par constrainte des prelas et gens d’eglise, en ceste
affliction.
Tout en tel manière faisoit li rois d’Engleterre en
son royaume. Et y avoit un evesque pour le temps à
5Londres, qui en faisoit pluiseurs grans et belles
predications, et disoit et remoustroit en ses sermons
que li rois de France et li François, à leur trop
grant tort et prejudisce, avoient renouvellé le guerre,
et que c’estoit contre droit et contre raison, par pluiseurs
10poins et articles que il leur moustroit.
Au voir dire, il estoit de necessité, à l’un roy et
l’autre, puisque guerriier voloient, que il fesissent
mettre en termes et remoustrer à leur peuple l’ordenance
de leur querelle, par quoi çascuns entendesist
15de plus grant volenté à conforter son signeur, et de
ce estoient il tout resvilliet en l’un royaume et en
l’autre.
Li rois d’Engleterre avoit envoiiet en Braibant et
en Haynau, pour savoir se il en seroit point aidiés.
20Et avoit par linage priiet son neveut le duc Aubert,
qui tenoit en bail pour ce temps le conté de Haynau,
que il li volsist ouvrir son pays et appareillier pour
passer, aler et demorer et sejourner, se mestier faisoit,
et pour par cesti lés entrer ens ou dit royaume
25de France et faire y guerre. Li dus Aubers, à le
priière dou roy d’Engleterre, son oncle, et de madame
la royne d’Engleterre, sen ante, y fust assés legierement
descendus, et en estoit en bonne volenté par
le pourcach et monition de monsigneur Edouwart
30de Guerles, qui faisoit partie pour le dit roy et qui
avoit sa fille espousée, et dou duch de Jullers, son
cousin germain.
[127] 127 Cil doi, pour ce temps, estoient de foy et d’ommage
loiiet et acouvenenciet au roy d’Engleterre,
et avoient ja estet priiet et aviset de par le roy
d’Engleterre, qui avoit envoiiet devers yaus grans messages,
5que il retenissent gens, cescuns jusques à
mil lances, et il seroient delivret: pourquoi cil doi
signeur euissent volentiers veu avoech le roy d’Engleterre,
que li dus Aubers euist esté de leur alliance;
et en estoit li dis dus grandement temptés, parmi grans
10dons et grans pourfis que li rois d’Engleterre li prommetoit
à donner et à faire par ses chevaliers que il
avoit envoiiés devers lui et par le signeur de Gommegnies,
qui se tenoit dalés le roy et qui estoit des
chevaliers dou roy, et qui pour ceste cause en partie
15estoit retournés en Hainau.
A ce donc et en ce temps, avoit en Haynau grant
conseil et bon de monsigneur Jehan de Wercin, senescal
de Haynau, par qui tous li pays estoit gouvrenés,
et liquels estoit sages homs et vaillans chevaliers
20durement et bons François. Li dis seneschaus
estoit tant crus et tant amés dou dit duc et de madame
la duçoise, que il brisa tous les pourpos des
Englès, parmi l’ayde dou conte de Blois et de monsigneur
Jehan de Blois, son frère, et dou signeur
25de Barbençon, et dou signeur de Ligne, que li dus
Aubers et tous li pays demorèrent neutre et ne se
deurent tourner, ne de l’une part, ne d’autre. Et
ensi en respondi madame Jehane la duçoise de
Braibant.
30Li rois Charles de France, qui estoit sages et soutieus,
avoit carpenté et ouvré tous ces trettiés trois
ans en devant, et bien savoit que il avoit des bons
[128] 128 amis en Haynau et en Braibant, et par especial le
plus grant partie des consaulz des signeurs. Et pour
sa guerre embellir et coulourer, il fist copiier par
ses clers pluiseurs lettres touchans à le pais jadis
5confremée à Calais, et là en dedens enclore toute le
substance dou fait et quel cose li rois d’Engleterre et
si enfant avoient juret à tenir, et en quoi par leurs
seelés il s’estoient sousmis, et des renonciations ossi
qu’il avoient faites, et des commissions que il devoient
10avoir eu baillies à leurs gens, et tous les poins
et articles qui estoient pour lui, en condempnant le
fait des Englès, et ces lettres publiier ens ès cambres
des signeurs et de leurs consaulz, afin que il en fuissent
mieus enfourmé.
15Tout en tel manière, à l’opposite, faisoit li rois
d’Engleterre ses moustrances et ses escusances en
Alemagne, là où il pensoit que elles li peuissent
aidier et valoir. Li dus de Guerles, neveus à ce roy
d’Engleterre, filz de sa suer, et li dus de Jullers,
20cousins germains à ses enfans, liquel estoient pour
ce temps bon Englès et loyal, avoient pris en grant
despit l’ordenance des deffiances, que li rois de
France avoit fait faire par un garçon, et en reprendoient
et blasmoient grandement le roy de France
25et son conseil, quant par tel manière l’avoient
fait; car guerre de si grans signeurs et si renommés
comme dou roy de France et dou roy d’Engleterre,
devoit estre ouverte et deffiiée par gens
notables, telz que grans prelas, evesques ou abbés, et
30disoient que li François l’avoient consilliet au roy à
faire par grant orgueil et presumption. Si envoiièrent
li dessus dit deffiier le roy de France moult notablement,
[129] 129 et seelèrent pluiseur chevalier d’Alemagne
avoech eulz, et estoit leur intention que d’entrer
temprement en France et de faire y un si grant
trau, que il y parroit vint ans en apriès; mais de ce
5ne fisent il riens, car leurs pourpos fu brisiés par
aultre voie qu’il ne cuidoient adonc, si com vous
orés avant en l’istore.
§ 617. Vous avés chi en devant bien oy parler et
recorder dou grant pourcach que li rois d’Engleterre
10fist et mist par l’espasse de cinq ans et plus, pour
avoir la fille le conte de Flandres en mariage pour
son fil monsigneur Aymon, conte de Cantbruge. Les
devises et les ordenances en seroient trop longes à
demener: si m’en passerai briefment. Et saciés que
15onques li rois d’Engleterre ne peut tant esploitier,
par quelque voie ne moiien que ce fust, que li papes
Urbains Ves les volsist dispenser. Si demora chilz mariages
à faire. Li contes de Flandres, qui estoit priiés
d’autre part dou roy de France pour son frère le
20duch de Bourgongne, quant il vei que cilz mariages
ne se passeroit nient en Engleterre, et que sa fille
demoroit à marier et si n’avoit plus d’enfans, entendi,
par le promovement de madame sa mère la
contesse d’Artois, au jone duch de Bourgongne, car
25c’estoit uns grans mariages et haulz et bien paraus à
lui. Si envoia grans messages en Engleterre, pour
trettier au dit roy quittances.
Cil esploitièrent si bien que li rois d’Engleterre, qui
ne voloit que toute loyauté, quitta le conte de Flandres
30de toutes couvenences; et retournèrent li message
à Bruges, et recordèrent au conte leur signeur comment
[130] 130 il avoient esploitié. De cel esploit fu li contes
tous liés. Depuis ne demora gaires de temps que cilz
mariages se fist, de Flandre et de Bourgongne, parmi
grans trettiés et consaulz, couvenences et alliances des
5uns as aultres. Et me fu adonc dit que li contes, pour
ce mariage laissier passer, rechut grant pourfit, plus
de cent mil frans, et demorèrent encores à lui le ville
de Lille et ceste de Douay, en carge de grant argent
que li rois donnoit à son frère en mariage et au conte
10de Flandres, qui prist le saisine et possession des
dessus dittes villes et y mist ses gens. Et furent ces
villes attribuées à Flandres, par cause de wage, je
n’en sçai plus avant.
Tantost apriès ceste ordenance, on proceda ou mariage
15qui se fist et confrema en le bonne ville de
Gand. Et là eut grans festes et grans solennités, au
jour des noces, devant et apriès, et grant fuison de
signeurs, barons et chevaliers. Et par especial li
gentilz sires de Couci y fu, qui bien affreoit en une
20feste, et mieulz le savoit faire que nulz aultres, car li
rois de France l’i envoia. Si furent ces noces bien et
grandement festées et joustées, et en apriès cescuns
s’en retourna en son pays.
Li rois d’Engleterre, qui veoit que li contes de
25Flandres, par le cause de ce mariage, estoit alloiiés
en France, ne savoit que supposer se li contes de
Flandres feroit partie contre li, avoech le duch de
Bourgongne son fil, qui par succession devoit estre
ses hoirs de le conté de Flandres, ne quelz couvenences
30il avoit entre le dit conte et le roy de France.
Si se tint li rois d’Engleterre un petit plus frans et
plus fors contre les Flamens, et leur moustra grignes
[131] 131 et fist moustrer par ses gens, sus mer et ailleurs en
son pays, ensi que on les y trouvoit et que il venoient
en marchandise. De ce n’estoit mies li rois de France
coureciés, car il euist volentiers veu que la guerre
5fust ouverte entre les Flamens et les Englès, mès li
sage homme de Flandres et li riche bourgois des
bonnes villes n’en avoient nulle volenté; et soustenoient
toutdis plus les communautés de Flandres la
querelle et oppinion dou roy d’Engleterre à estre
10juste et bonne que ceste dou roy de France.
§ 618. Li rois Edowars d’Engleterre, qui acqueroit
amis de tous lés, et bien li besongnoit selonch les
grans guerres et rebellions de pays qui li apparoient,
senti et entendi que li rois Charles de Navare ses cousins,
15qui se tenoit en le Basse Normendie, seroit assés
tost de son acord, car il estoit en grignes et en
hayne contre le roy de France, pour aucunes terres
qui estoient en debat, que li dis rois de Navare
reclamoit de son hiretage, et li rois de France li deveoit.
20Si en avoient esté leurs gens et leurs consaulz
pluiseurs fois ensamble, mais il n’i avoient pout trouver
moiien ne acord. Si estoit la cose demorée en ce
parti, que cescuns se tenoit sus sa garde. Et avoit li
dis rois de Navare fait grossement et bien pourveir
25ses villes et ses castiaus, en Constentin et en le conté
d’Evrues, sus les bendes de Normendie, et se tenoit
à Chierebourch, et partout ses garnisons gens
d’armes.
A ce donc estoit dalés lui messires Eustasses d’Aubrecicourt,
30mestres et gouvrenères d’une ville oultre
les Gués Saint Clement, ou clos de Constentin, qui se
[132] 132 tenoit pour le roy de Navare, car c’estoit de son hiretage,
et ceste ville appelle on Quarenten; et estoit
li dis messires Eustasses li plus especiaus de tout son
conseil: siques li rois d’Engleterre envoia devers lui,
5car il estoit ossi ses homs et ses chevaliers, pour savoir
l’intention dou roy de Navare. On le trouva tel,
et si bien esploita li dis messires Eustasses, que li rois
de Navare, à privée mesnie, entra en un vaissiel que
on appelle un lin, et vint en Engleterre parler au dit
10roy qui li fist grant chière et bonne. Et eurent là ensamble
grans parlemens et lons, et furent si bien d’acort
que li rois de Navare, lui retourné à Chierebourch,
devoit deffiier le roy de France, et recueillier et mettre
par tout ses chastiaus les Englès.
15Apriès ces alliances et confederations entre ces
deux rois faites et confremées, li rois de Navare retourna
arrière en Normendie en le ville de Chierebourch,
et le raconduisirent chevalier et escuier de
l’ostel dou roy d’Engleterre et de madame la royne,
20asquelz à leur retour il chei moult mal, car il encontrèrent
nefs normandes et escumeurs de mer, qui
tantost les envaïrent et assallirent fierement et qui
furent plus fort d’yaus. Si conquisent li dit Normant
les Englès et les misent tout à bort: onques
25homme il n’i prisent à merci. Ensi ala de ceste aventure,
de quoi li rois d’Engleterre fu moult courouciés,
quant il le sceut, mès amender ne le peut tant c’à
ceste fois.
Assés tost apriès la revenue dou roy de Navare qui
30estoit retournés à Chierebourch, messires Eustasses
d’Aubrecicourt, qui avoit estet mandés et priiés dou
prince de Galles et envoiiés querre par messages et
[133] 133 par hiraus, prist congiet dou dit roy de Navare, pour
aler en le princeté servir le prince, liquelz rois li donna
moult envis. Mès li dis messires Eustasses li moustra
tant de raisons, que finablement il se parti et entra
5en mer avoech ce qu’il avoit de gens, et vint ariver à
Saint Malo de l’Ille en Bretagne et là prist terre, et
puis chevauça vers Nantes pour là passer le Loire,
par l’acort dou duc et de chiaus dou pays, qui encores
ne se mouvoient ne de l’un lés ne de l’autre. Si esploita
10tant par ses journées li dis messires Eustasses,
qu’il entra en Poito, et vint en le cité d’Angouloime,
devers le prince, qui le rechut à joie et qui assés tost
apriès l’envoia devers monsigneur Jehan Chandos et
le captal, qui se tenoient à Montalben et faisoient la
15frontière contre les François. Si fu li dis messires
Eustasses li très bien venus entre les signeurs et compagnons,
si tretost qu’il y vint.
§ 619. En ce temps, misent sus li chevalier de Pikardie
une chevaucie de gens d’armes, sus l’intention
20de chevauchier et d’aller veoir chiaus d’Arde, de laquele
furent adonc chief messires Moriaus de Fiennes,
connestables de France, et messires Jehans de
Wercin, seneschaus de Haynau, par le commandement
dou roy de France. Si se assamblèrent en le
25bonne ville de Saint Omer, et estoient bien mil lances,
chevaliers et escuiers. Si vinrent ces gens d’armes
faire leur moustre, par devant le bastide d’Arde,
qui bien estoit garnie et pourveue d’Englès, et se logièrent
par devant et donnèrent à entendre que il
30tenroient là le siège.
Li Englès, qui pour ce temps estoient adonc dedens
[134] 134 Arde, n’en furent noient esbahi, mès se ordonnèrent
et se apparillièrent pour deffendre, se on les
assalloit. Si se armèrent et ordonnèrent un jour li
signeur de France et de Haynau, qui là estoient, et
5se traisent tout sus les camps en moult frice et
noble arroy; et là estoit grans biautés de veoir les
banières de ces signeurs mettre avant et faire lor
moustre. Si assalli on ce jour à petit de pourfit,
car il en y eut des navrés et des blechiés, et se
10n’i conquisent riens. Et me samble, selonch ce que
je fui adonc enfourmés, que au cinquime jour il
se departirent d’Arde sans aultre esploit, et retourna
cescuns en son lieu. Ensi se desrompi ceste
chevaucie.
15§ 620. Nous revenrons as besongnes des lontainnes
marces; si compterons dou siège qui se tenoit devant
Royauville, en Quersin, que li François y avoient
mis et establi, qui estoient plus de douze mil combatans,
parmi les Compagnes, et toutes bonnes gens.
20Et encores, à deux journées priès d’yaus, se tenoient
les gens le duch de Berri, messires Jehans d’Ermignach,
messires Jehans de Villemur, li sires de Biaugeu
et li aultre d’Auvergne et de Bourgongne, qui
bien estoient troi mil combatans, qui tantost fuissent
25trait avant, se il besongnast. Messires Jehans
Chandos et li captaus et messires Guichars d’Angle et
li aultre, qui faisoient frontière à Montalben, savoient
bien le siège des François devant Royauville et quel
nombre de leur costé il estoient sus le pays. Si ne
30trouvoient mies gens assés pour yaus combatre ne lever
le siège, car li contes de Cantbruge et li contes
[135] 135 de Pennebruch, qui seoient devant Bourdille, ne voloient
nullement brisier leur siège.
Or avint ensi que li François, qui avoient devant
Royauville mis leurs mineurs en mine et qui avoient
5grans engiens qui jettoient nuit et jour, constraindirent
si chiaus de Royauville que li dit mineur vinrent
à leur entente et fisent reverser un grant pan
dou mur, par quoi la ville fu prise et tout li Englès,
qui dedens estoient, mort sans prendre à merci, dont
10ce fu damages, car il y avoit de bons escuiers. Chil de
le nation de le ville furent pris à merci, parmi tant
que, de ce jour en avant, il jurèrent à estre bon François
et loyal. Si ordonnèrent cil signeur qui là estoient,
chapitainnes et gens d’armes, pour garder le ville, se
15mestier faisoit, et pour donner avis et conseil dou
remparer. Si se departirent ces gens d’armes, apriès
le conquès de Royauville, sus le pays de Quersin et
de Roerge, pour yaus rafreschir et estre mieuls à leur
aise, et s’en vinrent les Compagnes en le cité de
20Chaours et là environ. Si en furent chapitainne Aymenions
d’Ortige, Perros de Savoie, li Petis Meschins,
Jakes de Bray et Ernaudon de Paus, et destruisoient
tout le pays. Si retournèrent li contes de
Pieregorch, li contes de Laille, li contes de Commignes,
25li viscontes de Quarmaing et li aultre Gascon ens
leurs terres; car messires Hues de Cavrelée, messires
Robers Cheni, messires Robers Brikés, Jehans Cressuelle,
Lamit, Naudon de Bagherant, li bourch Camus,
li bourch de Bretueil, li bourch de Lespare et
30toutes ces gens de Compagnes y faisoient grant guerre,
et avoient mort, ars et destruit le terre le conte
d’Ermignach et ceste dou signeur de Labreth.
[136] 136 En ce temps, avoit un seneschal en Roerge, très
vaillant homme et bon chevalier durement, Englès,
qui s’appelloit messires Thumas de Wettevale, qui
tenoit le ville et le chastiel de la Millau, à une journée
5de Montpellier; et quoique li pays autour de lui
fust tournés françois, si tint il la ditte garnison de
la Millau plus d’an et demi, et une aultre forterèce
en Roerge, que on appelle Vauclère. Et fist, en ce
temps, pluiseurs belles chevaucies et issues honnerables
10sus les François, et des bons conquès. Et jut là
très honnerablement jusques adonc que messires Bertrans
de Claiekin le bouta hors, ensi que vous orés
recorder avant en l’ystore. Et toutdis se tenoit li sièges
devant Bourdille.
15§ 621. Sus les marces de Poito et de Tourainne se
tenoient messires Jehans de Buel, messires Guillaumes
des Bordes, messires Loeis de Saint Juliien et Carenloet,
Breton, à plus de douze cens combatans, qui
imaginoient et estudioient nuit et jour comment il
20peuissent prendre, eskieller et embler villes, chastiaus
et forterèces, en Poito. Dont il avint que il emblèrent
et prisent par eskiellement, de nuit, le chastiel
que on dist le Roce de Ponsoy, à l’entrée de Poito,
seant sus le rivière de Cruese, à deux liewes de le
25Haie en Tourainne, et assés priès de Chastieleraut,
sus ceste meisme rivière. Si en fu durement tous li
pays de Poito effraés, car li François en fisent une
grande garnison et reparèrent, pourveirent et rafreschirent
de vivres et d’artillerie bien et grossement.
30Quant les nouvelles en vinrent au prince, si en fu durement
coureciés, mès amender ne le peut. Si remanda
[137] 137 tantost monsigneur Guichart d’Angle, messire Loeis
de Harcourt, le signeur de Partenay, le signeur de
Puiane et pluiseurs aultres, qui se tenoient à Montalben
dalés monsigneur Jehan Chandos, qu’il revenissent
5apertement, et qu’il les voloit ailleurs envoiier.
Cil dessus dit signeur de Poito, à l’ordenance dou
prince, se partirent de Montalben, et esploitièrent
tant par leurs journées, qu’il vinrent en le cité
d’Angouloime devers le prince, qui tantost les envoia à
10Poitiers, pour garder le cité et faire frontière as François.
Assés nouvellement s’estoit tournés francois uns
grans barons de Poito, li sires de Chauvegni, viscontes
de Bruese, et sa ville ossi, et l’avoit garnie de Bretons
et de gens d’armes, mès point n’estoit en sa
15terre, ains estoit venus en France dalés le roy. De
ceste avenue furent li princes et tout li baron de Poito
moult coureciet.
Si fu soupeçonnés li viscontes de Rocewart; et en
fu enfourmés li princes qu’il se voloit tourner françois.
20Dont il avint que li princes le manda en Angouloime
où il estoit, et li dist se intention. Li viscontes
s’en deffendi et escusa au mieulz qu’il peut, mès pour
ce ne demora mies qu’il ne li couvenist tenir prison
fremée, et demora un grant temps en ce dangier.
25En ce temps, estoit grans seneschaus de Poito messires
James d’Audelée, uns moult sages et vaillans
chevaliers: si mist sus une chevaucie de tous les barons
et chevaliers de Poito. Là estoient messires Guichars
d’Angle, messires Loeis de Harcourt, li sires de
30Pons, li sires de Partenay, li sires de Puiane, messires
Joffrois d’Argenton, messires Mauburni de Linières,
li sires de Tannai Bouton, messires Guillaumes
[138] 138 de Montendre et pluiseur aultre chevalier et escuier
de Poito, et estoient bien douze cens lances, et encores
y estoit messires Bauduins de Fraiville, seneschaus
de Saintonge. Si fisent cil signeur leur assamblée à
5Poitiers, et puis s’en partirent en grant arroy, et
chevaucièrent tant qu’il entrèrent en Berri. Si commencièrent
à ardoir et à exillier le pays et à honnir povres
gens, et y fisent moult de damages, et puis s’en
retournèrent par Tourainne. Et partout où il conversoient,
10li pays estoit contournés en grant tribulation,
ne nulz ne leur aloit au devant, car il estoient
si fort que il tenoient les camps.
Et entrèrent ces gens d’armes en le terre le signeur
de Chauvegni, qui estoit tournés françois; si le ardirent
15et exillièrent toute sans deport, horsmis les forterèces,
et vinrent devant sa mestre ville de Bruese. Si
le assegièrent et le assallirent et fisent assallir un jour
tout entier par leurs gens, mès riens n’i conquisent.
Dont s’alèrent il logier, et disent qu’il ne s’en partiroient
20mies ensi, et que elle estoit à yaus bien prendable.
Si se levèrent au point dou jour, et s’armèrent
et ordonnèrent, et sonnèrent leurs trompètes d’assaut.
Si approcièrent cil Poitevin et cil Englès, et se misent
en ordenance par connestablies, cescuns sires entre
25ses gens et desous se banière. Là eut, par un samedi,
grant assaut et dur et bien continuet, car il y avoit
dedens le ville gens d’armes et compagnons, qui se
deffendoient dou mieulz qu’il pooient, car il savoient
bien que c’estoit sus leurs vies. Si y fisent tamainte
30apertise d’armes.
Li seneschaus de Poito et li seneschaus de Saintonge,
qui estoient en grant volenté et desir de conquerre
[139] 139 la forterèce, faisoient leurs arciers traire si
ouniement que à painnes ne s’osoit nulz amoustrer à
garittes pour deffendre. Si furent, à ce jour et ce samedi,
au matin, cil de Bruese si fort assalli et si continuelment
5par traire et lancier et escarmucier à
yaus, que finablement la ville fu conquise et la porte
jettée par terre, et entrèrent ens tout cil qui entrer y
veurent. Si furent pris li homme d’armes dou visconte,
et tantost en fisent li signeur de l’ost pendre
10jusques à seize en leurs propres armeures, ou despit
dou dessus dit visconte, qui pas n’i estoit, mès se tenoit
à Paris dalés le roy de France. Si fu toute la
ville courue, arse et robée, et y perdirent li habitant
et li demorant tout le leur. Encores en y eut fuison de
15mors et de navrés et de noiiés, et puis si s’en retournèrent
li Englès et leurs routes en le cité de Poitiers,
pour yaus mieulz à leur aise rafreschir.
§ 622. Messires Robers Canolles, qui se tenoit en
Bretagne sus son hiretage, lequel il avoit biel et grant,
20et qui toutdis avoit estet bons et loyaus Englès, et
servi et amé le roy d’Engleterre et le prince de Galles
son ainsnet fil, et esté en leurs armées et chevaucies,
quant il entendi que li François faisoient ensi si
forte guerre au dit prince, et qu’il li tolloient et voloient
25tollir son hiretage d’Acquitainne, lequel il li
avoit jadis aidiet à conquerre, se li vint à grant amiration
et desplaisance, et s’avisa en soi meismes
que il prenderoit ce qu’il poroit avoir de gens et s’en
iroit servir le prince à ses propres frès et despens.
30Tout ensi comme il imagina et considera, il fist, et
cueilla gens et manda tous ses subgès et ses feaulz et
[140] 140 priia ses amis, et eut environ soixante hommes d’armes
et otant d’arciers de se delivrance, et fist ses
pourveances sus le mer en quatre grosses nefs, en
une ville, en Bretagne, et port de mer, que on appelle
5Konke.
Quant toutes ses pourveances furent faites et acomplies,
il se parti de Derval et se traist de celle
part: si entra en son vaissiel, et ses gens ès leurs; si
desancrèrent et singlèrent tant au vent et as estoilles,
10qu’il arrivèrent au kay en le Rocelle. Se li fisent li
bourgois de le Rocelle grant feste arrière coer, mais
il n’en osoient aultre cose faire. Et là trouva il monsigneur
Jehan d’Evrues, qui estoit chapitainne de le
Rocelle, de par le prince; car li seneschaus estoit
15avoecques monsigneur Jehan Chandos, messires Thumas
de Persi. Messires Jehans d’Evrues rechut le dit
messire Robert moult liement et li fist toute le bonne
compagnie qu’il peut faire. Si se rafreschirent messires
Robers et ses gens en le Rocelle par deux jours.
20Au troisime jour, il s’en partirent et se misent au
chemin devers Angouloime, et tant esploitièrent par
leurs journées qu’il y parvinrent. De la venue monsigneur
Robert Canolles fu li princes grandement resjoïs,
et ne le peut par samblant trop conjoïr ne festiier,
25et ossi madame la princesse. Tantost li princes
le fist mestre et souverain de tous ses chevaliers et
escuiers d’ostel par cause d’amour, d’onneur et de
vaillance, et leur commanda à obeir à lui, si com à leur
souverain, et il disent que ossi feroient il volentiers.
30Quant li dis messires Robers eut esté dalés le prince
environ cinq jours, et cil furent tout appareilliet,
qui devoient aler en se chevaucie, et ossi il sceut
[141] 141 quel part il se trairoit, il prist congiet au prince et
se parti d’Angouloime, bien acompagniés, les chevaliers
dou prince avoech lui, telz que monsigneur
Richart de Pontchardon, monsigneur Estievene de
5Gousenton, monsigneur d’Aghorises, monsigneur
Neel Lorinch, monsigneur Guillaume Toursiel, monsigneur
Hughe de Hastinges, monsigneur Jehan Trivet,
monsigneur Richart Tanton, monsigneur Thumas
le Despensier, monsigneur Thumas de Walkefare,
10monsigneur Thumas Balastre, monsigneur Nicolas
Bonde, monsigneur Guillaume le Monne, seneschal
d’Aghinois, monsigneur Bauduin de Fraiville
et plus de soixante chevaliers. Si estoient environ cinq
cens hommes d’armes et cinq cens arciers et otant
15de brigans, et tout en grant volenté de trouver les
François et de combatre. Si chevaucièrent les gens
le prince, dont messires Robers Canolles estoit chiés
et gouvrenères, par devers Agen, pour venir en Quersin
où les Compagnes se tenoient, et tant esploitièrent
20qu’il vinrent en le cité d’Agen. Si se tinrent là un petit,
pour yaus rafreschir et entendre des ennemis.
Entrues que li dis messires Robers Canolles sejournoit
à Agen, et ses gens là environ, il entendi que
messires Perducas de Labreth, uns grans chapitainnes
25de Compagnes, et qui en avoit plus de trois cens de
se route desous lui, estoit sus le pays, et en celle saison
par le pourcach dou duch d’Ango tournés françois.
Si envoia tantost li dis messires Robers Canolles
devers lui hiraus et certains messages, et fist
30tant que, sus saufconduit, il vint parler à lui sus les
camps en un certain lieu qu’il y ordonnèrent. Quant
li dis messires Robers vei le dit monsigneur Perducas,
[142] 142 se li fist grant chière et lie, et puis petit à petit entra
en parolles. Se li commença à remoustrer comment
il avoit grandement fait son blasme, quant il estoit
tournés françois et issus hors dou service le prince
5qui tant l’avoit amé, honnouré et avanciet. Que vous
feroi je lonch compte? Messires Robers Canolles,
comme sages et soubtis, preeça tant le dit Perducas
de Labreth, qu’il le retourna englès et toutes ses
gens, et se retournèrent adonc des compagnons gascons
10plus de cinq cens: dont li dus d’Ango fu moult
courouchiés, quant il sceut les nouvelles, et en tint
mains de bien et de seurté ou dit monsigneur Perducas.
Et ossi fisent tout li aultre qui estoient de le partie
des François, et en resongnièrent trop plus grandement
15les Englès.
§ 623. Ces nouvelles vinrent en le cité de Chaours
as aultres compagnons, à Aymenion d’Ortige, au
Petit Meschin, à Jaket de Bray, à Perrot de Savoie et
à Ernaudon de Paus, qui tenoient là une très grande
20garnison et avoient tenu tout le temps, que messires
Perducas de Labreth estoit retournés englès et toute
se route ossi; si en eurent les dessus dittes chapitainnes
grant anoi et grant effroy. Et regardèrent et
considerèrent, entre yaus, que li cités de Chaours estoit
25de trop grant garde et trop foible pour yaus tenir
contre les Englès. Si s’en partirent et le recommendèrent
à l’evesque dou lieu et as bourgois de le
ville, et s’en vinrent en une priorie assés priès de là,
que il avoient tout le temps malement fortefiie, laquelle
30on appelle Durviel. Ceste forterèce n’estoit
point de grant garde: si se boutèrent tout dedens
[143] 143 et misent en bonne ordenance, pour attendre leurs
ennemis: liquel vinrent celle part tantost et sans delay
qu’il sceurent qu’il s’estoient là retrait, et assegièrent
et environnèrent le ditte forterèce, et puis y
5establirent et fisent tamaint assault; mès cil estoient
si usé et si mesnier d’armes, et ossi si bien pourveu
de bonne artillerie, qu’il n’en faisoient compte.
Quant messires Jehans Chandos, messires Thumas
de Felleton, messires li captaus, messires Jehans de
10Pumiers, messires Thumas de Persi, messires Eustasses
d’Aubrechicourt et li chevalier dou prince, qui se
tenoient à Montalben, entendirent que messires Robers
Canolles avoit assegiet les capitainnes des Compagnes
en le garnison de Durviel, si eurent conseil
15que il se trairoient de celle part, car la cose s’ordonnoit
assés que il trouveroient là aucun grant fait d’armes.
Si se departirent de Montalben en une route
plus de trois cens lances, et y en laissièrent bien deux
cens en garnison, desquelz estoient chapitainne messires
20Aymeris de Tarse, messires li soudis de Lestrade
et messires Bernadet de Labreth, sires de Geronde.
Si chevaucièrent li dessus dit moult efforciement,
pour venir au siège de Durviel.
Ensi que il chevauçoient, il trouvèrent en leur
25chemin une ville assés forte, françoise, qui s’appelle
Montsach, et estoit tant seulement en le garde des
hommes, car il n’i avoit nul gentil homme. Si envoiièrent
de premiers li signeur leurs coureurs devant,
pour aviser et considerer le ville. Si raportèrent
30li coureur que elle estoit assés forte, et que sans siège
et assaut on ne les pooit avoir. Dont se consillièrent
li signeur sus les camps, pour savoir quel cose en
[144] 144 estoit bonne à faire. Adonc il trouvèrent, en conseil,
que ce ne seroit pas bon d’yaus là arrester et de brisier
leur emprise, pour aler devant Durviel; si passèrent
oultre.
5A ce donc estoit encores assés matin. Ensi que il
pooient estre ja à une liewe en sus, il encontrèrent
quatre sommiers cargiés de vitaille, qui aloient en le
ville. Si furent tantost pris et arresté li dit sommelier, et
leur fu demandé dont il venoient, ossi où il aloient. Cil
10cogneurent la verité qu’il estoient parti de Thoulouse
et avoient intention d’entrer en le ville de Montsach
et de là mener leur vitaille. Dont furent il examiné
plus avant de l’estat de le ville, et quelz gens il estoient
là dedens. Li sommelier respondirent à ce et disent,
15qui n’osèrent mentir, que la ville estoit moult astrainte
de famine, et n’i pensoient là dedens avoir de tous
vivres, se assegiet estoient, pour vivre quatre jours,
et qu’il n’i avoit dedens nul gentil homme, ne aultre
deffense que des bonhommes de le ville. Dont se misent
20li gentil homme ensamble, et eurent conseil qu’il
n’iroient plus avant, si aroient rendu painne à conquerre
le ditte ville. Si retournèrent et retinrent le
vitaille pour yaus, et rendirent as quatre sommeliers
leurs chevaus, et leur disent que il ralaissent as nouvelles
25pourveances. Et puis s’en vinrent mettre le
siège devant Montsach, et se commencièrent à logier
bien et faiticement, ensi qu’il deuissent là demorer
un mois; et fisent ce premier jour samblant qu’il assauroient
à l’endemain, et levèrent devant les murs
30aucuns canons qu’il portoient.
Quant cil de Montsach en veirent le manière, si
se commencièrent à effraer, et sentirent bien que
[145] 145 il ne se poroient longement tenir, car il n’avoient
nulles pourveances. Si commencièrent à trettier devers
les dessus dis chevaliers d’Engleterre, et se portèrent
trettiet si bien que il recogneurent le prince
5à signeur et à tenir le ditte ville de lui à tousjours
mès, sans fraude et mal engin; et parmi tant il demoroient
en paix, et ne leur ostoit on riens dou
leur. Si ordonnèrent li chevalier, messires Jehans
Chandos et li aultre, à le requeste de chiaus de le
10ville, un chevalier estre leur chapitainne, lequel on
appelloit messire Robert Miton, et vingt hommes
d’armes et quarante arciers avoech lui, as saus et as
gages des hommes de le ville; puis passèrent oultre
et chevaucièrent tant qu’il vinrent devant Durviel,
15où messires Robers Canolles et li aultre estoient. Si
eut là grans recognissances et grans approcemens d’amour,
quant il se trouvèrent tout ensamble, et se
misent au siège avoecques les aultres, tout par bonne
ordenance.
20§ 624. Ce siège pendant devant Durviel, il y eut
pluiseurs assaus, escarmuces, paletis et grans fais d’armes,
car c’estoient toutes bonnes gens devant, qui
tenoient le siège; et cil dedens ossi estoient tout bon
combatant et bien usé d’armes: aultrement, il ne se
25fuissent point longement tenu. Si vous di que li Englès
et cil de leur costé qui là gisoient au siège, ne
l’avoient mies d’avantage, mès estoient en trop dur
parti par deux manières; car il plouvoit nuit et jour
si ouniement que trop grevoit as hommes et as chevaus;
30et avoech tout ce, il avoient si grant defaute
de vivres qu’il ne savoient que mengier. Et y vendoit
[146] 146 on un pain trois viés gros: encores n’en pooit on
recouvrer pour son argent bien souvent. De vins
avoient il assés et largement, et ce leur faisoit grant
confort. En cel estat furent il plus de cinq
5sepmainnes.
Quant il veirent que riens ne faisoient et que le
garnison de Durviel pas ne prenderoient, et si sejournoient
là en grant malaise, si s’avisèrent que il se
deslogeroient et iroient plus avant et en plus cras
10pays. Si se deslogièrent et se traisent par devant le
ville et le chastiel de Domme, dont messires Robers
de Domme estoit sires et gouvrenères, et avoit avoech
lui un sien cousin chevalier, qui s’appelloit messire
Pierre Sengler. Si avoient, en devant, cil doi chevalier
15les vivres dou plat pays là environ tous retrais là dedens.
Quant li Englès et li Gascon, qui bien estoient
quinze cens hommes d’armes et deux mil, que arciers,
que brigans, furent là venu, si se ordenèrent et misent
en arroy de siège bien et faiticement, et commencièrent
20à assallir le forterèce de grant volenté.
Si y livrèrent pluiseurs grans assaus et escarmuces,
où il y eut fait, le siège pendant, des grans apertises
d’armes. Quant il eurent là esté à siège quinze jours,
et il eurent veu que riens n’i faisoient et si y gisoient
25à grant painne et à grant fret, si se avisèrent et
consillièrent li un par l’autre qu’il segnefieroient leur
estat et leur afaire au prince de Galles leur signeur,
qui se tenoit en Angouloime. Si en fu ordonnés
d’aler celle part et de faire ce message Chandos li
30hiraus, liquelz se parti de ses mestres et esploita tant
par ses journées qu’il vint en le cité d’Angouloime
où il trouva le prince à moult privée mesnie, car
[147] 147 tout si chevalier et escuier estoient d’une part ou
d’autre.
Quant li hiraus Chandos fu là venus, il se mist en
genoulz devant le prince et li recommanda tous ses
5mestres dessus nommés, lesquelz il avoit laissiés au
siège de Domme. Et puis li recorda et remoustra
bien et sagement l’estat et l’afaire de leur ordenance,
ensi que enfourmé et chargié l’avoient, avoecques
lettres de creance qu’il aportoit à monsigneur le
10prince. Li princes entendi à ce bien et volentiers et
dist qu’il en aroit avis; si fist demorer le hiraut dalés
lui et y fu cinq jours. Au sixime jour, il li fist delivrer
sus son seel lettres escriptes et seelées, et li dist
au departir: «Chandos, salués nous tous les compagnons.»
15Cilz respondi: «Monsigneur, volentiers.»
Lors se parti dou prince li dis hiraus et se mist au
retour par devers Quersin. Or vous recorderai de
chiaus de l’ost comment il esploitièrent et quel cose
il fisent, entrues que li dis hiraus ala et vint et fist
20son message.
§ 625. Assés tost apriès che que Chandos fu
partis de ses mestres dou siège de Domme, messires
Jehans Chandos, messires Robers Canolles, messires
Thumas de Felleton, messires li captaus de Beus et
25messires James d’Audelée et li aultre signeur et chevalier
qui là estoient, eurent conseil et avis qu’il defferoient
leur siège, car riens au là seoir ne conqueroient,
et chevauceroient plus avant sus le pays, et
reconquerroient villes et garnisons qui s’estoient
30tournées françoises nouvellement par l’effort des
Compagnes et des gens le duch de Berri. Si se deslogièrent
[148] 148 et se departirent de Domme, et se misent au
chemin et vinrent par devant Gramath, qui tantost
se rendirent et tournèrent englès qu’il furent là venu.
Si se rafreschirent li signeur et leurs gens dedens le
5ville de Gramath par trois jours, et entrues avisèrent
où il se trairoient. Quant il s’en partirent, il chevaucièrent
devant une aultre forterèce, que les Compagnes
avoient nouvellement pris, que on claime Fours.
Sitos que cil de celle garnison sentirent les Englès
10venir à si grant effort et que cil de Gramath s’estoient
tourné, il se tournèrent ossi et devinrent englès,
et jurèrent que il le demorroient à tousjours,
mès il en mentirent.
Si passèrent oultre li dit Englès, et vinrent devant
15Rocemadour. Cil de le ville de Rocemadour
estoient malement fortefiiet; si n’eurent mies volenté
que d’yaus rendre. Quant li Englès furent venu
jusques à là et il eurent avisé et consideré le manière
de chiaus de le ville, si fisent traire avant leurs
20gens et leur artillerie, et le commencièrent à assallir
de grant façon et de bonne ordenance. Là eut,
je vous di, moult grant assaut et moult dur et pluiseurs
hommes navrés et bleciés dou tret et dedens
et dehors. Si dura cilz assaus un jour tout entier.
25Quant ce vint au vespre, li Englès se retraisent en
leurs logeis et avoient bien entention que de assallir
à l’endemain. Mais celle nuit cil de Rocemadour se
consillièrent qu’il avoient ce jour senti le force et le
vertu de chiaus de l’ost, et comment il les avoient
30fort apressés. Et disent bien li plus sage et mieulz
avisé que à le longe il ne se pooient tenir, et, se il
estoient pris de force, il seroient tout mort et perdu,
[149] 149 et leur ville arse sans merci. Siques, tout consideré, le
bien contre le mal, quant ce vint au matin, il trettièrent
pour yaus rendre as Englès; et se porta trettiés
qu’il cheirent en acord devers les dessus dis chevaliers
5d’Engleterre, parmi tant que, de ce jour en avant,
il seroient bon Englès, et le jurèrent solennelment.
Avoech tout ce, il deurent à leurs frès mener et conduire,
le terme de quinze jours, cinquante sommiers
de vivres apriès l’ost, pour yaus avitaillier des pourveances
10de le ville, mais on les paioit courtoisement
parmi un certain fuer qui ordonnés y estoit. Ensi demora
Rocemadour en pais.
Et puis chevaucièrent li Englès oultre par devers
Villefrance en Thoulousain, gastant et exillant tout
15le plat pays et mettant les povres gens en grant
misère, et conquerant villes et chastiaus, qui s’estoient
tournées nouvellement françoises; si se retournoient
englesces, les unes par trettiés et les aultres
de force. Si vinrent li dessus dit signeur et
20leurs gens devant Villefrance, qui estoit assés bien
fremée et pourveue de vivres et d’artillerie, car tous
li plas pays de là environ s’i estoit retrais. Quant il
furent là venu, il le assegièrent et assallirent de grant
volenté. Et y eut, en quatre jours qu’il furent par
25devant, tamaint grant assaut et fort, et pluiseurs
navrés de chiaus de dedens et de chiaus de dehors.
Tout consideré, cil de le ville regardèrent que à
le longe il ne se poroient tenir et qu’il ne seroient
aidié ne conforté de nul costé, au mains ne leur
30estoit il point apparant. Si se tournèrent et rendirent
englès, par composition telle, que on ne leur devoit
porter point de damage. Ensi devint Villefrance en
[150] 150 Aginois, sus les marces de Toulousain, englesce: de
quoi li dus d’Ango, qui se tenoit à Thoulouse, fu
moult courouciés, quant il en sceut les nouvelles,
mès amender ne le peut tant qu’à celle fois. Si mist
5et laissa dedens messires Jehans Chandos à gouvreneur
et chapitainne un chevalier englès, qui s’appelloit
messires Robers Rous, et puis passèrent oultre
en exillant le pays.
Or retourrons au siège de Bourdille, en Pieregorth,
10et compterons comment li contes de Cantbruge et li
contes de Pennebruch perseverèrent.
§ 626. Entrues que cil dessus nommé baron et
chevalier d’Engleterre et leurs routes faisoient leurs
chevaucies et leurs conquès, tant en Roerge, en Quersin
15qu’en Aginois, où il furent une moult lontainne
saison, se tenoit li sièges devant le garnison de Bourdille,
qui y fu plus de onze sepmainnes. Et vous di
que, le siège là tenant, ensi que vous oés, il y eut pluiseurs
assaus, escarmuces et paletis et aultres grans
20apertises d’armes priesque tous les jours; car cil de
dedens venoient par usage tous les jours à main armée
jusques à leurs barrières hors de le porte, et là
escarmuçoient moult vaillamment et hardiement à
tous venans, et si bien s’i portoient que proprement
25de chiaus de l’host il avoient grant loenge. Ensi se tinrent
un grant temps en cel estat, et fuissent encores
trop plus tenut se orghieulz et presumptions ne les
euist temptés, car il estoient gens assés et tout hardi
compagnon, pour tenir et deffendre leur forterèce, et
30bien pourveu de vivres et d’artillerie, et tant que cil
de l’ost se commencièrent à taner, quoique il gesissent
[151] 151 là moult honourablement, mès li signeur regardèrent
qu’il y estoient à grant fret et que trop peu il
conqueroient.
Or eurent un jour conseil et avis comment il se
5maintenroient, pour leur afaire approcier. Si ordonnèrent
que, à l’endemain à heure de prime, il feroient
toutes leurs gens armer et yaus tenir secretement
en leurs logeis, et en envoieroient aucuns escarmucier
à chiaus de le forterèce; il les sentoient
10bien de si grant volenté que tantost il isteroient hors
et se metteroient as camps bien et apertement pour
yaus combatre. En ce faisant, leurs gens qui là seroient
envoiiet escarmucier, se fainderoient et s’en retourroient
tout combatant petit à petit devers leurs
15logeis, ensi que desconfis, pour chiaus dou dit fort
attraire plus avant; et il aroient ordené une bataille
de leurs gens tout à cheval, qui se metteroient entre
leurs ennemis et le forterèce, par quoi, quant il vorroient
retourner, il ne poroient. Cilz avis fu arestés
20entre yaus; et disent que, se on ne les avoit par celle
voie, on ne les aroit point aise; siques, à l’endemain,
il fisent très le matin armer secretement toutes leurs
gens, et en envoiièrent jusques à deux cens escarmucier
à chiaus de Bourdille.
25Quant li compagnon qui dedens estoient, et les
capitainnes Ernaudons et Bernadés les veirent venir,
si en furent tout joiant et s’armèrent apertement,
et fisent armer toutes leurs gens; si pooient
bien estre environ septvingt, tout able et legier compagnon.
30Et fisent ouvrir leur porte toute arrière,
et vinrent à leurs barrières et recueillièrent à lances
et as pavais les Englès bien et faiticement; et y
[152] 152 eut tant fait que li Englès reculèrent et perdirent
terre, et ossi estoit il ensi ordené. Li compagnon
de Bourdille fisent passer leur pennon devant et disent
ensi: «Avant! Avant! Par le cap saint Antone,
5cesti sont nostre.» Lors les envaïrent il de grant
volenté, et en yaus cachant en jettèrent aucuns
par terre et blechièrent et prisent pour prisonniers.
Et pour ce qu’il voloient tout avoir, et ensi que on
dist souvent: «Grant convoitise fait petit mont,»
10il eslongièrent si leur forterèce que, quant il veurent
retourner, il ne peurent. Car messires Jehans de Montagut,
qui estoit sus l’embusche à plus de cinq cens
combatans, et qui droit là sus le place fu fais chevaliers
de monsigneur le conte de Cantbruge, se mist à
15toute se route entre le forterèce et yaus, et descendirent
piet à piet droit devant yaus, et puis les envaïrent
de grant volenté.
Quant li compagnon de Bourdille se veirent
ensi attrapé, si cogneurent bien qu’il avoient trop
20folement cachiet. Nonpourquant, il se recueillièrent
et se remisent tout ensamble comme vaillans gens,
et se commenchièrent à combatre et à faire tant
de grans apertises d’armes que merveilles seroit à
recorder; et se tinrent, sans yaus desconfire, bien
25le terme de deux heures de jour, toutdis lançant
et yaus deffendans, entrans et retraians moult
vaillamment de leurs ennemis; et tant y fisent d’armes,
que proprement li signeur d’Engleterre qui là
estoient, y prisent grant plaisance. Et là fu messires
30Jehans de Montagut très bons chevaliers, et vaillamment
et biel s’i combati et assalli ses ennemis. Finablement,
cil de Bourdille furent là desconfi, tout mort
[153] 153 ou pris, onques piés n’en escapa, et li prisonnier rescous,
que pris avoient, et li doi escuier capitainne,
Ernaudons et Bernadés de Batefol, pris et prisonnier
au dit monsigneur Jehan de Montagut. Entrues que
5cilz estours avoit là esté, li contes de Cantbruge et li
contes de Pennebruch s’estoient avanciet et avoient
conquis les barrières et le porte, et estoient entré
ens, le banière le conte de Cantbruge tout devant.
Ensi eurent li Englès le garnison de Bourdille, et fisent
10les hommes de le ville jurer foy et seurté et à
tenir le ville de par le prince. Si ordenèrent li signeur
à demorer, pour le garder, le signeur de Mucident et
ses gens, et li baillièrent soixante arciers, et puis
deffisent leur siège, et eurent conseil qu’il se retrairoient
15en Angouloime devers le prince, pour savoir quel
cose il vorroit que il fesissent. Ensi se deffist li sièges
de Bourdille, et se misent tout li signeur et leurs
routes au retour.
Or retourrons nous as dessus dis chevaliers d’Engleterre
20et de Gascongne qui chevauçoient en Quersin,
et parlerons de Chandos le hiraut et des nouvelles
que il leur aporta de par le prinche de Galles.
§ 627. Ensi que li dessus dit et leurs routes et les
Compagnes avoech yaus chevauçoient ens ès marces
25de Roerge et de Quersin, et qu’il faisoient tourner
villes et chastiaus et mettoient le pays où il conversoient,
en grant tribulation, evous Chandos le hiraut
revenu, qui les trouva devant une forterèce, en Quersin,
que il avoient moult astraint. Sitos que il veirent
30le hiraut revenu, se li fisent grant chière et li demandèrent
des nouvelles. Il leur dist que messires li
[154] 154 princes les saluoit tous et les desiroit moult à veoir.
A ces mos, il leur bailla les lettres que li princes leur
envoioit; si les prisent li baron et les lisirent. Si
trouvèrent, avoech salus et amistés, que il ordonnoit
5et voloit que messires Jehans Chandos, messires Thumas
de Felleton et messires li captaus de Beus retournassent
en Angouloime devers lui, et messires
Robers Canolles et ses gens et toutes les Compagnes,
demorassent en l’estat où il estoient et feissent
10guerre.
Quant cil quatre signeur qui là estoient chief de
toutes ces gens d’armes, entendirent ces nouvelles, si
regardèrent tout l’un l’autre, et puis demandèrent quel
cose en seroit bonne à faire. Si se adrecièrent d’une
15vois dessus messire Robert Canolle et li disent: «Messire
Robert, vous veés et entendés comment messires
li princes nous remande, et voet et ordonne que vous
demorés sus ce pays et soiiés chiés et gouvrenères de
ces gens d’armes.»—«Signeur, ce respondi messires
20Robers, messires li princes me fait plus d’onneur
que je ne vaille; mais sachiés que ja sans vous je n’i
demorrai, et, se vous partés, je partirai.» Depuis, il
ne se volt aultrement laissier enfourmer ne adire,
mès toutdis dist qu’il partiroit. Si eurent conseil de
25retourner tout quatre devers le prince, pour savoir
plus plainnement sen entente. Ensi se desrompi ceste
grande chevaucie.
Quant ce vint au departement, il envoiièrent
monsigneur Perducas de Labreth en le ville de Rocemadour,
30et toutes ses gens, pour là faire frontière
contre les François. Et disent ensi li signeur as autres
capitainnes des Compagnes: «Signeur, vous
[155] 155 oés comment messires li princes nous remande; si
nous fault obeir, et ne savons de verité que il nous
voet. Si vous dirons que vous ferés: vous recueillerés
vos gens et vous remetterés ensamble, et vous monterés
5amont sus les marces de Limozin et d’Auvergne
et ferés là guerre. Car sans guerre vous ne poés ne
savés vivre, et nous vous jurons et promettons loyaument,
se vous prendés ne conquerés ville, chastiel
ou forterèce en France, où que ce soit ne en quel
10marce, et vous y soiiés assegiet, nous vous irons conforter
telement que vous nous en sarés gret, et leverons
le siège.» Cil qui ces parolles et prommesses
entendirent, respondirent: «C’est bien dit, et nous
le retenons ensi; car espoir en arons nous mestier.»
15Ensi se departirent li un de l’autre, et se desrompi
ceste grosse chevaucie, les Compagnes d’un lés et li
signeur d’autre, qui s’en revinrent tout par acord devers
le prince en le cité d’Angouloime, qui leur fist
grant chière. Et estoient revenu ossi de le conté de
20Pieregorth, un petit en devant, li contes de Cantbruge,
li contes de Pennebruch, messires Jehans de
Montagut et tout li aultre.
Or vous parlerons des Compagnes, qui parti estoient
de monsigneur Jehans Chandos, comment il
25perseverèrent.
§ 628. Entre les Compagnes, avoit là trois escuiers
de la terre dou prince, grant chapitainne de Compagnes
et hardi et apert homme d’armes durement,
et grant aviseur et eskielleur de forterèces. Si appelloit
30on l’un Hortingo, l’autre Bernart de Wisk et
le tierc Bernart de la Salle. Cil troi compagnon ne
[156] 156 veurent mies sejourner plenté, que il ne fesissent
parler d’yaus et aucun esploit d’armes. Si s’en vinrent,
avoech leurs routes, en Limozin yaus rafreschir.
En ce temps, en estoit seneschaus et gouvrenères de
5par le prince messires Jehans d’Evrues. Cil troi dessus
dit jettèrent leur avis à prendre en France aucune
forterèce et regardèrent que Belleperce, en Bourbonnois,
estoit uns biaus chastiaus et fors, et ens demoroit
la mère dou duch de Bourbon et de la royne de
10France. Si entendirent par leurs espies que la bonne
dame estoit là asseulée entre ses gens, et n’avoit ou
dit castiel point trop grant garde. Encores li chastellains
dou lieu aloit et venoit souvent hors et n’en
estoit mies trop songneus.
15Cil compagnon et une partie de leurs gens, chiaus
que il veurent eslire, ne sommillièrent point trop
sus leur entente, mès chevaucièrent un jour et une
nuit, et vinrent sus l’ajournée à Belleperce, et
l’eschiellèrent et le prisent, et madame la mère de
20la royne de France dedens, et fu tout leur tout ce
que il y trouvèrent. Si regardèrent que la forterèce
estoit belle et bonne et en gras pays, et disent que
il le tenroient contre tout homme. Encores en ceste
propre nuit, il prisent une aultre forterèce qui s’appelloit
25Sainte Sivière, sus les marces de Limozin,
et ceste donnèrent il à monsigneur Jehan d’Evrues.
Ces nouvelles furent tantost sceues en France que
Belleperce estoit prise et emblée des Englès, et la
mère de la royne de France dedens. Si en fu li rois
30fortement courouciés, et ossi furent la royne et li dus
de Bourbon, mès amender ne le peurent tant c’à
ceste fois.
[157] 157 En ce temps, fu esleus en France, pour estre li uns
des mareschaus des guerres, messires Loeis de Sanssoirre,
vaillant homme et hardi chevalier durement.
Encores vivoit messires Ernouls d’Audrehen, mais il
5estoit si vieulz et si froissiés d’armes et de traveil
dou temps passé, que bonnement il ne se pooit mès
ensonniier de l’offisce; mès encores s’armoit il volentiers,
quant il venoit à point. Or vous parlerons
un petit des besongnes de Pikardie ossi bien que
10nous vous avons parlé de cestes des lontainnes
marces, et d’une grant assamblée qui fu faite à
Tournehen.
§ 629. Li rois de France, toute celle saison d’esté,
avoit fait un très grant appareil de nefs, de barges et
15de vaissiaus, sus le havene de Harflues et sus le rivière
de Sainne, entre Roem et Harflues. Et avoit intention
que d’envoiier une armée en Engleterre si grande
et si bien estoffée de toutes bonnes gens d’armes,
chevaliers et escuiers, desquelz messires Phelippes
20ses frères, dux de Bourgongne, seroit chiés et gouvreneur,
que pour tout destruire et ardoir Engleterre.
Et se tenoit et sejournoit proprement li rois de
France en le cité de Roem, pour mieulz entendre à
ses besongnes. Et aloit, toutes les sepmainnes, deux
25ou trois fois, veoir se navie, et avoit à ce très grande
affection.
Avoech tout ce, ses mandemens estoit si grans et
si estendus par tout son royaume que, là environ
Roem, ou Vexin et en Biauvoisin, venoient et aplouvoient
30tous les jours tant de gens d’armes que merveilles
seroit à penser. Et toutdis se faisoient et approçoient
[158] 158 les pourveances en celle navie si grandes
et si grosses que donc que ce fust pour aler en Castelle
ou en Portingal.
Mais li sires de Cliçon, qui estoit li uns des especiaulz
5dou conseil dou roy, ne s’i acordoit point
bien, et moult desconsilloit au roy, à tant de nobles
de son royaume, aler en Engleterre; et disoit qu’il
n’estoient mies si bien usé ne coustumier d’aler en
Engleterre et faire y guerre que li Englès estoient
10de passer le mer et venir en France. Et alegoit à ce
assés de raisons, ensi que cilz qui cognissoit mieulz
le condition et le nature des Englès et l’estat dou
pays d’Engleterre que moult d’autres. Non obstant
ce, on ne pooit brisier le pourpos dou roy et de aucuns
15de son conseil que ceste armée ne se parfesist.
Li rois d’Engleterre et ses fiulz li dus de Lancastre,
et pluiseur de leur conseil, estoient assés avisé et enfourmé
de ceste armée, et comment li François les
devoient venir veoir et guerriier en leur pays, de
20laquel cose il estoient tout joiant. Et avaient pourveu
les passages, les pors et les havenes sus mer à rencontre
de Pontieu et de Normendie, pour yaus recueillier,
se il venoient, bien et souffissamment de
bonnes gens d’armes et d’arciers. Et estoit tous li
25royaumes d’Engleterre avisés et confortés pour combatre
les François, se il venoient.
Et eut adonc li rois d’Engleterre conseil et volenté
que d’envoiier son fil le duch de Lancastre, à tout
une carge de gens d’armes et d’arciers, en le ville de
30Calais. Si ordonna et nomma proprement li rois
chiaus qui iroient avoecques lui, le conte de Sallebrin,
le conte de Warvich, monsigneur Gautier de
[159] 159 Mauni, le signeur de Ros, monsigneur Henri de Persi,
le signeur de Basset, le signeur de Willebi, le signeur
de Ware, le signeur de la Poule, monsigneur Thomas
de Grantson, messire Alain de Bouqueselle, monsigneur
5Richart Sturi et pluiseurs aultres: si estoient
six cens hommes d’armes et quinze cens arciers. Si
vinrent li dessus dit en le ville de Douvres et là environ.
Et passèrent, quant leur navie fu toute preste
et il eurent vent à volenté, et arrivèrent en le forte
10ville de Calais. Si issirent hors de leurs vaissiaus, et
en misent petit à petit toutes leurs coses hors, et se
herbegièrent tout en le ditte ville.
En celle saison, avoit li rois d’Engleterre escript
et priiet especialment monsigneur Robert de Namur
15que il le vosist servir, sa guerre faisant, à tout se
carge de gens d’armes. Li dis messires Robers, qui
toutdis avoit esté bons englès et loyaus, avoit respondu
que il seroit apparilliés, sitost que on le manderoit
et qu’il saroit que li rois ou uns de ses enfans
20seroit à Calais, ou trais sus les camps pour chevaucier
sus France. Siques, si tretot que il entendi que
li dus de Lancastre estoit arrivés à Calais, il semonst
tous ses compagnons et chiaus dont il voloit estre
aidiés et servis, et fist tout son harnas appareillier
25moult estoffeement, ensi comme à lui apertenoit. Or,
retourrons nous un petit as besongnes de Poito.
§ 630. Vous devés savoir que, quant li departemens
fu fais des barons et des chevaliers de Gyane,
qui avoient chevauciet en Quersin et en Roerge, et
30Chandos li hiraus lor eut aporté les nouvelles dou
prince, il retournèrent tout par un acord en le cité
[160] 160 d’Angouloime, où il trouvèrent le prince qui les reçut
moult liement. Un petit devant ce, estoient retourné
li contes de Cantbruge, li contes de Pennebruch et
leurs gens, apriès le conquès de Bourdille, si com
5ci dessus est contenu. Si se conjoïrent et fisent grant
feste cil signeur et cil baron, quant il se trouvèrent
tout ensamble; et se avisèrent et consillièrent où il
se trairoient, pour mieulz emploiier leur saison. Si
regardèrent que, sus les marces d’Ango, avoit un biau
10chastiel et fort, qui se tenoit dou ressort d’Ango,
lequel on appelloit le Roce sur Ion. Si disent tout et
avisèrent que il se trairoient celle part et y metteroient
le siège et le conquerroient, se il pooient. Si
ordonnèrent leurs besongnes en celle instance, et se
15misent au chemin et se traisent tout de celle part.
Encores leur revinrent depuis tout li baron et li chevalier
de Poito, monsigneur Jame d’Audelée, li sires
de Pons, li sires de Partenay, messires Loeis de Harcourt,
messires Guichars d’Angle, li sires de Puiane,
20li sires de Tannai Bouton, messires Joffrois d’Argenton,
messires Mauburni de Linières et li seneschaus
de le Rocelle, messires Thumas de Persi. Si se trouvèrent
cil signeur et ces gens d’armes grant fuison,
quant il furent remis tout ensamble, plus de trois
25mil lances. Si esploitièrent tant que il vinrent devant
le dit chastiel de le Roce sur Ion, qui estoit biaus et
fors et de bonne garde et bien pourveus de toutes
pourveances et d’artillerie. Si en estoit gouvrenères
et chapitainnes, de par le duch d’Ango, uns chevaliers
30qui s’appelloit messires Jehans Blondiaus, et qui tenoit
desous lui laiens moult de bons compagnons as saus
et as gages dou dit duch. Si ordenèrent li dessus
[161] 161 nommet signeur et baron qui là estoient, leur siège,
par bonne manière et grant ordenance, et l’environnèrent
tout autour, car bien estoient gens pour ce
faire. Et fisent là amener et achariier de le ville de
5Touwars et de le cité de Poitiers grans engiens, et les
fisent drecier devant le forterèce et encores pluiseurs
canons et espringalles qu’il avoient de pourveance
en leur host, et pourveu de lonch temps, et usagé de
mener. Si estoit leur host durement plentiveuse de
10tous vivres, car il leur en venoit grant fuison de Poito
et des marces proçainnes.
Quant messires Jehans Blondiaus se vei ensi assegiés
et appressés de tant de bonnes gens d’armes, car là
estoient priès tout li baron et li chevalier d’Aquitainne,
15et se ne li apparoit nuls confors de nul costé, si se commença
à effraer; car bien veoit que li signeur qui là
estoient, ne le lairoient jusques à tant qu’il l’aroient
pris par force ou aultrement. En l’ost dou conte de Cantbruge
et de monsigneur Jehan Chandos et des barons
20qui là estoient, avoit aucuns chevaliers des marces
de Poito, qui bien cognissoient le dit capitainne et qui
l’avoient compagnié dou temps passé. Si vinrent cil
jusques as barrières, et fisent tant que sus assegurances
il parlèrent à lui et le menèrent tant par parolles,
25car il n’estoit mies bien soutilz, comment qu’il
fust assés bons chevaliers, qu’il entra en trettié de
rendre le forterèce, se elle n’estoit secourue et li sièges
levés dedens le terme d’un mois, parmi tant que il
devoit avoir six mil frans françois pour les pourveances
30dou chastiel. Cilz trettiés fu entamés et mis
oultre, et demorèrent cil dou chastiel et li chastiaus
en segur, le dit terme, parmi le composition dessus
[162] 162 ditte; et se dedens le mois il n’estoit secourus, li
chastiaus estoit rendus.
Ceste cose acordée, li dis chevaliers tantost le
segnefia au roy de France, au duch d’Ango et au
5duch de Berri et à tous les signeurs dont il cuidoit
estre aidiés, afin que il se peuist mieulz escuser de
blasme, se il en estoit approciés. Nonobstant ce et
toutes ses segnefiances, quoique li chastiaus fust biaus
et bons et moult necessaires à estre françois pour les
10pays d’Ango et de Tourrainne, onques il ne fu secourus
ne confortés de nullui: siques, sitos que li
mois fu passés et espirés, li signeur englès qui là estoient,
requisent au dit chevalier que il leur tenist
couvent, et de ce avoit il livret bons plèges. Li dis
15messires Jehans ne volt mies aler à l’encontre, et dist
ensi à ses compagnons, puisque li rois de France et
li dus d’Ango voloient perdre le forterèce, il ne le
pooit mies tous seus garder ne amender. Si le rendi
as signeurs qui là estoient, liquel en prisent tantost
20le saisine et possession, et en eurent grant joie. Et
eut, ensi que couvens portoit, li dis messires Jehans
six mil frans tous appareilliés pour les pourveances
dou dit chastiel, qui bien le valoient. Et fu aconvoiiés
et tout li sien des Englès jusques en le cité d’Angiers.
25Si tretost qu’il fu là venus, il fu pris et arestés dou
gouvreneur d’Angiers et mis ou chastiel en prison.
Si entendi ensi que, de nuit, il fu boutés en un sach
et jettés en le rivière qui là keurt et noiiés par
l’ordenance et commandement dou duch d’Ango, pour
30ce que il avoit pris or et argent pour le forterèce qui
estoit bien taillie de lui tenir un an, se mestier faisoit.
Ensi eurent li Englès le chastiel de le Roce sur Ion
[163] 163 en Ango, et y misent grant garnison de par yaus et
le remparèrent bien et faiticement, et puis s’en retournèrent
en Angouloime deviers le prince.
§ 631. Apriès le conquès de le Roce sur Ion, si
5com ci dessus est dit, dont li François furent moult
courouciet, li signeur s’en retournèrent en Angouloime,
et là leur donna congiet li princes as aucuns
de retourner en leurs maisons. Si s’en ala messires
James d’Audelée, cilz vaillans chevaliers et seneschaus
10de Poito pour le temps, sejourner et demorer à Fontenay
le Conte. Là s’alitta li dis chevaliers de maladie
qui si le ragreva que il morut: de quoi messires li
princes et madame la princesse furent moult courouciet,
et ossi furent tout li baron et li chevalier de
15Poito. Se li fist on son obsèque moult reveramment
en le cité de Poitiers, et y fu li princes personelment.
Assés tos apriès, par le priière et requeste de tous les
barons et chevaliers de Poito, messires Jehans Chandos
qui estoit connestables d’Aquitainnes, fu seneschaus
20de Poito, et s’en vint demorer et sejourner en
le cité de Poitiers. Si faisoit souvent des issues et
des chevaucies sus les François, et les tenoit si court
qu’il n’osoient chevaucier, fors en grant route.
En ce temps, fu delivrés de prison li viscontes de
25Rocewart, que li princes avoit fait tenir, pour ce que
il le soupeçonnoit françois: siques, à le priière et requeste
de ses amis de Poito, qui estoient adonc dalés
le prince, li dis princes le delivra et li rendi toute sa
terre. Quant li dis viscontes fu delivrés de prison, il
30s’en vint couvertement, au plus tost qu’il peut, à Paris
devers le roy et se tourna françois, et revint arrière
[164] 164 en sa terre, sans ce que on sceuist riens encores de
son afaire, et mist Thiebaut dou Pont, Breton, un
très bon homme d’armes, en se forterèce, et envoia
tantost deffiier le prince et fist grant guerre au prince.
5Or parlerons un petit dou duch de Lancastre.
§ 632. Quant li dus de Lancastre fu venus et arrivés
à Calais, ensi que ci dessus est dit, et il et ses
gens se furent un petit rafreschi, si ne veurent point
là plenté sejourner, que il ne fesissent aucun esploit
10d’armes en France. Si se departirent un jour si doy
mareschal, à bien trois cens lances et otant d’archiers,
et passèrent oultre Ghines et chevaucièrent si avant
qu’il vinrent jusques oultre le rivière d’Oske; et coururent
tout le pays de là environ, et prisent leur
15tour devers l’abbeye de Liques, et acueillièrent
toute le proie et ramenèrent à sauveté en le ville de
Calais. Et, l’endemain, il fisent un aultre chemin et
vinrent viers Boulongne, et portèrent moult grant
damage au plat pays. A ce donc se tenoient li contes
20Guis de Saint Pol et messires Gallerans ses filz en le
cité de Tieruane, à tout grant gent d’armes; mès point
n’issirent contre les dis Englès, quant il chevaucièrent,
car il ne se sentoient mies fort assés pour yaus
combatre ne tollir les camps.
25Ces nouvelles vinrent au roy de France, qui se tenoit
en le cité de Roem et qui là avoit le plus grant
appareil et le plus biel dou monde, comment li dus
de Lancastre efforciement estoit venus et arivés à
Calais, et couroient ses gens tous les jours sus France.
30Quant li rois et ses consaulz entendirent ce, si eurent
nouvelles imaginations. En celle propre sepmainne,
[165] 165 devoit li dus de Bourgongne, o toute se carge où plus
avoit de trois mil chevaliers, entrer en mer pour aler
en Engleterre. Là regardèrent li rois, li prelat et ses
consaulz, que il estoit mieulz seans et apertenans,
5ou cas que on sentoit et savoit les Englès par deçà le
mer, d’yaus venir requerre et combatre que d’aler
en Engleterre. Si fu tous li premiers pourpos brisiés,
et cilz arrestés et segnefiiés par tout l’ost des François,
que cescuns, au plus tost que il peuist, se deslogast
10de Roem et là environ, et s’apparillast et avançast
de venir devers le ville de Calais avoec le duch
de Bourgongne, et dou commandement dou roy, car
on voloit aler combatre les Englès par deçà le mer.
Dont veissiés gens d’armes resjoïr et yaus apparillier,
15ce fu tantost tout toursé et deslogié, et se misent à
voie, cescuns qui mieulz mieulz.
Li dus de Bourgongne, o tout son arroy, se mist au
chemin et prist se adrèce pour venir passer le rivière
de Somme au pont à Abbeville, et fist tant par ses journées
20qu’il vint à Moustruel sus mer, et là et illuech environ,
à Hedin et à Saint Pol, et sus celle marce attendirent
li François l’un l’autre. Ja estoient venues ces
nouvelles au duch de Lancastre, que li François approçoient
fort pour yaus venir combatre. De quoi li dus de
25Lancastre estoit, o toutes ses gens, issus de Calais et
venus logier et prendre terre en le valée de Tournehen.
Gaires ne demora apriès ce qu’il fu là venus,
que cilz gentilz chevaliers, messires Robers de Namur,
en grant arroi, le vint servir à cent lances de bonnes
30gens, fuison de chevaliers et d’escuiers en se compagnie.
De sa venue fu li dus de Lancastre moult resjoïs,
et li dist: «Mon biel oncle, vous nous estes li
[166] 166 bien venus. On nous donne à entendre que li dus de
Bourgongne approce fort à grant gent et nous voet
venir combatre.»—«Sire, respondi messires Robers,
Diex y ait part! si les verons volentiers.» Là se logièrent
5moult faiticement et apertement li Englès
droit ou val de Tournehen, et se fortefiièrent de sois
et de haies au plus foible lés de leur host. Et tous les
jours y venoient vivres et pourveances de Calais, et
si couroient leur coureur en le conté de Ghines, qui
10en conqueroient; mès c’estoit petit, car tous li plas
pays de là environ estoit perdus, et avoit on tout
mis ens ès forterèces.
Or vint li dus de Bourgongne à tout son arroi et
sa grande chevalerie. Si se loga sus le mont de
15Tournehen, et commandèrent si mareschal à logier
toutes gens à l’encontre des Englès. Si se logièrent li
dit François bien ordeneement tantost et sans delay,
et comprendoit leur logeis moult grant fuison, et
bien y avoit raison; car je oy adonc recorder pour
20certain que li dus de Bourgongne eut là avoech lui
quarante cens chevaliers: considerés donc se li demorans
de l’host n’estoit point grant. Et se tinrent
là un grant temps li un devant l’autre, sans riens
faire, car li dus de Bourgongne, comment que il fuist
25li plus fors et qu’il euist de bonnes gens d’armes sept
contre un, si ne se voloit il point combatre sans
l’ordenance et congié dou roy son frère, qui n’avoit
mies adonc encores avis ne conseil de ce faire. Et sachiés
de verité que, se li François se fuissent trait
30avant pour combatre les Englès, ja li dit Englès ne les
euissent refusés, mais estoient tous les jours apparilliés
et avisés pour yaus recevoir et avoient leurs
[167] 167 conrois tous ordenés, et savoit çascuns quel cose il
devoit faire, se il traioient avant; mais, pour ce que il
estoient petit et en leur fort, il ne se voloient point
partir nicement de leur avantage. Si venoient bien
5souvent aucun compagnon enventureus escarmucier
as François: une heure y perdoient et l’autre y gaegnoient,
ensi que les aventures aviennent en telz fais
d’armes.
En ce temps, estoit li contes Loeis de Flandres
10moult enclins à l’onneur et prosperité dou duch de
Bourgongne, son fil, et se tenoit en une moult belle
maison dalés Gand, que nouvellement avoit fait
edefiier. Si ooit souvent nouvelles dou dit duch et
de son estat, et li dus de lui, par messagiers alans et
15venans. Et bien consilloit li dis contes à son fil, pour
son honneur, que il ne passast point oultre l’ordenance
dou roy son frère ne de son conseil.
Or retourrons un petit as besongnes des lontainnes
marces, car li chevalier et li escuier y avoient plus
20souvent à faire, et y trouvoient des aventures que il
ne fesissent d’autre part, pour les guerres qui y estoient
plus caudes.
§ 633. Ce terme pendant que ceste assamblée fu
faite à Tournehen et là environ, avinrent en Poito
25aucun fait d’armes qui ne font mies à oublier, car
messires Jehans Chandos qui estoit seneschaus de
Poito et uns très hardis et vaillans chevaliers, et qui
très grant desir avoit de trouver les François et combatre,
ne voloit point plenté sejourner. Si mist, entrues
30que il se tenoit à Poitiers, une chevaucie de
gens d’armes sus, Englès et Poitevins, et dist que il
[168] 168 voloit chevaucier en Ango et revenir en Tourainne
et veoir les François qui se tenoient sus les frontières.
Tout son pourpos et sa chevaucie il segnefia au
conte de Pennebruch qui se tenoit en garnison, à bien
5deux cens lances, à Mortagne sus mer. Li contes de
ces nouvelles fu moult resjoïs, et volentiers y fust
alés, mès ses gens et aucun chevalier de son conseil
li brisièrent son desir et li disent: «Monsigneur,
vous estes uns jones homs et uns sires à parfaire. Se
10vous vos metés maintenant en le compagnie et en le
route de Chandos, il en ara le vois et le renommée,
et vous n’i serés ja nommés fors que ses compains.
Si vault trop mieulz que vous, qui estes uns grans
sires et de haute estration, que vous faciés vostre fait
15à par vous et laissiés faire Chandos, qui n’est que
uns bachelers ou regart de vous, le sienne à par lui.»
Ces parolles et aultres refroidièrent si le conte de
Pennebruch que il n’i eut nulle volenté d’aler et
s’escusa devers monsigneur Jehan Chandos.
20Pour ce ne volt mies brisier messires Jehans Chandos
sen emprise, mès fist sen assamblée à Poitiers bien et
ordeneement, et s’en parti à tout trois cens lances,
chevaliers et escuiers, et deux cens arciers. Et là furent
messires Thumas de Persi, messires Estievenes de
25Gousenton, messires Richars de Pontchardon, messires
Eustasses d’Aubrecicourt, messires Richars Tanton,
messires Thumas li Despensiers, messires Neel
Lorinch, messires d’Agorises, messires Thumas Balastre,
messires Jehans Trivés, messires Guillaumes
30de Montendre, messires Mauburnis de Linières, messires
Joffrois d’Argenton et pluiseur aultre. Si chevaucièrent
ces gens d’armes et cil arcier arreement
[169] 169 et hardiement et par bonne ordenance, ensi que pour
faire un grant fait, et trespassèrent Poito et entrèrent
en la ducé d’Ango. Si tretost que il s’i trouvèrent,
il se commencièrent à logier sus le pays et à envoiier
5leurs coureurs devant ardoir et exillier tout le plat
pays. Si fisent en ce dit bon pays et gras d’Ango ces
gens d’armes moult de maulz, ne nulz ne leur vint
ne ala au devant, et y sejournèrent plus de quinze
jours, especialment dedens un pays qui est durement
10bons et plentiveus que on appelle Loudonnois; et
puis se misent au retour entre Ango et Tourainne et
tout contreval le rivière de Cruese. Et entrèrent messires
Jehans Chandos et ses gens en le terre le visconte
de Rochewart. Si le ardirent et gastèrent malement,
15ne riens n’i laissièrent fors les forterèces, que
tout ne fust essillié. Et furent devant le ville de Rochewart
et l’assallirent de grant façon, mès riens n’i
conquisent, car il y avoit dedens Bretons et bonnes
gens d’armes, desquelz Thiebaus dou Pont et Alyos
20de Talay estoient chapitainne. Cil le gardèrent de
blasme et de prendre.
Si passèrent oultre li dit Englès, et vinrent à
Chauvegni. Là entendi messires Jehans Chandos que
li mareschaus de France, messires Loeis de Sanssoire,
25et grant gent d’armes estoient à le Haie en
Tourainne. Si eut très grant volenté d’aler celle part,
et segnefia encores se intention moult hasteement
au conte de Pennebruch, en lui priant que il y volsist
estre et aler avoech lui devant le Haie en Tourainne,
30et qu’il le trouveroit à Chastieleraut. Si fu
Chandos li hiraus noncières et portères de ce message,
et trouva le dit conte de Pennebruch à Mortagne
[170] 170 sus mer, qui là faisoit son amas et sen assamblée
de gens d’armes, et voloit faire, ensi qu’il
apparoit, une chevaucie. Si s’escusa encores li dis
contes par l’information de son conseil, et dist qu’il
5n’i pooit estre. Au retour que li hiraus fist, il trouva
son mestre et ses gens à Chastieleraut, se li fist response
de son message. Quant messires Jehans Chandos
entendi ce, si en fu tous merancolieus et cognut
tantost que par orgueil et presumption li contes laissoit
10ce voiage à faire. Si respondi à ces parolles et
dist: «Diex y ait part!» et donna là le plus grant
partie de ses gens congiet et les departi, et ilz meismes
retourna en le cité de Poitiers.
§ 634. Or vous compterons dou conte Jehan de
15Pennebruch quel cose il fist. Si tretost comme il peut
savoir que messires Jehans Chandos fu retrais à Poitiers
et qu’il eut donné ses gens congiet, il mist sa
chevaucie sus, où bien avoit trois cens lances, Englès
et Poitevins, et se departi de Mortagne. Et encores
20y eut aucuns chevaliers et escuiers de Poito et de
Saintonge, et ossi Englès qui avoient esté avoech
Chandos, qui se remisent en se route. Si chevaucièrent
ces gens d’armes, desquelz li contes de Pennebruch
estoit chiés et souverains, et passèrent parmi
25Poito, et fisent et prisent à l’adrèce ce propre chemin
que messires Jehans Chandos et ses gens avoient fait.
Et entrèrent en Ango et parardirent et essillièrent
dou plat pays grant fuison que li premier avoient
laissiet, qui s’estoit rançonnés, et se reposèrent et
30rafreschirent en ce bon pays de Loudonnois, et
puis reprisent leur adrèce, et s’en vinrent en le
[171] 171 terre le visconte de Rochewart, où il fisent grant
damage.
Li François qui se tenoient ens ès garnisons françoises,
sus les marces de Poito, de Tourainne et
5d’Ango, où moult avoit de bonnes gens grant fuison,
entendirent et sceurent de verité de ces deux chevaucies
comment par orgueil li contes de Pennebruch,
qui estoit uns jones homs, n’avoit volu venir en le compagnie
de monsigneur Jehan Chandos. Si se avisèrent
10que il le metteroient jus, se il pooient, et feroient ce
trop plus aisiement que le dessus dit monsigneur
Jehan Chandos. Si fisent un mandement secretement
de toutes les garnisons là environ, et s’en fist chiés
messires Loeis de Sanssoire, mareschaus de France.
15Si se avalèrent ces gens d’armes de nuit secretement
tout en le Roce de Ponsoy, en Poito, qui estoit françoise.
Là estoit messires Robers de Sanssoirre, cousins
au dit mareschal, messires Jehans de Viane,
messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des
20Bordes, messires Loeis de Saint Juliien et Karenloet,
breton, et estoient bien sept cens combatans.
Li contes de Pennebruch avoit pris son tour et
estoit rentrés en Poito et parars toute le terre dou
visconte de Rocewart. En se compagnie estoient
25messires Bauduins de Fraiville, seneschaus de Saintonge,
messires Thumas de Persi, messires d’Aghorises,
messire Jehans Oursvich, messires Jehans
Harpedane, messires Jakes de Surgières, messires
Jehans Courson, messires Thumas de Saint Aubin,
30messires Thumas le Dispensier, messires Robers Tinfort,
messires Symons Housagre, messires Jehans
de Mortain, messires Jehans Touchet et pluiseur aultre.
[172] 172 Si chevauçoient cil Englès et cil Poitevin sans
nul esmay, et n’avoient encores oy nouvelles de nulles
gens d’armes, et s’en estoient rentré à tout grant
pillage et grant avoir en Poito. Si s’en vinrent un
5jour, de haute nonne, logier en un village que on
appelle Puirenon, ensi que cil qui cuidoient estre
tout asseguré. Et si que leur varlet entendoient à establer
leurs chevaus et appareillier le souper, evous
ces François venus, qui savoient bien lor couvine,
10tout avisé de ce qu’il devoient faire; et entrèrent en
ce village de Puirenon, les lances abaissies et escriant
leurs cris: «Nostre Dame! Sanssoire au mareschal!»
et puis commencièrent à abatre et à decoper gens
par ces rues et dedens leurs hosteulz. Li cris et la
15noise se commença tantost à eslever, et gens entrer
en très grant effroy, car il estoient soudainnement
souspris.
Ces nouvelles vinrent au conte de Pennebruch,
à monsigneur Thumas de Persi, à monsigneur Bauduin
20de Fraiville et as aultres chevaliers, que c’estoient
li François qui les avoient envaïs et assallis.
Si furent tantos chil signeur et leurs gens appareilliet,
et se traisent hors de leurs hosteulz et se commencièrent
à recueillier ensamble, mès il n’i peurent tout
25venir; car li force des François fu là si grande que
li Englès et li Poitevin d’un lés ne les peurent souffrir,
et en y eut à celle première empainte mors que
pris plus de six vingt. Et n’eurent li contes de Pennebruch
et aucun chevalier qui là estoient, plus
30de remède et d’avis qu’il se retraisent, au plus tost
qu’il peurent, en une plate maison de Templiers,
seans tout au sech, et tant seulement fremée de pierre.
[173] 173 Là se recueillièrent et boutèrent et enfremèrent cil
qui y peurent venir à temps. Tout li demorant y furent
mort et pris, et le plus grant partie de leur harnas
et de leurs chevaus perdus; et perdi li dis contes
5de Pennebruch toute sa vaisselle.
Li François, qui les sievoient de priès, entendirent
qu’il estoient là recueilliet et enclos; si en furent tout
joiant et disent entre yaus: «Il ne nous poeent escaper.
Tout seront nostre: nous leur ferons chierement
comparer les damages qu’il ont fais en Ango et en Tourainne.» 10
Dont se traisent devers ceste maison moult
ordeneement et trop bien appareilliet, et en grant volenté
pour assallir. Quant il furent là venu, ja estoit
heure de remontière: si regardèrent le dit hostel et
15avisèrent devant et derrière, et considerèrent assés que
il estoit bien prendables. Si le commencièrent à assallir
durement et reskement, et eut là fait tamainte grant
apertise d’armes, car li François estoient grant fuison
et bonnes gens. Si assalloient en pluiseurs lieus et
20donnoient le dit conte Pennebruch et ses gens moult
à faire; et li Englès, qui n’estoient pas grant fuison,
se prendoient priès de bien faire le besongne et de
yaus deffendre, car il leur touchoit.
Si y eut ce jour dreciet aucunes eskelles et compagnons
25aventureus montans amont, paveschiés sus leurs
testes, pour yaus contregarder et garandir des pierres
et dou tret; et quant il venoient tout amont, il n’avoient
riens fait, car il trouvoient bien à qui parler, gens d’armes,
chevaliers et escuiers, tenans lances et espées en
30leurs mains, qui les combatoient vassaument main à
main, et qui les faisoient descendre plus tost qu’il ne
fuissent monté. Avoec tout ce, il y avoit arciers
[174] 174 d’Engleterre, entrelardés entre ces gens d’armes, à deux
piés, tous descaus, tous drois sus le mur, et traioient
assés ouniement, lequel tret li François assallant qui
estoient desous, durement ressongnoient. En ce
5frefel, assaut et rihote, il furent jusques à le nuit que
li François, qui estoient tout lasset et travilliet d’assallir
et de combatre, se retraisent et sonnèrent leurs
trompètes de retrait, et disent qu’il en avoient assés
fait pour ce jour, jusques au matin que de recief on
10les venroit assallir. Tout consideré entre yaus, disoient
li François: «Il ne nous poeent escaper, ne
eslongier qu’il ne soient nostre; car nous les tenons
pour enclos et affamés.» Si s’en vinrent à leur logeis
liet et joiant, et se aisièrent de ce qu’il eurent, et
15fisent grans gais par devant le ditte maison dou Puirenon,
pour estre mieulz assegur de leur afaire.
§ 635. Vous devés bien croire et sçavoir de verité
que li signeur, premièrement li contes de Pennebruch
et li chevalier qui là estoient assis et enclos
20de leurs ennemis dedens l’ostel dou Puirenon, n’estoient
mies à leur aise, car il sentoient leur forterèce
qui n’estoit pas trop forte pour durer à le longe encontre
tant de bonnes gens d’armes, et si estoient
mal pourveu d’arteillerie, qui leur estoit uns grans
25griés, et ossi de vivres, mès de ce ne faisoient il nul
compte, car au fort il viveroient bien un jour et une
nuit pour yaus garder, se mestier faisoit. Quant ce
vint en le nuit qu’il faisoit brun et espès, il priièrent
à un escuier, homme d’armes des leurs en qui il
30avoient grant fiance, et li disent que il se volsist
partir et on li feroit voie par derrière, et chevauçast
[175] 175 esploiturierement, il seroit au jour à Poitiers; là trouveroit
il monsigneur Jehan Chandos et ses compagnons:
se leur desist comment il leur estoit; encores
venroient il bien à temps pour yaus conforter, car il
5se tenroient bien en le ditte maison jusques à nonne.
Li escuiers, qui vei le grant dangier où il et tout si
signeur estoient, dist qu’il ferait ce message volentiers,
et encores s’ahati il de trop bien savoir le chemin.
Si se parti de laiens environ heure de mienuit,
10quant cil de l’host furent asserisiet, par une fausse
posterne, et se mist au chemin au plus droit qu’il
peut et qu’il sceut pour venir à Poitiers. Mès tant y
eut que onques celle nuit il ne peut ne sceut tenir
voie ne chemin, et s’i fourvoia, et fu grans jours
15ançois qu’il peuist entrer en le voie de Poitiers.
Quant ce vint à l’aube dou jour, li François qui
avoient assis les Englès ou Puirenon, ensi que vous
oés, sonnèrent leurs trompètes et s’armèrent, et disent
et regardèrent entre yaus qu’il assaurroient à le froidure
20dou jour, car ce leur estoit plus pourfitable que
en le caleur dou jour. Li contes de Pennebruch et
li chevalier qui dedens leur clos estoient, et qui toute
le nuit point dormi n’avoient, mès, ce qu’il avoient
peut, fortefiiet s’estoient de pierres et de baus que
25sus les murs aporté avoient, sentirent bien que li
François se ordenoient pour yaus venir assallir: si se
confortèrent et avisèrent selonch ce. Devant heure
de soleil levant, une bonne espasse, furent li dit François,
signeur et gens d’armes, tout apparilliet et ordonné
30pour venir assallir, et lors fu commandé de
par leurs signeurs et chapitainnes de traire avant.
Lors s’en vinrent devers le dit hostel par connestablies,
[176] 176 et entrèrent de recief de grant volenté en l’ouvrage
de leur assaut; et trop bien à ce commencement
s’en acquittèrent et fisent leur devoir. Et avoient
aporté eschielles, si les apoioient contre les murs et
5montoient sus à l’estrivée, armé et paveschié souffissamment,
car aultrement il n’euissent point duré; et
tenoient à honneur et à grant vasselage celi qui pooit
estre montés premiers: ossi estoit ce vraiement. Là
n’estoient mies li Englès wiseus ne recreant d’yaus
10deffendre, car aultrement il euissent estet pris tantost;
mès se deffendoient si vaillamment que merveilles
seroit à penser, et jettoient pierres sus ces targes et
ces bachinés: par quoi il les rompoient et effondroient,
et en navrèrent pluiseurs et blecièrent bien
15griefment par celle desfense, ne on ne vei onques
mès gens yaus si vaillamment tenir ne deffendre en
si petite force contre tant de bonnes gens d’armes.
Ensi fu cilz assaus continués dou matin jusques à
prime.
20§ 636. Entre prime et tierce et ou plus fort de l’assaut,
et que li François se ragrignoient moult de ce
que tant duroient li dit Englès, tant qu’il s’avançoient
malement sans yaus espargnier, et avoient mandés
ens ès villages de là environ piks et haviaus pour
25effondrer le mur, et c’estoit ce que li dit Englès
ressongnoient, li contes de Pennebruch appella de recief
un sien escuier, ouquel il avoit moult grant
fiance, et li dist: «Mon ami, montés sus mon coursier
et issiés hors par derrière; on vous fera voie. Si
30chevauciés à grant esploit devers Poitiers, et recordés
à monsigneur Jehan Chandos l’estat et le dangier et
[177] 177 le peril où nous sommes, et me recommendés à lui à
tout ces ensengnes.» Lors trait un aniel d’or hors
de son doi et dist: «Donnés li de par moy, il recognistera
bien ces ensengnes que elles sont vraies.»
5Li dis escuiers, qui tint ceste afaire à haute honneur,
prist l’aniel et monta vistement sus un coursier le
plus apert de laiens, et se departi par derrière entrues
c’on assalloit, car on li fist voie, et se mist au chemin
devers le cité de Poitiers. Et toutdis duroit li assaus
10grans et fors, et assalloient François mervilleusement
bien, et Englès se deffendoient de grant corage;
et bien le couvenoit, car aultrement sans desfense
plus grande que nulle aultre, il n’euissent point duré
deux heures.
15Or vous parlerons dou premier escuier le dit conte,
qui estoit partis dou Puirenon à heure de mienuit, et
qui toute le nuit s’estoit fourvoiiés, sans tenir voie ne
sentier. Quant ce vint au matin et il fu grans jours,
il recogneut son chemin; si se mist à adrèce par devers
20Poitiers, et ja estoit ses chevaus tous lassés. Toutes
fois il vint là environ heure de tierce, et descendi
en le place devant l’ostel monsigneur Jehan Chandos.
Si entra tantost ens et le trouva qu’il estoit à messe;
si s’en vint devant lui et s’engenilla, et fist son message
25bien et à point. Messires Jehans Chandos, qui
encores avoit en le teste le merancolie de l’autre jour,
dou conte de Pennebruch qui n’avoit volu chevaucier
avoech lui, ne fu mies à ce premier si enclins que
merveilles, et respondi tant seulement: «Ce seroit
30fort que nous y peuissions venir à temps!» et oy toute
sa messe. Tantost apriès messe, les tables furent mises
et drecies, et la cuisine appareillie; si demanda
[178] 178 on au dit monsigneur Jehan se il voloit disner. Il respondi:
«Oïl, puisqu’il est priès.» Tantos il se traist
en le salle. Chevalier et escuier sallirent avant, qui
aportèrent l’aigue. Tout ensi comme il lavoit pour
5seoir à table, evous le secont message dou conte Jehan
de Penebruch, qui entre en la salle et encline
monsigneur Jehan Chandos, et trait tantost l’aniel
hors de son doy et li dist: «Ciers sires, messires li
contes de Pennebruch se recommende à vous à tout
10ces ensengnes, et vous prie chierement que vous le
venés conforter et oster d’un grant dangier et peril
où il est au Puirenon.»
Messires Jehans Chandos prist l’aniel et le regarda
et le recogneut, et vei bien que c’estoient vraies
15ensengnes. Si respondi: «Ce seroit fort de là venir
à temps, quant il estoient en tel dangier et tel parti
que vous me comptés, à vostre departement.» Et
puis dist: «Alons, alons disner: se il estoient tout
mort et tout pris, se nous fault il disner.» Si s’assist
20à table li dis messires Jehans Chandos et tout
li aultre, et mengièrent leur premier més. Ensi qu’il
estoient ja servi dou secont et l’avoient ahers, messires
Jehans Chandos qui avoit moult imaginé sus
ces besongnes, leva la tieste, en regardant sus les
25compagnons, et dist une parolle qui fu volentiers
oye: «Li contes de Pennebruch, qui est uns sires de
noble sanch et de hault afaire et de grant linage, et
qui est filz de mon naturel signeur le roy d’Engleterre,
car il eut sa fille espousée, et qui est compains
30en armes et en toutes aultres coses à monsigneur de
Cantbruge, me prie si bellement, que je doi bien descendre
à se priière et lui secourir et conforter, si g’i
[179] 179 puis venir à temps.» Adonc bouta il la table oultre
et dist: «As chevaus! As chevaus! Je voeil chevaucier
devers le Puirenon.» Lors veissiés gens avoir
grant joie de ces parolles et yaus tantost apparillier,
5et ces trompètes sonner, et gens d’armes parmi Poitiers
monter à cheval, çascuns qui mieulz mieulz; car
il furent tantost enfourmé dou fait que messires Jehans
Chandos chevauçoit viers Puirenon, pour conforter
le conte de Pennebruch et se route, que li François
10avoient là assis. Lors se misent as camps chevalier
et escuier et gens d’armes, et se trouvèrent tantost
plus de deux cens lances, et toutdis leur croissoient
gens.
§ 637. Ensi que messires Jehans Chandos et se
15route chevauçoient efforciement, certainnes nouvelles
en vinrent au Puirenon entre les François, qui continuelment
avaient assalli dou point dou jour jusques
à heure de miedi, et leur disent leurs espies
qu’il avoient toutdis sus les camps: «Chier signeur,
20avisés vous, car messires Jehans Chandos est partis
de Poitiers à plus de deux cens lances, et s’en vient
celle part à grant esploit et à grant desir qu’il vous
puist trouver.»
Quant messires Loeis de Sanssoirre, messires Jehans
25de Viane, messires Jehans de Buel et li aultre
qui là estoient, entendirent ces nouvelles, si se
consillièrent, et disent ensi là entre yaus li plus avisé:
«Nos gens sont lassé et travillié d’assallir et de
rihoter à ces Englès hui et hier: si vault mieulz que
30tout bellement nous nos mettons au retour et à sauveté
nostre gaaing et nos prisonniers, que ce que nous
[180] 180 attendons ci l’aventure et monsigneur Jehan Chandos
et se route qui sont fresch et nouviel, car plus y porions
perdre que gaegnier.» Cilz consaulz fu tantost
creus, car il n’i couvenoit point un lonch sejour. Si
5fisent li signeur sonner les trompètes de retrait. A ce
son se retraiirent toutes leurs gens et se recueillièrent
et misent ensamble, et aroutèrent tout leur harnas et
leur caroy, et se misent au chemin pour revenir devers
le Roce de Ponsoy.
10Li contes de Pennebruch et li aultre compagnon,
qui veirent celle retrette, cogneurent tantost que
li François avoient oy nouvelles; si disent par verité:
«Chandos chevauce: pour ce sont retret cil
François qu’il ne l’osent attendre. Or tost, or tost,
15partons de ci, retraions nous vers Poitiers, nous
l’enconterons.» Donc montèrent as chevaus cil qui
les avoient, et qui point n’en avoit, il aloit tout à
piet, et li pluiseur montoient li doi sus un cheval.
Si se departirent dou Puirenon et prisent le chemin
20de Poitiers. Et n’estoient mies, en sus de le maison
où si vaillamment s’estoient tenu, une liewe, quant
il encontrèrent monsigneur Jehan Chandos et toute
se route, en cel estat que je vous ay dit, les aucuns
à piet, les aultres yaus deux sus un cheval. Si se
25fisent là grans recognissances et grans approcemens
d’amour. Et dist messires Jehans Chandos qu’il estoit
moult courouciés, quant il n’estoit là venus à
temps, pour quoi il euist trouvés les François. Si
chevaucièrent ensi, en genglant et en parlant, environ
30trois liewes, et puis prisent congiet li un de
l’autre.
Si retourna messires Jehans Chandos à Poitiers, et
[181] 181 messires li contes de Pennebruch à Mortagne sus
mer, dont il s’estoit premierement partis; et li mareschaus
de France et leurs gens retournèrent à le Roce
de Ponsoy, et là se rafreschirent et departirent leur
5butin. Et puis si se retraist cescuns en se garnison, et
emmenèrent leurs prisonniers; si les rançonnèrent
courtoisement, quant il veurent, ensi que Englès et
François ont toutdis fait l’un l’autre.
Or, retourrons nous à l’assamblée de Tournehen
10et parlerons de le mort la plus gentilz royne, plus
large et plus courtoise qui onques regna à son temps:
ce fu madame Phelippe de Haynau, royne d’Engleterre
et d’Irlande.
§ 638. En ce temps que ceste assamblée de tant
15de nobles dou royaume de France fu faite à Tournehen,
desquelz li dus de Bourgongne estoit chiés et
souverains, et li dus de Lancastre qui se tenoit en le
valée avoecques ses gens de l’autre part, avint en Engleterre
une cose toute commune, mès elle fu trop
20piteuse et moult triste pour le roy, ses enfans et tout
le pays. Car la bonne dame, royne d’Engleterre, qui
tant de biens avoit fais en son vivant et reconforté
tant de chevaliers et tant de dames et de damoiselles,
et si largement donné et departi le sien à toutes gens,
25et qui si naturelment avoit toutdis amé chiaus et
celles de le nation de Haynau, le pays dont elle fu
née, s’acouça malade au lit ens ou chastiel de Windesore;
et tant porta celle maladie que elle aggreva durement
et que fins de jour vint.
30Quant la bonne dame et royne cogneut que morir
le couvenoit, elle fist appeller le roy son mari; et
[182] 182 quant li rois fu devant lui, elle traist hors de sa couvreture
sa droite main et le mist en le main droite
dou dit roy qui grant tristèce avoit au cuer. Et là dist
la bonne dame ensi: «Monsigneur, Dieu merci, nous
5avons en pais et en joie et en grant prosperité usé
nostre temps. Si vous pri que, à ce departement, vous
me voeilliés acorder trois dons.» Li rois, tout en
larmiant, respondi et dist: «Dame, demandés: il
vous sont acordé.»
10«Monsigneur, à toutes manières de bonnes gens
où dou temps passé j’ay eu à faire de leur marcheandise,
tant deçà le mer comme delà, de ce que je sui
tenue envers yaus, vous les en voeilliés croire legierement
et paiier, pour moy acquitter; en apriès, toutes
15les ordenances que j’ay fait, et lais ordonnés as
eglises de ce pays et à celles de delà le mer où j’ai eu
ma devotion et à ceulz et celles qui m’ont servi, que
vous les voeilliés tenir et acomplir. Tiercement,
monsigneur, je vous pri que vous ne voelliés eslire
20aultre sepulture que de jesir dalés moy, ou clostre de
Wesmoustier, quant Diex fera sa volenté de vous.»
Li rois, tout en plorant, respondi: «Dame, je le vous
acors.»
En apriès, la bonne dame fist le signe de le vraie
25crois sus lui et commanda le roy à Dieu, et son fil
monsigneur Thumas le mainsné qui estoit dalés lui,
et puis assés tost elle rendi son esperit: lequel, je croy
fermement, li saint angele de paradys ravirent et
emportèrent à grant joie en le glore des cieulz, car
30onques en sa vie ne fist ne pensa cose par quoi elle
le deuist perdre. Si trespassa la dessus ditte royne
d’Engleterre l’an de grasce Nostre Signeur mil trois
[183] 183 cens soixante neuf, le vegille Nostre Dame, en le
moiienne d’aoust.
§ 639. Les nouvelles en vinrent à Tournehen, en
l’ost des Englès: si en furent toutes manières de gens
5durement coureciet, et par especial ses filz li dus de
Lancastre. Il n’est mors que il ne couviegne oubliier
et passer. Pour ce, ne laissièrent mies li Englès à tenir
lor estat et leur ordenance, et furent là un grant
temps devant les François.
10Or avint que aucun chevalier et escuier de France,
qui là estoient et qui leurs ennemis tous les jours
veoient, se consillièrent un jour et eurent parlement
ensamble de aler à l’endemain, au point dou jour,
escarmucier les Englès, et dou resvillier sus leur gait.
15De cel acort furent plus de trois cens chevaliers et
escuiers, et li plus estoient de Vermendois, d’Artois
et de Corbiois, as armes. Si le segnefiièrent ensi li un
à l’autre, sans parler à leurs mareschaus. Quant ce
vint au matin qu’il deurent faire leur emprise, il furent
20au point dou jour tout armé et monté à cheval et mis
ensamble. Si chevaucièrent en cel estat sans effroy, et
commencièrent à tourniier le mont de Tournehen,
pour venir à leur avantage et ferir en l’une des èles
de l’ost des Englès.
25A ce costet estoit li logeis de monsigneur Robert
de Namur et de ses gens. Celle propre nuit, avoit
fait le gait li dis messires Robers, siques sus l’ajournement
il s’estoit retrais et seoit à table tous
armés, horsmis son bachinet, et li sires de Spontin
30dalés lui. Evous venu ces François, qui se fièrent
en ces logeis de monsigneur Robert et d’aucuns aultres,
[184] 184 Alemans et Englès, qui estoient ossi logiet de
ce costet. Encores n’estoient point desarmet cil qui
avoient fait le gait avoech monsigneur Robert, dont
trop bien leur chei et vint à point; car il se misent
5tantost au devant de ces gens d’armes et de ces François,
qui venoient esporonnant de grant volenté, et
leur deffendirent et brisièrent le chemin. Les nouvelles
vinrent tantost au dit monsigneur Robert que ses
gens se combatoient et estoient assalli des François.
10En l’eure, il bouta le table oultre où il seoit, et dist
au signeur de Spontin: «Alons, alons aidier nos
gens.» Tantost il mist son bachinet et monta à cheval,
et fist prendre sa banière qui estoit devant son
pavillon, et desvoleper.
15Là li fu dit: «Sire, envoiiés devers le duc de
Lancastre: si ne vous combaterés point sans lui.»
Il respondi franchement et dist: «Je ne sçai, je
voeil aler, le plus droit chemin que je porai, devers
mes gens. Qui voelt envoiier devers monsigneur
20de Lancastre, si envoie; et qui m’aime, se me sieuce.»
Lors se parti, le glave ou poing, en approçant les ennemis,
le signeur de Spontin et monsigneur Henri de
Senselles dalés lui, et ossi li aultre chevalier. Tantos
furent à le bataille, et trouvèrent leurs gens qui se
25combatoient as François, qui estoient moult grant
fuison, et qui deuissent bien avoir fait, au voir dire,
un grant fait. Mais si tretost qu’il veirent monsigneur
Robert de Namur venu et se banière, il ressortirent
et brisièrent leur conroy, car il se doubtèrent espoir
30que toute li hos ne fust estourmie. Si estoit elle en
pluiseurs lieus, et ja estoit haus solaus levés. Là fu
mors desous le banière de monsigneur Robert uns
[185] 185 chevaliers de Vermendois, qui s’appelloit messires
Rogiers de Coulongne, dont ce fu damages; car il estoit
friches homs, doulz et courtois durement et bons
chevaliers en tous estas.
5Ensi se porta ceste besongne. Li François retournèrent
sans plus de fait, qui doubtèrent à plus perdre;
et messires Robers ne les volt mies cachier trop
folement. Si recueilla ses gens, quant li François furent
tout retrait et rebouté, et s’en revinrent en leurs
10logeis.
§ 640. Depuis ceste avenue, n’i eut nul fait d’armes
qui à recorder face. Si desplaisoit il bien à aucuns
chevaliers, de l’un costet et de l’autre, de ce que
on ne se combatoit, et disoit on tous les jours: «On
15se combatera demain! On se combatera demain!»
Et cilz jours ne vint onques. Car, si com ci dessus est
dit, li dus de Bourgongne ne voloit mies brisier l’ordenance
dou roy, son frère, ne aler contre; car il
li estoit destroitement commandé, et avoit tousjours
20messagiers alans et venans dou roy au duch et dou
duc au roy. Li dus de Bourgongne, si com je fui
adonc enfourmés, imagina et considera qu’il gisoit là
à grant fret et qu’il n’i pooit estre longement
honnourablement, quant il avoit bien quatre mil chevaliers
25et plus, et il veoit tous les jours ses ennemis, qui
n’estoient que une puignie de gens, et point ne les
aloit combatre. Si envoia des ses chevaliers devers le
roy son frère, qui li remoustrèrent vivement se entention.
Li rois cogneut assés que li dus avoit raison.
30Se li remanda que, ses lettres veues, il se deslogast et
donnast toutes ses gens congiet et se retraisist vers
[186] 186 Paris hasteement, car il meismes y aloit, et là li ordonneroit
il d’aler aultre part. Quant li dus de Bourgongne
oy ces nouvelles, si les segnefia secretement
as plus grans de toute son host, et dist: «Il nous
5fault deslogier, li rois nous remande.» Quant ce vint
à heure de mienuit, cil qui enfourmé estoient de ce
fait, eurent tout toursé et furent tout monté, et boutèrent
le feu en leurs logeis.
A ceste heure, revenoit messires Henris de Senselles
10à son logeis, et faisoit le gait des gens monsigneur
Robert de Namur, à qui il estoit. Si perçut
un feu et puis deux et puis trois. Si dist en soi
meismes: «Li François nous poroient bien venir
resvillier; il en font durement contenance. Alons,
15alons, dist il à chiaus qui estoient dalés lui, devers
monsigneur Robert; si l’esvillons, par quoi il soit
pourveus bien et à point.» Si s’en vint li dis messires
Henris tantost en la loge de monsigneur Robert, et
appella ses cambrelens et dist: «Il fault que messires
20s’esveille.» Li varlet alèrent jusques au lit, et li dis
messires Henris dalés yaus, qui esvilla le dit monsigneur
Robert, et li dist tout l’afaire ensi qu’il aloit.
Donc respondi messires Robers: «Nous orons assés
tost aultres nouvelles; faites armer et apparillier nos
25gens.» Et il meismes s’arma et appareilla tantost. Et
quant ses gens furent venu, il fist prendre se banière
et s’en ala devers le tente dou duch de Lancastre,
qui ja s’armoit, car on li avoit segnefiiet ces nouvelles,
et fu tantost appareilliés et se traist devant sa
30tente, sa banière en present. Et là vinrent li signeur
petit à petit devers le dit duch; et, ensi qu’il venoient,
il se rengoient et se taisoient tout quoy et sans
[187] 187 lumière. Et envoia adonc par ses mareschaus li dus
rengier tous ses arciers au devant dou lieu par où il
esperoient que li François les venroient combatre, se
il venoient; car pour certain il cuidoient bien estre
5combatu. Quant il eurent esté en cel estat bien deus
heures et plus, et il veirent que nulz ne venoit, si
furent plus esmervilliet que devant.
Adonc appella li dus de Lancastre aucuns signeurs
qui là estoient dalés lui, et leur demanda quel cose en
10estoit bonne à faire. Li uns disoit d’un et li autres
d’autre, çascuns selonch sen opinion. Et quant li dus
vint à ce vaillant et sage chevalier, monsigneur Gautier
de Mauni, il demanda: «Et vous, messire Gautier,
qu’en dittes?»—«Je ne sçai, dist messires Gautiers,
15mès, se j’en estoie creus ne oys, je ordonneroie mes
arciers et mes gens d’armes par manière de bataille, et
iroie petit à petit toutdis avant. Il sera tantost grans
jours, se vera on devant lui.» Li dus s’asentoit bien à
ce conseil, et li autre consilloient le contraire et disoient
20au duch qu’il ne se meuist. Si furent en ce detri
et en ce debat jusques adonc que on ordena des gens
monsigneur Robert de Namur et des gens monsigneur
Walerant de Borne, à monter à cheval, pour tant qu’il
estoient able, fort bien monté, et bien savoient
25chevaucier.
Si s’en partirent adonc environ trente, tous des
plus apparilliés, et chevaucièrent devers l’ost et s’avalèrent
tout bas. Entrues que cil fisent leur chemin,
encores dist messires Gautiers de Mauni au duch:
30«Sire, sire, ne me creés jamès, se cil François ne
s’enfuient. Montés et faites monter vos gens, et les
poursievés asprement, et vous arés une belle journée.»
[188] 188 Adonc respondi li dus, si com je fui adonc enfourmés,
et dist: «Messire Gautier, j’ay usé par conseil
jusques à ores, et encor feray; mais je ne poroie
croire que tant de vaillans gens et de noble chevalerie
5qui là sont, se deuissent ensi partir sans cop ferir.
Espoir les feus qu’il ont fais, c’est pour nous attraire,
et tantos revenront no coureur qui nous en diront
le verité.»
§ 641. Ensi comme il parloient et se devisoient,
10evous les coureurs revenus, et disent au pourpos de
monsigneur Gautier de Mauni tout ce qu’il avoient
veu et trouvé, et que li dus de Bourgongne et ses
gens s’en aloient, et n’avoient nullui trouvé, fors aucuns
povres vitailliers qui sievoient l’ost. Là eut de
15son conseil li dis messires Gautiers de Mauni haute
honneur, et grandement en fu recommendés. Si se
traist li dus dedens son logeis, et cescuns sires ou
sien, et s’alèrent desarmer. Et fust li dis dus venus
disner ens ès logeis des François et en leur place, se
20ce n’euist esté pour le feu qui y estoit trop grans et li
fumière; mais dou soir il y vint souper et logier sus
le montagne, et ses gens ossi, et se tinrent là tout aise
de ce qu’il eurent. A l’endemain, il se deslogièrent et
retournèrent en le ville de Calais. Et li dus de Bourgongne,
25quant il se desloga, s’en vint ce jour à Saint
Omer et là se tint, et toute son host se departi, et
s’en rala cescuns en son lieu. On les euist depuis à
grant dur remis ensamble.
En celle propre sepmainne que li departie de Tournehen
30se fist, li contes de Pennebruch, qui estoit en
Poito et qui avoit pris en trop grant desplaisance ce
[189] 189 que messires Loeis de Sansoirre, messires Jehans de
Viane, messires Jehans de Buel et li aultre l’avoient
ensi ruet jus au Puirenon, si com ci dessus est contenu,
si s’avisa que il se contrevengeroit, se il pooit.
5Si se parti de Mortagne sus mer o tout son arroy, environ
deux cens lances, et s’en vint en Angouloime
dalés le prince, qui li fist grant chière. Li dis contes
li pria que il li volsist prester ses gens et acorder à
mettre une chevaucie sus, car il avoit grant desir de
10lui contrevengier dou despit que li François li avoient
fait. Li princes, qui moult l’amoit, li acorda
legierement.
A ce donc estoit nouvellement revenus et issus
hors de le conté d’Ermignach messires Hues de Cavrelée,
15et avoit ramené plus de cinq cens combatans,
gens de Compagnes. Si l’ordonna li princes à aler en
ceste chevaucie avoech le dit conte. Encores en furent
priiet dou conte de Pennebruch messires Loeis
de Harcourt, messires Guichars d’Angle, messires Perchevaus
20de Coulongne, li sires de Pons, li sires de
Partenay, li sires de Puiane, messires Thumas de
Persi, messires Richars de Pontchardon et pluiseur
chevalier dou prince et de son hostel qui s’i accordèrent
volentiers, car il desiroient à chevaucier. Si
25furent bien, quant il furent tout ensamble, six cens
lances, trois cens arciers et quinze cens aultres gens
à manière de brigans, à tout lances et pavais, qui sivoient
l’ost à piet.
Si se departirent toutes ces gens, dont li dis contes
30de Pennebruch estoit chiés et gouvrenères, de
le cité d’Angouloime et dou prince, et cheminèrent
tant en leur arroy qu’il entrèrent en Angho. Si
[190] 190 commencièrent le pays à ardoir et à exillier et à faire
moult de desrois, et passèrent oultre à l’un des lés,
ardant et exillant villes et petis fors qui ne se pooient
tenir, et en rançonnoient le plat pays jusques à Saumur
5sus Loire. Si se logièrent tantost ens ès fourbours,
et commencièrent le ville à assallir; mais il
ne le peurent prendre, car messires Robers de Sansoirre,
à tout grant gent d’armes, estoit dedens herbergiés.
Chil le gardèrent et deffendirent bien de recevoir
10et prendre nul damage, mès tous li pays de
là environ fu pris, ars, gastés et essilliés, et y fisent en
ceste chevaucie li Englès moult de desrois. Et s’en
vint messires Hues de Cavrelée et sa route, à une
ajournée, combatre chiaus qui se tenoient à un pont
15sus Loire, que on dist ou pays le Pont de Sels. Si furent
cil desconfi, qui le gardoient, et li pons pris, et
se boutèrent les Compagnes dedens, et fortefiièrent
telement ce dit pont, que il le tinrent depuis un
grant temps. Encores en ceste chevaucie, prisent li
20Englès une abbeye sus Loire, que on dist Saint Mor.
Si le remparèrent et fortefiièrent telement qu’il en fisent
une grande garnison, et qui moult greva et adamaga
le pays, l’ivier et l’estet ensievant.
En ce temps et en celle saison, avoit en Poito une
25abbeye, et encores est, que on appelle Saint Salvin,
à sept liewes de Poitiers. Dedens celle abbeye avoit
un monne qui trop durement haoit son abbé, et
bien li moustra; car, pour le grant hayne que il avoit
à lui, il trahi dant abbé et tout le couvent, et rendi
30et delivra l’abbeye et le ville à monsigneur Loeis de
Saint Juliien et à Carenloet, Breton, qui le prisent et
ramparèrent et fortefiièrent malement et en fisent
[191] 191 une bonne garnison. De le prise de Saint Salvin fu li
dis messires Jehans Chandos si courouciés qu’il ne
s’en pooit ravoir, pour tant qu’il estoit seneschaus
de Poito, et on avoit pris et emblé une tele maison
5en se senescaudie. Si dist bien en soi meismes que,
se il vivoit longement, il le raroit, comment que ce
fust, et le comparroient chierement cil qui cel outrage
avoient fait. Nous lairons un petit à parler des
besongnes de Poito et parlerons dou duch de
10Lancastre.
§ 642. Quant li dus de Lancastre fu retrais à Calais
apriès le departement de Tournehen, si com ci
dessus est contenu, et ilz et ses gens s’i furent reposet
et rafreschi par trois jours, il eut avis et conseil
15qu’il isteroit hors et trairoit ses gens sus les camps et
chevauceroit sus le royaume de France. Si fu commandé
et ordonné ensi de par les mareschaus, le conte
de Warvich et monsigneur Rogier de Biaucamp, que
cescuns se traisist sus les camps: laquel cose on fist
20moult volentiers, car il desiroient trop à chevaucier
en France. Lors se departirent de Calais toutes manières
de gens d’armes et d’arciers moult ordonneement,
car çascuns savoit quel cose il devoit faire et
où il estoit ordonnés d’aler. Si eslongièrent ce premier
25jour Calais tant seulement cinq liewes. A l’endemain,
il vinrent devant Saint Omer, et là eut escarmuce à
le porte, mès li Englès n’i arrestèrent point plenté:
si passèrent oultre et vinrent logier sus les mons de
Herfaut; et le tierch jour coururent il devant le cité
30de Tierouwane. Là estoit li contes Guis de Saint Pol
à tout grant fuison de gens d’armes. Se n’i arrestèrent
[192] 192 point li Englès, et passèrent oultre et prisent le chemin
de Hedin, et se logièrent ce soir sus une petite
rivière.
Quant li contes de Saint Pol senti que li Englès
5s’en aloient vers son pays, il cogneut bien qu’il n’i
aloient mies pour son pourfit, car trop le haioient.
Si se parti de nuit, et recommanda le cité au signeur
de Saintpi et à monsigneur Jehan de Roie, et chevauça
tant qu’il vint en se ville de Saint Pol. A l’endemain,
10à heure de prime, li Englès furent devant;
et là eut grant escarmuce, et vint grandement bien à
point la venue dou conte à chiaus de Saint Pol, car
par lui et par chiaus qu’il y amena, fu la ville gardée.
Si vous di que li dus de Lancastre et toutes ses gens
15se reposèrent et rafreschirent dou tout à leur aise en
le conté de Saint Pol, et ardirent et essillièrent tout
le plat pays et y fisent moult de damages. Et furent
devant le chastiel de Pernes, où madame dou Doaire
se tenoit. Et proprement li dus de Lancastre tasta les
20fons des fossés à une glave, mais point n’i assallirent,
quoiqu’il en fesissent grant apparant. Si passèrent
oultre et vinrent viers Luceux, un très biau chastiel
dou dit conte. Si ardirent le ville, mès li chastiaus
n’eut garde, puis passèrent oultre en approçant Saint
25Rikier en Pontieu; et ne cheminoient li dit Englès le
jour non plus de trois ou de quatre liewes. Si ardoient
et essilloient tout le plat pays où il conversoient.
Si passèrent le rivière de Somme à le Blanke
Take, desous Abbeville, et puis entrèrent ou pays de
30Vismeu, et avoient entention de venir à Harflues, sus
le rivière de Sainne, pour ardoir le navie dou roy de
France. Li contes de Saint Pol et messires Moriaus de
[193] 193 Fiennes, connestables de France, à tout grant gent
d’armes, costioient et poursievoient l’ost des Englès,
par quoi li Englès ne s’osoient desrouter, fors aler
leur droit chemin, ou chevaucier en si grant route
5que pour bien combatre les François, se il traisissent
avant. Ensi cheminèrent il tout le Vismeu et le conté
d’Eu, et entrèrent en l’archeveskié de Roem et passèrent
au deseure de Dieppe, et fisent tant par leurs
journées que il vinrent devant Harflues, et là se logièrent.
10Li contes de Saint Pol s’estoit avanciés et
boutés dedens le ville, à bien deux cens lances. Là furent
li Englès devant Harflues trois jours, mès riens
n’i assallirent. Au quart jour, il s’en partirent, et prisent
leur retour parmi le terre le signeur d’Estouteville,
15lequel il n’amoient mies plenté, et l’ardirent et
essillièrent toute ou en partie, et puis s’en revinrent
parmi le Vexin, et se ravalèrent devers Oizemont,
pour revenir passer le Somme à le Blanke Take.
En ce temps, estoit dedens le bonne ville d’Abbeville
20messires Hues de Chastellon, mestres des arbalestriers
de France, capitains et souverains. Quant il
senti le duch de Lancastre rapasser, il s’arma et fist
armer dix ou douze tant seulement de ses compagnons
et monter à cheval, et dist qu’il voloit aler veoir
25le garde de le porte de Rouvroy, par quoi il n’i euist
point de defaute et que li Englès, qui ne devoient mies
passer trop lonch à ce lés là devers Eu, ne le trouvassent
point nicement gardée. Encores estoit il moult
matin et faisoit moult grant bruine. Messires Nicoles
30de Louvaing, qui dou temps passé avoit estet seneschaus
de Pontieu et lequel messires Hues de Castillon
avoit en celle propre anée pris et rançonné à
[194] 194 dix mil frans, dont trop bien l’en souvenoit, et qui
avoit grant entente dou regaegnier, se il pooit, s’estoit,
lui vingtime tant seulement, très le point dou jour,
partis de le route le dit duch; et ensi que cilz qui savoit
5toutes les voies, les adrèces et les destours de là
environ, car il les avoit bien trois ans usés et hantés,
s’estoit venus bouter, sus aventure de gaegnier et non
de perdre, et mis en embusce entre le darrainne porte
d’Abbeville, qui siet sus les marès, et une aultre c’on
10dist de Rouvroy; et avoit passet un petit rieu qui keurt
parmi uns marès, et estoit quatis et arrestés en vieses
maisons non habitées, qui là estoient toutes descloses.
On ne cuidast jamais que li route des Englès se
deuist mettre en embusche si priès de le ville, et là
15se tenoient li dis messires Nicoles et ses gens tout
quoy. Evous à chevauçant tout parmi celle rue de
Rouvroy, lui dixime tant seulement, monsigneur Hue
de Chastillon, armé de toutes pièces huersmis de son
bachinet, mès ses pages le portoit sus un coursier
20derrière lui, et passé oultre ce rieu et un petit pont
qui là estoit et l’embusche dou dessus dit monsigneur
Nicole, et tiroit à venir à le porte darrainière, pour
parler as arbalestriers qui le gardoient, à savoir des
nouvelles des Englès. Quant messires Nicoles de Louvaing
25le vei, qui bien le recogneut, si n’euist mies
estet si liés qui li euist donné vingt mil frans, et salli
hors de sen embusche et dist: «Alons, alons, vechi
ce que je demande, le mestre des arbalestriers: je ne
desiroie autrui que lui.» Lors point son coursier des
30esporons, et baisse le lance, et s’en vient dessus le dit
monsigneur Hue de Chastillon et li escrie: «Rent
toi, Chastillon! Rent toy ou tu es mors.» Messires
[195] 195 Hues, qui fu tous esmervilliés dont ces gens d’armes
issoient, et qui n’eut mies loisir de mettre son bachinet,
ne de monter sus son coursier, et qui se vei en
trop dur parti, demanda: «A qui me renderai je?»
5Messsires Nicoles respondi: «A Louvaing! A Louvaing!»
Et cilz, pour eskiewer le peril et qui ne pooit
fuir, dist: «Je me rench.» Dont fu il pris et saisis,
et li fu dit: «Chevauciés tantost avoech nous: veci
le route dou duch qui passe ci devant.» A celle empainte
10fu là occis uns moult faitis bourgois d’Abbeville,
qui s’appelloit Leurens d’Autelz, dont ce fu damages.
Ensi fu pris et atrapés par grant infortuneté messires
Hues de Chastillon, mestres pour le temps des arbalestriers
de France et chapitainnes d’Abbeville, de
15messire Nicole de Louvaing: de laquelle prise li dus
de Lancastre eut grant joie, et ossi eurent tout li
Englès.
§ 643. Moult furent les gens d’Abbeville et li amit
de monsigneur Hue de Chastillon couroucié de sa
20prise; mès amender ne le peurent, tant c’à ceste fois.
Or chevaucièrent li Englès, et passèrent le rivière de
Somme à le Blanke Take, et puis montèrent amont devers
le ville de Rue sus mer, et en apriès vers Moustruel,
et fisent tant par leurs journées qu’il rentrèrent
25en le ville de Calais. Là donna li dus de Lancastre
congié à tous les estragniers, et se departirent de lui
messires Robers de Namur et ses gens, messires Wallerans
de Borne et tout li Alemant. Si retourna li dus
de Lancastre arrière en Engleterre, et li Alemant en
30leur pays; et n’avoient mès entention de guerriier
jusques à l’esté, car ja estoit li Saint Martins en ivier
[196] 196 et plus avant. Mais, au temps qui revenoit, li dus de
Lancastre avoit dit as estragniers qu’il rapasseroit le
mer plus efforciement que il n’avoit fait, et prieroit
ses cousins, le duch de Jullers et le duch de Guerles,
5et feroient un grant trau en France.
Or nous tairons et soufferons à parler des besongnes
de Pikardie, car il n’en y eut nulles en grant
temps puissedi, et parlerons de celles de Poito où li
fait d’armes avenoient moult souvent.
10§ 644. Trop touchoit et anoioit au coer li prise
de Saint Salvin à monsigneur Jehan Chandos, qui estoit
pour ce temps seneschaus de Poito, et mettoit
toutes ses intentions et imaginations à ce que il le
peuist ravoir, fust par embler ou eskieller, il n’avoit
15cure comment. Et pluiseurs fois en fist des embusches
et des chevaucies, de nuit et de jour, et à toutes
falloit; car messires Loeis de Saint Juliien, qui le gardoit,
en estoit durement songneus, et bien savoit
que la ditte prise de Saint Salvin desplaisoit moult
20à monsigneur Jehan Chandos.
Or avint ensi que, le nuit devant le nuit de l’an,
ou chief dou mois de jenvier, messires Jehans Chandos
se tenoit en le cité de Poitiers et avoit fait une
semonse et un mandement des barons et chevaliers
25de Poito, et leur avoit dit que il venissent là tout
secretement, car il voloit chevaucier. Li Poitevin ne li
euissent jamais refusé, car moult l’amoient. Si s’assamblèrent
en le cité de Poitiers, et y vinrent messires
Guichars d’Angle, messires Loeis de Harcourt,
30li sires de Pons, li sires de Partenay, li sires de Puisances,
li sires de Tannai Bouton, li sires de Puiane,
[197] 197 messires Joffrois d’Argenton, messires Mauburni de
Linières, messires Thumas de Persi, messires Bauduins
de Fraiville, messires Richars de Pontchardon
et pluiseur aultre.
5Quant il furent tout assamblé, il estoient bien trois
cens lances. Si se partirent de nuit de Poitiers, et ne
savoient, excepté li signeur, où on les menoit, et
avoient li dit Englès leurs eschielles et tout leur arroi
pourveu: si vinrent jusques au dit lieu. Là furent il
10tout enfourmé de leur fait, et descendirent de leur
chevaus et les livrèrent à leurs garçons. Si entrèrent
ens ès fossés, et estoit environ de mienuit. En cel
estat où il estoient, et que briefment il euissent fait
leur fait et fuissent venu à leur entente, il oent le
15gette dou fort qui corne, je vous dirai pourquoi.
Celle propre nuit, estoit partis de le Roce de Ponsoy
Keranloet à quarante lances, et venoit à Saint Salvin
querre monsigneur Loeis de Saint Juliien, pour chevaucier
en Poito: si resvilla la guette et chiaus dou
20fort.
Or cuidièrent li Englès, qui estoient à l’opposite
et qui riens ne savoient de cela, ne que François
vosissent entrer ou fort, qu’il fuissent aperceu et
25que, par gardes ou par espies, on seuist leur venue et
leur emprise. Si furent trop malement couroucié, et
especialment messires Jehans Chandos. Si se traisent
tantost hors des fossés et disent: «Alons, alons,
nous avons pour celle nuit falli à no fait.» Si montèrent
sus leurs chevaus, et retournèrent tout ensamble
30à Chauvegni, qui siet sus le rivière de Cruese
à deux liewes priès de là. Quant il furent là tout venu, li
Poitevin demandèrent à monsigneur Jehan Chandos
[198] 198 se il voloit plus riens. Il leur respondi: «Nennil,
retournés, ou nom de Dieu; je demorrai meshui en
ceste ville.»
Lors se departirent tout li Poitevin et aucun chevalier
5d’Engleterre avoech yaus, et estoient bien
deux cens lances. Si entra li dis messires Jehans
Chandos en un hostel et fist alumer le feu. Là estoit
encores dalés lui messires Thumas de Persi et se
route, seneschaus de le Rocelle; si dist à monsigneur
10Jehan Chandos: «Sire, es ce vostre entention donc
de ci meshui demorer?»—«Oil voir, messire Thumas;
pourquoi le demandés vous?»—«Sire, pour
tant que je vous prie, puisque chevaucier ne volés,
que vous me donnés congiet, et je chevaucerai quelque
15part avoech mes gens, pour savoir se je trouveroie
jamais nulle aventure.»—«Alés ou nom de
Dieu!» Ce dist messires Jehans Chandos. A ces mos,
se parti messires Thumas de Persi et trente lances en
se compagnie.
20Ensi demora li dessus dis Chandos entre ses gens,
et messires Thumas passa le pont à Chauvegni et prist
le lonch chemin pour retourner à Poitiers. Et messires
Jehans Chandos demora, qui estoit tous merancolieus
de ce qu’il avoit falli à sen entente, et estoit entrés en
25une grande cuisine et trais ou fouier, et là se caufoit
de feu d’estrain que ses hiraus li faisoit, et se gengloit
à ses gens et ses gens à lui, qui volentiers li euissent
osté se merancolie.
Une grant espasse apriès ce qu’il fu là venus, et
30qu’il s’ordonnoit pour un peu dormir, et avoit demandé
se il estoit priès de jour, evous entré en l’ostel
et venu devant lui un homme qui li dist: «Monsigneur,
[199] 199 je vous aporte nouvelles.»—«Queles?» respondi
il.—«Monsigneur, li François chevaucent.»
—«Et comment le scès tu?»—«Monsigneur, je
me sui partis de Saint Salvin avoecques yaus.»
5—«Et quel chemin tiennent il?»—«Monsigneur, je
ne sçai, de verité, fors tant qu’il tiroient, ce me
sambla, viers Poitiers.»—«Et liquel sont ce des
François?»—«C’est messires Loeis de Saint Juliien
et Keranloet li Bretons et leurs routes.»—«Ne
10m’en chaut, respondi messires Jehans Chandos, je
n’ai meshui nulle volenté de chevaucier. Il poront
bien trouver rencontre sans mi.» Si demora une espasse
en ce pourpos tous pensieus, et puis s’avisa et
dist: «Quoi que j’aie dit, c’est bon que je chevauce
15toutdis; me fault retourner vers Poitiers, et tantost
sera jours.»—«C’est voirs, sire,» ce respondirent si
chevalier qui là estoient.
Lors fist messires Jehans Chandos restraindre ses
plates, et se mist en arroy pour chevaucier, et ossi
20fisent tout li aultre. Si montèrent as chevaus et se
partirent, et prisent le droit chemin de Poitiers, costiant
le rivière. Si pooient estre li François en ce
propre chemin une grande liewe devant yaus, qui
tiroient à passer le rivière au pont à Leuzach. Et en
25eurent li Englès le cognissance par leurs chevaus qui
sievoient le route des chevaus des François, et entrèrent
ou froais des chevaus as François, si disent:
«Ou messires Thumas de Persi, ou li François chevaucent
devant nous.» Tantos fu ajournée et jours,
30car, à l’entrée de jenvier, les matinées sont tantost
espandues. Et pooient estre li François et li Breton,
d’un costé, environ une liewe en sus dou dit pont,
[200] 200 quant il perçurent d’autre part le rivière monsigneur
Thumas de Persi et se route; et messires Thumas
et li sien les avoient ja aperceus. Si chevauçoient
les grans galos, pour avoir l’avantage dou pont dessus
5dit, et avoient dit: «Veés là les François, il sont
une grosse route contre nous. Esploitons nous, si
arons l’avantage dou pont.»
Quant messires Loeis et Keranloet perchurent les
Englès d’autre part le rivière, qui se hastoient pour
10venir au pont, si se avancièrent ossi. Toutesfois li
Englès y vinrent devant et en furent mestre, et descendirent
tout à piet et s’ordenèrent pour le pont
garder et yaus deffendre. Quant li François furent
venu jusques au pont, il se misent tout à piet, et
15baillièrent leurs chevaus à leurs varlès et pages et
les fisent traire arrière; et prisent leurs lances et se
misent en bonne ordenance, pour aler calengier le
pont et assallir les Englès, qui se tenoient financement
sus leur pas et n’estoient de riens effraé, comment
20qu’il fuissent un petit ou regard des François.
Ensi que cil François et Breton estudioient et imaginoient
comment ne par quel tour, à leur plus grant
avantage, les Englès envaïr et assallir il poroient,
evous monsigneur Jehan Chandos et se route, banière
25desploiie tout ventelant, qui estoit d’argent à
un pel aguisié de geules, laquele Jakes Aleri, uns
homs d’armes, portoit, et pooient estre environ quarante
lances, qui approce durement les François. Et
ensi que li Englès estoient sus un terne, espoir trois
30bonniers de terre en sus dou pont, li garçon des
François, qui les perçurent et qui se tenoient entre
le pont et le dit tertre, furent tout effraé et disent:
[201] 201 «Alons, alons, veci Chandos; sauvons nous et nos
chevaus.» Si s’en partirent et fuirent en voies, et
laissièrent là leurs mestres.
Quant messires Jehans Chandos fu venus jusques
5à yaus, sa banière devant lui, si n’en fist pas trop
grant compte, car petit les prisoit et amiroit; et
tout à cheval les commença à rampronner, en disant:
«Entre vous, François, vous estes trop malement
bonnes gens d’armes; vous chevauciés, à vostre aise
10et vostre volenté, de nuit et de jour. Vous prendés
villes et forterèces en Poito, dont je sui seneschaus.
Vous rançonnés povres gens sans mon congié. Vous
chevauciés partout à tieste armée; il samble que li
pays soit tout vostre, et, par Dieu, non est. Messire
15Loeis, messire Loeis, et vous Keranloet, vous estes
maintenant trop grant mestre. Il a plus d’un an et
demi que j’ai mis toutes mes ententes que je vous
peuisse trouver ou encontrer; or vous voi je, Dieu
merci: si parlerons à vous et sarons liquelz est plus
20fors en ce pays, ou je, ou vous. On m’a dit et
compté par pluiseurs fois que vous me desiriés à
veoir: si m’avés trouvé. Je sui Jehans Chandos, se
bien me ravisés. Vos grans apertises d’armes, qui
sont maintenant si renommées, se Dieu plaist, nous
25les esprouverons.»
Ensi et par telz langages les recueilloit messires Jehans
Chandos, qui ne volsist nulle part estre fors
que là, tant les desiroit il à combatre. Messires Loeis
et Keranloet se tenoient tout quoy, ensi que tout
30conforté qu’il seroient combatu. Et riens n’en savoient
messires Thumas de Persi et li Englès, qui
estoient delà le pont, car li pons de Leusach est
[202] 202 haus, à boce ou milieu, et cela leur en tolloit le
veue.
§ 645. Entre ces rampronnes et ces parolles de
monsigneur Jehan Chandos qu’il disoit et faisoit as
5François, uns Bretons prist son glave et ne se peut
abstenir de commencier meslée, et vint assener à un
escuier englès qui s’appelloit Simekins Dodale, et li
arresta son glave en se poitrine, et tant le bouta et
tira que le dessus dit il mist jus de son cheval à terre.
10Messires Jehans Chandos, qui oy effroy derrière lui,
se retourna sus costé et vei son escuier jesir à terre,
et que on feroit sus lui, si s’escauffa en parlant plus
que devant, et dist à ses compagnons et à ses gens:
«Comment lairés vous chi ensi cest homme tuer? A
15piet! A piet!» Tantost il sallirent à piet, et ossi fisent
tout li sien, et fu Simekins rescous. Veci bataille
commencie.
Messires Jehans Chandos qui estoit grans chevaliers
et fors et hardis et confortés en toutes ses besongnes,
20se banière devant lui, environnés des siens
et vestis dessus ses armeures d’un grant vestement
qui li batoit jusques en terre, armoiié de se armoierie,
d’un blanc samit à deux pelz aguisiés de geules, l’un
devant et l’autre derrière, et bien sambloit souffissans
25homs et entreprendans, en cel estat, piet avant aultre,
le glave ou poing, s’en vint sus ses ennemis. Or faisoit
à ce matin un peu reslet. Si estoit la voie moullie, siques,
en passant, il s’entouella en son parement qui
estoit sus le plus lons, tant q’un petit il s’abuscha.
30Evous un cop qui vint sus lui, lanciet d’un escuier
qui s’appelloit Jakes de Saint Martin, qui estoit fors
[203] 203 homs et apers durement; et fu li cops d’une glave qui
le prist en char, et s’arresta desous l’oeil, entre le nés et
le front. Et ne vei point messires Jehans le cop venir
sus lui de ce lés là, car il avoit l’oeil estaint, et avoit
5eu bien cinq ans, et le perdi ens ès landes de Bourdiaus,
en cachant un cerf. Avoech tout ce meschief,
messires Jehans Chandos ne portoit onques point de
visière, siques, en abuschant, sus le cop qui estoit lanciés
de roit brach il s’apoia. Se li entra li fiers là
10dedens, qui s’encousi jusques ou cerviel, et puis retira
cilz son glave à lui. Messires Jehans Chandos, pour la
dolour qu’il senti, ne se peut tenir en estant, mès
chei à terre et tourna deux tours moult dolereusement,
ensi que cilz qui estoit ferus à mort, car onques
15puis ce cop il ne parla.
Quant ses gens veirent celle aventure, il furent
tout foursenet. Adonc salli avant messires Edouwars
Cliffors, ses oncles, qui le prist entre ses cuisses,
car li François tiroient que il l’euissent devers yaus;
20et le deffendi de son glave très vaillamment, et
lançoit les cops si grans et si arrestés, que nulz ne
l’osoit approcier. Là estoient doi aultre chevalier,
messires Jehans Clambo et messires Bertrans de Casselis,
qui sambloient bien hors dou sens, pour leur
25mestre qu’il veoient là ensi jesir. Li Breton, qui estoient
plus que li Englès, furent grandement reconforté,
quant il veirent le capitainne de leurs ennemis
à terre, et bien pensoient que il estoit navrés
à mort. Si s’avancièrent en disant: «Par Dieu, signeur
30englès, vous nous demorrés; vous estes tout
nostre: vous ne nos poés escaper.» Là fisent li dit
Englès merveilles d’armes, tant pour yaus garder et
[204] 204 oster dou dangier que pour contrevengier leur signeur,
lequel il veoient en bien dur parti. Cilz Jakes de
Saint Martin, qui donné avoit ce cop, fu avisés d’un escuier
de monsigneur Jehan Chandos: si vint sur lui
5moult aïreement et le feri en cousant de son glave, et
li tresperça tout oultre les deux cuisses, et puis retraist
son glave. Pour ce ne laissa mies encores cilz
Jakes à combatre. Se messires Thumas de Persi, qui
premierement estoit venus au pont, euist riens sceu
10de ceste aventure, les gens de monsigneur Jehan Chandos
euissent estet par lui trop grandement reconforté,
mès nennil; ançois, pour ce que il n’ooient nulles
nouvelles des Bretons, dont il avoient veu le route
grande et grosse, il cuidoient qu’il fuissent retrait.
15Si se retraisent ossi li dis messires Thumas de Persi
et ses gens, et tinrent le chemin de Poitiers, ne onques
à ce donc il ne sceurent riens de le besongne.
Là se combatirent li François et li Englès un grant
temps devant le pont de Leusach, et y eut fait maintes
20grans apertises d’armes. Briefment li Englès ne
peurent là souffrir ne porter le fais des Bretons ne
des François, et furent là ensi que priès desconfi et
pris li plus grant partie; mès toutdis se tenoit messires
Edouwars Cliffors, qui point ne se voloit partir de
25son neveu. Et se li François euissent eu leurs chevaus,
il s’en fuissent parti à leur honneur et en euissent
mené des bons prisonniers, mais il n’en avoient
nulz, car li garçon, si com ci dessus est dit, en estoient
fui atout; et ossi cil des Englès estoient retrait et
30destourné bien avant de le besongne. Si demorèrent en
ce dangier, dont il estoient tout courouciet, et disoient
entre yaus: «Veci très mauvaise ordenance, et par
[205] 205 nos garçons. La place est nostre, et si n’en poons
partir, car dur nous est, qui sommes armé et travillié,
d’aler à piet parmi ce pays qui nous est tous contraires;
et si sommes plus de cinq liewes en sus de le
5plus proçaine forterèce que nous avons, et si avons ci
des nostres bleciés et navrés que nous ne poons laissier
derrière.»
Entrues qu’il estoient en cel estri, et que il ne
savoient lequel faire, et avoient envoiiés deux de
10leurs Bretons, tous desarmés, courir par les camps,
pour savoir se il veroient nulz de leurs chevaus ne
de leurs varlès, evous monsigneur Guichart d’Angle,
monsigneur Loeis de Harcourt, le signeur de Pons,
le signeur de Partenay, monsigneur Joffroi d’Argenton,
15le signeur de Puissances, le signeur de Puiane,
le signeur de Tannai Bouton, messire Jake de Surgières,
tous chevaliers, et les aultres qui bien estoient
deux cens lances, et queroient les François, car on leur
avoit dit qu’il chevauçoient, et avoient proprement
20eu leur cheval le vent, le flair et le froais des leurs;
si s’en venoient tout à randonnant, banières et pennons
ventelans. Sitos que li Breton et li François les
veirent approcier, il cogneurent bien que c’estoient
leur ennemi, li baron et li chevalier de Poito; si disent
25ensi as Englès qui là estoient: «Veci vos gens
qui vos viennent au secours, et nous savons bien que
nous ne poons durer à yaus. Vous, et vous, et vous, si les
commencièrent tous à nommer, estiés no prisonnier;
nous vous quittons bonnement de vos fois et de vo
30prison, et nous rendons prisonnier à vous, parmi
tant que vous nous ferés bonne compagnie. Encores
avons nous plus chier que nous soions à vous que à
[206] 206 chiaus qui viennent.» Et chil respondirent: «Diex
y ait part!» Ensi furent li Englès quitte de leurs fois
et eurent prisonniers. Tantost furent li dessus dit Poitevin
venu à lances abaissies, en escriant leurs cris;
5et adonc li François et li Breton se traisent d’un lés
et disent: «Ho! signeur, cessés, cessés, nous sommes
prisonnier.» Là tiesmongnièrent li Englès et disent:
«Il est verités, ce sont nostre.» Keranloet fu
à monsigneur Bertran de Casselis, et messires Loeis
10de Saint Juliien à monsigneur Jehan Clambo. Il n’en
y eut nul qui n’euist son mestre.
Or furent trop durement dolant et desconforté cil
baron et cil chevalier de Poito, quant il veirent là
leur seneschal monsigneur Jehan Chandos jesir en tel
15estat, et qu’il ne pooit parler, si le commencièrent à
regretter et à dolouser moult amerement, en disant:
«Ha! gentils chevaliers, fleur de toute honneur, messire
Jehan Chandos, à mal fu la glave forgie, dont
vous estes navrés et mis en peril de mort.» Là ploroient
20moult tenrement cil qui li estoient autour.
Bien les entendoit et se complaindoit, mès nul mot ne
pooit parler. Là tordoient leurs poins et tiroient leurs
cheviaus et jettoient grans cris et grans plains, par
especial li chevalier et li escuier de son hostel. Là fu
25li dis monsigneur Jehan Chandos de ses gens desarmés
moult doucement et couchiés sus targes et sus
pavais, et amenés et aportés tout le pas à Mortemer,
le plus proçainne forterèce de là. Et li autre baron et
chevalier retournèrent à Poitiers, et là menèrent il
30leurs prisonniers. Si entendi que cilz Jakes de Saint
Martin, qui avoit navré le dit monsigneur Jehan Chandos,
fu si mal poursongniés de ses plaies qu’il morut
[207] 207 à Poitiers. Li gentilz chevaliers dessus nommés ne
vesqui de ceste navrure q’un jour et une nuit, et
morut. Diex en ait l’ame pour se deboinaireté; car
onques, depuis cent ans, ne fu plus courtois, plus gentilz
5ne plus plains de toutes bonnes et nobles vertus
et conditions, entre les Englès, de lui.
Quant li princes et la princesse, li contes de Cantbruge,
li contes de Pennebruch et li baron et chevalier
d’Engleterre, qui estoient en Giane, sceurent la mort
10dou dessus dit, si furent durement courecié et desconforté,
et disent bien qu’il avoient trop perdu. Partout,
deça et dela le mer, de ses amis et amies fu plains et
regretés messires Jehans Chandos; et li rois de France
et li signeur en France l’eurent tantost ploré. Ensi
15aviennent les besongnes. Li Englès l’amoient, pour
tant qu’en li estoient toutes hautainnes emprises. Li
François le haioient, pour ce qu’il le ressongnoient. Si
l’oy je bien, en ce temps, plaindre et regreter des bons
chevaliers et des vaillans de France. Et disoient ensi
20que de lui estoit grans damages, et mieuls vausist
qu’il euist esté pris que mors; car, se il euist esté pris,
il estoit bien si sages et si imaginatis que il euist trouvé
aucun moiien, par quoi pais euist esté entre France
et Engleterre, et si estoit tant amés dou roy d’Engleterre
25et de ses enfans qu’il l’euissent creu plus
que tout le monde. Si perdirent François et Englès
moult à se mort, ne onques je n’en oy dire aultre
cose, et plus li Englès que li François; car par lui, en
Ghiane, euissent esté faites toutes recouvrances.
30§ 646. Apriès le mort de monsigneur Jehan Chandos,
fu seneschaus de Poito messires Thumas de
[208] 208 Persi. Or reschei la terre de Saint Salveur le Visconte
à donner au roy d’Engleterre; si le donna à un sien
chevalier, qui s’appelloit messires Alains de Bouquesele,
appert homme d’armes durement. De tout l’avoir
5et tresor de monsigneur Jehan Chandos, où bien
avoit quatre cens mil frans, fu hoirs et successères li
princes de Galles, car li dessus dis ne fu onques mariés,
et si n’avoit nul enfant. Assés tost apriès, furent
rançonnés et mis à finance tout li compagnon françois,
10qui avoient estet pris au pont à Leuzach; et
payèrent de deniers appareilliés, parmi ce que li rois
de France les aida. Et retournèrent en leurs garnisons
messires Loeis de Saint Juliien, messires Guillaumes
des Bordes et Keranloet, Bretons.
15En ce temps, estoient aucun chevalier de France et
d’Aquitainne et de Gascongne, en grant anoi de ce
qu’il veoient ensi la guerre des deux rois moutepliier,
et par especial li sires de Couci, à qui il en touchoit
moult et devoit bien touchier, car il tenoit bel hiretage
20et grant en Engleterre, tant de par lui que de par
madame sa femme, qui estoit fille dou dit roy, à laquele
terre il couvenoit qu’il renonçast, se il voloit
servir le roy de France, dont il estoit de nation et
d’armes. Si s’avisa li gentilz sires de Couci, qui s’appelloit
25Engherans, que il se dissimuleroit moiiennement
de l’un roy et de l’autre, et s’en iroit oubliier le
temps, où que fust. Si ordonna ses besongnes bellement
et sagement, et prist congiet dou roy de France
son naturel signeur, et se parti de France à petite
30mesnie, et fist tant par ses journées, qu’il vint en Savoie.
Là fu il recheus liement et honnourablement
dou dit conte et des barons et chevaliers de le conté
[209] 209 de Savoie. Et quant il eut là esté tant que bon li fu,
il s’en parti et passa oultre et entra en Lombardie, et
vint devers les signeurs de Melans, monsigneur Galeas
et monsigneur Bernabo, où il fu à ce commencement
5entre yaus li bien venus.
Tout en tel manière se departi de la ducé d’Aquitainne
messires Aymenions de Pumiers, qui estoit
chevaliers dou prince, et dist que, la guerre durant,
il ne s’armeroit ne pour l’un roy ne pour l’autre. Si
10s’en ala li dessus dis oultre mer, en Cippre et au
Saint Sepulcre, et en pluiseurs aultres biaus voiages.
En ce temps, estoit venus à Paris li contes de le
Marce, messires Jehans de Bourbon, d’un lés, qui tenoit
sa terre dou prince. Et volentiers euist veu li rois
15de France qu’il euist renvoiiet son hommage au prince
et fust demorés françois, mès li dis contes n’en volt
adonc riens faire; et ossi ne fist li sires de Pierebufière,
uns banerès de Limozin, qui estoit là à Paris sus
cel estat. Mais doi aultre baron et grant signeur malement
20de Limosin, qui estoient à Paris ossi, messires
Loeis, sires de Melval, et messires Raimons de
Maruel, ses neveus, qui pour ce temps se tenoient à
Paris, se tournèrent francois, et fisent depuis par leurs
forterèces grant guerre au prince. De quoi li rois
25d’Engleterre et ses consauls estoient moult courouciet que
li baron de Ghiane et li chevalier se tournoient ensi
francois sans nulle contrainte, fors de leur volenté.
Si eut conseil li dis rois d’Engleterre qu’il feroit escrire
unes lettres ouvertes, seelées de son scel, et aporter
30par deux ou trois de ses chevaliers en Poito et en
Aquitainne, et là publiier par toutes les cités, chastiaus
et bonnes villes.
[210] 210 En ce temps, fu delivrés de se prison d’Agen messires
Caponnés de Caponval et escangiés pour un aultre
chevalier dou prince, qui avoit estet pris en une
escarmuce devant Pieregorth, messires Thumas Balastre.
5Mès li clers de droit, qui envoiiés avoit esté
avoecques lui, demora à Agen, car il morut prisonniers,
et li dessus dis messires Caponnés revint en
France. Or parlerons des lettres ouvertes que li rois
d’Engleterre envoia en Aquitainnes.
10§ 647. Edowars, par le grasce de Dieu, roy d’Engleterre,
signeur d’Irlande et d’Aquitainne, à tous
ceulz qui ces presentes lettres verront ou oront, salut.
Sachent tout que nous, considerans et regardans diligamment
as besongnes des metes et limitations de
15nostre signourie d’Aquitainne, ensi comme elle s’estent
de cief en cor, nous avons esté presentement enfourmé
et enditté que, pour aucuns molestes et griés
fais ou empensés à faire de par nostre très chier fil le
prince de Galles ès pays dessus dis, [certaines plaintes
20et murmurations s’i sont nagaires eslevées]: pour quoi
nous sommes tenu, et le volons estre, de obviier et
remediier à toutes coses indeues et touchans hayne et
rancune entre nous et nos feaulz amis et subgès. Si
nonçons et prononçons, certefions et ratefions que
25nous, de meure et bonne volenté et par grant deliberation
de nostre conseil à ce appellé, volons que
nostre très chier filz le princes de Galles se deporte de
toutes actions faites ou à faire, restitue à tous ceulz
et celles qui grevé ne pressé aroient esté par lui, par
30ses gens ou officiiers en Aquitainne, tous cous, frès,
damages, levés ou à lever, ou nom des dittes aydes et
[211] 211 fouages. Et, se aucun des nostres feauls sougès et amis,
tant prelas comme gens d’eglise, universités, collèges,
evesques, contes, viscontes, barons, chevaliers,
communautés et gens des cités et bonnes villes, se
5soient retourné et se voellent tenir, par mauvaise information
et povre avis, à l’oppinion de nostre adversaire
de France, nous leur pardonnons ce meffait, se,
ces lettres veues, se retournent vers nous, ou un mois
apriès. Et prions à tous nos loyaus et certains amis
10et feaulz que il se tiegnent en segur estat, tant que
de leurs fois et hommages il ne soient reprocié, laquelle
cose nous desplairoit grandement, et le verions
trop envis. Et, se de nostre chier fil le prince ou des
officiiers ses gens il se plaindent à present qu’il soient
15grevé ou pressé ou aient esté dou temps passé, nous
leur ferons amender si grandement que par raison i
devera souffire, pour nourir pais, amour, concorde et
unité entre nous, nostre fil et ceulz des marces et
limitations dessus dittes. Et pour ce qu’il tiengnent ces
20coses en verité, nous volons que cescuns prende et
ait le copie de ces presentes, lesqueles nous avons
solenelment juret à tenir fermement et non enfraindre,
sus le corps de Jhesu Crist, present nostre très
chier fil Jehan duch de Lancastre, Guillaume conte de
25Sallebrin, le conte de Warvich, le conte de Herfort,
Gautier de Mauni, le baron de Persi et cesti de Nuefville,
de Lussi et de Stanfort, Richart de Pennebruge,
Rogier de Biaucamp, Gui de Briane, le signeur de
Manne, cesti de le Vare, Alain de Boukesele et Richart
30Sturi, chevaliers. Donné en nostre palais de
Wesmoustier, l’an de nostre règne quarante quatrime,
le quinzime jour de novembre.
[212] 212 § 648. Ces lettres furent aportées par deux chevaliers
de l’ostel dou roy d’Engleterre en le princeté et
ducainné d’Aquitainne, et notefiies et publiies partout,
et proprement les copies secretement envoiies à Paris
5devers le visconte de Rocewart, le signeur de Melval,
le signeur de Moruel et les aultres qui là se tenoient,
ou ailleurs à chiaus qui François retourné
s’estoient. Mès, pour cose que ces lettres envoiies fuissent
publiies parmi le dit pays d’Aquitainne, je n’oy
10point dire que nulz en laiast pour ce à faire sen entente,
mès se retournoient encores tous les jours, et
conqueroient toutdis li François avant.
Et avint que messires Loeis de Saint Juliien, sitos
qu’il fu retournés en le Roce de Ponsoy, et que messires
15Guillaumes des Bordes fu retournés en le garnison
de le Haie en Tourainne, et Keranloet à Saint Salvin,
il misent secretement sus une chevaucie de gens d’armes
et de compagnons, et vinrent escieller, sus un
ajournement, le ville de Chastielerraut, et eurent priès
20atrapé monsigneur Loeis de Harcourt, qui dormoit
en son hostel en le ditte ville et qui de ce ne se donnoit
garde. Si n’eut plus de retour que il s’enfui en
purs ses linges draps, et tous descaus, de maison en
maison et de jardin en jardin, et fist tant que il s’en
25vint bouter sus le pont de Chastielerraut, que ses
gens avoient fortefiiet. Là se sauva il et recueilla et s’i
tint un grant temps. Mès li François et li Breton furent
signeur et mestre de le ville, et en fisent une
grande et belle garnison, et en fu Keranloet capitainne;
30et venoient tous les jours li Breton combatre
à chiaus dou dit pont, et là eut fait tamainte grant
escarmuce et apertise d’armes.
[213] 213 § 649. Li dus Loeis de Bourbon, qui sentoit les
Englès et les Compagnes en son pays de Bourbonnois,
et comment Hortingo, Bernars de Wisc et Bernars de
la Salle tenoient son chastiel de Belleperce et madame
5sa mère dedens, se li tournoit à grant desplaisance
et virgongne, s’avisa que il metteroit sus une chevaucie
de gens d’armes, et venroit mettre le siège par
devant le dit chastiel, et ne s’en partiroit si le raroit.
Si en parla au roy de France: li rois li acorda legierement
10et dist qu’il li aideroit à faire son fait et son
siège de gens et de mise. Si se parti li dis dus de Paris,
et fist son mandement à Moulins en Auvergne et
à Saint Poursin, et eut tantost grant fuison de gens
d’armes et de bons combatans. Et le vint servir li sires
15de Biaugeu à deux cens lances, li sires de Villars
et de Roussellon à cent lances, et grant fuison de barons
et de chevaliers d’Auvergne et de Forès, dont il
estoit sires de par madame sa femme, fille à ce gentil
signeur monseigneur Beraut, conte daufin
20d’Auvergne.
Si s’en vint li dessus dis dus logier et amanagier
devant le chastiel de Belleperce, et y fist devant une
bastide grande et grosse, où ses gens se tenoient et
retraioient à couvert tous les soirs, et tous les jours
25venoient escarmucier à chiaus dou fort. Et avoit li
dis dus de Bourbon là fait venir, amener et achariier
jusques à quatre grans enghiens, qui estoient
levé et drecié devant le forterèce, liquel jettoient à
l’estrivée, nuit et jour, pierres et mangonniaus, telement
30qu’il desrompoient et brisoient tous les combles
des tours et de le maison, et abatirent le plus grant
partie des tois. De quoi la mère dou duch de Bourbon,
[214] 214 qui laiens estoit prisonnière en son chastiel, estoit
durement effraée et grevée pour les engiens, et
fist pluiseurs priières à son fil le duch de Bourbon,
qu’il se volsist cesser de cel assaut des engiens qui si
5le grevoient. Mès li dus de Bourbon, qui bien savoit
et supposoit que ceste requeste venoit de ses ennemis,
respondoit que ja ne s’en deporteroit, pour cose
qui avenir en peuist.
Quant li compagnon dou fort veirent comment il
10estoient pressé et grevé, et que tous les jours mouteplioit
li effors des François, car encor y estoit venus
de recief messires Loeis de Sanssoirre, mareschaus de
France, à tout grant fuison de gens d’armes, si s’avisèrent
qu’il manderoient et segnefieroient leur povreté
15à monsigneur Jehan d’Evrues, seneschal de Limozin,
qui se tenoit à le Soteresne, à deux journées
petites d’yaus, et qui savoit comment li signeur de
Poito et de Gascongne, en celle anée, quant il partirent
de le chevaucie de Quersin, leur eurent en couvent
20sus leurs fois que, se il prendoient forterèce en
France et il y estoient assegiet, il seroient conforté.
Si escrisirent tantost lettres, et envoyèrent de nuit un
de leurs varlès à le Soteresne devers monsigneur Jehan
d’Evrues.
25Li dis messires Jehans d’Evrues recogneut bien
les ensengnes, et respondi, quant il eut leu les
lettres, qu’il s’en aquitteroit bien et volentiers, et ilz
meismes, pour mieulz esploitier, iroit en Angouloime
devers le prince et les signeurs qui là estoient, et les
30enditteroit telement que cil de Belleperce seroient
conforté et delivré de ce peril. Si se parti li dis messires
Jehans, quant il eut recommendé sa garnison à
[215] 215 ses compagnons, et chevauça tant par ses journées
qu’il vint en Angouloime. Là trouva il le conte de
Cantbruge, le conte de Pennebruch, messire Jehan
de Montagut, messire Robert Canolle, monsigneur
5Thumas de Persi, monsigneur Thumas de Felleton,
monsigneur Guiçart d’Angle, le captal et pluiseurs
autres chevaliers. Si leur remoustra bellement et sagement
comment li compagnon estoient astraint et
assegiet ou chastiel de Belleperce, dou duch de Bourbon,
10dou conte de Saint Pol et des François. A ces
parolles entendirent li chevalier de Poito et d’Engleterre
volentiers, et respondirent qu’il seroient conforté,
si com on leur avoit prommis.
De ceste besongne et pour aler celle part furent cargiet
15li contes de Cantbruge et li contes de Pennebruch;
et fist tantost un mandement li princes à tous ses feaulz
et subgès, que, ses lettres veues, on se traisist devers
le cité de Limoges. Donc s’avancièrent chevalier, escuier,
Compagnes et gens d’armes, et vinrent là où il
20estoient mandé et ordonné. Si en y eut grant fuison,
quant il furent tout assamblé, plus de quinze cens lances
et trois mil d’autres gens, et esploitièrent tant qu’il
vinrent devant Belleperce, et se logièrent et ordonnèrent
à l’opposite des François, qui se tenoient en leur
25bastide ossi belle et ossi forte et environnée d’aigue
comme une bonne ville seroit. Si se logièrent li Englès
et li Poitevin à ce commencement assés diversement,
pour estre à l’aise d’yaus et de leurs chevaus,
car il faisoit froit et lait ensi comme en yvier. Si n’avoient
30mies toutes leurs aises, et si avoit estet tous
li pays robés et pilliés des gens d’armes et des Compagnes
alans et venans, pour quoi il ne recouvroient
[216] 216 de nulz vivres fors à dangier, et ne savoient leur foureur
où fourer, fors sus yaus meismes; mais on leur
amenoit, quant on pooit, vivres de Poito et des marces
voisines.
5Or segnefia adonc li dis mareschaus de France,
messires Loeis de Sanssoire, l’ordenance et l’estat des
Englès à Paris au roy et as chevaliers qui là se tenoient,
et en fist mettre et atachier cedules au palais
et ailleurs, en disant: «Entre vous, chevalier et escuier,
10qui desirés à trouver les armes et qui les demandés,
je vous avise et di pour verité que li contes de
Cantbruges et li contes de Pennebruch et leurs gens
sont venu devant Belleperce, en istance de ce que
pour lever le siège de nos gens, qui là nous sommes
15longement tenu et qui tant avons astraint la ditte forterèce,
qu’il fault qu’elle se rende temprement, ou
nous soions combatu et levé par force d’armes. Si
venés celle part hasteement, et là trouverés vous aucun
grant fait d’armes, et sachiés que li Englès gisent
20assés diversement, et sont bien en lieu et en parti pour
yaus porter damage.» Je croi bien que, à le monition
et requeste dou dit mareschal, aucun bon chevalier
et escuier dou royaume de France s’avancièrent
pour traire celle part. Toutes fois sçai je bien
25que li gouvrenères de Blois, Alars de Donsceneue,
à tout cinquante lances, y vint, et ossi fisent li contes
de Porsiien et messires Hues de Porsiien, ses frères.
§ 650. Quant li contes de Canbruge et li contes
de Pennebruch et li baron de Poito et d’Aquitainnes,
30qui là estoient moult estoffeement, eurent estet devant
les François et ossi devant Belleperce le terme
[217] 217 de quinze jours, et il veirent que point n’issoient de
leur bastide pour yaus venir combatre, si eurent
conseil et avis que d’envoiier un hiraut d’armes devers
yaus, pour savoir quel cose il voloient faire. Si
5en fu Chandos li hiraus cargiés, endittés et enfourmés
quel cose il leur diroit. Tant esploita li dessus dis
qu’il vint devers le duch de Bourbon, qui là estoit
entre ses gens. Si dist li hiraus ensi: «Monsigneur,
mi mestre et signeur m’envoient devers vous et vous
10font à savoir par mi, qu’il sont trop esmervilliet de
ce que vous les avés sceus ja le terme de quinze
jours devant vous, et si n’estes point issus de vostre
fort pour yaus combatre. Si vous mandent que, se
vous volés traire hors et venir devers yaus pour combatre,
15il vous lairont prendre et aviser pièce de terre,
pour vous et yaus combatre ensamble. Si en ait le
victore cilz à qui Diex l’ordonnera.»
A ceste parolle respondi li dus de Bourbon et dist:
«Chandos, vous dirés à vos mestres que je ne me combaterai
20point à leur volenté et ordenance. Et bien sçai
voirement qu’il sont là, mès point ne me partirai de
ci, ne defferai mon siège, si arai racquis le chastiel de
Belleperce.»—«Monseigneur, dist li hiraus, je leur
dirai bien ensi.» Lors se departi sus cel estat Chandos,
25et retourna devers ses mestres et leur fist ceste
response. Si ne leur plaisi mies bien, et se remisent
en conseil ensamble. Issu de ce conseil, il disent
à Chandos aultres parolles, lesquelles il voloient qu’il
raportast as François, si com il fist; et leur dist de
30recief, quant il fu revenus: «Signeur, mi signeur et
mestre vous mandent par moy que, puisque combatre
ne traire hors de vos logeis ne volés, ne le pareçon
[218] 218 prendre qu’il vous ont fait, que, dedens trois
jours, sire dux de Bourbon, à heure de tierce ou de
miedi, vous verés vostre dame de mère mettre à cheval
et mener ent en voies. Si aiiés avis sur ce, et le
5rescoués, se vous volés ou poés.»
Lors respondi li dus de Bourbon, et dist: «Chandos,
Chandos, dittes à vostres mestres que il guerrient
mal honourablement, quant une anciienne femme, asseulée
entre ses gens, il ont pris et l’en voelent mener
10et ravir comme prisonnière. Et point n’a on veu, en
guerre de signeurs, dou temps passé, que les dames et
damoiselles y fussent prises ne ravies. De madame ma
mère me desplaira, se je l’en voi mener, et le rarons
quant nous porons, mès la forterèce n’enmenront il
15point. Ceste nous demorra, et pour ce que vous nous
avés ci mis avant des pareçons, vous dirés encores à
vos mestres que, se il voelent mettre sus les camps
jusques à cinquante hommes d’armes, nous en y
metterons ossi otant. Si en ait qui en poet avoir.»
20—«Monsigneur, dist li hiraus, je leur dirai volentiers
tout ensi.» A ces mos, se departi Chandos d’yaus
et prist congiet, et s’en revint arrière devers le conte
de Cantbruge et le conte de Pennebruch et les aultres,
à qui il fist se relation. A le pareçon que li dus
25de Bourbon leur envoia, n’eurent il point conseil
d’entendre. Si s’ordonnèrent selonc ce que pour
partir de là et mener ent la dame et chiaus dou fort,
qui estoient grandement ennoiiet et travilliet des enghiens
de l’ost.
30§ 651. Quant ce vint au jour que li Englès mis et
ordonné y avoient, il sonnèrent au matin leurs trompètes.
[219] 219 Si s’armèrent et apparillièrent toutes gens, et
se traisent sus les camps tout en arroy de bataille, à
piet et à cheval, ensi que pour combatre, banières et
pennons devant yaus. Et là leva ce jour banière messires
5Jehans de Montagut, neveus au conte de Sallebrin.
En cel estat où il estoient, tout ordonné et appareillié,
ensi que je vous recorde, et pipoient et
cornoient leur menestrel en grant reviel, à heure de
tierce, il fisent vuidier et partir chiaus de le forterèce
10de Belleperce et madame de Bourbon, et le fisent monter
sus un palefroi bien ordonné et arret pour lui,
et ses dames et damoiselles avoech lui. Tout ce
pooient veoir li François qui estoient en leurs logeis,
se il voloient, et bien le veirent; mès onques ne s’en
15meurent ne bougièrent.
Si se departirent li Englès et leurs routes à heure
de midi; et adestroient la ditte dame messires Eustasses
d’Aubrecicourt et messires Jehans d’Evrues. Si
se traisent en cel estat en le princeté; et demora la
20dame une espasse de temps prisonnière as dittes
Compagnes, en le Roce Vauclère, en Limozin. Mès
onques ne pleut bien sa prise au prince; et disoit,
quant on l’en parloit, que, se aultres gens l’euissent
pris que Compagnes, il leur euist fait remettre arrière
25tantos. Et quant li dessus dit compagnon qui le tenoient,
l’en parloient, il leur disoit, quel trettié ne
marchié qu’il fesissent, il reuist son chevalier, monsigneur
Symon Burlé, que li Franchois tenoient.
§ 652. Vous devés savoir que li dus de Bourbon
30fu ce jour courouciés que li Englès en menèrent
madame sa mère. Assés tost apriès leur departement,
[220] 220 il se traist avant et envoia ses gens prendre
et saisir comme sien le chastiel de Belleperce que li
Englès avoient laissiet tout vaghe. Si le fist li dis dus
remparer, rapareillier et refortefiier mieulz que devant.
5Ensi se deffist et se departi ceste grande chevaucie:
cescuns se retraist sus son lieu, et s’en ralèrent
li François en leurs garnisons, et li dus de Bourbon
retourna en France, et li contes de Cantbruge
se tint en Angouloime dalés son frère le prince, et li
10contes de Pennebruch, o chiaus de se carge, s’en vint
tenir en Mortagne sus mer, en Poito. Si s’espardirent
ces Compagnes et ces gens d’armes qui estoient retourné
de Belleperce, en Poito et en Saintonge, et
esvuidoient de vivres tout le pays, et encores y faisoient
15il moult de maulz et de villains fais, ne il ne
s’en savoient ne pooient abstenir.
Assés tost apriès, se departi dou prince messires
Robers Canolles, et retourna en Bretagne en son
chastiel de Derval. Si n’eut pas esté là un mois,
20quant li rois d’Engleterre li manda que il passast
mer et le venist veoir en Engleterre. A ce mandement
obei li dis messires Robers Canolles, et s’ordonna
et appareilla selonch ce, et entra en mer et
singla tant qu’il vint en Cornuaille. Là prist il terre
25en le Roce Saint Michiel, et puis chevauça tant
parmi le pays qu’il vint à Windesore, où il trouva le
roy qui le reçut liement, et ossi fisent tout li baron
d’Engleterre, pour tant qu’il en pensoient bien avoir
besongne, et qu’il estoit uns grans capitains et menères
30de gens d’armes.
§ 653. En ce temps, se departi li dus d’Ango
[221] 221 de le cité de Thoulouse, et chevauça en grant arroi
parmi le royaume de France et esploita tant par ses
journées qu’il vint en le bonne cité de Paris. Là
trouva il le roy son frère et le duch de Berri et le
5duch de Bourgongne ses aultres frères, qui le rechurent
liement et doucement. Et eurent adont li quatre
frère, le terme pendant qu’il furent ensamble à
Paris, pluiseurs consaulz et consultations ensamble
sus l’estat des besongnes dou dit royaume, à savoir
10comment il guerrieroient et se maintenroient sus
l’esté à venir. Et fu adonc ordonné et proposé que on
feroit deus grans et grosses armées et chevaucies en le
ducé d’Aquitainnes, desqueles li dus d’Ango et se route
gouvreneroit l’une et enteroit en Ghiane par devers
15le Riolle et Bregerach, et li dus de Berri au lés devers
Limoges et Quersin. Et se devoient ces deus armées
trouver devant le cité d’Angouloime et là dedens assegier
le prince. Encores fu adonc proposé et avisé par
grant deliberation de conseil que on remanderoit en
20Castille monsigneur Bertran de Claiekin, ce vaillant
chevalier, qui si loyaument s’estoit combatus pour la
couronne de France, et qu’il seroit priiés d’estre
connestables de France.
Quant li rois Charles et si frère et leurs consaulz
25eurent tout ordonné et jetté leur pourpos ensi qu’il
voloient que il se fesist, et il se furent esbatu un
grant temps ensamble et ce vint à l’entrée dou
mois de may, li dus d’Ango prist congiet à yaus
tous pour retourner premierement en son pays, pour
30tant qu’il avoit le plus lontain chemin à faire. Si
fu convoiiés des barons et de chevaliers de France,
pour ce qu’il en estoit durement bien amés et
[222] 222 recommendés. Si chevauça li dis dus par ses journées
tant et si bien esploita qu’il vint à Montpellier, et
là sejourna plus d’un mois, et puis revint à Thoulouse.
Si se pourvei tantost de gens d’armes partout
5où il les peut avoir, et ja en avoit il grant fuison
qui se tenoient sus les camps et faisoient frontière as
Englès, en Roerge et en Quersin. Car le Petit Meschin,
Ernaudon de Paus, Perros de Savoie, le bour
Camus, Antone le Nègre, Lamit, Jakes de Bray et
10grant fuison de leurs routes s’estoient tenu toute le
saison environ Chaours, et avoient honni et apovri
tout le pays. D’autre part, li dus de Berri s’en revint
à Bourghes en Berri, et fist un très grant mandement
de chevaliers et d’escuiers d’Auvergne, de France et
15de Bourgongne. Ossi li dus de Bourbon se retray en
son pays, et fist sa semonse pour estre en ceste
chevaucie, et assambla grant fuison de chevaliers et
d’escuiers de le conté de Forès et de Bourbonnois.
Li contes Pierres d’Alençon et messires Robers
20d’Alençon ses frères se pourveirent d’autre part bien
et estoffeement.
En celle saison, estoit revenus de Prusce messires
Guis de Blois, qui là avoit esté chevaliers fais nouvellement
et avoit levé banière à une escarmuce et
25grande rèse qui fu faite sus les ennemis de Dieu:
siques, sitos que li gentilz chevaliers fu retournés en
Haynau, et il oy nouvelles de ceste chevaucie qui se
faisoit et devoit faire de ses cousins de France en la
ducé d’Aquitainne, il se pourvei bien et grossement
30pour y aler. Et se parti de Haynau à tout son arroy, et
s’en vint à Paris representer au roy qui le vei moult
volentiers et qui l’ordonna d’aler avoec le duc de
[223] 223 Berri en ceste chevaucie, à une carge de gens d’armes,
chevaliers et escuiers. Si se parti tantost messires
Guis de Blois de le cité de Paris, et chevauça vers
Orliiens pour venir en Berri.
5§ 654. Tout en tele manière que li rois de France
avoit ordonné ses armées et ses chevaucies, ordonna
li rois d’Engleterre en celle saison deus armées et
chevaucies. Et fu ensi fait que li dus de Lancastre
s’en iroit à quatre cens hommes d’armes et otant
10d’arciers en la ducé d’Aquitainne pour conforter ses
frères, car on supposoit bien en ce parti que là se
trairoient les plus fortes guerres pour le saison.
Avoech tout ce, li rois d’Engleterre et ses consaulz
jettèrent leur avis que il feroient une armée de gens
15d’armes et d’arciers pour envoiier en Pikardie, de
laquele seroit chiés messires Robers Canolles, qui
bien se savoit ensonniier de mener et gouvrener
gens d’armes et routes, car il l’avoit usé de grant
temps. Messires Robers à le priière et ordenance dou
20roy d’Engleterre et de son conseil descendi liement,
et emprist ce voiage à faire et ariver Calais, et
de passer parmi le royaume de France et de combatre
les François, se il se mettoient contre lui as
camps: de ce se tenoit il pour tous confortés. Si
25se pourvei selonch ce bien et grandement, et ossi
fisent tout cil qui avoecques lui devoient aler en ce
voiage.
En ce temps, fu delivrée de sa prison la mère au
duch de Bourbon en escange pour monsigneur Symon
30Burlé, chevalier dou prince. Et aida grandement
à faire les trettiés et les pourcas de se delivrance
[224] 224 messires Eustasses d’Aubrecicourt, de quoi li
dus de Bourbon et la royne de France l’en sceurent
bon gré.
Toute celle saison, avoient esté grant trettié et
5grant parlement entre le conseil dou roy de France
et le conseil dou roy de Navare qui se tenoit à Chierebourch.
Et tant s’ensonniièrent les parties de l’un
roy et de l’autre, que on remoustra au roy de France,
qu’il n’avoit que faire de tenir hayne à son serourge,
10le roy de Navare, et qu’il avoit, pour le present,
guerre assés as Englès, et trop mieulz valoit que il
laissast aler aucune cose dou sien, que plus grans
maulz en sourdissent; car, se il voloit consentir à
ariver les Englès en ses forterèces dou clos de Constentin,
15il greveroient trop le pays de Normendie,
laquele cose faisoit bien à considerer et resongnier.
Tant fu li rois de France endittés et preeciés, qu’il
s’acorda à le pais, et vint en le cité de Roem, et là
furent tout li trettié remis avant et confermé. Et
20alèrent devers le roy de Navare li arcevesques de
Roem, li contes d’Alençon, li contes de Sallebruce,
messires Guillaumes de Dormans et messires Robers
de Lorris: si le trouvèrent à Vrenon. Là y eut grans
disners et biaus, et grans festes, et puis amenèrent li
25dessus nommé le dit roy de Navare à Roem devers
le roy de France. Là furent de recief toutes les
alliances et confederations faites, jurées, escriptes et
seelées. Et me samble que li rois de Navare, par
pais faisant, devoit renoncier à tous couvens et procès
30d’amour, qui estoient entre lui et le roy d’Engleterre,
et, lui revenu en Navare, il devoit faire deffiier
le roy d’Engleterre. Et, pour plus grant seurté
[225] 225 d’amour tenir et nourir entre lui et le roy de France,
il devoit laiier ses deus filz, Charle et Pierre, dalés
leur oncle le roy de France.
Sus cel estat, il se partirent ensamble de Roem,
5et vinrent en le cité de Paris. Et là eut de rechief
grans festes et grans solennités, et quant il eurent
assés jeué et festié ensemble, congiés fu pris. Et se
parti li rois de Navare moult aimablement dou roy
de France, et laissa ses deus enfans avoecques leur
10oncle, et puis prist le chemin de Montpellier, et retourna
par là en le conté de Fois et puis en son
pays de Navare. Or retourrons nous as besongnes
d’Aquitainnes.
§ 655. Vous savés, si com ci dessus est dit, comment
15li dus d’Ango avoit esté en France, sus l’estat
que, lui revenu en le Langue d’Ok, entrer efforciement
en Ghiane; car nullement il ne pooit amer le prince
et les Englès, ne ne fist onques. Ossi ains son departement,
par le promotion de lui, li rois de France
20envoia lettres et grans messages en Castelle devers le
dit roy Henri, que il volsist renvoiier en France monsigneur
Bertran de Claiekin, si l’en saroit bon gré;
et ossi très amiablement li rois et li dus d’Ango en
escripsirent au dit monsigneur Bertran. Si fisent leur
25message bien et à point chil qui envoiet y furent, et
trouvèrent en le cité de Lyon, en Espagne, le dit roy
Henri et le dit monsigneur Bertran, et leur remoustrèrent
les lettres que li rois de France et li dus
d’Ango lor envoiioient. Li rois Henris n’euist jamais
30retenu monsigneur Bertran, et ossi messires Bertrans
ne se fust jamais excusés. Si se ordonna au plus tost
[226] 226 qu’il peut, et prist congiet dou roy Henri, et se parti
à tout ses gens et esploita tant par ses journées que il
vint à Thoulouse où li dus d’Ango estoit, qui ja avoit
assamblé grant fuison de gens d’armes, chevaliers et
5escuiers, et n’attendoit aultre cose que messires Bertrans
fust venus, siques, à le venue dou dessus dit, li
dus d’Ango et tout li François furent grandement
resjoy et se ordonnèrent pour partir de Thoulouse et
entrer en le terre dou prince.
10En ce temps, estoit venus à Hantonne li dus de Lancastre
à quatre cens hommes d’armes et otant d’arciers.
Et faisoient cargier leurs nefs et leurs vaissiaus
de toutes leurs pourveances, et avoient intention de
singler vers Bourdiaus, mès qu’il euissent vent.
15Avoecques le dit duc estoient de se carge li sires de
Ros, messires Mikieus de la Poule, messires Robers
Rous, messires Jehans de Saint Lo et messires Guillaumes
de Biaucamp, filz au conte de Warvich.
§ 656. Or se departi li dus d’Ango de le cité de
20Thoulouse en très grant arroy et bien ordonné. Là
estoient li contes d’Ermignach, li sires de Labreth,
li contes de Pieregorth, li contes de Commignes, li
viscontes de Quarmaing, li contes de Lisle, li viscontes
de Nerbonne, li viscontes de Brunekiel, li viscontes
25de Talar, li sires de Labarde, li sires de Pincornet,
messires Bertrans de Taride, li senescaus de
Thoulouse, li seneschaus de Carcassonne, li senescaus
de Biaukaire et pluiseur aultre. Et estoient
deus mil lances, chevaliers et escuiers, et sis mil
30brigans à piet, à lances et as pavais. Et de toutes ces
gens d’armes estoit connestables et gouvrenères messires
[227] 227 Bertrans de Claiequin. Et prisent le chemin d’Aginois,
et trouvèrent encores sus les camps plus de
mil combatans, gens de Compagnes et routes, qui
les avoient attendu toute le saison en Quersin, et
5chevaucièrent devers Agen.
La première forterèce où il vinrent, ce fu devant
Montsach. Li pays estoit si effraés de la venue dou
duch d’Ango, pour le grant nombre de gens qu’il
menoit, qu’il fremissoient tout devant lui, et n’avoient
10les villes et li chastiel nulles volentés que
d’yaus tenir. Quant li François furent venu devant
Montsach, il se rendirent tantost et se tournèrent
françois. Et puis chevaucièrent oultre devers le cité
d’Agen qui se tourna ossi et rendi françoise, et puis
15vinrent devant Tonnins sur Garone. Et chevauçoient
li François à leur aise, poursievant le rivière
pour trouver plus cras pays, et vinrent au Port
Sainte Marie qui se tourna tantost françoise. Et partout
mettoient li François gens darmes et faisoient
20garnison et prisent Tonnins, et tantost se rendi et
tourna li chastiaus. Si y establirent un chevalier et
vingt lances, pour le garder.
En apriès, il prisent le chemin de Montpesier et
d’Agillon, ardant et exillant tout le pays. Quant il
25furent venu à Montpesier qui est bonne ville et fors
chastiaus, il furent si effreé des gens le duch d’Ango,
que tantost se rendirent; puis vinrent devant le fort
chastiel d’Aghillon: là furent il quatre jours. Pour
le temps de lors, n’avoit mies dedens le ville et le
30chastiel d’Aghillon si vaillans gens que quant messires
Gautiers de Mauni et ses gens l’eurent en
garde, car il se rendirent tantost au duch d’Ango:
[228] 228 dont cil de Bregerach furent moult esmervilliet comment
il s’estoient si tos rendu. A ce jour estoient
chapitainne de Bregerach messires Thumas de Felleton
et li captaus de Beus, à cent lances, Englès et
5Gascon.
Tout en tele manière comme li dus d’Ango et ses
gens estoient entré en le terre dou prince, au lés devers
Agen et Thoulousain, chevauçoient li dus de
Berri et ses routes en Limozin à bien douze cens
10lances et trois mil brigans, conquerant villes et chastiaus
et ardant et exillant le pays. Avoech le duch de
Berri estoient li dus de Bourbon, li contes d’Alençon,
messires Guis de Blois, messires Robers d’Alençon,
contes du Perce, messires Guis de Blois, messires
15Jehans d’Ermignach, messires Hughes Daufin, messires
Jehans de Villemur, messires Hughes de la Roce,
li sires de Biaugeu, li sires de Villars, li sires de
Serignach, messires Griffons de Montagut, messires Loeis
de Melval, messires Raymons de Maruel, messires
20Jehans de Boulongne, messires Godefrois ses oncles,
li viscontes d’Uzès, li sires de Sulli, li sires de Calençon,
li sires de Cousant, li sires d’Apcier, li sires
d’Apçon, messires Jehans de Viane, messires Huges
de Viane, Ainbaus dou Peschin et pluiseur aultre
25bon chevalier et escuier. Si entrèrent ces gens d’armes
en Limozin et y fisent moult de desrois, et s’en
vinrent mettre le siège devant le cité de Limoges.
Par dedens avoit aucuns Englès en garnison, que
messires Hues de Cavrelée, qui estoit seneschaus dou
30pays, y avoit ordonnés et establis. Mais il n’en estoient
mies mestre; ançois le tenoit et gouvrenoit
li evesques dou lieu, ouquel li princes de Galles
[229] 229 avoit grant fiance, pour tant que c’estoit ses
compères.
§ 657. Li princes de Galles qui se tenoit en le cité
d’Angouloime, fu enfourmés et certefiiés de ces deus
5grosses chevaucies dou duc d’Ango et dou duch de
Berri, et comment il estoient entré efforciement en sa
terre et par deus lieus. Et fu encores ensi dit au prince,
à ce que on pooit veoir et imaginer, il tiroient à
venir devant Angouloime et li laiens assegier et
10madame la princesse, et que sur ce il euist avis. Li
princes, qui fu uns moult vaillans homs et imaginatis
et confortés en toutes ses besongnes, respondi
que ja si ennemi ne le trouveroient enfremé en
ville ne en chastiel, et qu’il voloit issir as camps
15contre eulz. Si mist tantost clers et messagiers en
oevre d’escrire lettres et d’envoiier partout ses feaulz
et ses subgès en Poito, en Saintonge, en le Rocelle,
en Roerge, en Quersin, en Aginois, en Gaurre et en
Bigorre; et leur mandoit expresseement que cescuns
20se presist priès de venir, au plus tost que il peuist et
à tout le plus de gens qu’il pooit avoir, devers lui en
le ville de Congnach: là estoit ses mandemens assis.
Et se tray tantost de celle part, madame la princesse
o lui, et Richart leur jone fil.
25Entrues que cilz mandemens se faisoit et que toutes
gens mandés s’apparilloient, li François chevauçoient
toutdis avant, gastant et exillant le pays, et
s’en vinrent devers le Linde, une bonne ville et
forte seans sus le rivière de Dourdonne à une liewe
30de Bregerach. Si en estoit chapitainne, de par le captal
qui là l’avoit establi, uns moult appers chevaliers
[230] 230 de Gascongne qui s’appelloit messires Thonnés
de Batefol: cils avoit la ditte ville de le Linde en
garde. Or vinrent là par devant li dus d’Ango, li
contes d’Ermignach, li sires de Labreth, li contes de
5Pieregorth, li contes de Comminges, li viscontes de
Carmaing et tout li aultre baron et chevalier de leurs
routes. Si misent tantost par de devant le siège par
grant ordenance, et disent que il ne s’en partiroient
si l’aroient.
10La ville estoit bonne et forte et bien pourveue
de tous biens et d’arteillerie, car messires li captaus
et messires Thumas de Felleton y avoient esté depuis
quinze jours, et l’avoient rafreschi à leur entente.
Et trop bien estoient cil de le Linde tailliet
15d’yaus tenir, se il voloient, parmi le confort que il
pooient avoir hasteement, se il leur besongnoit, de
Bregerach. Mès li homme de le ville estoient si enclin
à yaus tourner François que merveilles estoit, et entendirent
as trettiés et as prommesses que li dus
20d’Ango leur faisoit et faisoit faire par ses gens. Et tant
fu preeciés li dis capitainnes messires Thonnés qu’il s’i
acorda ossi, parmi une somme de florins qu’il devoit
avoir et grant pourfit tous les ans dou duch d’Ango et
sur ce estre bons François. Et fu tout ordonné que,
25sus une matinée, il devoit mettre les François en le
ville. Che marchié et le trettié furent sceu en le ville
de Bregerach le soir dont ce se devoit faire et livrer
l’endemain. Adonc estoit là venus li contes de Cantbruges
à tout deus cens lances, qui fu presens au raport
30que on en fist.
De ces nouvelles furent messires li captaus et
messires Thumas de Felleton trop esmerveilliet, et
[231] 231 disent qu’il seroient au livrer le ville. Si se partirent
de Bregerach apriès mienuit à tout cent lances, et
chevaucièrent devers le Linde et vinrent là au point
dou jour. Si fisent ouvrir le porte à leur lés, et
5puis chevaucièrent oultre, sans point attendre, à
l’autre porte par où li François devoient entrer, qui
estoient ja tout apparilliet et entroient, et les mettait
li dis messires Thonnés dedens. Donc se traist
avant li captaus de Beus, l’espée ou poing, et descendi
10à piet assés priès de le porte, et ossi fisent
tout li aultre, et dist en approçant messire Thonnet:
«Ha! mauvais traittres, tu y morras tout premierement:
jamais ne feras trahison après cesti.» A
ces mos, il li lança sen espée sur lui et le bouta si
15roidement qu’il li embara ou corps et li fist sever plus
d’un piet à l’autre lés, et l’abati là en le place tout
mort. Li François, qui perçurent monsigneur le captal
et se banière et monsigneur Thumas de Felleton
et se banière et leurs gens et comment il avoient
20falli à leur entente, reculèrent tantost et tournèrent
les dos.
Ensi demora li ville englesce, et fu adonc en
grant peril d’estre courue et arse des Englès proprement,
et les gens tout mort, pour ce qu’il avoient
25consenti ce trettié. Mais il s’escusèrent si bellement
que ce qu’il en avoient fait ne consenti à faire, c’estoit
par cremeur, et avoit esté principaument par
le foiblèce de leur chapitainne qui ja l’avoit comparé.
Si s’en passèrent à tant et demorèrent en pais.
30Mais cil doi signeur dessus dit demorèrent là tant que
li dus d’Ango et ses gens s’i tinrent et qu’il reprisent
un aultre chemin. Or parlerons un petit de l’estat et
[232] 232 de l’ordenance d’Engleterre, car il en chiet à parler,
et de le chevaucie monsigneur Robert Canolle qu’il
fist parmi le royaume de France.
§ 658. Ançois que messires Robers Canolles et ses
5gens se partesissent d’Engleterre, il y eut moult grans
consaulz entre les Englès et les Escos. Et furent si
sagement demenées les parolles, et par si vaillans et
si bonnes gens qui ressongnoient le damage de l’un
royaume et de l’autre, que unes triewes furent prises
10entre l’un roy et l’autre, leurs pays, leurs gens et
tous leurs aherdans, à durer neuf ans. Et se pooient
li Escot armer et aler, comme saudoiier, leurs gages
prendans, dou quel lés qu’il voloient, Englès ou François:
dont il avint que messires Robers, en se route,
15en eut bien cent lances. Quant li dis messires Robers
et toutes ses gens, qui avoecques lui devoient aler et
estre, furent appareilliet et venu à Douvres, et il furent
passé oultre à Calais, il meismes passa tout darrainnement
et ariva ou havene de Calais, et puis issi
20à terre où il fu receus à grant joie dou chapitainne,
monsigneur Nicole Stanbourne, et de tous les compagnons.
Quant il se furent rafreschi cinq jours et il
eurent jetté leur avis quel part il iroient et quel chemin
il tenroient, si ordonnèrent leur caroy et leurs
25pourveances, et issirent par un matin et se misent
sus les camps moult ordonneement. Si estoient environ
quinze cens lances et quatre mil arciers, parmi
les Galois.
Avoecques monsigneur Robert estoient issu d’Engleterre,
30par l’ordenance dou roy, messires Thumas
de Grantson, messires Alains de Bouqueselle, messires
[233] 233 Gillebiers Giffars, li sires de Fil Watier, messires
Jehans de Boursier, messires Guillaumes de
Nuefville, messires Joffrois Ourselee et pluiseur aultre,
tout appert chevalier et vaillant homme d’armes.
5Si vinrent, ce premier jour, logier assés priès de Fiennes.
Messires Moriaus de Fiennes, qui pour le temps
estoit connestables de France, se tenoit en son chastiel,
et grant fuison de bons compagnons avoecques
lui, chevaliers et escuiers, qui furent tout pourveu et
10avisé de rechevoir les Englès. A l’endemain, quant il
les vinrent veoir et il se misent en ordenance pour
assallir, si passèrent oultre li Englès sans assallir; car
il veirent bien qu’il n’i avoit point d’avantage. Et
passèrent le conté de Gines et entrèrent en le conté
15de Faukemberghe et l’ardirent toute; et vinrent devant
le cité de Tieruane, mès point n’i assallirent,
car elle estoit si bien pourveue de gens d’armes qu’il
euissent perdu leur painne. Si prisent leur chemin
tout parmi le pays de Tierenois pour entrer en Artois;
20et ensi qu’il chevauçoient trois ou quatre liewes le
jour, non plus n’estoit ce point, pour le cause de leur
caroy et des gens de piet, il se logoient ens ès gros
villages et de haute heure, à miedi ou à nonne. Si
vinrent ensi, leur host atrainnant, tant qu’il furent
25devant le bonne cité d’Arras. Li rois de France avoit,
celle saison, par tout ses cités, chastiaus, forterèces et
bonnes villes, à pons et à passages, mis grant fuison
de bonnes gens d’armes pour les garder et deffendre,
se il estoient assalli, et ne voloit que nulz issist
30contre yaus.
Quant messires Robers Canolles et ses gens se departirent
dou Mont Saint Eloy et de là environ, et
[234] 234 il s’i furent rafreschi et leurs chevaus deux jours, il
s’ordonnèrent et passèrent oultre au dehors de la cité
d’Arras. Messires Guillaumes de Nuefville et messires
Joffrois Ourselee, qui estoient mareschal de l’host, ne
5se peurent abstenir que il n’alaissent veoir chiaus
d’Arras de plus priès. Si se departirent de leur grosse
bataille environ deux cens lances et quatre cens arciers,
et s’avalèrent ens ès fourbours d’Arras et vinrent
jusques as bailles: si les trouvèrent bien pourveues
10d’arbalestriers et de gens d’armes. Adonc estoit
dedens le ville d’Arras messires Charles de Poitiers
dalés madame d’Artois; mais il ne fist nul samblant
d’issir hors, ne de combatre les Englès. Quant li Englès
eurent fait leur course et il se furent un petit
15aresté devant les bailles, et il veirent que nulz n’isteroit
contre yaus, il se misent au retour devers leurs
compagnons qui les attendoient en une bataille rengie
et ordenée sus les camps; mais au partir il veurent
donner souvenance qu’il avoient là esté, car il
20boutèrent les feus ens ès fourbours d’Arras, pour attraire
hors chiaus de le ville qui nulle volenté n’en
avoient: liquelz feus fist grant damage, car il ardi
un grant monastère de Frères Preceours, clostre et
tout, qui estoit au dehors de le ville.
25Apriès celle empainte, li Englès passèrent oultre et
prisent le chemin de Bapaumes, ardant et exillant
tout le pays. Si fisent tant par leurs journées qu’il
entrèrent en Vermendois et vinrent à Roie: si fu la
ville arse; et puis passèrent oultre et cheminèrent vers
30Hem en Vermendois. Là avoient retrait tout cil dou
plat pays, et ossi à Saint Quentin, à Peronne et à
Noion, tout le leur: pour quoi li Englès ne trouvoient
[235] 235 riens, fors les granges plainnes de blés, car
c’estoit apriès aoust. Si chevauçoient courtoisement,
sans yaus trop lasser ne travillier, deux ou trois
liewes le jour; et quant il trouvoient une crasse marce,
5il y sejournoient deux ou trois jours. Et envoioit
messires Robers Canolles courir devant une ville ou
un chastiel qui estoient chief dou pays environ, et parloient
li mareschal as chapitainnes sus assegurances,
en disant: «Combien vorrés vous donner en deniers
10appareilliés pour ce pays de ci environ, et nous le
respiterons d’ardoir et de courir villainnement?» Là se
composoient, sus certains trettiés et ordenances, li plas
pays à monsigneur Robert, et paioient une quantité
de florins: si estoient, parmi celle composition, respité
15d’ardoir. Et y pourfita li dis messires Robers en ce
voiage, par ceste ordenance, de le somme et valeur de
cent mil frans: dont depuis il fu mal de court et acusés
au roy d’Engleterre qu’il n’avoit point bien fait
le besongne, si com il vous sera recordé avant en
20l’ystore. Toutesfois, la terre le signeur de Couci demora
toute en pais, ne onques li Englès n’i fourfisent
à homme ne à femme qui y fust, ne qui desist seulement:
«Je sui à monsigneur de Couci,» qui vausist
un denier; et, se il estoit pris ou levé, il estoit
25rendu au double.
§ 659. Tant esploitièrent li Englès qu’il vinrent
devant le bonne cité de Noion, qui bien estoit pourveue
et garnie de bonnes gens d’armes. Si se arrestèrent
là environ, et l’approcièrent de moult priès, et
30là avisèrent bien se nulz assaus leur poroit valoir. Si
le trouvèrent, à leur avis, bien breteskie et garitée et
[236] 236 appareillie de deffendre, se mestier faisoit. Et estoit
messires Robers logiés en l’abbeye d’Oskans, et ses
gens là environ. Et vinrent un jour devant la cité,
rengié et ordené par manière de bataille, pour savoir
5se cil de le garnison et li communauté de le ville
isteroient point, mais il n’en avoient nulle volenté.
Là eut un chevalier d’Escoce qui fist une grant apertise
d’armes, car il se parti de son conroi, son glave
en son poing, monté sus son coursier, son page derrière
10lui, et broça des esporons tout contreval le
montagne, et fu tantost devant les barrières. Et appelloit
on le dit chevalier monsigneur Jehan Asneton,
hardi homme et outrageus malement, et ossi avisé et
arresté en toutes ses apertises, là et ailleurs. Quant il
15fu venus devant les barrières de Noion, il mist piet
à terre de son coursier et dist à son page: «Ne te
pars de ci;» et prist son glave en ses mains, et s’en
vint jusques as bailles, et s’escueilla, et salli oultre par
dedens les barrières. Là avoit des bons chevaliers
20dou pays, messires Jehans de Roie, messires Drues
de Roie, messires Lancelos de Lorris, et bien dix ou
douze aultre, qui furent tout esmervilliet qu’il voloit
faire. Nonpourquant il le recueillièrent moult
faiticement.
25Là dist li chevaliers escos: «Signeur, je vous vieng
veoir; vous ne daigniés issir hors de vos barrières, et
je y daigne bien entrer. Je voeil esprouver ma cevalerie
à le vostre, et me conquerés, se vous poés.»
Apriès ces mos, il jetta et lança grans cops à yaus de
30son glave, et eulz à lui des leurs. Et furent en cel
estat, ils tous seuls sus yaus escarmuçans et faisans
très grans apertises d’armes, plus d’une heure, et en
[237] 237 navra un ou deux des leurs. Et prendoit si grant plaisance
à lui là combatre qu’il s’entr’oublioit; et le
regardoient les gens de le ville de le porte et des garittes
à grant merveille, et li euissent porté dou tret
5grant damage, se il vosissent, mès nennil, car li chevalier
françois lor avoient deffendu.
Tant fu en cel estat que ses pages vint sus son coursier
moult priès des bailles, qui li dist tout en hault
en son langage: «Monsigneur, partés vous, il est
10heure; car no gent se partent.» Li chevaliers qui
bien l’entendi, s’apparilla sur ce et lança depuis deux
ou trois cops; et quant il eut fait, il se relança à
l’autre lés sans nul damage, et tous armés qu’il estoit,
il se jetta sus son coursier derrière son page. Quant
15il fu sus, il dist as François: «Adieu, adieu, signeur,
grant mercis.» Si broça des esporons et fu tantost
à ses compagnons: laquele apertise d’armes de monsigneur
Jehan Asneton fu durement prisie de toutes
gens.
20§ 660. Messires Robers Canolles, à son departement
qu’il fist de le marce de Noion, ses gens ardirent
le ville dou Pont l’Evesque, sus le rivière d’Oise,
où il avoit grant fuison de bons hosteulz. Li chevalier
et li escuier qui estoient en le cité de Noion, eurent
25grant desplaisance de ce feu et entendirent que
messires Robers Canolles et se route estoient parti
et retret. Si vuidièrent de la ditte cité environ soissante
lances, et vinrent encores si à point en le ville
dou Pont l’Evesque que il trouvèrent chiaus qui le
30feu y avoient bouté et des autres ossi qui estoient
demoret derrière pour entendre au pillage. Si furent
[238] 238 resvillié de grant manière: car li plus grant partie en
furent mort et occis, et demorèrent sus le place. Et y
gaegnièrent li François plus de quarante chevaus et
rescousent pluiseurs prisonniers qu’il en voloient
5mener, et encore des biaus hosteulz qui euissent esté
tout ars, se il n’i fuissent venu si à point; et ramenèrent
en Noion plus de dix prisonniers englès asquelz on
copa les tiestes.
Or chevaucièrent li Englès en leur ordenance, et
10montèrent amont pour venir en Laonnois, et pour
passer à leur aise le rivière d’Oize et ossi ceste d’Esne.
Si ne fourfisent riens à le conté de Soissons, pour tant
qu’elle estoit au signeur de Couci. Bien est verités
qu’il estoient poursievoit et costiiet d’aucuns signeurs
15et chevaliers de France, telz que dou conte Gui de
Saint Pol, dou visconte de Miaus, dou signeur de
Kauni, de monsigneur Raoul de Couci, de monsigneur
Jehan de Melun, fil au conte de Tankarville,
et de leurs gens, par quoi li Englès bonnement ne
20s’osoient point desrouter, mès se tenoient ensamble.
Et ossi li François ne se freoient point entre yaus,
mès se logoient tous les soirs ens ès fors et ens ès
bonnes villes, et li Englès sus le plat pays, qui trouvoient
assés à vivre et de ces nouviaus vins dont il
25faisoient grant larghèce. Et chevaucièrent ensi tant,
ardant et exillant et rançonnant le pays, qu’il passèrent
le rivière de Marne et entrèrent en Campagne,
et puis le rivière d’Aube, et retournèrent en le marce
de Prouvins. Et passèrent et rapassèrent pluiseurs fois
30le rivière de Sainne, et tiroient à venir devant le cité
de Paris; car on leur avoit dit que li rois avoit là fait
un grant mandement de gens d’armes, desquels li
[239] 239 contes de Saint Pol et li sires de Cliçon devoient
estre chief et gouvreneur. Si les desiroient li Englès
durement fort à combatre, et par samblant il moustroient
qu’il ne voloient aultre cose que la bataille.
5Et pour ce li rois de France escrisi à monsigneur Bertran
de Claiekin, qui estoit en Aquitainnes avoech le
duch d’Ango, que, ses lettres veues, il se retraisist en
France, car il le voloit ensonniier d’autre part.
En ce temps, revint en le cité d’Avignon papes
10Urbains Ves, qui avoit demoret à Romme et là environ
quatre ans, et revint en istance de ce que pour regarder
comment pais se poroit faire entre les deux
rois, qui estoit renouvelée, qui trop li desplaisoit.
De la revenue dou dit pape et de tous les cardinaus
15furent la cité d’Avignon et la marce d’environ moult
resjoïe, car il en pensoient à valoir mieulz. Or parlerons
dou prince de Galles comment il persevera.
§ 661. Vous avés chi dessus oy recorder comment
li princes de Galles avoit fait son mandement à Congnach,
20sus l’entention que de chevaucier contre le
duch d’Ango qui li ardoit et gastoit son pays. Si se
avancièrent de venir à son mandement, au plus tost
qu’il peurent, li baron, li chevalier et li escuier
d’Engleterre, de Poito, de Saintonge et de la terre qui se
25tenoit dou prince. Et se parti li contes de Pennebruch
de se garnison, à tout cent lances, et s’en vint devers
le prince.
En ce temps, arriva ou havene de Bourdiaus li dus
Jehans de Lancastre o sen armée, dont cil dou pays
30furent moult resjoy, pour tant qu’il le sentoient bon
chevalier et grant chapitainne de gens d’armes. Li dus
[240] 240 de Lancastre et ses gens n’i fisent point trop lontain
sejour en le cité de Bourdiaus, mès s’en partirent tantost,
car il entendirent que li princes voloit aler
contre ses ennemis. Si se misent tantos au chemin
5et trouvèrent, à une journée de Congnach, le conte
de Pennebruch qui tiroit celle part. Si se fisent
grans recognissances, quant il se retrouvèrent, et
chevaucièrent ensamble et vinrent à Congnach où il
trouvèrent le prince, madame la princesse et le
10conte de Cantbruge, qui furent moult resjoy de la
venue des dessus dis. Et tous jours venoient gens
d’armes, de Poito, de Saintonge, de la Rocelle, de
Bigorre, de Gaurre et de Gascongne, et ossi des marces
voisines obeissans au prince.
15Li dus d’Ango, li contes d’Ermignach, li sires de
Labreth, li conte et li visconte, li baron et li chevalier
de leur acort, si com ci dessus est dit, qui
avoient conquis cités, villes, chastiaus et forterèces
en leur venue plus de quarante, et avoient approciet
20le cité de Bourdiaus à cinq liewes priès et gasté tout
le pays environ Bregerach et le Linde, entendirent
que li princes de Galles avoit fait un grant mandement
et estoit venus à Congnac, et ossi li dus de Lancastre
estoit arivés à tout grant fuison de gens d’armes
25et d’arciers ou pays. Si eurent conseil ensamble
comment il s’en poroient chevir.
Pour le temps de lors, estoit nouvellement mandés
messires Bertrans de Claiekin dou roy de France et
dou duch de Berry, qui se tenoit à siège devant le
30cité de Limoges, et les avoit telement astrains qu’il
estoient sus tel estat que pour yaus rendre, mais
qu’il y euist bons moiiens. A ce conseil dou
[241] 241 duch d’Ango et des barons et chevaliers qui estoient
là dalés lui et mis ensamble pour consillier,
fu appellés messires Bertrans de Claiekin, c’estoit
raisons. Là eut pluiseurs parolles dittes et mises
5avant. Finablement, tout consideré, on consilla au
duch d’Ango de desrompre pour celle saison se chevaucie
et d’envoiier toutes ses gens ens ès garnisons
et de guerriier par garnisons, car il en avoient assés
fait pour ce temps. Ossi, il besongnoit et venoit grandement
10à point les signeurs de Gascongne qui là estoient,
le conte d’Ermignach, le conte de Pieregorth
et les autres, de retraire en leurs lieus et en leurs
pays, pour faire frontière, car il ne savoient que li
princes, qui avoit fait si grant assamblée, avoit empensé.
15Si se departirent tout par commun acord li un
de l’autre, et se vint li dus d’Ango en le cité de
Chaours. Si s’espardirent ses gens et les Compagnes
parmi le pays que conquis avoient, et se boutèrent
ens ès garnisons. Li contes d’Ermignach, li sires de
20Labreth et li aultre retournèrent en leurs pays et
pourveirent leurs villes et leurs chastiaus grandement,
ensi que cil qui esperoient à avoir le guerre, et fisent
ossi estre tous appareilliés leurs gens, pour garder et
deffendre lor pays, s’il besongnoit. Or parlerons de
25monsigneur Bertran de Claiekin qui se parti dou
duch d’Ango et fist se route à par li, et chevauça tant
qu’il vint au siège de Limoges où li dus de Berri et
li dus de Bourbon et grant chevalerie de France se
tenoient.
30§ 662. Quant messires Bertrans fu venus au siège,
si s’en esjoïrent grandement li François, et fu grant
[242] 242 nouvelles de lui dedens le cité et dehors. Tantost il
commença à aherdre les trettiés qui estoient entamé
entre l’evesque de Limoges et chiaus de le cité et le
duch de Berri, et les poursievi si songneusement et
5si sagement qu’il se fisent et se tournèrent françois,
li evesques et chil de Limoges; et entrèrent li dus de
Berri, li dus de Bourbon, messires Guis de Blois et
li signeur de France par dedens à grant joie, et en
prisent les fois et les hommages, et s’i rafreschirent
10et reposèrent par trois jours.
Là en dedens li dessus dit signeur eurent conseil et
avis qu’il desromperoient leur chevaucie pour celle
saison, ensi que li dus d’Ango avoit fait, et s’en
retourroient en leurs pays pour prendre garde à leurs
15villes et forterèces pour monsigneur Robert Canolles
qui tenoit les camps en France, et qu’il avoient bien
esploitié quant il avoient pris une tele cité comme
Limoges est. Cilz consaulz et avis ne fu de noient
brisiés. Si se departirent li signeur li un de l’autre, et
20demora messires Bertrans ou pays de Limozin à tout
deux cens lances: si se bouta ens ès chastiaus le signeur
de Melval qui estoit tournés françois.
Quant li dus de Berri se departi de Limoges, il
ordonna et institua à demorer en le ditte cité, à le requeste
25de l’evesque dou dit lieu, monsigneur Jehan
de Villemur, monsigneur Huge de la Roce et Rogier
de Biaufort, à cent hommes d’armes, et puis se retraist
en Berri, et li dus de Bourbon en Bourbonnois;
et li aultre signeur des lontainnes marces s’en revinrent
30en leurs pays. Or parlerons dou prince comment
il esploita.
[243] 243 § 663. Quant les nouvelles vinrent au prince de
Galles que la cité de Limoges estoit tournée Françoise
et que li evesques dou dit lieu, qui estoit ses compères
et en qui il avoit eu dou temps passé moult grant fiance,
5avoit esté à tous les trettiés et l’avoit aidié à rendre,
si en fu durement coureciés, et en tint mains de bien
et de compte des gens d’eglise ou il ajoustoit en
devant grant foy. Si jura l’ame de son père que chierement
comparer il feroit cil outrage à tous ceulz de
10le cité, ne jamais n’entenderoit à aultre cose, si raroit
le ditte cité et s’en aroit fait se volonté et pris vengance
dou fourfet. Quant la plus grant partie de ses
gens furent venu, on les nombra à douze cens lances,
chevaliers et escuiers, mil arciers et trois mil hommes
15de piet. Si se departirent de Congnac. Avoech
le prince estoient si doi frère, li dus de Lancastre, li
contes de Cantbruge, et li contes de Pennebruch qui
s’appelloit ossi leurs frères. Messires Thumas de Felleton
et messires li captaus de Beus estoient demoret
20à Bregerach, pour là garder le frontière contre les
François et les Compagnes qui se tenoient sus le pays.
Encores estoient avoech le prince messires Guiçars
d’Angle, messires Loeis de Harcourt, li sires de Pons,
li sires de Partenay, li sires de Puiane, li sires de Tannai
25Bouton, messires Percevaus de Coulongne, messires
Joffrois d’Argenton, Poitevins; et de Gascons: li
sires de Pumiers, messires Helies de Pumiers, li sires
de Muchident, li sires de Lespare, li sires de Montferrant,
li sires de Chaumont, li sires de Longuerem, messires
30Aymeris de Tarste, le soudich de l’Estrade, le signeur
de Condon, messires Bernardet de Labret, sires
de Geronde, et pluiseur aultre; Englès: monsigneur
[244] 244 Thumas de Persi, li signeur de Ros, monsigneur Guillaume
de Biaucamp, monsigneur Mikiel de la Poule,
monsigneur Estievene de Gousenton, monsigneur
Richart de Pontchardon, monsigneur Bauduin de
5Fraiville, monsigneur Symon de Burlé, monsigneur
d’Agorises, monsigneur Jehan d’Evrues, monsigneur
Guillaume de Neufville et des aultres que je ne puis
mies tous nommer; et Haynuier: monsigneur Eustasce
d’Aubrecicourt; et des Compagnes: monsigneur
10Perducas de Labreth, Naudon de Bagerant, Lamit,
le bourch de Lespare, le bourch Camus, le bourch
de Bretuel, Espiote, Bernart de la Salle, Hortingo,
Bernart de Wist et moult d’autres.
Si se misent toutes ces gens d’armes au chemin en
15grant ordenance, et tinrent les camps; et commença
li pays à fremir tous contre yaus. Dès lors ne pooit
li princes chevaucier, mès se faisoit mener en litière
par grant ordenance. Si prisent le chemin de Limozin
pour venir devant Limoges, et tant chevaucièrent
20li Englès qu’il y parvinrent. Si l’assegièrent tantost et
sans delay tout autour, et jura li princes que jamais
ne s’en partiroit si l’aroit à sa volenté. Li evesques
dou lieu et li bourgois de le ville sentoient bien qu’il
se estoient trop fourfet et qu’il avoient grandement
25couroucié le prince: de quoi moult il se repentoient,
et se n’i pooient remediier, car il n’estoient mies signeur
ne mestre de leur cité. Messires Jehans de
Villemur et messires Huges de la Roce et Rogiers de
Biaufort, qui le gardoient et qui chapitainne en estoient,
30reconfortoient grandement les gens de le ville,
quant esbahir les veoient, et disoient: «Signeur, ne
vous effraés de riens: nous sommes fort et gens assés
[245] 245 pour tenir contre les gens et le poissance dou prince;
par assaut ne nous poet il prendre ne avoir, car nous
sommes bien pourveu d’artillerie.»
Au dire voir, quant li princes et si mareschal eurent
5bien imaginé et consideré le circuité et le force
de Limoges, et il sceurent le nombre des gentilz
hommes qui dedens estoient, si disent bien que par
assaut il ne l’aroient jamais. Lors jeuèrent il d’un
aultre avis, et menoit par usage toutdis li princes
10avoech lui en ses chevaucies grant fuison de huirons
c’on dist mineurs. Chil furent tantost en oevre mis
et commencièrent à miner efforciement par grant ordenance.
Li chevalier qui estoient en le cité, cogneurent
tantost que on les minoit: si commencièrent
15à fosser à l’encontre d’yaus, pour briser leur mine. Or
parlerons un petit de monsigneur Robert Canolles.
§ 664. Messires Robers Canolles, si com ci dessus
est dit, estoit, o grant gent d’armes et arciers, entrés
ou royaume, et tout comparoient les povres gens et li
20plas pays; car, ensi que li Englès aloient et venoient,
il y faisoient moult de desrois, et à ce qu’il moustroient,
il ne voloient el que le bataille. Et quant il
eurent passé tous les pays, Artois, Vermendois, l’evesquié
de Laon, l’arcevesquié de Rains, Campagne,
25et retourné en Brie, il prisent leur tour par devers le
cité de Paris, et s’i logièrent un jour et deus nuis.
Pour le temps de lors, li rois Charles de France y
estoit, qui bien pooit veoir de son hostel de Saint
Pol les feus et les fumières qu’il faisoient au lés devers
30le Gastinois.
A ce jour estoient en le cité de Paris li connestables
[246] 246 de France messires Moriaus de Fiennes, li contes
de Saint Pol, li contes de Tankarville, li contes
de Salebruce, li viscontes de Miaus, messires Raouls
de Couci, li senescaus de Haynau, messires Oudars
5de Renti, messires Engherans du Edins, sires de
Chastiel Villain, messires Jehans de Viane, li sires
de le Rivière et pluiseur aultre grant chevalier et vaillant
dou royaume de France; mès point n’en issoient,
car li rois ne le voloit souffrir et le deffendoit. Car li
10sires de Cliçon, qui estoit ossi là et li plus especiaus
de son conseil et li mieulz creus de tous les aultres,
y mettoit grant detri et disoit: «Sires, vous n’avés que
faire d’emploiier vos gens contre ces foursenés: laissiés
les aler et yaus sancier. Il ne vous poent tollir
15vostre hiretage, ne bouter hors par fumières.» A le
porte Saint Jake et as barrières estoient li contes de
Saint Pol, li viscontes de Rohem, messires Raouls de
Couci, li sires de Kauni, li sires de Cresèkes, messires
Oudars de Renti, messires Engherans du Edins.
20Or avint ce mardi au matin qu’il se deslogièrent,
et que li Englès boutèrent les feus ens ès villages où
il avoient esté logié, tant que on les veoit tout clerement
de Paris. Uns chevaliers de leur route avoit
voé le jour devant qu’il venroit si avant jusques
25à Paris qu’il hurteroit as bailles de le porte. Il n’en
menti point, mais se parti de ses conrois le glave ou
poing, le targe au col, armés de toutes pièces, et
s’en vint esporonnant son coursier, derrière lui sus
un aultre coursier son escuier, qui portoit son bacinet.
30Quant il deubt approcier Paris, il prist son bacinet
et le mist en sa tieste: ses escuiers li laça par
derrière. Lors se parti cils brochans des esporons, et
[247] 247 s’en vint de plains eslais ferir jusques ens ès bailles.
Elles estoient ouvertes: se li fist on voie, et cuidièrent
li signeur qui là estoient, que il deuist entrer
dedens, mais il n’en avoit nulle volenté; ançois,
5quant il eut fait son fait et hurté as bailles ensi que
voé avoit, il tira sus frain et se mist au retour. Lors
disent li chevalier de France qui le veirent retraire:
«Alés, alés, vous vos estes bien acquittés.»
A son retour, cils chevaliers, je ne sçai comment
10on le nommoit, ne de quel pays il estoit, mais il s’armoit
de geules à deus fasses noires et à une bordure
noire endentée, eut un dur rencontre; car il
trouva un boucier sur le pavement, un fort loudier,
qui bien l’avoit veu passer: si le ratendi et tenoit
15une hace trenchans à longe puignie et pesant durement.
Ensi que li chevaliers s’en raloit tout le pas et
qui de ce ne se donnoit garde, cils maleois bouciers
li vient sur costé et li desclike un cop entre le col et
les espaules si très dur qu’il le reverse tout en dens
20sus le col de son cheval; et puis recuevre et le fiert
ou visbus, et li embat sa hace tout là dedens. Li chevaliers,
de la grant dolour qu’il senti, chei à terre, et
li coursiers s’enfui jusques à l’escuier qui l’attendoit
au tournant d’une rue sus les camps: si prent le
25coursier, et fu tous esmervilliés qu’il estoit avenu à
son mestre, car bien l’avoit veu chevaucier jusques
as bailles, et là hurter de son glave, et puis retourner
arrière. Si s’en vient celle part, et n’eut gaires alé avant,
quant il le vei entre quatre compagnons qui feroient
30sus li ensi que sur une kieute. Si fu si effraés qu’il
n’osa aler plus avant, car bien veoit qu’il ne li pooit
aidier: si se mist au retour, dou plus tost qu’il peut.
[248] 248 Ensi fu là mors li chevaliers de le route des Englès, et
le fisent li signeur qui estoient à le porte, ensepelir
en sainte terre; et li escuiers retourna en l’ost, qui
recorda l’aventure qui estoit avenue à son mestre.
5Si en furent tout li compagnon coureciet, et vinrent
ce soir jesir entre Mont le Heri et Paris sus une petite
rivière, et s’i logièrent de haute heure.
§ 665. Entrues que messires Robers Canolles et li
Englès faisoient leur voiage et que li princes de Galles
10et si doi frère et leurs gens seoient devant le cité
de Limoges, messires Bertrans de Claiekin et se route,
où il avoit espoir deus cens lances, chevauçoient à
l’un des corons dou pays de Limozin; mais de nuit
point ne gisoient as camps, pour le doubte des rencontres
15des Englès, mès ens ès forterèces françoises
qui estoient tournées de monsigneur Loeis de Melval,
de monsigneur Raymon de Marueil et des aultres.
Et tout le jour chevauçoient et se mettoient
en grant painne de conquerre villes et fors. Bien le
20savoit li princes, et en venoient à lui les plaintes
tous les jours; mais il ne voloit mies deffaire ne
brisier son siège, car il avoit pris trop à cuer l’avenue
de Limoges.
Et entra li dessus dis messires Bertrans en le visconté
25de Limoges, un pays qui se tenoit et rendoit
dou duch de Bretagne monsigneur Jehan de Montfort,
non des Englès, et le commença à courir ou
nom de madame la femme à monsigneur Charlon de
Blois, à laquele li hiretages avoit esté de jadis. Si y
30fist là grant guerre, ne nuls ne li ala au devant; car
li dus de Bretagne ne cuidoit mies que messires Bertrans
[249] 249 le deuist guerriier, et vint devant Saint Iriet:
si l’assalli et fist assallir durement. Par dedens le ville
de Saint Iriet n’avoit nul gentil homme qui le seuissent
deffendre ne garder. Si furent si effreé quant
5il seurent la venue de monsigneur Bertran de Claiekin,
et ossi que on les assalloit si efforciement, comment
que leur ville fust forte assés, qu’il se rendirent
tantost et sans delay, et se misent en l’obeissance
de madame de Bretagne pour qui il faisoit
10guerre. De Saint Iriet fisent li Breton une grande
garnison, et le remparèrent et le fortefiièrent malement,
qui greva depuis moult grandement au pays,
et par laquelle il prisent pluiseurs aultres villes et
chastiaus en le visconté de Limoges. Or retourrons
15nous au prinche de Galles.
§ 666. Environ un mois, et non plus, sist li princes
de Galles devant le cité de Limoges, et onques n’i
fist assallir ne escarmucier, mès toutdis songnoit de
se mine. Li chevalier qui dedens estoient et cil de le
20ville, qui bien savoient que on les minoit, fisent miner
ossi à l’encontre d’yaus pour occire les mineurs
englès, mès il fallirent à leur mine. Quant li mineur
dou prince qui, tout à fait que il minoient, estançonnoient,
furent au dessus de leur ouvrage, si disent
25au prince: «Monsigneur, nous ferons reverser,
quant il vous plaira, un grant pan dou mur ens ès
fossés, par quoi vous enterés ens tout à vostre aise
sans dangier.» Ces parolles plaisirent grandement
bien au prince. «Oïl, dist il, je voeil que demain, à
30heure de prime, vostre ouvrage se moustre.» Lors
boutèrent cil le feu en leur mine, quant il sceurent
[250] 250 que poins fu. A l’endemain, ensi que li princes l’avoit
ordené, reversa uns grans pans dou mur qui rempli
les fossés à cel endroit où il estoit cheus: tout ce veirent
li Englès volentiers, et estoient là tout armé et
5ordené sus les camps pour tantost entrer en le ville.
Cil de piet y pooient bien entrer par là tout à leur
aise, et y entrèrent, et coururent à le porte, et copèrent
les flaiaus et l’abatirent par terre et toutes les
bailles ossi. Et fu tout ce fait si soudainnement que
10les gens de le ville ne s’en donnoient garde. Evous
le prince, le duch de Lancastre, le conte de Cantbruge,
le conte de Pennebruch, messire Guiçart
d’Angle et tous les aultres, et leurs gens, qui entrent
ens, et pillart à piet qui estoient tout apparilliet de
15mal faire et de courir le ville et de occire hommes et
femmes et enfans, car ensi leur estoit il commandé.
Là eut grant pité; car hommes, femmes et enfans se
jettoient en genoulz devant le prince et crioient:
«Merci, gentilz sires, merci!» Mais il estoit si enflammés
20d’aïr que point n’i entendoit, ne nuls ne
nulle n’estoit oïs, mès tout mis à l’espée, quanques
on trouvoit et encontroit, cil et celles qui point coupable
n’i estoient; ne je ne sçai comment il n’avoient
pité des povres gens qui n’estoient mies tailliet de
25faire nulle trahison; mais cil le comparoient et comparèrent
plus que li grant mestre qui l’avoient fait.
Il n’est si durs coers, se il fust adonc à Limoges et
il li souvenist de Dieu, qui ne plorast tenrement dou
grant meschief qui y estoit, car plus de trois mil personnes,
30hommes, femmes et enfans, y furent deviiet
et decolet celle journée. Diex en ait les ames, car il
furent bien martir! En entrant en le ville, une route
[251] 251 d’Englès s’en alèrent devers le palais l’evesque: si fu
là trouvés et pris as mains et amenés sans conroy et
sans ordenance devant le prince qui le regarda moult
fellement; et la plus belle parolle qu’il li dist, ce fu
5qu’il li feroit trencier le tieste, foy qu’il devoit à Dieu
et à saint Gorge, et le fist oster de sa presence.
Or parlerons des chevaliers qui laiens estoient.
Messires Jehans de Villemur, messires Hughes de la
Roce et Rogiers de Biaufort, qui estoient chapitainne
10de le cité, quant il veirent le tribulation et le pestilence
qui ensi couroit sus yaus et sus leurs gens, si
disent: «Nous sommes tout mort: or nous vendons
chierement, ensi que chevalier doient faire.» Là dist
messires Jehans de Villemur à Rogier de Biaufort:
15«Rogier, il vous faut estre chevalier.» Rogiers respondi
et dist: «Sire, je ne sui pas si vaillans que
pour estre chevaliers, et grant mercis quant vous le
me ramentevés.» Il n’i eut plus dit, et saciés qu’il
n’avoient mies bien loisir de parler longement ensamble.
20Toutesfois, il se recueillièrent en une place et
acostèrent un viés mur, et desvelopèrent là leurs banières
messires Jehans de Villemur et messires Hughes
de la Roce, et se misent en bon couvenant. Si
pooient estre tout rassamblé environ quatre vingt.
25Là vinrent li dus de Lancastre, li contes de Cantbruge
et leurs gens, et misent tantost piet à terre
comme il les veirent, et les vinrent requerre de grant
volenté. Vous devés savoir que leurs gens ne durèrent
point plenté à l’encontre des Englès, mès furent
30tantost ouvert, mort et pris.
Là se combatirent longement main à main li dus
de Lancastre et messires Jehans de Villemur, qui estoit
[252] 252 grans chevaliers et fors et bien tailliés de tous
membres, et li contes de Cantbruge et messires Huges
de la Roce, et li contes de Pennebruch et Rogiers de
Biaufort. Et fisent cil troi contre ces trois pluiseurs
5grans apertises d’armes, et les laissoient tout li aultre
couvenir. Mal pour yaus, se il se fuissent trait avant.
Proprement li princes en son chariot vint celle part,
et les regarda moult volentiers, et y rafrena et radouci,
en yaus regardant, grandement son mautalent.
10Et tant se combatirent que li troi François,
d’un acord, disent en rendant leurs espées: «Signeur,
nous sommes vostres et nous avés conquis: si ouvrés
de nous au droit d’armes.»—«Par Dieu, messire
Jehan, ce dist li dus de Lancastre, nous ne le vorrions
15pas faire aultrement, et nous vous retenons
comme nos prisonniers.» Ensi furent pris li troi
dessus dit, si com je fui enfourmés depuis.
§ 667. On ne se cessa mies à tant; mès fu toute la
cités de Limoges courue, pillie et robée sans deport,
20et toute arse et mise à destruction; et puis s’en partirent
li Englès qui enmenèrent leur conquès et leurs
prisonniers et se retraisent vers Congnach où madame
la princesse estoit. Et donna li princes congiet
toutes ses gens d’armes, et n’en fist pour celle saison
25plus avant, car il ne se sentoit mies bien haitiés, et
tous les jours aggrevoit: dont si frère et ses gens estoient
tout esbahi.
Or vous dirai de l’evesque de Limoges comment il
fina, liquels fu en grant peril de perdre la teste. Li
30dus de Lancastre le rouva au dit prince; il li acorda
et li fist delivrer à faire sa volenté. Li dis evesques
[253] 253 eut amis sus le chemin, et en fu papes Urbains enfourmés,
qui nouvellement estoit revenus de Rome
en Avignon, dont trop bien en chei au dit evesque:
autrement il euist esté mors. Si le requist li dis papes
5au duch de Lancastre par si douces parolles et si
traittables, que li dus de Lancastre ne li volt point
escondire. Si li ottria et envoia, dont li papes li sceut
grant gré. Or parlerons des avenues de France.
§ 668. Si fu enfourmés li rois de France de le destruction
10et dou reconquès de Limoges, et comment li
princes et ses gens l’avoient laissiet toute vaghe, ensi
comme une ville deserte: si en fu trop durement
courouciés, et prist en grant compassion le damage
et anoy des habitans d’icelle. Or fu avisé et regardé
15en France, par l’avis et conseil des nobles et des prelas
et le commune vois de tout le royaume qui bien
y aida, que il estoit de necessité que li François euissent
un cief et gouvreneur nommé connestable; car
messires Moriaus de Fiennes se voloit deporter et
20oster de l’offisce, combien qu’il fust vaillans homs de
le main, entreprendans as armes et amés de tous
chevaliers et escuiers: siques, tout consideré et imaginé,
d’un commun acord, on y eslisi et donna on
vois souverainne monsigneur Bertran de Claiekin,
25mais que il vosist emprendre l’office, pour le plus
vaillant, mieus tailliet et sage de ce faire et le plus
ewireus et fortuné de ses besongnes, qui en ce temps
s’armast pour le couronne de France. Adonc escrisi
li rois devers lui et envoia certains messages que il
30venist parler à lui à Paris. Cil qui y furent envoiiet,
le trouvèrent en le visconté de Limoges où il prendoit
[254] 254 chastiaus et fors, et les faisoit rendre à madame
de Bretagne, femme à monsigneur Charlon de Blois;
et avoit nouvellement pris une ville qui s’appelloit
Brandome, et estoient les gens rendu à lui: si chevauçoit
5viers une aultre.
Quant li message dou roy de France furent venu
jusques à lui, il les recueilla joieusement et sagement,
ensi que bien le savoit faire. Cil li baillièrent les lettres
dou roy et fisent leur message bien et à point.
10Quant messires Bertrans se vei si especialment mandés,
si ne se voit mies escuser de venir devers le roy
de France, pour savoir quel cose il voloit. Si se parti
au plus tost qu’il peut, et envoia le plus grant partie
de ses gens ens ès garnisons qu’il avoit conquises. Et
15en fist souverain et gardiien messire Olivier de Mauni
son neveu; puis chevauça tant par ses journées qu’il
vint en le cité de Paris où il trouva le roy et grant
fuison de seigneurs de son conseil qui le recueillièrent
liement et li fisent tout grant reverense. Là li
20dist et remoustra li rois proprement comment on
l’avoit esleu et avisé à estre connestable de France.
Adonc s’escusa messires Bertrans moult grandement
et très sagement, et dist qu’il n’en estoit mies dignes,
et que c’estoit uns povres chevaliers et petis bacelers
25ou regard des grans signeurs et vaillans hommes de
France, comment que fortune l’euist un petit avanciet.
Là li dist li rois que il s’escusoit pour noient et
qu’il couvenoit qu’il le fust, car il estoit ensi ordonné
et determiné de tout le conseil de France, lequel
30il ne voloit mies brisier.
Lors s’escusa encores li dis messires Bertrans par
une aultre voie et dist: «Chiers sires et nobles rois,
[255] 255 je ne vous voeil, ne puis, ne ose desdire de vostre
bon plaisir; mais il est bien verités que je sui uns
povres homs et de basse venue. Et li offisces de le
connestablie est si grans et si nobles qu’il couvient,
5qui bien s’en voelt acquitter, exercer et esploitier et
commander moult avant, et plus sus les grans que sus
les petis. Et veci messigneurs vos frères, vos neveus
et vos cousins, qui aront carge de gens d’armes, en
hos et en chevaucies: comment oseroi je commander
10sus yaus? Certes, sire, les envies sont si grandes que
je les doi bien ressongnier; si vous pri chierement
que vous me deportés de cel office et le bailliés à un
aultre qui plus volentiers l’emprende que je et qui
mieuls le sace faire.» Lors respondi li rois et dist:
15«Messire Bertran, messire Bertran, ne vous escusés
point par celle voie; car je n’ai frère, ne neveu, ne
conte, ne baron en mon royaume, qui n’obeisse à
vous; et, se nulz en estoit au contraire, il me coureceroit
telement qu’il s’en perceveroit. Si prendés
20l’office liement, et je vous en prie.» Messires Bertrans
cogneut bien que escusances, que il sceuist ne
peuist faire ne moustrer, ne valoient riens: si s’acorda
finablement à l’ordenance dou roy, mès ce fu
à dur et moult envis. Là fu pourveus à grant joie
25messires Bertrans de Claiekin de l’office de le connestablie
de France; et pour li plus exaucier, li rois
l’assist dalés lui à sa table, et li moustra tous les
signes d’amour qu’il peut; et li donna en ce jour
avoech l’offisce plus de quatre mil frans de revenue,
30en hiretage, lui et son hoir. A celle promotion mist
grant painne et grant conseil li dus d’Ango.
FIN DU TEXTE DU TOME SEPTIÈME.
§ 560. Tant fu.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, estoit madamme la princesse moult enchainte. Si ewist vollentiers li prinches veu, enssi qu’il fist, que elle fust accouchie devant son departement. Dont il avint, entroes qu’il ordounnoit ses besoingnes et ses paiemens, que la damme acoucha d’un biau fil, droitement par un merquedi, à heure de tierce, le jour de l’Aparition des Trois Roys, l’an mil trois cens soissante six. Et eut à nom chils fils: Richars, et fu depuis roys d’Engleterre, si comme vous orés avant en l’istoire.
Le dimenche apriès, à heure de primme, se parti li prinches de Bourdiaux en très grant arroy, et touttez mannières de gens d’armes ossi; mès li plus grant partie de ses hos estoient logiet à Dasc et là environ. Si vint li prinches en le chité de Dasc, et s’i loga et sejourna, car on li dist que ses frères li dus de Lancastre venoit. Et il estoit vray, car li dus de Lancastre voirement estoit arrivés à grant gent d’armes en Constentin, en Normandie. Et passa parmy le pays et parmy Bretaigne, et vint à Nantez, où li dus de Bretaingne et la duçoise et li sires de Clichon et li baron dou pays le rechurent et festiièrent grandement, mès il ne sejourna guaires, car on li dist que li prinches estoit partis de Bourdiaux. Si prist congiet au duc de Bretaingne et à le duçoise et à tous les barons qui là estoient, puis se parti et chevaucha tant par ses journées qu’il passa le Rocelle et Poito et tout le pays; et vint en la bonne chité de Bourdiaux. Si trouva le princesse gisant, qui le rechupt liement et douchement, enssi q’une damme en cel estat. Li dus prist congiet à lui assez briefment, et esploita tant qu’il vint à Dasc, où il trouva son frère le prinche, qui encorres là l’atendoit. Si furent les recongnissances grandes, car il ne s’estoient veu de grant temps.
Assés tost apriès chou que li dus Jehans de Lancastre fu deviers son frère le prince venus, vint li comtes de Foys en grant 260 arroi par deviers ces seigneurs pour yaux veoir tant seullement, car mie n’estoit sen entension d’aler ens ou voiaige d’Espaigne; ossi il n’en estoit point priiés ne mandés. Se le virent li dessus dit seigneur vollentiers, et fu d’iaux biel conjoïs et bien rechus, et au tierch jour qu’il eut là esté, il s’en parti et retourna en son pays, et promist et jura, à son departement, au prinche toutte amour et bon vinage. Encorres se tenoit li prinches à Dasc tous quoys, et ses gens espars sus le pays, à l’entrée des pors dou royaumme de Navarre, car point ne savoient de certain se il passeroient par là, ne se li roys de Navarre leur ouveroit le passaige, car il ne se trairoit point avant. Mès disoit on communement en l’ost du prince qu’il s’estoit accordés au roy Henry et qu’il cloroit les pas: de quoy li prinches et li roys Pierres estoient tous merancolieux.
Or avint, entroex qu’il sejournoient là, [que] messires Hues de Cavrelée et les routtes prissent le chité de Mirande et le Pont le Roynne, à l’entrée de Navare, dont tous li pais fu durement effraés, et en vinrent les nouvelles jusquez au roy. Quant li roys de Navare entendi chou, que les Compaignes volloient par forche entrer en son pays, si fu durement courouchiés, et escripsi errant tout le fait au prinche. Li prinches s’en passa assés bellement, pour tant que on lui avoit dounnet à entendre qu’il se volloit tourner deviers le roy Henry; mès c’estoit tout faux, enssi que bien apparut, car li roys de Navarre envoya à Dasc, deviers le prinche, un sien chevalier, le plus especial qu’il ewist, monseigneur Martin de le Kare, sage homme et vaillant durement. Chilx messires Martins parlementa au prinche et au roy dan Pierre moult longement. Et se porta parlemens si bien, qu’il alla querre son seigneur le roy de Navarre et l’amena à le ville de Saint Jehan dou Piet des Pors. Si allèrent deviers le roy de Navarre, pour mieux savoir sen entente, li duz de Lancastre et messires Jehans Camdos. Si les rechupt li roys liement et bien les festia. Fos 142 vo et 143.
Page 1, ligne 3: travilla.—Ms. A 7: travveilla. Fo 373 vo.—Ms. A 8: travailla. Fo 275.
P. 1, l. 7: enfes.—Ms. A 8: enfant.
P. 1, l. 10: ens ès.—Ms. A 8: dedens les.
P. 2, l. 5: de Dasc.—Ms. A 8: d’Asc.
P. 3, l. 2: songnier.—Ms. A 8: estre soingneux. Fo 275 vo.
P. 3, l. 11: quoique il leur ewist en couvent.—Ms. A 8: combien qu’il leur eust encouvenancié.
261 P. 3, l. 23: errant.—Ms. A 8: tantost.
P. 4, l. 2: le Kare.—Ms. A 8: la Kare.
P. 4, l. 20 et 21: avoec.—Le ms. A 8 ajoute: le chevalier. Fo 276.
P. 4, l. 29: couvans.—Ms. A 8: couvenans.
P. 4, l. 31: segurs.—Ms. A 7: seur. Fo 274 vo.—Ms. A 8: asseur.
P. 5, l. 1: entré.—Ms. A 7: entrés.—Ms. A 8: entrees.
§ 561. Sus ce trettié.—Ms. d’Amiens: Depuis, se porta lors tretiés qu’il amenèrent le roy de Navarre deviers le princh en ung certain lieu parlementer, assés priès de Saint Jehan dou Piet des Pors, en une ville que on appelle ou pais Piere-f[o]rade. Là fu ossi li rois dans Pières et ses conssaux, li prinches et ses conssaux. Là parlementèrent il ung grant temps. Si furent renouvellées leurs couvenances devant faittes, et ordounnées, acordées et confremmées. Et sceut chacuns quel cose il devoit tenir et avoir, et le jurèrent de rechief pour tenir un peu plus establement, et l’endemain, il vinrent à Saint Jehan dou Piet des Pors, et se logièrent li cors des grans seigneurs en le ville, et li demorant par les camps et par les villaiges. Fo 143.
P. 5, l. 8: li.—Mss. B 4, A 7, 8: leur.
P. 5, l. 8: plaisi.—Ms. A 8: pleut.
P. 5, l. 16 et 17: renouvelées.... estet.—Ms. A 8: renouvellez et couvenanciez quelz traittiez avoient esté. Fo 276.
P. 5, l. 22: ce.—Ms. A 8: leur.
P. 5, l. 24: plaisoit.—Ms. A 8: plairoit.
P. 5, l. 26 et 27: voires prendant et paiant.—Ms. A 8: parmy les paiant.
P. 5, l. 29: en Dasc.—Ms. A 8: en la cité de Dasc.
P. 6, l. 4 et 5: il ne passeroit point.—Ms. A 8: ilz ne passeroient point.
P. 6, l. 15: Beus.—Ms. A 8: Beuch.
P. 6, l. 20: Claiekin.—Ms. A 8: Guesclin.
§ 562. Entre Saint Jehan.—Ms. d’Amiens: Entre Saint Jehan dou Piet des Pors et Pampelune sont li destroit des montaignes et li fort passage de Navarre, qui sont moult perilleux et mout fellenés à passer. Et par especial adonc estoient, car ce fu droitement en fevrier, le quatorzime jour, qu’il negoit et gelloit et faisoit 262 mout diviers tamps pour hommes et pour chevaux. Or regardèrent li seigneur qu’il passeroient ces destrois et ces montaignes en troix batailles et par troix journées, pour mieux passer à leur aise. Si ordoonnèrent par droite honneur en l’avantgarde le duc de Lancastre, et eut avoecq lui mout noble chevalerie. Si en noumeray les aucuns: premierement, monsigneur Thummas dou Fort, messire Hues de Hastinges, messire Guillaumme de Biaucamp, fis au comte de Warvich, li sires de Noefville et messires Jehans Camdos, qui estoit connestables de l’ost et menères et souverains de touttes les Compaignez, où il avoit bien quinze cens lanches. Là estoit li sires de Rays, Bretons, qui servoit monseigneur Jehan Camdos à une quantité de gens d’armes en che voiaige, sus ses frès, pour se prise de devant Auroy. Et puis li sires d’Aubeterre, messires Garsis don Castiel, messires Richars Tanton, messires Robers Cheni, Gaillars de le Motte, Aimmeris de Rochuwart, Guillaummes de Clicleton, Willekot, le Boutillier et Penneriel; tout chil estoient pennon et desoubz le pennon monsigneur Jehan Camdos. Apriès, passèrent li doy marescal de l’host, messires Guichars d’Angle et messires Estievenes de Gousenton, à belle compaignie de gens d’armes, et estoient plus de dix mil cevaux. Si passèrent ces destrois et ces montaignes par un lundi, à grant painne et à grant meschief. Touttefois, il fissent tant qu’il furent tout outre, et se logièrent le soir par deviers Panpelune. Et avoient li marescal le pennon Saint Gorge en leur routte. Fo 143.
P. 7, l. 4: felenés.—Mss. A 7, 8: felons. Fo 275.
P. 7, l. 4: telz cent lieus.—Ms. A 8: cent lieues. Fo 276 vo.
P. 7, l. 7 et 8: en le moiiene.—Ms. A 8: ou milieu.
P. 7, l. 9: ahatesissent.—Ms. A 8: se hastassent.
P. 7, l. 23: Estievenes.—Ms. A 8: Estienne.
P. 7, l. 27 et 28: li sires de Nuefville.—Ms. A 17: monseigneur Jehan de Neufville. Fo 344.
P. 7, l. 28: bretons.—Le ms. A 17 ajoute: gallou.
P. 8, l. 2: Rocewart.—Ms. A 8: Rochechouart.
P. 8, l. 3: Willekok.—Mss. A 8, 15 à 17: Villebok. Fo 277.
P. 8, l. 3: le Boutellier.—Ms. A 8: le Bouteillier.
§ 563. Ce mardi.—Ms. d’Amiens: Le mardi passèrent li princes de Galles, li roi dans Pierres et li roys de Navarre et très 263 grant et noble chevalerie. Si estoient en le routte messires Loeys de Harcourt, viscontes de Chasteleraut et li viscontes de Rocouwart, messires Ustasses d’Aubrecicourt, messires Thummas de Felleton, li sires de Partenay, messires Helyes, messires Jehans, messires Aimmenions de Pummiers, messires Thumas le Despenssier, li sires de Clichon, li sires de Courton, li sires de le Ware, li sires de Boursier, li senescaux d’Acquittaine, et cilz d’Aginois, chils de Quersin, chilx de Roherge, chilx de Poito et chils de Bigorre, et bien yaux quatre mille, touttes bonnes gens, et estoient bien huit mil chevaux: si eurent ossi moult destroit passage et moult villain de froit, de nèges et de glace. Touttesfoix, il passèrent oultre et vinrent logier par deviers Panpelune. Fo 143.
P. 8, l. 10: en le route.—Ms. A 8: en la droite route. Fo 277.
P. 8, l. 19 et 20: li seneschaus de Roerge.—Ces mots manquent dans le ms. A 8.
P. 8, l. 24: Loeis de Merval.—Ms. A 17: monseigneur Loys de Marueil. Fo 344 vo.
P. 8, l. 24: messires Raimons de Morueil.—Ms. A 17: monseigneur Raymond de Merval.
P. 8, l. 29: le comble.—Ms. A 8: la comble.
§ 564. Le mercredi.—Ms. d’Amiens: Le [merquedi], passa li arrieregarde. Là estoient li roys James de Maiogres, li comtes d’Ermignach, messires Berars de Labreth, li sires de Muchident, li sires de Lespare, messires Aimmeris de Tarse, li sires de Chaumont, li sires de la Barde, li soudis de Lestrade et tamaint bon chevalier; et ossi messires Perdikas de Labreth, li bours de Bretuel, li bours Camus, Naudon de Bagerant, Bernart de le Salle, Lamit et tous li remannans des Compaignes. Si se logièrent touttes ces gens en le comble de Pampelune, et y trouvèrent assés pain, car et vin, et pourveanches pour leurs chevaux. Puis passèrent le venredi, li sires de Labreth et li captaux de Beux, à tout deux cens lanches, et assés tost apriès messires Robers Canolles, à bien cent lanches. Et enssi qu’il venoient, il se logoient par l’ordounnance des marescaux, non mie autrement.
Quant touttes ces gens d’armes furent passés, ensi que vous avés oy, par les destrois de Navare, et qu’il se furent logiet en le comble de Panpelune, il s’i rafresquirent là, je ne sai quant jours. Et entroes vint li roys de Navarre à Panpelune, et estoit mou 264 courouchiés en soy meysme de ce qu’il avoit acordé ces gens de Compaignes à passer parmy son pays, car il y faisoient tous les maux, ne ils ne s’en savoient abstenir. Fo 143.
P. 9, l. 15: Pincornet.—Les mss. B 3, 4 et A 7, 8 ajoutent: messires Thumas de Wetefalle. Fo 275.
P. 9, l. 17: Lamit.—Le ms. A 17 ajoute: Maleterre, Breton, nez de Saint Melair lez Cancalle où sont les bonnes oestres. Fo 344 vo.
P. 9, l. 22: et li tierch.—Ms. A 7: tiers. Fo 275 vo.—Ces mots manquent dans le ms. A 8, fo 277.
P. 9, l. 28: Compagnes.—Ms. A 8: compaignons.
P. 9, l. 30: là où il le trouvoient.—Ms. A 7: là où il se tenoient, ce qu’il trouvoient.—Ms. A 8: là où ilz se tenoient, ce que ilz trouvoient.
§ 565. P. 10, l. 7: messages.—Ms. A 8: messagiers. Fo 277 vo.
P. 10, l. 9: grossement.—Ms. A 8: doulcement.
P. 10, l. 14: mandement.—Le ms. A 17 ajoute: sur les marches de Galice. Fo 345.
P. 10, l. 17: dalés.—Ms. A 8: à.
P. 10, l. 18: hiretage.—Ms. A 8: royaume.
§ 566. Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Or entendi li rois Henris, qui estoit logiés à Saint Dominice, que li prinches et ses hos avoient passet Saint Jehan dou Piet des Pors, et estoient logiet et aresté en le comble de Panpelune. Si fist tantost une lettre escripre par le consseil de ses hommes, et cloï et saiella, et puis le bailla [à] son hiraut, et li dist qu’il s’esploitast et fesist tant qu’il trouvast le prinche et li dounnast ces lettres de par lui. Li hiraus, au coummandement son seigneur, chevaucha tant qu’il trespassa Navarre, et vint jusques au prince droitement, et li bailla les lettres de par le roy Henry, qui s’appeloit roys de Castille. Li prinches prist les lettres mout humblement et fist lever le hiraut, puis se tourna d’autre part et les lisi. Se disoient les lettres ensi ou auques priès, si comme je fui adonc enfourmés, et avoient en le superscription: «A très puissant et très honneré le prince de Galles et d’Acquittainne.» Et la substance de par dedens estoit auques telle que chy s’ensieut: «Chiers sires, comme nous avons entendu que vous et vos gens soiiés passet 265 par deçà les pors, et que vous aiiés fès acors à nostre ennemy et certainnes alliances, et vous nous voeilliés gueriier, dont nous avons grant merveille, car oncques nous ne vous fourfesismes cose nulle, ne faire vorions, pour quoy ensi à main armée vous doiiés venir sur nous pour nous tollir tant peu d’iretaige que Dieux nous a dounné, mès vous avés le grace, l’eur et le fortune d’armes plus que nulx prinches terriiens ait au jour d’ui. Et pour chou que nous savons de verité que vous nous querés pour avoir bataille, voeilliés nous laissier savoir par lequel lés vous vorrés entrer en Castille, et nous vous serons au devant pour deffendre et garder nostre seignourie. Escript, etc.» Quant li prinches eut leu la lettre et bien conssiderée, il manda une partie de son consseil pour respondre à ces lettrez, et là fu mandés li rois dans Pières. Si tinrent leur parlement enssamble pour conssillier le responsce. Et bien dist li prinches que chilx bastars estoit ungs vaillans et hardis homs, quant tel cose il requeroit, et li venoit de grant hardement et de bon couraige. A che consseil eut mainte parolle ditte et retournée. Et ne furent mies bien d’acort adonc de donner responsce, et fissent demorer le hirault et le tinrent tout aise, et li dissent qu’il le devoient bien conjoïr et festiier, car il leur avoit aporté riches nouvelles. Fo 143 vo.
P. 10, l. 30: o son effort.—Ms. A 7: à son grant effort. Fo 275 vo.—Ms. A 8: à tout son grant effort. Fo 277 vo.
P. 11, l. 4: joians.—Mss. A, 7, 8: joyeux.
P. 12, l. 14: grandement hardemens.—Ms. A 8: grandement et hardiement.
P. 12, l. 12 à 15: vraiement.... maintenant.—Ms. A 17: par saint George, en ce bastart a un moult noble et vaillant chevalier, et lui vient de très hault et noble couraige d’ainsi nous desirer à trover pour nous combatre. Fo 335.
§ 567. Che propre jour.—Ms. d’Amiens: Endementroes et en ce meysme jour, s’avancha messires Thummas de Felleton, et demanda ung don au prinche qu’il le volsist laissier aller des premiers chevauchier deviers les ennemis, pour enquerre et savoir de leur couvenant, et où il se logoient ne tenoient. Li prinches li acorda vollentiers.
Adonc se parti messires Thummas de Felleton, qui se fist chiés de ceste chevauchie. Si se missent avoecq lui messires Guillaumes de Felleton, messires Thumas du Fort, messires Robers Canollez, 266 messires Hues de Stamfort, messires Simons de Burlée, monseigneur Richart Tanton, monseigneur Gaillart Vighier, monseigneur Raoul de Hastinges et messire d’Agorisse. Si estoient bien huit vingt lanches et trois cens archiers, tous bien montés et bonnes gens d’armes, et chevauchièrent parmy Navarre, et avoient ghides qui les menoient. Et passèrent le rivière d’Emer, qui est moult fort et moult rade, au Groing, et vinrent logier à Navaret pour entendre et oïr coumment li hos dou roy Henry se maintenoit ne où elle estoit.
Endementroes que chou se faisoit et ordounnoit, fu li rois de Navare pris assés mervilleusement de monsigneur Olivier de Mauni, si comme on disoit, entroes qu’il chevauchoit d’une ville à autre. Dont moult estoit esmervilliés li prinches, et en appaisa bellement et doucement la roynne de Navarre, sa femme, qui, en plourant et en lamentant, li vint recorder le fait. Si li dist: «Damme et belle cousinne, je vous promet loyaument que, se nous pourfitons ens ou voiaige où nous allons, il y partira grandement, et amenderons che fourfait sus chiaux qui l’ont fait; mès tant c’à ores, nous n’y poons mie bonnement entendre. Touttesfois, nous vous prions et enjoindons, se il vous faut nulle cose, que vous ne nous voeilliés mies espargnier, car vous nous trouverez appareilliet.»—«Monsigneur, dist li damme, grant merchis, et Dieux vous voeille oyr de tout le bien que vous me proumetés.»
Or fu gouvernères et baux de tout le royaume de Navarre messires Martins de le Kare, qui emprist le prince à conduire et amener parmy Navarre, et li fist avoir gides pour lui et pour ses gens, qui chevauchoient devant. Si se parti li prinches et touttes ses os, et passèrent parmy ung pas, c’on appelle de Sarris, qui moult leur fut diviers à passer, car il est estrois et petis, puis cheminèrent parmy Epuske; mès illuecq trouvèrent il mout petit de vivres, et tout sus ce pays, jusques à tant qu’il vinrent à Sauveterre. Fo 143 vo.
P. 13, l. 31: de monsigneur Olivier de Mauni.—Ms. A 17: d’un vaillant chevalier durement, nommé monseigneur Olivier de Mauny, Breton. Fo 345.
P. 14, l. 8: deviner.—Ms. A 8: deviser. Fo 278 vo.
P. 14, l. 14: sires.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: nous vous en prions.
P. 14, l. 18: temprement.—Ms. A 8: briefment.
267 P. 14, l. 22 à 26: La dame.... chevaliers.—Ms. A 8: La dame de Navarre s’en retourna et messire Martin de la Kare.
P. 14, l. 29: destours.—Ms. A 8: destrois.
P. 14, l. 32: de.—Ms. A 8: le.
P. 15, l. 1: estoit petis.—Mss. A 7 et B 4: est estrois et petis. Fo 276 vo.—Ms. A 8: estoit estroit et petit.
P. 15, l. 2: Epuske.—Ms. B 4: Espuske. Fo 276 vo.—Ms. A 8: Espuke.
§ 568. Sauveterre.—Ms. d’Amiens: Sauveterre est une moult bonne ville et gist auques en bon pays et gras, selonc les marches voisinnes, à l’issue de Navare et à l’entrée d’Espaigne. Si s’espardirent tantost les hos en cesti pays pour trouver vivres, et s’i logièrent ens ès villages. Si quidièrent les dites Compaignes, qui cevauchoient desoubs le connestable et les marescaux, assaillir le ville, et en estoient en grant vollenté, tant pour recouvrer largement de vivres que pour le grant prouffit dou pillaige qu’il esperoient dedens; car tous li pays y estoit retrès de là environ, sus le fianche de le forterèce. Mès quant chil de Sauveterre entendirent le prinche venu et se puissance et le roy dan Pière avoecq lui, il furent tantost conssilliés d’iaux rendre, et se vinrent representer et offrir moult humblement au roy dan Pière, et li criièrent merchy. Et li priièrent que il leur volsist pardounner son mautalent, car il le recepvoient et recongnissoient pour leur seigneur naturel. Et ce qu’il s’estoient tourné deviers le bastart son frère, che fu de force, non mie autrement, si ques li roys dans Pierres leur pardounna son mautalent par le consseil dou prinche. Et entrèrent dedens le fremeté li corps des seigneurs à grant joie, et là se logièrent, et y furent par l’espasse de six jours.
Entroes estoient à Navaret, plus avant sus le frontière dou pays, messires Thummas de Felleton, messires Guillaumes de Felleton, messires Simons de Burlée, messires Thummas dou Fort, messires Hues de Stanfort, messires Robers Canolles et li autre chevalier et escuier dessus dit, qui avoient chevauchiet devant pour mieux savoir le verité dou couvenant le roy Henry, et estoient bien huit vingt lanches et trois cens archiers. Si chevauchoient bien souvent hors de Navaret, une fois d’un lés, et puis d’un autre, pour mieux venir à leur entente. Et ja estoit logiés li roys Henris sus les camps avoecques touttes ses hos. Si couroient ossi li coureur bien avant sus le pays, pour aprendre les nouvelles 268 des Englès. Et avint que chil chevalier d’Engleterre chevauchièrent un soir si avant, qu’il vinrent sus le get des Espagnolx, et se ferirent ens et prissent le chevalier dou get et encorres des autres, et puis s’en retournèrent à Navaret. Si mandèrent au prinche tout ce qu’il avoient trouvet et fait, et là où li Espagnol estoient, car il en furent tout enfourmé par les prisonniers qu’il tenoient. Et li roys Henris, d’autre part, sceut ossi par ses gens et ses coureurs une partie dou couvenant des Englez, et dist qu’il volloit chevauchier et aller contre yaux.
Si se desloga [li roys Henris] et touttes ses gens de là où il estoient logiet, et avoient en pourpos que de venir logier ens ès plains devant Victore. Si passèrent le rivierre et se traissent de celle part. Quant messires Thummas de Felleton et li chevalier dessus nommet entendirent ces nouvellez que li roys Henris avoit passet l’aighe et traioit toudis avant pour trouver le prinche et ses gens, si eurent consseil et vollenté d’iaux deslogier de Navaret et de prendre les camps, pour mieux savoir encorres le parfaite verité des Espagnols. Si se deslogièrent de Navaret et se missent as camps, et envoiièrent les certainnes nouvelles au prinche coumment li roys Henris aprochoit durement.
Quant li prinches entendi chou, qui se tenoit encorres à Sauveterre, que li roys Henris prendoit son chemin et ses adrèchez pour venir contre lui, si dist si hault que pluisseurs chevaliers l’oïrent: «Par me foy, chils bastars Henris est ungs vaillans et hardis chevaliers, et li vient de grant proèce et de grant hardement de nous querre enssi. Et puisqu’il nous quiert et nous le querons ossi, nous nos devenons temprement trouver et combattre. S’est bons que nous nos partons de chy et que nous allons devant Victore premierement prendre lieu et place, ainschois que nostre ennemy y viegnent.» Dont se partirent à l’endemain bien matin de Sauveterre li prinches et touttes ses gens, et cheminèrent tant qu’il vinrent devant Victore. Si trouva là li prinches ses chevaliers, monseigneur Thumas de Felleton et les autres dessus nommés, à qui il fist grant feste, et leur demanda d’une cose et d’autre. Entroes qu’il se devisoient, leur coureur raportèrent qu’il avoient veu les coureurs des ennemis et tenoient de certain que li roys Henris et ses gens n’estoient mies loing, par les assens qu’il avoient veus et le couvenant des Espagnolx. Fo 144.
P. 15, l. 10: Si s’espardirent toutes les hos.—Ms. A 8: Si s’espardy trestout l’ost. Fo 278 vo.
269 P. 15, l. 18: durer.—Le ms. A 8 ajoute: ne resister.
P. 17, l. 4: Nazres.—Ms. A 8: Nazares. Fo 279.
P. 17, l. 7 et 8: rapassée l’aigue.—Ms. A 8: passé la rivière.
§ 569. Quant li princes.—Ms. d’Amiens: Quant li prinches entendi ces nouvelles, si fist sounner ses trompettez et criier à l’arme de chief en qor sen ost, qui toutte se remist et requeilla ensemble mout couvignablement sus les cans par batailles, enssi qu’il devoient y estre et aler et pour tantost combattre. Là veist on grant noblèche de bannierrez, de pennons et de toutte armoirie. Si vous di que c’estoit une grant biautés au regarder. Là estoit li avant garde si bien rengie et si bien ordonnée ç’à parer, dont li dus de Lancastre estoit chiés et gouvrenères, et avoecques lui li connestablez d’Acquittainne, messires Jehans Camdos, qui y estoit mout estofeement et en grant aroy. Là y eut fait par les batailles pluisseurs chevaliers. Si fist là li dus de Lancastre, en l’avant garde, chevalier monseigneur Raoul Camois et monseigneur Gautier Oursuwich et monseigneur Thumas de Dainmiri et monseigneur Jehan de Gramdson. Et en fist encorres li dus des autres que je ne puis mies tout nommer, mès il y en y eult douze. Et messires Jehans Camdos en fist ossi aucuns de bons escuiers d’Engleterre et de son hostel, dont je me passeray briefment. Mès il fist chevaliers: Cliton, Courson, Prieur, Guillaume de Feriton, Ainmeri de Rocouwart, monseigneur Robert Bricquet et cesti de le Motte Gaillart. Et li prinches fist chevaliers tout premierement: dan Pière le roy d’Espaigne, et monseigneur Thumas de Hollandez, filz madamme le princesse, sa femme, qu’elle eut de monseigneur Thumas de Hollandes, qui fu si bons chevaliers, dont ceste histoire fait mention chi dessus ens ès gerrez de Bretaigne et ailleurs, et monseigneur Henri de Courtenay, monseigneur Phelippe et monseigneur Pière de Courtenay, monseigneur Jehan Trivet et monseigneur Nicoulas Bonde et des autres pluisseurs. Et enssi faissoient li autre par leurs bataillez de leurs amis et de leurs escuiers qui y volloient avanchier et qui estoient digne et tailliet de devenir chevalier. Si en y eut fait ce jour bien trois cens et plus. Et furent là rengiet tout ce jour pour atendre le bataille et les ennemis, qui point ne vinrent ne n’aprochièrent de plus priès que li coureur avoient estet; car li roys Henris atendoit encorres grans gens qui li venoient en sen ayde d’Arragon et 270 d’ailleurs, et par especial monseigneur Bertran de Claiequin, qui amenoit plus de deux mil combatans. Si ne se volloit mies combattre sans touttes ses gens. Et de ce fu li prinches tous euwireux; car ossi toutte sen arieregarde, où bien avoit plus de six mil combatans, estoit en derière plus de sept lieuwes dou pays, dont li prinches, tout ce jour qu’il furent rengiet devant Victore, eut tamaint angouisse au coer, pour ce que tant demouroit li arrieregarde. Mès nonpourquant, se li Espagnol fuissent trais avant, il les ewist combatus, coumment qu’il fist, il n’est mies doubte. Fo 144.
P. 18, l. 14: très au partir.—Ms. A 8: dès au departir. Fo 279 vo.
P. 18, l. 29: Grandson.—Mss. A 7, 8, et B 4: Grandon. Fo 277 vo.
P. 19, l. 1: Cliton, Courton.—Ms. B 4: Clichon, Tourson. Fo 278.
P. 19, l. 1: Courton.—Mss. A 7, 8: Courson.
P. 19, l. 1: Ferinton.—Ms. A 7: Feranton.
P. 19, l. 2: Rocewart.—Ms. A 8: Rochechoart.
P. 19, l. 10: trois mil.—Ms. A 8: quatre mil. Fo 280.
P. 19, l. 19: nient.—Mss. B 4 et A 8: mie.
§ 570. Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Quant ce vint au soir et qu’il estoit heure de retraire, li marescal ordounnèrent et coummandèrent de retraire et d’aller logier, et ossi que chacuns retournast l’endemain sus le dite plache et que nulx ne passast l’avangarde, et que chacuns fust sus se garde et se logast desoubz se bannierre bien et couvignablement. Tout tinrent ce ban et ceste ordounnanche, excepté messires Thumas de Felleton et se routte de chevaliers, dont je parlay orains, qui chevauchoient devant pour mieux entendre des Espagnos. Encorres, sus le soir, quant tout li autre se retraissent, il se partirent de le grosse ost et s’allèrent logier plus avant bien deux lieuwes dou pays.
Avint ce soir que li comtes dan Tilles, frères au roy Henry et au roy Pietre, estoit en son logeis avoecques son frère le roy Henry; se li dist enssi: «Sire, vous savés que nostre ennemy sont logiet moult priès de chy. Si vous pri que vous me dounnés congiet que le matin je puisse chevauchier par deviers yaux à toutte une routte de vostres gens, qui en sont en grant vollenté. Et je vous ay en couvent que nous yrons si avant que je vous raporteray 271 vraies nouvelles et certainnez enssaignes des ennemis.» Li roys Henris, qui vit son frère en grant vollenté, ne li vot mies oster ne brisier son bon desir, mès li acorda liement. Toutte celle nuit, li comtes dan Tilles quist et pria les compaignons, tant de Franche comme de Castille, pour aler avoecq lui en ceste chevauchie, et en eult au matin bien six mil, bien montés sus bons chevaux. Et estoit ses frères Sansses avoecq lui et messires Goumes Garils; et de France: messires Ernoux d’Audrehen, marescaux de Franche, messires li Bèghes de Velainnes, li sires de Noefville, messires Jehans, li Bèghes de Villers, messires Jehans de Berghètes, li Allemans de Saint Venant et pluiseur chevalier et escuier de Franche. Et encorrez y fust allés messires Bertrans de Claiequin, mès il estoit tantost descendus en l’ost, qu’il venoit de deviers Arragon à belle routte de gens d’armes. Se ne vot mies acorder li roys Henris qu’il y alast, et messires Bertrans ne vot riens faire oultre son coummandement. Encorres estoit li princes logiés, et touttes ses gens, ens ès plains devant Victore. Fo 144 ro et vo.
P. 19, l. 30: Guichars.—Ms. A 8: Richart. Fo 280.
P. 20, l. 3 et 4: couvenant.—Ms. A 8: couvine.
P. 20, l. 16: resveille.—Ms. A 8: recule.
P. 20, l. 28: cil d’Arragon.—Ms. A 9: ceulx de son ost.
P. 21, l. 4: Velainne.—Ms. A 8: Villaines.
§ 571. Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Quant ce vint au matin sus l’aube dou jour, li comtes dan Tilles et tout li sien, qui en le chevauchie devoient aller, furent armé et monté, et se partirent de leur ost et chevauchièrent par deviers les Englès, et estoient bien six mil chevaux. Et vinrent si à point, sus une des elles de l’ost, qu’il encontrèrent en une vallée les sommiers et le harnas monsigneur Hue de Cavrelée, à qui il fissent moult grant dammaige; car il tuèrent les varlez qui les menoient, et tournèrent tous les soummiers par deviers yaux, et cachièrent plus d’une lieuwe monseigneur Hue et aucuns de ses hommes, qui s’estoient ce matin deslogiet et s’en venoient deviers le prinche. Et se ferirent les gens le comte dan Tille ens ès logeis de l’avantgarde, et couroient à val et à mont. Si en tuèrent pluisseurs en leurs lis. Dont s’estourmirent durement chil de l’avantgarde, et criièrent: «A l’arme!» Et s’arma chacuns mout vistement, et se traissent deviers le logeis le duc, liquelx 272 fu ossi mout tost armés, et se mist sus les camps, se bannierre devant lui, et s’en vint prendre moult aviseement une montaigne qui estoit au dehors de son logeis, et là se ralliièrent touttez ses gens.
Si vous di que li Espagnol quidoient prendre celle montaigne, mais il n’y peurent venir à tans; si entendirent à autre cose, à ochire et à decopper chiaux qu’il pooient enclore sus les camps. Tantost fu li hos toutte estourmie. Si vinrent deviers le duc de Lancastre li prinches, messires Jehans Camdos et touttez les autres bannierres de l’ost des seigneurs qui là estoient; et enssi qu’il venoient, il se rengoient et ordounnoient sus le montaigne et mettoient en bon couvenant. Si coummenchièrent à rebouter ces coureurs fort et roit. Là eut fait tamainte belle appertise d’armes, tant d’un lés comme de l’autre, car Espagnol et François estoient monté sus fleur de courssier, et couroient et environnoient appertement les Englès, et leur lanchoient, en courant et en saillant, lanches et garvelos, et en blecièrent et navrèrent pluisseurs. Mès il se partirent assés briefment, car toutte li hos estoit si estourmie, que chacuns venoit là, qui mieux mieux, et se mettoient en ordounnanche dallés le prince et le duc de Lancastre et desoubs leurs bannierrez.
Au retour que cil Espagnol et cil Franchois fissent, il encontrèrent les dessus dis chevalliers, monseigneur Thummas de Felleton et ses frères, monseigneur Richart Tanton, monseigneur d’Agorisse, monseigneur Huge de Hastinghes et monseigneur Gaillart Vigier et des autres assés, et estoient bien deux cens chevaliers et escuiers, englès et gascons. Si tost que Franchois et Espagnol les perchurent, il brochièrent deviers yaux parmy ung grant val. Ossi, quant li Englès les virent, il ne veurent mies fuir, mès se requeillièrent tout enssamble et prissent l’avantaige d’une petitte montaigne, pour yaux mieux combattre à leur aise. Evous le comte dan Tille, monseigneur Ernoul d’Audrehen, monseigneur Jehan de Noefville, monseigneur le Bèghe de Vellainnes et les autres chevaliers et escuiers de Franche, qui s’en viennent sour ces Englès et les assaillent fierement et vaillamment de tous costés, et Englès et Gascon ossi à yaux deffendre très appertement et mout vassaument.
Si fist une grant appertise d’armes et ung grant outraige messires Guillaummes de Felleton; car il se parti de se routte, le targe au col, le lanche desoubz le brach, et feri ceval des esperons 273 et s’en vint de plains eslais ferir entre les Espagnols. Si conssieuwi un Kateloing qui estoit durement grans mestres et bien armés, mès touttes ses armures ne li vallirent nient, et li bouta le lanche tout parmi le corps et le reverssa mort jus de son cheval. Tant fu li dis messires Guillaummes [de Felleton] environnés d’uns et d’autres et assaillis fierement, et lanchiés d’archigaies et de dars, et ses chevaux desoubz lui ochis. Là se deffendi li chevaliers moult vaillamment, et se combati une grant espasse, et y fist merveilles d’armes de son corps; mès finablement, il ne peult durer ne li delivrer d’iaux tous. Si fu là ochis entre ces Espagnols et ces Catelains, qui n’en eurent nulle pité, ja fust il bons chevaliers et vaillans homs et de grant linage durement.
Et d’autre part se combatoient chil qui pris le montaigne avoient, moult vaillamment, et ossi sans espargnier on les assailloit, et leur lanchoient Espagnol lanches et dars. Au voir dire, oncques on ne vit si peu de gens que chil estoient, faire les grans appertises d’armes que cil fissent; car bien souvent il descendoient et venoient combattre vaillamment main à main as Espagnols et as Franchois, et les reculoient, et puis se retraioient en leur montaigne, et Espagnol tantost revenoient sus yaux moult fierement. Là furent et se tinrent en cel estat dou matin jusques à haulte nonne, qu’il quidoient toudis que secours leur dewist venir, mès leurs gens estoient arrierre bien deux grosses lieuwes dou pays. Si leur convint, en yaux combatant et deffendant, endurer mainte painne, et faire mainte appertise de leurs corps.
Là dist une fois li comtes dans Tilles, pour ce que ces gens tant se tenoient, dont moult courouchiés estoit: «Avant! Avant, seigneur! Par le corps Jhesu Cris! nous duront meshui ces gens? Nous les dewissiens ores avoir tous mengiés et devorés.» Adonc s’avanchièrent touttes mannierres de gens, Espagnolx et Franchoix, et s’en vinrent bouter sus yaux et les envayrent si fierement que merveilles fu. Et vous di que finablement par forche d’armes il les conquissent et prissent tous, petit s’en sauvèrent. Là furent pris li troy frère de Felleton, messires Hues de Hastinghes, messires d’Agorises, messires Richars Tanton, messires Gaillars Vigier, li sires de Miton et plus de soissante chevaliers englès et gascons, et ossi assés d’escuiers, tous gentils hommes et gens d’armes, et si en laissièrent partie mors sus le place. Fos 144 vo et 145.
274 P. 21, l. 20: dou prince.—Ms. A 8: des Anglois. Fo 280 vo.
P. 22, l. 23: prendre l’avantage.—Mss. B 4, A 8: prendre premierement pour avoir l’avantaige. Fo 278 vo.
P. 22, l. 26: estourmie.—Ms. A 8: effraiez.
P. 22, l. 29: aucune.—Le ms. A 8 ajoute: bonne.
P. 22, l. 32: portèrent.—Le ms. A 8 ajoute: aucuns.
P. 23, l. 6: ses frères.—Mss. A 7, 8: son.
P. 23, l. 8 et 9: Vighier.—Ms. B 4: de le Mote. Fo 278 vo.
P. 23, l. 17 et 18: Evous les Espagnols venus.—Ms. A 8: Et puis vindrent les Espaingnolz.
P. 23, l. 22: esporonnant.—Ms. A 8: esprouvant. Fo 281.
P. 23, l. 29: mieulz de lui.—Ms. A 8: ne pourroit mieulx.
P. 23, l. 31: Si frère.—Mss. A 7, 8: Son frère.
P. 24, l. 15: envoiiet.—Le ms. A 8 ajoute: secourir et.
§ 572. Apriès le prise.—Ms. d’Amiens: Si s’en retournèrent appertement et en menèrent leurs prisonniers, et ne cessèrent de chevauchier. Si vinrent en l’ost le roy Henry qui les rechupt à grant joie, car li comtes dan Tilles, ses frères, li presenta et li recorda toutte se chevauchie, coumment il trouvèrent premierement les gens messire Hue de Cavrelée et coumment il les desconfirent; et apriès, il s’adrecièrent en l’avantgarde dou prinche et resvillièrent fierement le duc et toutte se routte, et ossi coumment il s’i combatirent; et quant il s’en furent parti, il trouvèrent et encontrèrent ces chevaliers qui les avoient poursieuwois et heriiés, passet avoit quinze jours, et coumment il les assaillirent et prissent par force d’armes. «En nom Dieu! biau frère, dist li roys Henris, vous avés bien esploitiet et vaillamment. Si soiiés li bien venus, et vous en say très bon gret; car vous m’avés grandement resjoy et toutte nostre host. Et vous di que j’ay bien espoir que tout li autre venront par ce parti et que tout seront nostre prisounnier: ossi nous voellent il tolir nostre hiretaige.»
A ces parolles se traist avant messires Ernous d’Audrehen, marescaux de Franche, qui oy avoit le roy Henry parler enssi. Si dist: «Ha! chiers sires, coumment qu’il nous soit bien venu de cest encontre, encorres n’avés vous mies desconffis tous les bons chevaliers dou prinche, car bien sachiés que, quant à yaux vous combaterés, droite gent d’armes vous les trouverés, fiers et hardis, tel que doient y estre tout bon chevalier: car je 275 ne croy mie que, en toute chrestienneté, on en dewist autant trouver de bons que li prinches en a avoecq lui. Mès, se vous me volliés croire, vous les desconfiriés bien sans cop ferir; car, se vous volliés tenir et garder les pas par où il doient passer, et ossi vostre host bien songneusement garder, il ne poroient entrer en Espaingne, ne vous porter nul contraire, mès s’en retouroient par deffaulte de vivrez, et lairoient vostre pays en pès.» Adonc crola la teste li roys Henris, et dist: «Dans marescaux, par mon chief, j’ay grant desir de veoir le prince desoubs sa bannière, et d’assambler ma puissance à la sienne; car, se Dieux donne, enssi qu’il fera, s’il li plaist, et j’y ay bien fianche, que nous les puissions desconfire, j’en seroie honnourés à tous les jours dou monde, en toutte terre où on en orroit parler, et demourroie en pais en che royaumme, et tout mi hoir à tousjours mès.»
Ensi se devisoient li roys Henris et messires Ernouls d’Audrehen en leurs logeis, et fissent as chevaliers d’Engleterre et de Gascongne prisonniers très bonne compaignie, par le consseil et enort des chevaliers de Franche: autrement n’euist ce mies estet. Fo 145.
P. 25, l. 28 et 29: retenoit.—Ms. A 8: entendoit. Fo 281 vo.
P. 26, l. 8: est.—Le ms. A 8 ajoute: toute.
P. 26, l. 28: dix mil.—Mss. A 7 et 8: vingt mil.
P. 26, l. 32: dars.—Le ms. A 17 ajoute: pennars, coustilles, faussars et espaphus. Fo 347.
P. 26, l. 32: pavais.—Ms. A 8: penars.
§ 573. Li princes.—Ms. d’Amiens: Li prinches de Galles se tenoit tous rengiés, et ses battailles touttes ordonnées devant Victore, et s’y tinrent tout le jour qu’il furent escarmuchiet dou comte dan Tille, car il quidoit que li roys Henris et ses batailles deuissent descendre et aprochier celle part; mais il ne l’avoit mies en son consseil, ainschois se tenoit en ung biau plain, c’on claimme Saint Vinchant, où il avoient de tous vivres assés et largement, et li prinches et ses gens n’en avoient pas trop grant fuison.
Quant les nouvelles vinrent au prinche qui si chevalier estoient pris, messires Thummas de Felleton et li autre, et ochis messires Guillaummes de Felleton, si en fu durement courouchiés, et ossi fu toutte li hos. Celle nuit se logièrent il devant Saint Victore, tout armé et en leur batailles chacuns sires avoecques 276 ses gens et desoubs se bannierre, et l’endemain il s’armèrent et missent en ordounnanche de bataille, enssi qu’il avoient estet le jour devant. Si vous di que il faisoit moult dur tamps et moult destroit de vent, de pleuve et de nège. Et enduroient et souffroient gens d’armes et chevaux moult de durtez et mallaises, et y mengast bien ungs homs le jour pour demy florin de pain et otant en vin: encorres tous euwireux qui le pooit avoir. Si furent en celle mesaise six jours, sans cevauchier avant ne retourner arrierre.
Quant li prinches et li seigneur qui avoecq lui estoient virent que li roys Henris n’aprocheroit point et que bonnement on ne pooit aller jusques à lui par les destrois et les pas, qui estoient bien gardé, il se deslogièrent de devant Saint Victore et retournèrent deviers Navarre, et passèrent ung pas et ung destrois qui est appellés li pas de le Garde; et quant il eurent passé ce pas, il s’en vinrent tout cheminant parmy le pays, et chevaucièrent tant qu’il vinrent à Vianne. Là se loga li prinches. Si s’i rafreschy et touttes ses gens ossi, et puis vint passer le rivierre au pont dou Groing, et se loga che jour devant le Groing, desoubs les oliviers ens ès vregiers.
Quant li roys Henris seult que li princes avoit passet le pont dou Groing et qu’il estoit logiés là environ, si dist qu’il l’aprocheroit, et se desloga de Saint Vinchant et s’en vint logier desoubz Nasères, sus celle meysme rivierre.
Che sceut li prinches tantost qu’il estoit logiés ens ungs biaus plains sus le rivierre. Si en fu tous liés et eut adonc consseil et vollenté qu’il li rescriproit lettres et feroit response deue et couvignable as lettres que li roys Henris li avoit envoiies. Si rescripsi, en disant ensi. Fo 145 vo.
P. 27, l. 30: ewireux.—Ms. A 8: voulentiers. Fo 282.
P. 28, l. 21: Saint Vinchant.—Mss. A 8, 15 à 17: Saint Michaut.
P. 28, l. 26: homme.—Ms. A 8: chevalier.
P. 28, l. 29: remanoir.—Ms. A 8: demourer.
P. 29, l. 1: devisoient.—Ms. A 8: devisoit.
§ 574. Edouwars.—Ms. d’Amiens: «A très renoummé et honnouré Henri, conte de Tristemare, et qui pour le temps present s’appelle roys de Castille. Comme enssi soit que vous nous avés escript et segnefiiet par vos lettrez que vollentiers vous vorriés 277 savoir pourquoy nous tenons à amy vostre ennemy, et pourquoy nous sommes aloiiet avoecq lui, tant qu’à ce, nous vous respondons que nous avons, de grant temps a, eu alianches et couvens enssamble, et que cestes ne sont pas de nouviel. De recief, nous l’aidons et comfortons et le tenons à amy, par amour et par pité et pour aidier à deffendre droiture; car ce n’est ne drois ne raisons q’uns bastars doie tenir ne porter courounne. Touttesfois, pour tant que de proèche, d’onneur et de vasseillaige, vous estes assés renoummés, et que on vous tient, tant qu’en armes, à moult vaillant homme, nous avons bonne vollenté et grande affection de vous mettre à acord, se nous poions, et à bonne pais, par deviers le roy dam Pière, nostre chier et amé cousin. Et là où nous le porions faire, nous en serions tous joiant, et vous ferions tenir grant part en Castille; mès le courounne et le nom de roy vous faut il laiier. Et che que vous en vorrés faire, se par traitié vous vollés aller avant, si nous renvoiiés tantost, ces lettres veues et conssillies, vaillans et sages homs qui de che se sachent ensonniier. Et, se vostre oppinion vollés tenir, sachiés que nous vous combaterons au plus tost que nous porrons, et enterons en Espaigne par lequel lés il nous venra le mieux à point. Escript, etc. de par le prinche d’Acquittainne et de Galles.» Fo 145 vo.
P. 29, l. 12: respondons.—Mss. B 4, A 7, 8: respondans. Fo 280.
P. 29, l. 15: enteriner.—Ms. A 8: entretenir. Fo 347 vo.
§ 575. Quant ceste.—Ms. d’Amiens: Si tos que la lettre fu escripte, on le saiella, et le fist delivrer li prinches au hiraux le roy Henry, qui les autres avoit aportées et qui le responsce attendoit. Si se parti li dis hiraus dou prinche et des seigneurs, tous liés et tous joyans, car on li dounna grans dons et biaux jeuiaus, draps et mantiaux fourrés d’ermine et de vair. Si s’en revint en l’ost de son seigneur devant Nazères. Si bailla au roy Henry la lettre de par le prince, liquels tantost l’ouvri et lisi tout chou qui dedens estoit, et appella au lire monseigneur Bertran de Claiequin et aucuns de son consseil, et puis leur demanda qu’il leur en sambloit. «En nom Dieu, sire, dist messires Bertrans de Claiequin, à vous en tient dou respondre et dou scavoir. Vous poés oïr quel cose li prinches vous mande, coumment il dist qu’il vous acorderoit vollentiers entre vous et vostre frère: or savés vous se vous y vollez avoir acord, parmy tant que vous 278 vos deporterés de le courounne.»—«Par me foy, dan Bertran, dist li roys Henris, nennil. Li comte, li baron, li chevalier et tout chil de ce pays m’ont courounné et tiennent à roy, et roys voeil je demourer, vivre et morir en cel estat.» Dont respondi messires Bertrans et dist: «Sire, or soiiés tous comfortés, car temprement vous combaterés; de tant connoie je bien le prinche et son affaire. Si est bien mestier que vous aiiés avis sour ce, et que vous entendés à faire vostre gent à appareillier tellement qu’il n’y ait riens que dire, quant li bataille se fera, et regardés sur quel avantaige et par quel ordounnance vous vorrés ouvrer; car je vous di que avoecq le prinche et en ses conrois est toutte fleur de chevalerie et de bachelerie: là sont li meilleur combatant de tout le monde, li plus sage, li plus hardi, li plus fort et li plus dur, et qui le mieux y sèvent prendre leur avantaige.»—«Dan Bertran, respondi li rois Henris, tout ce croi je assés, mès sachiés que contre leur puissanche je sui tous comfortés, car je aray bien trois mil chevaux armés qui seront sur les deux costés des deux esles de mes batailles. Et aray bien six mil geniteurs et touttes les milleurs gens d’armes c’on puist trouver en Espaingne, en Portingal, en Cordouan, en Seville et ou royaumme d’Arragon. Et de telz gens d’armes y aray bien vingt mil, et aray bien soissante mil hommes de piet à tout lanches et archigaies. Et m’a chacuns proummis foy et loiauté, et ne me fauront pour tout morir en le plache: siques, dan Bertran, je ne m’esmaie mie que je n’en aie le milleur, par le grasce de Dieu en qui de tout je me confie.» Fos 145 vo et 146.
P. 30, l. 3: Nazres.—Ms. A 8: Nazares. Fo 282 vo.
P. 30, l. 9: de Claiekin.—Ms. A 8: du Guesclin.
P. 30, l. 13: temprement.—Ms. A 8: briefment.
P. 30, l. 24: Cordewan.—Ms. A 8: Cordoen.
P. 30, l. 26: archigaies.—Le ms. A 17 ajoute: espaphus. Fo 348.
§ 576. Ensi se devisoient.—Ms. d’Amiens: Or vous dirons dou prince qui à l’endemain, qui fu par un venredi, se desloga de devant le Groing, et touttes ses gens ordonneement chevauchans en bataille, chacuns sire desoubs se bannierre ou se pennon, enssi que pour tantost combattre, et cheminèrent ce jour deux lieuwes. Et envoiea li prinches partout ses coureurs avant et arrierre pour savoir le verité des Espagnos, liquel se travillièrent 279 moult pour raporter ent le certainneté. Touttesfois, li coureur dou prince chevaucièrent tant et si avant qu’il virent et trouvèrent le couvine et l’ordounnanche dou roy Henry et de toutte sen host, et en raportèrent le verité au prince et à son conseil à Navaret là où il estoit logiés, et dissent coumment li Espagnol estoient logiés ens ès bruières assés priès dou Nasares, tout seloncq le rivierre. De ces nouvelles fu li princes tous joieans, et fist segnefiier secretement tout aval son host que chacuns fuist armés et appareilliés pour partir au son des trompettes, et que nus ne chevauchast devant le pennon saint Gorge et le bannierre des marescaux, et ossi que chacuns s’avisast, confessast et adrechast à son loyal pooir, qui devotion en avoit, car à l’endemain sans faulte on se combateroit. Fo 146 vo.
P. 31, l. 14: par bataille.—Ms. A 8: par manière de bataille. Fo 282 vo.
P. 31, l. 20: couvenant.—Ms. A 8: couvine. Fo 283.
P. 31, l. 25: Nazres.—Ms. A 8: Nazares.
P. 31, l. 32: envoiiés.—Ms. A 8: commis.
§ 577. Tout en tel manière.—Ms. d’Amiens: Tout enssi que li prinches avoit ordounnés et envoiiés ses coureurs devant pour adviser et espiier le couvenant des Espagnols, li roys Henris, d’autre part, avoit envoiiés les siens pour aprendre de l’estat dou prinche et où il estoit logiés. Si raportèrent si coureur que li prinches estoit à Navaret, et touttes ses gens logiés là et environ. De ces nouvelles fu li roys Henris moult liés et dist, puisqu’il li estoient si priès, que l’endemain il les combateroit. Et fist, dou soir, de haute heure, toutte mannière de gens soupper et aler reposer, et fist segnefiier et ordounner que, au premier son de ses trompettes, chacuns se levast et appareillast; au second son, il fuissent tout armé; au tierch son, il fuissent tout sus les camps, et à piet, tout cil qui le devoient estre; et à cheval, tout armé, chil qui ordounnet y estoient d’estre, et que nuls, sus le teste, ne se mesist devant les bannierres des marescaux. Chilz bans fu tenus. Et s’alla chacuns aisier et reposer en son logeis, boire et mengier, car il avoient assés et largement de quoy, et dormir ent qui dormir volt.
Quant ce vint environ mienuit, les trompettes dou roy Henry sounnèrent: si se levèrent et appareillièrent touttes mannierres de gens, et fissent en leurs logeis grant fuisson de feux, et alumèrent 280 grant plenté de torses et de cerges pour veoir plus cler, et se taisoient tout quoi. Enssi que une grande heure apriès, on sounna de rechief secondement les trompettes le roy. Adonc s’armèrent touttes gens par bon loisir. Enssi que deux heures apriès, on sounna le tierch cop. Dont se partirent il de leurs logeis et se traissent touttes mannierres de gens, à piet et à cheval, sus les camps, et ordounnèrent leurs batailles par l’avis de monseigneur Bertran de Claiequin, dou comte dan Tille, dou comte de Dunne, ung très bon chevalier d’Arragon, et de monsigneur Ernoul d’Audrehen. Chil quatre signeur dessus noummet fissent touttes les ordounnanches.
Si eurent la premierre bataille messires Bertrans de Claiequin, li comtes Sansses, frères au roy Henry, li comtes de Dunne, li marescaux d’Audrehen, li Bèghes de Vellainnes, messires Jehans de Noefville, li Bèghes de Villers. Et furent tout li Franchois, li Normant, li Breton, li Pickart, li Bourghignon et li compaignon estraignier enssamble: s’en y avoit bien quatre mil, chevaliers et escuiers, et tout en grant vollenté de combattre et de bien faire le besoingne. Si se tenoient ces gens en leurs batailles, en bon couvenant et tout à piet.
De la seconde bataille estoit chiés li comtes dan Tilles, frères au roy Henry et bons chevaliers durement, et avoit avoecq lui bien seize mil hommes parmi les geneteurs et chiaux à cheval, et se traissent ung petit en sus, à le senestre main de le bataille monsigneur Bertran.
A l’autre costé, sus destre, estoit li grosse bataille dou roy Henry, liquels avoit bien trente mil hommes d’armes et bien trois mil arbalestriers et grant fuison d’autres gens dou pays à mannière de villains, qui n’estoient mies, au voir dire, trop bien armés; mès il portoient lanches et gavrelos pour lanchier, archigaies trenchans et fortes coutilles, et li pluisseur, fondes, pour jetter pierres.
D’autre part, sus les deux esles des batailles, estoient li cheval armé et li chevaucheur sus, moult bien armet et en bon couvenant, et estoient environ troi mil et cinq cens, fort et hardi par samblant. Si gouvrenoient ces cevauceurs quatre hardis chevalliers, durement renommet d’armes en Espaigne et en Castille. Li ungs fu appellés messires Gomes Garils; li autres, li grans prieurs de Saint Jehan; li tiers, li maistres de Saint Jame; li quars, messires Ferrans, mestres de Caletrave. Et estoient chil 281 chevalier et chil chevauceur enssi estaubli et mis sus les deux esles des batailles, pour radrechier et recomforter les mesaisiés et entendre as batailles qui branleroient.
Quant touttes ces batailles furent ordounnées et que chacuns seut ce qu’il dut faire, li rois Henris monta sus ung moult biel palefroy et fist venir ses deux frères dallés lui, dan Tille et Sanse; et puis chevaucha par devant les batailles en amonestant ses gens et en priant qu’il volsissent, pour leur honneur, entendre à bien faire le besoingne, et leur remoustroit coumment il le avoient fait roy et proummis et juret qu’il ne li fauroient. Et faisoit, en chevauchant et en passant devant ses batailles, à chacun si bonne chière et si lie, que tout se contentoient de lui et li renouvelloient ses couvens, et li disoient et affioient que pour morir il ne li fauroient. Quant il eut enssi cevaucié de renck en renck, il s’en revint en se bataille et renvoiea ses frères as leurs, et se tinrent enssi et sus le place moult faiticement ordounné jusques au jour. Or vous deviserai le couvenant des Englès ossi bien que j’ay fait celui des Espagnols. Fo 146 vo.
P. 32, l. 25 et 26: d’Audrehem.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: monsigneur Olivier de Mauny, monsigneur Hervé de Mauny son frère. Ms. A 17, fo 348.
P. 33, l. 2: France.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: de Bretagne. Fo 348.
P. 33, l. 4: frichement.—Ms. A 8: friquement. Fo 283.
P. 33, l. 9: en sus.—Ms. A 8: arrière.
P. 33, l. 15: rade.—Mss. A 7, 8: roide. Fo 280 vo.
P. 33, l. 19: sa.—Mss. A 7, 8: la.
P. 33, l. 26: fourpasser.—Ms. A 8: suppasser. Fo 283 vo.
§ 578. Li princes de Galles—Ms. d’Amiens: Celle meysme nuit que li prinches estoit à Navaret et qu’il seult par ses coureurs qui li raportèrent, que li roys Henris estoit à deux lieuwes de là, il congnut et senti bien que combattre les couvenoit; et c’estoit li plus grans desirs qu’il ewist, car li plus de touttes ses gens estoient à grant destrèce de faminne et avoient estet bien quinze jours. Si volloit dou tout, et ossi faisoit ses gens, mettre et aventurer pour mieux avoir leur aise qu’il n’ewissent eus jusques à ores. Dont, ce venredi apriès mienuit, droit sus l’aube dou jour dou samedi, li prinches se leva et fist sounner ses trompettes. Si s’armèrent touttes mannierres de gens. Et oy li prinches messe, 282 et ossi fissent pluisseurs signeurs en leurs logeis, et s’acumeniièrent tout chil qui veurent et qui devotion en eurent. Assés tost apriès, on sounna les trompettes dou departement, car li prinches volloit aprocier les ennemis. Si montèrent tout à cheval qui cheval eurent, et se partirent de Navaret et de leurs logeis si gentement et si arreement rengiet et ordounnet que c’estoit ungs grans deduis dou veoir. Si vous di qu’il ne prissent mies adonc le plus droit chemin pour venir sus le roy Henry, mès chevauchièrent à le droite main en tournant une grande montagne, et le passèrent, et puis descendirent en ung val. Ja estoit grans jours et solaus levés moult biaux et moult clers. Quant li Englès eurent avallet celle montaingne, il perchurent leurs ennemis en très bon couvenant, et touttes leurs battailles rengies et ordounnées, et bannières et penons venteler au vent, et ossi li Espagnol les perchurent. Dont se coummenchièrent touttes les batailles à restraindre, tant d’un lés comme de l’autre, et virent bien qu’il les couvenoit combattre. Si fissent en l’ost le roy Henry à che donc pluisseurs chevaliers, car encorres en y avoient il petit fait; et par especial en le bataille monsigneur Bertran de Claiequin en y eult pluisseurs fais. Et toudis aprochoient les gens le prinche, car il requeroient leurs ennemis.
Ung bien petit devant ce que les batailles devoient aprochier, messires Jehans Camdos aporta se bannierre, toutte envolepée, au prinche, et li dist enssi moult doucement: «Monsigneur, je vous ay servi ung long tamps à mon loyal pooir, et tout ce que Dieux m’a dounné de bien, il me vient de vous: si savés ossi que je sui tout vostres et seray tant que je vivray. Si vous pry que je puisse estre à banierre; car, Dieu merchy, j’ay bien de quoy, terre et mise, pour l’estre, et ve e ci, je le vous presente: si en faittes vostre plaisir.» Et adonc li prinches, li roys dan Pierre d’Espaingne et li dus de Lancastre prissent le bannierre de monsigneur Jehan Camdos, et le desploiièrent et li baillièrent par le hanste, et li dissent tout en baillant: «Tenés vostre bannierre: Dieu vous en lait vostre preu faire!» Dont se parti messires Jehans Camdos dou prinche, se bannierre en son poing, et s’en vint entre ses gens et ses compaignons, et le mist enmy yaux et leur dist: «Biau signeur, vechy me bannierre et le vostre: gardés le bien, car otant bien est elle vostre que nostre.» Adonc le prissent li compaignon, qui en fissent grant joie, et dissent que elle seroit bien gardée, se il plaisoit à Dieu. Et fu baillie et delivrée à ung 283 bon escuier englès, qui ce jour le porta et qui bien s’en acquitta, et estoit nommés li dis escuiers Guillaummes Alleri. Si estoit la bannierre monsigneur Jehan Camdos, d’argent à ung pel aguisiet de geulles; et avoient touttes les Compagnes qui se tenoient desoubz lui en leurs lanches ung petit pignonciel de ces meysmes parures, dont il en y avoit plus de douze cens. Fo 146 vo.
P. 34, l. 6: li un contre l’autre.—Ms. A 8: les uns contre les autres. Fo 283 vo.
P. 34, l. 10: puiièrent.—Ms. A 8: prist.
P. 34, l. 12: perchurent.—Ms. A 8: apperceurent.
P. 34, l. 14: traisent.—Ms. A 8: traïrent.
P. 34, l. 23: je vous le baille.—Ms. A 8: je la vous baille.
P. 34, l. 27: prisent.—Ms. A 8: prist.
P. 34, l. 29: peu.—Ms. A 7: pel.
P. 34, l. 30: hanste.—Ms. A 8: hanfle.
P. 35, l. 2: en mi.—Ms. A 8: ou milieu.
P. 35, l. 4: nostre.—Ms. A 8: vostre.
P. 35, l. 5: disent.—Ms. A 8: disoient.
§ 579. Assés tost.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès, descendirent tout li Englès et li Gascons de leurs chevaux et se missent à piet sour le sablon, chacuns en se bataille, moult ordonneement et faiticement, sans passer li ungs l’autre, fors enssi qu’il estoit estaublis. Et estoient leurs batailles touttes enssi arestées et ordounnées que elles avoient estet très donc qu’il passèrent les montaignes de Rainchevaux, si comme il est recordé chi dessus. Là estoit li prinches qui disoit à ses gens: «Biau signeur, voyés nos ennemis qui ont grant largèce de ce dont nous avons grant disette: il ont de tous vivres à fuisson, et nous advons grant faminne. Si voeilliés hui tant faire que vous les concquerés par bien faire de ferir de lanche et d’espée. Et soiiés tous preudomme et loyal, car j’ay grant fianche en Dieu et en vous que li journée sera pour nous.»
Adonc joindi li prinches ses mains vers le ciel et dist: «Vray pères souverains, qui nous avés créés et fais, si voirement que vous savés que je sui chi venus pour droit aidier à soustenir et ce roy escachiet remettre en son hiretaige, si consentés que nous ayons victore contre nos ennemis!» Et puis dist tantost apriès: «Avant, bannierre, ou nom de Dieu et de saint Gorge!» Et en allant, il prist le roy dan Pierre par le main, et puis li dist tout 284 en hault: «Sire roy, au jour d’ui saurés vous se jammais aurés riens ou royaumme de Castille, et aiiés en Dieu ferme esperance.»
A ces mos, li dus de Lancastre et messires Jehans Camdos, qui menoient l’avantgarde, aprocièrent. Dont, en aprochant, il avint que li dus de Lancastre dist à monsigneur Guillaumme de Biaucamp, qui estoit dallés lui: «Guillaumme, vela nos ennemis; mès, foy que je doi à Dieu, vous me verés hui bon chevalier, ou je demorray en le place.» Et puis tantost il dist: «Avant! Avant! bannierre, ou nom de Dieu et de saint Gorge, et face chacuns son devoir!» Et fist là li dus de Lancastre chevalier en celle meysme heure monsigneur Jehan d’Ippre, et puis se mist tout devant les autres, desoubs se bannierre, et chacuns, qui mieux mieux, le sieuwi, qui se rencoragoient tout pour lui. Adonc coummencha li bataille de tous costés. Fos 146 vo et 147.
P. 35, l. 15: donc.—Ms. A 8: dès lors. Fo 284.
P. 35, l. 19: et tout de piet.—Ms. A 8: un petit.
P. 35, l. 22: joindi.—Ms. A 5: joingni.
P. 35, l. 23: pères.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: Diex, Dieu.
P. 35, l. 25: mi.—Mss. A 7, 8: moy.
P. 35, l. 27: escaciet.—Ms. A 7: eschacié. Fo 281.—Ms. A 8: enchacié. Fo 284.
P. 35, l. 28: ensonniiés.—Ms. A. 8: enhardiz.
P. 36, l. 7: Biaucamp.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: «Guillaume,».
§ 580. A l’assambler.—Ms. d’Amiens: Si vous di que ceste première bataille s’asambla à le bataille monsigneur Bertran de Claiequin, qui estoit forte et espesse, et bien pourvueue et garnie de bounes gens d’armes de Franche, d’Artois, de Picardie, de Bourgoingne, de Bretaigne, d’Arragon et de tous pays. Là eut, de premières venues, grans bouteis de lanches et des glaves, et les arestoient les ungs sus l’autre, et puis boutoient par forche de bras et de poitrinnes, et se tenoient si serré qu’il ne pooient entrer li uns en l’autre. D’autre part, archier et arbalestrier traioient vistement l’un contre l’autre, et chil qui perdoient ou brisoient lors lances ou qui ne s’en pooient aidier en le presse, recourroient as haches dures et trenchans, dont il estoient bien pourvueu, et en dounnoient les horions si grans que merveilles estoit à l’oïr et au regarder. Là se combatoient li bon chevalier, 285 tant d’un lés comme de l’autre, moult vaillamment. Là estoient li dus de Lancastre, messires Jehans Camdos, messires Thummas dou Fort, messires Guillaummes de Biaucamp, fils au comte de Warwich, messires Hues de Hastinges, chacuns bannierre desploiie, et requeroient leurs ennemis moult vaillamment. En celle route et dallés yaux estoient li doy marescal dou prinche, en moult bon couvenant, et bien acompaigniet de bonnes gens d’armes, messires Guichars d’Angle et si doi fil, et messires Estievennes de Coussentonne, qui merveilles y faisoient d’armes. Là estoient une partie des Compaingnes qui moult dur et moult fierement se combatoient. Si vous di que messires Bertrans de Claiequin et li sien, qui eurent ce premier encontre, ne l’avoient mies d’avantage, mès ossi se combatoient il moult vaillamment et très hardiement. S’en couvint, par le bouteis des lanches et des glaives, tamaint reversser à terre des ungs et des autres; et qui estoit cheus entre piés, il estoit mors sans remède, s’il n’estoit trop bien secourus.
Ceste bataille fu durement aspre et fellenesse et bien combatue de lances acerées, des haces, de daghes, d’espées et de coutiaux, et point n’espargnoient l’un l’autre. Là avoient li grant et li fort bon avantage de rompre les presses. Si veoit on bannierres et pennons par routtes entrer en l’un l’autre, et puis combattre et yaux entoueillier, une heure renversser et l’autre redrechier.
Et avint ou plus fort de le bataille que messires Jehans Camdos fu abatus et priès mis à grant meschief, car ungs Cateloins, grans et fors et durs malement, estoit cheus sus lui et metoit grant painne coumment il le pewist, et le playa ens ou visaige parmi le visière tant que li sans li courroit tout contreval. Et avoit chils à nom Martins Ferrans, hardis homs et outrageux durement, et croy que il ewist porté à monsigneur Jehan Camdos trop grant contraire, mès li chevaliers s’aviza d’un coutiel de plat qu’il avoit à son costé. Si le sacha vistement et en feri le Cateloing ung tel horion ou corps qu’il li rompi les plattes, et li embarra tout ens et li coppa les boyaux. De ce cop morut li Cateloings et reverssa d’autre part. Adonc se leva messires Jehans Camdos au mieux qu’il peult, et prist sen espée qui estoit grande et roide et bien taillans, et se feri en le priesse. Si vous di qui qu’il consuiwoit à cop, il estoit tous certains de le mort, et y fist adonc li chevaliers merveilles d’armes. Fo 147.
P. 36, l. 16 et 17: A l’assambler.... parolle.—Mss. A 7, 8: Là.
286 P. 36, l. 19 et 20: li un.... l’autre.—Ms. A 8: les uns dedens les autres.
P. 37, l. 1: arroi.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: et sanz ordenance.
P. 37, l. 4: li captaus de Beus.—Ms. A 8: le captal de Beuch.
P. 37, l. 12: Cateloing.—Ms. A 8: Catellains. Fo 284 vo.
P. 37, l. 13 et 14: et effondroient hyaumes et bachinés.—Ms. A 17: et avoient effondré maint bachinet de Tainnes que les Espaingnolz avoient. Fo 349.
P. 37, l. 19: bersoient.—Ms. A 8: bleçoient.
P. 38, l. 5: et y fist desous sa bannière.—Ms. A 17: et là leva bannière.
P. 38, l. 9: casteloing.—Ms. A 8: castellains.
P. 38, l. 15: à son chaint.—Ms. A 8: en son sain.
§ 581. Che samedi.—Ms. d’Amiens: D’autre part, aprochièrent les batailles, et vint li prinches et ses bannierres sus le lés destre pour combattre au comte dan Tille qui estoit sus le costé senestre. En le bataille dou prinche avoit grant fuisson de bonne chevalerie et de riches paremens. Là estoient li rois dans Pierres et se bannierre ens ès plainnes armes de Castille, li bannierre le roy de Navarre et messires Martins de le Kare qui le representoit. Mès, enssi que li prinches et ceste grosse bataille devoit approchier, li comtes dan Tille resongna et se parti sans plus atendre, et ossi fist li plus de chiaux qui avoecq lui estoient monté à cheval. Chil avoient bon avantaige de fuir.
Adonc aprocha li captaus de Beus et se routte, et prissent leur adrèce sus chiaux de piet de le bataille le comte dan Tille qui s’en fuioit. Si les coummenchièrent Gascon et Englès à ochire et à decopper, et à renversser et abattre par terre comme bestes. Là eult grant occision et qui mout effrea les Espagnos, car li prinches à toutte se grosse routte s’en vint assambler fierement sus le bataille le roy Henry qui estoit durement forte et espesse et bien pourvueue de gens qui ossi s’aquitoient de combattre assés souffissamment, car li roys Henris, comme bons chevaliers, leur rendoit grant corraige et leur disoit: «Biau signeur, je demour[r]ay d’allés vous: aidiés moy à deffendre et à soustenir mon droit et à garder l’iretaige dont vous m’avés fait roy.» Là y fissent il de le main merveilles d’armes.
287 Au costé senestre, avoit une petite montaingne, et là avoit on establi l’arrieregarde des Englès à estre à l’encontre des chevaux armés. Là estoient li rois de Mayogres, li comtes d’Ermignach, li sires de Saverach, messires Renaus de Maroeil, messires Berars de Labreth, messires Perducas de Labreth, messires Hues de Cavrelée, messires Loeis de Halcourt, messires Ustasses d’Aubrecicourt. Et d’autre part se combatoient li sires de Clichon, messires Ghautiers Hués, messires Robers Canolles, messires Jehans d’Ewreus, messires Robers Cheni, messires Robers Bricqués, Carsuelle, Lamit, Naudon de Bagerant, li sires de Rais, desous le bannierre Camdos.
Là n’y avoit chevalier ne escuier de le bataille dou prinche qui ne vausist, par droite comparison, ung Rollant ou ung Olivier; et bien le couvenoit, car il trouvèrent d’encontre dure gent et forte et grant fuisson. Et se chil qui estoient là sus les camps avoecq le roy Henry se fuissent ossi loyaument acquitet de combattre et de faire leur devoir que fissent chil de le bataille monsigneur Bertran de Claiequin, il ewissent dounnet les Englès moult affaire. Là estoient arbalestrier dou lés le roy Henry qui traioient roit et assés, mès leurs trés greva petit as Englès et as Gascons; car il estoient fort armés de jackes et de bonnes fortes plattes. Ossi il avoient archer grant fuisson qui traioient si ouniement et si espessement que nulx ne s’osoit mettre ne bouter en leur trait, se il ne volloit estre mors davantaige. Fo 147 ro et vo.
P. 38, l. 22: Nazres.—Ms. A 8: Nazares. Fo 284 vo.
P. 38, l. 28: li sires de Rays.—Le ms. A 17 ajoute: bretons. Fo 349 vo.
P. 39, l. 3: si.—Ms. A 7: son. Fo 281 vo.—Ms. A 8: ses.
P. 39, l. 7: Bietremiex.—Ms. A 8: Berthelemy.
P. 39, l. 8: Bernardet.—Ms. A 8: Bernart.
P. 39, l. 9: Lestrade.—Ms. A 8: Lestran. Fo 285.
P. 39, l. 11: s’acquittoient.—Ms. A 8: s’aquitèrent.
P. 39, l. 19: dou Chastiel.—Le ms. A 17 ajoute: breton. Fo 349 vo.
P. 39, l. 29: fait.—Ms. A 8: fors.
P. 40, l. 4: Thummas de Graindson.—Ms. A 8: Jehan de Graindon.
P. 40, l. 7 et 8: mies tous deviser.—Ms. A 8: nommer ne tous deviser.
288 P. 40, l. 24: vos.—Ms. A 8: vostre.
P. 41, l. 2 et 3: recommender.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: entre les preux.
§ 582. Moult fu ceste.—Ms. d’Amiens: Moult fu ceste bataille dure et felenesse et bien combatue, tant d’un lés comme de l’autre, car Espagnol lanchoient dars et archigaies trenchans dont il navroient et mehaignoient durement chiaux qu’il en conssuiwoient; et si avoient li pluisseur fondes dont il jettoient pierres et plommées dures et pesans, pour effondrer bachinés, con dur qu’il fuissent. Là s’avanturoient chevalier, et estoient de tous costez, et s’abandounnoient li aucun moult hardiement. Et par especial, dou costé des Englès, messires Jehans Camdos y fu très bons chevaliers et y fist merveilles d’armes. Là estoient il par routtes et par compaingnes, entrelachiet l’un à l’autre, où il se combatoient main à main, et dounnoient si grans horions de haches et d’espées que c’estoit grant hideur à l’oïr, si comme je l’oy recorder les hiraux qui estoient à l’un des lés de le bataille, et regardoient les combatans et jugeoient des fuians et des bien faissans. Si vous di finablement que Espagnol se coummencièrent à ouvrir et à esbahir; et encorres se fuissent il plus tost desconfit, se ne fust li rois Henris qui les amonestoit et prioit de bien faire et les retourna et raloiea par trois fois, et leur remoustroit moult cler et moult hault: «Ah! biau seigneur, ja m’avés vous fait roy de Castille et juré et proummis foy et loyaulté et que nullement vous ne me faurés, et vous me volés faillir. Retournés, bonne gent, et vous combatés hardiement. Ve me ci dallés vous, ne ja vous ne me verrés plain piet fuir: je aroie plus chier à morir que il me fuist reprouvé.» Fo 147 vo.
P. 41, l. 12: Lusebonne.—Ms. A 8: Lissebonne. Fo 285.
P. 41, l. 13: loyaument.—Le ms. A 8 ajoute: et moult voulentiers. Fo 285 vo.
P. 41, l. 15: gisarmes.—Ms. A 8: juisarmes.
P. 41, l. 16: d’espois.—Ms. A 8: des poings.
P. 41, l. 20: estoient.—Le ms. A 8 ajoute: montez.
P. 41, l. 21: resviguroient.—Ms. A 8: ressoignoient.
P. 41, l. 25: vaillandise.—Ms. A 7: vaillantisse. Fo 282.—Ms. A 8: vaillance.
P. 42, l. 11 et 12: monsigneur Bauduin de Fraiville.—Ms. A 8: le seneschal de Frainville.
289 P. 42, l. 46: Melval.—Ms. A 8: Maleval.
P. 42, l. 22: pooit.—Ms. A 8: puet.
P. 42, l. 31: ahireté.—Ms. A 8: herité.
§ 583. La bataille.—Ms. d’Amiens: Par telx langages et par si faittes raisons requeilla et remist li rois Henris par trois fois ses gens enssamble, et il meysmes de son corps il y fu très bons chevaliers et vaillamment se combati. Mès, au voir dire, ses gens trouvèrent plus durs combatans, plus hardis et plus entreprendans qu’il ne fuissent, et bien apparu; car, par combattre durement et assaillir hardiement, il les reboutèrent et reculèrent, et fissent partir tous chiaux qui à cheval estoient et fuir les frains abandounnés. Dont, quant li roys Henris vit che grant meschief contourner et descendre sus li et qu’il n’y avoit mès nul recouvrier qu’il ne fuissent desconffit, si eut plus chier à fuir qu’à atendre l’aventure d’estre pris; car bien savoit, s’il estoit pris, qu’il seroit mors sans merchy et sans remède, ne li rois dans Pierres, ses frères, n’aroit nulle pité de lui. Si monta à cheval dou plus tost qu’il peult, et se bouta entre les fuians et se sauva par telle manierre.
Encorres se combatoient li Frenchois et li Breton, dont messires Bertrans estoit souverains. Si vous di que là entre yaux eult tamainte belle appertisse d’armes faitte, mainte prise et mainte rescousse, tant d’un lés comme de l’autre; mès li grosse bataille dou duc de Lancastre et de monsigneur Jehan Camdos et des marescaux et des Compaingnes se tray celle part. Si ne peurent gaires depuis longement durer. Là fu pris messires Bertrans de Claiequin desoubz le bannierre monsigneur Jehan Camdos et fu ses prisons. Et furent pris li comtes Sansses, frères au roy dam Pierre et au roy Henry, qui s’en fuioit, messires li Bèghes de Vellaines, messires Jehans de Noefville et plus de deux mil chevaliers et escuiers. Et y fu mors entre les autres ungs bons chevaliers franchois, li Bèghes de Villers, et pluisseurs autres chevaliers et escuiers que je ne puis mies tout noummer; et, dou costé des Englès, ungs bons chevaliers qui s’appelloit li sires de Ferières. Et encorres en y eut des autres pluisseurs; car si grosse bataille que ceste fu ne puet mie estre outrée à si petis frès qu’il n’en y ait mors otant bien de chiaux qui le place obtiennent, que des descomfis, quoyque li victore leur demeure. Ceste bataille fu desoubs Nazares, en Espaingne, l’an de grasce Nostre Signeur mil 290 trois cens soixante six, le troisimme jour dou mois d’avril. Fo 147 vo.
P. 43, l. 3: et.—Ms. A 8: de.
P. 43, l. 4: entettement.—Mss. B 4 et A 8: enterement, entièrement. Fo 283.
P. 43, l. 15: moult.—Ms. A 8: bien.
P. 43, l. 27: Gauwains.—Ms. A 8: Gautier.
P. 44, l. 3: Lors.—Ms. A 8: Là.
P. 44, l. 8 et 9: d’Evrues.... chevaliers.—Ms. A 8: d’Evreux et les bons chevaliers.
P. 44, l. 28: moururent.—Ms. A 8: mouru. Fo 286.
§ 584. Quant la bataille.—Ms. d’Amiens: Che samedi, si comme vous poés oïr, fu grande li descomfiture sus les Espagnols et les Catelloins et les Franchois, d’un costé. Et fu justement raporté au prinche qu’il y eut mort, de droite gent d’armes, cinq cens et soixante, et d’autres gens combatans, sept mil et cinq cens, sans chiaux qui se noiièrent. Car li enchaux de le descomfiture dura jusques à le grosse rivière desoubz Nazares; siques li pluisseur, pour yaux sauver et pour le hydeur qu’il avoient de leurs ennemis, entroient ens à cheval et à piet: si estoient otant bien perdu comme en devant.
Encorres, meysmement sus le pont de le ville de Nazeres, fu li enchaux, li pestilensce et li mortalités trop grans; et chil qui ne pooient entrer en le ville des Espagnolx saloient en le rivierre, fust à cheval ou à piet, tant estoient fort eshidé. Et entrèrent les gens dou prinche en le ville de Nazeres, par forche. Là eut grant ocision et grant mortalité d’ommes, de femmes et d’enfans que nuls n’estoit pris à merci, se il n’estoit trop riches homs ou trop grans sires malement. Là furent pris et trouvé en une kave li grans prieux de Saint Jehan et li grans maistres de Saint Jame, qui s’estoient repus dallés ung mur, et ossi li grans mestres de Caletrave.
Briefment à parler, li descomfiture, li mortalités et li ocisions y fu moult grans et moult oribles. Et dura li cache mout longement, car ens ès plains de Nazares où li bataille fu, il n’y avoit nul empeschement, haie ne buisson, arbre ne olivier, qui pewist destourner les Englez et les Gascons à courir tout à leur vollenté, à cacher, à prendre et à ochire. Et par especial il en noia ce jour plus de quatre mil, et recordèrent li aucun pour certain que la 291 rivierre avoit estet vermeille dou sancg qui yssi des corps des hommes et des chevaulx. Che jour, fu pris en très bon couvenant et durement navrés et desoubz se bannierre, messires Ernouls d’Audrehen, marescaux de Franche, et y fist li chevaliers merveilles d’armes de son corps, et moult vaillamment se combati. Fos 147 vo et 148.
P. 44, l. 31: de France.—Ces mots manquent dans les mss. A 7, 8.
P. 45, l. 1: outrée.—Ms. A 8: oultre. Fo 286.
P. 45, l. 6: Nazres.—Ms. A 8: Nazares.
P. 45, l. 6: couroit.—Ms. A 8: court.
P. 45, l. 18: encauchier.—Le ms. A 8 ajoute: gens.
P. 45, l. 22: li plus.—Ms. A 8: les pluseurs. Fo 286 vo.
P. 45, l. 23: rade.—Ms. A 8: roide.
P, 45, l. 31: devers.—Ms. A 8: dedens.
P. 46, l. 6: où pillart.—Ms. A 8: et pilliée: si.
P. 46, l. 18: disent.—Ms. A 8: disoient.
P. 46, l. 20: rouge.—Ms. A 17: rogier. Fo 350 vo.
§ 585. Apriès le desconfiture.—Ms. d’Amiens: Apriès le desconfiture de le bataille de Nazares, li prinches, pour recueillier ses gens qui repairoient de le cache, s’en vint sus une petitte montaingne. Là fist il lever se bannierre contremont, à laquelle touttes mannierres de gens de leur costé se radrechièrent. Si fu il moult tart, ainschois que tout fuissent revenu. Adonc avala li prinches moult ordounneement, sa bannierre devant lui, et s’en vint ens ès logeis dou roy Henri. Si y trouva, et ossi fist toutte son host, de touttes pourveanches à grant fuisson, dont il furent bien servi et bien aisiet. Si se desarmèrent et appareillièrent, chacuns sires par soy et entre ses gens, et entendirent li pluisseur à mettre à point chiaux qui blechiés et navrés estoient. Adonc s’en vint li rois dans Pierres deviers le prinche, et le volt enclinner, mès li prinches ne le consenti mies. Se li dist li rois: «Mon chier cousin, je vous doy mout remerchiier, car par vous est toutte m’onneur recouvrée, et m’avés hui tant fait que jammais ne l’aray desservi.» Adonc respondy li prinches et dist: «Sire roys, ne m’en donnés nulle loenge, mès à Dieu princhipaument, car de li vient ceste belle aventure que nous avons.»
Adonc entrèrent il en autres parolles. Si fu li souppers, ens ou logeis dou prinche, appareilliés mout grans et moult biaux. Et y 292 dounna li prinches à souper le roy dam Pierre et le roy de Maiogres, et monsigneur Martin de le Kare, qui representoit le roy de Navarre, et le comte d’Ermignach et ung comte dou royaumme d’Arragon qui estoit prisounniers, que on noummoit le comte de Dunne. Et enssi en ses logeis chacuns sires dounna à soupper à ses prisounniers, qui prisounnier avoit, moult convignablement. Et passèrent le nuit en grant joie et en grant deduit, car il avoient bien de quoy, vivrez à grant fuisson, et trouvet ossi grant plantet de vaissellemence d’or et d’argent et de bons rices jewiaux, çaintures, draps et mantiaux; car li rois Henris et touttes ses gens estoient là venus moult estoffeement et bien pourvueu de tout bon. Fo 148.
P. 46, l. 27 et 28: remontière.—Ms. A 8: remontée. Fo 286 vo.
P. 46, l. 28: mettre.—Ms. A 8: tenir.
P. 46, l. 31: le cache.—Ms. A 8: la chace.
P. 47, l. 4: recuellier.—Ms. A 8: recueillir.
P. 47, l. 7: Maiogres.—Ms. A 8: Maillogres.
P. 47, l. 18: venant.—Ms. A 8: venir.
P. 47, l. 30: leurs.—Ms. A 8: ses.
P. 48, l. 8: li dit logeis estoient.—Ms. A 8: le dit logeis estoit.
P. 48, l. 15: cinq mil.—Mss. A 7, 8: cinq cens. Fo 283 vo.—Ms. A 17: six cens. Fo 351.
P. 48, l. 24: le nombre.—Ms. A 8: compte. Fo 287.
P. 48, l. 27: Bien.—Le ms. A 8 ajoute: avoient de quoy et.
P. 48, l. 28: plentiveusement.—Ms. A 8: plantureusement.
§ 586. Le dimence.—Ms. d’Amiens: Quant che vint le diemenche au matin et que li prinches eult oy messe, li rois dans Pierres vint deviers lui, emfourmés et advisés de quoy il devoit parler: che fu qu’il requist au prinche c’on li delivrast le comte Sansse son frère, le maistre de Caletraive, messire Gomme Garil, le grant prieur de Saint Jehan, le grant maistre de Saint Jame et tous chiaux d’Espaingne c’on tenoit pour prisounniers, car il les volloit faire morir comme traiteurs et mauvais contre lui. Quant li prinches l’oy et vit quelle affection il avoit, se li requist ung don: «Quel don, dist li rois dans Pierres, mon chier cousin, vollés vous avoir? Ja savés vous que tout chou que j’ay est vostre sans nul moiien, et vous acorde à faire vostre vollenté 293 dou tout.»—«Je vous pri et requier, dist li prinches, que vous voeilliés pardounner à tous chiaux que vous tenés pour prisounniers, vostre mautalent, et à tout le demorant dou pays ossi, si vous vollés estre ne demourer rois de Castille.» Adonc s’avisa li rois dans Pierres et dist: «Chiers cousins, pour l’amour de vous je l’acorde, et je leur pardounne bonnement tout, excepté ce faux traiteur Gomme Garilz qui m’a fait plus de maux que tout li autre.»—«Cesti, dist li prinches, vous acorde jou bien.» Dont furent mandé tout li chevalier d’Espaingne qui prisounnier estoient, en l’ost; et là, present le prinche et moult de grans signeurs, leur pardounna li rois dans Pierres tous mautalens, et baisa son frère le bastart le comte Sansse, en nom de pais, et tous les aultres. Apriès, li fu delivrés à faire son plaisir messires Gommes Garils. Il n’en eult nulle pité, tant fort le haioit pour les grans contraires que chils li avoit fais et le fist decoller, voiant tous chiaux qui veoir le peurent. Fo 148.
P. 48, l. 31: devant.—Ms. A 8: hors de. Fo 287.
P. 49, l. 13: car.—Le ms. A 8 ajoute: moult.
P. 49, l. 26: vo.—Ms. A 8: vostre.
P. 50, l. 4: eurent en couvent.—Ms. A 8: encouvenancièrent.
P. 50, l. 6: si.—Ms. A 8: ses.
P. 50, l. 8: li fist.—Ms. A 8: leur fist.
P. 50, l. 8 et 9: recogneut et desservi.—Ms. A 8: recongnurent et desservirent.
P. 50, l. 27: clore.—Mss. B 4 et A: clore ne tenir. Fo 285.
P. 50, l. 29: le ville.—Le ms. B 6 ajoute: bien cinq lieues.
P. 51, l. 4: Barbesque.—Ms. B 6: Barbestre.
P. 51, l. 10: ne bien aisiet.—Ms. A 8: aisieement.
§ 587. Li princes de Galles.—Ms. d’Amiens: Che dimenche, tout le jour, demoura li prinches ens ès logeis, qu’il avoit concquis et trouvez de ses ennemis, et eurent là en dedens consseil coumment il se maintenroient. Le lundi apriès messe et boire, li rois dans Pierres se parti dou prinche à grant fuison de gens d’armes, et chevaucha devers le grosse ville de Burghes, et li prinches et li demorans de ses gens s’en vinrent logier à Barbeske. Sitost que li bourgois et li hommes de Burghes entendirent que li rois dans Pierres venoit celle part, il yssirent tout contre lui moult honnerablement, et le rechurent comme leur seigneur et 294 leur roy, et le menèrent dedens Burghes moult solempnement. Au tierch jour apriès, vint li princes devant Burghes, où il fu requeilliés ossi moult grandement, et se logièrent touttes ses gens là environ. Adonc vint à Burghes veoir le roy dom Pierre son seigneur et le prinche de Ghalles, chilx chevaliers espagnols qui point ne s’estoit tournés deviers le roy Henri, dans Ferrans de Castres. Se le vit li prinches moult vollentiers, et le festia et honnoura grandement, et ossi fissent tout li seigneur qui là estoient.
Environ ung mois, sejournèrent li rois dans Pierres et li prinches en le ville de Burghes. Là en dedens vinrent au dit roy faire feaulté et hoummaige tout chil de Castille, des villes, des cités et des castiaux, et aussi tout gentil homme, seigneur, chevalier et escuier, de Portingal, de Seville, de Toulète, de Corduan, de Lion, de Galise et de touttes les marches, loing et priès, et jurèrent tout solempnellement, present le prinche de Galles et pluisseurs grans signeurs ad ce appiellés, à tenir et obeir au roy dam Pierre comme leur droit signeur souverain. Avoecq tout chou, li prinches de Galles tint son jugement et son gage de bataille devant Burghes, siques on puet bien dire tout notoirement que toutte Espaingne, par concquès, fu à lui et à son coummandement.
Quant li prinches eut tenu ses Paskes et ses festes à Burghes avoecq le roy dam Pierre et là sejourné plus d’un mois, et que on ne savoit ne sentoit mès nuls rebelles ens ou pays que tout ne fuissent obeissant au dit roy, il y eut grans parlemens entre le roy et le prinche et leurs conssaux; et là à ces dis parlemens furent renouvellet li sierment, les proummesses, li couvens, les ordounnances et les obligations qui estoient jurées et escriptes entre l’un et l’autre, très le coummencement dou voiaige. Et dubt li roys dam Pierres partir du prince et aller ent se voie deviers Seville, en instanche de che que d’assambler or et argent pour paiier le prinche et ses gens, et li prinches le devoit attendre ou Val d’Olif; et devoit retourner li dis rois dedens un certain jour deviers le prinche. Sur ce, il se parti et s’en alla à Seville et là où bon li sambla, car tous li pays estoit ouvers contre lui et appareilliés à son coummandement. Et li prinches et ses gens l’atendirent plus de trois mois oultre le jour qu’il devoit retourner. Si eurent là en dedens tamainte souffreté de pain et de vin et de tous autres vivres, car il estoient grant gens, et si trouvoient chiaux dou pays 295 durs et mal amis à yaux, et si ne pooient par couvent les gens le prinche assaillir nulle fortrèche: enssi estoit il ordounné; mès, se il ewissent tenu ceste ordounnance, il fuissent tout mort de famine, car li rois dans Pierres les faisoit trop sejourner.
Si prist li prinches Haulte Mousque où il trouva de tous vivres assés largement pour vivre, lui et son host, environ ung mois, et puis s’em parti et vint à Medine de Camp, une bonne grosse ville et bien avitaillie. Si l’asiega li prinches tant seullement pour avoir les vivres. Quant chil de le ville de Medine se virent asegiet, si doubtèrent que de force il ne fuissent pris et perdissent corps et biens. Si se composèrent deviers le prinche et ses gens, et avitaillièrent l’ost assés plentiveusement. Et se tinrent encorres là environ, atendans que li rois dans Pierres revenist ou qu’il en oyssent bonnes nouvelles; mès il le faisoit trop long, dont moult en desplaisi au prinche et à son consseil, et en le deffaulte de lui il convint les Compaingnes espardre sus le pays pour avoir vivres. Si y fissent pluisseurs contraires et y prissent pluisseurs villes et castiaux rebelles à yaux; et quant il les avoient pris par forche avoecques les vivres, il les pilloient tous et y faisoient moult de destourbiers.
En ce temps fu delivré li rois Carles de Navarre de prison, par le pourcach de madamme la roynne sa femme, et monsigneur Martin de le Kare et l’evesque de Panpelune, et revint arrierre en son royaumme de Navare, dont li prinches fu moult liez. Fo 148 ro et vo.
P. 51, l. 18: plus de trois sepmainnes.—Ms. A 8: environ trois sepmainnes et plus. Fo 288.
P. 51, l. 19: En ce sejour.—Ms. A 8: Et ce jour de Pasques.
P. 52, l. 1: mès.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: nul empeschement ne. Fo 284.
P. 52, l. 6: com plus.—Ms. A 8: tant plus.
P. 52, l. 19: plaisi.—Ms. A 8: fut plaisant.
P. 52, l. 23 et 24: sur le.... portoit.—Ms. A 8: en entencion avoir grant argent, ainsi que encouvenancié l’avoit. Fo 288.
P. 52, l. 26: s’espardirent.—Ms. A 8: s’espandirent.
§ 588. P. 53, l. 4: Nazres.—Ms. A 8: Nazares. Fo 288.
P. 53, l. 21: place.—Ms. A 8: la place.
P. 53, l. 25: de Claiekin.—Ms. A 8: du Guesclin.
296 P. 53, l. 25: d’Audrehen.—Le ms. A 17 ajoute: le Bègue de Villainnes. Fo 352 vo.
P. 53, l. 29: delivrer.—Le ms. A 17 ajoute: plus pour doubte qu’il ne retournast en Espaingne deffaire ce que le prince avoit fait que pour autre chose. Fo 352 vo.
P. 53, l. 30: n’i pressoit.—Ms. A 7: n’y prisoit. Fo 284 vo.
§ 589. Li rois Henris.—Ms. d’Amiens: Et encores ne savoit on nulle verité dou roy Henry en l’ost dou prinche, se il estoit mors ou vis. Bien dissent li pluisseur que on l’avoit veu sus le fin de le bataille moult vaillamment combattre, mès on n’en savoit plus avant, et tenoient li aucun adonc mieux qu’il fuist mors que vis. Touttefois, à parler justement de ce roy Henri, quant il vit le desconfiture et qu’il n’y avoit nul recouvrier, il se sauva sagement et ne se bouta ne encloï en nulle fortrèce d’Espaingne, mès prist ses adrèches et son chemin deviers le royaumme d’Arragon. Et envoiea vistement certains messaigez deviers sa femme et ses enfans qui se tenoient à Burghes, qu’il partesissent tantost et se retrayssent deviers Arragon, siques, quant la damme oy les nouvelles de le desconfiture de Nazres, si fu moult effraée et courouchie, che fu bien raisons. Nonpourquant, elle tourssa et s’adrecha deviers son mari qui s’estoit retrais à Vallenche le Grant. Or vous parlerons dou prinche et dou roy dant Pierre coumment il persevera. Fo 148.
.... En ce tamps estoit li dessus dis rois Henris li escachiés afuis, si comme vous avés oy, ens ou royaumme d’Arragon, durement courouchiés et tourblés sus le prinche et son pays, et c’estoit bien raisons, car il l’avoient mis jus et arrierre de grant signourie et de grant noblèce. Et se tint en Arragon jusques à tant que il eut entendu coumment la besoingne alloit; et quant il sceut que messires Bertrans de Claiequin estoit prisounniers, si en eut grant joie, car bien penssa qu’il fineroit par argent. Si se parti li dis rois Henris d’Arragon, et s’en vint à Toulouse dallés le duc d’Ango qui le rechupt liement. Tantost li rois Henris assambla ses compaignons, et fist tant qu’il eult trois cens armures de fier, et entra en la terre dou prinche et prist une ville que on appelle Baniers, et fist grandement guerre au prinche. Si avoit aucuns gens, guerrieurs et amis, et acqueroit encorres tous les jours, pour guerriier le ducé d’Acquittainne et le terre dou prinche, et aussi les terres des signeurs de Giane qui avoecq le prinche 297 estoient en ce voiaige et qui ce destourbier li avoient porté. Si ewist vollentiers veu li rois Henris que li jonnes comtes d’Auçoire, de Franche, qui ungs grans guerrières estoit et bien amés de gens d’armes, se fuist boutés en celle guerre avoecq lui et fuist entrés en Acquittainne au lés deviers Poito, et ars et courut le pays. Mès quant li connissance en vint au roy Carle de Franche que li comtes d’Auçoire estoit priès moult aigrement des ungs et des autres pour entrer en le terre dou prinche, si ne le veut mies conssentir; et deffendi à son chevalier le comte d’Auchoire qu’il ne fuist tels ne si hardis, sus à perdre tout chou qu’il tenoit ou pooit tenir ou royaumme de Franche, qu’il se mesist en celle chevaucie. Et, pour estre plus asseurs dou dit comte, il le fist adonc aller tenir prisson ens ou castiel dou Louvre dedens Paris, et le fist garder bien et songneusement. Che fu environ le Nostre Damme my aoust l’an de grace mil trois cens soissante et sept. Fo 148 vo.
.... Or vous parlerons ung petit de le marce dou roy Henry et coumment il est revenus sus et à le courounne et hiretaige des pays, et de le mort dou roy dam Pierre son frère, et puis retourrons à autre matère dou duc d’Ango et dou ducq de Berri et as chevauchies qu’il fissent en le langhe d’ock et sour le terre dou prince.
Apriès ce que le desconfiture eut estet devant Nazres, si comme il est chi dessus contenus en ceste histoire, ly roys Henris se sauva et s’en afui en Arragon jusques à tant que il eut entendu coumment la besoingne alloit. Et quant il seut que messires Bertrans de Claequin estoit prisounniers, si en ot grant joie, car bien penssa qu’il fineroit parmy argent. Si se parti li dis roys Henris d’Arragon et s’en vint à Toulouse dallés le duc d’Ango qui le rechut liement. Tantost li roys Henris assambla des compaignons et fist tant qu’il en eult trois cens armures de fier et entra en le tierre dou prinche et prist une ville que on appelle Baniers et fist grandement guerre au prinche. Quant li prinches fu retournés en son pays, li rois Henris se parti de Baniers et entra en Arragon et rassambla grans gens, Bretons, Alemans, Bourgignons, et touttes mannierres de gens qui venoient à lui estoient rechus, et entra de rechief en Castille et y fist grant gerre. Fo 167 vo.
P. 54, l. 5 et 6: hasteement.—Ms. A 8: hastivement. Fo 288 vo.
298 P. 54, l. 9: lequele.—Mss. B 4 et A: lequel. Fo 286.
P. 54, l. 14: se mesescance.—Ms. A 7: ses mesaventures. Fo 284 vo.—Mss. B 4 et A 8: ses meschances. Fo 286.
P. 55, l. 6: princeté.—Ms. A 8: prinçauté.
P. 55, l. 11: vinrent.—Ms. A 8: furent envoiées. Fo 289.
P. 55, l. 21: poroit.—Ms. A 8: pourroient.
P. 55, l. 23: quoiteusement.—Ms. A 8: hastivement.
P. 55, l. 26: heriier.—Ms. A 8: guerroier.
P. 56, l. 7 et 8: quatre cens Bretons.—Ms. B 6: mil combatans.
P. 56, l. 10: Richon.—Le ms. B 6 ajoute: Pons de la Court.
P. 56, l. 12: Alains.—Ms. A 17: Raoul. Fo 353.
P. 56, l. 12: Saint Pol.—Le ms. A 17 ajoute: monseigneur Eustace de la Houssoye, monseigneur Bertran de Guité. Fo 353.
P. 56, l. 16: Baniers.—Ms. A 8: Banières.
P. 56, l. 27 à 29: qui.... anoieus.—Ces mots manquent dans les mss. A.
§ 590. Quant li princes.—Ms. d’Amiens: Or revenrons à le matère dou prinche qui estoit adonc en Espaingne. Quant li prinches et ses gens eurent sejourné et atendu le roy dant Pierre plus de six mois et enduret tamainte mesaise de fain, si eut consseil li dis prinches qu’il envoieroit certains messaiges par deviers li. Si y envoiea trois chevaliers des siens, monsigneur Ghuiçart d’Angle, monsigneur Richart de Pontcardon et monsigneur Neel Lorinch. Si chevauchièrent tant li dessus dis qu’il vinrent à Seville deviers le roy dam Pierre qui les rechupt pour l’ounneur et amour dou prinche assés liement. Li chevalier dessus noummet moustrèrent au dit roy pour quoy il estoient là venu, et ossi que li prinches et ses conssaux estoient tout esmervilliet de che quil n’avoit tenu son jour de retourner deviers le prinche, enssi que proummis l’avoit.
Adonc s’escuza li rois dans Pierres et dist que il n’avoit mies tenut à lui, mès à ses gens, et qu’il estoit moult desirans et engrans de tenir et acomplir tous les couvens qu’il avoit au dit prinche, et que moult y estoit tenus; mès ses gens lui avoient respondut, quant il leur en parloit, que, tant que li prinches et les Compaingnes se logeroient sour le pays, il ne poroient faire argent. Si prioient li rois et ses gens au prinche que il se volsissent retraire, fust en Navarre ou en le principauté, et il querroient, 299 sans fallir et moult hasteement, or et argent pour paiement, et s’acquitteroient deviers lui et ossi deviers touttes les cappittainnes et les Compaingnes. Che fu toutte la responsce qu’il peurent adonc avoir dou roy dam Pierre et de son consseil. Si s’en retournèrent deviers le prinche, qui se tenoit à Medine de Camp, et li recordèrent tout chou qu’il avoient trouvet. Fos 148 vo et 150.
P. 57, l. 3: merancolieus.—Ms. A 8: melencolieux. Fo 289.
P. 57, l. 4: quel cose.—Ms. A 8: quelle chose.
P. 57, l. 8: couvent.—Ms. A 8: couvenant.
P. 57, l. 9: priiet.—Ms. A 8: prestz. Fo 289 vo.
P. 57, l. 16 et 17: tout.... estoient.—Ms. A 8: ainsi que enchargié leur estoit.
P. 57, l. 20 et 21: en couvent.—Ms. A 8: couvenancié.
P. 58, l. 3: li messagier.—Ms. A 8: les chevaliers.
P. 58, l. 9: couvent.—Ms. A 8: couvenances.
P. 58, l. 11: ajut.—Ms. A 8: acoucha.
P. 58, l. 13: courouciés.—Le ms. B 6 ajoute: car il fist grant folie et le volloit ramener; mais le roy ne s’en volt partir, anchois demora là: dont il s’en repenty, si comme vous orés recorder temprement en ches croniques. Et sachiés que en che voiage d’Espaigne le prinche de Galles conchut et engenra une maladie qui oncques puis ne le laissa, pour le grant calleur de l’air et du soleil et des boires d’Espaigne qui ne sont mies conditionné à chieus de Franche et d’Engleterre.
P. 58, l. 27: Baniers.—Ms. A 8: Banières.
P. 58, l. 27: herioit.—Ms. A 8: harioit.
P. 58, l. 29: Bertran.—Le ms. A 8 ajoute: du Guesclin.
P. 58, l. 29: n’estoit pas.—Ms. A 8: ne fu mie. Fo 289 vo.
P. 58, l. 30: tout.—Le ms. A 8 ajoute: ce.
§ 591. Quant li princes.—Ms. d’Amiens: Quant li prinches de Galle eut entendu les nouvelles dou roy dant Piere, si en fu tous esmervilliés, et congnut assés qu’il n’estoit mies telx qu’il le supposoit à trouver. En ce temps qu’il estoit en ces variations, li vinrent nouvelles d’Acquittainne, de par madame la princesse et le pays, que li roys Henris volloit entrer et amenner gens d’armes en son pays pour gueriier, ardoir et essillier toutte sa terre d’Acquittainne. Adonc eut li prinches consseil de retourner. Si se mist au retour par deviers Madrigay, 300 et chevaucha tant qu’il vint ou val de Sorrie, et là sejourna, et touttes ses hos, bien un mois. Endementroes eut grans conssaux entre monsigneur Jehan Camdos et le consseil dou roy d’Arragon; car la terre où li prinches sejournoit marcist assés priès de là. Si entendi que consseil se porta enssi adonc que li roys d’Arragon ne ses gens ne devoient de riens grever ne contrariier le prinche ne ses gens, et ossi on ne devoit noient fourfaire au royaumme d’Arragon. Apriès ce, s’en revinrent messires Jehans Camdos et messires Martins de le Kare deviers le roy de Navarre, et pourcachièrent tant que li rois de Navarre acorda à rapasser le prinche et touttes ses gens parmy son royaumme, bien paiiant tout chou qu’il prenderoient.
Si se parti li prinches dou val de Sorrie, et s’aceminna parmy Navarre. Et li roys de Navarre li faisoit grant feste et grant honneur, et le rafresqissoit tous les jours de nouvelles pourveanches, et le conduisi et mena tout parmy le royaumme de Navarre et à la ville de Saint Jehan dou Piet des Pors; là prissent il congiet li ungs de l’autre. Si rapassa li prinches, et ossi fissent touttes ses gens, les destrois de Navarre, et s’en vint li dis prinches à Baione, et li dus de Lancastre, ses frères. Là les rechuprent li bourgois de Baionne moult grandement, et honnourèrent et festiièrent. Si sejournèrent là li dessus dis prinches, li dus de Lancastre et li aucun seigneur bien un mois, et s’y rafresqirent. Si dounna li prinches à touttes mannierres de gens d’armes congiet, et remerchia bellement et sagement les capitainnes, et leur dist qu’il venissent, dedens un certain jour qu’il leur nomma, à Bourdiaux querre leur paiement, et que là seroient il paiiet pour yaux et pour leurs gens. Si se comptentèrent bien li compaignon des parolles dou prinche, et dissent que ses paiemens estoit assés appareilliez.
Enssi se departirent touttes mannières de gens d’armes, qui ens ou voiaige d’Espaigne avoient estet, et se traissent par deviers les landes de Bourdiaux et illuecq environ. Et li prinches, quant il se fu rafreschy en le cité de Bayone, il s’em parti à tout son aroy, et s’en vint vers le bonne chité de Bourdiaux, où il fu recheus à grant feste et grant pourcession, et vint madamme la princesse contre lui, qui amenoit et faisoit aporter Edouwart, son ainnet fil. Dont, quant il s’entrecontrèrent, il se conjoïrent et festiièrent grandement, et descendirent li prinches et les dammes et li signeur en l’abbeie de Saint André, à telle solempnité que vous m’avés oy recorder. Si se tint là li prinches ung grant 301 temps, entendans à ses besoingnes et regardans à ses paiemens pour paiier et lui acquitter deviers les Compaignes, où il estoit grandement tenus. Si paieoit les aucuns, et as autres il acreoit tant qu’il fuist mieux aisiés de paiier, environ le Saint Remy. Apriès, prist congiet li dus de Lancastre au prinche, son frère, et à madamme la princesse, et se parti de Bourdiaux et s’en revint arrierre en Engleterre. Fo 149.
.... En ce meysme temps, passa li dus Aubiers, ad ce donc baus de Haynnau, de Hollande et de Zellandes, et vint en Engleterre, en grant aroy de chevaliers et d’escuiers de son pays, pour veoir le roy englès son oncle et madamme la roynne Phelippe, sa ante et ses chiers cousins leurs enfans. Si fu des dessus dis bien conjoïs et festiiés à Londres et ou castiel de Windesore. Et quant il eut là esté quinze jours, il s’em parti et prist congiet au roy et à le roynne qui li dounna pluisseurs biaux jeuuiaux et à ses chevaliers ossi. Si rapassa li dis dus Aubers la mer à Douvres et arriva à Callais, et revint arrière au Kesnoy en Haynnau, dont il estoit premierement partis, deviers madame Marguerite, la duçoise sa femme....
Quant li prinches fu retournés en son pays, li roys Henris se parti de Baniers et entra en Arragon et rassambla grant gent, Breton, Allemant et Bourghignon; et touttes mannierres de gens qui venoient à lui estoient recheus, et entra de rechief en Castille et y fist grant guerre. Fo 167 vo.
P. 58, l. 31: escusances.—Ms. A 8: excusacions. Fo 289 vo.
P. 59, l. 1: pensieus.—Ms. A 8: pensifz.
P. 59, l. 5: pesans.—Ms. A 8: pensis.
P. 59, l. 6: se.—Ce mot manque dans le ms. A 8.
P. 59, l. 10: departement.—Ms. A 8: departir. Fo 290.
P. 59, l. 19: en littière.—Ms. A 8: en l’estrier.
P. 59, l. 26: com.—Ms. A 8: quel.
P. 60, l. 12: puissedi.—Ms. A 8: depuis.
P. 60, l. 13: lisent.—Ms. A 8: faisoient.
P. 60, l. 23: paisieulement.—Ms. A 8: paisiblement.
P. 60, l. 25: molesté.—Ms. A 8: molester.
P. 60, l. 26 à 28: Adonc.... prince.—Ms. B 6: Quant le roy de Navarre seut que le prinche avoit accort et congiet de passer parmy le royaulme d’Arragon, sy se party de Tudielle, où il estoit, messire Martin de le Kare en sa compaignie, et s’en vint ou val de Sorye devers le prinche. Fo 709.
302 P. 60, l. 25: nul au pays.—Ms. A 8: à nul du pais.
P. 61, l. 1: il voloient.—Ms. A 8: il vouloit.
P. 61, l. 8: les hos.—Ms. A 8: l’ost.
P. 61, l. 9: rapassèrent.—Ms. A 8: passèrent.
P. 61, l. 21 et 22: li un de l’autre.—Ms. A 8: les uns des autres.
P. 61, l. 24: senescaudies.—Ms. A 8: seneschaucies.
P. 61, l. 26: princeté.—Ms. A 8: princauté.—Le ms. B 6 ajoute: et s’en vinrent logier en Aginois et en Angoulesmois et là se rasamblèrent. Fo 710.
P. 61, l. 29: jasoit.—Ms. A 8: ja fust.
P. 62, l. 3: retournés.—Ms. A 8: revenus.
P. 62, l. 8: rechief.—Le ms. A 8 ajoute: nouvelles.
P. 62, l. 12: chapitainne.—Le ms. A 17 ajoute: monseigneur Sevestre Eudes. Fo 354 vo.
P. 62, l. 12: Hernaulz.—Mss. A 7, 8: Ernoul.—Ms. A 17: Arnoul.
P. 62, l. 13: Yons.—Ms. A 17: Eons.
§ 592. Apriès ce que.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, fu tretiés li mariaiges entre monsigneur Lion, duch de Clarense, fil au roy Edouwart d’Engleterre et à le roynne et la fille à monsigneur Galeas, signeur de Melans, qu’il avoit de madamme Blanche, serour au comte Amé de Savoie, liquel mariaiges se fist et confremma, et se parti messires Lions, dus de Clarense, d’Engleterre moult estoffeement et en grant arroy, à bien mil chevaux. Si estoit ses compains en ce voiaige ungs grans banerés d’Engleterre et riches homs durement, que on noummoit messire Edouwart le Despenssier. Si tint li dessus dis dus ses Pasques en le bonne ville d’Abeville, qui estoit au roy son père, et puis s’em parti et cevauça tant par ses journées qu’il vint à Paris, où li roys Charles de Franche estoit, et li dus de Berri, li dus de Bourgoigne, si frère, li dus Loeis de Bourbon et li comtes de Savoie ossi, et rechurent le dit monsigneur Lion et festiièrent grandement; et li dounna li rois Carles de Franche grans dons et biaux jeuiaux et à tous ses chevaliers ossi. Puis s’en partirent et chevauchièrent parmy Bourgoingne, et puis entrèrent en la comté de Savoie. Si rechupt li dis comtes à Cambery monsigneur Lion d’Engleterre et ses gens moult grandement, et les festia et honnoura durement, enssi que bien le savoit faire; puis s’em partirent 303 et passèrent outre en Lombardie, et estoient de bonne ville en bonne ville trop grandement festiiet et honnouret. Si acompaignoit le dit monsigneur Lion li gentilx comtes de Savoie et l’amena à Melans. Là fu il grandement festiiés de monsigneur Galeas et de monsigneur Bernabo. Si espousa la ditte damme, le lundi apriès le jour de la Trenité, l’an de grace mil trois cens et soissante huit, en le bonne cité de Melans. Fo 149 vo.
.... En ce tamps, se delivrèrent de leurs prisons des Englès, par finance paiiant, messires Bertrans de Claiequin, li Bèghes de Vellaines, messires Oliviers de Mauni et tout li autre, et se traissent tantost deviers le roy Henry et li aidièrent à faire la gerre. Li rois Henris eut tantost grans gens. Fo 167 vo.
P. 62, l. 20: prisonniers.—Le ms. A 17 ajoute: ce vaillant chevalier. Fo 254 vo.
P. 62, l. 25: goges.—Ms. A 8: gogues. Fo 290 vo.—Ms. B 4: gages.
P. 62, l. 31: en vo prison.—Ms. A 8: en voz prisons.
P. 63, l. 7: voloit.—Ms. A 8: vouloient.
P. 63, l. 9: et.—Mss. B 4, A 7, 8: en.
P. 63, l. 12: retenons.—Ms. A 8: retenions.
P. 63, l. 13: paiiés.—Le ms. A 17 ajoute: sans detri.
P. 63, l. 17: mies mains.—Ms. A 8: ja moins. Fo 291.
P. 63, l. 18: se repenti.—Le ms. A 17 ajoute: car jamais neust cuidié quil eust eu couraige ne puissance de paier si grant somme. Fo 355.
P. 63, l. 23: couvenence.—Le ms. B 6 ajoute: mais messire Thomas de Felleton, messire Robert Canolle, messire Simon de Burlé, messire Hues de Hostinghes, messire d’Aghorisses et li chevalier englès, qui avoient esté pris en Espaigne du conte dan Telle, sy comme chi dessus est dit, en recordoient si grant bien que li prinche s’y acorda legierement. Fo 712.
P. 63, l. 32: qu’il eut.—Le ms. A 17 ajoute: du pape.
P. 64, l. 4 à 6: qui seoit.... Naples.—Ms. A 8: où le dit duc estoit à siège devant la ville de Tarrascon qui se tenoit pour la ville de Naples. Fo 291.
P. 64, l. 10: Melans.—Ms. A 8: Milan.
P. 64, l. 22: reviaus.—Ms. A 8: revel.
P. 64, l. 22: de danses, de caroles.—Ms. A 8: et dances de carolles.
304 § 593. Vous avés.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, estoient les Compaignes si grandes et si fortes, qui revenues estoient d’Espaingne, esparsez ou royaumme de Franche, qu’il chevauchoient et aloient quel part qu’il volloient, sans contredit. Dont touttes mannierres de gens dou dit royaumme estoient tous esmervilliez; et en fu celle année la feste dou Lendi, dallés Saint Denis, toutte perdue. Si en murmuroient signeur, comte, baron, chevalier, escuier, marchant et bourgois des bonnes villes et citez dou royaumme de France. Et disoient li plus que li prinches de Galles et ses conssaux les y envoieoient pour fouller et susmettre le pays; et ewissent adonc plus chier li aucun à avoir guerre ouverte au prinche et as Englès, que donc que tellez mannières de gens pilleurs et robeurs leur fesissent gerre. Toutteffois, il en desplaisoit durement au roy de Franche, car ses royaummes en estoit trop malement pressez et foullez. Si traita deviers monsigneur le captal de Beus et deviers monsigneur Olivier de Clichon, et les retint à une grant somme de gens d’armez pour chevauchier et resister contre ces gens d’armes Compaignes. Si estoient encorres dallés le roy de Franche et à ses saudeez pluisseur chevalier et escuier d’Acquittainne, et le servoient contre ces Compaingnes; mès, non obstant ce que li roys de France ewist des bonnes cappittainnes assés de Giane et de Bretaingne, si estoient ces Compaignes si fort, que on ne les enduroit à combattre; car c’estoient gens de petite valleur, mès dur et bon combatant estoient, et ne desiroient ces gens riens que le bataille pour yaulx aventurer. Fo 149 vo.
P. 65, l. 4: convens se portoit.—Ms. A 8: couvenancié l’avoit. Fo 291.
P. 65, l. 11: six mil.—Ms. A 17: huit mille. Fo 355 vo.
P. 65, l. 19: Lamit.—Le ms. A 17 ajoute: Maleterre, Breton.
P. 65, l. 29 et 30: n’euissent cure ou.—Ms. A 8: s’ilz eussent voulu. Fo 291 vo.
P. 65, l. 29: enventurer.—Ms. A 8: aventurer.
P. 66, l. 9: sus se.—Mss. A 7, 8: sur sa.
P. 66, l. 11: Compagnes.—Ms. A 8: compaignons.
P. 66, l. 18: ne fu noient resjoïs.—Ms. A 17: fut moult durement courrocié.
P. 66, l. 19: euist.—Ms. A 8: eust eu.
305 P. 66, l. 20: ailleurs.—Le ms. A 17 ajoute: car depuis lui fut il moult contraire. Fo 356.
§ 594. Entrues que ces Compagnes.—Ms. d’Amiens: Vous avés bien oy recorder tout le biau voiaige que li prinches de Galles fist en Espaingne, et coumment, par puissance, il remist le roy dan Piere en possession de tout le royaumme de Castille et des appendanches. Si devés savoir que ceste emprise li cousta trop grossement, et s’endepta enviers pluisseurs chevaliers et escuiers, qui n’en furent mies trop bien paiiet; mès il estoit si gentils et si nobles de couraige, que tout chil qui avoient à faire à lui s’en contentoient bien, et si estoit si amés et si doubtés de touttes gens d’armes que nulx ne l’osoit courouchier bonnement. Or avint que, apriès le revenue d’Espaingne, se il avoit tenut grant estat, noble et plentiveux en avant, encorres ne le veult il de riens amenrir, mès acroistre en tous kas, de tenir chevaliers et escuiers grant fuisson, et faire grans frès et grans despens. Avoecq tout chou, si offisciier faisoient les levées si grandes et les provisions, et tout au title dou prinche, que cil de Poito, de Saintonge, de le Rocelle, de Roherge, de Quersin et de la ducé d’Acquittainne s’en tenoient à trop persé et foulé; car on leur prendoit leurs vins, leurs bleds, leurs avainnes, leurs bestes, sans compte et sans paiement. Et disoient li offisciier: «C’est tout pour monsigneur le prinche.» Dont les povres gens n’en avoient autre cose. Encorres avoecq tout chou, li prinches et ses conssaux avoient mis et semés parmy toutte le ducé d’Acquitainne, de chief en cor, senescaux, bailleux, mayeurs, tresoriers, vigiers, sergans et tous autres officiers, de purs Englès; et n’estoit nulx de le nation des pays, frans ne villains, qui y ewist offisce, ne pewist venir à offisce, fors les gens dou prinche. Et li pluisseur de ces Englès tenoient le peuple en si grant vieuté que nuls ne s’osoit drechier ne lever contre yaux, de cose que il fesissent ne desissent; mès vivoient li plus des gens en grant subjection. Che fu uns membres pour quoy li prinches et ses gens furent durement enhay, et murmuroient et disoient li pluisseur: «Nous avons ressort en le court dou roy de Franche; si nous plainderons des griefs que on nous fait.» Mès quant ces plaintes et parolles venoient en place, et les gens le prinche les ooient, il respondoient tantost moult ireusement: «Dou resort et dou apel de Franche est il noiens, car monsigneur tient ce pays quittement et 306 liegement, si comme li rois d’Engleterre tient son royaumme.» Telz responsces en avoient des Englès cilz et celles qui en parloient. Si leur couvenoit souffrir, car nuls ne leur en fesist droit, se il s’en fuissent plaint.
Bien en venoit la congnissanche au prinche, que les vois dou pays d’Acquittainne estoient telles; mès il n’en faisoit nul compte, et disoit que c’estoit follie et ygnoranche de ceux qui y penssoient, car il n’avoient autre resort que en se court ou celle dou roy d’Engleterre, son père, mès ceste ne volloit il mies excepter, dont pluisseurs gens furent pugny et corrigiet en la duché d’Acquitaine, qui parloient dou ressort. Avoecq tout che, li prinches se contentoit trop mal des comtes, des viscomtes, des barons et des chevaliers de sa terre, qui hantoient le court de Franche. Et li aucun seigneur d’Acquittainne le faisoient pour tant, si comme j’en fui enfourmés adonc, que li estas et li affaire dou prinche leur estoit trop mués d’umelités en orgueil; car, quant li baron et li chevalier de Poito, de Saintonge, de Limozin, de Quersin, de Pierregorth, de Roherge et de Bigorre venoient en l’ostel dou prinche, on n’en faisoit nul compte, et foiblement y estoient il recheu et appellé. Et quant il venoient en le court dou roy de Franche, il estoient liement et bellement requeilliet dou roy et de ses gens, et c’est tout chou que gens d’armes demandent, et especialment chil des marches de Gascoingne; car il ne puevent ammer ung seigneur, se il n’est drois compains et amis entre yaux et se il ne les requeille, chacun seloncq son estat, liement. Toutteffois, si comme je vous ai ja dit, li prinches se contentoit trop mal sus ciaux qui le court dou roi de Franche poursuiwoient, et par especial sour le seigneur de Labreth et le comte d’Ermignach, son oncle; car chil doy seigneur estoient le plus dou temps toudis sejournans à Paris ou dallés le roy, où qu’il fuist. Et de ce que li sires de Labreth estoit nouvellement alloiiés et mariés en Franche à madammoiselle Ysabiel de Bourbon, sereur au dit duc de Bourbon et à le roynne de Franche, desplaisoit bien au prince, et disoit que, sans son consseil et son congiet, il s’estoit là mariés, ce que faire ne pooit. Enssi se coummenchièrent petit à petit les haynnes à descouvrir entre le prinche et le seigneur de Labreth, et pour plus plainement recorder ent le verité, si comme je fui enfourmés, pourquoy le seigneur de Labreth enhay premierement le prinche et son consseil, je le vous diray.
307 Vous avés bien oy recorder chy dessus en l’istoire que, quant li prinches fu de premiers meus d’aller en Espaingne, et qu’il regardoit quelx gens et quelx carge il enmenroit avoecq lui pour plus honnerablement parfurnir son voiaige, entre les autres priières et requestes qu’il fist à ses barons et à ses chevaliers, il demanda une fois au signeur de Labreth, par grant avis, à quelle somme de gens il le poroit servir en ce voiaige. Li sires de Labreth li respondi adonc liement que il le serviroit à bien mil lanches. Chilx services pleut grandement au prinche, et dist au signeur de Labrech: «Je les retiens thous.» Or avint de celle retenue chou que je vous diray. Ung grant temps apriès, quant li prinches eut envoiiet monsigneur Jehan Camdos deviers les Compaingnes et qu’il en fu revenus, et qu’il eut dit au prinche quel quantité de gens d’armes et de combatans des Compaingnes il aroit, li prinches et ses conssaux regardèrent à ses besoingnes que il ne pooit mies si desnuer son pays de gens d’armes que fuisson n’en y demourast pour garder le pays, se il besongnoit, et que mieux valloit que il menast touttez les Compaingnes qu’il en laiast nul derrière; et ou cas qu’il aroit touttez les Compaingnes et grant plantet d’Englès et de barons, il n’aroit que faire de tant de Gascons. Si contremanda au signeur de Labreth le plus grant partie de ses gens, en disant ensi: «Sire de Labreth, je vous remerchy grandement de vostre bel serviche, et tant qu’à ceste fois, nous nos deporterons bien d’une partie de vos gens. Nous avons regardé et consideré nostres besoingnes: si n’en vollons en che voiaige que deux cens lanches; mès prendés et eslisiés lesquelx que vous vollés, et les autres laissiés leur faire ailleurs leur prouffit.»
Quant li sires de Labreth oy ces nouvelles, si fu tous penssieus et courouchiés, et retint les messaiges dou prinche, tant qu’il se fu conssilliés; et quant il respondi, il rescripsi enssi: «Monsigneur, je sui tous esmervilliés de ce qu’à present m’avés escript et segnefiiet que je donne huit cens lanches congiet, lesquelles, à vostre requeste et coummandement, j’ai ja de grant tamps retenu, et leur ai fait brisier pluisseurs biaus voiaiges qu’il ewissent pris et eu, se il n’esperaissent à aller en vostre service en Espaingne: pour quoy, monsigneur, je ne les saroie eslire, ne poroie desevrer les uns des autres, car il me sont tout un. Si vous plaise assavoir que ja vous n’arés les ungs sans les autres, car, se vous m’avés, vous les arés tous; autrement, je ne 308 me saroie ne poroie honnerablement escuzer enviers yaux.» Telle fu la substance de la responsce que li sires de Labreth fist adonc au prinche: de coy li prinches fu tous merancolieux et un tamps enfellonné sus le dit signeur de Labreth, et en dubt y estre priès mal pris au signeur de Labreth, le terme pendant que on sejournoit à Bourdiaux sus l’emprise de ce voiaige d’Espaigne; mès li comtes d’Ermignach amoiena les besoingnes, et rafrenna le prinche et apaisa son nepveult le signeur de Labreth, et fu ou voiaige d’Espaigne, mès che fu tous des darreniers, et n’y eut que deux cens armures de fier. Depuis le revenue d’Espaigne, il n’aloit ne venoit point en le cour dou dit prinche, de quoy li Englès disoient qu’il le faisoit par presumtion et qu’il estoit trop grandement orguilleus. Enssi demorèrent les haynnes ens ès coers de ces deux seigneurs, qui puisedi s’espanirent, si comme vous orés recorder assés prochainnement en l’istoire.
Entre les estas des seigneurs terriiens estoit cilz dou prinche grans et estoffés, et ossi de madamme la princhesse sa femme et mout liex et moult joyeux estoit leurs hostels et mout renoummés partout. Or avoit adonc li prinches de Galles un canchillier dallés lui et tout mestre de son consseil, sage homme durement et de grant advis, que on appelloit l’evesque de Bade en Engleterre. Li prinches et li estoient souvent en secret et en requoy, et parloient des besoingnes de le princhipauté et coumment en hounneur on les poroit parmaintenir. Si regarda chils evesques de Bade que li voiaiges d’Espaingne avoit durement afoibli le mise et le tresor dou prinche; si conseilla enssi au dit prinche que ce seroit bon que uns fouages fust eslevés en la ducé d’Acquittainne, à durer une qantité d’ans, et prendre sour chacun feu par an un demy florin, tant que ses hostelz seroit rencraissiés en or et en argent, et qu’il aroit paiiet les debtes qu’il avoit faitez pour cause dou voiaige d’Espaigne. Chilx conssaux pleut moult bien au prinche et veut qu’il fuist remoustret à tout son pays, afin qu’il em pewist avoir responsce. Si trestos que messires Jehans Camdos entendi et senti que on volloit parlementer sour cel estat, il prist congiet au prinche pour aller en Constentin jeuer et esbattre à Saint Sauveur, dont il estoit sirez, afin que de ce fouage et de ce parlement il ne fust noient demandés ne encouppés. Li prinche ce congiet li acorda assés lentement. Toutteffois il l’eut et se parti de Bourdiaux et de Poito et s’en vint à Saint Sauveur le Viscomte en Normendie, et là se tint ung grant temps et tous ses hostelz. 309 Entroes fu pourcachiés et parlementés chils fouaiges à durer grans ans en Acquittainne. Fos 449 vo à 151.
Ms. B 6: Or parlerons du prinche de Galles. Sy comme vous avés chi dessus oy recorder, quant il fu retournés d’Espaigne, il fut moult endebtés; car ou dit voiage il avoit esté à grans frais, et mal l’en avoit acquitet le roy dan Piètre: pour lesquelles choses il estoit moult merancolieulx, car son estat ne volloit il point amenrir, mais toudis acroistre; et se paiast vollentiers toutes manières de gens, d’armes et de Compaignes, mais qu’il euist largement de quoy, siques sus cel estat il fist et assambla pluiseurs fois ses gens, et parlementoit en pluiseurs lieus en Acquitaine pour savoir comment il s’en pouroit chevir et desduire.
En che tamps, avoit le prinche canchelier et mestre [ung] consillier englès qui estoit prelas et evesque de Bade. Chils luy consilla de eslever une taille en son pais d’Acquitaine à paier par an chascun feu demy florin et le riche porter le povre. Quant ceste ayde vint à la congnoissanche des prelas et des barons de Gascongne, sy leur tourna à grant contraire, et en respondirent ly pluiseurs que ja en leur terre ne courroit. Sy se detria ceste cose ung grant tamps, et se dissimulèrent aulcun signeur de Gascongne qui estoient ja entré en le indignation du prinche pour che qu’il ne voloient point laissier courir celle taille en leurs terres. Et s’en vinrent ly pluiseurs en Franche, tels que le conte d’Erminac, le sire de Labreth, ses nepveus, le conte de Pieregorth, le conte de Comminges, le visconte de Quarmaing, messire Bertran de Tharide, le sire de Labarde et pluiseurs aultres, et eurent secrès traitiés et parlemens au roy de Franche et au duc d’Ango, et se volloient du tout tourner franchois et relenquir le prinche.
Le roy, qui estoit plains de grant sens naturel, s’en dissimuloit. Ossy d’autre part il leur faisoit grant chière, mais pas à ce commenchement ne les volloit requellier, ne yauls oster de l’homage du prinche; car il sentoit encorres les Compaignes qui tout estoient Englès et Gascons, espars en son royalme, qui ly pouroient porter trop grant damaige. Et son frère le duc de Berry et son cousin le conte d’Alenchon et le daulfin d’Auvergne et pluiseurs haulx barons de Franche [estoient] encores hostaigiers en Engleterre. Sy les volloit tous ravoir, et ja estoit revenus le duc de Bourbon et estoit quite de sa foy, et ossy Guis de Blois par l’acort du roy d’Engleterre; et ossy estoit le conte Guis de 310 Saint Pol; mais chils n’avoit point congiet, mais le pape Urbain V l’avoit dispensé de sa foy, pour tant que le dit conte monstroit pluiseurs articles qu’il trouvoit en verité pour luy en confondant les Englès. Sy demorèrent et vaquèrent ches choses ung grant tamps. Et fu le mariage fait à Paris de madame Ysabiel de Bourbon, seur au duc de Bourbon, et du signeur de Labreth, et tout che traita le conte d’Ermignac son oncle; de quoy le prinche de Galles s’en tint mal content sur le sire de Labreth de che qu’il estoit sans son sceu alyés en Franche, et ossy sur le conte d’Erminac et sus chiaulx [qui] hantoient et frequentoient le court de Franche, et en faisoit leur terres et leurs pays et leurs gens tenir en plus grant subjection. Ensy se commença le guerre entre le prinche et ches seigneurs dessus nommés, mais toudis parseveroit le dit prinche et volloit avoir che servaige.
Quant messire Jehan Candos, qui fu très loyaulx chevaliers, vey la manière de cheste ordenanche, afin qu’il ne fust demandés, [il] prist congiet au prinche de aller viseter ses terres de Saint Sauveur le Visconte en Constentin, et y ala et là se tint plus d’un an. Et toudis procedoit le prinche par l’ennort de son consail en che servaige, et bien ly acordoient les pais que je vous nommeray: prumiers Poito, Saintonge, le Rocelle, Agenois, Roergue, Quersin, Limosin et tout Bourdelois; et volloient que le prinche l’euist cinq ans tant seulement, et par ensy il devoit tenir ses monnoies fermes et estables sept ans. Et commenchoient ja ches gens payer cascun feu demy florin, et se portoit le fort le foible. Ausy le prinche le volloit avoir eslevée sur les eglises, mais chil respondoient qu’il estoient frans et exent de toutes sousides et que, se de forche les constraindoit, il en appelleroient en le court de Romme, siques le prinche, qui ne les volloit mies tenir en pais que il ne paiaissent otant que les aultres, en estoit en grant mautalent sur yaulx, et eult consail de envoier à court de Rome devers le pape, ensy qu’il fist; et envoia monsigneur Guichart d’Angle, monsigneur Guillame de Seris et maistre Jehan Briffault, de le Rocelle, pour empetrer ches servaiges et aultres choses qu’il avoient à besoigner. Et firent chil dessus dit che voiage et vinrent à Romme, et se remonstrèrent au pape et firent leur suplication et en parlèrent au pape; mais il le trouvèrent moult dur et rebelle à leur opinions.
En che voiaige dessus dit faisant, les coses s’aprochèrent, syques le duc de Berry et le conte d’Alençon furent recreut ung 311 an de revenir en Franche, et au chief de l’an retourneroient en Engleterre; mais oncques depuis ny ralèrent, car la guerre se renouvella entre Franchois et Englès, sy comme vous orés recorder. Fos 719 à 723.
P. 66, l. 21: Entrues.—Ms. A 8: Pendant que. Fo 291 vo.
P. 66, l. 28: crestiennetet.—Ms. A 8: crestienté.
P. 66, l. 28: s’acomparoit.—Ms. A 8: s’appartenoit.
P. 67, l. 10: espaiiés.—Ms. A 8: appaisiez. Fo 292.
P. 67, l. 11: devoit.—Le ms. A 8 ajoute: et avoit.
P. 67, l. 14: parmi tant.—Ms. A 8: parmi ce.
P. 67, l. 18: Commignes.—Ms. A 8: Comminges.
P. 67, l. 24: souside.—Ms. A 8: subside.
P. 68, l. 1: touchoit.—Ms. A 8: appartenoit.
P. 68, l. 22: voloient.—Ms. A 8: devoient.
P. 69, l. 30: porter.—Ms. A 8: porte.
§ 595. Le plus grant partie.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, estoit li dessus dis roys Henris li escachiés afuis, si comme vous avés oy, ens ou royaumme d’Arragon, durement courouchiés et tourblés sus le prinche et son pays; et c’estoit une raisons, car il l’avoient mis jus et arrierre de grant signourie et de grant noblèce. Si avoit aucuns gens guerieurs et amis, et acqueroit encorres tous les jours pour gueriier le duce d’Acquittainne, le terre dou prinche, et ossi les terres des signeurs de Giane qui avoecques le prinche estoient en ce voiaige et qui ce destourbier li avoient porté. Si ewist vollentiers veu li dis roys Henris que li jonnes comtes d’Auçoirre, de Franche, qui uns grans gueriieres estoit et bien amés de gens d’armes, se fust bouté en ceste guerre avoecq lui et fuist entrés en Acquittainne, au lés deviers Poito, et ars et courut le pays. Mès quant li connissance en vint au roy Carle de Franche que li comtes d’Auçoirre estoit priiés moult aigrement des ungs et des autres pour entrer en le terre dou prinche, si ne le veut mies conssentir; et le deffendi à son chevalier le comte d’Auchoire qu’il ne fuist telx ne si hardis, sus à perdre tout chou qu’il tenoit ou pooit tenir ou royaumme de Franche, qu’il se mesist en ceste chevauchie. Et pour estre plus asseurs dou dit comte, il le fist adonc prisounier ens ou castiel dou Louvre dedens Paris, et le fist garder bien et songneusement: che fu environ le Nostre Damme my aoust mil trois cens soissante et sept. Fo 149.
312 P. 70, l. 6 et 7: tourbler et à reveler.—Ms. A 8: troubler et à rebeller. Fo 292 vo.
P. 70, l. 11: d’Arragon.—Le ms. B 6 ajoute: à tout quatre mil combatans. Fo 711.
P. 70, l. 14: trois mil.—Mss. A 20 à 22: quatre mille.
P. 70, l. 16: en saudées.—Ms. A 8: soudoiers.
P. 70, l. 18: tourna.—Ms. A 8: rendi.
P. 70, l. 22: joians.—Ms. A 8: joyeux.
P. 70, l. 26: ouvrirent.—Ms. A 8: rendirent.
P. 71, l. 9: rench.—Ms. A 8: rens.
P. 71, l. 11: par quel condition que ce soit.—Ms. A 8: par quelque manière que ce soit. Fo 293.
P. 71, l. 18: et.—Ms. A 8: ou.
§ 596. Quant la ville.—Ms. d’Amiens: Li roys Henris eut tantost grans gens, que d’Arragon, que de Franche et de Castille ossi, qui se retournèrent viers lui, et s’en vint mettre le siège devant Toullete, et mout le constraindirent. Chil de Toulete envoiièrent au secours deviers le roy damp Pierre qui se tenoit en le marche de Seville. Li roys dans Pierres, quant il sceut ces nouvelles, queilla grant gens, et estoient bien quarante mil, que Juis, que Sarrasins, dont il en avoit assés, et s’en venoit pour lever le siège de Toullete. Fo 167 vo.
Ms. B 6: Si trestost que messire Bertran de Claiquin sceut quel chose il devoit paiier, il paia et se delivra parmy l’aidde du duc d’Angou qui y rendy painne et qui luy presta le plus grant partie de l’argent. Sy s’en vint le dit messire Bertran en Castille devers le roy Henry qui seoit devant une chité apellée Toullette. Se fu le roy Henry moult joieulx de la venue messire Bertran et li rendy son offise de connestablerie de toute Espaigne, comment que elle ly fuist encore à conquerre.
Le roy dan Piètre, qui se tenoit en le marche de Seville, avoit bien entendu que son frère le bastart Henry estoit efforchiement entrés ou roialme de Castille, et avoit ja fait tourner à luy grant plenté des hommes du pays et tenoit le siège devant Toullette. Sique, pour resister à luy et remedier à ches besoignes, le roy dan Piètre avoit fait ung grant mandement et espesial de toutes gens là où il les pouroit avoir. Sy en avoit pluiseurs mandés et priiet qui pas n’estoient venuz, mais s’estoient allés devers le roy Henry. Le roy dan Piètre, pour estre plus fors et pour lever le 313 siège de Toulete, avoit proprement envoiet querir gens d’armes ou royalme de Grenade, et fait certaine composition au roy de Grenade qui ly avoit envoiet dix mil Turs. Si povoit avoir le dit roy dan Piètre en toute son armée quarante mille hommes. Sy se party le dit roy de Seville, et chevauchèrent devers le chité de Toulette, et povoit avoir de l’un à l’autre dix journées. Fos 712 et 713.
P. 72, l. 8: deux mil.—Mss. A 15 à 17: trois mille. Ms. A 17, fo 357 vo.
P. 72, l. 19: le roy Henry.—Mss. A 7, 8: son frère, le bastart. Fo 288 vo.
P. 72, l. 21: et estoit tenus tout le temps.—Ms. A 8: où il estoit petitement amez et doubtez. Fo 293.
P. 73, l. 14: segur.—Ms. A 8: seur.
§ 597. Li rois dan Piètres.—Ms. d’Amiens: Ces nouvelles vinrent en l’ost dou roy Henry. Tantost, par le consseil de monsigneur Bertran, on laissa au siège le moitiet de l’ost, et li autre partirent et chevaucièrent trois journées contre le roy damp Pierre, qui de ce ne se dounnoit garde, et le trouvèrent, li et ses gens, tous despourvueus. Si le combatirent tantost, pourvueu qu’il estoient, et le desconfirent, et y furent mort le plus grant partie de ses gens, et li remanans s’enfuirent. Fo 167 vo.
Ms. B 6: Les nouvelles vinrent au roy Henry et à monsigneur Bertran, qui estoient devant Toullette, comment le roy dan Piètre s’en venoit pour lever le siège. Osy tost que il seurent la verité, messire Bertran y pourvey et dist au roy Henry: «Sire, prendez à election toute la fleur de vos gens et en laissiés une partie pour tenir le siège, et alés radement contre vos ennemis; et se vous poés tant faire que vous les trouvés sur les camps, sy les combatés, en quel estat qu’ilz soient, car de chy les atendre et de les combatre par ordenanche, selonc che que il sont grant foison, je n’y voy riens de bien pour vous.» Che consail fu tenus. Adonc on eslisy, par bon advis, tous les milleurs combatans que il eult, et furent environ sept mille. Et sy en demora cinq mille devant Toullette, en le garde du conte Sanse. Sy se party le roy Henry à toutes ses gens, et chevauchoient coiement, et avoit ses espies devant qui raportoient de jour et de nuit le conduite de ses ennemis. Et tant firent que, à quatre journées près de Toulette, le roy Henry et messire Bertran entendirent que le roy 314 dan Piètre chevauchoit, luy et ses gens, sans ordonnanche et moult espars. Fos 713 et 714.
P. 73, l. 29 et 30: en istance de ce que.—Ms. A 7: en istance de ce. Fo 289.—Ces mots manquent dans le manuscrit A 8.
P. 74, l. 1: neuf.—Ms. A 8: sept. Fo 293 vo.
P. 74, l. 13 et 14: car.... enfourmé.—Ms. A 8: car, dist il, nous sommes enfourmez.
P. 74, l. 18: que tout.—Ms. A 8: et si.
P. 75, l. 1: sus une ajournée.—Ms. A 8: sur un adjourner.
P. 75, l. 4: Montueil.—Ms. A 8: Nentueil.
P. 75, l. 8: Evous.—Ms. A 8: Et vindrent.
P. 75, l. 23: très.—Ms. A 8: dès.
P. 75, l. 32 et p. 76, l. 1: Non pourquant.—Ms. A 8: Combien que.
P. 76, l. 17 et 18: pour yaux et de meschief.—Ms. A 8: pourveus.
§ 598. P. 76, l. 26: Yons.—Ms. A 17: Yvons. Fo 359.
P. 76, l. 28: Saint Pol.—Le ms. A 17 ajoute: monseigneur Olivier et monseigneur Hervé, monseigneur Eon et Alain de Mauny, frères, monseigneur Eustace de la Houssoie, monseigneur Robert de Guité, Helot du Taillay et plusieurs autres bons chevaliers et escuiers que je ne puis mie tous nommer. Fo 359.
P. 76, l. 29: Talay.—Ms. A 8: Calay. Fo 294.
P. 77, l. 6: lisent.—Ms. A 8: furent.
P. 77, l. 9: apertises.—Le ms. A 8 ajoute: d’armes.
P. 77, l. 21: perdoient.—Ms. A 8: espardoient.
P. 77, l. 21: desconfisoient.—Les mss. B 4 et A 7 ajoutent: car tous s’esbahissoient. Fo 292.
P. 77, l. 25: en ce castiel.—Ms. A 8: là retrais. Fo 294 vo.
P. 78, l. 2: estoient.—Les mss. B 4 et A 7, 8 ajoutent: et qui le pais point ne congnissoient. Fo 292.
P. 78, l. 14 et 15: à fous et à mons.—Ms. A 8: à fort et à mort.
P. 78, l. 18: vingt quatre mil.—Mss. A 15 à 17: trente mille.—Ms. A 17, fo 360.
P. 78, l. 20: refuites.—Ms. A 8: refuges.
§ 599. Apriès le grande.—Ms. d’Amiens: Et ilz meysmes 315 (don Pèdre) se bouta en un castiel qui estoit priès de là, que on appelle Montuel. Tantost on mist le siège devant, et estoit si priès gardés de jour et de nuit, qu’uns oizellés n’en partesist point sans congiet. Chils castiaux n’estoit point pourvueus pour tenir. Li roys dant Pierre, qui se veoit en ce parti, n’estoit point aise; si vot yssir de nuit, lui douzime, et li enventurer, enssi qu’il fist. Celle nuit faisoit le get messires li Bèghes de Vellainne; si le trouva et ses compaignons. Si furent tout pris, et les enmena li dis Bèghes en son logeis. Ces nouvelles vinrent au roy Henry, qui s’arma et fist armer ses compaignons, et vint là, et la premierre parole qu’il dist fu telle: «Où est li fils de pute Juis, qui s’appelle roys de Castille?» Adonc respondi li roys dans Pierre et dist: «Mès tu y es fils de pute, car je suis fils le bon roy Alphons.» Adonc le prist et embraça et le jetta desoubs lui. Là estoit li viscomtes de Rokebertin qui le retourna par le piet et le mist desoubs. Adonc bouta li roys Henris à son frère une espée ou ventre, et là le tua et un escuier englès ossi. Enssi fu sa guerre afinée, et reconcquist tout le royaumme d’Espaingne, car chacuns se tourna deviers li, si tost c’on seut le mort le roy dam Pierre. Fo 167 vo.
Ms. B 6: Quant le roy Henry sceut que le roy dan Piètre estoit là entrés en che castiel, sy en fu moult joieulx. Et ordonna toutes ses gens de logier là environ et de faire grant gait de nuit et de jour par quoy il ne leur puist escapper, car c’estoit son entente que jamais de là ne partiroit sy l’aroit, comment qu’il fust. Ensy furent là quatre jours. Le roy dan Piètre, qui se veoit enclos en chelle forterèche, qui petitement estoit pourveue, car de tous vivres il n’i avoit point pour quinze jours dont il estoit moult esbahis, eult imagynacions et consauls comment il poroit user et partir de là sauve sa vie. Sy m’a samblé, ensy que je fus adonc ynformés, que le sire de Mantuiel luy impetra adonc ung apointement fait devers ung grant baron de l’ost qui faisoit le gait à son tour. Et le devoit chilz baron, luy treizime, mettre hors de tout peril parmy soissante mille florins qu’il devoit avoir. Sur che conduit et ordenanche s’y aseura bien le roy dan Piètre, faire ly couvenoit, car il estoit si astrains que plus ne se pooit tenir. Et se party et toute ses gens, environ heure de minuit, du dit castiel.
Celle propre nuit faisoit le gait le Bèghes de Vellaines, je ne dich mie que che fust chilz sus quelles asseuranches il se mettoit 316 hors, car il l’euist trahyt, mais che fu chil qui le prist à l’yssue du castiel. Et furent tout chil pris qui avecques luy estoient, et les envoia le dit Bèghes en son logis comme ses prisonniers. Sy n’eurent gaires là estet quant le roy Henry, bien acompaigniez à torses et falos, entra en la loge et en le cambre où son frère le roy dan Piètre estoit, et entrant yreusement il demanda: «Où est le filz de pute Juis qui s’appelle roy de Castille?» Le roy dan Piètre, qui oy le vois de son frère et entendit ces parolles, senty bien qu’il estoit mors, mais nul compte n’en fist; et respondy en hault à son frère le bastart, en soy tirant devers luy et en faisant chière de lion: «Mais tu ies filz de pute, car je suis du sanc du bon roy Alphons.» Et à ches mos, il l’embracha et le reversa sur une amborde, que on dist en Franche ung lit de matelas de soie, et le jetta desous luy; et traist ung coutiel et l’euist ochis sans faulte, quant le visconte de Rockebertin se traist avant et le prist par le piet de derière et le reversa d’autre part sus le lit jus du bastart Henry. Adonc en eult qui ly bouta au roy dan Piètre une espée ou ventre tout outre le corps. Ensy morut le roy dan Piètre. Fos 716 à 718.
P. 78, l. 28: assamblés.—Ms. A 8: assemblées. Fo 294 vo.
P. 79, l. 2: disent.—Ms. A 8: disoient.
P. 79, l. 5: afaire.—Ms. A 8: gouvernement.
P. 79, l. 10: esté.—Le ms. A 8 ajoute: de tous vivres.
P. 79, l. 15: oiselés.—Ms. A 8: oyseau.
P. 79, l. 20 et 21: tamainte.—Ms. A 8: grant. Fo 295.
P. 80, l. 10: sarons.—Ms. A 8: sachons.
P. 80, l. 10 et 11: ceminent.—Ms. A 8: viennent.
P. 80, l. 11 et 12: jamais vitaillier.—Ms. A 8: gens batailleurs.
P. 80, l. 16: est çou.—Ms. A 7: estez-vous. Fo 290 vo.—Ms. A 8: es tu.
P. 80, l. 22: frère.—Le ms. A 8 ajoute: le bastart.
P. 80, l. 24: nommés vous.—Le ms. A 8 ajoute: et vous rendez.
P. 81, l. 10: depuis.—Le ms. A 8 ajoute: acertenez et.
P. 81, l. 22: pute juis.—Ms. A 8: putain juif.
P. 81, l. 29: matelas.—Ms. A 8: materas.
P. 82, l. 2: escerpe.—Ms. A 8: escharpe.
P. 82, l. 4: cil.—Ms. A 8: ses gens.
P. 82, l. 12: Yon.—Ms. A 17: Yvon. Fo 360 vo.
317 § 600. Ensi fina.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, fu ochis li Arceprestres, qui s’appelloit messires Renaux, de qui vous avez oy parler en l’istoire chy dessus, qui estoit assez bons chevaliers et amis au royaumme de Franche; car il avoit la damme de Castielvillain à espeuse et estoit compères dou duc de Bourgoingne. Si fu ochis par guerre d’amis et de haynne li dis Arceprestres sour les camps, assés priès de le cité de Mascon sus le Sone, dont li rois de Franche et li dus de Bourgoingne furent moult courouciet.
En ce tamps, fu conssilliés li roys de Franche qu’il mandast monsigneur Jehan de Montfort, duc de Bretaingne, qu’il venist relever la duché de Bretaigne, enssi qu’il appertenoit, et en fesist hoummaige et feaulté à lui. Si y envoiea li dis roys ses lettrez, et ses messaigez. Quant li dus de Bretaingne entendi chou, si s’en conssilla as barons et as chevaliers de Bretaingne. Si trouva en consseil que voirement estoit il tenus dou faire, car, sus cel estat et par ce couvent qu’il l’avoit juret et proummis au roy et à tous chiaux de Bretaingne, l’avoit on mis en possession paisiule de la dite duché; et autrement, s’il ne le faisoit, il n’en pooit joïr, ne avoir l’amour des Bretons entirement: siques li dus de Bretaingne vint adonc en France assés envis en grant arroy et noble, et fist hoummaige au roy de Franche et le recongnut à tenir en fief de lui, present les pers et les barons de Franche, qui à chou furent appiellet. Et rechupt li roys de Franche le dit duc moult bellement et moult liement, enssi que bien le savoit faire. Si fu li dis dus environ cinq jours à Paris, puis prist congiet au roy et s’em parti, et s’en revint arrierre en Bretaingne droit à Vennes, là où madamme sa femme se tenoit, fille à madame la princesse d’Acquittainne.
Vous avés bien chy dessus oy coumment li dus de Clarense fu mariés en Lombardie à le fille monsigneur Galeas, liquelx dus, assés tost appriès son mariaige, trespassa de ce siècle: dont ses gens furent moult esmervilliet, car il estoit jonnes chevaliers, fors et appers durement; si suppeçonnèrent que on ne l’ewist empuisonnet. Et em fist guerre moult grande et moult forte li dis sires Despenssiers as signeurs de Melans et à leurs gens, par le comfort d’aucuns chevaliers et escuiers et archiers d’Engleterre, qu’il avoit avoecq lui, et tint par le guerre les signeurs de Melans mout court, et rua par pluisseurs fois ses gens sus. Et y fu pris, dou costé les signeurs de Melans, li sires de Montegny Saint 318 Christoffle en Haynnau, et ossi messires Aimeris de Namur, fils bastars au comte Guillaumme de Namur. Et fissent là li Englès une guerre moult honnerable pour yaux, et reboutèrent pluisseurs foix les Lombars et lors aidans. Touttesfois, messires Galeas envoiea le corps enbapsmé de monsigneur Lion, duc de Clarense, par un evesque, arrierre en Engleterre: là fu il enseveli. Si demoura de ce duc de Clarense une fille qu’il eut de sa premierre femme, la comtesse de Duluestre, qui clammoit grant part à l’iretaige d’Irlande, et fu ceste fille mariée au jonne conte de le Marce en Engleterre.
En ce tamps, faisoit guerre messires Carles de Behaingne, emperères de Romme, as seigneurs de Melans, pour le cause de l’Eglise, car li dessus dit signeur estoient assés rebellez au pappe Urbain Ve, qui se tenoit adonc à Romme. Si en couvint le gentil roy Piere de Cippre ensonniier, qui estoit adonc à Bouloingne le Crasse, et mist acort entre l’Eglise et les seigneurs de Melans. Ossi li sirez Despenssiers s’apaisa à yaus, parmy tant qu’il s’escuzèrent de le mort le duc de Clarense, et jurèrent que par yaux ne par leur couppe il n’estoit mies mors. Or parlerons dou prinche de Gallez et des merveilles qui avinrent en Acquittainne, dont il estoit sirez, et recorderons, au plus justement que nous porons, coumment et pourquoy il fu gueriiés et reperdi tous les pays et les senescaudies qui li estoient dounnées et acordées par le traitiet de le pais, si comme il est chi dessus contenut sus l’an mil trois cens soissante et ung, et coumment ossi il s’em parti et s’en revint arrière en Engleterre. Fo 150.
P. 82, l. 17: se gaboient li Espagnol de lui.—Le ms. A 29 ajoute: quant il le veoyent ainsi mort estendu sur la terre. Au quart jour, il fut enterré en l’atre de l’eglise de Montueil. Quant le seigneur de Montueil sceut que le roy don Piètre estoit pris et tous ses compagnons, car il s’en doutoit pour le grant rumour qu’il avoit ouy tantost après qu’il s’estoit parti de la place, et puis lui fut dit comment il estoit mors, dont il eut grant douleur au coer, si s’appensa que l’endemain il traicteroit pour appoincter deviers le roy Henri, comme il fist.
P. 82, l. 20 et 21: s’espardirent.—Ms. A 8: s’espandirent. Fo 295 vo.
P. 82, l. 22 et 23: reconforté.—Ms. A 8: tous resjouis.
P. 82, l. 39: se.—Ms. A 8: son.
P. 83, l. 2: pays.—Ms. B 6: Et ossy firent tous chilz d’Espaigne, 319 de Castille, de Corduan, de Gallise, de Luxebonne, de Seville, et luy firent tous foyaulté et hommaige. Fo 718.
P. 83, l. 15: florins.—Ms. A 8: frans.
P. 83, l. 25: d’Engleterre.—Le ms. B 6 ajoute: duc de Clarense. Fo 719.
P. 83, l. 28: Melans.—Ms. A 8: Millan.
P. 83, l. 29 et 30: ses compains.—Ms. A 8: son compaingnon.
P. 84, l. 1: ensonnia.—Ms. A 8: enforma.
§ 601. Vous avés.—Ms. d’Amiens: Ou pourcach et ou parlement de ce fouaige que li prinches volloit aleuer en la duché d’Acquittainne, en l’ayde de son noble estat à parmaintenir et paiier chiaux à qui il avoit acrut ou voiaige d’Espaingne, furent appellet tout li noble, comte, viscomte, baron, chevalier et bourgois des bones villes, et ossi tout li prelat d’Acquittainne, c’estoit bien raison. Si en y eult pluisseurs parlemens à Bourdiaux, en Anghouloime et en Niorth, car il venoit as pluisseurs moult à dur et à contraire d’eslever tel cose en leur pays, et sambloit as barons et as chevaliers par especial que li peuples en seroit trop grevés, et qu’il estoit assés pressés en autre mannierre des grans levées que li offisciier dou prinche faisoient sus les petittes gens. Non obstant chou, li evesques de Bade, qui estoit moult sages et très agus en ses parolles, proposoit que il n’estoit nulle terre si paisieule, ne où li commun peuple ewist si bel ne si bon demourer, qu’il avoient en la terre dou prinche; car il n’estoient gueriiet ne herriiet de nul homme dou monde, mès porté et deporté, cremu et doubté de touttes gens, et especialment de leurs voisins.
Que vous feroie je lonch recort? Tant fu proposé et parlementé que tout Poito, Saintonge, le Rocelle, Roherge, Quersin et Bigorre acordèrent au prinche à paiier ce fouage, et chacun feu par an, le tierme de cinq ans, demy franch, et li prinches devoit tenir estable, sans muer, ses monnoies sept ans. Quant ces nouvelles vinrent en le terre dou comte d’Ermignach, dou signeur de Labreth, dou comte de Pierregorth, dou comte de Laille, dou comte de Comminges, dou viscomte de Quarmaing, dou signeur de la Barde et de pluisseurs autres signeurs des marches de Gascoingne, si dissent tout couvertement que ja ne s’i accorderoient, ne que chilx fouaiges ne cour[r]oit en leur pays. Adonc li 320 prinches et ses conssaux proposèrent à rencontre et dissent que si feroient. Li dessus dit seigneur lissent responscez au prinche, et fondèrent et fourmèrent apiaux pour plaidier et venir en le cambre de parlement à Paris. Li prinches respondi que de ce ne couvenoit nulle part apeller fors en sa court, et qu’il n’avoient nulle souverainneté.
En ces variations et detriemens vinrent li dessus dit signeur de Gascoingne à Paris deviers le roy Carle, et se plaindirent dou grief que li prinches leur volloit faire en leurs terres. Li roys de France, à che premier, leur respondi que ce pesoit li que nulle disense se boutoit entre le prinche de Galles, son nepveult, et qu’il n’y pooit mettre consseil ne remède, car il avoient bonne pès, li rois Edouwars, ses frères, et ilz et leurs royaummes: si le volloit, se il plaisoit à Dieu, tenir entirement et parfaitement, enssi que juret et proummis l’avoit, et li roys ses pères. Dont respondirent li baron de Gascoingne, qui volloient faire partie contre le prinche, et dissent: «Chiers sires et nobles roys, nous tenons et advons tousjours tenus que, quant li pais fu confremmée entre vous et le roy d’Engleterre, vous ne quittastes oncques le resort de touttes les terres d’Acquittainne, mais le retenistez et reservastes; et ossi il n’estoit mies, ne n’est encorres, de nul roy de Franche en le puissanche ne ordounnanche, dou dounner ne dou quitter: de ce sommes nous bien privilegiiet. Pour tant, sire, se vous vollés à nous entendre et recepvoir nostre apel, et mander le prinche que il viegne à cest apel sus les griés qu’il nous fait, vous nous adrecherés de justice et de raison. Et, se nous partons de vostre court où nous tenons nostre resort, che ne sera pas en le deffaulte de nous, mès de la vostre, se nous querons ailleurs qui de ce nous aide et adrèce.» Adonc respondi li roys de Franche: «Je m’en consseilleray.» Chilx conssaux dou roy fu moult lons, et toudis demouroient et sejournoient chil signeur de Gascoingne à Paris, pourssuiwans le roy et le consseil.... Fo 151.
.... En ce tamps, estoit revenus d’Engleterre en Franche li comtes Guis de Saint Pol et de Lini, qui tant haieoit lez Englès qu’il n’en pooit nul bien dire, et vist vollentiers, pour soy contrevenger de aucuns contraires et anois qu’il li avoient fais, que li gerre fust renouvellée entre le roy de Franche et le roy Englès, et le conssilloit et enortoit le roy tempre et tart ce qu’il pooit. Et disoit que li royaummes d’Engleterre n’estoit que ungs petis pays ens 321 ou regart dou royaumme de France; car il l’avoit pluisseurs fois chevauciet de chief an qor, et adviset et consideret très bien et ossi toutte leur puissanche, et que, de quatre ou cinq provinsses que il y a ou royaumme de Franche, la meneur est plus rendable et plus grosse de chités, de villes, de castiaux, de chevaliers et d’escuiers que li cors d’Engleterre ne soit, et que mout s’esmervilloit et estoit esmervilliés coumment il pooient avoir eu, de tamps passet, le forche et le concquès qu’il avoient: siques ces parollez et pluisseurs autres dont li rois estoit tutés et consilliés, tant dou dit comte de Saint Pol que de pluisseurs qui point n’amoient les Englès, resvilloient le dit roy de Franche; souvent, une heure y entendoit vollentiers, et une autre heure s’empassoit assés briefment. Fo 152.
P. 85, l. 13: nuit et jour.—Ms. A 8: tous les jours.
P. 86, l. 1: revenus.—Ms. B 6: Et ja estoit revenus (d’Engleterre) le duc de Bourbon et estoit quite de sa foy, et ossy Guis de Blois, par l’acort du roy d’Engleterre. Et ossy estoit le conte Guis de Saint Pol, mais chilz n’avoit point congiet. Mais le pape Urbain Ve l’avoit dispensé de sa foy, pour tant que le dit conte moustroit pluiseurs articles qu’il trouvoit en verité pour luy, en confondant les Englès. Fo 721.
P. 86, l. 3: soutilleté.—Ms. A 8: soubtiveté.
P. 86, l. 4: demener.—Ms. A 8: devisier.
P. 86, l. 9: de.—Le ms. A 8 ajoute: grant.
P. 86, l. 26: condescendre.—Ms. A 8: contendre.
P. 87, l. 3 et 4: vivement.—Ms. A 8: plainement.
§ 602. Edouwars.—Ms. d’Amiens: Se li (au roi de France) disoient li aucun signeur de Franche et li plus especial de son consseil, et li moustroient et declaroient par pluisseurs poins de le chartre de le pais, que li rois d’Engleterre ne li prinches de Galles n’avoient en riens tenu cest article de le pais qui faisoit mention qu’il devoient faire wuidier touttes mannierres de gens d’armes et de Compaignes dou royaumme de Franche, quant il jurèrent, devant la chité de Cartres et depuis à Calais, le pès, mès les y tenoient et envoieoient encorres tous les jours, et guerioient couvertement le royaumme; et avoient pieur guerre assés que donc que il l’euissent toutte ouverte as Englès, car il ne savoient de qui il estoient gueriiet, et si estoient pris, pilliet et robet de tous costés. Dont, sus cel estat, li roys de Franche en 322 avoit envoiiet en Engleterre par pluisseurs fois son consseil, le comte de Tancarville une heure, et puis l’autre, monsigneur Bouchigau, son marescal, et aucuns grans clers en droit avoecq yaux, pour remoustrer au roy englès et à son consseil coumment li cartre de le pais parloit, et que il gardast le sierement qu’il avoit juret. Li roys Edouwars respondoit à chou et disoit que, se li royaummez de France estoit gueriiés, ce ne pooit il amender, mès mout l’empesoit, et que si marescal et chil qui de par lui y avoient estet estaubli, estoient allet, tantost apriès le pais faitte, de ville en ville et de fort en fort, et coummandé à chiaux qui les tenoient, qu’il wuidaissent et partesissent, et que en avant il n’avoient nulle cause de gueriier, car il estoit bonne pais entre lui et le roy de Franche. Dont, se sus ce coummandement il y estoient demouret ou parti et depuis revenu, il ne pooit mies les ennemis dou royaumme de Franche bouter hors ne yaux guerrier, car il estoit assés ensonniiés de garder sa terre et ses frontières et de tenir en pès. Telles ou pareilles estoient les responses que li roys englès faisoit et proposoit au roy de Franche et à son conseil, quant il venoit en Engleterre, lesquelles responsces ne souffissoient mies bien au roy de Franche et à son consseil. Et emparloient souvent, en yaux complaindant des griefs que ces malles gens nommés Compaignes leur faisoient, au roy, li dit signeur, duc, comte, baron et chevalier, pour le cause de leur peuple qui estoit contournez en grant tribulation et misère. Et en avoit li dis roys grant pité et compation, et vollentiers l’ewist plus tost amendé qu’il ne fist, et mis remède; mès il sentoit encorres hostagiiers en Engleterre, pour le redemption dou roy son père, pluisseurs grans signeurs de son royaumme et de son sancq, son frère le ducq de Berri, le duc de Bourbon, le comte d’Alençon, le comte de Halcourt, le comte de Porsiien et pluisseurs autres grans barons. Si lez voloit tout ravoir ou em partie, ainschois qu’il resmeuist le guerre... Fo 152.
§ 603. Entre les aultres.—Ms. d’Amiens: Liquelx roys eult mainte ymagination et maint pourpos, ainschois que il se volsist mettre ne bouter en le querelle des Gascons, qui mout le pressoient que li prinches fust mandés sus lez griefs qu’il volloit faire en leurs terres, et en eut li roys pluisseurs consultations avoecq deus ou trois des plus especials qu’il ewist. Et fist lire par pluisseurs foix à grant loisir les cartres de le pais, et les 323 examina et avisa bien mot à mot, et clause à clause; et y trouva voirement, si comme je fui adonc enfourmés, que il n’avoit mies quittet le resort des terres qui estoient delivrées et rendues au roy d’Engleterre, et pluisseur grant article, dont ses conssaulx proposoit et enfourmoit le roy, que li Englès avoient mal tenu: lesques articles je ne voeil mies encorres declarer, mès em parleray, quant temps et lieux venra, et ossi des deffensces que li roys d’Engleterre mettoit à l’encontre... Fo 151.
A ce donc se tenoit en la langhe d’Ock, et estoit tenus ung grant temps en avant, li dus d’Angho, frères dou roy de Franche, une fois à Thoulouse, puis à Carcasonne, à Biauqaire ou à Montpellier, en très grant arroy et noble, et la duçoise sa femme avoecq lui, fille qui fu à monsigneur Carlon de Blois. Et acroissoit toudis, de jour en jour, li estat dou dit duc en honneur et en prosperité, et tenoit auques le court sannable à l’ostel dou dit prinche, et estoit si plains et si remplis d’or, d’argent et de rices jeuiaux, que c’estoit merveilles à pensser. Et avoit de loncq tamps assamblé et amasset si très grant tresor que sans nombre, dont il en avoit mis une partie ens ou fort castiel de Rokemore, qui siet sus le Rosne et à deux lieuwes d’Avignon. Si vous di que li dus d’Ango ne pooit nullement amer, ne ne fist oncques, les Englès ne lor affaire, mès les haioit de tout son corraige, et mettoit et rendoit grant painne à ce que li guerre renouvellast entre le roy son frère et yaux. Si avoit atrais et atraioit encorres tous les jours touttes mannierres de gens d’armes, especiaulment capittainnes des Compaingnes, pour lui renforchier et afoiblir le prinche et lez Englès. Si avoit ratrait Petit Mescin, Jake de Bray, Perrot de Savoie, Ammenion de Lortighe et pluisseurs autres bons guerieurs, dont il peusse estre bien servis et aidiés, et qui estoient souverain des routtez, et leur dounnoit et proumetoit grans dons et proufis à faire, et leur faisoit tous les jours. D’autre part, li roys de Franche se maintenoit en cas pareil, et avoit ossi retrais deviers lui et fès ses amis de pluisseurs, par dons et par largèces, car il supposoit bien qu’il en aroit à faire.... Fo 152.
En ce tamps, avinrent deux grans joies au roy Carle de Franche. La premierre si fu que madamme la roynne, sa femme, ajut d’un biau fil qui eut à nom Carles: dont tous li royaummes de Franche fu grandement resjoïs. Assés tost apriès, ajut la serour de la ditte roynne de Franche d’un biau fil, madamme Ysabiel de Bourbon, femme au droit signeur de Labreth; et eult à nom 324 cilz filx Carle contre le roy de Franche: che fu la seconde joie dou roy, tant amoit il l’afinité et l’alianche au dessus dit signeur de Labreth. De le nativité le jone Carle de Franche fu li royaummes de chief en cor si resjoïs que on ne le vous poroit dire ne declarer, et s’en rengroissa grandement li corraiges des royaux et ossi de touttes mannierres de gens. Che fu par uns avens, devant Noel, l’an mil trois cens soissante et huit... Fo 153.
§ 604. Tant fu li rois.—Ms. d’Amiens: Touttefois, li roys de France s’aresta adonc sus les poins dou certain article qui touchoit au ressort, et rechupt et tint à bon l’appiel dou signeur de Labreth et de tous les autres signeurs de Gascoingne, et dist qu’il feroit partie avoecq yaux à l’encontre dou prinche, se il ne volloit obeir à raison. Et fist li dis roys fourmer et escripre lettres moult bien dittées et ordounnées et, ainschois qu’elles fuissent seellées, bien examinées. Si furent ces lettres baillies et delivrées à ung chevalier de Biausse, qui se noummoit messire Chaponnet de Chaponval, et à ung autre clerch de droit ossi. Si cevaucièrent tant par leurs journées qu’il entrèrent en Poito, et vinrent en Angouloime où li prinches se tenoit adonc. Si fissent leur messaige bien et deuement au prinche de par le roy de France, et li baillièrent les lettres qu’il apportoient. Fo 151 vo.
§ 606. Quant li princes.—Ms. d’Amiens: Si trestost que li prinches les eult, il les ouvri et les lisi. Si perchupt coumment il estoit mandés et adjournés à estre à Paris à l’encontre dou comte d’Ermignach, dou signeur de Labreth, dou comte de Pierregorth, dou comte de Commingnes, dou viscomte de Quarmaing, dou comte de Laille, dou viscomte de Murendon, dou signeur de la Barde, dou signeur de Taride, dou signeur de Picornet et de pluisseurs autres, qui tout s’estoient boutet en l’apiel. Si fu trop durement esmervilliés et sancmeuchonnés et aïrés sus chiaux qui telles lettres li avoient aportées, et fremi et rougi tout d’aïr, et se tut ungs grans [tamps], regardans les messaiges par grant fellonnie, car, avant les lettres veutes, il ne quidast mies qu’il fust homs au monde qui l’osast courouchier. Et eut, je vous di, en present tamainte dure pensée sus le clercq et le chevalier, que pour yaux faire tranchier les testes tantost et sans delay; mès il se rafrenna, et dist, quant il eut ung grant tamps penssé et busiiet: «Je yray voirement à Paris, mès che sera 325 le bachinet en le teste et soissante mil hommes en me compaingnie.»
Che ne fait mies à demander se li prinches de Galles et d’Acquittainne fu grandement tourblés en couraige et fort courouchiés, quant soi se vei semonre et adjourner ou nom de ses subgés en estraingne court, ilz qui se tenoit et presumoit ungs des grans dou monde et à qui le plus droite gens d’armes et touttes mannierres de gueriieurs obeyssoient. Toutteffois, il respondi adonc enssi comme chy dessus est dit. Lors fissent ses gens partir et yssir de sa cambre et de sa presence le chevalier et le clerc dessus noummet, qui n’estoient mies à leur aise, car nulx ne les accompagna à leur hostel, et sentirent bien qu’il avoient bien durement courouchiet le prinche. Si se fuissent vollentiers tantost parti, mès il leur fu dit que point ne partesissent jusquez à tant que il aroient responsce du prince. Si obeirent et sejournèrent en Angouloime quatre jours, sans point yssir de leur hostel. Au cinqime jour, il leur fu dit qu’il pooient bien partir, se il volloient, car il avoient bien fait leur messaige, et que li prinches n’y responderoit autrement qu’il avoit respondu. Sur chou il se partirent, et prissent leur chemin pour venir viers Toulouse et pour yssir de la princhipauté au plus tost qu’il pewissent, car il n’y estoient mies trop bien asseur. Enssi qu’il chevauchoient tout leur chemin à grant esploit, il furent rencontré et aresté dou senescal d’Aghinois, monsigneur Guillaumme le Monne, et pris et menet em prison à Pennes en Aginois. Ces nouvelles s’espandirent tantost et vinrent en Franche, car li varlet des dessus dit n’eurent nul empeschement, mès cheminèrent tant qu’il se trouvèrent à Paris, et recordèrent à tous ceux qui leur demandèrent de leurs mestres, coumment il leur estoit. Quant li roys de Franche en seut le verité et la responsce dou prinche, il n’en fu mies mains penssieux. Toutteffois, il s’en porta et passa adonc au plus bellement qu’il peut, et n’en fist nul grant samblant... Fos 151 vo et 152.
§ 607. De ceste response.—Ms. d’Amiens: En ce meysme tamps et en celle meysme sepmainne, estoit revenus à Paris messire Guis de Blois qui adonc estoit encorres escuiers, mès il fu fais celle année chevaliers en Prusse et y leva bannierre. Si estoit revenus, si comme dessus est dit, d’Engleterre quittes de se foy, car il avoit esté ostagiiers pour le roy de Franche et sejourné pour ceste cause en Engleterre six ans ou environ. Si regardèrent 326 adonc chil qui dallés lui estoient et qui le gouvrenoient, doy escuier, Hues de Villers et Jehans de Leglisuelle, qu’il perdoit son tamps; si traitièrent par deviers le consseil dou roy englès, sus se delivranche, avoecques le consseil et l’avis d’un sage baron de Franche, monsigneur Carle de Montmorensi, qui se boutta sagement ou traitiet et fist tant qu’il fu delivrez et quittes ossi de sa foy et de sa prison enviers le dit roy englès, parmy deux mil frans qu’il paiia. Et li dis messires Guis de Blois rendi, quitta et ahireta le roy englès de le comté de Soissons qui estoit adonc ses hiretages. En ces traitiés et pourkas à faire, aida grandement et mist pluiseurs painnes et conssaux li sires de Couchi qui tendoit et tiroit à avoir la ditte comté de Soissons, ensi qu’il eut, en escange d’autre terre et revenue dont il estoit assignés sour les coffres dou dit roy englès, de par madamme Ysabiel sa femme, fille au dit roy englès que li jonnes sires de Couchy avoit nouvellement pris par mariaige: ceste est la cause pourquoy il parvint premierement à le comté de Soissons. Or revenons à le matère dou prinche qui estoit adonc en Espaingne. Fo 149.
P. 99, l. 27: selonch che.—Le ms. A 8 ajoute: grandement. Fo 299 vo.
P. 100, l. 5: Guillaumes.—Ms. A 8: Jehan. Fo 300.
P. 100, l. 29: de ce.—Ms. A 8: parmy ce.
P. 100, l. 30 et 31: pareçons.—Ms. A 8: pactions et couvenances.
P. 101, l. 3: l’ostagerie.—Ms. A 8: l’ostage.
P. 101, l. 14: Guillaummes Wikam.—Ms. A 8: messire Guillaume.
P. 101, l. 16: offices.—Le ms. A 8 ajoute: de chancellerie.
P. 101, l. 17: vaghièrent.—Ms. A 8: furent vacans.
P. 101, l. 23: messages.—Ms. A 8: messagiers.
P. 102, l. 3: que amiable à se composition.—Ms. A 8: qu’il lui feust courtois et aimable à sa composicion.
P. 102, l. 4: l’euist.—Ms. A 8: eust le dit eveschié.
P. 102, l. 14: en Engleterre.—Ms. B 6: Se fu le conte daufin d’Auvergne mis à finanche, et paia trente mille frans, et le comte de Poursien dix mille, et tout li aultres hostaigiers des chités et bonnes villes de Franche furent espars parmi Engleterre et tenus en diverses prisons. Fo 727.
§ 608. Vous devés savoir.—Ms. d’Amiens: Vous avés chy 327 dessus bien oy recorder coumment li prinches de Galles fu ajournés à venir en le cambre de parlement à Paris à l’encontre dou comte d’Ermignach, dou seigneur de Labreth, dou comte de Pierregorth, dou comte de Comminges, dou viscomte de Quarmaing et de pluisseurs grans signeurs de Gascoingne, à oïr droit et le declaration de l’apel qu’il avoient fourmé contre lui, sus les griefs qu’il volloit faire en leurs terres. Si sachiés que de cel adjour li prinches fu durement courouchiés et le prist en grant despit, et dist bien que la cose ne demourroit mies enssi. Non obstant ce, toudis procedoit il dou fouaige que il volloit eslever, et li avoient chil de Poito, de Saintonge, de le Rocelle, de Roherge, de Querzin et de Limosin acordet; car il n’en pooient ne n’osoient ad present autre cose faire, tant estoit leurs pays raempli d’Englès, offisciers au prinche, et ossi touttes ces terres dessus noummées sont moult enclinnes et obeissans à celui qu’il tiennent pour leur naturel seigneur, et adonc il y tenoient le prinche et nul autre... Fo 152 vo, col. 1.
Si vous di que adonc avoit ung senescal en Roherge, qui s’appeloit messire Thummas de Welkefare, chevalier englès, et se tenoit li di senescaux à Villenove d’Aghinois. D’autre part, sus le frontière dou pays estoient li viscomtes de Quarmaing, ungs mout appers chevaliers, li sires de la Barde, li sires de Taride et li sires de Picornet. Chil dit signeur et chevalier, qui s’estoient mis et bouteit en l’apiel avoecq les autres, avoient pris en grant despit le prise de monsigneur Caponnet de Caponval et de son compaignon. Si s’avisèrent qu’il feroient embusce sus les gens dou prinche et en atraperoient ossi aucuns. Si seurent par espies que messires Thumas de Welkefare devoit chevauchier deviers Rodais, ensi qu’il fist, à gens d’armes, pour entendre à le forterèche et rafreschir de tout chou que il y besongnoit. Si tost qu’il seurent ces nouvelles, il se queillièrent, et furent bien trois cens lanches, et se missent sus leur embusce par où li chevaliers englès devoit passer. Enssi que monsigneur Thummas de Welkefare et se routte chevauchoient, et pooient estre environ soissante lanches et deux cens archiers, que brighans, ceste embusche leur sailli au devant, les lanches abaissies, en escriant et disant: «Vous n’en yrés mies ensi.» Lors se ferirent ens de plains eslais, et en y eut de premier encontre pluisseurs abatus, d’un lés et d’autre. Là se deffendirent Englès de leur costé au mieux qu’il peurent, et se combatirent vassaument; mès finablement, il ne peurent durer, 328 car li Franchois estoient grant fuisson et tout pourvueu de leur fait. Si furent li Englès desconfis, et à grant meschief se sauva li senescaus de Roherge messires Thummas de Welkefare, et s’en vint par force de bon courssier à Montalben et se bouta ens ou fort, et ses gens furent tous espars, et se sauvèrent chil qui sauver se peurent.
Ces nouvelles vinrent au prinche, qui se tenoit en le cité de Angouloime, et n’estoit mies trop bien hetiés, coumment li sires de Pincornet, li viscomtes de Quarmaing et li sires de la Barde avoient rencontré son senescal de Roherge et desconfit et cachiet jusques à Montalben. Si en fu li prinches durement courouchiés, mès amender ne le peut, tant qu’à ceste fois.
Adonc estoit li dus d’Angho à Thoulouse, mès il se tenoit encorres tous quois, fors tant qu’il traitoit et faisoit traitier toudis as cappittainnes des Compaingnes, que il les pewist avoir à son acort, enssi qu’il en eult pluisseurs, enssi comme vous orés chi apriès. Ossi d’autre part, deviers le prinche estoient revenu messires Thumas de Felleton, messires d’Agohrises, messires Hues de Hastingues, messires Richars Tanton, messires Gaillars Vighier et chil qui avoient estet pris en Espaingne en l’avant garde dou duc de Lancastre, si comme il est chi dessus dit et contenu en l’istoire, et s’estoient ranchounnet et delivret, li ung par mise de deniers, li autre par escange. Ossi, dou costé des Franchois, se delivrèrent de prison et finèrent au mieux qu’ils peurent, messires Ernouls d’Audrehen, messires Jehans de Noefville, li Bèghes de Vellainnes, li Alemans de Saint Venant et li chevalier et escuier de Franche qui avoient estet pris à le bataille de Nasares. Et fu ranchounnés messires Bertrans de Claiequin deviers monsigneur Jehan Camdos, qui estoit ses mestres, à cent mil frans. Bien les paiia li di messires Bertrans en biaux florins tous appareilliez... Fos 152 vo et 153.
Quant li prinches de Galles vit et entendi que c’estoit à certes, que on le guerioit enssi de tous costés et que li Franchois se mettoient en painne de li tollir son pays, si s’avisa quil se deffenderoit, mais il n’estoit mies em point de chevaucher. Si envoia tantost deviers monsigneur Jehan Camdos, qui se tenoit à Saint Sauveur le Viscomte, en lui segnefiant et mandant que il retournast tantost. Quant messires Jehans Camdos oy ces nouvelles, si ne li plaisurent pas trop bien, car trop le deshetoit et anuioit la guerre renouvellée, et sorti et dist tantost que grans maux en 329 venroient. Nonpourquant, il se hasta au plus tost qu’il peult, et s’en vint en Anghouloime deviers le prinche, qui le vit mout vollentiers. Assés tost apriès le revenue de monsigneur Jehan Camdos, fist li prinches ung grant mandement de chevaliers et d’escuiers d’Acquittainne, de chiaux quil tenoit à avoir le comfort. A son mandement vinrent li captaux de Beus, li doy frère de Pumiers, messires Jehans et messires Elies, car messires Aimmenons de Pummiers s’estoit partis et disoit que il s’en yroit outre mer aventurer en estraingnes terres, et que point de celle guerre ne se volloit ensonniier, ne franchois, ne englès. Si y vinrent encorres li sires de Partenay, messires Aimmeris de Tarse, li sires de le Ware, englès, messires James d’Audelée, senescaux de Poitou; et les envoiea li prinches en le marche de Toulouse yaux tenir à Montalben, pour deffendre le pays contre les Franchois qui là se tenoient.
Quant messires Jehans Camdos et li captaux, qui estoient chief et souverain de ceste cevaucie, furent venu à Montalben, et li chevalier dessus noummez, assés tost apriès leur revinrent messires Loeis de Halcourt, messires Rammons de Moroel, messires Loeis de Melval, troy grant baron et de grant affaire; si fissent à Montalben une bonne garnison, et coummenchièrent à chevaucher ou pays thoulouzain et à faire mout de dammaiges. Adonc estoient les terres en grant variement, car un jour estoient franchois et l’autre, englès; ne point de estableté n’y avoit, fors li plus fors tenoit le plache: quant plus fors revenoit, il reconcqueroit chou qui avoit estet concquis.
A ce donc avoit ung senescal en Roherge, bon chevalier durement, qui se noummoit messire Thummas de Wettevale, et tenoit une fortrèche à quatorze lieuwes de Montpellier, que on appelloit la Millau, sus les mettes de Roherge et de Limozin. Si sachiés qu’il se tint en le ditte fortrèche moult vaillamment, si comme vous orés chy apriès, et tout chil qui avoecques lui estoient. Fo 154 vo.
P. 102, l. 18: l’ajour.—Ms. A 8: l’ajournement. Fo 300 vo.
P. 102, l. 23: Compagnes.—Le ms. B 6 ajoute: telz que Naudons de Bagherant, le bourch de Bretuel, le bourch Camus, le bourch de Lespare, Lami, Espiote, Hanequin Franchois, messire Robert Brickés, Cressuelle, messire Robiers Ceni, messire Perducas de Labreth, messire Garsis de Castiel, messire Gaillart Vighier, Bernart de le Salle, Bernart de Wesc, Hortigo et pluisseur aultre. Fo 728.
330 P. 102, l. 26: temprement.—Ms. A 8: brief.
P. 102, l. 27: faire.—Les mss. B 4 et A 7 ajoutent: et les ensonnieroit. Fo 298.—Ms. A 8: et les embesongneroit. Fo 300 vo.
P. 102, l. 28: joiant.—Ms. A 8: joieux.
P. 102, l. 29: d’enfle.—Ms. A 8: d’enfleure.
P. 103, l. 4: ydropisse.—Ms. A 8: ydropisie.
P. 105, l. 7: Montpesier.—Ms. A 8: Montpellier. Fo 301.
§ 609. Li rois de France.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, estoit li roys de Franche en grant branle pour gueriier le roy d’Engleterre, car li roys englès li requeroit fortement qu’il se delivrast de parpaiier le redemption dou roy son père, et que trop y metoit au paiier, ou autrement il li feroit guerre; car, seloncq le teneur de le pais, on devoit avoir tout paiiet dedens trois ans, et encorres y avoit seize cens mil frans de Franche à paiier. Enssi estoient les grongnes de l’un à l’autre: li roys englès courouchiés et dur emfourmez sour le roy de Franche, pour tant qu’il ne se delivroit point de paiier la somme des deniers où tenus il estoit, et qu’il avoit consenti que sez filx li prinches de Galles estoit adjournés de ses soubjès em parlement à Paris, et consenti encorres qu’il li faisoient guerre, et si avoient cil leur retour en Franche et dalés le roy; et li roys Franchois, d’autre part, ossi courouciez et dur enfourmés sour le roy englès, pour tant qu’il soustenoit et comfortoit lez Compaignes, si comme on disoit, et les envoieoit en Franche, et qu’il volloit tenir la duché d’Acquittainne sans resort, qui estoit grandement ou prejudisce dou royaumme et hors de le vollenté de touttes gens residans en celui pays. Si n’en pooit longement estre ne demourer, que guerre ne se remeuist entre ces deux rois, mès li rois de Franche ne le volloit mies recoummenchier, se il ne savoit bien coumment: si s’estoit pourvueus de loing temps, tout bellement et tout sagement, d’avoir atrais et acquis à lui tous ses voisins, le duc Aubert, bail de Haynnau, et les signeurs de celui pays, ossi le duc de Braibant et les signeurs de celle terre, le comte de Clèves, l’evesque de Liège, l’evesque de Miés, l’evesque de Verdun, le duc de Loerainne, le duc de Bar, le comte de Montbliar, le comte de Genève, le comte de Savoie et touttes ses gens, le signeur de Roussellon et les gentils hommes de la duché de Prouvenche et de la comté de Venisin, ossi le comte de Fois et touttes ses gens, le roy 331 d’Arragon et touttes ses gens, et tous les marcissans environneement autour de son royaumme. Et sentoit encorres bien que pluisseurs signeurs, comte, baron, chevalier et escuier de la duché d’Acquittaine, se retouroient deviers lui, se la guerre estoit renouvellée, et mout de villes, de chités et de castiaux de la ditte duché, qui point n’amoient les Englez. Et par especial, il avoit tous les coers des gentils hommes de Bretaingne, qui moult li pooient valloir, car il savoient bien que li dus de Bretaigne estoit plus englès que franchois; mès, là où ses pays vorroit estre pour lui, dou corps ne de le haynne dou dit ducq ne faisoit il mies grant compte. Avoecq touttes ces coses, li rois Carles s’estoit trop fort arestés à savoir se cil de Pontieu vorroient estre de son acort; il trouva que oil moult vollentiers, car il ne pooient ainmer les Englès. Che plaisy grandement au roy de Franche et traita enviers chiaux de Abbeville tout secretement et bellement, et leur proummist et jura, là où il se vorroient rendre deviers lui, que jammais ne les metteroit hors dou demainne dou royaumme, et les tenroit en plus grant francise et liberté que chiaux de Paris. Enssi se composèrent ces besoingnes... Fo 153.
Or avint que li princes, pour mieux venir à sen entension, par le consseil de l’evesque de Bade, envoiea grans messages deviers le pappe Urbain qui adonc tenoit son siège à Romme, telx que son marescal d’Acquittainne monsigneur Guichart d’Angle, monsigneur Jehan Isoret son fil, monsigneur Guillaumme de Seris et maistre Jehan Briffaut, un advocat de le Rocelle, pour impetrer cel fouage sus le clergiet et pour pluisseurs autres besoingnes. Si lairons à parler des dis messagiers qui fissent leur voiaige et esploitièrent d’aucunes coses, et non pas de touttes, deviers le pappe, si comme je leur oy recorder, car je me parti de Romme avoecq yaux et rappassay les mons en leur compaignie, et parlerons de cel apiel des barons de Gascoingne, et coumment il s’eslevèrent et parseverèrent contre le prinche... Fo 152 vo.
En ce tamps, revenoit de Romme li marescaux d’Acquittainne messires Guichars d’Angle, qui y estoit allés pour les besoingnes dou prinche. Si entendi, entroes qu’il estoit en Savoie sur son retour, que la guerre estoit renouvellée entre les deux roys. Si se doubta que il ne fust pris ou espiiés, et se parti secretement de ses gens et se mist en abit et estat d’un povre cappelain et laissa tout son arroy. Si rapassa parmi Auvergne messires Guichars, enssi que je vous di, et parmi Limozin, et entra en Poito. 332 Et messires Guillaummes de Seris, uns chevaliers de Poito, qui estoit en se compaignie, ne s’osa aventurer enssi que li dis messires Guichars fist, mès s’en vint à l’abbeie de Clugny et se mist en sainte terre, et se tint là plus de cinq ans. Fo 154.
P. 107, l. 21: breton.—Le ms. B 6 ajoute: et en eult cent frans. Fo 726.
§ 610. Tant esploita.—Ms. d’Amiens: Et avint que li comtes de Tamcarville et messires Guillaumes de Dormans estoient allé en Engleterre, de par le roy de Franche, pour parler au roy englès sus l’estat dou ressort que li roys franchois volloit callengier et maintenir que point ne l’avoit quitté, mès par le teneur de la cartre de le pais tenu et reservé. Entroes que li dessus dit estoient en Engleterre, li rois de Franche fist escripre unes lettres de deffianches au roy englès, et les fist baillier à ung varlet breton de son hostel, et li fist dire que il portast en Engleterre ces lettres au roy englès, mès il fesist retourner, ainschois qu’il les mesist avant, le comte de Tamkarville et monsigneur Guillaumme de Dormans, et que, au retour, il aroit cent frans tous appareilliés. Li varlez, pour le convoitise dou gaegnier, emprist volentiers le voiaige à faire, et dist qu’il le feroit bien et sagement. Si se parti de Paris et se mist à voie, et esploita tant qu’il vint à Bouloingne, et passa là le mer et ariva à Douvres, et là trouva il le comte de Tamkarville et monsigneur Guillaumme de Dormans, asquelx il dist une partie de sen entente, et sur quel estat il alloit au roy englès. Si trestost que li dessus dit l’entendirent, il hastèrent leur passaige et vinrent à Bouloingne, et li varlés chevaucha vers Londres et fist tant que il y vint.
Adonc estoit li roys englès à Wesmoustier dehors Londres, et là avoit ung moult grant parlement de chiaux de son pays pour avoir consseil sour aucunnes requestes que li rois de Franche avoit faittes par les dessus dis, le comte de Tancarville et monsigneur Guillaumme des Dormans, et ossi sus l’estat de la duché d’Acquittainne; car moult desplaisoit au roy englès que ses filz li prinches s’esmouvoit ne herioit ses gens en Acquittainne; et estoit bien sen entente que il y pourveroit temprement de remède, car il ne volloit mies estre en le malevolense de ses subgès, et n’estoit pas cose bien appertenans.
Enssi que cils parlemens estoit assamblés et que li roys et si doy fil, li dus de Lancastre et li comtes de Cantbruge, et tout 333 prelat, baron et chevalier estoient mis enssamble pour parlementer et conssillier pluisseurs coses, li varlés, qui les deffiances portoit, vint à l’uis de le cambre et appella l’uissier, et dist qu’il estoit messagiers au roy de France. Li wuissiers, pour le reverenche de celui dont il se noumma, li dist: «Entrés ens, et vous tenés dallés moy, et je regarderay coumment vous parlerés au roy.» Il entra ens et se tint dallez l’uissier. Assés tost apriès, entra en le cambre li sires de Perssi, à qui li Englès dist: «Monsigneur, se il vous plaist et il vous viegne à point, si avanchés ce varlet, qui est, si comme il dist, au roy de Franche et aporte lettrez au roy.» Li sires de Perssi respondi: «Mout vollentiers.» Il passa avant et enclina le roy et ses enfans, et puis tous les signeurs. Assés tost apriès, il dist que là estoit ung messaiges de par le roy de Franche, qui apportoit lettres. Si tost que li rois englès oy ce, pour le grant desir qu’il eut de savoir de quoy les lettres parloient, il dist: «Faittes le avant venir.» On le fist venir. Il s’agenouilla et bailla ses lettres. Li roys les prist et les ouvri, et puis les fist lire. Si faisoient mention plainnement coumment li roys de Franche le deffioit. De ces nouvelles furent li signeur d’Engleterre tout esmervilliet, et regardèrent li ung l’autre sans point parler. Si fu li varlés enquis de rechief, et examinés à savoir qui ces lettres li avoit baillies. Il respondi: «li roys de France.» Adonc le fist on partir de la cambre, et qu’il se tenist au dehors tant qu’il aroit responsce. Il fist ce que on li dist. Lors demanda li roys englès consseil sour ce que vous avez oy. On li consseilla que tantost et sans delay il envoiiast à Callais, à Ghinnes, à Ardre, et par especial à Abbeville et en le comté de Pontieu, car elle estoit en grant peril d’estre perdue; et ossi tous les ostagiers de Franche, qui estoient pour le tamps en Engleterre, tant baron et chevalier que bourgois des bonnes villes, on les envoiiast en divers lieus en Engleterre, et fuissent là tenu tout court em prison. Que vous feroie je loing compte? Chils parlemens finna ensi, et fu respondut à celui qui les lettres de deffianches avoit apportées, que il pooit bien partir quant il volloit, et que à ses lettres ne couvenoit nulle responsce. Il se parti et s’en revint en Franche, sans avoir nul griefs dou corps. Or vous diray de l’ordounnanche dou roy de Franche.... Fo 153 vo.
Sitost que on peut savoir ne presummer certainnement que li roys englès fu deffiiés, et que li comtes de Tamcarville et messires Guillaummes des Dormans furent revenu à Bouloingne et eurent 334 dit les nouvelles dou varlet qui les deffianches portoit, li comtes Guis de Saint Pol, qui estoit tous pourvueus de grans gens d’armes, chevaucha tout couvertement à grant esploit deviers Abbeville. Si trouva le porte toutte ouverte et les gens de le ville tout appareilliés pour lui recepvoir. Si entra li dis comtes de Saint Pol dedens Abbeville baudement à plus de cinq cens armures de fier, et se saisi de le ville et dou marchiet, et prist ad ce jour messire Nichole de Louvaing, qui estoit senescaus de Pontieu de par le roy englès, et le tresorier dou pays, qui estoit englès, et tous les Englès qui y estoient à ce jour, et les mist em prison. Et puis chevauchièrent à Saint Wallery, et le saisirent et du castiel ossi, et puis de Noyelle et dou Crotoi, et puis de Lonch en Pontieu. Apriès, chevaucha li comtes de Saint Pol deviers le Pont de Remy; car il entendi que là avoit bien deux cens Englès qui s’y estoient retret et s’i tenoient sus le comfort de le fortrèche. Si vint là li dis comtes de Saint Pol et monsigneur Moriaux de Fiennes, connestables adonc de Franche, avoecq lui, et messires Hues de Castellon, li sires de Saintpi, li sires de Bremeu, li sires de Loncvillers, li sires de Bassentin, li sires d’Aveluis, messires Oudars de Renti, li sires de Reli, messires Engherans du Edins et pluisseurs autres chevaliers et escuiers, et estoient bien six cens combatans. Si vinrent droit au Pont de Remy. Là trouvèrent il les Englès tous aprestés pour yaux attendre et deffendre le passage. Adonc coummencha là li hustins mout durs et mout fors, et fist là li comtes de Saint Pol son fil chevalier, monsigneur Wallerant, qui estoit en l’eage adonc de quinze ans ou environ. Là eut une escarmuche grande et forte, et maint homme blechié d’un lés et de l’autre. Finablement, li Englès furent desconfi, et li Pons Remy, sus le rivière de Somme, pris et gaegniés, et tout li Englès mort ou pris, petit s’en sauvèrent. Que vous feroie je loinc recort? Tous li pays de Pontieu fu delivrés des Englès, et les villes et les fortrèches mises et rendues au comte de Saint Pol, qui y estoit establi de par le roy de Franche. Si trouvèrent les Franchois le ville d’Abbeville en bon estat, et bien rappareillie et fortefiiée, car li rois englès y avoit toudis fait ouvrer; et li avoit li comtés de Pontieu cousté cent mil florins, dessus touttes revenues, à remparer les villes et les castiaux qui y sont, car il le tenoit pour son bon hiretaige.
Avoecques les deffiances et les nouvelles dessus dittes qui vinrent au roy englès et à ses gens, cestes de le perte de Pontieu leur furent 335 mout diverses. Et se coummenchièrent moult à doubter, et estoient li pluisseur parmy Engleterre enssi que tout foursené sus les Franchois, qui pour ostaiges demouroient entre yaux; mès li roys fist faire un ban, et sus le hart, que nuls ne fesist mal as Franchois, qui là estoient: autrement il n’ewissent nient duret. Si se ranchounnèrent li baron de Franche au plus tost qu’il peurent et trouvèrent le roy englez assés courtois, et rappassèrent le mer; et ossi les bonnes villes et les chités de Franche rachatèrent leurs bourgois. Fo 154.
P. 109, l. 31: Evous.—Ms. A 8: Et vont. Fo 302.
P. 110, l. 1: donna.—Ms. A 8: donnèrent.
P. 111, l. 4: nequedent.—Ms. A 8: neanmoins.
P. 111, l. 12: quatre cens.—Mss. A 7, 8: trois cens. Fo 297.
P. 111, l. 26: six cens.—Mss. A 7, 8: six vingt.
P. 112, l. 14: Pont de Remi.—Ms. A 8: Pont de Saint Remy.
P. 112, l. 17: Gallerans.—Ms. B 6: Wallerant de Ligny, aysné filz audit conte. Fo 730.
§ 611. Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Sitos que li dus d’Ango peut connoistre et sentir que li rois englès estoit deffiiés, si en fu moult joieaus, et dist que il feroit au prinche et à ses gens une très forte guerre; car point ne lez amoit. Si avoit ja de son acord pluisseurs chevaliers et escuiers de Gascoingne, et ossi bons cappitainnes des Compaignes. D’autre part, se tenoit à Rion en Auvergne li dus de Berri, qui metoit sus grant gens d’armes, telx que le signeur de Biaugeu, le signeur de Perreus, son nepveult, monsigneur Joffroi de Bouloingne et monsigneur Griffon de Montagut, monsigneur Robert Daufin, monsigneur Huge Daufin, le signeur de Calenchon, le signeur de la Tour, monsigneur Jehan de Bouloingne, le comte de Ventadour et de Montpensé, le signeur de Sulli, le signeur d’Achier, le signeur d’Achon, le signeur de Gonsaut, Ambaut dou Plachier et tamaint chevalier et escuier d’Auviergne et des marches voisinnes. Si entrèrent ces gens d’armes en le duché d’Acquittainne, et coummenchièrent à prendre, à pillier et à rober, et à chevaucher sour le pays dou prinche et à faire mout de maux. D’autre part, couroient ossi et chevauchoient en Roherge messires Jehans d’Ermignach, messires Jehans de Villemur, Rogiers de Biaufort, li sires de Rocefort, li 336 sires de Seregnach, et mettaient le pays en grant misère de Roherge et de Limozin. Fo 154 vo.
P. 113, l. 14: remparer.—Mss. A 7, 8: reparer. Fo 303.
P. 113, l. 15: deseure.—Ms. A 8: pardessus.
P. 114, l. 7: l’archeveskié.—Ms. A 8: l’eveschié. Fo 303 vo.
P. 114, l. 23: Keranloet.—Mss. B 1 et B 4: Karuel.—Ms. A 8: Carnet.—Ms. A 7: Kaerenloet. Fo 197 vo.
§ 612. Li dus de Lancastre.—Ms. d’Amiens: Vous avés bien chy dessus oy recorder coumment les Compaignes avoient estet en Franche, et ivernet et ostoiiet, siques, sitost que li Gascon entendirent que li roys de Franche vorroit gueriier, il se partirent des Englès. Si estoit li plus grans chiés de ces Compaignes gascons messires Perducas de Labreth, et des Compaignes englesses, messires Robers Bricqués et Jehans Carsuelle. Si se traissent li Gascon deviers le ducq d’Ango, et estoient de leur routte li Petis Meschins, li bours de Bretoeil, Ammenion de Lortige, Perrot de Savoie, Jakes de Bray, Ernauton de Paus et pluisseur aultre, et estoient bien troi mil combatans. Li Englès qui s’estoient descompaigniet d’iaus, pooient estre environ quinze cens combatans, et s’estoient retret deviers Normendie et par deviers les Mans, et avoient pris Castiel Ghontier et une bonne ville que on appelle le Vire, et pluisseurs autres fortrèches, dont il guerioient et destruisoient tout le pays et y faisoient moult de maux. Dont il avint que li prinches les remanda et leur fist asavoir que il vendesissent leur forterèce et se retraissent deviers lui. Si trestost que il oïrent ces nouvelles, il furent tout joieant et eurent grant desir de obeir au coummandement du prinche. Si se delivrèrent de tout ce qu’il tenoient, au plus bellement qu’il peurent, et se requeillièrent enssamble pour passer plus efforchiement. En ce tamps que ces routtes yssoient hors de Normendie, il avoient à ciaux du pays vendu Castiel Ghontier et le Vire et tout chou que il y tenoient.
Et arivèrent au port de Saint Malo de l’Ille messires Aimmons, comtes de Cantbruge, et li comtes de Pennebrucq et li sires de Carbestonne, ungs banerés englès, à quatre cens hommes d’armes et quatre cens archiers; et les envoieoit li roys englès en la duché d’Acquittainne deviers le prinche, pour lui aidier à faire sa gerre. Si oïrent nouvelles assés tost li uns de l’autre, dont il furent moult joieant; car il dissent qu’il passeroient tout enssamble, 337 si comme il fissent. Et envoiièrent tantost li doy comte dessus noummet deviers le ducq de Bretaingne, qui se tenoit à Nantes, et deviers le consseil dou pays, em priant que on les volsist laissier passer paisiulement parmy Bretaigne, bien paiiant tout ce que il y prenderoient. Li messagier que li dit seigneur y envoiièrent, esploitièrent si bien, que li passaiges leur fu ouvers et acordés par l’acord dou duch, qui ne le fist mies envis, et de tous les barons dou pays, et passèrent paisiulement parmy Bretaigne et au pont à Nantes. Et rechupt les seigneurs li dis dus moult grandement, et les festia par deux jours en le chité de Nantes; et puis s’em partirent et chevauchièrent et esploitièrent tant que il entrèrent en Poito et vinrent en Anghouloime deviers le prinche, qui les rechupt à grant joie, et ossi fist madamme la princesse.
En ce tamps, estoit messires Hues de Cavrelée sus le marche d’Arragon, à une routte de gens d’armes, de quoy, sitost que il entendi que li Franchois guerioient le prinche, il se parti et s’en vint en Angouloime deviers lui, et amena ce qu’il avoit de gens. Se le rechupt li prinches à grant joie, et le fist tantost cappittainne et souverain de touttes les Compaingnes, qui estoient nouvellement venues de Normendie. Si le envoiea li dis prinches, et toutes ces gens d’armes, en le terre le comte d’Ermignach et le seigneur de Labreth, pour ardoir et destruire leur pays et faire y guerre, car chil li estoient grant ennemit. Fo 155.
P. 115, l. 21: d’Ortige.—Ms. A 8: d’Ortinge. Fo 303 vo.
P. 115, l. 21: Perros.—Ms. A 8: Pierre.
P. 115, l. 21: Jakes.—Ms. A 8: Raoul.
P. 115, l. 28: Rochewart.—Ms. A 8: Rochechouart.
P. 116, l. 6: d’arciers.—Ms. A 8: d’arbalestriers.—Ms. B 6: et plus de trois mille combatans. Fo 730.
P. 116, l. 15: li dus de Bretagne.—Les mss. B 4 et A 7, 8 ajoutent: messires Jehans de Montfort. Fo 301 vo.
P. 116, l. 19: Lagnigay.—Ms. A 8: Lagingay.
P. 117, l. 1: rihote.—Ms. A 8: riote.
P. 117, l. 31: deux mil.—Ms. B 6: bien mille. Fo 731.
§ 613. Li contes de Cantbruge.—Ms. d’Amiens: Encorres envoiea li prinches son frère monsigneur Aimenon et le jone comte de Pennebrucq, à tout grant fuisson de gens d’armes, en le comté de Pieregorth. Si chevauchièrent chil seigneur en grant routte, et estoient bien troi mil combatans, uns c’autres, et entrèrent 338 en grant effort en le comté dessus dite et vinrent mettre le siège devant ung très fort castel que on claimme Bourdille. Si l’environnèrent tout autour. Par dedens estoient en garnison li doy enfant de Batefol, hardi homme durement et bons guerieurs, frères bastars à monsigneur Seghin de Batefol, dont j’ay parlé chy en avant en l’istoire.
Si estoient li doy escuier pourvueu mout bien dedens Bourdille de toutte artillerie, d’espringalles, de kanons et d’ars à tours, et de bons compaignons hardis et sceurs, pour le deffendre et tenir, et si avoient assés par raison de quoy vivre. Si vous di que devant Bourdille eut tamaint assaut, mainte eskarmuce et maint puignies, et priesque tous les jours. Fo 155.
P. 118, l. 25 et 26: environ quatre jours.—Ms. A 8: trois jours. Fo 304 vo.
P. 118, l. 27: d’aler en le Gascongne.—Ms. A 8: de partir d’Angoulesme.
P. 119, l. 8: exillier.—Ms. A 8: assaillir.
§ 614. En le garnison.—Ms. d’Amiens: Enssi estoient les guerres efforchies de tous costés ens ou royaumme de Franche, car messires Jehans de Buel, uns très bons chevaliers bourghignons, et messires Guillaummes des Bordes et Caruels estoient sour les marches de Poito, à plus de quinze cens combatans, et faisoient là une moult forte guerre environ Chastieleraut, qui se tenoit de monsigneur Loeis de Halcourt, et coururent mout du plain pays de Poito à l’encontre d’yaux. Ossi de par le prinche estoit uns bons chevaliers englès et grans cappitainnes de gens d’armes, messires Simons de Burlé, qui deffendoit et gardoit le pays ce qu’il pooit, et chevauchoit à le fois sus les Franchois, et li Franchois sour lui, et avoient souvent des durs rencontres: à le fois gaegnoient li ung, et puis li autre. Dont il avint que messires Jehans de Buel et messires Guillaumes des Bordes et Caruels, Bretons, et leurs routtes chevauchoient un jour; si trouvèrent, entre Mirabel et Luzegnan, monsigneur Simon de Burlé et ses compaignons. Là eut dur hustin et fort et bien combatu, et pluisseurs reverssés d’un lés et de l’autre. Toutteffois, li Franchois s’efforchièrent si, et si vaillamment se combatirent, que par force il reculèrent les Englez et missent en cache. Et couvint messire Simon fuir, et fu si dur et si roit encauchiet que, au destroit d’un passage d’une desroute cauchie qui là estoit, il fu ratains, et trebuça 339 ses courssiers, et chei. Si fu tantost environnés de touttes pars, assaillis fierement et requis que il se volsist rendre, ou autrement il estoit mors. Quant messires Simons se vi à terre et en ce parti à tel meschief, et que deffensce n’i valloit riens, si se rendi et fiancha prison à monsigneur Jehan de Buel. Si retournèrent li Franchois à grant joie, qui eurent le journée devant yaux, et ramenèrent leurs prisonniers à sauveté. De le prise monsigneur Simon de Burlé fust li prinches courouchiés, mès amender ne le peut tant c’à ceste fois. Fo 155.
P. 119, l. 27: hardi.—Le ms. A 8 ajoute: entreprenans. Fo 304 vo.
P. 119, l. 28: amiroient.—Ms. B 4: cremoient. Fo 302.—Ms. A 8: amoient.
P. 120, l. 8: Carenloet.—Mss. B 4 et A 8: Charnet, Carnet.—Ms. A 7: Jehan Kaeranloet. Fo 299.
P. 121, l. 6: sept cens combatans.—Ms. B 6: quinze cens lanches. Fo 732.
P. 121, l. 13: li aucun.—Ms. A 8: les Anglois.
P. 121, l. 17: puignie.—Ms. A 8: poingniée.
P. 121, l. 21: sievois.—Ms. A 8: poursuis.
P. 121, l. 30: moult.—Le ms. A 8 ajoute: il prisoit et. Fo 305.
§ 615. Apriès ceste avenue.—Ms. d’Amiens: Vous avés bien chy dessus oy compter coumment messires Jehans Camdos se tenoit à Montalben, et messires Loeys de Halcourt, messire Loeys de Melval, monsigneur Rainmon de Maruel, li sires de Pierebufière, li sires de le Ware, li captaux de Beus, li sires de Lespare, li soudis de Lestrade, messires Thummas de Felleton et li doy frère de Pummiers et pluisseur bon chevalier et escuier, et gardoient le frontière contre les Franchois. Si faisoient souvent des yssues et des chevauchies d’un lés et de l’autre, et ne demandoient autre cose que il pewissent trouver leurs ennemis. Si partirent un jour de Montalben en grant arroy et chevauchièrent deviers Toulouse, et vinrent mettre le siège devant un fort castiel, que on appelle Terrières. Si l’environnèrent de tous costés, et puis ordounnèrent et coummandèrent as mineurs qui là estoient, qu’il s’aprestassent et se missent em painne et en pourcach de l’avoir par mine. Li mineur, qui sont coustummiers et usés de chou faire, eurent tantost adviset là où il coummencheroient leur minne. Si abillièrent 340 leurs instrumens et minèrent vistement et fortement, et fissent grans petruis par desoubs lez murs. Avoec tout ce, quant li chevalier sentirent que leur ouvrier estoient au dessus de leur ouvraige, il se missent à assaillir chiaux de dedens. Là eut grant assaut fort et bien ordounné, mès finablement chil qui estoient en le mine, entrèrent par desoubz terre en le villine; et ensommèrent tellement les deffendans, qu’il les reboutèrent arrière des murs, et perdirent tout arroy et ordounnanche de deffendre, et entrèrent ens li assallans par force. Si fu la ville de Terrières prise et gaegnie, toutte pillée et robée, et y eut moult de gens ochis. Quant li Englès en eurent fait leur vollenté, il s’en partirent et s’en revinrent arrière à Montalben.
Assés tost apriès, fissent il une autre chevauchie, et avoient espiiet et adviset le bonne ville c’on dist Laval, à trois lieuwes près de Toulouse. Si avoient laissiet une grosse embusque en un bois, environ demy lieuwe enssus de le ville, et yaux six vingt armés couvertement et en cotes de vilains, et en venoient tout devant, et fuissent sans faute entré en le ville; mais il furent descheu par l’un de leurs compaignons, de qui la coute de fier passoit et appairoit dessous sa coute de villain; et le perchupt un varlez dou pais, qui venoit piet à piet avoecq yaux, siques, quant il durent approchier la porte, il se mist au cours tout devant, et dist as gardes de le porte: «Cloés, cloés, seigneurs! Traï! traï! Veci les Englès.» Si cloirent chil tantost le porte et sounnèrent leur cloche et se missent as murs et as deffensces de la ville. Par enssi fallirent li Englès à leur emprise, dont il furent moult courouchiet, et retournèrent arrierre à Montalben, dont il s’estoient parti.
En ce tamps, chevauchoient adonc, dou costé des Franchois, li viscomtes de Quarmaing, li comtes de Comignes, li comtes de Laille, li comtes de Pieregorth, li comtes de Murendon, li comtes de Talar, li viscomtes de Brunikiel, les gens le seigneur de Labreth, et le comte d’Ermignach, li sires de la Barde, li sires de Tharide, li sires de Picornet, et les Compaingnes: messires Perducas de Labreth, messires Berardet de Labret, messires Garcis dou Castiel, le Petit Mescin, Janikot, d’Orteine, Lamit, le bourch de Tarse, le bourch de Bretuel, et vous di que à ce donc il tenoient les camps. Si entrèrent en Quersin, gastant et essillant le pays, et s’en vinrent devant Roiauville en Quersin; si l’asegièrent. Par dedens avoit aucuns bons escuiers englès et archiers, que li senescaux 341 de Quersin y avoit estaublis, qui jammès ne se fuissent rendu, quoyque les Englès de le ville en fuissent bien en vollenté, mais dissent qu’il se tenroient bien et vaillamment. Quant li Franchois furent venu devant Royauville, si l’asegièrent de tous lés et dissent bien qu’il ne se partiroient mies enssi. Si assaillirent chiaux de dedens fortement, et fissent drechier grans engiens devant le ville, qu’il faisoient acariier avoecq yaux, qui estoient de la chité de Thoulouse. Là eut, je vous di, par pluisseurs jours, moult de grans assaus et de belles appertisses d’armes faittes. Touttefois finablement, à un grant assaut qui fu entre les autres, li Franchois assaillirent si ouniement et si bien continuèrent que de forche ils prissent Royauville. Et furent tous li Englès qui dedens estoient mort et ochis, sans nul prendre à merci. Et fissent jurer as hommes de le ville que, de ce jour en avant, il seroient bons franchois et loyal, et le jurèrent et eurent en couvent; et furent tout joiant, quant par enssi il peurent escaper. Fo 155.
P. 122, l. 7: Montalben.—Le ms. B 6 ajoute: et estoient bien douze cens lanches et trois mille combatans, parmy les archiers. Fo 732.
P. 122, l. 29: desous.—Ms. A 8: couvertement. Fo 305 vo.
P. 122, l. 31 et 32: aultrement.... Montalben.—Ms. A 8: lequel descouvri la besoingne, et par ce ilz fallirent à avoir la ville et à leur entente, et s’en retornèrent arrière à Montalben.
P. 123, l. 8: d’Ortige.—Ms. A 8: d’Ortinge.
P. 123, l. 9: Paus.—Ms. A 8: Pans.
P. 123, l. 10: dix mil.—Ms. B 6: plus de douze mille. Fo 734.
P. 123, l. 22: peuissent.—Ms. A 8: eussent peu.
§ 616. Endementrues.—Ms. d’Amiens: Entroes que ces gens d’armes se tenoient sour le pays et chevauchoient tant d’un lés comme de l’autre, se parti de Thoulouse li arcevesques de la ditte chité, par le promovement dou duc d’Ango qui là se tenoit. Et s’en vint en le chité de Chaours, dont ses frerres estoit evesques, qui le rechupt liement. Chils arcevesques de Thoulouse preecha la querelle dou roy de Franche si bellement et si sagement, et si volentiers l’oïrent chil de Chaours, que briefment il se tournèrent et relenquirent le prinche et les Englès, et jurèrent solempnelment à estre bons françois et loyal. Apriès, chevaucha li dis arcevesques vers Villefranche de Quersin, et preecha, en la ditte ville, la querelle 342 dou dit roy de Franche: si se tourna ossi la ditte ville et devint franchoise. Et puis chevaucha vers Rodès, et le fist tourner, et Figach, Gramach, Rocemadour et Capdonach. Et fist li arcevesques de Toulouse retourner franchoises plus de soissante villes, cités et castiaux, parmy le comfort de monsigneur Jehan d’Ermignach, de monsigneur Jehan de Villemur, de Rogier de Biaufort, dou signeur de Seregnac, qui chevauchoient et tenoient sour le pays grant routte. Enssi estoient ces terres que je vous nomme, en grans variemens; ne meysmement les chités, les villes ne li castiel ne savoient que faire pour le milleur, ne li plus des gens dou pays ne savoient liquel avoient droit ou tort: si estoient tout en grant branlle et vivoient en grant tribulation.... Fo 155.
Or revenrons au roy d’Engleterre, qui fu durement courouchiés des nouvelles qu’il avoit oyes et de celles encorres que il ooit tous les jours, de che que on li tolloit et prendoit enssi le pays qui se tenoit pour sien. Si envoiia tantost grans gens d’armes à Callais, à Ghinnes et à Ardre, pour deffendre et garder les frontierres contre les Franchois; car li comtes de Saint Pol, qui li estoit mout grans ennemis, se tenoit à Saint Omer à plus de mil combatans, et couroient li Franchois tous les jours jusques à Ardre. Et si envoiea encorres li dis roys englès grant fuisson de gens d’armes sus les mettes d’Escoche, à Bervich et à Rosebourch; car il se doubtoit que li Escos ne se revellassent contre li et sus son pays, et que li rois d’Escoce n’ewist fait nouvelles alianches au roy de Franche.
Encorres envoiea grans messaiges li roys englès deviers son nepveut monsigneur Edouwart de Guerlle, en lui remoustrant, et complaindoit des tors que li rois de Franche li faisoit, et que, par linaige et pour droit aider à soustenir, il ne li vosist mies fallir. Messires Edouwars de Guerlles et li dus de Jullers, ses serourges, eurent en couvent au roy englès que il le serviroient et aideroient à mil lanches contre le roy de Franche et les Franchois, et deffiièrent cil doy seigneur tost et appertement le roy de Franche. Quant li rois de Franche s’en vit deffiiés, il trouva voies et pourcach pour yaux guerriier et ensonniier dou duc de Braibant, son oncle, et dou comte de Clèves et de aucuns seigneurs d’Alemaigne qu’il atraist à son acord.
Encorres envoiea grans messaiges li roys englès deviers sa cousinne madamme Jehanne, duçoise de Braibant, en lui complaindant 343 des tors et des injures que li roys de Franche li faisoit. Et prioit li roys à sa cousinne, à tout le mains, se elle ne ses pays ne volloient estre de son acord ne tenir lez allianches de jadis, que li dus de Braibant, ses cousins et pères à le dite damme, et li pays de Braibant avoient juret et saiellet, elle ne fust mies ennemie ne contraire à lui. Li chevalier qui envoiiet y estoient, messires Richars Sturi et messires Thummas Rock, de par le roy englès, esploitièrent si bien que la duçoise de Braibant eut en convent que elle ne ses pays ne se mouveroit de ceste guerre. Et enssi eut li dus Aubers, car grans messaiges li furent envoiiet.
Encorres escripsi fiablement li roys englès et manda à ce jentil chevalier monsigneur Robert de Namur, que il fuist tous appareilliés de venir deviers lui, quant il seroit mandés, et qu’il retenist chevaliers et escuiers de tous lés, car il les paieroit et deliveroit thous. Ces nouvelles pleurent moult bien à monsigneur Robert de Namur, et festia et requeilli liement lez messaiges dou roy englès, et leur dist que il estoit tous prês, quant li rois le vorroit mander, et deux cens ou trois cens armures de fer en se compaignie. Ensi se pourveoient li doy roy de gens d’armes, li uns d’un costé et li autre d’autre, et prioient et requeroient leurs amis partout où il les penssoient à avoir... Fo 154.
Se li roys Carles de Franche faisoit grant appareil par terre et par mer pour gueriier le roy d’Engleterre, li roys englès otant bien se pourveoit à l’autre lés, et fist tant que ses nepveux messires Edouwars de Guerle, qui avoit à espeuse l’aisnée fille à monsigneur le duc Aubert, deffia le roy de Franche et proummist à son oncle le dit roy et ses cousins, ses enfans, que il feroit une très grande guerre et forte en Franche; et avoit de son acort son serourge le duc de Jullers, et devoient y estre tout doy de une alianche et d’une yssue, et devoient mettre sus mil lanches de droite gens d’armes, bien montés et bien armés.
Encorres escripsi li roys englès et envoiea grans messaiges deviers ce gentil chevalier monsigneur Robert de Namur, en lui priant et amonestant que il se pourveyst grandement, seloncq son estat, de chevaliers et d’escuiers et de gens d’armes. Messires Robers respondi qu’il estoit tous prês, quant il plairoit au roy ou à son fil le duc de Lancastre qu’il trayst avant.
Entroes que ces besoingnes s’ordounnoient et que cil roy se pourveoient enssi par terre et par mer, et que chacuns acqueroit amis là où il les pooit ne penssoit à avoir, se avisa encorres li 344 dis roys de Franche que il envoieroit as barons de l’Empire, especialement en la duché de Braibant et en le comté de Flandres et de Haynnau, de Hollandes et de Zellandes, la certainne teneur de le chartre de le pais qui jadis fu faitte et acordée à Bretegny, priès de Cartres, pour mieus emfourmer les seigneurs en quoy li roys d’Engleterre, par son seellé, et si emfant, estoient obligiet et aloiiet. Si le fist coppiier em pluisseurs coppies, et en envoiea au ducq de Braibant, son oncle, au ducq Aubert, son cousin, au comte de Clèves, à messire Jehans de Blois, et enssi as barons et as conssaux des seigneurs, laquelle chartre de le paix parloit enssi: «Edouwars, etc.[342]»
Encorres estoit escript en ceste grosse lettre une autre lettre obligatoire tretians sus fourme de commission, envoiie dou dit roy Edouwart d’Engleterre par ses marescaux, de fortrèce en fortrèce, apriès le pais faite traitie à Bretegny dallés Chartrez, et confremée à Calais; et en faisoit faire li dis roys de France mention, pour tant que il volloit que on sewist clerement se li roys d’Engleterre et li prinches de Galles, ses fils, avoient bien tenu et acompli ce que il avoient juré et promis par leur seellé, laquelle teneur de la ditte coppie s’ensuist ensi: «Edouwars, etc.[343]»
Si prioit li roys Carles de Franche humblement à tous les seigneurs dessus dis et à leurs conssaux que ilz volsissent, à grant loisir, lire ou faire lire ces presentes lettres, et regarder et ymaginer sus et bien examiner de poinct em poinct, car il juroit et prommetoit en se loyauté que oncque li roys d’Engleterre ne ses fils li prinches de Galles, par especial, n’en avoient mies tenu ne acompli le dizime partie: pour quoy il disoit que ilz avoient allé et erré contre leur sierement, et enfraint et brisié le pais sans nul title de raison, et tenu et envoiiés gens d’armes et Compaignes sus le royaumme de Franche, et avoient retenu pluisseurs cappittainnes et autres des Compaingnes, tant Englès comme Gascon, qui avoient estet pris ou royaumme de Franche. Quant on les faisoit morir pour leurs villains fais, tels que le bourch Camus, le bourch de Bretuel, Espiotte, Batillier et Jehan le Nègre, sus leur mort, il confessoient que li prinches de Galles les avoit envoiiés, et envoieoit ains le guerre ouverte encorres tous les jours. Si 345 devés sçavoir que telx parolles et moustranches que li roys de Franche moustroit et declaroit, coulouroient mout ses besoingnes. Si les fist il preechier, publiier et remoustrer notoirement et generaument parmy son royaumme par monsigneur Guillaume de Dormans, qui bien le savoit faire, et pluisseurs autres prelas et ses offisciers, ydosnes et propisses à ce faire; et en signe d’umelité et en cremeur de Dieu, il en faisoit faire pourcessions publicques, et ils meysmes et la roynne de Franche y aloient en grant devotion, tout à nus piés. D’autre part, li roys Edouwart d’Engleterre, en son pays et par dechà le mer, as seigneurs de son acord et à li alyé se complaindoit trop grandement dou roy de Franche, et moustroit voies de droit et de raison, qui ooit et entendoit ses lettres et ses proches. Et pour ce, se il envoieoient enssi des uns as autres, ne se laissoient il mies à pourveir et à gueriier l’un l’autre par mer et par terre. Fos 162 à 164.
P. 124, l. 8 à 13: telz que.... gens d’armes.—Ms. B 6: messire Jehan d’Erminach, messire Jehan de Villemur, le sire de Bieaugieu, le sire d’Alençon, messire Jehan de Boullongne, messire de Sailly, messire Robert de Sansoire, marisal de Franche, ou lieu de messire Ernoul d’Audrehem qui estoit nouvellement mort à Paris sus son lit. Fo 734.
P. 124, l. 11: Serignach.—Ms. A 8: Sergnac. Fo 306.
P. 124, l. 15: apovrissoient.—Le ms. A 8 ajoute: dommagoient.
P. 124, l. 19: leurs gens.—Ms. A 8: le duc de Berry et ses gens.
P. 124, l. 25 et 26: si bellement.—Ms. A 8: par si bonne manière.
P. 124, l. 30: la querelle.—Ms. A 8: le bon droit.
P. 125, l. 4: Gramach.—Ms. A 8: Gramat.
P. 126, l. 18: envoiiet.—Ms. A 8: enjoint.
P. 126, l. 24: lés.—Ms. A 8: pais.
P. 127, l. 30 et 31: soutieus.—Mss. A 7, 8: soubtilz. Fo 300 vo.
P. 128, l. 10: eu.—Ms. A 8: sur ce.
P. 128, l. 12: cambres.—Le ms. A 8 ajoute: et compaingnies.
P. 129, l. 4: trau.—Ms. A 7: dommage.—Ms. A 8: cam.
P. 129, l. 4: vint.—Ms. A 7: neuf.
346 § 617. Vous avés.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, envoiea li comtes Loeis de Flandres grans messaiges en Engleterre, pour requerre au roy que il le volsist quitter d’aucuns couvens que il avoient enssamble, pour le cause dou mariaige dont j’ay parlé chy dessus en ceste histoire, de la fille dou dit comte et dou fil dou dit roy, le comte de Cantbruge: lequel mariaige pappes Urbains ne vot oncques dispensser, et cousta au roi d’Engleterre li pourcach très grant avoir, mais li pappes avoit dit et juret que, pour lui detraire as chevaux, il ne le dispensseroit ja. Et qant li roys englès vit chou que il n’en aroit aultre cose, enssi comme tout tannés il quitta le comte de Flandres et la damme ossi. Si vous di que, sitost que les quittanches furent faittes, li mariaiges fu fais, car il estoit ja tout tretiés de celle damme, fille au comte Loeis de Flandres, et de monsigneur Phelippe, ducq de Bourgoingne, maisné frère dou roy Carle de Franche, parmy tant que ly roys de Franche rendi et quitta tout liegement au comte de Flandres et à le comtet, et à tousjours mès, Lille et Douay et touttes lez appendanches; et encorres eut li comtes de Flandres, pour lez frès de lui et de ses gens, six vingt mil frans franchois. Si espousa li dis dus de Bourgoingne la fille au comte de Flandres en l’abbeie de Saint Piere de Gand, et là eut grans festez et nobles et mout de signeurs, et y jousta on par trois jours. Ce fu environ le Saint Jehan Baptiste, l’an de grasce mil trois cens soissante et neuf. Or revenrons as besoingnes d’Acquittainne. Fo 154 vo.
P. 129, l. 25: paraus.—Mss. A 7, 8: pareil. Fo 301.
P. 129, l. 28: Cil.—Le ms. A 8 ajoute: qui envoiez y furent.
P. 130, l. 5: li contes.—Le ms. A 8 ajoute: de Flandres.
P. 130, l. 12: wage.—Ms. A 8: gage.
P. 130, l. 19: affreoit.—Ms. A 8: afferoit.
P. 130, l. 31 et 32: un petit plus frans et plus fors.—Ms. A 7: un petit plus frans et plus durs.—Ms. A 8: plus dur et plus fel. Fo 307 vo.
P. 130, l. 32: grignes.—Ms. A 8: griefz.
§ 618. Li rois Edowars.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, passa li roys Carles de Navarre outre en Engleterre, et trouva le roy englès et le duc de Lancastre, son fil, et une partie du consseil d’Engleterre en l’ille de Cepée, en ung mout biel castiel que li roys englès avoit là fait faire et fonder nouvellement sus le rivière 347 de Tamise, assés priès de Cantorbie. Si eurent chil doy roy parlemens, tretiés et aliances adonc enssamble, et devoit li roys de Navarre faire guerre au roy de Franche, lui revenut en Normendie. Enssi le proummist il au roy englèz et l’eut en couvent; si s’en retourna arrière en son pays à Chierebourch, où il se tenoit. Et le raconvoiièrent les gens dou roi englès, tant qu’il fu là où il volloit y estre, asquelx il n’ezchei mies trop bien à leur retour; car, ensi qu’il s’en ralloient en Engleterre, il encontrèrent quatre nefs de Normans à qui il leur couvint parler. Si furent assailli li Englès qui là estoient, mort et desconfit une nef tant seullement; mais petit y avoit de gentilz hommez, fors que gens d’offisse. Si desplaisoit il mout au roy englès, quant il oy recorder ces nouvelles que ses gens avoient eu ung si dur rencontre. Fo 162.
P. 131, l. 12: lés.—Ms. A 8: costez. Fo 307 vo.
P. 131, l. 26: se tenoit.—Ms. A 8: se tenoient.
P. 131, l. 27: partout.—Ms. A 8: par toutes.
P. 132, l. 20: moult mal.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: car endementres que le roi de Navarre, qui nouvellement estoit venu d’Engleterre de parlementer avec le roi, si comme j’ai dit ci devant, festioit ces chevaliers d’Engleterre qui raconduit et ramené l’avoient, seurent aulcuns Normans et Bretons et aultres escumeurs de mer, ceste avenue du roi de Navarre et des Englès, et comment il s’en devoient tantost retourner en Engleterre. Si s’ordonnèrent et misent en aguet sus mer, et assés tost rencontrèrent ces chevaliers d’Engleterre qui parti estoient de Chierebourch et du roi de Navarre et s’en retournoient en leur pays ne point ne se donnoient de garde. Si rencontrèrent.... Fo 338 vo.
P. 132, l. 32: querre.—Ms. A 8: querir.
P. 133, l. 2: donna.—Le ms. A 8 ajoute: congiet.
P. 133, l. 14: le captal.—Le ms. A 8 ajoute: de Beuch.
§ 619. En ce temps.—Ms. d’Amiens: Si comme nous avons parlé ung grant tamps des besoingnes et des avenues qui avinrent adonc en Ango, em Poito, en Tourainne, en Saintonge, en le Rocelle et en le Langhe d’Ok, et des rebellions des villes, des chités et des castiaux, et ossi des gentilx hommes qui s’esmurent et se levèrent contre le prinche d’Acquittainne et se tournèrent franchois, nous couvient parler des avenues qui avinrent en celle saison en Picardie, environ Saint Omer, Arde, Ghines et Calais. Si vous di que li roys Carles de Franche avoit si grossement et si 348 grandement pourvueu ces frontières de bonnes gens d’armes, que on ne pooit entrer ne chevauchier ou pays de Pikardie, fors à grant routte; et en estoit cappittainnes et mestres souverains li comtes de Saint Pol, qui tenoit plus de mil combatans ens ès fortrèches et sus les frontières par les garnisons. Et estoit à ce donc cappittainnes de Boulongne li sires de Saintpi, qui de garder son frontière faisoit mout bien son devoir. Si s’esmurent en cel estet tout li chevalierz et escuier d’Artois, et de Haynnau aucuns, et par especial messires Jehans de Werchin, senescaux de Haynnau, li sires de Floion, et li connestables de France pour le temps, messires Moriaux de Fiennes, et s’en vinrent devant le bastide d’Arde, et s’y ordounnèrent et appareillièrent pour l’assaillir. Et là eut à ceste assamblée plus de cinq cens chevaliers et escuiers franchois et leurs gens; mès noient n’y fissent. Si furent il par devant je croy cinq jours, et y fissent aucunes escarmuches, mès riens n’y conquestèrent. Quant il virent que il ne pooient riens gaegnier à assaillir Arde et que elle estoit trop bien gardée et pourvueue, si s’avisèrent que il se retrairoient en leur fortrèce et guerriroient par garnisons. Si se departirent, et s’en ralla chacuns là où il estoit ordounnés pour li tenir, et li senescaux de Haynnau s’en alla en Franche deviers le roy. Fo 161 vo.
P. 133, l. 20: d’Arde.—Ms. A 8: d’Ardre. Fo 308.
P. 133, l. 23: seneschaus.—Ms. A 8: connestable.
P. 134, l. 5: frice.—Ms. A 8: frique.
§ 620. Nous revenrons.—Ms. d’Amiens: Là (devant Royauville) eut, je vous di, par pluisseurs jours moult de grans assaus et de belles appertisses d’armes faittes. Toutteffois finablement, à un grant assaut qui fu entre les autres, li Franchois assaillirent si ouniement et si bien continuèrent que de forche il prissent Royauville, et furent tout li Englès qui dedens estoient mort et ochis, sans nul prendre à merci. Et fissent jurer as hommes de le ville que, de ce jour en avant, il seroient bons Franchois et loyal, et le jurèrent et eurent en couvent, et furent tout joyant, quant par enssi il peurent escaper.
Et toudis se tenoit en la Millau li senescaux de Roherge, messires Thummas de Wettevale, quoique li pays d’environ lui se tournast franchois, et faisoit souvent des yssues et des chevauchies moult honnerables pour lui; et tenoit encorres une fortrèche, que 349 on appelloit le Roche Vauclère, où souvent chevauchoit de l’un à l’autre, pour rafreschir ses gens et yaux renouveller de comfort et de corage et regarder coumment il leur estoit. Or retourrons nous au siège de Bourdille, en le comté de Pieregorth, qui ne fait mies à oubliier. Fo 155 vo.
P. 134, l. 19: gens.—Le ms. A 8 ajoute: d’armes.
P. 134, l. 25: besongnast.—Ms. A 8: besoing eust esté.
P. 135, l. 1: Pennebruch.—Ms. A 8: Pennebroch.
P. 135, l. 1: seoient.—Ms. A 8: estoient à siège.
P. 135, l. 22: Paus.—Ms. A 8: Pans.
P. 135, l. 24: Laille.—Mss. A 7, 8: Lisle.
P. 136, l. 3: Wettevale.—Ms. A 8: Witevale.
P. 136, l. 8: Roerge.—Ms. A 8: Bretaingne.
P. 136, l. 11: jusques adonc.—Ms. A 8: jusques à ce.
§ 621. Sur les marces.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, si comme je vous ay ja dit chy dessus, estoient sour les marces de Poito et de Tourainne messires Guillaummes des Bordes, messires Jehans de Buel, messires Loeis de Saint Juliien et Caruel le Breton et leurs routtes. Si penssoient et estudioient nuit et jour coumment il pewissent grever les Englès et leurs ennemis. Si avisèrent tant qu’il prissent de nuit et emblèrent par esciellement le fort castiel qui s’appelle le Roche de Ponsoy en Poito, sus le rivierre de Cruese, à deux liewes de le Haie en Tourainne et assés priès de Casteleraut: de quoy tous li pays d’environ fu durement effraés, et chil dou lés des Franchois grandement recomfortés, car tantost il missent une bonne grosse garnison dedens, sus le comfort de le fortrèce.
En ce meysme tamps, tenoient les camps en Poito messires Guichars d’Angle, marescaux d’Acquittainne, et messires James d’Audelée, senescaux de Poito, et messires Bauduins de Fraville, senescaux de Saintonge; et avoient bien douze cens combatans, et cevauchoient sus les marches de Berri et de Tourainne et mettoient le pays où il converssoient, qui estoit contraire à yaux, en grant tribulation. Et vinrent li dessus noummet chevalier et leur routtes devant le ville de Breuse, qui est au seigneur de Cauvegny, ung grant baron de Poito, liquelx viscomtez de Breuse et sires de Cauvegny estoit tournés franchois: dont li prinches avoit grant mautalent et avoit coummandé à monseigneur Guichart d’Angle que la terre dou dessus dist chevalier fust toutte courue 350 et gastée sans deport, pour tant qu’il s’estoit tournés franchois et l’avoit relenqui, qui estoit ses naturelx sires.
Quant messires Guichars d’Angle et li chevalier dessus noummet et leurs gens furent venut devant le ville de Breuse, il s’arestèrent et l’avisèrent, et ymaginèrent mout bien coumment il le poroient assaillir à leur plus grant prouffit. Toutteffois, quant il l’eurent bien consideré, il s’ordounnèrent à l’asaut, les archiers par devant, qui coummencièrent à traire moult fort et mout roit, et chil de le fortrèche à traire contre yaux et bien deffendre. Là eut grant assaut et dur et bien continué, mès che premier jour il n’y fissent riens. Dont se retraissent sus le soir li Englès et li Poitevin à leurs logeis, et dissent que, à l’endemain, il feroient leur pooir dou concquerre, quoi qu’il dewist couster. Si passèrent enssi celle nuit. L’endemain au matin, il s’armèrent et ordounnèrent, et aprocièrent le ville de grant vollenté et le coummencièrent à assaillir fortement et vistement, et se prendre chacun priès de bien faire le besoingne. Si eut aucuns compaignons appers et aventureux, qui vinrent jusquez as murs de le ville, car li fosset n’estoit mies trop larges ne trop perfons, et avoient piks et haviaux en leurs mains, dont il picquetoient les dis murs; et pour le get des pierres qui leur pooient venir d’amont, il estoient très bien paveschiet. Ossi y avoit archiers d’Engleterre qui estoient aroutté sus les fossés: chil traioient si roit et si ouniement que à painnes osoit nuls aparoir as gharittes pour deffendre le ville. Et tant picquetèrent et assaillirent chil d’aval des fossés, qu’il pertrusièrent le mur d’un grant trau et tant que doy homme y pooient de froncq bien entrer. En peu d’eure, li murs fu si efforchiés que li assallant en rompirent ung grant pan, par quoy touttes gens sans dangier pooient bien par là entrer en le ville. Enssi Bruse prise, et les gens contourné à grant meschief, car on les ochioit sans merchy, dont c’estoit pités, et furent pris seize cens hommes d’armes dou viscomte de Breuse, et tantost et sans delay pendu en leurs armures meysmes. Ceste contrevenganche prissent les gens dou prinche des hommes et de le ville de Breuse, affin que li autre ewissent cause et matère de yaux castiier; et quant il en eurent fait leur vollenté, il se retraissent deviers la chité de Poitiers. Ces nouvelles vinrent au signeur de Cauvegny, qui se tenoit à Paris, coumment sa ville de Breuse estoit prise et gastée et ses gens mors et mis à destruction. Si en fu durement courouchiés, che fu bien raisons, et dist qu’il l’amenderoit, quant 351 il poroit, sus messire Guichars d’Angle, qui estoit ses voisins et qui li avoit pourcachiet che dammaige.
En ce tamps, manda li prinches de Galles en Angouloime, là où il se tenoit tous malades, le viscomte de Rochuwart, que il venist parler à lui, car li prinches estoit enfourmés que il se volloit tourner franchois. Se vint li viscomtes deviers le prinche. Si trestost qu’il fu venus, li prinches le fist prendre et mettre en prison courtoise et bien garder, et jura qu’il ne partiroit de là jusques à tant que il aroit bonne caution dou dit viscomte, qu’il seroit bons Englès et demourroit dalés lui et ses gens en touttes besoingnes, ensi qu’uns feables doit demourer dalés son seigneur. De le prise dou dit viscomte et de le souppechon que li princes avoit sour lui, furent tout si proïsme mout courouchiet, et si n’en peurent avoir autre cose, tant qu’à ceste fois. Enssi estoient adonc li seigneur et les terres en le duché d’Acquittainne en grant variement et guerriiet de leurs voisins. Si ne savoient li pluisseur bonnement que faire. Fo 156 ro et vo.
P. 136, l. 17 et 18: Carenloet.—Mss. B: Charuel.—Ms. A 7: Kaeranloet. Fo 302 vo.—Ms. A 8: Carnet. Fo 309.
P. 136, l. 18: douze cens.—Mss. B 4 et A 8: douze mille. Fo 306.
P. 136, l. 23: le Roce de Ponsoy.—Ms. A 8: la Roche de Posoy.
P. 137, l. 18: Rocewart.—Ms. A 8: Rochechouart.
P. 138, l. 3: Fraiville.—Ms. A 8: Franville.
P. 138, l. 10: contournés.—Ms. B 4: tournés. Fo 306 vo.—Ms. A 8: tourmentez.
P. 138, l. 29: tamainte.—Le ms. A 8: ajoute: belle.
P. 139, l. 10: ou.—Ms. A 8: en.
§ 622. Messires Robers.—Ms. d’Amiens: Or entendi messires Robers Canolles les nouvelles coumment li Franchois faisoient très forte guerre au prinche, et li tolloient tous les jours ses villes et ses castiaux, et ardoient et essilloient en la ducé d’Acquittainne mout avant. Si s’avisa li dis messires Robers que il venroit deviers le prinche et le serviroit et conforteroit à ce besoing de son corps et de ses gens, car moult y estoit tenus pour tant que li roys ses pères l’avoit mout amet et avanchiet en tous cas. Si fist ses pourveanches pour lui et pour ses gens en quatre vaissiaux, sus ung havene de mer en Bretaigne, que on appelle 352 Konke; et quant il eut tout apresté, il vint celle part et entra en son vaissiel à soixante hommes d’armes, et naga et singla tant qu’il arriva ou havene au kay de le Rocelle. Si yssirent, il et ses gens, de leurs vaissiaux, et descargièrent tout bellement leurs pourveanches et leurs chevaux et se rafreschirent quatre jours en le Rocelle. Au cinquime, s’em partit messires Robers Canolles et se routte, et chevaucièrent tant parmy Saintonge et Poito que il vinrent en la cité d’Angouloime, là où li princes et la princesse et leur enffant se tenoient, Edouwars et Richars. De le venue monsigneur Robert Canolle fu li prinches grandement resjoys, car li dis messires Robers se presenta et offri en son serviche et à faire tout ce qu’il li plairoit. De quoy li prinches li dist par pluisseurs fois: «Monsigneur Robert, très grans merchis, et je vous doy moult regrasciier, et bien y sui tenus, de ce c’à che besoing vous m’estes venus secourir. Si vous fay et ordounne souverain mestre et cappittainne de tous les chevaliers et escuiers de mon hostel.»—«Monsigneur, respondi messires Robers, et quant vous me voullés de tant honnourer, je ne le doy mies refusser; et Dieux me fait faire esploit qui vous vaille, car j’ay très grant desir de vous servir en tous kas.»
En ce tamps, avoit une grosse garnison de Franche en le chité de Chaours, qui estoit tournée francoise, si comme il vous est dit chy dessus par le pourcach de l’arcevesque de Thoulouse. Si en estoient souverain et cappittainne bon guerieurs durement et gens de Compaingnes, c’est assavoir: Ammenions d’Ortige, Perros de Savoie, Jakes de Bray, Ernautons de Paus et Petis Meschins. Si estoient tout chil de le comté de Fois appert bacheler et hardit homme durement, et faisoient souvent des yssues grandes et belles, et chevauchoient en Quersin, en Limozin et jusques en Roherge et en Aginois, et mettoient le pays en grant destruction. Et se rendoient à yaux villes, cités et castiel, et prendoient hommes et prisonniers à force et à esploit, et y faisoient mout de desrois, tout au title et ou nom dou roy de Franche et dou duc d’Ango, pour qui il chevauchoient. Et vinrent devant une bonne ville que on nomme Fumel, et y sissent quatre jours, et le prissent par force et par assault, et fu toutte robée et pillie; et puis en fissent une garnison et le remparèrent. Apriès, il vinrent à Villenove d’Aghinois et l’asegièrent, et y fissent ung jour mout grant assaut. Chil de le ville doubtèrent qu’il ne fuissent pris par forche et tout gastet et essilliet; si se rendirent, saufve leurs corps 353 et leurs biens, et jurèrent qu’il seroient en avant bons Franchois et loyal, mès puis en mentirent.
Ces nouvelles parvinrent jusques au prinche, qui se tenoit à Angouloime, coumment li Franchois destruisoient et gastoient son pays: si en fu durement courouchiés. Adonc estoit assés nouvellement venus messires Robers Canolles. Si s’avisa li prinches que il l’envoieroit de celle part pour contrester as Compaingnes, et li deliveroit touttes ses gens d’armes. Si l’en delivra grant fuisson et tous les chevaliers et escuiers de son hostel, premierement: monsigneur Thummas de Persi, monsigneur Estievene de Gousenton, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Noël Lorinch, monsigneur Guillaumme Tourssiel, monsigneur Nicoulas Bonde, monsigneur Jehan Trivet, monsigneur Richart Tantonne, monsigneur Thummas de Welkefare et pluisseurs autres; et estoient bien, quant il furent tout assamblé, cinq cens lanches et cinq cens archiers et otant de brigans à tous pavais. Si chevauchièrent ces gens d’armes, dont messires Robers estoit chiés, deviers la chité d’Aghens, car leurs ennemis estoient ens ou pays, et toudis leur croissoient gens, car encorres y revint messires Ustasses d’Abrecicourt à une routte de gens d’armes, par l’ordounnanche dou prinche.
Entroes que messires Robers Canolles et ses gens chevauchoient celle part, il entendi que messires Perducas de Labreth, qui estoit ungs grans cappittaines entre les Compaingnes, estoit sus le pays à tout une grosse routte de compaignons, et si estoit nouvellement tournés franchois. Adonc envoiea li dis messires Robers deviers lui parlementer et tretiier qu’il se volsist retourner englès et qu’il avoit estet decheus et enchantés malement, quant il estoit devenus franchois et avoit laissiet le prinche, son droit signeur, qui tant de biens li avoit fais et pooit faire; et encorres, se il se voloit retourner, il li feroit le prinche pardounner son mautalent. Tant fu li dis messires Perducas de Labret prechiés, qu’il se retourna englès et fist tourner plus de trois cens armures de fier des Compaignes. De tant fu rengroissie et remforchie li chevauchie monsigneur Robert Canolle. Fos 156 vo et 157.
P. 140, l. 2: otant d’arciers.—Ms. B 6: cent arciers. Fo 738.
P. 140, l. 15: Chandos.—Le ms. A 8 ajoute: et.
P. 140, l. 17: le bonne.—Ms. A 8: la meilleur.
P. 141, l. 5: d’Aghorises.—Ms. A 8: d’Aghoriseth.
P. 141, l. 21: entendre des.—Ms. A 8: attendre leurs.
354 P. 142, l. 10: plus de cinq cens.—Ms. B 6: dont il avoit bien trois cens, et pour l’amour de luy s’en retournèrent plus de trois cens. Fo 739.
P. 142, l. 12: bien.—Ms. A 8: compte.
§ 623. Ces nouvelles.—Ms. d’Amiens: Quant Ammenions d’Ortige, Ernautons de Paus et Petis Meschins et leur compaignon, qui menoient les routtes, entendirent que messires Perducas de Labreth estoit tournés englès, si en furent mout courouchiet, et dissent que il avoit fait une grant lasqueté au duc d’Ango, car il avoit proummis et juret qu’il demour[r]oit à tousjours mès bons Franchois; et n’en peurent il avoir autre cose, tant qu’à present. Si n’eurent mies consseil d’atendre messire Robert Canolles ne se routte, mès s’en vinrent en une forterèche que on claimme Durviel, que il avoient malement fortifiie, et une prestrie. Si le pourveirent, avoecq ce que elle estoit bien pourvueue de tous vivres, de vins, de chars, de farinnes et d’avainnes et de grant fuisson de bonne artillerie, et se retraissent là dedens les cappittaines dessus noummés.
Quant ces nouvelles vinrent à messire Robiers Canolles qu’il ne trouveroit point sus les camps chiaux qu’il demandoit pour combattre, et qu’il s’estoient boutés en le forterèce de Durviel, si dist qu’il se trairoit celle part et y meteroit le siège. Si s’achemina et toutte se routte deviers Durviel, et fissent tant que il y vinrent. Si l’asegièrent de tous poins bien et ordounneement, et y fissent biaux logeis et grans de bois et de arbres, et bielles fueillies, où leur chevaux estoient establé. Si coururent leur coureur aval le pays pour avoir vivres et vitailles pour avitaillier l’ost, mès il le trouvoient si povre et si desrobet partout qu’il n’y avoit riens deux journées environ; car les Compaingnes avoient tout mis ens ou destruit le demorant, pour le cause de chou qu’il ne volloient point que leur ennemy en ewissent aise.
Le siège pendant devant Durviel, il y eult maint assaut et tamainte escarmuche fette et mainte appertisse d’armes, car c’estoient, d’un lés et de l’autre, droite gens d’armes. Si venoient priesque tous les jours chil de Durviel, Ammenion d’Ortige, Jakes de Bray, Perros de Savoie, Petis Meschins, li bours de Bretuel, Lamit, Ernauton de Paus et leur compaignon lanchier, escarmucier et combattre as Englès à leurs barrières. Si vous di que il ne se partoient nient qu’il n’en y ewist des mors et des blechiés 355 d’un lés et de l’autre, mais la cose estoit trop mieux partie pour chiaux de dedens que pour chiaux de dehors; car il estoient bien avitailliet, et chil dou siège n’en avoient fors à grant dangier, et fu tel fois que on vendoit en l’ost ung pain un florin: encorres n’en pooit on recouvrer.
Or avint, sitost que messires Jehans Camdos et li captaus de Beus et messires Thummas de Felleton et li autre chevalier dou prinche qui se tenoient à Montalben, entendirent que messires Robers Canolles et ses gens avoient assis Durviel en Agenois et grant fuisson des cappittainnes des Compaignes dedens, il s’avisèrent li ungs par l’autre qu’il se trairoient de celle part; car il leur fu dit que li comtes de Comminges, li viscomtes de Quarmaing, li seneschaux de Toulouse, li senescaux de Biauquaire et chils de Carcasonne, messires Bertrans de Taride, li sires de la Barde et pluisseur autre chevalier et escuier se queilloient et les devoient venir combattre et lever le siège. Si ne volloient mies que, en le deffaut d’iaux, lors gens fuissent noient foullé. Si se partirent de Montalben moult ordounneement, et y laissièrent à cappittainne monsigneur le soudich de Lestrade et monsigneur Bernadet de Labreth, et puis chevauchièrent deviers Durviel. Si avint qu’il trouvèrent en leur chemin une ville qui s’apelloit Monsach, et se tenoit franchoise; assés forte estoit, mès il n’y avoit dedens nul gentil homme pour le garder et deffendre, fors que les hommes de le ville. Si dist messires Jehans Camdos: «Che seroit blammes pour nous, se nous laissions ceste fortrèce derrière, et nous poroit bien, sus le tamps à venir, faire dammaige. Je consseile que nous l’alons veoir de plus priès, et regardons quelle cose nous em porrons faire.» Chis conssaux fu tenus et creus; il s’acheminèrent deviers Mossac. Si l’imaginèrent mout bien. Quant il y furent parvenu et virent que elle estoit forte malement et que par assaut elle ne fesoit point à prendre, si se tinrent tout quoy un espasse, et se conssillièrent enssamble quel cose il feroient. Et estoient ja tout ravisé dou departir, et aller leur chemin devant Durviel, quant aucuns coureurs des leurs vinrent par deviers yaux, qui avoient chevauchiet sour le pays et trouvé quatre sommeliers, qui amenoient en Durviel pourveanches pour vivre, et les avoient examiné si avant qu’il disoient ensi que dedens Monsach n’avoit de tous vivres non pour durer plus hault de sept jours. Tout che raportèrent li coureur englès à leurs signeurs, à qui il fissent present des hommes et de leur vitaille.
356 Quant messires Jehans Camdos et li autre chevalier eurent entendu que la necessité de vivres estoit si grans dedens le fortrèche là où il se tenoient devant, si dissent enssi: «Nous nos logerons ychy, car longement ne se poront tenir, mès que che soit verités que on nous a dit.» Si se logièrent erramment par devant le fort de Montsach et l’environnèrent de tous costés, et fissent tous les chemins mout songneusement getier, par quoy nul vivre ne pewissent en le ville venir, et ne fissent oncques nul samblant de l’asaillir, car il veoient bien que il y perderoient leur painne. Quant chil de Montsach virent que c’estoit tout à certes que messires Jehans Camdos et li captaux et li autre chevalier les avoient asegiés, et si n’avoient mies vivres dedens la ville par quoy sus ce comfort il se pewissent longement tenir, et si n’en esperoient nul à avoir de nul costé, si se coummencièrent à esbahir, et eurent consseil qu’il trairoient deviers monsigneur Jehan Camdos, enssi qu’il fissent. Il jurèrent et proummissent que, de ce jour en avant, il seroient bon Englès et loyal et obeyssant au prinche, et ne le relenquiroient pour nul seigneur. Parmy tant et sus ce sierement se deslogièrent li Englès, et se traissent deviers Durviel, où messires Robers Canolles et li autre estoient.
Tant chevauchièrent messires Jehans Camdos, li captaus et li autre de leur compaignie, qu’il vinrent devant Durviel. De tant fu li sièges renforchiet. Si se conjoïrent li baron et li chevalier grandement, quant il se trouvèrent enssamble. Fo 157.
P. 142, l. 23: anoi.—Le ms. A 8 ajoute: aucuer. Fo 310 vo.
P. 142, l. 28: ville.—Le ms. B 6 ajoute: et leur laissèrent environ cent lanches pour aidier à consillier cheulx de la ville. Fo 740.
P. 142, l. 28: priorie.—Mss. A 7, 8: prioré. Fo 303 vo.
P. 143, l. 6: usé.—Ms. A 8: avisiez.
P. 143, l. 9: captaus.—Le ms. A 8 ajoute: de Beuch.
P. 143, l. 20: Tarse.—Ms. A 8: Tarstre.
P. 143, l. 27: hommes.—Le ms. A 8 ajoute: de la ville.
P. 144, l. 6: en sus.—Ms. A 8: oultre.
P. 144, l. 8: sommelier.—Ms. A 8: sommiers.
P. 144, l. 15: astrainte.—Ms. A 8: estrainte.
P. 145, l. 12: saus.—Ms. A 8: frais.
§ 624. Ce siège pendant.—Ms. d’Amiens: Depuis la venue des dessus dis, eut à Durviel tamaint assaut et maint paletich, 357 et pluisseurs biaux fès d’armes empris et fait. Si y veoit on souvent jones bachelers, chevaliers et escuiers, pour yaus aloser et avanchier as armes, enventurer leurs corps et venir as barrierres de le forterèche lanchier et escarmuchier à chiaux de dedens. Et chil dou fort ossi venoient contre yaux, et se combatoient enssi li ungs à l’autre tout le jour. Si vous di que chacuns se prendoit endroit li mout priès de bien faire le besoingne. Mout bien se tinrent chil de le fortrèche de Durviel, tant que riens n’y perdirent. Si fu li sièges devant yaux plus de cinq sepmainnes entières, et tous les jours avoient l’assaut et le hustin par trois ou par quatre estours, et gisoient li Englès qui devant se tenoient, en grant painne; car, tous les jours et priesque touttes les nuis, plouvoit si ouniement que ce leur faisoit trop d’anois, et en estoient lez armures et leurs draps tout souilliet et tout poury. Avoecq tout ce qui leur estoit uns grans griefs, li plus grant partie des leurs ne mangoient pas touttes les fois qu’il leur en souvenoit. Des vins avoient il assés par raison, qui grandement recomfortoit les mesaises, mais de pain mout petit, et à grant dur en recouvroient; et ce qu’il en avoient, il leur venoit de mout loing. Meysmement leur foureur et leur coureur ne savoient où aller pour mieux fourer, et telle fois estoit qu’il chevauchoient si loing, qu’il estoient trouvet et rencontret des garnisons franchoises, qui estoient enexesées sus le pays: si perdirent bien souvent tout.
Quant chil qui devant Durviel seoient, virent que il ne conquestoient riens à là seoir, ne appairans n’estoit de riens concquester, et que leur ost estoit en grant destrèche de faminne, si eurent consseil et advis qu’il se deslogeroient et se trairoient plus avant en plus cras pays. Si se deslogièrent et s’en vinrent devant un castiel que on dist de Domme, dont messires Robers de Domme estoit sires, et se tenoit adonc par dedens et avoecq lui messires Pierres Senglers, doi bon chevalier et hardi et preu as armes. Là se traist et atraya toutte li hos des Englès et des poursuiwans, et asegièrent Domme et l’envirounnèrent de tous costés, affin que ilz le pewissent mieux constraindre et plus tost prendre.
Par devant Domme avoit à siège grant chevalerie et bonne. Si vous en noummeray les aucuns: premierement monsigneur Jehan Camdos, monsigneur le captal de Beus, monsigneur Loeis de Halcourt, monsigneur Robert Canolles, monsigneur Thummas de 358 Felleton et son frère, monsigneur Loeis de Melval, le signeur de Pierebufière, monsigneur Raimmont de Maruel, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur Thummas de Persi, monsigneur Thummas le Despenssier, monsigneur d’Aghorises, monsigneur Ustasse d’Aubrecicourt, monsigneur Thummas de Wetevale, monsigneur Estevene de Ghousenton, monsigneur Richart Tanton et pluisseurs autres que je ne puis mies tout noummer. Si avoient chil signeur belles routtes et grandes compaignies, et, à chou qu’il disoient et moustroient, il desiroient grandement à trouver les Franchois et yaux combattre. Si se tinrent devant Domme à siège bien ordounné et bien estaubli, et y fissent asaillir par pluisseurs fois, mès petit y concquissent; car li doy chevalier qui dedens estoient, messires Robers de Domme et messires Pierres Sengler, estoient bon homme d’arme, durement et sage guerieur. Si penssoient et songnoient moult bien de le fortrèche et des compaignons saudoiiers qui dedens avoecq se tenoient.
Quant il eurent là sis et estet environ quinze jours, il se conssillièrent et regardèrent l’un parmy l’autre quel cose il poroient faire, car il sejournoient sour le pays à grans frès et à grant painne, et si ne faissoient mies trop grant esploit. Si eurent consseil que il envoieroient Camdos le hiraut deviers le prinche en le chité d’Angouloime, et li remoustrer l’affaire et le verité de leur chevauchie, à savoir de par lui quel cose il lui plaisoit qu’il fesissent. Si escripsirent li quatre, qui estoient chief et souverain de ceste chevauchie, messires Jehans Camdos, messires Robers Canolles, messires li captaus de Beus et messires Thummas de Felleton; et, avoecq les lettres, il emfourmèrent et endittèrent Camdos le hiraut d’aucune cose dont il devoit parler au prinche. Si se parti d’iaux et dou siège de Domme. Quant touttes ses besoingnes furent ordounnées, il se mist à voie deviers Angouloime. Or lairons ung petit de lui et parlerons des signeurs englès et limozins qui estoient devant Domme... Fos 157 vo et 158.
Tant chevaucha li dis hiraus, envoiiés en messaige, qu’il vint en le chité d’Angouloime et trouva le prinche assés à privée mesnée, car touttes ses gens, chevaliers et escuiers, estoient en ces chevauchies et armées dessus dittes; ne nuls n’avoit cause ne raison de sejourner à l’ostel, se il ne voloit estre deshonnerés. Sitost que li dis Camdos fu venus deviers le prinche, il le requeilla moult liement et li demanda de touttes nouvelles, et chils l’en dist assés, si avant qu’il les savoit et non autrement. Et li bailla 359 li hiraux les lettres que li dit cevallier li envoieoient. Il les prist; si les ouvri et les lisi. Quant il les eut leutes, il penssa sus mout longement, et puis dist au hiraut: «Camdos, je rescripray deviers yaux temprement ce que je voeil qu’il fachent.» Il respondi: «Monsigneur, à le bonne heure.» Fo 158 vo.
P. 145, l. 22: devant.—Ms. A 8: d’armes. Fo 311.
P. 146, l. 1: viés.—Ms. A 8: vieulx.
P. 146, l. 14: Sengler.—Ms. A 8: Sanglier.
P. 146, l. 21: livrèrent.... assaus.—Ms. A 8: levèrent pluiseurs grans engins.
P. 146, l. 24: faisoient.—Le ms. A 8 ajoute: ne riens n’y conquestoient.
§ 625. Assés tost.—Ms. d’Amiens: Quant li signeur englès qui devant Domme se tenoient, virent et considerèrent qu’il ne prenderoient point le fort, si eurent consseil qu’il chevaucheroient avant et concquerroient autres villes qui estoient tournées franchoises, et trouveroient plus plentiveusement à vivre. Si se deslogièrent de Domme et s’aroutèrent par deviers Gramath, et fissent tant qu’il y vinrent. Si l’asegièrent de tous sens, et envoiièrent leurs archiers et leurs bidaus bien pavesciés, assaillir et escarmucher à chiaux de dedens. Quant chil de Gramath virent approchier tant de gens d’armes et que tout se logoient environ yaux, si furent durement effraet, et coummenchièrent à traitier deviers monsigneur Jehan Camdos que il se renderoient volentiers, et seroient, de ce jour en avant, bons Englès sans plus variier, mais que on les volsist prendre à merchi et sauver yaux et le leur. Li chevalier eurent consseil que oïl. Si prissent et rechurent chiaux de Gramath à merchy, parmy tant qu’il jurèrent tout ensi que chy devant est devisé. Si entrèrent aucuns des seigneurs en le ville de Gramath, et s’y rafreschirent et reposèrent par trois jours; et chil qui ne se peurent logier ne hebergier dedens, se logièrent par dehors et trouvèrent là assés largement et à fuisson de tous vivres pour yaux et pour leurs chevaux, car la ville en estoit bien pourvueue et bien garnie. Au quatrime jour, il s’em partirent et se traissent par deviers une autre fortrèche que on claimme Fours, que les Compaignes franchoises avoient assés nouvellement fait tourner. Tant chevauchièrent et esploitièrent qu’il vinrent par devant; si s’i logièrent à siège fait et ordounné. Quant cil de Fours virent le mannierre que les Englès se logièrent là et que 360 chil de Gramath estoient rendu, qui estoient leur voisin et avoient ossi forte ville ou plus qu’il n’ewissent, si n’eurent mies consseil ne vollenté de yaux tenir là où on les voroit prendre à merchy. Si traitièrent deviers monsigneur Jehan Camdos, que li prinches de Galles avoit là envoiiet et estaubli avoecq ses gens pour conssillier, qui estoit li plus grans cappittainnes de ceste chevauchie; et dissent que il estoient en bonne vollenté d’yaux rendre, sauve lor corps et lors biens, se on les volloit prendre à merchy. Messires Jehans Camdos et li chevalier eurent consseil que oïl. Si les prissent et se missent en sasine de le fortrèche, et y laissièrent à gouverneur un escuier gascon des gens le captal, que on appelloit Naudon d’Azerant, et environ quarante archiers d’Engleterre avoecq lui; et puis s’em partirent et chevauchièrent plus avant par deviers Rocemadour, qui est une bonne ville et forte. Si tos que li dessus dit chevalier englès et gascon des gens le prinche vinrent par devant, il l’envirounnèrent et envoiièrent leurs gens assaillir et escarmuchier. Si y eut mout grant assaut et pluisseurs navrés et bleciés de chiaux de dedens et des assallans. Au vespre, il se retraissent à leurs logeis, et se aisièrent et reposèrent le nuit. Quant ce vint à l’endemain au matin, il fissent leurs gens tout de rechief armer et aroutter par devant Rochemadour et aller asaillir. Quant chil de le ville virent le couvenant des Englès et coumment il estoient en grant vollenté d’iaux porter dammaige, et ossi très bien pourveu et appareilliet et grant fuisson de bonnes gens d’armes, si se coummenchièrent à effraer. Et dissent li plus sage et qui le plus avoient à perdre, que à le longe il ne se poroient tenir as gens le prinche, et que mieux leur valloit à faire une pais honteuse que d’iaux mettre en peril et en adventure de tout perdre. A ce consseil entendirent touttes mannierres de gens vollentiers, car il n’avoient nul gentil homme qui les gardast ne conseillast. Si traitièrent deviers monsigneur Jehan Camdos et les autres chevaliers, en yaux remoustrant que on les volsist prendre et recepvoir en le fourme et mannierre que on avoit fait chiaux de Gramath et de Fours, et il jurroient à estre bon Englès et loyal de ce jour en avant, et requissent que on leur volsist laissier à cappittainne ung chevalier englès et gens avoecq lui à leur coustage, pour garder et deffendre le ville, se li Franchois y venoient. Chils tretiés fu vollentiers oys des chevaliers d’Engleterre, et rechurent chiaux de Rochemadour à merchi, et entrèrent ens et s’i reposèrent et rafreschirent par deux jours; 361 et quant il s’em partirent, il y laissièrent un chevalier englès qui s’appelloit monseigneur Guillaumes Toursel et environ quarante armures de fier avoecq lui.
Apriès le rendaige de Rochemadour, chevauchièrent deviers Villefranche, à l’entrée de Thoulousain, gastant et essillant tout le pays de chou qu’il y trouvoient; mès c’estoit petit, car les gens dou plat pays, par le coummandement dou duc d’Ango, avoient tout retret ens ès fortrèches, et ossi les Compaignes franchoises avoient tout courut ce pays et tout pilliet: se n’y avoit point de remanant. Et recouvroient li Englès de vivres à grant dangier, et le plus qu’il en avoient, c’estoit par tretiez et par rachas de petis fors et de villages qu’il ranchounnoient as vivres. Et envoieoient souvent leurs coureurs devant une fortrèche, qui disoient à chiaux de dedens: «O bon homme de laiiens, que nous donrés vous de sommades de pain, de vin, de farinne et d’avainne, et nous respiterons à ardoir tous les villaiges de chy environ?» Là estoient il d’acord, et se composoient à une cantité de sommiers de pourveanches. Parmy tant li Englès passoient oultre: autrement il n’avoient nulx vivres fors que de chars, mais de ce recouvroient il assés par raison. Si chevauchièrent tant en cel estat qu’il vinrent à Villefranche, que li Franchois avoient fortefiié et laissiet dedens environ quarante saudoiiers pour le garder, qui assés bien en fissent leur devoir, car il le tinrent quatre jours contre les Englès, maugré tous chiaux de le ville. Au cinqime jour, il se rendirent sauve leurs cors et leurs biens, et s’em partirent li estragnier sans dammaige, et li Englès prissent le saisinne de le ville. Or vous parlerons de Camdos le hirault, que li quatre chevalier dessus noummet, cappittainne et meneur de touttes ces gens d’armes, avoient envoiiet deviers le prinche, et ossi coumment il esploita. Fo 158 ro et vo.
P. 148, l. 5: entrues.—Ms. A 7: entrementres. Fo 304 vo.—Ms. A 8: pendant ce. Fo 311 vo.
P. 148, l. 8: claime.—Ms. A 8: appelle.
P. 148, l. 17: que.—Ce mot manque dans le ms. A 8.
P. 148, l. 30: apressés.—Ms. A 8: assaillis et pressez. Fo 312.
P. 149, l. 3: trettiés.—Le ms. A 8 ajoute: si bien.
P. 149, l. 27 et 28: à le longe.—Ms. A 8: longuement.
P. 150, l. 3: courouciés.—Le ms. A 8 ajoute: et dolens.
P. 150, l. 8: pays.—Ici finit le premier livre dans les mss. 362 A 20 (ms. fr., no 86 de la Bibl. Nat. de Paris) et A 29 (ms. de Froissart de la bibl. de la ville de Breslau).
P. 150, l. 9 à 11: Or retourrons.... perseverèrent.—Cette phrase manque dans les mss. A 21 et 22.
§ 626. Entrues.—Ms. d’Amiens: Vous devés savoir que devant Bourdille eult moult grant siège de par les Englès, les Gascons et les Poitevins. Si en estoient chief et souverain li comtes de Cantbruge, filz au roy englès, et li comtes Jehans de Pennebruc, qui n’estoit mies encorres fais chevalliers; et là estoit messires Jehans de Montagut, filz dou frère au comte de Salebrin, qui y devint chevaliers, si comme je vous diray assés briefment. Ad ce siège devant le fort castiel de Bourdille avoit moult des bonnes gens d’armes et qui souvent resvilloient chiaux de dedens. Ossi li compaignon et li saudoiier dou dit fort estoient mout vaillant et mout hardi, et qui souvent se venoient combattre as bailles main à main as Englès, dont on le doit bien recorder à proèche; et tout devant estoient li doy frère de Batefol, Ernaudon et Bernardet, qui merveillez y faisoient d’armes. Avint que, ung jour entre les autres, le siège pendant, il s’armèrent et fissent armer tous leurs compaignons, et pooient estre mout bien deux cens armures de fier, tout à cheval, et que bidaus et gens de piet à pavais, environ trois cens. Si parlementèrent dou soir que à la journée il wuideroient hors de leur fortrèche, et venroient resvillier chiaux de l’ost, qui si souvent les resvilloient, et s’aventuroient assavoir se ilz poroient prendre nulx bons prisounniers, car il ne faisoient tout le jour que heriier et picqueter, sans trop grant fais d’armes emprendre ne achiever.
Chils conssaux et advis fu tenus; il s’armèrent et aprestèrent bien et gaiement, et wuidièrent hors de Bourdille à l’aube poindant, et s’en vinrent par une fausse voie autour d’une montaigne en costiant l’ost des Englès, pour venir par derrière et chevauchier tout parmy et rentrer par devant en leur ville. Ceste emprise fu moult hautainne, au voir dire, et vinrent tout enssi que ordounné l’avoient, et se ferirent par derrière en l’ost, en s’escriant: «Bourdille!» et coummenchièrent à ochir, à decopper et à mehaignier gens à grant esploit. Ceste nuit avoit fait le gait chilz banerés d’Engleterre li sires de Carbestonne, et estoit entre ses gens, à l’un des corons des logeis, encorres en sen ordounnanche, chacuns des siens le bachinet en le teste. Si tost qu’il entendi le huée et 363 l’esmeutin, il desploiia se bannierre et dist: «Avant! Avant! de par Dieu et monsigneur saint Jorge! Che sont nostre ennemy qui nous viennent resvillier.» Dont brochièrent chevaux des esperons, et vinrent au devant de chiaux de Bourdille. Là eut grant hustin et fort et dur encontre. La noise et la huée estoit ja esparse par les logeis. Si s’esmurent touttes manierres de gens, et venoient de celle part, fust à cheval, fust à piet. Si se traissent tantost li comtes de Pennebrucq et Jehans de Montagut deviers le tente de monsigneur Ammon, comte de Cantbruge, qui ossi fu tantost armés et montés à cheval, le glaive ou poing et le targe au col.
Quant li frère de Batefol, qui cappittainne estoient de Bourdille, virent que li hos estoit estourmie et acouroit sus yaux, si se coummenchièrent à retraire deviers leurs fortrèches, tout combatant et escarmuchant; mès li comtes de Cantbruge et li comtes de Pennebrucq et li chevalier et escuiier qui là estoient, se missent entre le ville et yaux, et descendirent tout à piet. Là fist messires Ammon, filx au roy d’Engleterre, le jouene comte Jehan de Pennebrucq chevalier, et monsigneur Jehan de Montagut, et des autres jusques à douze. Là eut grant bataille et dur rencontre, car il estoient tous combatans d’un lés et de l’autre. Là eut fait maintes belles appertisses d’armes, mainte prise et mainte rescousse. Quant chil qui estoient dedens Bourdille, virent les compaignons combattre leurs proïsmes, leurs frères et leurs amis, si dissent entr’iaux que il ne seroient mies bien conssilliet ne preudomme, se il ne les aidoient à leur pooir. Si ouvrirent leur porte et se rengièrent devant le barrière, et avoient là entre yaux des bons arbalestriers. Si coummencièrent à traire et à bersser sour les Englès, et li archier englès contre yaux. Là eut, je vous di, maint grant escarmuche. Et y fu, en se nouvelle chevalerie, li comtes de Pennebrucq très bons chevaliers, et y fist merveilles d’armes de le main, et ossi fu messires Jehans de Montagut. Là estoit li comtes de Cantbruge en bon couvenant, et li sires de Carbestonne, et chacuns s’acquittoit à son loyal pooir.
Que vous feroie je loing parlement? Chil de Bourdille furent si dur rebouté, que li Englès concquissent le barrière et se missent ens avoecq yaux, et enchauchièrent leurs ennemis de si priès, qu’il n’eurent pooir ne loisir de refremmer le porte. Et entra li comtes de Pennebrucq premierement ens, et sa bannierre tout devant, et furent ses gens mestre et souverain des bailles et de le porte, et 364 gaegnièrent de premier encontre le ville. Là eut grant occision et grant encauch, et furent pris li doy frère de Battefol et tout chil à qui li Englès veurent entendre pour prisounniers; mès li plus furent mort et ochis sans merchy. Tantost apriès le prise de Bourdille, li comtes de Cantbruge en escripsi à son frère le prinche, assavoir qu’il volloit que on en fesist et qui on y laiast à cappittainne pour tenir et garder contre les Franchois; et il rescripsi et manda à son frère et as seigneurs qui là estoient, que il y ordounnoit le signeur de Muchident, et volloit qu’il em fuist souverains et cappittainnes. Che plaisi mout bien as dessus dis seigneurs. Si le delivrèrent tantost au seigneur de Mucident et le missent en sa garde, et y fissent une belle et forte garnison. Et entendirent encorres li seigneur as tours, as portes et as deffenses de le ville; et tout ce qui estoit deffait et brisiet, il le remparrèrent et missent à point, et le pourveirent et rafresquirent de vins et de vivres, et ossi de bons saudoiiers. Fo 156.
P. 150, l. 16: se tenoit li sièges.—Ms. A 22: se tenoient le conte de Cantebruge et le conte de Pennebroq à siège. Tome II, Fo 256.
P. 150, l. 17: onze.—Ms. A 8: neuf. Fo 312.
P. 151, l. 4: Or eurent un jour.—Ms. A 8: Or avint un jour qu’il eurent.
P. 151, l. 26: Bernadés.—Ms. A 8: Bernardés.
P. 151, l. 29: able.—Ms. A 7: abiles. Fo 805 vo.—Ms. A 8: jeunes. Fo 312 vo.
P. 152, l. 25: le terme.—Ms. A 8: l’espace.
P. 153, l. 10: seurté.—Le ms. A 8 ajoute: à eulx.
P. 153, l. 13 à 22: arciers.... Galles. Cette fin manque dans le ms. A 22, t. II, fo 257.
P. 153, l. 13 et 14: deffisent.—Ms. A 8: depecièrent.
§ 627. Ensi que.—Ms. d’Amiens: Depuis, ne demoura gaires de temps que li prinches fu si consilliés de soy meymes qu’il rescripsi as chevaliers dessus noummés. Et raporta li hiraux les lettres et trouva les seigneurs englès sus les camps où il chevauchoient. Et estoient en Quersin, et mettoient leurs gens le pays en grant tribulation. Et avoient ja fait tourner pluisseurs villes et forterèches en Roherge, en Quersin et en Aginois, meysmement celles que li Franchois avoient pris. Si fu li hiraus li bien venus entre yaux, et prissent les lettres que li 365 prinches leur envoieoit, qui faisoient mention, avoecq salus et amistés: li prinches mandoit et volloit que messires Jehans Camdos, messires Thummas de Felleton et messires li captaux de Beus, chil troy tant seulement, venissent en Angouloime parler à lui, et messires Robers Canolles, avoecq le demourant de le chevalerie et escuierie et de touttes les autres gens d’armes, tenist les camps. Quant il oïrent ces nouvelles, si se traissent en consseil et s’avisèrent li ung par l’autre que il obeiroient au coummandement dou prinche, c’estoit raisons. Si dissent à monsigneur Robert Canolle: «Sire, vous oés que messires li princes nous escript et nous mande et voet que vous soiiés chiés de ceste chevauchie.» Dont respondi messires Robers et dist: «Biau seigneur, li prinches, Dieux li puist merir! me honneure plus que je ne vaille; mès ce n’est pas me vollenté ne men entente que je fache chief tous seux de ceste guerre, car, se vous partés, je partiray ossi.»
Là eut pluisseurs parolles entre yaux, lesquelles je ne puis mies touttes recorder; mès finablement, il conssillièrent et avisèrent qu’il revenroient deviers le prinche et romperoient ceste chevauchie, et envoieroient toutes gens d’armes en leurs garnisons et guer[r]iroient par garnissons. Si appellèrent li dessus dit chevalier les cappittainnes des Compagnes, et leur dissent enssi: «Signeur, li prinches nous mande. Si vollons aller deviers lui savoir, plus plainnement qu’il nous a escript, quel cose il nous voet. Or envoieons nous touttes nos gens ens es garnisons, et ne penssons en grant tams gueriier autrement. Si vous dounnons bon congiet de faire vostre prouffit partout là où vous le polrés faire sus le royaumme de Franche; et, se il avient que vous prendés ne concquerés ville, cité ne castiel en Franche, et vous le voeilliés tenir et faire guerre à nos ennemis ou nom de nous, et vous aiiés affaire ou soiiés, par cas d’aventure, assegiet, nous vous proummettons et jurons loyaument que nous vous comforterons, où que ce soit ne à quel meschief.» De ces parolles et proummesses se contentèrent bien li compaignon et dissent: «Chiers seigneurs, grant merchis, et c’est bien dit.» Ensi se deffist et desrompi adonc celle chevaucie, et s’en ralla chacuns en se garnison là où il estoient ordounnés. Et li quatre chevalier s’en vinrent en Angouloime deviers le prinche, à qui il recordèrent une partie de leur exploit et tout ce que il avoient fait et ordounné. Li prinches n’y sceut riens que corrigier ne amender; car il les tenoit pour si 366 bons et si avisés, que dessus yaux ne volloit il riens deviser. Fos 158 vo et 159.
P. 153, l. 23 et 24: Ensi.... yaus.—Ms. A 22: Aynsy que messire Jehans Chandoz et les autre seigneurs d’Angleterre et de Gascongne. T. II, fo 257.
P. 153, l. 27: evous.—Ms. A 8: Et puis. Fo 313.
P. 153, l. 28: revenu.—Ms. A 8: revint.
P. 154, l. 21: vaille.—Ms. A 8: vauldray jamais.
P. 154, l. 23: adire.—Ms. A 8: conseillier.
P. 155, l. 9 et 10: où que ce soit ne en quel marce.—Ms. A 8: en quelque lieu que ce soit ne en quelque marche. Fo 313 vo.
P. 155, l. 14: retenons.—Ms. A 8: recevons.
§ 628. Entre les Compagnes.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès chou que li comtes de Pennebruc fu revenus à Poitiers et qu’il eut enssi estet rués jus de monsigneur Guillaummes des Bordes et des autres, si comme vous avés oy chy dessus, il se recouvra au mieux qu’il peult, et ossi se recouvrèrent ses gens; et s’en vint li dis comtes en Angouloime deviers le prinche, qui là se tenoit. Se li desplaisoit souvent dou rencontre que li Franchois li avoient fait, et dist que il meteroit sus une plus grosse chevauchie de gens d’armes que il n’ewist eu par devant. Si em pria pluisseurs chevaliers et escuiers de Poito, de Saintonge et des marches là environ. Entroes qu’il faisoit sen asamblée, avint que troy hommes d’armes, cappittainnes des Compaingnes et des gens le prinche, fissent et achievèrent une moult hardie emprise ou pays de Bourbonnois, si comme je le vous diray. Vous avés bien oy recorder chy dessus que, quant li chevauchie des Englès et des Gascons fu faite en Quersin et en Roherge devant Domme et Fuiguach et sus cesti pays, et que li signeur se departirent li uns de l’autre, car messires Robers Canolles ne volloit mies tous seux tenir les camps, il dounnèrent congiet as Compaignes de faire leur proufit où que ce fust ou royaumme de Franche; et ou cas qu’il y prenderoient ville, chitez ou castiel, et il seroient apressé des Franchois, on les comforteroit.
Dont les Compaignes qui avoecq les Englès s’estoient tenu, se departirent et se tinrent enssamble, et se traissent par deviers Auvergne. Entr’iaux avoit trois escuiers, appers hommes d’armes et hardis durement, dont on noummoit l’un Bernart de 367 West; l’autre, Hortingo; le tierch, Chikos de la Sale. Chil troy estoient meneur et gouvreneur de tous les autres. Si s’avisèrent ung jour qu’il feroient une emprise assés hardie et mervilleuse, et jetèrent leur avis que de nuit il chevaucheroient environ cent compaignons tant seulement, et venroient dou matin, en cottes de villain, par devant Belleperche en Bourbonnois, et enteroient en le forterèche; car li dis castiaux n’estoit mies trop bien gardés, si comme il avoient entendu, et si estoit dedens la mère dou ducq de Bourbon et de la roynne de Franche, dont il aroient grant prouffit, se il le pooient prendre. Tout enssi comme li dessus dit s’avisèrent, il perseverèrent, et chevauchièrent ung jour tout le jour et le nuit enssuiwant à petit de repos; et s’en vinrent sus l’ajournement embuschier assés priès de Belleperche, et se missent en une viese maison où nulz ne demouroit, dehors les fourbours. Quant il furent venu jusques à là, li troy dessus noummet et trente dez leurs tant seulement, vestis dessus leurs armures de cottes de villains, se partirent de leur embuschement; et s’en y avoit aucuns qui menoient petis aulnes cargiés de fruis et de poullaille, et li autres, cretins plains d’oels et de froummaiges sus lors testes, et li remannans, grans pains de soille à l’usaige dou pays: se devoit che jour y estre li marchiés ou dit fort.
Quant il vinrent devant le porte, il le trouvèrent toute ouverte et trois hommes qui le gardoient, qui trop bien leur demandèrent dont il estoient et dont il venoient si matin. Il trouvèrent tantost une bourde et une escuzanche, et dissent que il estoient de Moulins en Auviergne, et qu’il venoient là ou marchiet. Les gardes les laissièrent ens entrer tout paisiulement. Si tost qu’il furent ens, il se saisierent de le porte et de celi dou fort et ochirent les gardes, et sounnèrent un cor; auquel son, chil qui estoient en l’embusque, vinrent tantost avant et entrèrent en le ville, et trouvèrent leurs compaignons qui estoient maistre dou castiel. Enssi fu prise et emblée la forterèce de Belleperche, et la mère de la roynne de Franche dedens. Si le trouvèrent bien pourvueuwe de tous vivres et de grant fuisson de vins. Si s’avisèrent qu’il le tenroient et garderoient bien contre tout homme. Ces nouvelles vinrent au ducq de Bourbon, qui estoit à Paris, que on avoit pris et emblet Belleperche, son dit castiel, et le tenoient les Compaignes, et madamme sa mère dedens. Si en fu li dis dus mout courouchiez, che fu bien raison, mès amender ne le peut, tant c’adonc. 368 Touteffois, il s’en complaindi au roy, son serourge, qui li proummist que hasteement il y pourveroit de remède.
En ce meysme jour que li dessus dit cappittainne des Compaignes englesces prissent Belleperche, il esploitièrent encorres plus avant et prissent une autre fortrèche que on appelle Saint Sivière; et le fortefiièrent tantost et le dounnèrent à monsigneur Jehan d’Ewrues, cappittainne et gouverneur de Limozin, pour tant que ses gens y avoient estet. Et se tenoit li dis messires Jehans d’Ewrues en une autre garnison que on appelle le Soteresne, et avoec lui grant fuisson de bonnes gens d’armes. Fo 161 vo.
P. 156, l. 8: ens.—Ms. A 8: y. Fo 313 vo.
P. 156, l. 11: asseulée.—Ms. A 8: seule.
P. 156, l. 14: songneus.—Le ms. A 8 ajoute: de le garder.
P. 156, l. 20: France.—Le ms. A 8 ajoute: qui estoit.
P. 157, l. 2 et 3: Sanssoirre.—Mss. A 7, 8: Sancerre. Fo 306 vo.
P. 157, l. 7: ensonniier.—Ms. A 8: embesoignier. Fo 314.
P. 157, l. 8 à 12: Or vous.... Tournehen.—Cette phrase manque dans le ms. A 22, t. II, fo 258.
§ 629. Li rois de France.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, faisoit li roys de Franche le plus bel et le plus grant aupareil de navie que on ewist oncques mès veu sus le rivierre de Sainne, mouvant de Roem jusques à Harfluez. Et avoit li dis rois entention et desir très grant que d’envoiier son frère le ducq de Bourgoingne en Engleterre gaster et essillier le pays. Si retenoit li roys chevaliers, escuiers et gens d’armes de tous costés, et faisoit si grandes et si grosses pourveanches que merveilles seroit à croire et à pensser. Si devoient y estre patron de toute ceste navie li viscomtes de Nerbonne, messires Oliviers de Clichon et messires Jehans de Vianne. Et meysmement li roys de Franche s’en vint tous quois demourer et sejourner en le chité de Roem, pour mieux entendre à ses besoingnes et à ceste navie. Si chargoit on tous les jours le ditte navie de bisquit, de vins, de chars, d’aige douce et de touttes pourveanches qui fallent et qui appertiennent sus mer, ossi grossement que ce fust pour aller em Prusse ou en Jerusalem. Et cousta chilz arrois si grandement au roy de Franche, que merveilles seroit à recompter; mais il le faisoit de si grant vollenté, que il ne plaindoit cose qu’il y mesist.... Fo 162.
369 En celle saison, li dus de Lancastre, filz au roy d’Engleterre, [passa] le mer à mil lanches et deux mil archiers et vint ariver à Callais; et quant ilz et ses gens se furent là rafresci, il s’em partirent en grant arroi. Si estoit li comtes de Warvich marescaux de son ost, et entrèrent ses gens ou royaumme de Franche, et prist li dus terre et logeis sour le mont de Tournehon. Là vint deviers lui messires Robers de Namur à soissante lanches bien estoffées, et acompaigniés de chevaliers et d’escuiers. Fo 164 vo.
P. 157, l. 14 à 16: un très... Harflues.—Ms. B 6: le plus grande assamblée de navie, de gros vaissieaulx et de moiens et de petis, ou havre de Harfleus, entre Roem et le mer, que on euist oncques veu celle part ne ailleurs. Fo 746.
P. 157, l. 15: sus le havene d’Harflues.—Ms. A 8: sur le port de Harfleu. Fo 314.
P. 157, l. 25: se navie.—Ms. A 8: la navire.
P. 157, l. 26: affection.—Le ms. B 6 ajoute: che fu environ le Saint Jehan Baptiste l’an mil trois cens soissante neuf. Fo 747.
P. 158, l. 2: que donc que ce fut.—Ms. A 7: que ce fust. Fo 307.—Ms. A 8: comme se feust. Fo 314.
P. 158, l. 15: ne se parfesist.—Ms. A 7: ne se partesist.—Ms. A 8: ne partesist.
P. 158, l. 31 et 32: Sallebrin.—Ms. A 8: Sallebery.—Le ms. B 6 ajoute: le conte de Sufforc. Fo 748.
P. 159, l. 6: quinze cens.—Ms. B 6: douze cens. Fo 747.
P. 159, l. 14: especialment.—Le ms. B 6 ajoute: che gentil chevalier. Fo 747.
P. 159, l. 22: semonst.—Ms. A 8: semonni. Fo 314 vo.
P. 159, l. 24: appareillier.—Le ms. B 6 ajoute: en la ville de Bruge. Fo 748.
P. 159, l. 25 et 26: Or... Poito.—Cette phrase manque dans le ms. A 22, t. II, fo 258 vo.
§ 630. Vous devés.—Ms. d’Amiens: Or revenrons nous au comte Ammon de Cantbruge et au comte de Pennebrucq, qui s’estoient tenu et rafresci en Bourdille, et avoient à leur departement ordounné à gouverneur et gardien de Bourdille monsigneur de Mucident, Gascon, et grant fuisson de compaignons avoecq lui, dont il estoit cappitains. Et estoient li dessus dit signeur venu em Poito. Dont il avint que li prinches, pour remforchier leur 370 cevauchie, y envoiea monsigneur Jehan Camdos, monsigneur Thummas de Felleton, le captal, monsigneur Robert Canolles, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur Estievene de Gousenton et touttes les gens d’armes qui estoient revenu avoecq yaux. Si vous di que, quant il se furent remis enssamble, il se trouvèrent grant fuisson, et eurent avis quel part il se trairoient pour mieux exploitier et emploiier leur tamps à grever leurs ennemis.
Adonc se porta conssaux et certains acors que il se trairoient deviers une moult belle fortrèce que on appelle le Roche sur Ion en Poito, sus les marches d’Ango et dou resort d’Ango meysmement. Si se traissent celle part à grant esploit, et y fissent amenner et acariier touttes leurs pourveanches, et se logièrent et amanagièrent à l’environ, et y ordounnèrent fueillies et establement pour leurs chevaux. Par dedens le Roche sur Ion avoit ung chevallier angevin qui s’appelloit messire Jehan Blondiaux, qui en estoit cappittainne de par le duc d’Ango, et avoit avoecq lui en le forterèche pluisseurs bons compaignons deffensables et bien appers, pour deffendre et garder le dit castiel; et estoient bien pourvueu de tous vivres pour yaux tenir ung grant tamps, et ossi de toutte artillerie très bien garni. Si tost que li seigneur d’Engleterre eurent asegiet le Roche sur Ion, il y envoiièrent leurs gens asaillir et escarmuchier. Si y eut par pluisseurs fois grans assaux et escarmuches, car cil dou fort se deffendoient aigrement et vassaument. Quant chil qui devant seoient virent que par traire ne lanchier on ne les pooit adammaigier, mès perdoient moult souvent de leurs gens à l’escarmuche et à l’asaut, si en furent moult courouchiet, et s’avisèrent li signeur que en avant il assauroient par enghiens. Si en fissent drechier jusques à six grans et mervilleux, qui nuit et jour jettoient pierres de fais à le fortrèche. Chils atournemens d’assaut esbahy et effrea grandement chiaux de dedens.
Tant fissent li signeur par devant, et si constraindirent chiaux dou fort, que il regardèrent l’un par l’autre pour le milleur à leur avis qu’il estoient trop cuvriiet par ces enghiens, et que, à enssi continuer, il ne se pooient longement tenir. Si traittièrent deviers le comte de Cantbruge, monsigneur Ammon, et le comte Jehan de Pennebruc et monsigneur Jehan Camdos et le captal et monsigneur Guichart d’Angle et les barons qui là estoient, qu’il prenderoient une souffranche de quinze jours, et au 371 chief de ce terme, journée de bataille; et, se adonc il n’estoient comforté et levet par bataille dou siège, il devoient rendre le forterèce as Englès, parmy tant que le ditte cappittainne messires Jehans Blondiaux devoit avoir six mil francs franchois pour ses pourveanches. Chilx tretiés se passa. Li respis fu dounnés et tenus les quinze jours. Nulx ne vint ne n’aparu pour combattre les Englès ne lever le siège. Quant li cappittainnes vit ce, si en fu durement courouchiés; car il ne quidoit mies que li rois de Franche ne li dus d’Ango ne li dewissent faire comfort pour alegier une telle fortrèche de ses ennemis. Toutteffois, il ne pooit aller ariere que il ne delivrast le castiel, car il en avoit baillet as Englès quatre escuiers gentils hommez em plèges. Si rendy le fortrèce et s’em parti, et touttes ses gens, sans dammaige, et reut sez plèges et six mil frans franchois tous appareilliés pour les pourveanches dou dit castiel. Si em prissent li signeur englès, gascons et poitevin, qui là estoient, le possession, et y establirent bonnes gardes, et un chevalier de Poito pour garder, et puis s’em partirent et se retrayrent deviers Poitiers.
Or vous diray de monsigneur Jehan Blondiel coumment il fina. Apriès ce qu’il se fu partis et eut rendu le ditte forterèce, si comme vous avés oy, il prist son chemin pour aller à Paris. Ensi qu’il passoit parmy le chité d’Angiers et qu’il estoit descendus en son hostel, il fu pris et arestés dou connestable d’Ango et des gens dou duc, et mennés en prisson. Si oy dire et compter pour verité qu’il fu depuis accusés de traysson et de villain fait, pour le cause de ce qu’il avoit pris et rechupt monnoie dou dit castiel. Si fu noiiés li dis chevalliers en le rivière qui keurt parmy le chité de Angiers. Fo 149.
P. 159, l. 27 et p. 160, l. 44: Vous devés.... le Roce sur Ion.—Ms. A 22: Vous devez savoir que, quant le departement fut fait des barons et des chevaliers de Guienne qui avoient chevaulchié en Caoursin et en Rouergue, et ilz furent retournez en Angoulesme devers le prince de Galles, ilz eurent conseil d’aller assaillir ung bel chastel et fort appelé la Roche sur Ion, sus les marches. T. II, fo 259.
P. 159, l. 28: Gyane.—Ms. A 7: Guiane. Fo 397 vo.—Ms. A 8: Guienne. Fo 344 vo.
P. 160, l. 8: emploiier.—Ms. A 8: exploitier.
P. 160, l. 24: remis.—Ms. A 8: revenus.
P. 160, l. 24 et 25: plus de trois mil lances.—Ms. B 6: et 372 estoient plus de quatre cens chevaliers et tous ensamble bien huit mil combatans. Fo 752.
P. 160, l. 27: de toutes.—Ms. A 8: de bonnes.
P. 160, l. 31: laiens.—Ms. A 8: ou dit chasteau.
P. 160, l. 31 et 32: as saus et as gages.—Ms. A 8: aux frais et despens.
P. 161, l. 5: Touwars.—Ms. A 7: Thouars. Fo 307 vo.—Ms. A 8: Touars. Fo 315.
P. 161, l. 7: espringalles.—Ms. A 8: espingalles.
P. 161, l. 9: plentiveuse.—Ms. A 8: plantureux.
P. 161, l. 23 et 24: assegurances.—Ms. A 8: asseurances et saufconduit.
P. 161, l. 24 et 25: parolles.—Ms. A 8: traictiez.
P. 161, l. 30: pourveances.—Le ms. B 6 ajoute: que les dit Englès trouvèrent. Fo 752.
P. 161, l. 32: en segur.—Ms. A 8: aussi en seur estat.
P. 162, l. 5 et 6: cuidoit estre aidiés.—Ms. A 8: pensoit estre secourus.
P. 162, l. 21: ensi que couvens portoit.—Ms. A 8: aussi ce que couvenancié lui estoit.
P. 162, l. 31: lui.—Ms. A 8: se.
P. 163, l. 2: faiticement.—Le ms. B 6 ajoute: et ne l’euissent pas rendu pour cent mil frans. Fo 753.
§ 631. Apriès le conquès.—Ms. d’Amiens: Apriès le prise et concquès de le Roce sur Ion, s’en revinrent li signeur, si comme dessus est dit, à Poitiers, et se departirent li pluisseur et s’en allèrent en leurs garnisons et en leurs forterèces. Si se retraist li comtes de Cantbruge deviers son frère le prinche de Galles en Angouloime, et li comtes de Pennebrucq ossi. Or avint que messires James d’Audelée, qui estoit grans senescaux de Poito et durement bons chevaliers et hardis et ungs grans capitains entre les Englès, s’en vint à Fontenay le Comte em Poito, et là s’acoucha malades, de laquelle maladie il morut. De le mort de lui furent li prinches et tout li chevalier d’Engleterre et de Poito mout courouchiés, mès amender ne le peurent.
Apriès le trespas de monsigneur Jame d’Audelée, fu senescaux et gouvrenères de Poito messires Jehans Camdos, à le prierre et requeste de tous les barons et chevaliers dou pays. Et s’en vint demourer à Poitiers et là tenoit il sa garnison, et 373 faisoit souvent des chevauchies et des yssues sus les Franchois, et par especial deviers le Roce de Ponsoy, que li Franchois tenoient et avoient pris, où [estoient] messires Guillaummes des Bordes, messires Loeis de Saint Juliien, Caruel et mout de bonnes gens d’armes. Et avoit li roys de Franche grandement renforcié ses garnisons de chevaliers et d’escuiers sur les frontières et les marches de Poito, et en avoit en le Haie en Tourainne grant fuisson, à Loches et à Saumur; et tout sus celle rivière de Loire estoit li pays raemplis de Bretons et de Bourghignons, et estoit entre yaus une mout grande cappittainne messires Jehans de Vianne.
En ce tamps, fu delivrés de prison li viscomtes de Rochuwart que li prinches avoit fait tenir moult longement, par suppechon qu’il ne devenist franchois. Si le delivra li dis prinches à le priière et requeste de ses amis; et, si trestost comme il fu delivrés, il s’en vint à Paris deviers le roy et se tourna franchois. Et revint arrierre en son pays et y mist un bon homme d’armes et ses gens, en le ville de Rochuwart, qui s’appelloit Thieubaut dou Pont. Et fist touttes ses gens tourner, et puis fist grant guerre au prinche qui fu durement courouchiés, quant si legierement l’avoit delivret de prison, et ossi en furent moult abaubi tout chil qui priiet en avoient. Fo 149.
P. 163, l. 4: Apriès.—Ici commence le ms. B 2 (t. II du ms. no 5006 de la Bibl. nat.).
P. 163, l. 11: s’alitta.—Ms. A 8: acoucha. Fo 315 vo.
P. 163, l. 25: Rocewart.—Ms. A 8: Rochechouart.
P. 164, l. 5: un petit dou duch de Lancastre.—Ms. B 6: entreuls que on se tenoit à Tournehem, d’une aventure qu’il avint encore au conte Jehan de Pennebourcq. Fo 753.
§ 632. Quant li dus.—Ms. d’Amiens: Li roys de Franche pour le tamps se tenoit en le chité de Roem, et avoit là sus le rivierre et ou havene de Harflues fait le plus grant appareil de naves et de calans que on ewist, en grant temps avoit, veu en France, et grant fuisson de bonne chevalerie et escuierie, desquelx li dus de Bourgoingne, ses frèrez, estoit chiés; et devoient aller touttes ces gens d’armes et celle navie en Engleterre. Qant les nouvelles vinrent au roy de Franche que li dus de Lancastre estoit arivés à Calais et couroient ses gens sus le roiame, si fu tous chils premiers pourpos brisiés, et fu dit au roy: «Sire, vous 374 demandés vos ennemis et les vollés faire aller combattre par de dela le mer, et il sont decha; encorres vaut mieux que vous les fachiés combattre par de decha à l’avantaige de vos gens, que par dela.» Adonc coummanda li roys de Franche et ordounna touttes gens à deslogier d’environ Roem, et de passer Sainne et Somme, et de venir logier et prendre terre contre les Englès. Si se deslogièrent et partirent touttes gens, duc, comte, baron, chevaliers et escuier, et prissent pluisseurs voies et adrèches pour venir vers Saint Omer. Si rapassèrent le Sainne et le rivière de Somme à Amiens et à Abeville, et fissent tant par leurs journées qu’il s’en vinrent logier entre Liques et Tournehen, assés priés de l’ost des Englès, et disoit on tous les jours: «Il se combateront.» Si alloient de celle part tout chevalier et escuier qui se desiroient à avanchier. Et me fu enssi dit et affremé pour verité que li dus de Bourgoigne avoit là quarante cens chevaliers et plus, de quoi li ainnés c’estoit messires Philebers de l’Espinache: se pooit il avoir à ce tamps cent ans ou environ; ne oncques on ne vit tant enssamble à Buironfosse, à Crechi, ne autre part. Fo 164 vo.
P. 164, l. 21: Tieruane.—Ms. A 8: Terouenne. Fo 315 vo.
P. 165, l. 15: toursé.—Ms. A 8: tourné.
P. 165, l. 20: Monstruel sus Mer.—Ms. B 6: à Saint Aumer. Là se loga le duc de Bourgongne qui bien avoit en sa compaignie dix mil hommes d’armes, chevaliers et escuiers. Fo 749.
P. 165, l. 30 et 31: compagnie.—Le ms. B 6 ajoute: et passa parmy Brabant et Flandre. Sy estoit en sa compagnie et dessoubz luy messire Guillaumme Lardenois, le sire de Spontin, messire Buriauls de Jupelu, le sire de Gennes, messire Lambert de Gennes son frère, messire Ernoul de Malenbais, messire Danel de Selles, messire Henry de Senselles et des aultres que je ne puis tout noummer. Et estoient en sa compaignie deux cens combatans ausquels le duc de Lancastre fist grant feste. Fos 749 et 750.
P. 166, l. 4: les.—Mss. A 7, 8: le. Fo 308 vo.
P. 166, l. 6: sois.—Ms. A 8: soies. Fo 316.
P. 166, l. 21 et 22: demorans.—Ms. A 8: remenant.
P. 161, l. 22: grant.—Le ms. B 6 ajoute: Et avoient les François grant desir de combatre les Englès, car il estoient six contre ung, et touttes bonnes gens à l’eslite. Mais tous les jours venoient nouvelles en l’ost et commandement de par le roy de Franche que point ne se combatissent sans son sceut et congiet, 375 car le roy doubtoit fort les fortunes et furent un lonc tamps en cel estat. Fo 750.
P. 166, l. 25: euist.—Ms. A 8: veist.
P. 167, l. 3: leur.—Ms. A 8: lieu.
P. 167, l. 20: aventures.—Le ms. A 8 ajoute: plus souvent.
§ 633. Ce terme pendant.—Ms. d’Amiens: Entroes que messires Jehans Camdos estoit gouvrenères de Poito, il mist une cevaucie de gens d’armes et de compaignons sus, et estoient bien trois cens lanches et deux cens archiers, et en pria au comte de Pennebrucq qu’il y volsist estre. Et vollentiers y ewist esté, mès ses conssaux li destourna, et li fut dit ensi: «Monsigneur, vous estes ungs des grans d’Engleterre et li plus grans apriès les enfans dou roy, et ungs jones homs. Si avés mestier, pour vostre honneur et vous avanchier, que vous soiiés renommés chiés d’une chevauchie; et, se vous allés maintenant avoecq Camdos, il en ara le vois et le huée, et vous n’en serés de riens congneus ne avanchiés, qui est uns petis chevaliers ens ou regart de vous, coumment qu’il se soit fais et avanchiés par les guerres.» Siques ces parolles et autres dont li comtes de Pennebrucq fut adonc enfourmés et enortés, le destournèrent d’aller en ceste chevauchie. Nonpourquant messires Jehans Camdos ne vot mies sejourner, mais fist sen emprise et entra en Ango et en ung pays que on appelle Loudunois, et ardi et gasta mout durement celui pays; et y fissent ses gens pluisseurs desrois, ne nuls ne leur vint au devant. Si demoura bien Camdos en ceste chevauchie un mois, et puis reprist sen tour par Cauvegny et par le terre le comte de Rochuart, que il destruisi malement; et s’en vint tout contreval le rivierre de Creusse, et puis à Castieleraut, qui est hiretaiges de monsigneur Loeis de Halcourt. Si s’aresta là et touttes ses gens.
Entroes que il sejournoit à Chastieleraut, il eut pourpos que de faire une chevauchie jusques à le Haie en Tourainne, où il avoit une grant garnisson de gens d’armes, car là se tenoient messires Robers de Sansoire et messires Jehans de Vianne. Si segnefia li dis messires Jehans Camdos sen entente et sen enprise encorres au comte de Pennebrucq, liquelx y fust venus trop vollentiers, mès ses conssaux l’en destournèrent. Toutteffois, quant il eut assés penssé et ymaginet sus ces chevauchies et coumment il s’en estoit escusés par l’infourmation qu’il avoit eus, il regarda en soy meysme que il ne faisoit mies bien. Si fist un jour armer 376 touttes ses gens et monter à cheval, et chevauça à grant esploit jusques à Castielreaut. Encorre trouva il monsigneur Jehan Camdos, qui là se tenoit, mès il avoit tout son pourpos brisiet et romput de faire le chevauchie devant ditte. Et se parti li dis messires Jehans Camdos assés tost apriès de Castieleraut, et prist le chemin pour revenir à Poitiers. Fo 149 vo.
P. 167, l. 23: assamblée.—Ms. A 8: chevauchiée. Fo 316 vo.
P. 167, l. 31: Poitevins.—Le ms. B 6 ajoute: et estoient bien cinq cens lanches. Fo 753.
P. 168, l. 1: en... Tourainne.—Ms. B 6: jusques en Touraine et jusques à la riviere de Loire.
P. 168, l. 8: desir.—Ms. A 8: propos.
P. 168, l. 9: homs.—Ms. A 8: seigneur.
P. 168, l. 16: le sienne.—Mss. B 3, 4, A 7, 8: le sien.—Ms. B 4, fo 313 vo.
P. 169, l. 7: moult.—Le ms. A 8 ajoute: d’ennuis et.
P. 169, l. 10: Loudonnois.—Ms. A 8: Laudonnois.—Le ms. B 6 ajoute: et y sejourna bien ung mois. Fo 754.
P. 169, l. 14: Rochewart.—Ms. A 8: Rochechouart.
P. 169, l. 19: Alyos.—Ms. A 8: Alions.
P. 169, l. 19 et 20: Alyos de Talay.—Ms. A 17: Heliot du Taillay. Fo 365.
P. 169, l. 25 et 26: à le Haie en Tourainne.—Ms. A 8: en la Haie de Touraine.
§ 634. Or vous compterons.—Ms. d’Amiens: Che jour tout enthier, demoura li comtes de Pennebrucq à Castieleraut, et l’endemain apriès boire, il s’em parti et prist che meysme chemin que messires Jehans Camdos avoit fait. Or vous diray le couvenant des Franchois et des garnisons qui se tenoient sour les marches et frontières de Poito. Bien savoient par leurs espies coumment messires Jehans Camdos et li comtes de Pennebrucq n’avoient point chevauchiet enssamble, et que, par grandeur et orgoeil, il avoient laissiet à faire leur emprise ou em partie. Et entendirent encorres li chevalier franchois que li comtes de Pennebruc estoit à Castieleraut, et messires Jehans Camdos, partis. Ces nouvelles oyrent il moult vollentiers. Si se partirent tantost et sans delay de le Roche de Ponsoy, où il estoient recueilliet et assamblet, et se missent as camps bien cinq cens hommes d’armes, tous montés et aprestés, et avisèrent par esclos et par espies 377 le chemin que li comtes de Pennebrucq tenoit. Il faisoit celi meysmes que messires Jehans Camdos avoit fais ens ou voyaige d’Ango, qui marchist à Poito. Si se vint logier li dis comtes en Ango, à l’entrée de un villaige c’on dist Puirenon, et pooit avoir en se route de touttes gens trois cens hommes. Si en volloit faire, par l’enhort et avis de son consseil, se cevauchie à par lui et ossi bien que messires Jehans Camdos avoit fait le sienne; mès il l’en dubt estre près mesavenut et mescheut, si comme vous orés recorder chy apriès.
En ceste queilloite et chevauchie que li Franchois avoient mis sus pour rencontrer les Englès, ou cas que il les poroient trouver ne avoir à leur avantaige, avoit fuisson de bons chevaliers et escuiers, car il estoient queilliet et rasamblé de pluisseurs garnisons, pour tant que il savoient bien que li Englès chevauchoient; et par especial chil de le Haie en Tourrainne et de le Roche de Ponsoy y estoient le plus. Là estoient messires Jehans de Vianne, messires Jehans de Buel, messires Guillaummes des Bordes, messires Loeiis de Saint Julien, Caruel, Breton, et messires Robers de Sansoir; et d’Avergne: messires Robers Daufins, messires Hugues Daufins, messires Grifons de Montagut, li sires de Calençon, messires Jehans d’Achier, li sires de Rochefort et pluisseurs autres chevaliers et escuiers. Si chevauchièrent tellement et si sagement par l’ordounnanche de leurs espies, que il vinrent et entrèrent ou village de Puirenon contre un soir, assés tost apriès che que li comtes de Pennebrucq et ses gens y fuissent venu et descendu, et ja se coummenchoient à establer et à logier pour y demourer celle nuit. Evous les Franchois venus, bannierres et pennons devant yaux, en escriant: «Sansoire!», les lanches abaissies et les espées touttes traites, et montés sour bons courssiers et ronchins. Si entrent en ces Englès, et les coummenchent à abattre et à mehaignier, à ochire et à decopper.
Et quant li Englès se virent si soudainnement asailli, si furent tout esmervilliet dont telx gens venoient. Si se prendent à retraire petit à petit deviers le logeis le comte de Pennebrucq, qui estoit ja tous armés, et se routte, et montés à cheval, se bannière devant lui. Là se raloiièrent chevaliers et escuiers et touttes mannierres d’autres gens de leur ordounnanche. Si coummenchièrent li archier à traire fort et roit sus ces Franchois et à bersser hommes et cheval, et à deffendre et garder moult bien le place, et tant que il se furent ensi que tout requeilliet et mis ensamble. Là eut dur 378 hustin et fort puigneis, car li Franchois estoient grant fuisson et droite gens d’armes, et tout bien monté et bien armé, et si fort et si espès que li très ne les pooit noient empirer. Là eut maint homme jetté par terre et mis à meschief. Si vous di que li Englès ne l’avoient mies d’avantaige. Si estoient adonc dallés le comte de Pennebrucq et de se chevauchie messires Thummas de Perssi, messire Bauduins de Fraiville, messire Thummas le Despenssier, messires Richars Masse, messires Jehans Anssiel et pluisseurs autres bons chevaliers et escuiers. Et bien leur besongnoit que il fuissent droite gens d’armes et encorres plus deux tans que il ne fuissent, car il furent à ce donc ossi dur rencontré et rebouté c’à merveilles; et bien y pary, car une grant partie des leurs furent mors et pris sour le place. Et, par especial, y furent pris messires Richars Masse et messires Jehans Anssel, et bien ochis des leurs cent et cinquante.
Et n’eurent li comtes de Pennebrucq et messires Thummas de Perssi et li remanans plus de recours qu’il s’avisèrent d’une maison de Templiers, qui estoit au dehors de le ville, fremmée et environnée de mur de blanche pierre et toutte secke, sans aige et sans fosset, à plainne terre. Toutteffois, quant il virent le meschief qui contournoit sus yaux, il se retraissent celle part, tout combatant et escarmuchant; et fissent tant qu’il se boutèrent et requelièrent dedens le porte, mès il laissièrent par dehors touttes leurs pourveanches, chars, charettes et sommiers, or et argent et vaissielle et tout l’aroy, l’ordounnance et le harnois pour lors corps et pour lors gens, et une partie de lors chevaux. Encorres se tinrent il tous euwireux, quant il se trouvèrent laiens enfremmé pour passer le nuit, à quel mescief ne peril que ce fust. Quant li Franchois virent que li Englès estoient là retret, si se retraissent ossi, car il fu tantost tart, et dissent entre yaux: «Alons nous reposer. Il sont mieux que en prison; car laiens les afammerons nous, se nous voilons, ne il ne se puevent partir sans no congiet.» Si entendirent leur varlet au pillage, au trousser et au destrousser, et au mettre d’un lés tout chou que trouvet avoient, et ossi à entendre à garder les prisounniers de leurs mestres, et ossi à faire bon get par devant l’ostel dou Puirenon, où li Englès estoient enclos. Fos 159 vo et 160.
P. 170, l. 18: trois cens.—Ms. B 6: sept vingt. Fo 754.
P. 171, l. 20: Karenloet.—Mss. B 1 à 4, A 8: Charuel, 379 Charruel, Karuel.—Mss. A 7, 22: Jehan Kaeranloet, un très bon escuier breton. Fo 310.
P. 171, l. 21: sept cens combatans.—Ms. B 6: mil lanches. Fo 754.
P. 171, l. 25: Fraiville.—Ms. A 8: Franville.
P. 171, l. 26 et 27: d’Aghorises.—Ms. A 7: d’Agorisses.—Ms. A 8: d’Angonses. Fo 317 vo.—Ms. A 22: d’Angourisses. Tome II, fo 262.
P. 171, l. 29: Courson.—Ms. A 8: Tourson.
P. 171, l. 32: Touchet.—Ms. A 8: Conchet.
P. 172, l. 6: Puirenon.—Ms. A 22: Puirenou.—Ms. B 6: le Puirenon. Fo 755.
P. 172, l. 7: asseguré.—Mss. A 7, 8: asseurez.
P. 172, l. 8 et 9: evous ces François venus.—Ms. A 8: et lors vindrent ces François.
P. 172, l. 20: Fraiville.—Ms. A 8: Franville.
P. 172, l. 28: Et n’eurent.—Ms. A 8: Et n’ot.
P. 172, l. 30: qu’il se retraisent.—Ms. A 8: fors que d’eulx retraire.
P. 172, l. 32: pierre.—Ms. B 6: murs. Fo 755.
P. 173, l. 14: remontière.—Mss. A 7, 8: remontée. Fo 310,
P. 173, l. 14: hostel.—Ms. A 8: chastel.
P. 173, l. 17: reskement.—Ms. A 7: richement.—Ms. A 8: aigrement.—Mss. A 15 à 17: radement.
P. 173, l. 25: paveschiés.—Ms. A 8: les pavais. Fo 318.
P. 173, l. 32: arciers.—Ms. A 8: chevaliers.
P. 174, l. 5: frefel.—Ms. A 8: effroy.
P. 174, l. 16: assegur.—Mss. A 7, 8: asseur.
P. 174, l. 16: afaire.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: et que ces Englès ne vuidassent et s’en allassent par nuit.
§ 635. Vous devés.—Ms. d’Amiens: Quant li comtes de Pennebrucq, messires Thummas de Persi, messires Bauduins de Fraiville, senescaux de Saintonge, messires Thummas li Despenssiers et li autre chevalier se virent là enclos en une plate maison, sans pourveanches ne artillerie, et sentirent grant fuisson de chevaliers et escuiers franchois par devant yaux, si ne furent mies à leur aise, car il ne pooient veoir qu’il fuissent comforté de nul costé. Et li plus prochains comfors et secours que il pooient avoir, c’estoit messires Jehans Camdos; encorres espoir se tenoit il à 380 Poitiers, sept grandes lieuwes loing. Toutteffois, imaginet et consideret bien le peril où il estoient, et examinet ossi leurs besoingnes, il s’avisèrent et consillèrent l’un par l’autre qu’il escriproient à monsigneur Jehan Camdos, lequel il esperoient à Poitiers, et li priroient que à ce besoing il les comfortast et delivrast de ce dangier. Adonc furent lettres escriptes tantost et saiellées dou comte de Pennebrucq, et encorres certainnes enseignes envoiies et cargies à celui qui emprist à faire le mesaige, qui se parti tout secretement environ mienuit de l’ostel par deriere le Puirenon et montés à cheval, comme chilx qui cuidoit, ce disoit, trop savoir le chemin et l’adrèche à Poitiers; mès toutte le nuit il se fourvoya, ne oncques ne sceut ne peut tenir voie ne sentier, jusques à tant qu’il fu haux jour et qu’il se ravoiea par assens et congnissance de pays. Or vous parlerons des Franchois, qui tenoient pour tous emprisonnés les Englès.
Ceste nuit passèrent et reposèrent li Franchois tout aise, et droit à l’aube dou jour il furent tout armé, apresté et ordounné pour assaillir les Englès; et se traissent celle part où il estoient, bannières et pennons devant yaux et en très bon arroy, chacuns sires entre ses gens, et par connestablie. Là estoient messires Jehans de Vianne et messires Jehans de Buel, d’un lés, avoecq les Bourguignons; d’autre part, messires Loeis de Saint Juliien, messires Guillaummes des Bordes et Caruel, avoecq les Bretons; en ung autre lés, messires Robers de Sansoirre, li sires d’Andresiel, avoecq les Franchois; et les Auvregnois, messires Griffons, sires de Montagut, li sires de Callençon, li sires de Rocefort, li sires de Serignach, messires Robers et messires Huges Daufins. Si coummencièrent chil seigneur et leurs gens à assaillir l’ostel dou Puirenon, où li Englès se tenoient, très l’a[u]be dou jour. Là eut grant assaut, dur et fier, tant à le porte que as dis murs de le maison; et lanchoient, traioient et escarmuchoient chil de dehors à chiaux de dedens. Là estoient chil archier d’Engleterre mout able et mout legier, monté li pluisseur à deux piés sour le mur, leurs ars tous entesés; et ne traioient point, se il ne quidoient leurs saiettes bien emploiies, car il se doubtoient que il n’en ewissent deffaute. Toutteffois, pour le doubtanche de leur tret, li Franchois n’osoient mies bien bonnement aprochier le mur, se ce n’estoit aucun compaignon able et legier qui s’avanchoient et montoient devant les seigneurs pour y estre plus renommé et honnouré. Là estoient les gens d’armes d’Engleterre, qui avoient 381 fais escafaux, au lés deviers yaux, pour mieux advenir as deffensces et combattre entre les archiers, et trop bien se combatoient et deffendoient à tous venans. D’autre part ossi, s’aventurèrent aucun Franchois, Breton et Bourguignon, et mettoient pavais sour leurs testes et venoient jusques au mur, et hurtoient et pressoient à deffaire; car il n’y avoit aige ne fosset ne nul entre deux. Toutteffois, il estoit fors, durs et secks et de bonne pierre; si ne le pooit on point deffaire à sen aise, parmy tant ossi qu’il estoit bien gardés et deffendus. Que vous feroi je loing compte? Chils debas et ceste rihotte dura, dou point du jour que li aube crieuve jusques à nonne, sans point cesser. Or regardés se là en dedens on n’eut mies bon loisir de faire maintes belles appertisses d’armes. On se poet et doit esmervillier coumment gens peurent tant assaillir sans reposer, et ossi coumment chil de le maison se peurent tant tenir sans yaux rendre ou esbahir; car il n’estoient qu’un petit ens ou regart des Franchois, foullé et travilliet, et qui point n’avoient la nuit souppet ne dormit: dont il n’estoient mies plus fort ne mieux legier, mès il veoient bien que faire leur couvenoit, autrement il estoient tout perdu. Ce estoit la cause pour quoy si bien il se deffendoient. Fo 160 ro et vo.
P. 174, l. 26: viveroient; lisez: juneroient.—Ms. A 8: jeuneroient. Fo 318.
P. 174, l. 27: faisoit.—Ms. A 8: estoit.
P. 175, l. 1: esploiturierement.—Ms. A 8: appertement.
P. 175, l. 8: s’ahati.—Ms. A 8: se vanta. Fo 318 vo.
P. 175, l. 9: de laiens.—Ms. A 8: de l’ostel dessus dit.
P. 175, l. 10: asserisiet.—Ms. A 8: assegrisiez.
P. 175, l. 24: peut.—Ms. A 7: pou.
P. 175, l. 24: baus.—Ms. A 8: bancs. Fo 318 vo.
P. 176, l. 9: wiseus.—Ms. A 8: oiseux.
P. 176, l. 9: recreant.—Ms. A 8: recreus.
P. 176, l. 47: petite force.—Ms. A 8: petit fort.
§ 636. Entre prime.—Ms. d’Amiens: Environ heure de primme et ou plus fort de l’assault, appella li comtes de Pennebrucq ung sien escuier, bon homme d’arme, et li dist: «Partez de chy au plus tost que vous poés, et montés sus tout le milleur et plus appert courssier des nostres, et ne cessés d’esperonner tant que vous venés à Poitiers. Et dittes à monsigneur Jehan Camdos que nous le saluons mout de fois, et li recordés tout 382 l’estat où vous nous laissiez, et li dittes de par nous tous que nous le prions chierement qu’il nous viegne secourir, et qu’il soit chy dedens heure de vespres: je croy que nous nos tenrons bien jusques adonc, à ces ensaignes que vous li baillerés de par my et que bien connistera.» Lors traist li comtes de Pennebrucq un aniel d’or hors de son doy et le bailla à l’escuier. Cils le prist et monta erramment sus un bon courssier, qui estoit tous aprestés en le court, et se parti par de derierre, oncques n’y fu percheus; et se mist au chemin deviers Poitiers, tout le cours et à le fois les galos, pour le courssier laissier resouffler. Or vous diray dou premier messaige coumment il esploita. Bien est veritez que toutte le nuit il chevaucha; mais oncques il ne sceut ne peut tenir voie ne sentier, si fu grans jours. Quant ce vint au jour, il recongnut son chemin et vey bien que il s’estoit fourvoiiés toutte le nuit. Si se radrecha, par asens de pays, par deviers le chité de Poitiers, et fist tant qu’il y parvint environ heure de tierche. Si trouva monsigneur Jehan Camdos à son hostel, qui devoit laver ses mains pour seoir à table, et grant fuisson de chevaliers et d’escuiers dalés lui. Li messagiers l’enclina et li bailla les lettres de par le comte de Pennebrucq et tous les compaignons. Il les prist et ouvri et lissi, et entendi par elles coumment il estoient enclos en un plat hostel à petit de forche au Puirenon, et laiens en dur parti et en grant peril contre les Franchois.
Quant messires Jehans Camdos eut bien les lettres veuwes de chief en qor, si fu tous pensieux une espasse, et regarda que, de Poitiers jusques au Puirenon, avoit sept lieuwes, et que aventure seroit, se il y venoit à tamps. Si dist enssi, quant il eut pensé: «Alons, alons à table; car, se il estoient tout mort et tout pris, se nous convenroit il mengier et boire.» Adonc s’asist au mengier messires Jehans Camdos, et ossi fissent tout chil qui là estoient. Encorres estoient il à leur premerain més, quant li hommes d’armes, que li comtes de Pennebrucq y envoioit de rechief, descendi en le court, liquelx monta tantost les degrés et entra en le sale, et les trouva seans à table. Si enclina monsigneur Jehan Camdos et se traist vers lui, et fist son messaige bien et à point et li moustra les congnissanches de l’aniel d’or et li dist et pria que, parmy ces enssaignes, il se volsist prendre priès de venir là où li compaignon estoient. Adonc penssa messires Jehans Camdos un petit, et puis tantost leva le teste et dist tout en haut: «Or avant, biau signeur! As 383 armes et as chevaux! Vous oés et veés coumment li comtes de Pennebrucq nous prie et nous mande que nous le comfortons à ce besoing; et s’en nous demouroit, on le nous deveroit tourner à reproche et à lasqueté, et ossi nous sommes moult tenus de lui aidier, car ja est il envoiiés en ce pays de par le roy nostre signeur, avoecq monsigneur de Cantbruge, pour uns des ciés, et se le tient nos roys à fil, car il eut sa fille espousée. Si nous esploitons de lui secourir, et j’espoir que nous y venrons tout à tan.» Il n’y eut plus dit ne plus fait, mès se partirent touttes gens de table et se coururent armer, et sounnèrent les trompettes monsigneur Jehan Camdos. Si s’aprestèrent parmy Poitiers touttes mannierres de gens d’armes vistement, et montèrent as chevaux, et se partirent plus de quatre cens hommes parmy les archiers, et prissent le plus droit chemin qu’il peurent par deviers le Puirenon. Fos 160 vo et 161.
P. 176, l. 21: se ragrignoient.—Ms. A 7: se chagrinoient. Fo 311.—Ms. A 8: regrignoient. Fo 318 vo.
P. 176, l. 24: haviaus.—Ms. A 8: hoyaux.
P. 176, l. 25: Englès.—Le ms. A 8 ajoute: doubtoient et.
P. 178, l. 2: priès.—Ms. A 8: prest.
P. 178, l. 5: evous.—Ms. A 8: et vecy.
P. 178, l. 22: ahers.—Ms. A 8: encommencié.
P. 178, l. 31: bellement.—Ms. A 8: benignement.
P. 179, l. 13: gens.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: et se misent au chevauchier roidement. Fo 311 vo.
§ 637. Ensi que.—Ms. d’Amiens: Ces nouvelles furent sceuwes en l’ost des Franchois, qui encorres assailloient le comte de Pennebrucq en l’ospital dou Puirenon, que messires Jehans Camdos, à grant fuisson de gens d’armes et d’archiers, estoit partis de Poitiers et venoit celle part pour secourir ses compaignons. Si tost qu’il entendirent chou, les cappitainnes se traissent d’un lés et parlèrent enssamble à savoir coumment ils se maintenroient, se il atenderoient les Englès ou non. Il regardèrent que il avoient fait une belle chevauchie, mors de leurs ennemis plus de huit vingt, et tenoient des bons prisounniers, chevaliers et escuiers, et avoient encorres gaegniet durement grant butin en vaselle d’or et d’argent, en çaintures et jeuiaux, en harnas, en chevaux et autres pourveanches; et si estoient leurs gens lassés et travilliés d’assaillir, siques, tout consideret et peset le bien contre 384 le mal, il s’avisèrent qu’il se retrairoient tout bellement deviers le Roche de Ponsoy et deviers Saumur, et metteroient tout leur pillaige à sauveté. Si fissent cesser à l’assaut et entendre au toursser et au monter aux chevaux, et se partirent quant il furent tout appareilliet. Si enmenèrent lors prisounniers et tinrent à celle fois le chemin de Saumur. Quant li comtes de Pennebrucq et ses gens, qui estoient en Puirenon, virent le departement des Franchois, si en furent tout joyant, car il avoient là sejourné en grant peril. Si se partirent ossi assés tost, et n’avoient mies à leur departement tant de chevaux comme il estoient d’ommes, mès il fissent au mieux qu’il peurent, et montèrent li pluisseur yaux deux sur un cheval. Enssi les trouvèrent et encontrèrent messires Jehans Camdos et se routte, qui venoient celle part à grant esploit, bannierre desploiie. Si y eut grant recongnissances, quant il se trouvèrent, et revinrent enssi enssamble à Poitiers, parlans et devisans de leurs aventures. Fo 161.
P. 179, l. 29: rihoter.—Mss. A 7, 8: rioter.
P. 180, l. 2: fresch et.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: tous.
P. 180, l. 3: fu.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: tenus.
P. 180, l. 12 et 13: disent par verité.—Mss. A 7, 8: disent entre eulz: «Pour verité.»
P. 180, l. 16: l’enconterons.—Mss. A 7, 8: rencontrerons.
P. 180, l. 20: ensus.—Ms. A 8: arrière. Fo 319 vo.
P. 180, l. 23: cel.—Ms. A 8: tel.
P. 181, l. 2 et 3: li mareschaus.—Ms. A 7: le mareschal. Fo 342.—Ms. A 8: les mareschaux. Fo 320.
§ 638. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce tamps que chil signeur de Franche et d’Engleterre se tenoient enssi l’un devant l’autre à Tournehem, où il furent ung grant tams, trespassa de ce siècle la bonne des bonnes, madamme Phelippe de Haynnau, la noble roine d’Engleterre et courtoise à chiaux de son pays. Certes, touttes nobles vertus furent en li tant comme elle vesqui, et ne perdirent oncques li Englès tant comme elle dura; ne oncques, tout son vivant, n’eut pestilense ne chier tams en Engleterre. Si fu la noble roynne ensevelie à Wesmoustier à très grant solempnité, ce fu bien raison. Fo 163 vo.
P. 181, l. 14: temps.—Le ms. B 6 ajoute: droitement en my auoust. Fo 751.
P. 181, l. 27: ens ou.—Ms. A 8: dedens le. Fo 320.
385 P. 181. l. 31: le.—Ms. A 8: lui.
P. 182, l. 4: lui.—Ms. A 8: elle.
P. 182, l. 8: larmiant.—Le ms. A 8 ajoute: et plourant.
P. 182, l. 15: ordonnés.—Mss. B 2 à 4, A 7, 8: laiiés, laissiés.
P. 182, l. 28: angele.—Ms. A 7: anges. Fo 312.—Ms. A 8: angelz.
P. 183, l. 2: moiienne.—Mss. A 7, 8: la mi.
P. 183, l. 2: d’aoust.—Le ms. B 6 ajoute: Sy fu ensepvellie en l’abeie de Wesmoustier dehors Londres. Fo 751.
§ 639. Les nouvelles.—Ms. d’Amiens: Or revenons au siège de Tournehem, coumment chil signeur estoient l’un devant l’autre, et se tenoient toudis li Englès sus leur garde, ne point ne descendoient; car il n’estoient qu’un peu de gens ou regart des Franchois. Or avint, à un ajournement, que aucun chevalier et escuier de Vermendois, d’Artois et de Pikardie, qui desiroient à trouver les armes, se queillièrent enssamble, et furent bien trois cens lanches, et s’en vinrent au jour sus le montagne pour resvillier à leur avantaige les Englès. Che soir, jusques au jour, avoit fait le gait messires Robers de Namur avoecq ses gens. Si estoit retrais sus l’ajournée et se desjunoit, et li sires de Spontin dalez li. Quant les nouvelles li vinrent que li François combatoient ses gens, tantost messires Robers bouta le table outre et mist son bachinet, et monta à cheval et fist desvoleper se bannierre, et se bouta en ses ennemis de grant vollenté, et chacuns, qui mie[u]s mieux, le sieuvi. Li hos se coummencha à resvillier, et Englès à traire de celle part. Là ne gaegnièrent point li Franchois, mès furent reculé, et en y demora des leurs mors et pris; et par especial messires Rogiers de Couloingne y fu mors, dont ce fu dammaiges. Fo 164 vo.
P. 183, l. 17 et 18: li un à l’autre.—Ms. A 8: les uns aux autres. Fo 320 vo.
P. 183, l. 22: tourniier.—Ms. A 8: tournoier.
P. 183, l. 27 et 28: l’ajournement.—Mss. A 7, 8: l’aournée.
P. 183, l. 30: Evous.—Ms. A 8: Et vecy.
P. 183, l. 31, et p. 184, l. 1: aultres.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: seigneurs.
P. 184, l. 20: sieuce.—Mss. A 7, 8: suive. Fo 312 vo.
386 P. 184, l. 30: estourmie.—Ms. A 8: là prest et ordonné.
P. 185, l. 2: Coulongne.—Le ms. B 6 ajoute: ung chevalier de Picardie. Fo 751.
P. 185, l. 3: friches.—Ms. A 7: friques.—Ms. A 8: riches.
§ 640. Depuis ceste avenue.—Ms. d’Amiens: Depuis ceste avenue, n’y eut nul fait d’armes fait, qui à recorder face. A ce que on disoit adonc, li dus de Bourgoingne et la plus grant partie de ses gens se fuissent vollentiers combatu as Englès, se li roys de Franche l’ewist souffert, mès tous les jours il leur contremandoit et destournoit. Dont il avint finablement qu’il se deslogièrent et boutèrent le feu de nuit en leurs logeis, et se retraist li dus de Bourgoingne à Saint Omer, et se departirent de li touttes gens d’armes. Si se boutèrent ès fortrèces et ès garnisons, car autrement il ne volloient gueriier pour celle saison. A l’endemain que li dus de Bourgoingne fu partis, vinrent li Englès souper et jesir en le place qu’il avoient laissiet, et puis, deux jours apriès, se rebaissent viers Callais. Fo 164 vo.
P. 186, l. 14: durement.—Mss. A 7, 8: droitement. Fo 313.
P. 186, l. 17: point.—Mss. A 7, 8: heure.
P. 187, l. 20: meuist.—Ms. A 7: meust.—Ms. A 8: bougast. Fo 321 vo.
P. 187, l. 24: able.—Mss. A 7, 8: abiles et legiers.
§ 641. Ensi.—Ms. d’Amiens: Or revenrons nous à le chevauchie que li comtes de Pennebrucq fist et coumment il l’emploia, quant li comtes de Pennebrucq eut fait sen assamblée de grant fuisson de bonnes gens d’armes; et là estoient de Poito: li sires de Pons, li sires de Partenay, messires Guiçars d’Angle, messires Perchevaux de Coulloingne et pluisseurs autres chevaliers et escuiers, et ossi chil de l’ostel dou prinche, messires Estievenes de Goussenton, messires Richars de Pontchardon, messires Neels Lorink, messires Thummas de Felleton, messires Thummas de Persi, messires Richars Tanton, messires Guillaummes Tourssés, messires Jehans Trivés, messires Thummas li Despenssiers et pluisseurs autres, et ossi messires Hues de Cavrelée, qui tenoit une grande routte de gens d’armes, et estoit nouvellement revenus de le comté d’Ermignach. Si chevauchièrent touttes ces gens d’armes deviers Ango, et estoient bien cinq cens lanches 387 et quinze cens autres hommes, et esploitièrent tant que il vinrent à Saumur. Si se logièrent ens ès fourbours et illuecq environ, et coummencièrent à courir le pays et faire y mout de desrois. Par dedens Saumur se tenoient messires Robers de Sansoir et messires Jehans de Buel et une mout grosse garnisson de Franchois, qui gardoient et deffendoient le ville contre les Englès. Si vous di que li Englès prissent une ville assés priès de là, qui s’apelle li Pons de Selz, et en fissent une bastide et le fortefiièrent bien et fort pour le tenir contre tous venans. Encorres prissent li dessus dit une abbeie assés priès de là, que on dist de Saint Mort, et le fortefiièrent ossi et y missent dedens une grosse garnisson de gens d’armes.
En ce tamps, avoit à Saint Salvin en Poito, assés priès de Cauvegny, un monne, liquelx traita à monsigneur Loeis de Saint Juliien et à Caruel, qui se tenoient en le Roche de Ponsoy; et rendi li dis monnes l’abeie de Saint Salvin as Franchois, et l’abbé dedens et tous les monnes. De ceste aventure fu messires Jehans Camdos moult courouchiet, mès il n’en peut adonc autre cose avoir. Fo 164 vo.
P. 188, l. 10: evous.—Ms. A 8: et vecy. Fo 321 vo.
P. 188, l. 14: vitaillers.—Ms. A 8: vitailleurs.—Le ms. A 17 ajoute: tuffes et giveliers. Fo 371.
P. 188, l. 21: fumière.—Ms. A 8: fumée.
P. 188, l. 27: en son lieu.—Ms. A 7: sus soy. Fo 313 vo.—Ms. A 8: chés soy.
P. 188, l. 28: dur.—Ms. A 8: paine.
P. 189, l. 27: brigans.—Le ms. A 17 ajoute: petaux. Fo 371 vo.
P. 190, l. 4: rançonnoient.—Mss. A 7, 8: rançonnant. Fo 314.
P. 190, l. 25: abbeye.—Le ms. B 6 ajoute: entre Poitiers et Chauvegni. Fo 760.
P. 190, l. 31: Carenloet.—Mss. B: Charuel, Charruel.—Ms. A 8: Charuet. Fo 322.—Ms. A 7: Jehan Kaeranloet.
§ 642. Quant li dus.—Ms. d’Amiens: Là (à Calais) se reposèrent il (les Anglais) et rafresquirent, et entendirent à mettre à point touttes leurs besoingnes, enssi que pour chevauchier en Franche. Si se departirent un jour de Calais li dus de Lancastre et ses gens, et costiièrent Ghinnes et vinrent devant le castiel de 388 Fiennes et le avisèrent, mès point n’y assaillirent; car il veoient bien qu’il perderoient leur painne. Si s’em partirent le tierch jour, et entrèrent en le terre dou comte de Saint Pol et le mesaisièrent de grant fachon. Et vinrent devant Piernes, ung castiel qui estoit de madamme dou Doaire; et proprement li dus de Lancastre de son glaive tasta le parfont des fossés: autre cose n’y eut fait. Si chevauchièrent li Englès oultre, ardant et essillant, et vinrent courir jusques as portes de Abbeville. Ad ce donc estoit laiiens messires Hues de Castillon, mestres des arbalestriers, à tout grant gent d’armes, qui bien songna de le ville tant qu’il n’y eut nul dammaige. Si passèrent li Englès le Somme entre Crotoy et Saint Walleri, ou pas c’on dist à le Blancque Taque, le rivière de Somme, et puis entrèrent ou Vismeu, et chevauchièrent enssi sans trouver nulle aventure jusques à Harflues. Et avoient entention que de destruire le navie dou roy de Franche, qui estoit ou avoit estet toutte celle saison à l’ancre devant Harflues; mès li Franchois l’avoient remis en le mer. Si furent li Englès trois jours devant Harflues, de laquelle ville li comtes Guis de Saint Pol et messires Loeys de Namur estoient cappittainne. Quant il virent que il ne feroient autre cose, si n’eurent mies consseil d’aller plus avant ne passer Sainne, car li yviers aprochoit. Si retournèrent; mès, à leur retour, il ardirent le plus grant partie de le terre le signeur d’Estouteville, et fissent aucuns le cemin qu’il avoient fait à l’aler. Si fu pris, à leur retour, de messire Nicolle de Louvaing, au dehors d’Abeville, messires Hues de Castillon. Fos 164 vo et 165.
P. 191, l. 30: Tierouwane.—Ms. A 7: Terouane. Fo 314.—Ms. A 8: Therouenne. Fo 322 vo.
P. 192, l. 8: Saintpi.—Ms. A 8: Sempy.
P. 192, l. 18: Pernes.—Mss. A 7, 8: Perites.
P. 192, l. 19: proprement.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: en avisant le fort.
P. 192, l. 22: Luceux.—Ms. A 8: Lucheu.
P. 193, l. 11 à 13: Là furent... assallirent.—Ms. B 6: Et chevauchèrent ensy jusques à Harfleu, le grosse navire du roy, qui avoit ja jeu tout le tamps à l’ancre; mais osi tost que on senty les Englès venir, on le desancra et bouta ou parfont en mer hors du peril des Englès. Et furent les dis Englès devant Harfleu trois jours, ouquel lieu estoient le conte de Saint Pol, messire Lois de Namur et bien deux cens chevaliers en garnison. Se n’y pooient 389 les Englès riens faire et eulrent adonc consail de retourner viers Calais, car il en avoient pour celle saison assés fait, et sy leur aprochoit l’ivier. Fo 758.
P. 193, l. 14 et 45: d’Estouteville.—Le ms. B 6 ajoute: qui mal courtoisement et sans congiet de son hostaigerie estoit yssus d’Engleterre: pour tant et en son despit li fist toute ardoir. Fo 758.
P. 193, l. 30: Louvaing.—Ms. B 6: Longheville. Fo 759.
P. 194, l. 10: rieu.—Ms. A 7: rien.—Ms. A 8: ru. Fo 323.
P. 194, l. 11: vieses.—Mss. A 7, 8: vielles.
P. 194, l. 12 et 13: descloses.—Ms. A 8: desolées.
P. 194, l. 20: rieu.—Ms. A 8: ruissel.
P. 194, l. 29: point.—Ms. A 8: poingni.
§ 643. Moult furent.—Ms. d’Amiens: Et rapassèrent li Englès à le Blancque Take, et rentrèrent en Callais le nuit Saint Martin en yvier, et là se departirent touttes gens d’armes li uns de l’autre. Et fu messires Gautiers de Mauni en touttes ces chevauchies: che fu la dairainne fois pour li. Or revenons as lontainnes marches. Fo 165.
P. 195, l. 26: estragniers.—Mss. A 7, 8: estrangiers.
P. 196, l. 1: avant.—Le ms. B 6 ajoute: Et me fu adonc dit que le roy d’Engleterre fut moult courouciez à son filz le duc de Lenclastre de che qu’il n’avoit aultrement chevauchiet en Franche, et de che ossy qu’il n’avoit creu la parolle de messire Gautier de Mauny à Tournehem. Fo 759.
P. 196, l. 5: trau.—Ms. A 8: cran. Fo 323 vo.
P. 196, l. 8: puissedi.—Ms. A 8: depuis ce.
P. 196, l. 8: de celles.—Ms. A 8: du pais.
§ 644. Trop touchoit.—Ms. d’Amiens: Or revenrons nous as avenues de Poito et de Saintonge et des lontainnes marches, car les guerres y estoient plus fortes et plus rades c’ailleurs; et plus souvent y avoient affaire li chevalier et li escuier que en autre part, tant par rencontres, par chevauchies que par embuscement. Et penssoient et soutilloient nuit et jour li ung et li autre coumment il pewissent concquerre et gaegnier sus leurs voisins. En ce tamps que messires Jehans Camdos estoit senescaux et gouverneurs de Poito, il se tenoit à Poitiers, et mout li anoioit de le 390 prise de Saint Salvin, que li Franchois tenoient et avoient fortefiié. Si vous di que par pluisseurs fois il se mist en painne pour le ravoir, et en chevaucha maint jour et mainte nuitie. Tout ce savoient assés bien li Franchois, que il desplaisoit grandement à monsigneur Jehan Camdos et que il tiroit mout à le ravoir: pour ce, le gardoient il plus diligamment.
Or avint que, le nuit devant le nuit de l’an mil trois cens soissante neuf, messires Jehans Camdos se parti de le cité de Poitiers, et avoecq lui messires Guichars d’Angle, messires Loeis de Halcourt et li sires de Partenay et messires Thummas de Perssi et leurs gens, bien montés et bien ordounnés. Et vinrent celle nuit à Saint Salvin et le quidièrent escieller et prendre, et l’ewissent pris et eu; mès d’aventure Caruelx, Bretons, estoit ce soir parti de le Roce de Ponsoy et avoit empris à chevauchier en Poito. Si venoit querre monsigneur Loeys de Saint Juliien, qui estoit dedens Saint Salvin. Si vint si à point, que il esvilla le gette, entroes que li Englès estoient ens ès fossés, et ne savoient riens li uns de l’autre. Quant messires Jehans Camdos et li chevalier qui là estoient, sentirent le gette esvillie et oïrent grant murmurement ou fort, et c’estoit des Franchois qui y entroient, mès riens n’en savoient, si quidièrent qu’il fuissent aperceu et oy. Si se retraissent tout bellement hors des fossés de Saint Salvin, et montèrent as cevaux enssi que cil qui avoient falli à leur emprise, et prissent le chemin de Cauvegny pour revenir à Poitiers et vinrent là environ mienuit. Et là estoient parti de messire Jehan Camdos messires Guichars d’Angle et messires Loeis de Harcourt et messires de Partenay à plus de cent lanches, et ne quidoient mies que messires Jehans Camdos dewist en avant chevauchier, si comme il fist, et ossi li dessus dis leur avoit dounnet congiet de bon gré pour aller quel part qu’il voloient. Enssi se departirent li ungs de l’autre, et encorres demoura monsigneur Thummas de Persi dallez monsigneur Jehan Camdos, qui li pria, apriès le departement des dessus dis, qu’il le laissast chevauchier à tout vingt lanches tant seullement, pour savoir s’il trouveroit jammès aventure. Messires Jehans Camdos, qui estoit tous merancolieux de ce qu’il avoit failli à se emprise de Saint Salvin, li respondi en basset: «Faittes ce que vous voullés.» Plus n’y eut dit. Messires Thummas se parti, acompaigniés de vingt lanches tant seullement, et prist l’autre chemin de le rivierre de Viane pour revenir ossi à Poitiers.
391 Assés tost apriès ce que messires Jehans Camdos se caufoit à un feu d’estrain que ses hiraux li faisoit, vint uns homs qui li dist que «li Franchois chevauchent, et sont parti de Saint Salvin messires Loeys de Saint Juliien et Caruels, et s’en vont viers Poitiers; et croy bien que vous les raconsievrés, se vous voilés, au pont de Louzach ou environ.» De ces nouvelles se resjoy messires Jehans Camdos, et dist: «Oïl, je ne desire autre cose. Or tos as cevaux!» Dont restraindirent lors armures et montèrent as cevaux et chevauchièrent tout souef, car il estoit encorres entour l’ajournée, et trouvèrent assés tost le froais des cevaux franchois, qui chevauçoient devant yaux, espoir de une lieuwe, et pooient y estre environ soissante lanches. Or avint que, environ soleil levant, le nuit de l’an, messires Thummas de Perssi, qui chevauchoit d’autre part de le rivierre, les perchupt enssi que au quart d’une lieuwe priès dou pont de Louzach, et vit bien qu’il estoient grant routte enviers lui, et qu’il les avoient ossi perchut, car il tiroient ossi à venir au pont devant pour le gaegnier. Adonc se dist messires Thummas de Persi: «Avanchons nous tant que li pons soit nostrez; car li Franchois, à ce que je puis veoir, en aroient vollentiers l’avantaige.» Donc se hastèrent li ung et li autre. Toutteffois, li Englès vinrent premièrement au pont que li Franchois ne fesissent, car il avoient à monter de leur costé une montaigne, et li [Englès] estoient au plain. Si descendirent li Englès à piet, et ossi fissent li Franchois, et dominèrent chacune partie lors cevaux à lors varlès. Li Englès, qui virent bien le couvenant des Franchois et coumment il estoient grant fuisson enviers yaux, s’avisèrent de rompre le pont deviers leur lés, affin qu’il ne pewissent passer oultre, fors en peril, et en ostèrent à lors glaves et à lors haces, ne say cinq ou six aissielles, et fu tantost fais.
Entroes que li Englès s’ensonnioient de ce faire, et li Franchois s’ordounnoient de passer oultre et estoient ja monté sus le pont pour venir combattre les Englès, atant evous venu monsigneur Jehans Camdos en chevauchant les grans ghalos, se bannierre devant lui d’argent à un pel aiguisiet de geulles, et n’estoient que douze lanches seulement. Si trestost que li varlet des Franchois, qui gardoient les chevaux, virent leurs mestre[s] monter sus le montaingne et il recongnurent le bannierre monsigneur Jehan Camdos, il se doubtèrent et fuirent tout en voies, et en menèrent les chevaux lors mestres et les laissièrent là à piet. Li Franchois, 392 qui montoient le pont de Louzach, oïrent le friente derrière yaux. Si regardèrent sour costé et virent monsigneur Jehan Camdos et se routte, tous à cheval, qui point ne descendoient. Si descendirent chil qui le pont avoient monté, et se missent là en ordounnance enssi que pour tantost combattre. Adonc les coummencha messires Jehans Camdos tout à cheval à rampronner, et dist enssi: «Signeur franchois, signeur franchois, tant vous ai je quis que je vous ai trouvés. Vous chevauchés au pays de Poito à vostre aise et vollenté, et mout m’avés cousté au querre. Et trop desiroie, se Diex m’aït, que je vous pewisse trouver em place où vostre proèce fuist esprouvée; car vous estes si vaillant homme que vous faites que vous vollez, ne riens ne se tient maintenant devant vous.» Fo 165.
P. 196, l. 10: anoioit.—Ms. A 8: avoit. Fo 323 vo.
P. 196, l. 21: de l’an.—Le ms. B 6 ajoute: mil trois cens soissante neuf. Fo 760.
P. 197, l. 3: Fraiville.—Ms. A 8: Fresville.
P. 197, l. 17: Keranloet.—Ms. A 7: Kaeranloet. Fo 315 vo.—Ms. A 8: Carlouet.
P. 198, l. 18: trente.—Ms. B 6: vingt. Fo 761.
P. 198, l. 26: ses hiraus.—Ms. A 15: Chandos son heraut. Fo 360 vo.
P. 198, l. 31 et 32: evous entré... un homme.—Ms. A 15: et il entre un villain tuffe givelier tantost en l’ostel. Fo 360 vo.—Ms. A 17: il entre en l’ostel un grant villain tuffe givelier et vint devant lui. Fo 373.
P. 199, l. 2: «Monsigneur... chevaucent.»—Ms. A 15: «Certainement, monsigneur, ce dist le villain givelier, bomule et tacrier.» Fo 360 vo.
P. 199, l. 12: me.—Mss. A 7, 8: moy.
P. 199, l. 13: pensieus.—Mss. A 7, 8: pensif, pensis.
P. 199, l. 24: Leuzach.—Ms. A 8: Luzac.
P. 199, l. 27: froais.—Ms. A 8: froié. Fo 324 vo.—Ms. B 6: train. Voir est que li Franchois estoient environ cent lanches. Fo 761.
P. 199, l. 29: ajournée.—Ms. A 8: adjournez.
P. 200, l. 5: veés là.—Ms. A 8: velà.
P. 200, l. 26: uns.—Le ms. A 8 ajoute: bons.
P. 200, l. 29: terne.—Mss. A 7, 8: tertre.
P. 201, l. 6: amiroit.—Ms. A 8: amoit.
393 P. 201, l. 7: rampronner.—Ms. A 8: ramposner.
P. 201, l. 8: François.—Ms. A 7: Bretons. Fo 316.
P. 201, l. 32: Leusach.—Ms. A 8: Sanzac. Fo 325.
§ 645. Entre ces rampronnes.—Ms. d’Amiens: Enssi, en yaux regardant et deparlant, se tint là Camdos un espasse, ne point ne les assailloit, ne point yaux ossi lui, tant qu’il avint que li uns de ses escuiers, que on clammoit Simmekin Dodale, appert hommes durement, fu de l’un de ces Bretons verssés à terre jus de son cheval. A ces cops, messires Jehans Camdos se retourne et le voit par terre. Si se coummencha à aïrer, et dist as siens: «Coumment! signeur, lairés vous cest homme ensi ochire? A piet! A piet!» Adonc se mist messires Jehans Camdos à piet, et dallés lui messires Edouwars Cliffors, ses oncles, et messires Jehans Clambo et messires Bertrans de Casselis et tout li autre, et aprochièrent les Franchois de grant vollenté, et li baron ossi eux: adonc fu li escuiers englès rescous. Messires Jehans Camdos estoit parés dessus ses armes d’un vestement, qui li battoit jusques en terre, de blancq cendal, grant et large, à deux pels aiguissiet de guelles, l’un devant et l’autre derierre; et estoit grans chevaliers, fors et hardis durement et comfortés en touttes ses besoingnes. Si prist son glaive, et ainsi qu’il approchoit pour assaillir, li piés, en apoiant sus, li gliça; car il avoit rellet dou matin, et failli d’assir son glaive où il tendoit. Là avoit un escuier que on appelloit Jacquet de Saint Martin, qui jetta son glaive en lanchant sour monsigneur Jehan Camdos, et li asist desous l’oeille au descendant dou froncq au nuc, car point ne portoit de visière, et li encousi là dedens en fuissellant contremont. Messires Jehans Camdos, qui rechupt adonc le cop de le mort et qui senti l’anguisse très grant et très amère, se laissa cheoir en reverssant, et tourna deux tours sus le terre pour la dolour qu’il avoit, car oncques puis ne parla. Adonc vint ses oncles dallés lui, messires Edouwart de Cliffort, et le prist entre ses jambes, son glaive en son poing, et le deffendi en combatant vassaument et hardiment.
Depuis le cop feru dont messires Jehans Camdos fu aterrés, se confortèrent grandement li Franchois et li baron qui là estoient, et requissent les Englès de grant vollenté. D’autre part ossi, li Englès qui virent leur maistre et leur capitaine et que tant amoient, là jesir navré et travilliet, et ne savoient coumment il li 394 estoit, moustroient enssi qu’il fuissent tout fourssené, et requeroient lors ennemis de si grant corraige c’à merveille. Là eut lanchiet, feru et combatu mout longuement et escarmuchiet très vaillamment et fait maintes belles appertises d’armes; et fu chils escuiers, qui navret avoit monsigneur Jehan Camdos, feru d’une glaive parmy les deux cuisses et portés à terre. Non obstant ce, messires Loeis de Saint Juliien et Caruelz, qui estoient chief de ceste chevauchie, se combatoient mout vaillamment et pressoient mout à prendre monsigneur Jehan Camdos, en quel estat qu’il fust; et leur sambloit et voirs estoit qu’il leur fuist tourné à grant vaillance. Si s’en missent il en grant painne, mès li dessus dis messires Edouwars, ses oncles, s’en acquitta trop vaillamment dou bien garder; et se combatoit et deffendoit à tous lés, là où il le tenoit entre ses jambes, tellement que nulx ne l’osoit aprochier. Là en y eut des Englès tirés et rués par terre et fianchés prison. Et vous di que, se li Franchois ewissent eu lors cevaux, il ewissent obtenu le place et tout mors et pris chiaux qui là estoient; mès il vint, entroes qu’il se herioient as Englès, uns trop grans secours, dont nulle garde ne se dounnoient. Car messires Guichars d’Angle, messires Loeis de Harcourt, li sires de Partenay et li sires de Puianne et li autre compaignon, qui s’estoient parti de Cauvegny de monsigneur Jehan Camdos, enssi que ci dessus est dist, avoient entendu sur lor chemin que li Franchois chevauchoient: se les desiroient à trouver; et les avoient ja poursieuwois longement par esclos et froais de chevaux, et tant qu’il vinrent là au pont de Leuzach si à point que li autre se combatoient. Et estoient bien deux cens armures de fier, bannierres et penons devant yaux, et cevauchant mout radement et en bon arroy.
Si trestost que li Franchois et li Breton les virent venant et il recongneurent leur armoirie, il seurent bien qu’il estoient descomffi. Si eurent plus chier à estre prisonnier à chiaux qui combatu les avoient, que à ceux qui nouvellement venoient, car là estoient il tout lasset et tout travilliet davantaige. Si se rendy messires Loeys de Saint Juliien à messire Bertran de Casselis, et Caruelx à monsigneur Jehan Clambo. Là estoient ossi Englès doy chevalier qui ne sont mies à oubliier, messires Richars de Pontchardon et messires Robers de Nuefville, et qui y fissent maintes belles appertisses d’armes, mais il y furent navré. Si furent porté hors de le presse, pour bendeler et affremer leurs plaies. Sitost que li dessus dit messires Guichars d’Angle et messires Loeis de Harcourt 395 et li autres et leurs routes furent venu en le place où on se combatoit, Franchois et Breton furent desconfi, et n’en parti oncques homs, que ne fuissent mort ou pris. Là vinrent li signeur deviers monsigneur Jehan Camdos, et descendirent dallés lui et le coummenchièrent à regreter et dolouser mout doucement; et quant il virent que vie y avoit, si en furent un peu plus aise, et ordounnèrent qu’il fuist aportez en une fortrèce qui est priès de là, que on claimme Mortemer. Se le apportèrent ses gens en cris et en plours, car trop l’amoient, et bien le valloit; et li autre se retrairent à Poitiers et là menèrent lors prisonniers. Ces nouvelles s’espardirent em pluisseurs pays que messires Jehans Camdos estoit navrés à mort, et l’esperoit on: si en estoient tout si amit courouchiés, et especialment li prinche et si frère et tout li baron qui pour sa partie se tenoient; ossi li escuiers qui le cop li dounna, morut à Poitiers de sa navrure. Le tierch jour apriès que messires Jehans Camdos fu aportés à Mortemer en Poito, il rendi ame. Si fu plains, regretés et dolousés de tous ses amis et de tous chiaux qui le congnissoient et loncq et priès, et trop afoibli adonc par se mort le puissanche dou prinche.
Mout fu plains et regretés messires Jehans Candos de tous les Englès, et certes ce fu bien raison, car il estoit une grande cappittainne entre yaux et sages chevaliers et vaillans durement et bons gouvernerres de gens d’armes; et mout euwireux ès fortunes avoit estet en touttes ses besoingnes. Fos 165 vo et 166.
P. 202, l. 3: rampronnes.—Ms. A 8: ramposnes. Fo 325.
P. 202, l. 8: se.—Ms. A 8: la.
P. 202, l. 9: le dessus dit.—Mss. A 7, 8: le dit escuier.
P. 202, l. 15: sallirent.—Mss. B 2 à 4, A 7, 8: salli.
P. 202, l. 27: peu.—Mss. A 7, 8: petit.
P. 202, l. 27: un peu reslet.—Ms. A 15: une petite rousée. Fo 362.
P. 202, l. 27: reslet.—Ms. A 17: resel. Fo 374.
P. 202, l. 28: s’entouella.—Ms. A 7: s’en touilla. Fo 316 vo.—Ms. A 8: s’entorteilla.
P. 202, l. 29: s’abuscha.—Ms. A 7: s’abusca.—Ms. A 8: trebucha.
P. 203, l. 8: abuschant.—Ms. A 8: trebuchant.
P. 203, l. 18: cuisses.—Ms. B 6: bras. Fo 763.
P. 204, l. 1 et 2: signeur.—Le ms. A 1 ajoute: messire Jehan Chandos. Fo 325 vo.
396 P. 204, l. 5: aïreement.—Ms. A 8: arreement.
P. 204, l. 8: Jakes.—Le ms. A 8 ajoute: de Saint Martin.
P. 204, l. 13: avoient veu.—Ms. A 8: savoient.
P. 205, l. 4: en sus.—Ms. A 8: arrière.
P. 205, l. 6: des nostres.—Ms. A 8: de nos gens.
P. 205, l. 20: flair.—Ms. A 8: fleur.
P. 205, l. 20: froais.—Ms. A 8: frais.
P. 206, l. 16: dolouser.—Ms. A 8: doulorer.
P. 206, l. 26 et 27: sus targes et sus pavais.—Ms. B 6: en une litière. Fo 764.
P. 206, l. 32: poursongniés.—Ms. A 8: visitez. Fo 326.
P. 207, l. 1: à Poitiers.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: Et ce firent les Anglois par desplaisance et pour contrevengier la mort d’un si vaillant homme comme monsigneur Jehan Chandos, dont ce fut mal fait. Et depuis le dit Karenlouet fist moult chierement comparer à pluseurs Anglois la mort du dit Jehan de Saint Martin, si comme vous orrez ci après en l’istoire; ne oncques il ne vint bien de traittier nul prisonnier autrement que droit d’armes ne requiert. Fo 363 vo.
§ 646. Apriès le mort.—Ms. d’Amiens: Apriès le mort de lui (Jean Chandos), demoura messires Thummas de Perssi senescaus et gouvreneres de Poito... Fo 166 ro.
D’autre part, en celle meysme saison, fu la terre de Saint Saulveur en Constentin, en le Basse Normendie, qui avoit esté de monsigneur Jehan Camdos, dounnée et acordée, à l’ordounnanche dou roy englès, à monsigneur Alain de Bouqueselle, un sien chevalier, appert homme et courtois durement, liquelx l’envoiea saisir et prendre de par lui, et en devint homs au roy d’Engleterre... Fo 167.
En ce tamps, devint messires li Chanonnes de Roberssart Englès, qui en devant avoit estet si bons Franchois et gouvreneres de le terre monsigneur de Couchy, et avoit ruet jus par pluisseurs fois des Englès; mès li dis chevaliers disoit et moustroit que il se pooit bien traire là où il lui plaisoit, sans fourfait, car il estoit haynuiers et riens ne tenoit ou royaumme de Franche. Si furent les Englès durement liés, car il estoit appers chevaliers et rades durement, et l’amèrent mout en leur compaignie. Si puet on mout bien croire et supposer que ce fu tout par le pourcach et enhort le signeur de Gommegnies, son cousin, qui estoit adonc 397 une grande cappittainne entre les Englès et souverains de le bastide de Arde.
En ce tamps et par celle guerre renouvellée des deux roys, eschei li sires de Couchy, messires Engherans, en un dur parti; car il estoit as armes et dou plus biel de son hiretage franchois et homs feaux et d’oummaige au roy de Franche et li uns des douze pers. D’autre part, ossi il tenoit grant terre et grant revenue en Engleterre de par madamme sa femme, la fille dou roy, que il avoit pour espeuse, si comme vous avés chy dessus oy recorder. Si se doubta li sires de Couchy, qui estoit sages et percevans chevaliers durement, de escheir en le indination et malivolense de son droit seigneur naturel le roy de Franche et de son père le roy d’Engleterre. Sy s’escuza si bellement et si sagement deviers l’un roy et l’autre que il s’en contentèrent. Et dist que de ceste guerre, par le gret et congiet de l’un et de l’autre, il ne s’armeroit point, si comme il fist; mès se parti de Franche, la guerre pendant, et ordounna ses besoingnes. Et laissa madamme sa femme à Couchy et se ainsnée fille, et l’autre en Engleterre; et puis s’en alla en Lombardie deviers les signeurs de Melans, là où il fu un grant tamps, enschois qu’il retournaist en Franche... Fo 162 ro.
Si estoit li pays en grant variement, et par especial doy grant baron de Limozin estoient en ce tamps venu à Paris et y sejournoient tout quoi, en tretiet et en pourkac que d’iaux tourner franchois. Si estoient chil messires Loeys de Melval et messires Raimmons de M[a]roel ses nepveus. Quant chil doi baron sceurent le mort de monsigneur Jehan Camdos, se dissent bien, en lui complaindant, que li prinches et li Englès avoient trop perdu et que par li se pooient faire trop de belles recouvranches; il disoient verité. Enssi chil doi baron dessus noummet se tournèrent franchois, et fissent pluisseurs chevaliers et escuiers de leur pays tourner franchois et ossi depuis tamainte belle fortrèce. Encorres par leur enhort furent mandé de par le roy de Franche, sus bon sauf conduit, messires Jehans de Bourbon, comtes de le Marche, qui estoit homs feaux dou prince, et li sires de Pierebufière, marchissant en Limozin. Quant il furent venus à Paris, li roys leur fist bonne chière, et sejournèrent ung grant tamps dallés lui. Si furent en ce sejour dou consseil dou roy mout priiet et preechiet que eulx se volsissent tourner franchois; mès adonc ilz ne le fissent mies et s’en retournèrent arrierre en Limozin... Fo 166 ro.
398 P. 208, l. 16: anoi.—Ms. A 8: ennuy. Fo 326 vo.
P. 209, l. 3: Melans.—Ms. A 7: Melan. Fo 318.—Ms. A 8: Milan.
P. 209, l. 4: Bernabo.—Le ms. B 6 ajoute: et puis fu saudoier au pappe contre les signeurs de Mellan, et fu ensy waucrant hors de son pais cinq ans; et madamme sa femme se tenoit en se terre et faisoit ses finanches. Fo 764.
P. 209, l. 21: Melval.—Ms. A 8: Maleval.
P. 210, l. 6 et 7: prisonniers.—Le ms. A 8 ajoute: à Agen.
§ 647. P. 211, l. 32: quinzime.—Ms. A 8: cinquime. Fo 327 vo.
§ 648. P. 212, l. 3: ducainné.—Ms. A 8: duchié. Fo 327 vo.
P. 212, l. 5: Rocewart.—Ms. A 7: Rochouart. Fo 318 vo.—Ms. A 8: Rochechouart.
P. 212, l. 5 et 6: Melval.—Ms. A 8: Maleval.
P. 212, l. 6: Moruel.—Ms. A 8: Marueil.
P. 212, l. 16: Keranloet.—Mss. B 1 à 4: Caruels. Ms. B 3, fo 324.—Ms. A 7: Kaeranloet.—Ms. A 8: Carlouet.
P. 212, l. 19: eurent priès.—Ms. A 8: eussent pris.
§ 649. Li dus.—[*] En ce tamps, se parti de Paris li dus de Bourbon à grant fuisson de gens d’armes, chevaliers et escuiers, et li marescaux de Franche avoecq lui, messires Loeys de Sansoire; et s’en vinrent mettre le siège devant Belleperce, où Bernars de West, Hortingo et Chikos de la Salle se tenoient et leur compagnon en garnison, et la mère dou duc de Bourbon avoecq yaux prisonnierre. Si fissent li signeur de Franche qui là s’amanagièrent, ung très bel logeis et grant devant Belleperce, à mannierre d’une ville, bien fremmée de fossés et de palis; et jura li dus de Bourbon le siège à tenir, et dist que jammais n’en partiroit jusques à tant qu’il raroit sa fortrèce. Là estoient avoecq lui li sires de Sulli, messires Robers de Sansoire, li comtes de Saint Pol et messires Galerans ses fils, messires Jehans de Bouloingne, messires Robers et messires Huges Daufin, li sires de Montagut, d’Auvergne, li sires de Biaugeu, messires Ghodeffrois de Bouloingne, li sires de Calençon, messires Jehans de Buel, messires Jehans de Villemur, messires Rogiers de Biaufort, messires Jehans de Vianne et li marescaux de Franche et pluisseurs 399 autres barons, chevaliers et escuiers, que li roys y avoit envoiiés en l’ayde de son serourge le ducq de Bourbon. Si estoient li Franchois bien quinze cens hommes d’armes et trois cens arbalestriers, et venoient souvent escarmucier et combattre à le barrière à chiaux dedens; et avoient fait ouvrer et drechier grans enghiens devant le fortrèce, qui y jettoient pierres de fais qui desrompoient et brisoient les combles et les couvertures dou castiel. Chils assaux des enghiens estoit une cose qui mout travilloit et esbahissoit chiaux de dedens et especiaument la damme mère au duc de Bourbon qu’il tenoient prisonnierre. Et fist la dite damme par pluisseurs fois priier et requerre à son fil le dit ducq, que il se volsist deporter de faire jetter ces enghiens, car trop le travilloient; mais li dus n’y vot oncques entendre et dist que ja ne s’en cesseroit jusques à tant que il aroit abatu le fortrèce et mis rés à rés de le terre.
[*] L’original ne précise pas le manuscrit. Ms. d’Amiens? (n. d. t.)
Quant li compaignon qui dedens estoient, virent ce, si se doubtèrent durement que maux ne leur em presist et que par force il ne fuissent concquis: si envoiièrent certains messaiges devant monsigneur Jehan d’Euvrues, senescal de Limozin, en lui priant et requerant que il volsist aller deviers le prince et son consseil, et que on leur tenist les couvens que on leur avoit proummis, quant il se departirent d’iaux et de le chevauchie de Rohergue et de Quersin.
Quant messires Jehans d’Evrues, qui se tenoit adonc en le Soteresne, entendi les nouvelles de ses compaignons et en quel parti et peril il gisoient dedens Belleperce, si monta tantost à ceval et s’en vint en Angouloime deviers le prince. Si le trouva et monsigneur Ammon son frère et le comte de Pennebrucq avoecq lui et pluisseurs chevaliers et escuiers. Si fist li dessus dis chevaliers son mesaige bien et à point, et esploita si bien que li prinches respondi qu’il seroient comforté et que il y envoieroit gens assés pour combattre les Franchois et lever le siège. Si fist tantost li prinches ungs très especial mandement en Poito et en Saintonge, et une grande assemblée de barons, de chevaliers et d’escuiers. Quant il furent tout venu, chacuns seloncq se quantité et son pooir, et assamblé, il les recarga au comte de Cantbruge son frère et au comte de Pennebruc, et leur enjoindi que il chevauçaissent deviers Belleperce et dou sourplus il en ordounnaissent à leur honneur et par bon consseil. Chil obeirent au coummandement et ordounnance dou prinche, et cheminèrent celle part à grant esploit, 400 bien pourveu et bien garny de tout chou qu’il faut et appertient à ung host et à gens d’armes; et fissent tant par leurs journées qu’il passèrent Limozin et Auviergne et entrèrent en Bourbonnois. Si vinrent d’autre part et se logièrent deviers leur costé à l’encontre des Franchois: dont cil qui estoient en le fortrèche furent grandement resjoy, et virent bien que temprement il seroient comforté, fust par bataille ou autrement.
Quant li dus de Bourbon et li signeur de Franche qui là estoient, virent venus les Englès et qui se logoient contre yaux devant Belleperche, si se missent sus leur garde et remforchièrent leur gens et segnefièrent tout leur estat au roy de Franche. Si trestost que li roys oy ces nouvelles, il fist de recief une semonsce et un mandement de gens d’armes environ Paris où il se tenoit adonc, et tout mouvant de là jusques en Auviergne, en Biausse, en Gastinois, en Brie et en Orlenois, en Blois, en Berry; et remforcha les gages des gens d’armes et des saudoiiers, affin que plus vollentiers il se trayssent de celle part. Et meysmement messires Loeys de Sansoire, marescaux de France ou lieu de monsigneur Boucicau qui estoit nouvellement trespassés, envoiea hiraux, lettrez et priières deviers ses amis et touttes gens d’armes qui estoient tailliés d’iaux avancier et d’aller en celle chevauchie pour leur honneur, en yaux amonestant et disant que il se volsissent traire de celle part, et qu’il penssoit qu’il esploiteroient pour yaux honnerablement sour les Englès; car il gisoient assés mervilleusement. Au coummandement dou roy de Franche et à le priière et monition dou dit marescal, se partirent de leurs hostels pluisseurs signeurs, chevaliers et escuiers, et se traissent deviers Belleperce, et fu grandement leur host remforchié. En cel estat furent il plus de quinze jours l’un devant l’autre, que tous les jours on se quidoit combattre; mès li Franchois ne partoient mies de leur clos, se ce n’estoient aucun compaignon aventureux qui venoient lanchier et escarmuchier as Englès, et li Englès à yaux. Fo 166.
P. 213, l. 8: si le raroit.—Ms. A 8: jusques à ce qu’il le raroit. Fo 327 vo.
P. 214, l. 19: Quersin.—Ms. A 7: Caoursin. Fo 319.—Ms. A 8: Crecy. Fo 328.
P. 214, l. 19 et 20: en couvent.—Ms. A 8: encouvenancié.
P. 214, l. 30: enditteroit.—Ms. A 8: induiroit.
401 P. 215, l. 2: trouva il.—Les mss. B 2 à 4 ajoutent: le prince.
P. 215, l. 6: le captal.—Le ms. A 8 ajoute: de Beuch.
P. 215, l. 21 et 22: plus de... gens.—Ms. B 6: bien douze cens lanches, que chevaliers, que escuiers, et troi mil aultres gens. Fo 766.
P. 216, l. 13: en istance de ce que.—Ms. A 8: en entencion et. Fo 328 vo.
P. 216, l. 18: hasteement.—Mss. A 7, 8: hastivement.
P. 216, l. 21: porter.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: grant.
P. 216, l. 21 et 22: le monicion.—Ms. A 8: l’ennortacion.
P. 216, l. 25: Donsceneue.—Mss. A 7, 8: Donsteneve.
§ 650. Quant li contes.—Ms. d’Amiens: Quant li Englès, qui estoient logiés et espars sus les camps par villages et par hamiaux et par connestablies, chacuns sires entre ses gens, virent que li dus de Bourbon et li chevalier de France ne partiroient point de leur fort ne venroient combattre, si eurent consseil que d’envoiier Camdos le hiraut par deviers yaux pour remoustrer une partie de leur entente. Adonc Camdos, emfourmés de ses mestres et avisés quel cose il devoit dire et faire, se parti d’iaux, et chevaucha tant qu’il vint ou logeis des Franchois et par especial deviers le duc de Bourbon, qui estoit ciés de ceste chevauchie et assamblée. Se li remoustra, presens pluisseurs barons et chevaliers qui là estoient de son consseil, coumment li comtes de Cantbruge et li comtes de Pennebrucq et leurs gens s’estoient là tenu à celle entente que il quidoient que ilz dewissent yssir hors de leur clos et yaux combattre; et ou cas que ilz voroient yssir et yaux traire sour les camps, li Englès estoient appareilliet d’iaux retraire arierre et livrer pièce de terre pour combattre; et, se il avoient plus chier deviers leur costé, li Englès passeroient vollentiers oultre une petite rivierre qui là estoit, et se venroient combattre à yaux. Li dus de Bourbon respondi que il ne feroit ne l’un ne l’autre, et qu’il n’estoit mies là venus ne arestés pour lui mettre en l’ordounnanche de ses ennemis, mès il fuissent tout sceur que de là ne se partiroit il jusques adonc que il aroit son castiel de Belleperce. Donc respondi li hiraux: «Monsigneur, puisque vous ne voullés faire ne l’un ne l’autre, pour che my mestre et signeur vous segnefient de par moy que, dedens trois jours, vous verres madamme vo mère, se vous voullés, 402 partir dou castiel et mener ent Savoie: si vous avisés sour che, et le rescoués, se vous povés.» Adonc respondi li dus de Bourbon, et dist: «Camdos, dittez à vostres mestres, se il l’enmainnent, nous le rarons, quant nous porons; mès c’est grant cruaultés et mal honnerablement guerriet quant, en guerre de roys et de signeurs, les femmes sont hors de sauvegarde.» Adonc se parti li hiraux, et s’en revint arrierre à ses mestres, et racompta bien et sagement tout ce que vous avés devant oy. Fo 166 vo.
P. 217, l. 5: endittés.—Ms. A 8: induis. Fo 328 vo.
P. 217, l. 10: trop.—Ms. B 2: tous. Fo 13.
P. 217, l. 22: racquis.—Ms. A 8: conquis.
P. 217, l. 27: Issu.—Ms. A 8: issirent. Fo 329.
P. 218, l. 8 et 9: asseulée.—Ms. A 8: seule.
P. 218, l. 12: prises.—Ms. A 8: prisonnières.
P. 218, l. 19: poet.—Ms. B 8: pourra.
P. 218, l. 26: selonc ce que.—Ms. A 8: comme.
P. 218, l. 28: ennoiiet.—Ms. A 8: courrouciez.
§ 651. Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Si eurent li Englès consseil sour chou, et droit au jour que mis et ordounné il avoient, il s’armèrent tout et missent en arroy de bataille bien et faiticement, et levèrent leurs bannierres et leurs pennons, et fissent arouter tous leurs archiers. Et là fu fais nouviaux chevaliers et leva bannierre li sires de Pons en Poito, et le fist chevalier li comtes de Cantbruge, et un autre jone escuier de Haynnau, Jehan d’Aubrecicourt, fils à monsigneur Nicolle et nepveus à monsigneur Ustasse, dont vous avés bien oy parler en pluisseurs lieux en cest[e] histoire.
Enssi furent chil signeur d’Engleterre rengiet et ordounné par mannierre de bataille, du matin jusques à nonne ou priès, et tant que on eut tout tourssé, cargié et apresté ce que porter et mener en volloient. Et fu la dessus ditte dame montée et arée bien et deuwement, enssi que à lui appertenoit; et l’enmenèrent li dessus dit Englès, voyant tous chiaux de l’host, qui veoir le veurent... Fo 167.
P. 219, l. 5: Jehans.—Ms. B 6: Guillaumes. Fo 766.
P. 219, l. 5 et 6: Sallebrin.—Ms. B 2: Salsiberich. Fo 13 vo.—Ms. A 8: Sallebery. Fo 329.
P. 219, l. 11: arrêt.—Ms. B 2: arreet.—Ms. A 8: arreé.
403 P. 219, l. 17: adestroient.—Ms. A 8: adreçoient.
P. 219, l. 19: princeté.—Ms. B 2: princhauté.—Ms. A 8: prinçauté.
P. 219, l. 24: pris.—Ms. A 8: fait. Fo 329 vo.
P. 219, l. 25: tantos.—Le ms. A 8 ajoute: et sans delay.
P. 219, l. 25 et 26: le tenoient.—Ms. B 2: pour prisonnière le tenoient.—Ms. A 8: prisonnière la tenoient.
P. 219, l. 26: quel.—Mss. B 2 et A 8: quelque.
§ 652. Vous devés savoir.—Ms. d’Amiens: Or revenrons au duc de Bourbon, qui ne fu mies trop joieans quant il en vit sa mère mener des Englès; mès amender ne le peult, tant c’à celle fois. Touttesvoies, il acompli son veu et furni son sierement, car il racquist Belleperche et entra dedens, et y mist une bonne garnison de gens d’armes. Et le fist remparer, rafrescir et repourveir bien et souffissanment, et dounna à touttes mannierres de gens d’armes congiet, et ils meysme s’en revint en Franche. Si eut par traitiet, si come chy dessus est dit, madamme se mère en escange pour monsigneur Simon Burlé.
Apriès le revenue de Belleperche, li comtes de Pennebrucq s’en vint demorer à Mortaing sus mer en Poito, et les Compaingnes metoient le pays en grant tribulation. Si y avoit souvent des escarmuches des uns as autres, des yssues, des rencontres et des pugneis, car il y avoit en le Roce de Ponsoy et en le Haye en Tourainne grant garnison de Franchois. Se couroient et chevauchoient souvent li uns sus li autre, une heure perdoient et l’autre gaegnoient, enssi que en telx fais aviennent souvent les aventures de perdre et de gaegnier.
En ce tamps, passa messires Robers Canolles en Engleterre, car li roys englès l’avoit mandé qu’il venist parler à lui. Si y vint, et le rechupt li roys moult liement et le retint dalés lui et de son plus especial consseil. Fo 167.
P. 220, l. 4: remparer.—Ms. A 8: reparer. Fo 329 vo.
P. 220, l. 14: esvuidoient.—Ms. B 2: eswidoient. Fo 13 vo.—Ms. A 8: widièrent.
P. 220, l. 29 et 30: menères.—Ms. A 8: meneur.
§ 653. En ce temps.—Ms. d’Amiens: Ossi s’en revint li dus d’Ango en France veoir le roy son frère et ses autres frères. 404 Si se tint à Paris et là environ, dou miquaresme jusques apriès Pasques; et le solempnité de le Pasques, qui fu l’an de grasce mil trois cens soissante et dix, tint li roys Carles de France mout grant court et très solempnelle; et y furent si troi frère li dus d’Ango, li dus de Berri, li dus de Bourgoingne, li dus d’Orleens, li dus de Bourbon, li comtes d’Alençon, li comtes de Bouloingne, li comtes de Saint Pol, li comtes du Perce, li comtes de Vendosme, li daufins d’Auvergne et tant de comtes, de barons et de chevaliers que sans nombre. Et les avoit li roys mandés pour solempniier le Pasque et festiier son frère le duc d’Ango, qui estoit revenus de le Langhe d’Ock et avoit durement bien esploitié ens ès marches de Toulouse et raquis sus les Englès grant fuisson de pays, de chités, de castiaux et de bonnes villes, et fait retourner franchois ossi grant plenté de seigneurs, chevaliers et escuiers de le terre don prinche: pour tant, li roys l’onnouroit et veoit plus vollentiers, car li dus d’Ango li affioit que, dedens deux ans, il n’y aroit nul Englès en le Langhe d’Ock et que tous li pays seroit raquis franchois.
Quant les Pasques et les festes furent passées et que on eut festiié et jeué assés, et que li roys eut dounné grans jeuiaux nobles et rices as chevaliers estrainges et là où il le veoit le mieux emploiiet, car de ce est il mout coustumiers, il y eut grans conssaux et grans parlemens tenus enssamble à Paris entre les royaux. Si fu adonc ordounné et aresté que, en cel estet, deux chevauchies grandez et grosses se metteroient sus, dont li dus d’Ango seroit souverains de l’une, et li dus de Berri et li dus de Bourbon, de l’autre; et venroient mettre le siège devant le chité de Angouloime et assegier le prinche. Et devoit li roys de Franche remander messire Bertran de Claiequin, qui estoit en Espaingne avoecq le roy Henry... Fo 167 ro et vo.
Quant li dus d’Ango eut estet une espasse de temps dallés son frère le roy de Franche, il prist congiet et se parti de Paris, et chevaucha tant par ses journées qu’il revint arrierre en le bonne chité de Toulouze, dont il estoit partis. Assés tost apriès chou que il y fu venus, il fist une semonsce et ung très especial mandement à touttes gens d’armes, chevaliers et escuiers, que ilz venissent tous à Thoulouze ou illuecq environ, et pria au comte d’Ermignach, au seigneur de Labreth, au comte de Pierregorth, au comte de Comminge et au viscomte de Quarmaing, que chacuns s’emforçast endroit de lui de mettre sus touttez les gens 405 d’armes qu’il poroient avoir, car il volloit faire une moult grosse chevauchie. Chacuns obey, qui semons et priés y fu. Fo 167 vo.
P. 221, l. 14: gouvreneroit.—Ms. A 8: gouverneroient. Fo 329 vo.
P. 221, l. 14: Ghiane.—Ms. A 8: Guienne.
P. 221, l. 18 à 23: Encores... France.—Ms. B 6: Ossy le duc d’Ango, qui moult amoit monsigneur Bertran de Claiquin, le pourposa adonc estre connestable de France et pour le remander en Espaigne; mais il n’en fu encores riens fait, quoyque le roy de Franche y entendesist vollentiers. Fo 767.
P. 221, l. 21: se.—Le ms. A 8 ajoute: vaillamment. Fo 330.
P. 221, l. 22: d’estre.—Mss. B 2 et A 8: qu’il volsist estre.
P. 221, l. 24: Charles.—Ms. A 8: de France.
P. 222, l. 2: tant.—Le ms. B 6 ajoute: et s’en vint par Bourgogne et par Avignon et à Montpellier et fist là son mandement de gens d’armes et de bidaus. Fo 767.
P. 222, l. 5: peut.—Mss. B 2 et A 8: pooit, povoit.
P. 222, l. 8: Ernaudon de Pans.—Ms. B 2: Naudon de Pons. Fo 14.
P. 222, l. 21: estoffeement.—Ms. A 8: efforcieement.
§ 654. Tout en tele manière.—Ms. d’Amiens: Tout en tel mannierre que li roys de Franche ordounnoit à faire ses chevauchies sour le terre dou prinche, ordounnoit li rois englès deux autres chevauchies, dont li dus de Lancastre, ses fils, devoit y estre chiés de l’une et envoiiés en Acquittainne deviers le prinche, son frère, et une quantité de gens d’armes et d’archiers; et messires Robers Canolles, chiés de l’autre, et devoit passer le mer et ariver à Calais à deux mil hommes d’armes et quatre mil archiers, et chevauchier parmy Artois, Vermendois et Pickardie et tout le royaumme de Franche, et venir devant Paris. Tout ce osoit bien messires Robers emprendre, dont li Englès avoient grant joie; et pour leur voyaige acomplir et furnir plus seurement et que leur pays ne fust ars, gastés ne essilliez des Escochois, que moult il doubtoient, entroes que ces gens d’armes seroient hors d’Engleterre, il envoiierent grans messages et sages traiteurs, l’evesque de Lincolle et l’evesque de Durem et le comte de Herfort et le signeur Latimer, au Noef Castiel sus Tin. Là 406 eut sus marche de pays, entre Bervich et Rosebourch, grans parlemens des signeurs d’Escoche et d’yaux. Finablement, les coses furent si bellement et si sagement demenées et pourparlées, que une trieuwe fu prise, dounnée et acordée et seellée entre les deux royaummes d’Engleterre et d’Escoce et tous les converssans de dedens à durer cinq ans; et pooient li Escot, se il volloient, venir servir le roy englès, parmy lors gaiges prendant, ou les Franchois, là où le mieux il leur plaisoit à traire. Apriès ces coses faittes et acomplies, li dessus dit messaigier, qui en Escoce avoient estet envoiiet, retournèrent à Londres deviers le roy; si recordèrent coumment il avoient esploitié. De chou se tinrent à bien contens li rois et tous ses conssaux. Si regardèrent qui s’en yroit en Giane avoecq le duc de Lancastre. Si en furent esleu et nommé li sires de Ros, messires Mikieus de la Pole, messires Robers Rous et messires Jehans de Saint Lo, et furent en celle routte deux cens hommes d’armes et trois cens archiers. Si ordounnèrent et aprestèrent tout leurs besoingnes bien et à point, chevaux, armes, harnois et grant fuisson de bonne artillerie, et s’en vinrent à Hantonne et pourveyrent leurs vaissiaux de touttes pourveanches bien et largement, pour passer le mer et ariver à Bourdiaux ou là environ: telle estoit leur entente.
D’autre part furent nommé, esleu et ordounné chil qui devoient passer le mer avoecq monsigneur Robert Canolles, premierement messires Thummas de Grantson, messires Alains de Bouqueselle, li sires de Fieu Watier, messires Gillebers Griffars, messires Jehans de Boursier, messires Jehanz Mestreourde et pluisseur autre chevalier et escuier. Si ordounnèrent leurs besoingnes, leurs armures et leurs harnas, et se pourveirent bien à point pour passer environ le Saint Jehan Baptiste, que li bleds coummenchent à meurir. Or revenrons as chevauchies que li signeur de Franche missent sus et coumment et par où il entrèrent en Acquittainne, quant li dus d’Ango... Fos 167 vo et 168.
Si chevauchièrent et cheminèrent tant (les gens des Compagnies anglaises qui emmenaient prisonnière la duchesse douairière de Bourbon), par leurs journées, qu’il vinrent en Angouloime deviers le prinche qui les rechupt à grant joie. Et là fissent une requeste au dit prinche messires Jehans d’Euwrues, Hortingos, Cikos de la Salle et Bernars de Wes, qui Belleperche avoient pris et la damme tenoient pour prisonnierre, à savoir qu’il volloit qu’il fesissent de la dessus ditte damme. Li prinches de Galles, sur ceste parolle 407 penssa un petit, et puis respondi, lui bien consilliet en soi meysmes: «Biau signeur, sans moy et mon consseil, vous le presistes: si en faittes dou sourplus ce que il vous samble que bon soit; mais je voeil, quel ordounnanche ne delivranche que vous en fachiés, que messires Simons de Burlé soit quittes de se prison et que je le raie.» Il respondirent: «Vollentiers.» Adonc empruntèrent li compaignon à monsigneur Simon de Burlée, qui estoit prisonniers à monsigneur Jehan de Buel, la tour de Broe, qui siet à quatre lieuwes de le Rocelle, et là le tinrent ung tamps bien et courtoisement, et li faisoient avoir em partie tout son estavoir. Si fu par tretiet tantost apriès ce delivrée pour le dessus dit monsigneur Simon de Burlée et six mil frans que elle paiia pour ses frès. Et si se ranchounna ossi messires Caponnés de Caponval, li chevaliers franchois qui avoit aporté l’apiel au prinche de par les seigneurs de Gascoingne, et qui fu pris et emprisonnés en Penne en Aginois. Si revint en Franche, mès li clers qui fu pris avoecq lui, mourut en prison.
Ossi se ranchounnèrent messires Loeys de Saint Juliien et Caruel, qui avoient estet pris au pont de Luzach des gens monsigneur Jehan Camdos, si comme vous avés chy dessus oy; mais li escuier Jakes de Saint Martin, qui li donna le cop de le mort, morut des playes qu’il eut, assés tost apriès en le chité de Poitiers... Fo 167 ro.
En ce tamps, estoient en grant tretiet de pais ou de gerre li rois de Franche et li rois de Navarre pour aucunnes terres que li rois de Navarre demandoit à avoir et à tenir ou royaumme de Franche. Si s’en ensonnioient, par cause de moiien, li comtes de Salebruche et messires Guillaummes de Dormans. Tant fu parlementé et allé de l’un à l’autre que on les acorda; car on remoustra au roy de Franche qu’il valloit mieux qu’il se laiast à dire et aucune [cose] aller du sien qu’il ewist gerre à son serourge le roy de Navarre, car il avoit gerre assés as Englès. Si descendi li roys de Franche à l’opinion de ses gens et pardounna au roy de Navarre son mautalent, et vint li dessus dis rois à Paris où il fu grandement festiiés.
Assés tost apriès, fu acordés li mariaiges de madammoiselle Jehanne de Franche, qui fu fille au roy Phelippe et de la roynne Blanche, serour au roy de Navarre, au fil le roy Pierre d’Aragon, et fu mout honnerablement envoiiée celle part, car elle estoit ante dou roy de Franche. Si s’en volloit li rois acquitter, ensi qu’il 408 fist, moult grandement; mès elle trespassa sour le cemin: Dieux en ait l’anme!
Or revenrons as chevauchies que li signeur de Franche missent sus, et coumment et par où il entrèrent en Acquittainne. Fo 172 vo.
P. 223, l. 11: en ce parti.—Ms. A 8: en ce pais. Fo 330.
P. 223, l. 17: ensonniier.—Ms. A 8: embesoingnier.
P. 223, l. 18: usé.—Ms. A 8: aprins.
P. 223, l. 30: Burlé.—Ms. A 8: de Burlé.
P. 224, l. 7: s’ensonniièrent.—Ms. A 8: s’embesoingnièrent.
P. 224, l. 15: greveroient.—Mss. B 2 et A 8: greveroit. Fo 14 vo.
P. 224, l. 17: endittés et preeciés.—Ms. A 8: enduis et pressez. Fo 330 vo.
P. 224, l. 23: Vrenon.—Mss. B 2 et A 8: Vernon.
P. 225, l. 2: laiier.—Mss. B 2 et A 8: laissier.
§ 655. Vous savés.—Ms. d’Amiens: Adonc estoit remandés par grans messaiges, en Castille, dou roy de Franche et dou ducq d’Ango, messires Bertrans de Claiequin; et li prioient affectueusement et chierement qu’il presist congiet dou roy Henri et s’en revenist en Franche et se mesist en celle chevauchie dallés le duc d’Ango, car il avoient mestier de sen ayde et de son consseil. Messires Bertrans de Claiequin, qui mout aimoit le roy de Franche et le duc d’Ango et a tousjours amé, ne se veut mies escuzer, mès prist congiet dou roy Henri, liquelx li dounna assés liement ou cas qu’il s’en retournoit en France pour gueriier le prinche et les Englès. Et dounna encorres au departir monsigneur Bertran de Claiequin grant fuisson de biaux jewiaux et de riches, d’or et d’argent, de chevaux, de mules et de destriers. Ensi se parti li dis messires Bertrans dou roy Henry et s’adrecha parmi Arragon pour venir à Thoulouse deviers le duc d’Ango. Il chevaucha et esploita tant par ses journées qu’il y parvint. Si fu mout grandement festiiés et requeilliés dou duc d’Ango et de tous les barons qui estoient adonc dallés lui... Fo 168.
En celle saison, li dus de Lancastre, fils au roy d’Engleterre, [passa] le mer à mil lanches et deux mil archiers, et vint ariver à Callais; et quant ils et ses gens se furent là rafresci, il s’em partirent en grant arroi. Si estoit li comtes de Warvich marescaux 409 de son ost, et entrèrent ses gens ou royaumme de Franche; et prist li dus terre et logeis sour le mont de Tournehon. Là vint deviers lui messires Robers de Namur à soissante lanches bien estoffées, et acompaigniés de chevaliers et d’escuiers. Fo 164 vo.
P. 225, l. 14: savés.—Ms. A 8: devez savoir.
P. 225, l. 16: Langue d’Ok.—Le ms. A 8 ajoute: il devoit. Fo 330 vo.
P. 225, l. 22: de Claiequin.—Ms. A 8: du Guesclin.
P. 225, l. 22: l’en.—Ms. A 8: lui en.
P. 226, l. 15: de se carge.—Ms. A 8: en sa charge. Fo 331.
P. 226, l. 16: Mikieus.—Ms. A 8: Michiel.
P. 226, l. 10 à 18: En ce temps... Warvich.—Ms. B 6: Sy party le duc de Lenclastre, environ le Saint Jehan Baptiste, à toutes ses gens d’armes, et vint monter en mer à Hantone et esploita tant qu’il vint à le Rochelle où il fu recheus à joie et toute sa compaignie. Fo 768.
§ 656. Or se departi.—Ms. d’Amiens: Apriès la revenue de monsigneur Bertran de Claiequin en Franche et qu’il se fu trais deviers le duc d’Ango, ne demoura gaires de tamps que ces deux chevauchies se missent as camps. Li dus d’Ango, d’un lés premierement, qui avoit bien douze cens lanches et quatre mil bidaus, se parti de Thoulouse et prist le chemin pour venir deviers le bonne chité d’Agens et tout premierement à Monsach. Li pays estoit si effraés de la venue dou dit ducq d’Ango, pour le grant nombre de gens qu’il menoit et qui faisoient mout de desrois, que les villes n’avoient nulle volenté d’iaux tenir ne de deffendre. En le cevaucie et en l’armée dou duc d’Ango estoient li comtes d’Ermignach, li sires de Labreth, li comtes de Pieregorth, li comtes de Cominges, li viscontes de Quarmaing, li comtes de Nerbonne, messires Bertrans de Claiequin par quel consseil tout se fesoit et entreprendoit, li viscomtes de Villemur, li sires de la Barde, messires Bertrans de Taride, li senescaux de Toulouse, li senescaux de Carcasonne et chils de Biauquaire et pluisseurs grans seigneurs des marches de le Langhedoc, qui estoient de le tenure de Franche et ossi qui s’estoient tourné. Et si avoit li dus grant fuisson de gens de Compaingnes, messire Garsis dou Castiel, messire Thonnet de Batefol, le bourcq de Breteuel, Aimenion d’Ortige, Jake de Bray, Perrot de Savoie, Janikot 410 d’Ortème, Petit Meschin, messire Bernardet de Labreth, Lamit, le bourcq de l’Espare et pluisseurs autres. Si mettoient ces gens d’armes, ces Compaingnes et leur route, le pays en grant tribulation. Et si trestot qu’il y furent venu devant Monsach, il se rendirent et jurèrent feauté à tenir en avant au roy de Franche et au duc d’Ango, puis s’en partirent li Franchois et chevauchièrent deviers Agen. Quant il parfurent venu jusques à là, li bourgois de le chité n’eurent pas consseil d’iaux tenir ne faire guerriier: si se rendirent et tournèrent et jurèrent à estre bon et loyal Franchois. Apriès, chevauchièrent li dus d’Ango et ses routtes deviers Tounins sur Geronde, en pourssuiwant le rivierre pour trouver plus cras pays, et vinrent au Port Sainte Marie, qui se tourna tantost franchoise, et puis le ville et li castiaux de Tounins sus Geronde; et partout metoit et establissoit li dus d’Ango gens d’armes et gardes. Quant Tounins sus Geronde se fu rendue, li marescaux dou ducq chevauchièrent devant à tout trois cens armures de fier, et vinrent en Gastinois et essillant le pays jusques à une autre bonne ville qui s’appelle ossi Tounins l’Evesque. Li homme de le ville eurent consseil qu’il se renderoient; si se tournèrent franchois. Et li dus d’Ango et toutte li hos prissent le chemin de Montpesier et d’Agillon, ardant et gastant tout devant yaux, affin que li pays fuist plus effraés.
Tant chevauchièrent li Franchois qu’il vinrent devant Montpesier qui est une bonne ville et ungs fors castiaux; mès il furent si effraé des gens que li dus d’Ango menoit et qui le sieuwoient, que tantost ilz se rendirent et jurèrent à y estre bon et loyal Franchois de ce jour en avant. Puis chevaucha li dis dus oultre, et vint devant Agillon qui est ungs des fors castiaux dou monde et de bonne garde, et où jadis li roys ses pères, en ce tamps qu’il estoit dus de Normendie, sist si longement et oncques ne le peut avoir. Mès li dus d’Ango n’y fu mies à siège quatre jours quant il se rendirent, car il n’y avoit dedens nulx Englès qui ewissent pooir de le tenir maugré chiaux de le ville; et chil qui y estoient, s’em partirent sauve leurs corps et leurs biens, et s’en y eut ossi qui demorèrent et qui se tournèrent franchois. Enssi se perdoit et amenrissoit li pais dou prinche, et si n’aloit nulx au devant. Adonc estoient dedens le bonne ville de Bregerach li captaux de Beus et messires Thummas de Feleton, qui mout s’esmervilloient dou pays qui si legierement se tournoit franchois, et se n’y pooient mettre consseil ne remède, dont moult leur anoioit. Si 411 envoiièrent tantost messages en Angouloime deviers le prinche en lui segnefiant qu’il fuist sus sa garde, car li dus d’Ango tenoit les camps et concqueroit villes et castiaux devant lui, et se rendoit li pays assés simplement; et supposoient que ces deux cevaucies, qui estoient sus les camps, dou duc d’Ango et dou ducq de Berri, devoient venir devant Anghouloime et y mettre le siège.
Or parlerons un petit de le chevauchie dou duc de Berri, si comme nous avons fait de ceste dou duc d’Ango. Li dus de Berri avoit fait sen assamblée à Montferrant en Auvergne, à Clermont et à Rion. Si estoient avoecq lui grant fuisson de signeurs dont l’en noummeray une partie: premierement li dus de Bourbon, li comtes d’Alençon, messires Robers d’Alençon, ses frerres, messires Loeis de Sanssoire, marescaux de Franche, li comtes daufins d’Auvergne, li comtes de Ventadour et de Monpensé, messires Jehans de Bouloingne, fils au comte de Bouloingne, messires Godeffrois de Bouloingne, ses oncles, messires Jehans de Villemur, li sires de Sulli, li marquis de Cavillach, messires Rogiers de Biaufort, messires Guis de la Roce, messires Rammons de Moruel, messires Loeis de Melval, chil doy baron estoit tourné franchois, li sires de Biaugeu, li sires de Villars et de Roussellon, messires Robers Daufins, li sires de Montagut, li sires de Callençon, li sires de Bari, li sires de Tournon, li sires de Montmorillon, li sires d’Achier et pluisseur autre. Et puis revint en celle chevauchie messires Guis de Blois, sires de Biaumont, à grant routte de Haynuiers. Si estoient bien douze cens lanches et troi mil armures de fier. Et là estoit ossi Ainbaus dou Plassier, uns appers homs d’armes durement, et à grant routte. Et encores revint ossi messires Jehans d’Ermignach, serourges au duc de Berri. Si chevauchièrent ces gens par deviers le marce de Poito et le terre dou prinche, gastant et essillant le pays, ne riens ne demoroit devant yaux. Et entrèrent en Limozin, dont messires Hues de Cavrelée estoit senescaux; mès il n’avoit mies gens assés pour le deffendre et garder contre les Franchois. Tant chevauchièrent li dus de Berri et li dessus dit signeur que il vinrent devant le bonne chité de Limoges, dont li evesques de Limoges avoecq les gens de le cité estoit souverains et gouvreneres de par le prinche; et y avoit li dis prinches grant fianche, car il estoit ses compères... Fos 168 vo et 169.
P. 226, l. 28, à p. 227, l. 5: Et estoient... Agen.—Ms. B 6: 412 et bien quinze cens de gens de Compaigne, desquelz le Petit Mesquin, Amenoit, Dortigo, Jaques de Bray, Ernaudon de Paus et Pierot de Savoie, estoient capitaines. D’aultre part, y estoit le senescal de Biaukaire, le senescal de Carcasone, le senescal de Toulouse et le tresorier de Nimes; et estoient deus mil lanches et sept mil bidaus. Et là estoit messire Bertran de Claiquin qui nouvellement estoit venu de Castille pour servir le duc d’Ango, qui moult l’amoit et adonc le fist connestable de toutes ches gens d’armes, gouvreneur et conduiseur. Fos 768 et 769.
P. 227, l. 12: Montsach.—Ms. B 2: Montsac. Fo 15.—Ms. A 8: Moysach. Fo 331.
P. 227, l. 15: Tonnins.—Ms. B 2: Thaunins.—Ms. A 8: Thonnins.
P. 227, l. 23: Montpesier.—Ms. B 2: Monpansier. Fo 15 vo.—Ms. A 8: Montpellier.—Ms. B 6: Montpaissier. Fo 769.
P. 227, l. 27: se rendirent.—Le ms. A 8 ajoute: au roy de France.
P. 228, l. 4: Beus.—Ms. A 8: Beuch. Fo 331 vo.
P. 228, l. 17 et 18: Serignach.—Ms. A 8: Segnach.
P. 228, l. 18: Griffons.—Ms. A 8: Geffroy.
P. 228, l. 19: Melval.—Ms. A 8: Maleval.
P. 228, l. 22: Cousant.—Ms. B 2: Gonsaut. Fo 15 vo.
P. 228, l. 24: Ainbaus.—Ms. A 8: Ymbaut.
P. 228, l. 24: dou Peschin.—Ms. B 2: dou Plastiet.
P. 228, l. 28: garnison.—Le ms. A 8 ajoute: telz.
§ 657. Li princes de Galles.—Ms. d’Amiens: Quant li princes de Galles, qui adonc n’estoit mies bien hetiés, entendi que ses pays se perdoit enssi et que li dus d’Ango avoit là reconquis et fait tourner vers lui plus de quarante, que citez, que villes, que castiaux, et prendoient leur chemin pour venir devant Angouloime, et le savoit si de verité que par ses feaux et amés chevaliers le captal de Beus et monsigneur Thummas de Felleton, si fu mout penssieux. Nonpourquant il s’avisa qu’il se trairoit vers Congnach, qui est forte ville et fors castiaux, et y trairoit sa femme et ses enfans, et manderoit partout gens en Poito, en Saintonge, en Roerghe, en Limozin, où il les poroit avoir, et puis chevaucheroit contre les Franchois; car il ne volloit mies que il le trouvaissent enfremé, ne que si amy ne ennemy pensassent le contraire que il ne pewist encorres bien aidier. Si dist à monsigneur 413 Richart de Pontchardon et à monsigneur Estievene de Gousenton: «Prendés de nos hommes deux cens armures de fier et chevauchiés sagement sus ce pays, et pourveés de vins, de bleds, de chars, d’avainnes et de farinnes le ville de Cougnach, car je me voeille traire de celle part et là faire mon amas de gens d’armes pour chevauchier contre le duc d’Ango qui si efforciement est entrés en mon pays.» Li dessus dit chevalier fissent tantost le coummandement dou prinche et se partirent d’Angouloime à tout deux cens armures de fier, et chevauchièrent sus le pays à destre et à senestre, et fissent amener et achariier touttes mannierres de pourveanches en le ville de Cougnach. Encorres escripsi li dis prinches au comte de Pennebrucq qui se tenoit en Mortagne sus mer en Poito, et li manda que tantost il venist deviers lui. Et envoiea li prinches son frère le comte de Cantbruge ens le ville de Bregerach pour le garder, se mestiers faisoit, contre les Franchois.
Or parlerons dou duc d’Ango, qui chevauchoit toudis avant en concquerant le pays. Apriès chou que li ville et li castiaux de Aguillon se furent rendu as Franchois et qu’il l’eurent concquis à peu de painne, car il n’y avoit mies dedens si bonnes gens d’armes que quant li comtes de Pennebrucq et messires Gautiers de Mauni et messires Jehans de Noefville et messires Thummas Kok et messires Franck de Halle l’aidièrent de jadis à garder contre le ducq de Normendie, si comme il est contenu ichy par devant en ceste histoire, li dus d’Ango et ses routtes chevauchièrent deviers Le Linde, une bonne ville et forte sus le rivierre de Dourdonne et à une liewe de Bregerach. Si chevauchoient li Franchois tout aisiement et en grant reviel, car li pays fremissoit tout devant yaux. Si se logièrent leurs hos et leurs compaignies sour le rivierre de Dourdonne en ces biaux marès et en ces biaux plains, et envoiièrent leurs gens fourer de tous costés. Quant chil de Linde sentirent les Franchois venir si efforciement, si furent tout esbahi. Nonpourquant il estoient en ville forte et bien fremée et de bonne garde, mès que il ewissent vollenté d’iaux tenir et dou deffendre, et si avoient leurs voisins prochains chiaux de Bregerach, le comte de Cantbruge, le captal, monsigneur Thummas de Felleton et bien trois cens armures de fier, dont il pooient estre sus une heure recomforté; mès il estoient si enclin à estre franchois que tout cil qui bonnement se pooient ou osoient retourner franchois, il le faisoient. Dont il avint que messires 414 Thonnés de Batefol, neveux à messire Seghin de Batefol qui jadis fu une très aperte armure de fier et uns grans chiés de Compaingnes, traita à chiaus de Linde tellement que il li devoient et à ses gens ouvrir de nuit le porte, et ils y devoient entrer comme villain.
Or ne say coumment ce peut y estre, car chils traitiés et pourkas ne peut oncques si bellement ne si quoiement y estre pourparlés ne acouvenenchiés que il ne fuist sceus en le ville de Bregerach, et en furent li chevalier que là estoient, emfourmé et avisé. Dont se partirent messires li captaux de Beus et messires Thummas de Felleton tout de nuit que chils rendaiges se devoit faire, à cent armures de fier en leur compaignie, et cevaucièrent couvertement et vinrent à Le Linde et esvillièrent les gardes de le porte qui gardoient à ce lés par où il entrèrent et qui riens ne savoient de ce couvenant. Sitost que li doi chevalier et leurs gens furent en le ville, il se traissent deviers le porte par où li Franchois devoient entrer en le ville. Si y vinrent si à point que elle estoit ja toutte ouverte et entrèrent ens deux et deux, trois et trois et enssi l’un apriès l’autre, armé couvertement et dessus leurs armures vestis de cottes de villains. Adonc li captaux et messires Thummas de Felleton, sans plus atendre, qui bien savoient la besoingne coumment elle aloit, sachièrent leurs espées et vinrent au devant en escriant: «Ha! des mauvais traitours qui nous quident decepvoir!» Si feri li captaux de sen espée auques des premiers che messire Thonnet de Batefol qui entroit et estoit desoubs le porte, un cop si grant et par tel ayr en lanchant des deux mains, qu’il li percha touttes ses armurez et li bouta ou corps si parfont qu’il li fist seuer à l’autre lés et l’abati mort. Quant li autre virent leur cappittainne morir et perchurent le cappital et les Englès, si furent tous esbahis, car bien congnurent qu’il avoient falli à leur entente. Si se retraissent au plus tost qu’il peurent, mès il ne revinrent mies tout, car il furent cachiet et pourssuiwoit: si en y eut des mors et des mehaignés grant fuisson. Ensi fu la ville de La Linde à ce donc gardée et destournée d’estre prise, par le sens et appertise des deux chevalliers dessus nommés. Fos 168 vo et 169.
P. 229, l. 11 et 12: imaginatis.—Ms. B 2: ymaginans. Fo 15 vo.
P. 229, l. 20: se presist priès de.—Ms. A 8: s’apprestast pour.
415 P. 229, l. 28: le Linde.—Ms. A 8: la Linde. Fo 332.
P. 230, l. 1: Tonnés.—Mss. B 2, 4: Thumas. Fo 16.—Ms. B 6: Thomas. Fo 770.
P. 230, l. 2: Batefol.—Les mss. B 2, 4 ajoutent: nepveu jadis à monsigneur Seghin de Batefol.
P. 230, l. 11: captaus.—Le ms. A 8 ajoute: de Beuch.
P. 230, l. 21: preeciés.—Ms. A 8: pressez.
P. 230, l. 25: matinée.—Ms. A 8: matine.
P. 231, l. 13: cesti.—Ms. B 6: ceste cy.
P. 231, l. 15: embara.—Ms. A 8: embrasa. Fo 332.
P. 231, l. 15: sever.—Ms. A 8: saillir.—Ms. B 2: sevrer.
P. 231, l. 32: chemin.—Le ms. B 6 ajoute: Et puis s’en retourna (le captal de Buch) devers Bregerach et là trouva venu le conte de Cantbruge et le conte de Pennebourcq et messire Thomas de Felleton à deux cens lanches. Sy se partirent les Franchois de devant le Linde et chevauchèrent vers Roergue pour trouver les gens du duc de Berry qui estoient à grant puissanche entrés en Limosin et conqueroient villes et chastiaus, et ossy faisoit le signeur, et se tournoient vers luy et devenoient franchois. Fo 771.
§ 658. Ançois que.—Ms. d’Amiens: Or vous lairons nous à parler un petit dou duc d’Ango, dou duc de Berri et dou prinche, et parlerons de monsigneur Robert Canolles qui estoit, en ce meysme tamps que ces chevauchies dessus dites se faissoient, arivés à Calais, et estoient touttes ses pourveanches passées, gens d’armes, chevaux, harnas, charois et toutte mannierre d’artillerie.
Che fu, environ le Madelaine l’an mil trois cens soissante et dix, que messires Robers Canolles se parti de Calais, qui representoit le personne dou roy d’Engleterre. Et l’avoit li dis roys ordounné et fait chief de toutte ceste armée et chevauchie, et coummandé à tous chevaliers et escuiers qui avoecquez lui estoient, et à touttes autres mannierres de gens, que il obeyssent à lui en touttes ses ordounnanches et affaires; et qui en seroit rebelle, c’estoit sus à estre en le indignation de li et à perdre le royaumme d’Engleterre. Enssi estoit creés messires Robers Canolles chief de ceste chevauchie qui se fist si comme je vous diray enssuiwant; mès je vous noummeray aucuns chevaliers qui estoient de se yssue: 416 premierement messire Thummas de Grantson, messire Alains de Bouqueselle, messire Gillebiert Griffart, le seigneur de Fil Watier, messire Jehans de Boursier, messire Jehans Mestreourde et pluisseurs autres. Si estoient bien doi mil hommes d’armes et quatre mil archiers et cinq mil hommes à piet, parmy les Gallois qui sieuwoient l’ost; et y avoit environ cent lanches de Escochois qui servoient les Englès à leurs saus et à leurs gaiges. Et avoient bien mil kars, kariaus et tous atelés, et leurs pourveanches sus, et dou sourplus très bien ordounné de quanqu’il leur couvenoit.
Si se partirent de Calais mout areement et passèrent devant Ghinnes et puis devant Arde, et envoiièrent leurs coureurs qui coururent jusques ens ès fourbours de Saint Omer et en ardirent une partie, et puis revinrent à leur ost qui estoit logiés assés priès de Tiereuanne. Et estoient li aucun de leurs compaignons à le escarmuche as barrierres, mais riens n’y avoient fait, car il avoient trouvé mout à qui respondre. Si se deslogièrent de là et s’acheminèrent deviers le chité d’Arras, ardant et essillant le pays; et tant esploitièrent que il vinrent en l’abbeie dou Mont Saint Eloy, à deux petites lieuwes d’Arras. Là se logièrent messires Robers et aucuns des chevaliers englès avoeeq lui, et li remannans ens ès villaiges d’environ. Si envoiièrent de leurs gens courir et escarmucier jusques à Arras, mès la ville estoit bien gardée et pourvueue de tout ce que il appertenoit pour le deffendre; si y firent chil qui de premiers y vinrent, mout petit. Quant messires Robers Canolles et ses gens eurent sejourné au Mont Saint Eloy que là environ par le tierme de quatre jours, et qu’il se furent bien rafreschi et leurs cevaux, car il trouvoient bien de quoy, le pays d’Artois plains et gras de bleds, d’avainnes et de fouraiges, car c’estoit à l’entrée d’aoust, il se deslogièrent et ranchounnèrent la dessus dite abbeie à non ardoir à trois cens frans et à six tonniaux de vin et sept muis de pain tout quit, et puis chevauchièrent oultre en costiant Arras pour venir vers Bapaummes et vers Peronne en Vermendois. Enssi que il passoient au dehors d’Arras par le porte qui oevre deviers Cambresis, li marescal de l’ost ne se peurent tenir qu’il ne venissent veoir uns grans fourbours qui là sont. Si chevauchièrent à grant esploit yaux et leurs routtes et vinrent, pour yaux aventurer et faire aucune appertisse d’armes, escarmucher jusques as bailles de le ville. Là trouvèrent il bien à qui parler, car il y avoit par dedens les bailles grant fuisson d’arbalestriers et d’autres gens deffendables 417 qui leur vinrent au devant. Là eut trait et lanchiet mout longuement et pluisseurs navrés des uns et des autres. Au retour que li Englès fissent, il trouvèrent ens ces fourbours une mout belle eglise des Cordeliers. Si le violèrent et boutèrent le feu dedens et l’ardirent et ossi les grans fourbours qui là estoient où il y avoit grant fuisson de bons hostels, et puis s’en revinrent à leur host qui estoit logiés seloncq une petite rivierre qui vient d’amont deviers Aluelz en Pailluel à Arras.
A l’endemain, se deslogièrent li Englès et cevaucièrent deviers Bapaummes, ardant et essillant le pais, et ranchounnant les abbeies et les aucunes fortes maisons que ils ewissent bien eu d’assaut, se ils y volsissent avoir presse; mès il en avoient plus chier à prendre les florins que yaux travillier et trop sejourner. Et ossi il tiroient à venir à Paris et là environ, pour veoir se il seroient point combatu; car, si comme il disoient et moustroient, il ne desiroient autre cose que le bataille. Fo 169 vo.
P. 232, l. 11: aherdans.—Ms. A 8: adherans. Fo 332 vo.
P. 232, l. 18 et 19: darrainnement.—Ms. A 8: derrenierement.
P. 232, l. 21: Stanbourne.—Mss. B 2 et A 8: de Stambourne.
P. 232, l. 22: cinq.—Ms. B 6: quinze. Fo 772.
P. 232, l. 27 et 28: quinze... Gallois.—Ms. B 6: deux mil hommes d’armes et quatre mil arciers tout paiiet, pour demi an, de leurs gaiges. Fo 772.
P. 233, l. 10: rechevoir.—Mss. B 2 et A 8: recoellir.
P. 233, l. 14 à 16: passèrent... Tieruane.—Ms. B 6: chevauchèrent devant Ghines et devant Ardre et vinrent courir devant Saint Omer, et puis prirent leur chemin devers Terouane. Fo 772.
P. 233, l. 16: Tieruane.—Ms. B 2: Thierouwane. Fo 16 vo.—Ms. A 8: Therouenne. Fo 332 vo.
P. 233, l. 17 et 18: car... painne.—Ms. B 6: car le conte de Saint Pol estoit dedens à tout deux cens lanches qui se mirent tantost à moustre pour deffendre le chité. Fo 772.
P. 233, l. 25: d’Arras.—Les mss. B 2, 4 et A ajoutent: Et se logièrent li seigneur et li capitaine en l’abeye dou Mont Saint Eloy, assés près d’Arras. Fo 16 vo.—Le ms. A 8 ajoute: et leurs gens là environ qui couroient et pilloient tout le pais, si long qu’ilz s’osoient estendre. Fo 332 vo.—Le ms. B 6 ajoute: Et s’en 418 vinrent logier au Mont Saint Eloy et là furent deus jours. Et renchonna le dit messire Robert l’abeie du Mont Saint Eloy à non ardoir, parmy cent frans et deus quarées de vin et otant de pain. Fo 772.
P. 234, l. 9: bailles.—Ms. A 8: barrières. Fo 333.
P. 234, l. 25 à 31: Apriès... Saint Quentin.—Ms. B 6: Et prirent le chemin de Bray sur Somme et tant firent que il y vinrent. Là ot grant assault, mais riens n’y firent, car la ville estoit bien pourveue de gens d’armes qui bien se deffendirent. Sy passèrent li Englès oultre vers Peronne en Vermendois, mais riens n’y firent, et puis s’en retournèrent vers Saint Quentin. Fo 773.
P. 235, l. 1: granges.—Ms. A 8: granches.
P. 235, l. 9 et 10: en deniers appareilliés.—Ms. A 8: en purs deniers.
P. 235, l. 12: composoient.—Ms. A 8: composoit.
P. 235, l. 22: ne qui desist.—Ms. A 8: mais qu’il deist.
§ 659. Tant esploitièrent.—Ms. d’Amiens: Si chevaucièrent et cheminèrent tant (les Anglais) parmy che plain pays de Vermendois que il vinrent assés priès de le chité de Noyon qui estoit bien pourveue de lui deffendre, se mestier faissoit. Si se logièrent en l’abbeie d’Eskans et là environ, sus celle rivierre d’Oize. Entroes qu’il se tenoient à Eskans, vinrent aucuns des leurs veoir Noyon et l’aprochièrent de si priès que, à le porte deviers le Pont l’Evesque, il y eut une mout grant escarmuche, car dedens Noyon y avoit des bons chevaliers de là environ, messires Drues de Roye, messires Flammens de Roie, li sires de Turote et pluisseurs autres que li roys de Franche y avoit establi pour garder le cité. Siques li Englès n’y porent riens faire, mès il y eut ung chevalier des leurs, qui y fist une grant appertise d’armes, car il se lança entre les bailles tous armés que il estoit, et s’en vint combattre as chevaliers franchois qui là estoient, et fu en cel estat mout longement, lanchans à yaux et eux à lui; et depuis s’em parti sans damage, dont li Franchois meysmes le tinrent à grant vasselaige. Tant demourèrent li routte des Englès à l’escarmuche devant Noion que lor ost desloga d’Eskans et de là environ et ceminèrent plus avant. Fo 169 vo.
P. 236, l. 6: volenté.—Ms. B 2: talent. Fo 17.
P. 236, l. 12: Asneton.—Ms. B 2: Asueton. Fo 17 vo.—Ms. A 8: Assueton. Fo 333 vo.
419 P. 236, l. 46: à terre.—Les mss. B 2 et A 8 ajoutent: jus.
P. 236, l. 18: s’escueilla.—Ms. A 8: se escueilli.
P. 237, l. 5: vosissent.—Ms. A 8: eussent voulu.
§ 660. Messires Robers.—Ms. d’Amiens: Che seurent bien li chevalier et li escuier qui dedens Noyon se tenoient. Si se partirent et pourssuiwirent chiaux qui les avoient escarmuchiés: si se boutèrent entre iaux au passer le riviere d’Oize au Pont l’Evesque. Si en y eut des abatus, des navrés, des pris et des mehaignés, et des chevaux et dou harnas concquis sus yaux, et puis s’en retournèrent tout souef dedens Noion.
Ces nouvelles vinrent en l’ost que li Franchois avoient rencontré leurs gens et porté dammage: si en furent durement courouchiés, et retournèrent bien deux cens lanches et trois cens archiers, qui quidièrent trouver les Franchois au Pont l’Evesque, mès ils en estoient parti et ja retret dedens Noyon: dont chil Englès, par despit et pour yaux contrevengier, boutèrent le feu en le ville dou Pont l’Evesque et l’ardirent toute, dont ce fu dammaiges, car il y avoit grant fuisson de bons hostelx et de biaux.
Et quant il eurent fait leur emprise, il retournèrent deviers leur ost qui tenoit le chemin de Soissons, ardant et essillant le pays, excepté la terre monsigneur de Couchi; mès à ceste ne fissent il oncques mal, ne à homme ne à femme qui fust de la terre du dessus dit signeur.
Que vous feroie je loing record de le cevauchie monsigneur Robert Canolles, qu’il fist adonc en Franche, car il chevaucha enssi parmy le pays, gastant et essillant les marches et les contrées où il venoit, et ranchounnant villes, castiaux, abbeies et maisons; et y concquist en son voiaige si grant avoir que sans nombre, tant par le raenchon de chiaux qu’il et ses gens prendoient, que par le redemption des villes et des pays qui se rachatoient à estre non ars. Autrement, il avint en ce voiaige as Englès petit de fais d’armes qui à racompter facent, se che ne fu sus le fin de leur chevauchie, si comme vous orés recorder chy apriès. Mès nous lairons un petit à parler de lui et de se routte, et parlerons des avenues qui avinrent en Limozin en ce tamps qu’il chevauchoient en Franche.... Fos 169 vo et 170.
En ce meysme tamps, revint en Auvignon li papes Urbains Ve et tout si cardinal qui s’estoient tenus quatre ans à Romme. Fo 169 vo.
420 P. 237, l. 27: vuidièrent.—Ms. A 8: vindrent. Fo 333 vo.
P. 238, l. 4: rescousent.—Ms. A 8: rescouirent.
P. 238, l. 7: dix.—Mss. B 2 et A 8: quinze. Fo 17 vo.
P. 238, l. 14: poursievoit et costiiet.—Ms. B 2: poursievis et costiiet.—Ms. A 8: poursuivis et costoiez. Fo 334.
P. 238, l. 18: Jehan.—Ms. A 8: Guillaume.
P. 238, l. 21: freoient.—Ms. A 8: feroient.
P. 239, l. 8: ensonniier.—Ms. A 8: embesoingnier.
P. 239, l. 11: en istance de ce que.—Ms. A 8: en esperance comment.
§ 661. Vous avés.—Ms. d’Amiens: En ce tamps que ces assamblées et ordounnanches se faisoient et ces chevaucies dou duc d’Ango en le terre dou prinche, ariva li dus de Lancastre et sen armée à Bourdiaux sus le Geronde, dont chil de Bourdiaux furent tout resjoy, et ossi fu li prinches ses frères, quant il en sceut le nouvelle: che fu bien raisons.
Sitost que li dus Jehans de Lancastre fu arrivés ou havene de Bourdiaux et touttes ses gens, il traissent hors lors cevaux et tout leur harnas, et demandèrent dou prinche où il estoit. On leur dist que il se tenoit à Cougnach. Donc ne fissent il mies depuis loing sejour; mès, au plus tost qu’il peurent esploitier, li dus s’en vint celle part. Se li fist li prinches grant feste, et ossi fist la princesse; et entendirent mout vistement à leurs besoingnes et pour mettre une grosse chevauchie sus, pour venir contre leurs ennemis.... Fo 168 vo.
Vous avez chy dessus bien oy recorder coumment li dus d’Ango, d’un lés, et li dus de Berri, d’un autre lés, estoient efforciement entré en le terre dou prince et l’avoient ars et essillié en pluisseurs lieux et pris et fait tourner deviers yaux villes, chités et castiaux à grant fuisson. Et encorres avoit li dus de Berri assegiet le bonne chité de Limoges, et disoit qu’il ne s’empartiroit jusques à tant qu’il l’aroit concquis. Là estoient au siège avoecq lui messires li dus de Bourbon, messires Guis de Blois, li sirez de Sulli, messires Jehans de Bouloingne, messire Jehans de Villemur, messire Rogiers de Biaufort, messires Huges Daufins, messires Griffons de Montagut et li marescaux de Franche messires Loeis de Sansoire, et grant fuisson de chevalerie que je ne puis mies toutte noummer. Tant furent à ce siège devant la dite chité et si le constraindirent par assaus et par enghiens que chil de Limoges se 421 coummencièrent à esbahir, car il ne veoient nul comfort qui leur apparust, dont il n’estoient pas plus aise. Fo 170.
P. 239, l. 29: o.—Ms. B 2: à tout. Fo 18.—Ms. A 8: et. Fo 334.
P. 239, l. 30: qu’il.—Le ms. B 2 ajoute: tenoient et.
P. 240, l. 5: Congnach.—Ms. A 8: Cognac.
P. 240, l. 14: prince.—Le ms. B 6 ajoute: Quant il furent tout venut, sy en y eult grant foison, et estoient bien douze cens lanches et quatre mil d’autres gens. Fo 774.
P. 240, l. 31: estat.—Ms. A 8: point. Fo 334 vo.
P. 241, l. 11: Pieregorth.—Les mss. B 2 à 4 et A ajoutent: le seigneur de Labreth. Fo 18 vo.
P. 241, l. 15 à 29: si se departirent... tenoient.—Ms. B 6: Et envoia (le duc d’Anjou) messire Bertran de Claiquin et tous les Bretons en Limosin, car le duc son frère seoit devant Limoges, et puis se retrait le duc d’Ango devers Toulouse. Et messire Bertran esploita tant qu’il vint à Limoges au siège que les Franchois y tenoient. Si fu là rechut des signeurs à grant joie. Fo 774.
§ 662. Quant messires.—Ms. d’Amiens: Che siège pendant, y sourvint messires Bertrans de Claiequin que li dus d’Ango y envoia à bien six vint lanches, siques il aida à faire le traitiet et le pourkach entre ces signeurs et chiaux de le cité de Limoges; et se rendirent par le consentement de l’evesque qui s’i acorda, au ducq de Berry, et devinrent franchois parmy tant que yeux, leurs corps et leurs biens devoient y estre tout aseguré. Enssi eurent li signeur dessus noummé le possession et saisine de le chité de Limoges, et y entrèrent à grant joie; et fist li evesques de ce que il appertenoit à lui feauté et hoummaige au ducq de Berri comme au roy de Franche, et ossi fissent tout li homme et li bourgois de la cité.
Apriès le prise et le concquès de Limoges, si comme vous avés oy, et que li signeur de France y eurent sejourné environ cinq jours et qu’il s’i furent rafrechy, il regardèrent qu’il avoient ad ce coummenchement moult bien esploitiet, quant il avoient pris et concquis par fait d’armes une telle chité comme est Limoges. Si ordounnèrent li doy ducq qui là estoient, li dus de Berry et li dus de Bourbon, qu’il se partiroient de celui pays et s’en retrairoient en Berri et en Bourbonnois, car il entendoient que messires Robiers 422 Canolles et li Englès chevauchoient et avoient empris de chevauchier en princhipauté parmy leurs terres. Si s’avisèrent que il leur venroient au devant et tenroient le frontière contre les Englez, [et] que milleur esploit ne pooient il faire que de garder leur pays contre lors ennemis. Si se partirent de Limoges et i laissièrent grant fuisson de gens en garnisson à le requeste de l’evesque et de ceux de le ville, et en fissent souverains et cappittainnes monsigneur Jehan de Villemur, monsigneur Huge de le Roche et Rogier [de Biaufort], et estoient bien de bonnes gens cent hommes d’armes. Encoires ordounnèrent ilz que messires Bertrans de Claiequin demour[r]oit ens ou pays et y feroit guerre au mieux qu’il poroit. Enssi se defist leur emprise et chevauchie, car li dus d’Ango se retraist ossi devers le chité de Chaours; et li doi duch dessus noummé se retraissisent chacun en son pays, li uns en Berri et li autres en Bourbenois. Si se departirent leurs gens, et s’en revinrent en France devers le roy messires Loeis de Sansoire, marescaus de France, et messires Guis de Blois et messires Jehans de Bouloingne et aucun autre chevalier, car li roys faisoit son mandement à estre à Paris pour chevauchier contre messire Robert Canolles. Fo 170.
P. 242, l. 1 à 22: Tantost... françois.—Ms. B 6: Pour le tamps de lors, estoient chil de Limoges en traitiet pour rendre la cité, et y metoit l’evesques du lieu grant paine. Si aida le dit messire Bertran à faire et passer che traitiet, et se tourna la chité de Limoges franchoise. Et tantost apriès che que le duc de Berry eult pris le posession, il se retrait vers Berry à tout ses gens, car enfourmés fu de messire Robert Canolle qui volloit venir en Auvergne. Et pour che le duc de Berry et le duc de Bourbon se retrairent en leur pais pour garnir villes et chastiaus. Fo 775.
P. 242, l. 22: Melval.—Ms. A 8: Maleval. Fo 335.
§ 663. Quant les nouvelles.—Ms. d’Amiens: Bien estoit li prinches de Galles qui se tenoit à Cougnach, enfourmés de ces chevauchies des seigneurs de Franche et quel chemin il tenoient et avoient tenu et coumment li sièges estoit devant Limoges: dont il faisoit son amas et sen asamblée de gens d’armes pour venir celle part et lever le siège et combattre les Franchois. Et quant les nouvelles li vinrent que la cités de Limoges estoit rendue et tournée franchoise, si fu durement courrouchiés, car on 423 li dist que li evesques de la cité, qui estoit ses compères, y avoit grant coupe et que par li em partie s’estoit fès li tretiés. Donc se hasta plus li prinches que devant, et se parti de Cougnach à grant fuisson de gens d’armes, le duc de Lancastre et le comte de Cantbruge, ses deux frères, avoecq lui, et le comte de Pennebruc, le captal de Beus, monsigneur Thummas de Felleton, monsigneur Hue de Cavrelée, monsigneur Gautier Huet, monsigneur Guichart d’Angle, le signeur de Duras, le signeur de Pummiers, le signeur de Rosem, le signeur de Longerem, monsigneur Aimeri de Tarse, le signeur de Condon, le signeur de Ross, le signeur de Puiane, le signeur de Tannaibouton, monsigneur Loeis de Halcourt, le signeur de Partenay, le signeur de Pont et tamaint autres banereth et chevaliers; et estoient bien douze cens hommes d’armes et quatre mil autres hommes parmy les archiers, et très donc ne pooit li princes chevauchier, mès se faisoit menner en litière. Si chevauchièrent tant chil signeur avoecques leurs gens qu’il vinrent devant le chité de Limoges: si le trouvèrent fremmée et remparée bien et à point, et garnie et pourvueue de bonnes gens d’armes et de toute artillerie, et les chevaliers franchois qui dedens estoient, et chacun à se garde bien et faiticement. Quant li doy marescal dou prinche, messires Guichars d’Angle et messires Estievenes de Gousentonne, eurent aviset et ymaginet le mannierre de chiaux de dedens, il fissent logier leurs gens tout environ et ordounner et edeffier loges, feuillies et maisons pour yaux et pour lors chevaux. Et affin que il pewissent plus tost venir à leur entente, il missent en oevre grant fuisson de mineurs, dont il estoient pourvueu, liquel entrèrent tantost en leur minne et coummenchièrent à minner et à entrer dedens terre à l’endroit des murs pour les faire reversser. Enssi se tint li sièges devant Limoges, ne li Englès n’y faisoient nul autre assaut. Bien sentoient li bourgois et li homme de Limoges que li prinches faisoit fouir et miner desoubz terre contre yaux pour mieux avoir le chité et le ville à sen aise. Si s’en doubtoient durement et se repentoient grandement de çou qu’il s’estoient retourné franchois et ewissent vollentiers fait traitiés et composition devers le prinche, se ilz les volsist avoir eus ne repris à merchy; mais il n’y volloit entendre et disoit qu’il estoient mauvais traiteur et que jammais n’y aroit fiance et que tous les meteroit à l’espée, mais qu’il en pewist venir au dessus: dont chil de Limoges, parmy ces manaches, estoient durement esbahi, car il ne s’en pooient partir ne aller, 424 qu’il ne fuissent sceu ne aperceu. Si leur couvenoit là tous atendre l’aventure. Fo 170.
P. 243, l. 8: l’ame de son père.—Les mss. B 2 à 4 et A 8 ajoutent: que onques ne parjura. Fo 19.
P. 243, l. 11 et 12: et s’en aroit fait... fourfet.—Mss. B 2 à 4 et A 8: et aroit fait as traitres chierement comparer leur fourfait.
P. 243, l. 30: Tarste.—Ms. B 2: Tharse.
P. 244, l. 6: d’Agorises.—Ms. B 2: d’Agoriset.—Ms. A 8: d’Agonse. Fo 335.
P. 244, l. 17: mener.—Le ms. A 8 ajoute: et charrier.
P. 245, l. 12: efforciement.—Les mss. B 2 à 4 et A 8 ajoutent: et à faire leur ouvraige. Fo 19 vo.
§ 664. Messires Robers.—Ms. d’Amiens: Le siège pendant devant le chité de Limoges, chevauchoit en Franche messires Robers Canolles et se routte, qui ardoit et essilloit et ranchounnoit le pays. Si passa le rivierre de Oize et puis le rivierre d’Esne, et apriès, deseure Chaalons en Campaigne, le rivierre de Marne; et passa parmy Campaigne, tout gastant le pays, et vint à Bar le Duch, et passa le rivierre d’Aube. Et puis, environ Meri sus Sainne, il passa Sainne, et puis se ravalla deviers Troies et deviers Aucherrois, et revint em Brie et en Gastinois. Et fist tant par ses journées qu’il vint assés priès de Paris, et se loga à trois lieuwes de Paris; et vinrent si coureur courir jusques as bailles de Paris. Et là perdirent un chevalier bon homme d’armes et aventureus durement que chils de Paris ocirent assés priès de Saint Germain ès Prés. Et quant il eurent fait leur emprise et leur voiaige et que nus ne venoit contre yaux, il se partirent d’environ Paris où il s’estoient logiet deux jours, et prissent le chemin d’Estampes et de Chartres, et entrèrent en ce biau et plain pays de Biausse où il fissent moult de meschiés. Fo 170 vo.
P. 245, l. 17 à 26: Messires... nuis.—Ms. B 6: En che tamps, chevauchoit en France messire Robert Canolle tout ensy qu’il volloit, car nulz ne ly deffendoit ne aloit au devant. Et passa toutes les rivières qu’il couvenoit passer pour venir devant Paris au lés devers Gastinois, est à savoir le rivière de Somme premierement et puis Oise, Aisne, Marne, Aube, Saine et Gesne, et fu logiet devant Paris jour et demi. Et manda au roy de Franche et à chiaus de Paris que, se on le volloit combattre, que on le trouveroit tout apparilliet sus les camps. Fo 776.
425 P. 245, l. 19: royaume.—Les mss. B 2 à 4 et A 8 ajoutent: de France. Si chevauchoit à petites journées et à grans frais parmi le royaume. Fo 19 vo.
P. 245, l. 29: fumières.—Ms. A 8: fumées. Fo 335 vo.
P. 246, l. 6: Chastiel Villain.—Ms. A 8: Chastel Julien.
P. 246, l. 9: deffendoit.—Le ms. B 6 ajoute: Dont se desloga le dit messire Robert de devant Paris, et prist le chemin d’Orliens et de Gastinois pour aller sieuvant chelle bonne rivière de Loire et le bon cras pais; et dist, se il plaisoit à Dieu, il iroit veoir le bon pais d’Ango et du Maine. Fo 777.
P. 246, l. 14: sancier.—Ms. B 2: sanchier.—Ms. A 8: fouler.
P. 246, l. 25: as bailles de le porte.—Ms. A 8: aux barrières de sa lance. Fo 336.
P. 247, l. 13: boucier.—Mss. B 2 et A 8: bouchier. Fo 20.
P. 247, l. 17: maleois.—Ms. A 8: vaillant. Fo 336.
P. 247, l. 21: visbus.—Ms. A 8: chief fort.
P. 247, l. 24: si.—Ms. A 8: cil escuier.
P. 247, l. 30: kieute.—Ms. B 2: quieute pointe.—Ms. A 8: enclume.
P. 248, l. 1: là mors.—Le ms. B 6 ajoute: dont che fu damaige, car je croy bien que amours ly avoient fait faire celle haulte emprise. Fo 777.
P. 248, l. 2: ensepelir.—Ms. B 2: ensevelir.—Ms. A 8: enterrer.
§ 665. Entrues.—Ms. d’Amiens: Or revenons à monsigneur Bertran de Claiequin qui se tenoit sus les marches de Limozin, en le visconté de Limoges, et avoit chevauchiet sus le terre dou prinche à tout grant gens d’armes depuis le departement dou duc de Berri, dou duc de Bourbon et de monsigneur Gui de Blois et des signeurs de Franche qui s’estoient retrait en Franche, par l’ordounnanche dou roy, pour chevauchier contre monsigneur Robert Canolle et ses routtes. Li dessus dis messires Bertrans, le siège pendant devant Limoges, s’en vint devant une fortrèce, en Limozin, et une bonne ville, que on appelle Saint Iriet, qui se tenoit de monsigneur Jehan de Montfort, ducq de Bretaigne. Ils tantost, comme chevaliers et saudoiiers à madamme femme qui fu monsigneur Carlon de Blois, fist guerre à le dite ville et l’assailli vistement et aigrement. Chil de Saint Iriet se doubtèrent de plus 426 à perdre: se se rendirent à monsigneur Bertran, pour le cause de la dessus dite damme qui ne pooit amer celui qui son marit avoit mort, ja fust il ses cousins germains, et qui ses enffans faisoit tenir prisonniers en Engleterre, Jehan et Ghui. Apriès chou que chil de Saint Yriet se furent rendut, chevaucha messires Bertrans devant une autre fortrèce que on appelle Brendomme, et l’asailli un jour tout entier; et l’endemain il se rendirent en le mannierre que chil de Saint Yriet avoient fait. Encorres chevaucha messires Bertrans plus avant en le viscomté de Limoges, et prist pluisseurs villes et castiaux pour le cause de le damme. Fo 170 vo.
P. 248, l. 12: avoit espoir.—Ms. A 8: povoit avoir. Fo 336.
P. 248, l. 12 et 13: chevauçoient à l’un des corons.—Ms. A 8: chevauchoit à l’un des costez.
P. 248, l. 16: de.—Ms. A 8: lesquelles estoient à.
P. 249, l. 14 et 15: Or.... Galles.—Cette phrase manque dans le ms. B 2, fo 20 vo.
§ 666. Environ un mois.—Ms. d’Amiens: Or revenrons au siège de Limoges. Quant li prinches de Galles et d’Acquittainne eut estet asis devant le chité de Limoges par l’espasse de trois sepmainnes et que nus n’apari pour li lever de là, car li dus d’Ango estoit retrès deviers Toulouse et li dus de Berri en son pais, si comme chy dessus est dist, si mineur eurent leur minne tellement appareillie que il dissent au prince que il feroient cheoir ung grant pan dez murs, quant il li plairoit. Li prinches respondi que cez nouvelles li estoient belles. Dont fist une matinée armer tout son ost, et ja estoit li feux boutés en le minne, pour ardoir les estanchons sour quoy li minne se portoit. Quant il furent tout ars, si comme li mineur avoient deviset, li murs reverssa bien soissante toises de large, par quoy on pooit tout aisiement entrer à cheval et à piet dedens le chité de Limoges. Quant li chevalier franchois et li homme de le chité virent le grant meschief qui leur estoit si prochains, si furent tout esbahy et perdirent avis et contenance et se missent à le fuite pour yaux sauver; mès li prinches et se bannierre, li dus de Lancastre et se bannierre, li comtes de Cantbruge et se bannierre, li comtes de Pennebrucq et se bannierre, et ensi tout li autre baron, chevalier et escuier et toutte mannierres d’autres gens entrèrent ens, car li une des 427 portes fu tantost ouverte et jettée par terre. Là veist on grant pité des hommes et des femmes et des enfans de le ville, car ilz se jettoient en genous devant le prinche et crioient merchy; mès nuls n’y estoit pris, car sans pité et sans misericorde on les ochioit enssi que on les trouvoit et encontroit, tant estoient li prinches et li Englès escauffet sus yaux en grant fellonnie et aïr. Bien est voirs que li evesques de Limoges [fu pris et] amenés devant le prinche qui mout courouciez estoit sour lui. Et ossi li escuier et chevalier, qui là estoient en saudées de par le roy, se requeillièrent et missent à deffensce, et se retraissent deviers un fort hostel et se rengièrent contre un mur, et là se deffendirent ce qu’il peurent, et y fissent maintes belles appertisses d’armes; mès li dus de Lancastre et messires Ammons ses frères et leurs gens vinrent celle part, si les assaillirent fierement. Là se combati moult vaillamment messires Jehans de Villemur main à main au duc de Lancastre, car il estoit fors chevaliers, hardis et appers, et Rogiers de Beaufort au comte de Cantbruge, et messires Huges de la Roche au comte de Pennebrucq; et enssi chacuns chevaliers d’Engleterre prendoit le sien, et escarmuchoient de leurs espées, enssi que gens d’armes et bon combatant doient faire, qui se treuvent en tel parti. Là veist on tamaint tour et bien appert dez espées dounner et rendre, et ne demoura mies qu’il n’en n’y ewist des navrés et mehaignés. Et se tinrent contre che mur li Franchois, chevalier et escuier, assés honnerablement; mès finablement forche leur sourvint, et furent pris et fianchiés prison. Fo 170 vo.
P. 249, l. 16: un mois.—Ms. B 6: trois sepmaines. Fo 778.
P. 249, l. 16: sist.—Ms. A 8: fut. Fo 336 vo.
P. 249, l. 18: songnoit.—Ms. B 2: bien songnier. Fo 20 vo.—Ms. A 8: embesoingnier.
P. 249, l. 23: tout à fait que.—Ms. A 8: tout ainsy comme.
P. 249, l. 23 et 24: estançonnoient.—Ms. A 8: estanchoient.
P. 249, l. 25: reverser.—Ms. A 8: renverser.
P. 249, l. 26: ens ès.—Ms. A 8: dedens les.
P. 249, l. 27: ens.—Ms. A 8: dedens la cité.
P. 249, l. 31: cil.—Ms. A 8: ces mineurs.
P. 250, l. 9: bailles.—Ms. A 8: barrières.
P. 250, l. 10: evous.—Ms. A 8: et puis vecy.
428 P. 250, l. 14: ens.—Le ms. B 6 ajoute: la banière du prinche et chelle des marisaus tout devant. Fo 778.
P. 250, l. 20: d’air.—Ms. A 8: d’ardeur.
P. 250, l. 30: deviiet.—Ms. A 8: delivrez. Fo 337.
P. 252, l. 4: Biaufort.—Mss. B 2 à 4: qui estoit adonc escuiers. Fo 21.—Ms. A 8: qui estoit lors escuier.
P. 252, l. 8 et 9: et y rafrena et radouci.—Ms. A 8: et se rapaisa et adouci.
P. 252, l. 11: rendant.—Ms. A 8: regardant.
P. 252, l. 15: retenons.—Mss. B 2 et A 8: recepvons.
§ 667. On ne se cessa.—Ms. d’Amiens: Endementroes que li chevalier d’Engleterre avoient entendu à combattre les dessus dis et lors gens, li autre Englès, gens de Compaingnes, estoient espars parmy Limoges et y faisoient le plus grant violense du monde, car nuls n’estoit pris à merchy. De quel eage que ce fuist, jones ou viés, hommes, femmez et enfans, tout missent li Englès à l’espée, et sans deport fu la chité toutte gastée et robée et une grant partie arse et destruite. Et quant li ocisson fu passée et qu’il en eurent acompli leur desirier et que li pilleur l’eurent toutte pillie et robée, dont bien sachiés qu’il y eut grant avoir, car elle estoit riche et bien pourvueue, il s’em partirent, et n’eurent mies consseil ne vollenté dou tenir, et laissièrent en cel estat vaghe. En yaux retrayant, li Englès ardirent une partie de le terre le signeur de Malval en Limozin et ossi le terre de monsigneur Raimmon de Maruel, pour tant qu’il s’estoient tourné franchois.
Si vous di que li evesques de Limoges fu en grant peril d’estre decollés, tant estoit li prinches courouciés sour lui, pour tant qu’il estoit ses compères, et si avoit fait et aidiet à faire retourner Limoges. Si le dounna li prinches au ducq de Lancastre qui ne l’amoit mies pour celle cause trop grant plenté, et l’ewist fait morir sans nul deport; mès pappes Urbains Ves, qui estoit nouvellement revenus de Romme en Auvignon, quant il en seut le verité et le peril où li dis evesques estoit, il le requist et pria mout chierement au duch de Lancastre qu’il li volsist dounner. Li dus descendi à le priière dou Saint Père, parmy le bon consseil qu’il eut, et li acorda le dessus dit evesque et li envoiea en Auvignon, dont li pappes l’en seut grant gret. Enssi fu sauvés et delivrés de mort li evesques de Limoges. Fos 170 vo et 171.
P. 252, l. 20: destruction.—Le ms. B 6 ajoute: Et chou 429 douze bourgois de la ville avoient tout fait qui point ne le comparèrent. Fo 779.
P. 252, l. 23: estoit.—Le ms. B 6 ajoute: et ses filz Richart. Fo 779.
P. 252, l. 28: Limoges.—Le ms. B 6 ajoute: qui compère estoit du prinche. Fo 778.
P. 252, l. 30: rouva.—Ms. A 8: demanda. Fo 337 vo.
P. 253, l. 3: Avignon.—Le ms. B 6 ajoute: entendy le destruxcion de Limoges et le prise de son cousin l’evesque et comment le prinche le manechoit. Fo 779.
§ 668. Si fu enfourmés.—Ms. d’Amiens: Entroes qu’il (Bertrand du Guesclin) estoit en cel esploit et qu’il cevauchoit enssi pour la dessus ditte damme, l’envoiea li rois de Franche requerre, et li manda especialment et expressement qu’il revenist en Franche. Messires Bertrans vot obeir au mandement dou roy et s’en revint quoitousement avoecq touttes ses gens d’armes à Paris. Si fu li très bien venus, mout festiiés et conjoïs dou roy et de tous les barons, et fu tantos fais et creés connestables de Franche, car chilx offisces vaghoit adonc de par monsigneur Moroel de Fiennes qui de se vollenté s’en estoit ostés et desmis. De l’estat et ordounnance de le connestablie de France emprist adonc messires Bertrans mout envis, et s’en excusza de premiers par pluisseurs voies en disant et remoustrant que il estoit ungs chevaliers de petite generation et venue, et, se Dieux avoit conssenti que aucunnes fortunes d’armes li fuissent avenues à se honneur, se n’estoit il mies dignes ne tailliés ne saiges pour faire un tel offisce ne excercer, que la connestablie de France est. Toutteffois, excuzanches qu’il fesist ne moustrast, ne vallirent riens; il fu tant priiés et tant requis dou roy et des barons de Franche qu’il i entra, et fu fais et noummés connestables: dont tous li royaummes de France eut grant joie, et especialment chevaliers et escuiers qui sieuvoient et amoient les armes.
En ce tamps, estoit li sires de Clichon dallés le roy de Franche et si bien de son consseil et de lui qu’il volloit, et tant l’amoit et creoit li rois que il ne faisoit à painnes riens sans son consseil et especialment des guerres as Englès. Fo 171.
P. 253, l. 18 à 20: car.... l’offisce.—Ms. A 17: car monseigneur Morel de Fiennes ne povoit plus exercer l’offisce par vieillesce. Fo 363 vo.
430 P. 253, l. 25 à 28: pour le plus.... de France.—Mss. A 15 à 17: comme le plus vertueux et fortuné en toutes ses besongnes qui alors fust. Ms. A 17, fo 363 vo.
P. 253, l. 26: sage.—Mss. B 2 à 4 et A 8: ydosne, ydoine. Fo 21 vo.
P. 253, l. 27: ewireus.—Ms. B 2: heureux.—Ms. A 8: vertueux. Fo 337 vo.
P. 254, l. 4: Brandome.—Ms. B 2: Braindouve.—Ms. A 8: Brandomme.
P. 254, l. 18: seigneurs.—Le ms. A 8 ajoute: de son hostel et.
P. 254, l. 24: que c’estoit.—Ms. A 8: qu’il estoit. Fo 338.
P. 254, l. 26: un petit.—Mss. B 2 et A 8: ung pau, un peu.
P. 255, l. 13: l’emprende.—Ms. A 8: le prenra.
P. 255, l. 19: perceveroit.—Ms. A 8: appercevroit.
P. 255, l. 23: l’ordenance.—Mss. B 2 et A 8: l’opinion.
P. 255, l. 26: de France.—Le ms. A 17 ajoute: et prist congié du roy et s’en vint en Limozin où il conquist maint chastiel et mainte forteresce. Fo 363 vo.
P. 255, l. 26: exaucier.—Ms. B 2: essauchier. Fo 22.—Ms. A 8: avancier.
P. 255, l. 28 à 30: en ce jour.... son hoir.—Mss. A: avecques l’office pluseurs beaux dons et grans terres et revenues en heritage pour lui et pour ses hoirs.
FIN DES VARIANTES DU TOME SIXIÈME.
[1] Froissart ajoute que cet enfant naquit le jour de l’Apparition des trois Rois, qui tomba en cette année un mercredi. Cette remarque est parfaitement exacte. La fête de l’Épiphanie que l’on célèbre le 6 janvier tomba, en 1367, un mercredi. Dans le quatrième livre de ses Chroniques, Froissart a pris soin de nous dire qu’il était à Bordeaux au moment de la naissance de Richard II: «A savoir est que j’estoie en la cité de Bourdiaus, et seans à table, quant li rois Richars fu nés, liquels vint au monde par un mercredi, sur le point de dix heures.» Peu s’en fallut même que l’infatigable chroniqueur ne prit part à l’expédition d’Espagne; et s’il n’alla pas plus loin que Dax, c’est que le prince de Galles le renvoya en Angleterre auprès de la reine Philippa, à la personne de laquelle Froissart était alors attaché en qualité de clerc: «Car vu ne l’avoie (il s’agit de Richard II) depuis qu’il fu tenus sur les fons en l’eglise cathedrale de la cité de Bourdiaus, car pour ces jours je y estoie. Et avoie intention d’aller au voyage d’Espaigne avoec le prince de Galles et les seigneurs qui au voyage furent; mais quant nous fusmes en la cité de Dax, le prince me renvoya arrière en Angleterre devers madame sa mère.» La principale source où a puisé Froissart, pour cette partie de ses Chroniques, est la chronique rimée du héraut Chandos sur les faits d’armes du prince de Galles, publiée dans ces derniers temps par M. Coxe pour le Roxburgh-Club. Life of Edward the black prince, in-4o de I-XII et 1-399 pages.
[2] 10 janvier 1367.
[3] Dax, Landes. Asc ou Ax, leçon que donnent les meilleurs manuscrits de Froissart, est l’ancienne et bonne forme du nom de cette localité. La forme actuelle, qui n’a supplanté définitivement la forme primitive qu’à la fin du dernier siècle, résulte d’une soudure de la préposition De, avec élision de l’e final, et de Ax.
[4] Nous identifions le «Saint Mahieu de Fine Poterne» de Froissart avec Saint-Mathieu-Fin-de-Terre ou Fineterre, promontoire et hameau de la commune de Plougonvelin, Finistère, arr. Brest, c. Saint Renan, sur l’Océan. Dans une quittance en date du 4 juillet 1374, Pierre de Karrimel s’intitule capitaine de «Saint Mahie de Fine Poterne». Bibl. Nat., Tit. sc. de Clairambault, vol. 62, fo 4823.
[5] Aujourd’hui Miranda-de-Arga, Espagne, prov. Navarre, diocèse de Pampelune, sur l’Arga. Il faut bien se garder de confondre, suivant un exemple récent (Œuvres de Froissart, XXV, 79), Miranda-de-Arga, ville située, comme le fait remarquer Froissart, à l’entrée du royaume de Navarre, du côté de la Gascogne, avec Miranda-de-Ebro, bourg situé sur l’Èbre et dans le diocèse de Burgos.
[6] Aujourd’hui Puente la Reina, prov. Navarre, sur l’Arga. Cette petite place forte, qui fait partie du diocèse de Pampelune, est à 4 kil. S. O. de cette ville. La chronique rimée du héraut Chandos mentionne aussi cette occupation de Miranda et de Puente la Reina par Hugh de Calverly, qui commandait un détachement de l’avant-garde de l’armée anglaise:
[7] Don Martino Henriquez ou Enriquez de la Carra.
[8] Basses-Pyrénées, arr. Mauléon.
[9] Landes, arr. Dax.
[10] La forme de ce nom de lieu, dans les divers manuscrits de Froissart, est Pierreferade ou Pierreferrade. Cette forme est tout à fait vicieuse. L’étymologie vraie de Peyrehorade est, sans aucun doute, le composé latin Petraforata, en français Pierreforée. Certains noms de lieu, que l’on trouve dans d’autres régions de la France, tels que Pierrepercée ou Pierrepertuse, sont les équivalents exacts de Peyrehorade. Dans ce dernier mot, le changement de f latin en h est un des caractères distinctifs de l’espagnol, et notre savant confrère, M. A. Longnon, nous fait remarquer qu’on le retrouve dans beaucoup de noms de lieu du pays basque: La Hitte, équivalent de La Fitte, Horcade, équivalent de Forcade, etc.
[11] Si le prince d’Aquitaine resta près d’un mois à Dax, il n’était pas seulement occupé à y concentrer ses forces; il y attendait surtout de l’argent pour entrer en campagne. Par acte daté d’Ax (aujourd’hui Dax, Landes) le 29 janvier 1367 (n. st.), Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, donna procuration à Jean des Roches, sénéchal de Bigorre, pour recevoir en son lieu et place 30 000 francs sur la rançon du roi Jean (Arch. Nat., J 642, nº 27). C’est par erreur qu’Ax a été identifié avec Ax-sur-Ariége (Chron. de J. Froissart, VI, XCI).
[12] En 1367, la mi-février ou le 14 février tomba un dimanche.
[13] Sans doute le lundi 15 février.
[14] Dimanche 21 février 1367. L’armée anglaise tout entière avait franchi les défilés de Roncevaux à la date du 20 février 1367, comme cela résulte d’une lettre adressée par don Pèdre le 19 février aux habitants de Murcie. Cascales, Hist. de Murcia, 116.
[15] Aujourd’hui Santo Domingo de la Calzada, Espagne, prov. Logroño, dioc. Calahorra, sur le chemin qui va de Pampelune à Burgos en passant par Logroño. D’après Ayala, beaucoup mieux informé que Froissart sur ce qui se passe à la cour de Burgos, Bertrand du Guesclin se trouvait dès lors auprès de don Enrique.
[16] Cette lettre n’est, sauf la rime, que la reproduction du texte donné par le héraut Chandos; mais ni Chandos ni Froissart n’ont fait mention d’une réponse de don Enrique de Trastamare à une lettre du prince de Galles, réponse datée du camp de Najera le 2 avril 1367 et dont on trouve le texte dans Rymer (Foedera, vol. III, p. 824) et dans Ayala (Abreviada, p. 555 et 556). Cette réponse est un document d’une importance capitale en ce qu’il nous montre combien ce que nous appelons aujourd’hui le principe de la légitimité est resté étranger à l’Espagne du moyen âge.
[17] Thomas était sénéchal d’Aquitaine et Guillaume sénéchal de Poitou.
[18] Comme l’armée anglaise s’avançait alors vers Burgos par la route de Vitoria, le Navarrete dont il s’agit ici ne peut être que le Navarrete situé en Alava et au diocèse de Calahorra; mais Froissart a cru par erreur qu’il était question du Navarrete de la province de Logroño, sur la rive droite de l’Èbre, plus important et plus connu que celui de l’Alava. Voilà pourquoi notre chroniqueur fait passer ici prématurément l’Èbre à la petite troupe d’éclaireurs commandée par Thomas Felton.
[19] Dès 1366, Bertrand du Guesclin, à qui le roi d’Aragon venait de donner le comté de Borja, avait nommé son cousin Olivier de Mauny, l’un de ses plus anciens compagnons d’armes, capitaine de la forteresse de Borja, chef-lieu du comté de ce nom. Borja (aujourd’hui Espagne, prov. Zaragoza, dioc. Tarazona) faisait autrefois partie du royaume d’Aragon, et se trouve presque à la limite de ce pays, de la Navarre et de la Castille Vieille, à 20 kil. au S. E. de Tudela.
[20] Cette arrestation concertée eut lieu le 13 mars 1367 (Grandes Chroniques, VI, 245, 246). S’il faut en croire Ayala (dans Cronicas de los Reyes de Castilla, Madrid, 1875, I, 550), Charles le Mauvais avait acheté la complaisance de son geôlier en lui promettant une rente de 3000 francs et la ville de Gavray en Normandie: «é que el Rey de Navarra daria por heredad al dicho Mosen Oliver un castillo é villa que el Rey de Navarra avia en tierra de Normandia en Francia, que dicen Gabray, con tres mil francos de oro de renta.» «Gabray» où M. Mérimée a vu Guibray (Hist. de don Pèdre Ier, Paris, 1874, p. 453) est évidemment une mauvaise leçon pour Gavray (Manche, arr. Coutances). Le château de Gavray appartenait en effet au roi de Navarre, qui n’eut jamais, en revanche, Guibray en sa possession.
[21] Martin Enriquez de la Carra alla rejoindre, à la tête de trois cents lances, l’armée anglaise près de Pampelune.
[22] Petit village d’Espagne, prov. Navarre, dioc. Pampelune, sur la rive droite du ruisseau Lecumbegui, près de Larracin. Le pas d’Arruiz est devenu dans Froissart le pas de «Sarris».
[23] La province de Guipuzcoa (l’Epuske de Froissart) est au nord-ouest de la Navarre, entre cette dernière province et la Biscaye.
[24] Espagne, prov. Alava, dioc. Calahorra, sur la route de Pampelune à Vitoria, à 16 kil. à l’est de cette dernière ville.
[25] Cette reddition de Salvatierra à don Pèdre est confirmée par Ayala: «.... la villa de Salvatierra, que es en aquella comarca, se diera al Rey Don Pedro é le acogiera.» Le 22 juin 1382, le chroniqueur espagnol que nous venons de citer, don Pedro Lopez de Ayala, fut fait comte de Salvatierra par don Juan Ier, roi de Castille.
[26] Najera, Espagne, prov. Logroño, dioc. Calahorra, sur le cours d’eau Najerilla, affluent de la rive droite de l’Èbre. D’après Ayala, les positions qui furent successivement occupées par don Enrique sont les suivantes: Santo Domingo de la Calzada, Bañares, sur la rive droite de l’Èbre; sur la rive gauche, Añastro près de Treviño, enfin Zaldiaran, château royal juché sur l’une des plus hautes sierras de l’Alava. Ce fut la force de cette dernière position qui décida le prince de Galles, arrivé jusqu’à Vitoria, à marcher sur Burgos par un autre chemin.
[27] D’après la chronique d’Ayala, ce renfort était, comme nous l’avons dit plus haut, arrivé depuis longtemps.
[28] Ayala, qui omet don Sanche parmi ceux qui prirent part à cette escarmouche, mentionne en revanche, parmi les Français, Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, et le Bègue de Villaines; parmi les Aragonais, don Alfonso, comte de Denia, fils de l’infant don Pedro d’Aragon; enfin, parmi les Castillans, Pero Gonzalez de Mendoza, don Pero Moñiz, maître de Calatrava, don Juan Ramirez de Arellano, et les deux grands maîtres de Santiago, en Castille et en Léon, don Pero Ruiz de Sandoval et don Ferrand Osores.
[29] Ayala dit que cet engagement eut lieu à Ariñiz: «cerca de una aldea de Alava que dicen Ariñiz.» Ariñez (prov. Alava, dioc. Calahorra) est aujourd’hui un petit village situé dans la banlieue de Vitoria, sur la route qui va de cette ville à Burgos et à Madrid.
[30] La résistance héroïque des Anglais et la bravoure téméraire de Guillaume Felton frappèrent tellement les imaginations que le souvenir s’en est conservé dans l’Alava jusqu’à nos jours. On montre encore aujourd’hui près d’Ariñez le tertre où Guillaume Felton tomba criblé de coups après avoir combattu tout un jour. On l’appelle, dans le patois du pays, Inglesmendi, la butte des Anglais. Ayala, Cronica del Rey Don Pedro dans Cronicas de los Reyes de Castilla, Madrid, 1875, gr. in-8o, p. 554, col. 1, note 2.
[31] Le roi de France se trouvait alors lié par le traité de Brétigny, mais toutes ses sympathies n’en étaient pas moins pour don Enrique. Charles V adressa même un message spécial au roi de Castille pour lui donner le conseil rapporté par Froissart, conseil qui fut fortement appuyé par le sire d’Audrehem et Bertrand du Guesclin: «Estando el Rey Don Enrique en el encinar de Bañares, do tenia sus Compañas ayuntadas, ovo cartas mensageras del Rey Don Carlos de Francia, por las quales le envió rogar é consejar que non pelease, é que escusase aquella batalla, ca él le facia cierto que con el Principe de Gales venia la flor de la caballeria del mundo: é por ende que desmanase aquella pelea, é ficiese su guerra en otra guisa; ca el Principe é aquellas Compañas non podrian durar mucho en Castilla é que se tornarian. Sobre esto Mosen Beltran de Claquin é el Mariscal de Audenehan, que estaban con el Rey Don Enrique é eran Caballeros Vasallos del Rey de Francia, fablaron con el Rey Don Enrique de parte del Rey de Francia todas estas razones que le enviaba decir, é mandaba é ellos que fablasen con él por tal manera que la batalla non se ficiese, ca el Rey de Francia é todo su Consejo eran en esto.» Ayala, Cronica del Rey Don Pedro, 1367, cap. VI, p. 553.—Ayala ajoute que don Enrique rejeta ce conseil en disant que, s’il le suivait, les provinces cédées à l’invasion se déclareraient aussitôt pour don Pèdre et que, d’ailleurs, l’honneur lui défendait d’abandonner à la vengeance de son ennemi des cités, des villes et des hommes qui s’étaient dévoués à sa cause.
[32] Le héraut Chandos, dans sa chronique rimée, évalue les forces de don Enrique à 4000 hommes d’armes à cheval, 6000 arbalétriers, montés ou non montés, et 50 000 fantassins. Ayala compte 4500 lances seulement dans l’armée castillane. D’après le moine de Saint-Alban, le rival de don Pèdre n’avait pas sous ses ordres moins de soixante mille combattants: «Erat autem numerus comitivæ circiter sexaginta millia bellatorum.» Chronicon Angliæ (1328-1388), edited by Edward Maunde Thompson, 1874, p. 58.—Nous croyons que la vérité ou du moins la vraisemblance est entre l’évaluation exagérée des chroniqueurs anglais et de Froissart et l’évaluation trop faible d’Ayala.
[33] Le prince de Galles, arrivé à Pampelune, avait d’abord marché sur Burgos par la route la plus courte, c’est-à-dire par Vitoria; mais trouvant les défilés de l’Alava bien gardés par don Enrique, il prit le parti de se diriger vers la capitale de la Vieille Castille en passant par Logroño.
[34] Espagne, prov. Alava, dioc. Calahorra, bourg situé à environ 4 kil. de l’Èbre, sur la rive gauche de ce fleuve.
[35] Espagne, prov. Navarra, dioc. Calahorra, petite ville située comme Laguardia sur la rive gauche et à peu de distance de l’Èbre, au nord de Logroño.
[36] Cette rivière, ou plutôt ce fleuve, est l’Èbre que Froissart appelle «l’Emer».
[37] La ville forte de Logroño, située sur la rive droite de l’Èbre et réunie dès le moyen âge par un pont à la rive gauche de ce fleuve, aujourd’hui capitale de la province du même nom, était restée fidèle a don Pèdre. Cascales (Hist. de Murcia, 116 vo) a publié une lettre de don Pèdre datée de Logroño, primero de abril era de 1405 (1er avril 1367).
[38] Espagne, prov. Logroño, village situé sur l’Èbre, un peu à l’est de Haro et à l’ouest de Logroño, non loin du confluent de l’Èbre et de l’Ojerilla.
[39] La lettre rapportée par Froissart se retrouve, sauf la mesure et la rime, dans la chronique rimée du héraut Chandos. Elle diffère essentiellement, et pour le fond et pour la forme, de la lettre authentique datée de Navarrete en Castille le 1er avril 1367 et adressée par le prince de Galles à don Enrique, comte de Trastamare, lettre dont Rymer a publié le texte en castillan et en latin (Foedera, édit. de 1830, vol. III, pars II, p. 823 et 824). La réponse de don Enrique, qui s’intitule roi de Castille et de Léon, est datée de Najera le 2 avril, et nous l’avons aussi sous sa double forme, en castillan et en latin. Ibid., p. 824 et 825. Cf. Ayala, Cronica del Rey Don Pedro, 1367, cap. XI, p. 555 et 556.
[40] Cette indication du jour de la semaine est parfaitement exacte. En 1367, le 2 avril est tombé un vendredi.
[41] Froissart s’est servi de cette expression: «à heure de tierce.» Tierce, en comptant à la manière romaine, c’est la troisième heure du jour ou neuf heures du matin. Froissart a précisé lui-même le sens de tierce dans deux passages où il a raconté la naissance de Richard II: «Et vint cilz enfes sus terre, environ heure de tierce.» Et ailleurs: «.... liquels (Richard II) vint au monde par un mercredi, sur le point de dix heures.»
[42] Navarrete est en effet à 11 kil. au sud-est de Logroño, sur un affluent de la rive droite de l’Èbre. Ce Navarrete est parfois appelé Navarrete de Rioja, pour le distinguer du Navarrete de l’Alava dont il a été question plus haut.
[43] Froissart, comme on le voit, donne à don Enrique vingt-sept mille chevaux et quarante mille hommes de pied. Ces chiffres sont évidemment très-exagérés. Ayala, témoin oculaire, ne compte dans l’armée castillane que quatre mille cinq cents lances et ne dit pas le nombre précis des génétaires ni de l’infanterie: «Asi que tenia el Rey Don Enrique, el dia desta batalla, en su compaña de los que iban de caballo é de pie quatro mil é quinientos de caballo: é otrosi tenia el Rey Don Enrique, de las montañas, é de Guipuzcoa é Vizcaya é Asturias, muchos Escuderos de pie; pero aprovecharon muy poco en esta batalla, ca toda la pelea fue en los omes de armas.» Cronica del Rey Don Pedro primero dans Cronicas de los Reyes de Castilla. Madrid, 1875, I, 552.
[44] «E el Rey Don Pedro é el Principe é todas sus Compañas partieron de Navarrete sabado (samedi 3 avril) por la mañana.» Ayala, I, 556.
[45] Jean Chandos avait la grande situation terrienne d’un chevalier banneret au moins depuis qu’Édouard III lui avait donné en 1360 le magnifique domaine de Saint-Sauveur-le-Vicomte; mais, cette donation ayant eu lieu peu de temps après la conclusion du traité de Brétigny, le nouveau vicomte de Saint-Sauveur n’avait pas encore eu l’occasion de lever, en d’autres termes, de déployer sur un champ de bataille sa bannière.
[46] «Todos vinieron á pie», dit aussi Ayala (I, 552), en parlant des Anglais.
[47] Ayala ajoute à ces noms ceux de Raoul Camois, de Hugh de Calverly, d’Olivier de Clisson, et dit que l’effectif de l’avant-garde anglaise s’élevait à trois mille hommes d’armes (I, 553; 1367, cap. V).
[48] Le témoignage de Froissart, relativement à cette fuite honteuse de don Tello, est confirmé par Ayala: «E los de la ala derecha de la avanguarda del Principe, que eran el Conde de Armiñaque, é los de Lebret, é otros muchos que venian en aquella haz, enderezaron á Don Tello; é él é los que con él estaban non los esperaron, é movieron del campo á todo romper fuyendo.» (I, 557; 1367, cap. XII.)
[49] La narration de Froissart semble tirée de celle du héraut Chandos:
[50] On dirait que Froissart s’est borné à mettre en prose, dans ce passage, les vers suivants du héraut Chandos:
Ayala dit la même chose: «E el Rey Don Enrique llegó dos ó tres veces en su caballo armado de loriga, por acorrer á los suyos que estaban de pie»; mais le chroniqueur espagnol est le seul qui mentionne la bannière de l’Écharpe, «el pendon de la Vanda», qui servit dans cette journée de point de ralliement aux partisans de don Enrique.
[51] Ayala ne cite, parmi les prisonniers français, que Bertrand du Guesclin, le maréchal d’Audrehem et le Bègue de Villaines, mais il donne une longue liste des prisonniers espagnols (I, 557). Bertrand du Guesclin avait entraîné à sa suite quelques-uns des chefs et un certain nombre de soudoyers des garnisons des villes par où il avait passé pour se rendre en Espagne; et c’est ainsi que le capitaine de Lyon, Jean de Saint-Martin, chevalier, fut tué à Najera (Arch. Nat., JJ 100, no 135; JJ 99, no 494).
[52] En 1370, don Enrique fit abandon de certaines redevances assises sur le château de Najera en faveur de l’abbé et des moines du monastère de San Millan, parce que cet abbé et ces moines avaient pris soin de recueillir sur le champ de bataille de Najera les cadavres des partisans du roi de Castille tués dans cette journée et leur avaient rendu les derniers honneurs. Sandoval, Fundaciones, fo 90.
[53] La Najerilla, dont une crue subite, d’après la rédaction d’Ayala dite Abreviada (I, 557, note 2), augmenta le désastre.
[54] «Don Garci Alvarez de Toledo, Maestre que fuera de Santiago.» Quelques lignes plus loin, don Pero Lopez de Ayala se mentionne lui-même parmi les prisonniers: «E Pero Lopez de Ayala.» I, 557.
[55] «Don Pero Moñiz, Maestre de Calatrava.»
[56] Cette date est parfaitement exacte. «Sabato tres dias del mes de abril llegamos cerca de Najara.... é peleamos con el traydor del Conde....», écrivait don Pèdre lui-même dans une lettre datée de Burgos le 15 avril suivant et adressée aux habitants de Murcie. Cascales, Hist. de Murcia.
[57] Ici encore, Froissart semble copier le héraut Chandos:
[58] Le corps de du Guesclin perdit à lui seul quatre cents hommes d’armes, la moitié de son effectif: «E con Mosen Beltran de Claquin fueron muertos estos que aqui dirémos: Garci-Laso de la Vega, Suer Perez de Quiñones, Sancho Sanchez de Rojas, Juan Rodriguez Sarmiento, Juan de Mendoza, Ferrand Sanchez de Angulo é otros fasta quatrocientos omes de armas.» Ayala, I, 557.
[59] Ayala et les chroniqueurs espagnols appellent ce dimanche el domingo de Lazaro. «Ca la batalla fuera el sabado antes del domingo de Lázaro, é el domingo estovieron en el campo.» Ayala, I, 559.—La bataille de Najera se livra en effet la veille du dimanche, dit en France de la Passion, qui tomba en 1367 le 4 avril. Cette année, le dimanche de Pâque fleurie ou des Rameaux, que Froissart a substitué par erreur au dimanche de la Passion, tomba seulement le 11 avril, c’est-à-dire huit jours après la victoire du prince de Galles.
[60] Don Sanche, frère naturel de don Pèdre et l’un des frères de don Enrique, avait partagé avec du Guesclin le commandement de l’avant-garde castillane et avait été fait prisonnier en même temps que le chevalier breton.
[61] D’après Ayala, le chevalier, qui fut ainsi tué par don Pèdre le soir même de la bataille de Najera, s’appelait don Inigo Lopez de Orozco; il avait été fait prisonnier par un chevalier gascon (Cronica del Rey Don Pedro primero, I, 562; 1367, cap. XIX). C’est le lendemain dimanche seulement que Gomez Carrillo et Sancho Sanchez Moscoso, grand commandeur de Santiago ou de Saint-Jacques, livrés à don Pèdre, furent aussitôt décapités devant la tente et par l’ordre du roi de Castille.
[62] Don Pèdre ne partit pour Burgos, en compagnie du prince de Galles, que le lundi 5 avril; il ne put par conséquent arriver dans cette ville le même jour. «E el lunes partieron todos para Burgos.» Ibid., I, 559.
[63] Le prince de Galles et le duc de Lancastre campèrent d’abord, le premier à Las Huelgas, le second à San Pablo, monastères situés dans la banlieue de Burgos; ils ne firent leur entrée dans la ville même que deux jours après don Pèdre (Ayala, I, 563).
[64] En 1367, Pâques tomba le 18 avril.
[65] Par acte daté de Burgos, en l’église cathédrale, devant le grand autel, le 2 mai 1367, en présence de Jean, comte d’Armagnac, de Jean Chandos, vicomte de Saint-Sauveur, connétable d’Aquitaine, de Thomas de Felton, sénéchal d’Aquitaine, de Martin Lopez, d’Olivier de Clisson, de Robert Knolles, de Baudouin de Fréville, sénéchal de Poitou, don Pèdre confirma les engagements pécuniaires qu’il avait pris envers le prince de Galles le 23 septembre précédent; et par un autre acte, daté du monastère de Las Huelgas près Burgos le 6 mai, il s’obligea à payer au dit prince un million d’or. Rymer, III, 825.
[66] Bertrand du Guesclin perdit son sceau dans le tumulte de la mêlée: «.... maxime in bello Nadrensi in quo, prout notorium erat, dictus connestabularius captus fuerat et sigillum suum ac omnia bona sua perdiderat.» Arch. Nat., sect. jud., X1a38, fo 246.—Bertrand avait été pris par un chevalier anglais nommé Thomas Cheyne, auquel Édouard III le racheta le 20 juillet 1367 au prix de quatorze cent quatre-vingt-trois livres, six sous, six deniers «pur la fynance de Bertram de Guesclyn, chivaler, pris en la bataille de Nazare». Le 28 mai 1381, John et William Cheyne, frères et héritiers de Thomas, réclamaient encore le payement de cette somme, et Richard II donna des ordres pour qu’il leur fût donné satisfaction (Rymer, édit. de 1740, t. III, pars II, p. 133). D’après Cuvelier, le prince de Galles confia la garde de du Guesclin au captal de Buch qui fit coucher dans sa propre chambre le vainqueur de Cocherel:
Chron. de B. du Guesclin, édit. de Charrière,
I, 426, vers 12 191 et 12 192.
[67] Le maréchal d’Audrehem, qui était, suivant l’expression d’Ayala, «Frances de Picardia», fait prisonnier à la bataille de Poitiers, avait été relâché, suivant l’usage, avant d’avoir entièrement payé sa rançon; mais il avait prêté le serment de ne pas porter les armes contre le roi d’Angleterre ou son fils, à moins que ce ne fût sous la bannière du roi de France ou d’un prince de sa famille, de quelqu’un des Fleurs de Lis. Le lendemain de la bataille de Najera, le prince de Galles, ayant fait comparaître devant lui le sire d’Audrehem, l’appela parjure et traître et lui dit qu’il méritait la mort. Toutefois un tribunal d’honneur, composé de douze chevaliers, quatre Anglais, quatre Gascons et quatre Bretons, déclara, après un débat contradictoire, que le maréchal n’était point coupable. Le système de défense du chevalier français, reconnu valable par ses juges, consista à dire qu’il n’avait point violé son serment de ne porter les armes ni contre le roi d’Angleterre ni contre son fils, puisqu’à Najera il s’était battu en réalité contre don Pèdre, non contre le prince de Galles qui n’avait été, à le bien prendre, dans cette journée qu’un capitaine à la solde du roi de Castille: «ca el Capitan é cabo desta batalla es el Rey Don Pedro, é á sus gages é á su sueldo, como asoldado é gagero, venides vos aqui el dia de hoy, é non venides como mayor desta hueste.» Cronicas de Castilla, I, 558 et 559.—Le maréchal d’Audrehem fut, comme du Guesclin, mis en liberté sous caution dès les premiers mois de 1368, et le comte de Foix prêta six mille francs d’or à Arnoul pour l’aider à payer sa rançon que Charles V, par mandement en date du 2 mars, imputa sur les aides du Languedoc (Bibl. Nat., Collection des titres originaux, au mot Audenehan). Dans des lettres de quittance générale qui furent délivrées au vieux guerrier à Vincennes le 9 février 1370 (n. st.), on trouve les lignes suivantes qui traduisent avec force la reconnaissance du souverain pour des services tout à fait exceptionnels: «.... reducentes illese fidelitatis conscientiam et obsequia.... utilia reipublice regni nostri, tam in premissis quam etiam in aliis magnis, arduis et secretis, et firmiter tenentes et indubie quam dictus consiliarius noster, qui famosus existit et genere et animo nobilis, quem non semel sed pluries proprium corpus mortis periculo certum est honorifice submisisse pro statu prospero reipublice regni nostri, et hostes ipsum duxisse et ductum diu tenuisse captivum, pro quibus excessivas redemptiones non de facili habitas exsolvisse dinoscitur, omni prorsus spreta cupidine, receptas quascunque pecuniarum summas per ipsum de suo mandato vel suo nomine, in premissorum et aliorum commissorum eidem execucione, utiliter exposuit, nec ad acquirendam pecuniam, sed ut daret actus nobiles, famam et honorem, quæ post mortem laudem et gloriam rememorant acquirentium....» Arch. Nat., JJ 100, no 35.—Le fidèle et vaillant soldat, qui avait si noblement servi la France pendant plus de trente ans, avait bien le droit d’être enterré à Saint-Denis, à côté de nos rois, et c’est en effet le suprême honneur que Charles V conféra au plus digne compagnon d’armes de du Guesclin.
[68] Don Enrique, pour mieux fuir, échangea le grand et massif destrier bardé de fer qu’il avait monté pendant l’action, «un caballo grande rucio castellano é armado de loríga», contre un genet, «caballo ginete», c’est-à-dire une monture plus légère que lui donna un écuyer de l’Alava, nommé Rui Fernandez de Gaona (Cronicas de Castilla, I, 559). Le destrier fut pris par les Anglais, car nous apprenons par un fragment de compte, en date du lundi 5 juillet 1367, qu’Édouard III fit payer seize livres, treize sous, quatre deniers, à Franskin Forsett, valet d’écurie du prince d’Aquitaine: «ducenti domino regi quemdam dextrarium Henrici bastardi Ispaniæ, captum apud bellum de Nazerr.» Rymer, édit. de 1830, III, 825.
[69] Don Enrique n’alla pas à Valence. De Najera, il gagna Soria, puis Illueca, en Aragon, d’où don Pedro de Luna, qui devait devenir plus tard l’antipape Benoît XIII, servant de guide au fugitif à travers les montagnes, le conduisit lui-même à Orthez, à la cour du comte de Foix.
[70] A la première nouvelle de la défaite de son mari, doña Juana, femme de don Enrique, emmenant avec elle l’infante Léonor d’Aragon fiancée à son fils, avait gagné précipitamment Saragosse dont l’archevêque, de la famille des Luna, lui était dévoué; mais don Pedro IV, roi d’Aragon, la reçut fort mal, rompit le mariage projeté entre sa fille Léonor et le fils de don Enrique et ne se fit aucun scrupule d’entrer en négociations avec les vainqueurs de Najera.
[71] En quittant Orthez, don Enrique se rendit d’abord à Toulouse où résidait alors le duc d’Anjou.
[72] Tarn, arr. Gaillac, c. Rabastens. Dès le 24 mai 1367, don Enrique se trouvait à Servian (Hérault, arr. Béziers) d’où il adressa au roi d’Aragon une lettre qui a été publiée par Zurita (Anales de Aragon, édit. de 1610, l. 9, p. 348). Dans cette lettre, le vaincu de Najera annonce à don Pedro IV qu’il est sûr de l’alliance effective du roi de France et du duc d’Anjou, et qu’il va lever un corps de trois mille lances. Une autre lettre de don Enrique, adressée à «son très cher et amé frère» le duc d’Anjou, en date du 8 septembre 1367, est datée du château de Roquepertuse (Hay du Chastelet, Hist. de du Guesclin, p. 320). Dès la fin de juin 1367, le compte du receveur municipal ou, comme on l’appelait dans le pays, du boursier de Millau, en Rouergue, est rempli de mentions relatives à l’approche de don Enrique et de ses bandes. Le 9 juillet, les Aragonais, car c’est ainsi que les désigne le consul boursier de Millau, livrent un violent assaut à Nant (Aveyron, arr. Millau) et sont repoussés par Penni Terréta et le bour de Caupène. Pendant ce temps, don Enrique, arrivé dans le Camarès et sur les montagnes de Brusque, menace en personne Vabres et Saint-Affrique. Le Rouergue sous les Anglais, par M. l’abbé Joseph Rouquette, Millau, 1869, p. 88 à 92.
[73] 24 juin 1367. Don Pèdre avait promis de payer la moitié de sa dette dans un délai de quatre mois, pendant lequel l’armée auxiliaire, soldée par lui, occuperait la province de Valladolid.
[74] C’est sans doute pour se procurer de l’argent en vue de cette expédition, que don Enrique, retiré dans son comté de Cessenon, vendit au roi de France, par acte daté du château de Servian le 2 juin 1367, le dit comté, comprenant notamment les châteaux de Cessenon (Hérault, arr. Saint-Pons, c. Saint-Chinian) et de Thézan (Hérault, arr. Béziers, c. Murviel), au prix de vingt-sept mille francs d’or. Ancel Chotard, conseiller du roi, et Jean de Beuil, chevalier, chambellan du duc d’Anjou, commis par ces deux princes, passèrent le contrat de vente «dans la chambre où Henri, roi de Castille, couchoit». Le 6 juin, le duc d’Anjou, ayant ratifié cet achat dans une réunion de son Grand Conseil, tenue à Nîmes, ordre fut donné à maître Jean Perdiguier, receveur général de Languedoc, de verser la dite somme au roi de Castille. Le 27 du même mois, doña Juana, femme de don Enrique, et Juan, infant de Castille, leur fils, ratifièrent à leur tour cette vente à Thézan où le mauvais accueil du roi d’Aragon les avait déterminés à se rendre (Arch. Nat., sect. hist., J300, nos 109 à 1098).—«Entendiendo esto el Rey Don Enrique y que los Ingleses se salian de Castilla y que el Principe de Gales no tenia pensamiento de quedar en España ni valer mas á su adversario, apressurava el negocio y concerto se con el Conde de Auserta (Auxerre) y con el señor de Beujo (Beaujeu) y con el señor de Vinay, para que con dos mil lanças y con quinientos archeros hiziessen guerra en el ducado de Guiana hasta Nuestra Señora de setiembre (8 septembre 1367); e hizo su capitan general en Guiana al Conde de Auserta.» Zurita, Anales, édit. de 1610, p. 350.
[75] «Edwardus princeps, per idem tempus, ut dicebatur, intoxicatus fuit; a quo quidem tempore usque ad finem vitæ suæ nunquam gavisus est corporis sanitate. Sed et plures, strenui et valentes, post victoriam Hispanicam, fluxu ventris et aliis infirmitatibus perierunt ibidem, ad magnum detrimentum anglicani regni.» Thomæ Walsingham hist. angl. (1272-1381), London, 1863, p. 305 et 306.—«Post hæc periit populus anglicanus in Hispania de fluxu ventris et aliis infirmitatibus quod vix quintus homo redierit in Angliam.» Knyghton, dans Twysden, p. 2629.
[76] Le prince de Galles rentra en Guyenne et arriva à Bordeaux dans les premiers jours de septembre 1367. Dès le 14, le 15 et le 16 de ce mois, quelques-unes des bandes qu’on venait de licencier arrivèrent aux portes de Montpellier sous les ordres d’Arnaud Solier, dit le Limousin, de Perrin de Savoie et d’Yvon de Groeslort (Groeslort est sans doute une corruption de Keranloet; Yvon de Keranloet ou de Kerloet guerroyait alors dans le midi de la France). Comme on n’osait vendanger par crainte des Compagnies, le Limousin prêta vingt lances aux bourgeois de Montpellier, «per gardar lo labor de vindemias.» Thalamus parvus, p. 381.
[77] Cette assertion est très-inexacte. Don Enrique ne se rendit point auprès de don Pedro IV, qui venait de conclure un traité d’alliance avec les rois de Navarre et d’Angleterre. Ce que le rival de don Pèdre pouvait alors attendre de mieux du roi d’Aragon, c’était une sympathie dissimulée et une neutralité effective. Il chercha et il trouva un allié plus puissant, et cet allié ne fut autre que le duc d’Anjou, lieutenant en Languedoc du roi de France. Nous avons été assez heureux pour retrouver le texte d’un traité secret qui avait échappé jusqu’à ce jour à toutes les recherches. Par acte daté d’Aigues-Mortes au diocèse d’Arles, le 13 août 1367, don Enrique, roi de Castille et de Léon, représenté par Alvarez Garcia, chevalier, Pero Fernandez de Velasco, damoiseau, ses conseillers, et Gomez Garcia, chancelier de son sceau secret, et Louis, duc d’Anjou, représenté par François de Périllos, vicomte de Rodes, et Pierre d’Avoir, seigneur de Châteaufromont, contractèrent une alliance offensive et défensive contre Édouard, roi d’Angleterre, et ses enfants, spécialement Édouard, prince de Galles, Jean, duc de Lancastre, et Lionel, ainsi que contre Charles, roi de Navarre, et don Pèdre «qui nuper dictum regnum Castelle tenere solebat». Arch. Nat., sect. hist., J 1036, no 26.—Don Enrique confirma ce traité au château de Roquepertuse le 8 septembre suivant (Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 320). Par conséquent il ne se mit pas en marche pour rentrer en Espagne vers le milieu d’août, comme l’affirme Mérimée (Hist. de don Pèdre, édit. de 1865, p. 499). Vers la fin de septembre au plus tôt, le vaincu de Najera, entrant par la vallée d’Aran dans le comté de Ribagorza, ne fit que passer à Estadilla et à Balbastro, villes qui font partie de l’Aragon; il ne s’arrêta que devant Calahorra, c’est-à-dire lorsqu’il eut mis le pied en Castille. (Zurita, Anales, édit. de 1610, II, 349.) Le duc d’Anjou avait chargé le sénéchal de Carcassonne et Bernard de Villemur de faire la conduite à son allié jusqu’à l’entrée de la vallée d’Aran (Dom Vaissete, IV, 580, note XXVII).
[78] Les pourparlers, relatifs à la rançon et à la mise en liberté de Bertrand du Guesclin, commencèrent dès les premiers jours de décembre 1367, car Charles V s’exprime ainsi dans une lettre autographe adressée à son trésorier Pierre Scatisse et datée de Paris le 7 décembre de cette année: «Seiez ausin bien avisé que au prince nous sommez obligez, pour la delivrance Bertran de Caclin, en XXX mile doblez d’Espaine ou la valeue, à paier en VI moiz aprez sa delivrance, la moitié lez III premierz moiz aconpliz puiz son departement de prison, et l’autre moitié en la fin dez VI moiz. Sy ne savonz encore se le dit prince asetera la dite obligasion; et sy tost que nouz le saron, nouz le vous feronz savoir.» Arch. Nat., sect. hist., K 49, no 343; Musée des Archives, p. 219 et 220.
[79] Le prince d’Aquitaine et de Galles accepta l’obligation du roi de France dont il est question dans la note précédente, et Bertrand du Guesclin, duc de Trastamare, comte de Longueville, fut mis en liberté à Bordeaux, le 27 décembre 1367, jour où, ayant pris l’engagement de payer au prince cent mille doubles d’or, des coin, poids et aloi de Castille, à savoir soixante mille doubles trois mois, et les quarante mille doubles restants, six mois après sa mise en liberté, il donna hypothèque sur tous ses biens à Charles V qui s’était obligé envers le prince pour les trois dixièmes de cette somme, c’est-à-dire pour trente mille doubles d’or (Arch. Nat., J 381, no 7; Charrière, II, 402 et 403). En effet, le 31 mars de l’année suivante, Pierre Scatisse, trésorier du roi à Nîmes, en vertu d’un mandement de Charles V, daté de Melun le 5 mars précédent, autorisa Jean Perdiguier, receveur des impositions en Languedoc, à payer sur les deniers de sa recette quinze mille doubles d’or d’Espagne au prince d’Aquitaine, à Poitiers (J 381, no 8 a et b; Musée des Archives, p. 220).
[80] Dès le 7 février 1368, Bertrand du Guesclin, déjà sorti de sa prison de Bordeaux, était de passage à Montpellier, se rendant à Nîmes où il allait, en compagnie du maréchal d’Audrehem, rejoindre le duc d’Anjou (Thalamus parvus, p. 382). Le 26 du même mois, le duc de Trastamare, comte de Longueville, reparaissait à Montpellier; il venait d’enrôler, pour une campagne en Provence, le bâtard de l’Ile, Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Noli Pavalhon, Amanieu d’Ortigue et autres chefs de Compagnies qui désolaient les environs de cette ville (Ibid.).
[81] Au commencement de 1368, Louis, duc d’Anjou, à qui l’empereur Charles IV avait cédé en 1365 ses droits sur le royaume d’Arles, résolut de profiter de la présence de Bertrand du Guesclin et de l’absence de Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence, pour les faire valoir; dans les premiers jours de mars de cette année, il passa le Rhône et envahit la Provence (Dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 335).
[82] Bertrand du Guesclin assiégea Tarascon du samedi 4 mars au lundi 22 mai 1368. Après une résistance de deux mois et demi, la ville se rendit au duc d’Anjou (Thalamus parvus, p. 382). C’est pendant ce siége que Bertrand leva une contribution de guerre de 5000 florins sur les habitants d’Avignon et du Comtat (Arch. Nat., sect. hist., L 377). Par une bulle datée de Montefiascone le 1er septembre suivant, le pape Urbain V, indigné de cette vexation, donna l’ordre à l’official d’Avignon de faire le procès de «Bertrandus de Clerquino, comes de Longavilla, Nolyus Pavalhanus ac Parvus Meschinus, Bosonietus de Pau et Petrinus de Savoye, capitanei cujusdam gentis armigere atque detestabilis et perverse, que Societas appellatur.» Arch. de Vaucluse, série B-7 (registre des hommages de la Chambre apostolique).
[83] Le lundi après la Trinité tomba en 1368 le 5 juin. Lionel, duc de Clarence, dont la suite se composait de 457 serviteurs, parmi lesquels figurait Froissart, et de 1280 chevaux, s’arrêta à Paris, du dimanche 16 au jeudi 20 avril 1368 (Grandes Chroniques, VI, 251 et 252). Le prince anglais passa aussi quelques jours à Bourg en Bresse où Amédée VI, comte de Savoie, faisait alors sa résidence (Arch. de la Côte-d’Or, B 9292 et 9293; Invent., III, 398).
[84] Les Compagnies, congédiées par le prince d’Aquitaine au retour de son expédition en Espagne à la fin de 1367, se répandirent d’abord en Auvergne et en Berry. A l’entrée du mois de février 1368, le gros de ces bandes passa la Loire à Marcigny-les-Nonnains (aujourd’hui Marcigny, Saône-et-Loire, arr. Charolles, sur la rive droite de la Loire, près de Semur). Ces brigands restèrent quelque temps en Mâconnais. Ils entrèrent ensuite en Bourgogne, dans le duché; mais le défaut de vivres les força bientôt d’évacuer cette région, le duc Philippe ayant eu soin de faire tout mettre en sûreté dans les forteresses (Grandes Chroniques, VI, 249; Arch. Nat., JJ 115, no 66). Ils envahirent l’Auxerrois où ils s’emparèrent des églises fortifiées de Cravant et de Vermanton (JJ 122, no 221; JJ 111, no 355).
[85] A Cravant, la Grande Compagnie se divisa en deux bandes. Tandis que l’une de ces bandes, composée de huit cents hommes d’armes anglais, passait l’Yonne et entrait en Gâtinais, l’autre bande, où l’on comptait environ quatre mille combattants et dix mille pillards, femmes et enfants, passait la Seine, l’Aube et s’établissait en Champagne où elle occupait Épernay, Fismes, Coincy-l’Abbaye, Ay (Gr. Chron., VI, 250; JJ 100, no 24; JJ 104, nos 192, 211, 226).—Le samedi 18 mars 1368, la Grande Compagnie mit le siége devant le fort de Villiers-Saint-Benoit (Yonne, arr. Joigny, c. Aillant), au bailliage de Cepoy, qui se racheta après huit jours de résistance au prix de 300 livres (JJ 99, no 594).
[86] Olivier, sire de Clisson, envoyé par Charles V contre les Compagnies qui infestaient la Beauce et la Sologne (JJ 111, no 72; JJ 103, no 209), fit son mandement entre Tours et Vendôme en mai 1368. Jean de Mombrun, de Tours, qui prit part à cette expédition sous Robert de Beaumanoir, commit sur la route un grand nombre de vols (JJ 122, no 150).
[87] Froissart donne par erreur à cette princesse le prénom d’Isabelle, qui était celui d’une de ses sœurs morte sans alliance. Arnaud Amanieu, sire d’Albret et vicomte de Tartas, se maria à Marguerite de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France, par contrat passé le 4 mai 1368 (Hist. généal., I, 300; VI, 210, 211; VIII, 445). Cf. tome VI de cette édition, p. XCVI, note 345, et les Archives historiques de la Gironde, I, 157 à 159.
[88] L’édit fut promulgué à Angoulême le 26 janvier 1368 (n. st.). Par cet édit, Édouard, prince d’Aquitaine, fixa la taille de la monnaie pour cinq ans, à raison de 61 livres pour le marc d’or et de 5 livres 5 sous pour le marc d’argent, et fit diverses autres concessions, en considération d’un impôt que les trois États de Guyenne, réunis à Angoulême, avaient permis d’établir pour cinq ans sur tous les feux de la principauté, a raison de 10 sous par feu et par an. Archives de Bordeaux, I, 173 à 177.
[89] Jean Harewell, évêque de Bath et de Wells, chancelier du prince d’Aquitaine, obtint d’Édouard III des lettres de non-préjudice, le 28 novembre 1368 (Rymer, III, 852 et 853).
[90] Jean Chandos arriva à Saint-Sauveur-le-Vicomte vers la fin de mai 1368 (Delisle, Hist. du château et des sires de Saint-Sauveur; preuves, p. 147). Nous apprenons par un article d’un registre des revenus du roi de Navarre en Normandie, que Ferrando d’Ayenz, lieutenant du captal de Buch à Cherbourg, fit abattre un certain nombre de pièces de gibier dans la forêt de Brix pour fêter la venue du vicomte de Saint-Sauveur. «Pour despenz de pluseurs archiers qui furent par trois jours es forests de Bris chassier et prendre venaisons, en esté l’an LXVIII, pour la venue de messire Jehan Chandos qui ou pais de Costentin devoit venir.» Bibl. Nat., ms. fr. no 10367, fo 130 vo.—Du reste, Chandos, comme nous l’établirons plus loin, ne passa guère que cinq mois, et non un an, en basse Normandie.
[91] Voyez le chapitre précédent, p. XXIV, note 77.
[92] Le 24 septembre 1367, don Enrique était à une lieue de Huesca, d’où il a daté une lettre adressée à don Pedro Jordan de Urries, premier maître d’hôtel du roi d’Aragon (Zurita, Anal., lib. IX, cap. LXX, p. 349 vo). Après avoir passé l’Èbre, il arriva à Calahorra, sur la rive droite de cette rivière, le mardi 28 septembre, veille de saint Michel, et il était déjà maître de Burgos le 6 novembre suivant, jour où il confirma les priviléges des habitants de Cordoue (Pellicer, Mem. de don Fern. de los Rios, p. 11).
[93] Ce n’est pas à Valladolid, c’est à Burgos que le mari de Jeanne, reine de Naples, ancien roi de Majorque, fut fait prisonnier; il paya ou plutôt sa femme paya pour lui une rançon de 80 000 doubles. Ayala, 1367, cap. XXXV.
[94] Après la prise de Dueñas, dans la Vieille Castille, don Enrique vint assiéger Léon dans la seconde quinzaine de janvier et s’en rendit maître après un siége de quelques jours. Ayala, 1368, cap. I.
[95] Dans les premiers mois de 1368, la Galice, contrairement à l’assertion de Froissart, dominée par don Fernand de Castro, demeurait encore fidèle à don Pèdre, ainsi qu’une partie des Asturies; mais toutes les autres provinces du nord s’étaient déclarées pour don Enrique. Don Pèdre conservait la supériorité dans les provinces du midi, en Murcie, en Estramadure et en Andalousie, à l’exception de Cordoue et de quelques petites places de la frontière portugaise.
[96] Mohamed, roi de Grenade, amena à don Pèdre cinq mille génétaires et trente mille hommes de pied, dont un grand nombre d’arbalétriers habiles et exercés. Les Maures mirent le siége devant Cordoue, et ne pouvant prendre cette ville, détruisirent de fond en comble Jaën, Ubeda (Ayala, 1368, cap. v, note 1); ils enlevèrent du seul territoire d’Utrera, à quelques lieues de Séville, plusieurs milliers de personnes. Argote de Molina, Nobleza de Andalucia, p. 238.—Les Béni-Mérin ont été probablement les introducteurs en Espagne des moutons mérinos.
[97] Un grand événement diplomatique, dont Froissart ne dit rien, avait précédé le retour de du Guesclin en Espagne. Le 20 novembre 1368, à Tolède, «in palatio nostro, in obsidione nostra supra civitatem Toletanam», Charles V, représenté par François de Périllos, vicomte de Rodes, amiral de France, et par Jean de Rye, chevalier de la comté de Bourgogne, seigneur de Balançon (aujourd’hui château situé en la commune de Thervay, Jura, arr. Dôle, c. Montmirey-le-Château), Charles V, dis-je, et don Enrique, roi de Castille et de Léon, avaient conclu un traité d’alliance offensive et défensive (Arch. Nat., J603, no 59; Rymer, III, 850 à 852; Dumont, Corps diplomatique, II, 68 à 70; Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 320 à 322). Don Enrique avait remis au roi de France la décision de tous les différends existant entre lui et don Pedro IV, roi d’Aragon (J603, no 60; Dumont, I, 321). Le 8 juin de l’année suivante, «in palatio nostro nostre civitatis Toletane», en présence de Jean de Berguette, chambellan, et d’Yvon de Keranbars, huissier d’armes, du roi de France, don Enrique confirma, en les précisant, certaines stipulations du traité du 20 novembre 1368 (J603, no 61; Dumont, II, 74).
[98] D’après Ayala (1369, cap. i), François de Périllos et Jean de Rye, les deux négociateurs du traité français du 20 novembre 1368, promirent aussi à don Enrique de lui envoyer Bertrand du Guesclin avec cinq cents lances. «Otrosi los dichos mensageros dixeron al Rey Don Enrique como el Rey de Francia le enviaba luego en su ayuda á Mossen Beltran de Claquin con quinientas lanzas.»
[99] «Le roi, dit Mérimée d’après Ayala, partant de Séville, traversa la Sierra-Morena par un de ses cols les moins élevés, probablement en suivant la route qui passe par Constantina pour aller aboutir à Llerena. Après avoir franchi sans obstacle, dans les premiers jours de mars 1369, la barrière de montagnes qui sépare l’Andalousie de la Manche, il fit halte sur un des grands plateaux de cette province, là où s’élevait autrefois le magnifique château de Calatrava, chef-lieu de l’ordre militaire de ce nom. Il était alors à quelque vingt lieues de Tolède.» Hist. de don Pèdre, p. 521.
[100] Montiel était une riche commanderie de Saint-Jacques, dont le gouverneur, nommé Garci Moran, était un des vieux serviteurs de don Pèdre. «E aquella noche el alcayde del castillo de Montiel, que era un Caballero de la Orden de Santiago Comendador de Montiel, que decian Garci Moran, que era Asturiano, él é los suyos vieron grandes fuegos á dos leguas del logar de Montiel, é ficieron saber al Rey Don Pedro que parescian grandes fuegos á dos leguas del castillo donde él estaba, é que catase si eran de sus enemigos.» Ayala, 1369, cap. VI.—Les feux, dont il est question dans ces lignes d’Ayala, étaient les torches portées par l’avant-garde de du Guesclin. C’est pour n’avoir pas tenu compte de l’avis de Garci Moran que don Pèdre fut surpris et vaincu devant Montiel.
[101] L’affaire de Montiel, qui fut une surprise plutôt qu’un combat, ne fut au contraire nullement sanglante. «E en esta batalla non morieron de los del Rey Don Pedro omes de cuenta, salvo un Caballero de Cordoba que decian Juan Ximenez; é la razon porque pocos morieron fué porque los unos posaban en las aldeas, é non eran llegados á la batalla; é los otros que y eran recogieronse con el Rey al castillo de Montiel.» Ayala, 1369, cap. VI.
[102] Froissart s’est trompé grossièrement en assignant à l’affaire de Montiel la date du 13 août 1368. «E fué esta batalla miercoles catorce dias de marzo deste dicho año (1369), á hora de prima.» Ayala, 1369, cap. VI.—Cette date est exacte de tout point: en 1369, le 14 mars est tombé un mercredi.
[103] Don Pèdre essaya de s’échapper la nuit du 23 mars 1369, dix jours après le combat de Montiel. D’après le récit d’Ayala, fort différent de celui de Froissart, don Pèdre, par l’entremise d’un de ses chevaliers, Men Rodriguez de Senabria, l’un des tenanciers de la seigneurie de Trastamare, naguère racheté par Bertrand du Guesclin à Bernard de la Salle au prix de 5000 florins, don Pèdre, dis-je, aurait fait proposer à Bertrand de lui donner en héritage Soria, Atienza, Almazan, Monteagudo, Deza, Moron et de plus 200 000 doubles castillanes d’or, si le chevalier breton consentait à le tirer d’affaire et à le mettre en lieu sûr; et du Guesclin, après avoir communiqué à don Enrique les ouvertures de Men Rodriguez, aurait attiré don Pèdre hors du château en feignant de se rendre à ses propositions (Ayala, 1369, cap. VIII; Chronicon Briocense, dans dom Morice, Preuves de l’Hist. de Bretagne, I, 46; Thalamus parvus, p. 383).
[104] Cet Yvon de Lakouet était entré au service du roi de France le mercredi 26 avril de l’année précédente, et Olivier de Mauny s’était porté garant des engagements pris par son compatriote, ainsi qu’il résulte de l’acte suivant: «Sachent tuit que je Olivier de Mauny, chevalier, ay promis par la foy de mon corps et juré et jure aus sains ewangiles de Dieu que, ou cas où messire Yon de Lacouet, chevalier de Bretaingne, mouvroit ou feroit Compaingnes ou assemblées de gens ou royaume de France pour grever ou dommager ycellui, aporterai dommage par moy et de tout mon povoir au dit messire Yon et à ses aliez, par toutes les voyes et manières que je pourré, si tost et incontinant que par le roy nostre sire ou ses gens en seray acertenez...; et, pour ce tenir et non venir contre ou enfraindre, je, à la requeste du dit messire Yon, me establis pleiges envers le roy nostre sire soubz l’obligacion de tous mes biens meubles et heritages à justicier par toute justice. Donné en tesmoing de ce soubz mon seel le mercredi XXVIe jour d’avril l’an mil CCCLX et huit.» Arch. Nat., J 621, no 72.—Charles V avait raison de prendre ses sûretés en enrôlant Yvon de Lakouet. Ce chef de bande était, suivant l’expression consacrée, sujet à caution, comme le prouve un acte daté de Paris en juin 1368 par lequel le roi fit grâce à un certain Guillaume Bonnet, âgé de vingt ans, originaire de Saint-Germain-du-Plain et demeurant à Chalon, qui, trois ans auparavant, s’était mis en la route et compagnie «d’un Breton nommé Lakouet et de ses gens, qui aloient ou paiz d’Espaigne, lesquelz, quant il passèrent devant la Couloinne (aujourd’hui la Colonne, hameau de Gigny, Saône-et-Loire, arr. Chalon, c. Sennecey), y mistrent et boutèrent les feus en plusieurs lieux et depuis à Brancion (aujourd’hui Brancion, Saône-et-Loire, arr. Mâcon, c. Tournus). Arch. Nat., JJ 99, no 236.
[105] Le vicomte de Rocaberti est aussi nommé par un auteur catalan anonyme dont voici le texte cité par Llaguno dans ses notes sur Ayala: «Entonces el Vizconde de Rocaberti dió un golpe de la daga al Rey Don Pedro, y le trastornó de la otra parte.»
[106] Par acte daté de Séville le 4 mai 1369, don Enrique, roi de Castille, de Tolède, de Léon, de Galice, de Séville, de Cordoue, de Murcie, de Jaen, d’Algarbe, d’Algeciras et seigneur de Molina, régnant avec la reine doña Juana sa femme et l’infant don Juan héritier des royaumes de Castille et de Léon, donna à perpétuité à «messire Bertran de Glaquen, comte de Longueville,» 1o son bourg de Molina, avec le château et l’autorisation de prendre le titre de duc de Molina, 2o le bourg de Soria avec le château, 3o le bourg d’Atienza avec le château, 4o le bourg d’Almazan avec le château, 5o Moron, 6o Monteagudo, 7o le bourg de Deza. Don Enrique ne retint que les mines d’or, d’argent et d’azur (lazulite) et le privilége de battre monnaie de sept ans en sept ans. Ces donations furent faites à la condition que du Guesclin resterait au service de don Enrique, et, après le décès du roi de Castille, au service de l’infant don Juan, son fils et héritier présomptif (Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, I, 1628 à 1631). L’original du diplôme, dont nous venons de donner l’analyse, rédigé en castillan, se trouve aujourd’hui à la bibliothèque de la ville de Rennes à laquelle il a été légué par la dernière duchesse de Gesvres; et le texte en a été publié par M. André (Bulletin de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. VII).—Le duché de Molina et tous les fiefs énumérés plus haut, ainsi que le comté de Borja donné dès 1366 par le roi d’Aragon, sont situés dans un rayon assez rapproché. Tout le monde connaît cette chaîne de montagnes, analogue à nos Cévennes, qui, des Asturies à Gibraltar, coupe du nord au sud la péninsule ibérique en deux versants très-inégaux, le versant oriental et le versant occidental. Soria se trouve sur le versant occidental de cette chaîne, tout près des ruines de l’antique Numance et non loin de la source du Duero, le seul fleuve qui arrose, avec le concours de nombreux affluents, il est vrai, la Vieille Castille et Léon. Le comté de Borja s’étendait sur le versant oriental de cette même chaîne, au bas des pentes de la Sierra Moncayo, qui sépare le Duero naissant et ses premiers affluents de la vallée de l’Èbre au milieu de laquelle s’élève, sur la rive droite, la ville de Borja, qui avait donné son nom à ce comté. La seigneurie d’Agreda, cédée par don Enrique à Olivier de Mauny, est précisément à mi-chemin de Borja et de Soria. La ville forte de Molina (auj. Molina de Aragon, prov. de Guadalajara, dioc. de Sigüenza), chef-lieu de la seigneurie de ce nom, érigée en duché en faveur de du Guesclin, est située, comme Soria, sur le versant occidental de la chaîne dont il s’agit, mais un peu plus au sud, là où commence la vallée du Tage ou plutôt de son premier affluent le Gallo; elle commandait par conséquent la route qui met Saragosse en communication avec Tolède, c’est-à-dire l’Aragon avec la Nouvelle Castille, la Manche et l’Estramadure. En 1375, Bertrand du Guesclin vendit le comté de Borja à l’archevêque de Saragosse, moyennant le prix de 27 000 florins d’or (Arch. de l’Archevêché de Zaragoza, d’après une communication de M. le marquis de Santa Coloma).
[107] La ville d’Agreda, cédée à Olivier de Mauny, fait aujourd’hui partie, ainsi du reste que presque toutes les seigneuries données à du Guesclin, de la province de Soria.
[108] Lionel, duc de Clarence, né à Anvers le 29 novembre 1338, fit son testament le 3 octobre 1368 et mourut le 17 de ce mois. La rumeur publique ayant attribué à un empoisonnement la mort de ce prince, marié depuis quelques mois seulement à Yolande Visconti, Édouard Spencer, qui avait accompagné Lionel en Lombardie et en Piémont, entreprit de le venger, prit en main les intérêts du défunt contre le duc de Milan et reçut à cette occasion, au mois de décembre 1368, les félicitations ainsi que les remercîments du roi d’Angleterre. Kervyn, Œuvres de Froissart, XVIII, 489, 490.
[109] Le prince de Galles était à peine rentré à Bordeaux, au retour de son expédition d’Espagne, que, vers le milieu de septembre 1367, il convoqua pour le 2 octobre suivant les trois ordres de l’Aquitaine, à Saint-Émilion, afin de leur demander des subsides. On ignore ce qui se passa dans cette assemblée où beaucoup de députés, notamment ceux des communes du Rouergue, ne purent se rendre par crainte des Compagnies qui infestaient alors toutes les routes. Le prince convoqua une seconde fois les États généraux de sa principauté à Angoulême pour le mois de janvier 1368, en vue d’obtenir le vote d’un fouage qu’il avait résolu d’imposer. Le 18 de ce mois, ce parlement, en retour de concessions nombreuses et importantes, octroya pour cinq ans un fouage de dix sous par feu au fils aîné du prince de Galles, âgé de moins de cinq ans; et l’ordonnance, relative à ce fouage, fut promulguée le 26 janvier 1368 (voyez plus haut, p. XXVII, note 88). Enfin, un troisième parlement réuni à Saintes au mois d’août suivant, vota un impôt sur les dîmes inféodées, c’est-à-dire aliénées par l’Eglise et possédées par des laïques, et Guillaume de Seris fut envoyé à Rome pour obtenir l’adhésion du pape Urbain V à cet impôt. Par conséquent, les parlements de Niort, de Poitiers, de Bordeaux et de Bergerac, dont parle Froissart, ne purent être que des assemblées préparatoires où l’on fit choix des députés chargés de représenter ces villes aux États généraux de Saint-Émilion, d’Angoulême et de Saintes. Voyez l’ouvrage solide et judicieux de M. l’abbé Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 100 à 108.
[110] Invité à adhérer à la levée dans ses seigneuries du fouage voté par les États d’Angoulême, Jean, comte d’Armagnac et de Rodez, répondit par un refus formel et fit signifier ce refus au prince d’Aquitaine par deux chevaliers de sa maison, le seigneur de Barbasan et Giraud de Jaulin. Outre qu’il invoquait, en motivant son refus, la nécessité où il était de demander des subsides à ses vassaux pour payer les dettes contractées, soit à l’occasion de sa rançon après Launac, soit à la suite de l’expédition d’Espagne à laquelle il venait de prendre part sous les ordres du prince, le comte d’Armagnac soutenait que «nous et nos gens estions frans, ne onques aus roys de France et d’Angleterre n’avions paié fouage ne aucune subvencion, et que, pour rien, ne nous metterions en telle servitude.» Toutefois, c’est seulement après avoir vu ses réclamations réitérées repoussées par Édouard III comme par le prince son fils que Jean, dans le courant du mois d’avril 1368, prit le parti de se rendre à Paris et de demander justice au roi de France. Ibid., 144 à 149.
[111] Cet appel fut fait en mai et juin 1368 et coïncida à peu près avec le mariage d’Arnaud Amanieu, sire d’Albret, neveu du comte d’Armagnac, avec Marguerite de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France, dont le contrat fut passé le 4 mai de cette année (Arch. Nat., JJ99, no 345). Avant de consentir à recevoir l’appel des seigneurs gascons et surtout de rendre publique cette résolution, Charles V conclut, le 30 juin, avec le comte d’Armagnac et ses adhérents une convention secrète par laquelle le roi de France et les barons de Gascogne contractaient une alliance indissoluble en cas de guerre avec l’Angleterre, à la seule condition que le roi respecterait les priviléges des barons et ne lèverait pendant dix ans aucun fouage extraordinaire sur leurs domaines sans leur consentement (Bibl. de l’École des Chartes, XII, 103; Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 111). Le lendemain 1er juillet, le roi, voulant récompenser le comte d’Armagnac, chef de cette ligue contre les Anglais, lui donna les comtés de Bigorre et de Gaure, Montréal, Mezin, Francescas, Astaffort, Lavardac, Fauguerolles, Cauderon, Cordes, Castets, Mas-d’Agenais, Lias, Montagnac, Monguilhem, la moitié de la vicomté de Juilhac, les hommages de Casaubon, de Poudenas, de Fourcès, de Villeneuve, les appellations et premiers ressorts de Lectoure (Ordonn., VI, 104). Toutes ces seigneuries étaient encore soumises à la domination anglaise.
[112] Par acte daté de Westminster le 10 février 1367, Édouard III accorde un permis de séjour en France jusqu’au jour Saint-Michel prochain venant à Gui, comte de Saint-Pol, otage en Angleterre, et s’engage à mettre en liberté au dit terme de Saint-Michel, Waleran et Robert de Saint-Pol, otages au lieu et place de leur père, quand même celui-ci ne serait pas de retour à Londres dans le délai fixé (Rymer, III, 819).
[113] D’après les légistes de Charles V, le roi de France n’avait pas, à proprement parler, renoncé à la souveraineté et au ressort; il en avait seulement suspendu l’usage en subordonnant sa renonciation définitive à certaines conditions qu’Édouard III n’avait pas remplies (Grandes Chroniques, VI, 254 à 263).
[114] Louis, duc d’Anjou, avait des griefs personnels contre Édouard III qui l’avait dénoncé comme déloyal et félon lorsque le second des fils du roi Jean, l’un des otages du traité de Brétigny, mis en liberté sur parole à la fin de 1363, avait refusé de revenir en Angleterre. Nommé dans les premiers jours de novembre 1364 (Mandements de Charles V, p. 61, 62) lieutenant du roi son frère en Languedoc, Louis supportait impatiemment le voisinage de la domination anglaise. M. l’abbé Rouquette a retrouvé dans les archives communales de Millau une lettre de ce prince, adressée aux habitants de cette ville et datée de Toulouse le 22 décembre 1368, où l’on voit bien l’activité qu’il déploya pour faire éclater un mouvement insurrectionnel en Guyenne et surtout dans le Quercy et le Rouergue. Le Rouergue sous les Anglais, p. 118 à 120.
[115] L’enfant, qui devait être un jour Charles VI, naquit en effet à l’hôtel Saint-Pol le dimanche 3 décembre 1368, premier jour de l’Avent, et fut baptisé en l’église Saint-Pol le mercredi 6 décembre suivant (Grandes Chroniques, VI, 266 à 268). C’est le jour même de la naissance de son héritier présomptif, coïncidant avec l’Avent, que Charles V adressa deux lettres dont il sera fait mention plus loin, l’une aux habitants de Montauban, l’autre à Gui de Sévérac, chevalier du Rouergue, où pour la première fois il déclarait publiquement recevoir l’appel des barons de Gascogne.
[116] Charles d’Albret, l’aîné des trois enfants d’Amanieu, sire d’Albret et de Marguerite de Bourbon, si l’on place sa naissance au mois de décembre de cette année, serait venu au monde à huit mois.
[117] Le prudent Charles V hésita beaucoup avant de prendre une détermination qui équivalait à une rupture du traité de Brétigny. Dans une assemblée tenue le vendredi 30 juin 1368, il consulta son conseil: trente-sept membres de ce conseil furent d’avis que le roi devait recevoir les appellations portées par les habitants de la Guyenne devant le Parlement (Arch. Nat., J 293, nos 16 et 17). Le 28 décembre suivant, Charles V, «pour assurer sa conscience», soumit de nouveau la question aux délibérations de quarante-huit personnes des plus notables de son royaume. Il fut décidé, à l’unanimité, que le roi pouvait et devait user de ses souveraineté et ressort en recevant les appellations de ses sujets de Guyenne, et ce sous peine de péché mortel (Arch. Nat., J 654, no 3). Dès le commencement de ce mois, Charles V avait écrit des lettres aux principales villes et aux seigneurs les plus marquants du Rouergue et du Quercy, où il revendiquait son droit de ressort et de souveraineté sur cette province au sujet des appellations du comte d’Armagnac et du sire d’Albret (J 655, no 22), tout en protestant encore qu’il ne voulait point rompre le traité de Brétigny. L’une de ces lettres, adressée aux habitants de Montauban, est datée du 3 décembre 1368 (Dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 338). Par une autre lettre, datée aussi de Paris le 3 décembre 1368, Charles V notifie à Gui de Sévérac, l’un des principaux seigneurs du Rouergue, qu’il a reçu l’appel des barons de Gascogne, et l’invite à faire son devoir «tel comme seigneur doit faire à son seigneur souverain.» Le 22 décembre suivant, Louis, duc d’Anjou, adresse de son côté une notification analogue aux principales villes du Rouergue et notamment à ses «très amez les consouls et habitans de la ville de Millau.» Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 113 à 120.—A la même date, Charles V avait invité le comte de Flandre à faire publier par toutes les villes de son comté le fait de l’appel des barons de Gascogne; mais Louis de Male, qui se trouvait alors à Anvers, répondit le 20 décembre 1368 par un refus assez sec (Kervyn, Œuvres de Froissart, XVIII, 491).
[118] Bernard Palot, juge criminel de Toulouse.
[119] Ce chevalier s’appelait Jean de Chaponval; Caponnet est sans doute un surnom. Messire Jean de Chaponval, maître d’hôtel du régent, fut gratifié en juin 1358 des biens que Jean Rose, le rebelle de Meaux, possédait au bailliage de Senlis (Arch. Nat., JJ 86, no 153).
[120] Les lettres de citation du roi de France furent signifiées au prince de Galles à Bordeaux sur la fin de l’année 1368 ou dans les premiers jours de 1369. M. Lacabane a publié le texte de ces lettres dans son article Charles V du Dictionnaire de la Conversation. Cf. Bibl. de l’École des Chartes, XII, 104.
[121] La chronique rimée du héraut Chandos prête au prince de Galles une réponse conçue en termes presque identiques:
[122] L’acte qui autorise Jean, duc de Berry et d’Auvergne, à retourner en France et à y séjourner, est daté de Westminster le 1er février 1366; et ce congé, accordé d’abord pour un an, fut prolongé jusqu’à Pâques 1368 (Rymer, III, 783, 785).
[123] Jean VI, comte de Harcourt et d’Aumale, otage en Angleterre, passa procuration à Londres le 12 janvier 1365 (n. st.) pour servir ses fiefs en France, et spécialement en l’évêché de Poitiers (La Roque, Additions aux preuves de l’histoire de la maison de Harcourt, IV, 1435). Dans le courant de 1367, à la requête du prince d’Aquitaine et de Galles et «parmy l’entreprise et pleggerie de nostre cher et feal Loys de Harecourt, vostre oncle», le comte de Harcourt fut autorisé à se rendre en France et à y résider pendant quelques mois; mais dès le 1er décembre de cette année, Édouard III le somma de revenir se constituer otage à Londres, et cette sommation fut renouvelée le 5 janvier de l’année suivante (Rymer, III, 837, 840). En cette même année 1368, le 14 octobre, Jean VI se maria à Catherine de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France. Louis de Harcourt, oncle de Jean VI, était vicomte de Châtellerault, et, à ce titre, comme le dit Froissart, le seigneur le plus important du Poitou.
[124] Gui de Blois, seigneur de Beaumont en Hainaut, otage depuis la conclusion du traité de Brétigny, c’est-à-dire depuis la fin de 1360, ne fut autorisé à repasser sur le continent que le 8 juillet 1367 (Rymer, III, 830). Le 15 de ce même mois, par contrat passé à Londres, il céda, ainsi que le raconte Froissart, son comté de Soissons à Enguerrand, sire de Coucy, en faveur d’Élisabeth d’Angleterre, dame de Coucy (Anselme, Hist. généal., VI, 97).
[125] Pierre, comte d’Alençon, fut autorisé à se rendre en France et à y séjourner, en même temps que Jean, duc de Berry et d’Auvergne, du 1er février 1366 à Pâques 1368 (Rymer, III, 782, 783, 785).
[126] La rançon de Louis II, duc de Bourbonnais, fut fixée à 40 000 écus, et non à 20 000 francs, comme le rapporte inexactement Froissart. Le premier payement en fut effectué le 6 décembre 1367; un nouvel à-compte fut porté par Hugues de Digoine en Angleterre, le 31 mars 1368 (n. st.); et la rançon ne fut complétement payée qu’à la fin de cette année. Le duc Louis n’en fut pas moins mis en liberté dès le 22 janvier 1366 (Rymer, III, 783); le 14 juin de cette année, il était à Moulins (Arch. Nat., P 1460, nos 1938-74), le 18, à Souvigny, et le 24, à Montluel (Arch. de la Côte-d’Or, B 8552).—C’est pour parfaire le payement de sa rançon que Louis II, par acte daté de Paris le 16 décembre 1368, engagea à Jean Donat, bourgeois et épicier à Londres, au prix de 5200 écus d’or, «sa cotte d’escarlate rousée, ordonnée à vesteure de homme, semée et ouvrée de plusieurs et divers ouvraiges de grosses perles et rubis baillais et saphirs» Arch. Nat., P 1358, no 98; Bibl. de l’École des Chartes, XVII, 268 à 272.
[127] Thomas de Wetenhale, cousin du fameux Hugh de Calverly, avait été nommé sénéchal du Rouergue dans le courant du mois de mai 1365, en remplacement d’Amanieu du Fossat; il tenait sa cour à Villefranche (aujourd’hui Villefranche-de-Rouergue, Aveyron), où résidait également le trésorier du prince d’Aquitaine en Rouergue. Quoique Froissart fasse vivre le sénéchal du Rouergue jusqu’à la reddition de Millau au duc d’Anjou, c’est-à-dire jusqu’au 31 mai 1370, il est certain que Thomas de Wetenhale mourut dans la seconde moitié du mois de septembre 1369, à la suite des blessures qu’il avait reçues au combat de Montlaur (Aveyron, arr. Saint-Affrique, c. Belmont), où il avait été battu par Jean, comte de Vendôme et de Castres (au mois d’août précédent, la seigneurie de Castres avait été érigée en comté par Charles V). Thomas fut enterré à Montlaur, où l’on voit encore aujourd’hui son tombeau; et le conseil de ville de Millau, resté fidèle au parti anglais, fit faire au sénéchal un service solennel dans l’église Notre-Dame de l’Espinasse. Le Rouergue sous les Anglais, p. 73, 129, 156 à 158.
[128] Les historiens du Rouergue ont dit (Gaujal, Essais historiques sur le Rouergue, I, 411) et le savant M. Lacabane a répété (Bibl. de l’École des Chartes, XII, 103 et 104) que, dès le 17 septembre 1368, Rodez avait expulsé l’administration anglaise. Les registres des comptes et des délibérations consulaires, conservés aux Archives municipales de Millau, contredisent cette assertion. On y voit que la cité de Rodez, soumise à l’évêque de cette ville, et le bourg de Rodez, relevant du comte d’Armagnac, adhérèrent à l’appel au roi de France à la fin de septembre seulement. Un certain Pierre Borda fut alors chargé de porter à Paris l’acte contenant cette adhésion. Adhérer à l’appel, c’était reconnaître implicitement la souveraineté du roi de France; mais la reconnaissance de cette souveraineté suprême ou du ressort n’entraînait pas la déchéance du souverain immédiat, c’est-à-dire du prince d’Aquitaine. Malgré cette reconnaissance, la ville de Rodez, cité et bourg, continua de rester soumise à la domination anglaise. Cela est tellement vrai que le 29 septembre, le grand maréchal d’Aquitaine, allant en ambassade à Rome, passa par Rodez et y reçut des consuls les présents accoutumés. Rodez ne rompit ouvertement avec le gouvernement anglais et ne se donna officiellement à la France qu’à la fin de janvier ou dans les premiers jours de février 1369. Le 27 février seulement, les fleurs de lis furent placées sur le Poids et la maison commune du bourg. La première place du Rouergue qui semble avoir secoué ouvertement le joug étranger est Najac (Aveyron, arr. Villefranche-de-Rouergue). Dès le 5 janvier 1369, Raymond Guerre, bourgeois de Najac, se faisait donner les droits utiles de la châtellenie, montant à 20 marcs d’argent par an, ainsi que le droit de basse justice au dit lieu de Najac, rapportant annuellement 60 sous tournois, en récompense de son entremise «in et circa veram obedienciam dicti loci de Najaco erga dominum meum regem atque nos exhibitam et ostensam.» Arch. Nat., JJ 100, no 537; JJ 102, no 202.—Mais, deux ans plus tard, par acte daté d’Albi le 28 février 1371 (n. st.), le duc d’Anjou, ayant appris que Raymond Guerre s’était fait valoir aux dépens de ses concitoyens, lui retirait les 20 marcs d’argent dont il vient d’être question pour les assigner à ceux-ci, «considerantes bonam voluntatem et cordialem dileccionem quas ipsi consules et habitatores (Najaci) erga dominum meum et nos, mortis formidine retrojecta, habuerunt et de facto monstraverunt de primis totius ducatus Aquitanie, ad obedienciam regis et nostram veniendo, et ipsum dominum meum suum verum, directum et naturalem dominum recognoscendo et inimicos domini mei et nostros, extunc in dicto loco existentes, debellando et ab eodem projiciendo.» JJ 102, no 101.—Quant à la défaite de Thomas de Wetenhale près de Montauban, elle n’a pu avoir lieu, si tant est qu’il faille ajouter quelque foi au récit de Froissart, qu’au mois de janvier 1369, puisque le sénéchal du Rouergue, absent de cette province depuis plus de deux ans, n’y rentra qu’au mois de décembre 1368. La première rencontre eut lieu le 17 janvier au Mont d’Alazac, où Jean d’Armagnac, fils du comte, tua 400 Anglais, en prit 60, et parmi ces derniers, Pierre de Gontaut et un neveu du sénéchal de Quercy. Le Rouergue sous les Anglais, p. 121 à 137.
[129] Il importe beaucoup, pour préciser un peu la chronologie extrêmement vague et confuse de Froissart, d’établir la date au moins approximative du départ de Jean Chandos pour la Guyenne. Le connétable d’Aquitaine, vicomte de Saint-Sauveur, était encore en basse Normandie le 6 octobre 1368, jour où il donna quittance de 15 000 fr. à Gerard de Crepon, vicomte de Valognes (L. Delisle, Preuves de l’histoire du château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, p. 167). Mais il était arrivé en Guyenne dès le mois de décembre suivant, ainsi que l’atteste l’article de compte suivant: «A Navarre, roy des heraux de Monseigneur (le roi de Navarre), par mandement de l’abbé de Cherebourg du XVIIIe jour de decembre MCCCLXVIII, pour aller devers messire Jehan Chandos en Guyenne.» Ibid., p. 148.
[130] Dordogne, arr. Bergerac.
[131] Le 24 novembre 1368, Charles V fit l’avance de 12 000 francs d’or à Taleyrand de Périgord, et, le 28 de ce même mois, de 40 000 fr. d’or, au comte de Périgord, pour les frais de la guerre contre le roi d’Angleterre (Delisle, Mandements de Charles V, p. 240 à 242).
[132] La plupart de ces chefs de Compagnie étaient Bretons. L’un d’eux, Alain de Taillecol, surnommé l’abbé de Malepaye, qui prend le titre d’écuyer du roi dans une quittance datée d’Angers le 2 avril 1366 (n. st.), (Hay du Chastelet, Hist. de Bertrand du Guesclin, p. 341 et 342), occupait alors (Arch. Nat., JJ 109, no 192) le fort de Breviande, en Sologne (aujourd’hui ferme de la Ferté-Hubert, Loir-et-Cher, arr. Romorantin, c. Neung).
[133] Par acte daté de Westminster, le 30 octobre 1368, Édouard III accorda des lettres de sauf-conduit aux comtes de Tancarville et de Saarbruck, à maître Guillaume de Dormans, chevalier, et à Jacques le Riche, doyen de Paris, qui se rendaient en Angleterre avec une escorte de cent chevaux (Rymer, III, 850). Le 24 décembre suivant, Charles V envoyait encore en Angleterre un de ses huissiers de salle porter des fromages de France à sa «très chiere et amee suer la royne d’Angleterre.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 245, no 483.—Le 27 décembre, une somme de mille francs d’or par mois était allouée au comte de Tancarville pour ses frais de voyage et de séjour en Angleterre.
[134] Que le roi de France ait fait porter par un de ses valets de cuisine un défi à son adversaire d’Angleterre, cela est dépourvu de vraisemblance, et rien n’est plus contraire à tout ce que l’on sait du caractère de Charles V. Quoi qu’il en soit, les deux rois se préparèrent ouvertement à la guerre dès les premiers mois de 1369.
[135] Guillaume de Seris, que la Rochelle avait député vers le roi de France, à Calais, avec quatre autres bourgeois, le 15 août 1360 (Chroniques de J. Froissart, VI, XVII, note 67), institué avec Jean Chandos, le 20 juillet 1366, gardien des terres et seigneuries situées en Poitou et Saintonge, et cédées par le duc d’Orléans à Thomas de Wodestok, l’un des fils d’Édouard III (Rymer, III, 794), encore fidèle au parti anglais à la date du 14 juin 1367 (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 127), fut gratifié par Charles V, en mai 1371, de 1000 livrées de terre ou de 1000 livres parisis de rente annuelle et perpétuelle, pour s’être rallié au parti français, «cum dilectus et fidelis miles et consiliarius noster Guillelmus de Seris, primus presidens in parlamento nostro Parisiensi, habita noticia nostri juris et justicie in guerra quam Eduardus Anglie et princeps Wallie primogenitus suus, cujus erat consiliarius, nobis noviter suscitarunt, spretis honoribus quibus se gaudebat attolli et commodis omnibus, et dimissis possessionibus et bonis suis quibuscumque, mobilibus et immobilibus, que sub dictorum hostium nostrorum dominio possidebat, ad nos accedens, nostre se submiserit obediencie, nobis et nostris se offerens serviturum....» Arch. Nat., sect. hist., JJ 102, no 272.—Douze jours avant la reddition de la Rochelle, par acte daté de son château du Bois de Vincennes, le 27 août 1372, le roi de France donna à Guillaume de Seris, chevalier, son conseiller, premier président en son Parlement, «pour ce que liberalment s’est soubmis à nostre obeissance, en cognoissant le droit qui nous appartient en la duché de Guienne», une maison appelée la maison de Fessac, sise à la Rochelle et confisquée sur Jean de Ludent, prêtre anglais et receveur de Saintonge. JJ 103, no 237.—Guillaume de Seris, institué premier président du Parlement, avant le mois de mai 1371, mourut à Lyon au retour d’un voyage à Rome le 3 octobre 1373, et le Parlement assista en corps à ses obsèques qui furent célébrées à Paris le 23 novembre suivant; il est mentionné comme mort dans un mandement en date du 28 décembre 1374, relatif à un don de 200 francs fait à son neveu Étienne Poissonart, huissier d’armes de Charles V, «pour consideration des services que nous fist en son vivant nostre dit conseiller, oncle du dit Estienne.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 564.—En supposant exact pour tout le reste le récit de Froissart, Guillaume de Seris ne serait donc resté à l’abbaye de Cluny que deux ans tout au plus, et non cinq ans.
[136] Le 26 avril 1369, Édouard III renvoya cinquante pipes de vin que Charles V lui avait fait porter en Angleterre et présenter par un des officiers de son échansonnerie nommé Jean Eustache (Rymer, III, 864). Cet envoi de vin, qui put paraître au roi d’Angleterre une sorte de bravade et de provocation dérisoire en présence des préparatifs de guerre ouverte que l’on faisait dès lors de l’autre côté du détroit (Delisle, Mandements, p. 255, no 507), n’aurait-il pas donné lieu à la legende du défi rapportée plus haut, et le «Johannes Eustachii, pincerna regis Franciæ», ne serait-il pas le «valet de cuisine breton» dont parle Froissart?
[137] A la nouvelle des préparatifs maritimes du roi de France, l’opinion publique, en Angleterre, fut tellement excitée contre les otages français, qu’Édouard III dut défendre, le 26 avril 1369, de leur faire outrage, menace ou violence (Rymer, III, 864).
[138] Le 9 mars 1369, le roi d’Angleterre donna l’ordre à Henri Lescrop, gouverneur de Calais, Merck, Oye, Sangate, Hames, Audruicq, Guines, Ardres, et à Nicolas de Louvain, gouverneur et sénéchal du Pontieu, en résidence à Abbeville (Rymer, III, 812), de mettre en bon état de défense les forteresses confiées à leur garde (Ibid., 862).
[139] Le dimanche 29 avril 1369, Abbeville et Rue se rendirent à Charles V et ouvrirent leurs portes à Hue de Châtillon, maître des arbalétriers de France. Le comté de Pontieu tout entier était redevenu français dans la première quinzaine de mai, à l’exception de Noyelles (auj. Noyelles-sur-Mer, Somme, arr. Abbeville, c. Nouvion) où les Anglais parvinrent à se maintenir (Grandes Chroniques, VI, 271 et 272). Aussi, la plupart des priviléges, qui furent alors accordés aux bourgeois d’Abbeville, en récompense de leur soumission spontanée, sont-ils datés de ce même mois de mai 1369. Ordonn., V, 177. Delisle, Mandements, nos 541 et 542. Arch. Nat., JJ 100, nos 8, 167, 169, 189, 212, 213, 219, 228, 517.
[140] Nicolas de Louvain avait deux maisons: l’une à Rue, l’autre à Abbeville «devant les Flos Saint Sepulcre», qui furent toutes les deux confisquées en mai 1369. Arch. Nat., JJ 100, nos 502, 611.
[141] Arch. Nat., JJ 100, nos 171 à 173.
[142] Au commencement de 1369, Beraud, comte dauphin d’Auvergne, se racheta moyennant 12 000 nobles d’or, et, par acte daté de Souvigny, le 4 juillet de cette année, Louis, duc de Bourbon, comte de Clermont, se porta garant du payement de cette somme. Rymer, III, 816, 817, 875.
[143] Le payement de la rançon de Jean de Châtillon, comte de Porcien, n’était pas encore définitivement réglé le 28 octobre 1375. Rymer, III, 1043.
[144] Nous sommes en mesure d’indiquer dès maintenant le cas fortuit auquel Froissart fait allusion. En 1374, Bertrand du Guesclin négocia et obtint la mise en liberté de Mathieu II du nom, seigneur de Roye et de Germigny, otage en Angleterre depuis 1360, à condition que le dit Mathieu donnerait Marie, sa fille unique, en mariage à Alain de Mauny, neveu à la mode de Bretagne du connétable de France. Anselme, Hist. généal., VIII, 9 et 10.
[145] Par acte daté de Paris le 5 février 1369 (n. st.), Charles V institua Jean, duc de Berry et d’Auvergne, son lieutenant général pour le fait de la guerre ès parties de Berry, d’Auvergne, de Bourbonnais, de Forez, de Sologne, de Touraine, d’Anjou, du Maine, de Normandie, d’entre les rivières de Seine et de Loire, de Mâconnais et de Lyonnais, excepté les fiefs du duc de Bourgogne ès pays de Lyonnais, et lui donna pouvoir d’assembler des gens d’armes pour résister aux Compagnies qui étaient sur le royaume et à tous autres. Arch. Nat., sect. adm., P 2294, fo 730.
[146] Dès la fin de 1368, la région de la Touraine, contiguë au Poitou, avait beaucoup à souffrir du voisinage des garnisons anglaises. L’imprenable forteresse de Loches, mise en bon état de défense par Enguerrand de Hesdin quelques années auparavant, était le grand refuge des malheureux habitants de cette région, comme on le voit par un acte daté de Paris en décembre 1368, où Charles V autorise la création d’un marché à Loches le lundi de chaque semaine, considérant que «nonnulli patriote et alii in multitudine copiosa affluerint in eadem tempore periculoso, et ipsorum quidam in ipsa sepius morentur ad evitanda pericula que sepe eveniunt in illa patria prope metas cujuscumque frequentant plures nostri malivoli.» Arch. Nat., JJ 99, no 280.
[147] Ce brave chevalier était originaire de la Marche. Le 20 février 1369 (n. st.), Charles V le chargeait, ainsi que Troullart de Maignac, de «certaines grans et secrètes besongnes» pour l’accomplissement desquelles il faisait donner à ces deux chevaliers une somme de 2000 francs d’or. «Sachent tuit que nous Loys de Saint Julian et Troullart de Maignac, chevaliers, confessons avoir eu et receu de François d’Aunoy, receveur sur le fait des aides ordenez pour la provision et defense du royaume ès cité et diocèse de Paris, la somme de deux mille frans d’or lesquelz le roy nostre sire nous a fait bailler comptant par le dit receveur pour certaines grans et secrètes besongnes touchans le bien et prouffit du roy nostre dit seigneur et du dit royaume. Desquelz deux mille frans nous nous tenons à bien payez et en quittons le dit seigneur, ycelui receveur et touz autres à qui quittance en appartient. En tesmoing de ce, nous avons scellé ceste quittance de nostre seel commun ouquel sont les noms et l’emprainte des armes esquartelées de nous deux ensemble, qui fu faicte l’an mil ccclx huit, le xxe jour de fevrier.» Bibl. Nat., Titres scellés de Clairambault, vol. 62, fo 4799, au mot Julien.
[148] Si Guillaume Guenaut, seigneur des Bordes (château situé à Pressigny-le-Petit, Indre-et-Loire, arr. Loches, c. du Grand-Pressigny), chevalier et chambellan du roi de France, guerroya sur la frontière du Poitou, ce ne put être que pendant la seconde moitié de 1369, car diverses montres de la première moitié de cette année établissent la présence de ce chevalier à Alençon le 28 janvier, à Saint-Lo le 15 mars et à Saint-Omer le 12 juin (Bibl. Nat., Titres scellés de Clairambault, au mot Bordes). Toutefois, la situation du domaine des Bordes, si rapproché de la Roche-Posay, rend cette participation de Guillaume Guenaut à la guerre du border poitevin très-vraisemblable. Les Guenaut étaient en outre seigneurs du Blanc (auj. chef-lieu d’arr. du dép. de l’Indre) dont le château, situé sur les confins du Berry et du Poitou, était alors occupé par les Anglais. Le château du Blanc ne fut repris par les Français sous la conduite de Jean de Villemur que dans les premiers jours de février 1370 (Arch. Nat., JJ 100, no 290).
[149] Jean de Kerlouet, écuyer, originaire de Plévin au diocèse de Quimper (auj. Côtes-du-Nord, arr. Guingamp, c. Mael-Carhaix; d’après la carte de l’état-major, il y a encore un hameau de Kerlouet en Plévin), était âgé de trente-cinq ans lorsqu’il déposa à Angers le 5 novembre 1371 dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois. Ancien serviteur et partisan dévoué du mari de Jeanne de Penthièvre, Kerlouet avait accompagné Bertrand du Guesclin dans sa première expédition en Espagne, et c’est au retour de cette expédition, en 1368, qu’il commença à guerroyer contre les Anglais sur la frontière du Poitou: «Item, quando iste (Jean de Kerlouet) et multi alii regressi sunt de Yspania in societate Bertrandi de Guesclin, iste et alii socii, numero duodecim bellatorum vel circiter, iverunt in equitatu versus Salmurum ubi inimici sui erant, ut dicebatur. Et dum fuerunt prope Salmurum, invenerunt inimicos suos quasi numero duodecim bellatorum. Et cum iste et socii aliquem capitaneum non haberent et inimicos assalire vellent, petiverunt unus ab altero qualem clamorem levarent, et proclamaverunt sanctum Carolum et victoriam obtinuerunt.» Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, II, 19 et 20.—Dans les quittances auxquelles Jean de Kerlouet a apposé son sceau (l’écu, soutenu par un homme armé, porte un cor de chasse accoté de trois merlettes), le nom de cet écuyer breton est écrit tantôt Karalouet (quittance des 20 avril et 12 septembre 1371), tantôt Karelouet (quittance du 23 avril 1371), tantôt enfin Kaierlouet (quittance du 4 octobre 1371). Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Karalouet et Titres scellés de Clairambault, tome LXII, fo 4819.—Le plus beau titre de Jean de Kerlouet, ce sont les lignes suivantes du testament de Charles V daté du château de Melun en octobre 1374: «Item, voulons que pareillement soient achetées trente livres de rente pour fonder une chapelle pour Caralouet, où plus profitablement pourra estre fait au regart de ses amis.» Arch. Nat., J 153, no 17; K 50, no 10, fo 3.—Il importait d’autant plus de bien établir ici l’individualité de Jean de Kerlouet qu’on a confondu récemment (Œuvres de Froissart, XX, 546, au mot Charuel) cet écuyer breton avec l’un de ses compatriotes, Even Charuel, chevalier, et l’un des héros du combat des Trente. On est allé jusqu’à dire, pour justifier cette identification, qu’Even était l’équivalent de Jean. Nous ne prendrions pas la peine de relever de telles méprises, si elles n’émanaient d’un savant dont le nom, entouré d’un prestige légitime, pourrait les faire accepter de confiance.
[150] Owen de Galles, écuyer, qui prétendait descendre des anciens souverains du pays de Galles, réussit à rallier au parti français son compatriote Jean Win (Laroque et M. Paulin Paris ont lu: Jacques), dit le Poursuivant d’amours, dans le courant de 1369 (Gr. Chron., VI, 320; Arch. Nat., LL 197, no 4). Le 24 octobre 1365, «Johan Win, escuier», alors au service d’Édouard III, avait été chargé par ce prince, ainsi que Nichol de Tamworth, chevalier, de faire évacuer les forteresses des comtés de Bourgogne, de Nevers et de Rethel occupées par les Compagnies anglaises (Rymer, III, 777). Dans un mandement du 13 février 1379 (n. st.) où cet écuyer gallois, devenu l’écuyer d’écurie du roi de France, est retenu pour 95 hommes d’armes, on donne aussi à Win, «dit Poursigant», le prénom de Jean (Delisle, Mandements de Charles V, p. 739, 896). Le Poursuivant d’amours était encore au service de Charles VI le 19 février 1383 (Arch. Nat., JJ 122, no 128).
[151] Aujourd’hui Montmorency, Aube, arr. Arcis-sur-Aube, c. Chavanges.
[152] Thierri, dit le Chanoine de Robersart (Nord, arr. Avesnes, c. Landrecies), seigneur d’Ecaillon (Nord, arr. et c. Douai), reçut d’Édouard III, dès le 24 août 1366, une pension de quatre cents livres. Par acte daté du château de Rouen en juillet 1369, Charles V donna à Jean de Dormans, cardinal évêque de Beauvais, son chancelier, quatre marcs d’or achetés par le Chanoine de Robersart, deux sur la ville de Crépy en Laonnois, et les deux autres sur la ville de Vervins en Thiérache, confisqués «pour ce que le dit Chanoine s’est faiz et renduz nostre ennemy et a tenu et tient le parti de Edwart son ainsné filz à l’encontre de nous et de nostre royaume.» Arch. Nat., JJ 100, no 232.
[153] Au mois de janvier 1369, le duc d’Anjou enrôla Noli Pavalhan, capitaine de 88 hommes d’armes. (Titres scellés de Gaignières cités par dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 339).
[154] Les gens des Compagnies anglaises, commandés par Jean Cressewell, Hochequin Russel, Folcquin l’Alemant et Toumelin Bell, s’emparèrent par surprise de la ville de Vire, le 2 août 1368; le château de Vire, défendu par Raoul d’Auquetonville, résista aux attaques des Anglais qui évacuèrent la ville elle-même dans les premiers jours de septembre, moyennant le payement d’une rançon de 2200 francs d’or (Grandes Chroniques, VI, 253, 254; Bibl. de l’École des Chartes, III, 274 à 277; Arch. Nat., JJ 99, no 593).
[155] Vers le 17 août 1368, quatre ou cinq cents compagnons anglais, sous les ordres de Jean Cressewell et de Folcquin l’Alemant, s’étant détachés de la bande qui avait surpris Vire, pénétrèrent dans le Maine et réussirent à se rendre maîtres de Château-Gontier (Grandes Chroniques, VI, 254). L’évacuation ou, comme on disait alors, le videment de cette place forte ne fut obtenu, comme celui de Vire, qu’à beaux deniers comptants. Un subside spécial fut levé sur les deux diocèses du Mans et d’Angers pour parfaire la somme destinée au rachat de Château-Gontier. Guillaume Bequet, receveur général au diocèse du Mans, fut même obligé, le versement s’étant trouvé insuffisant, de laisser ses chevaux en compte aux routiers (Arch. Nat., JJ 100, no 84). C’est alors sans doute que le Lion-d’Angers (Maine-et-Loire, arr. Segré) fut occupé par deux chefs de bande, «Hochequin Roussel et Jehan Chache, capitaines de deux routes demourans ou dit fort de Leon en Anjou» JJ 100, no 155.—Nous voyons par un autre mandement, daté de la Suze-sur-Sarthe le 8 septembre, qu’Amauri, sire de Craon, donna la chasse à d’autres bandes qui, après leur départ de Château-Gontier, avaient pénétré en Bretagne, et les poursuivit jusqu’à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, I, 1632 à 1634.
[156] Hugh de Calverly, qui avait été fait comte de Carrion par don Pèdre, avait dû rester en Espagne même après le départ du prince de Galles et le retour de l’armée anglaise en Guyenne.
[157] Avant d’entrer en campagne, le prince d’Aquitaine crut devoir adresser un manifeste aux prélats, aux barons et aux communes de sa principauté. Ce manifeste, daté d’Angoulême le 27 janvier 1369, est surtout dirigé contre le comte d’Armagnac auquel le prince reproche de manquer à ses serments, de le payer d’ingratitude lui qui l’a aidé à acquitter sa rançon au comte de Foix, et enfin de le mettre en guerre avec la maison de France. Dans sa réponse à ce manifeste, datée de Rodez et adressée aux consuls de Millau, le 22 février, le comte d’Armagnac dit que le prince lui reste redevable de 200 000 francs d’or sur les frais de l’expédition d’Espagne, qu’il a toujours refusé de le mettre en possession de Monségur, qu’il a été remboursé de l’argent prêté pour payer le comte de Foix, que le prince et le roi d’Angleterre son père n’ont jamais voulu faire droit aux réclamations relatives à la levée du fouage, et «que nul serment de feauté, nul homage, nul serment de conseil ne nous lie en riens que, quant le seigneur nous griesve, nous ne puissions ne deions recourre au remède de droit, c’est appeller à nostre seigneur souverain, et ainsi l’avons nous fait au roy de France.» Ces deux documents, qui offrent un si vif intérêt, ont été publiés pour la première fois par M. l’abbé Joseph Rouquette. Le Rouergue sous les Anglais, p. 139 à 142, 144 à 149.
[158] Il importe beaucoup, pour donner une base solide à la chronologie si flottante et si confuse de Froissart dans le récit des guerres de Gascogne, de déterminer au moins d’une manière approximative la date de l’arrivée en Guyenne des comtes de Pembroke et de Cambridge. Or, nous voyons que, le 16 janvier 1369, Édouard III accorda des lettres de sauf-conduit à son gendre Jean de Hastings, comte de Pembroke, «qui in obsequium regis, ibidem in comitiva Eduardi principis Aquitanie et Vallie moraturus, profecturus est versus partes Aquitanie.» Rymer, III, 857.
[159] L’expédition des comtes de Cambridge et de Pembroke en Périgord ne peut être antérieure à la seconde quinzaine d’avril 1369, car c’est alors seulement qu’Archambaud V, comte de Périgord, se décida après de longues hésitations à donner son adhésion à l’appel porté devant le roi de France par Jean, comte d’Armagnac, et le sire d’Albret. Le comte avait été devancé par son frère Taleyrand de Périgord qui avait adhéré à l’appel dès le 28 novembre de l’année précédente et en faveur duquel Louis, duc d’Anjou, par acte daté de Toulouse en mars 1369, venait de constituer une rente de 3000 livres à prendre «in et super conquesta in senescallia Petragoricensi et in senescallia Caturcensi.» (Arch. Nat., JJ 100, no 778.) Le 15 du mois suivant, le prince d’Aquitaine, pour retenir Archambaud dans le parti anglais, confirma solennellement les priviléges de son comté (Bibl. Nat., fonds Doat, reg. 244; Périgord, tome III, fo 19); mais il était trop tard: le comte de Périgord, qui se trouvait alors à Caussade en Quercy (Tarn-et-Garonne, arr. Montauban), avait adhéré formellement à l’appel deux jours auparavant (Ibid., reg. 242; Périgord, tome I, fo 661). Dans le courant de mai, Archambaud prit ouvertement parti contre les Anglais et se rendit à Toulouse auprès du duc d’Anjou (Arch. municipales de Périgueux, livre noir, fo 46, cité par Dessalles, Périgueux et les deux derniers comtes de Périgord, Paris, 1847, p. 89). Tandis que Charles V, par acte daté de Saint-Germain-en-Laye en mai 1369, confirmait, pour récompenser le comte de Périgord, toutes les donations antérieures faites en sa faveur (Arch. Nat., JJ 100, no 431), le prince d’Aquitaine, impatient de se venger de cette défection, donnait l’ordre aux comtes de Cambridge et de Pembroke de marcher sur le Périgord, et, le 26 juin, après avoir confisqué ce comté, en faisait don à Regnault de Pons, vicomte de Turenne et de Carlat, seigneur de Ribérac, de Montfort, d’Aillac, de Carlux, oncle par alliance d’Archambaud V.
[160] Dordogne, arr. Périgueux, c. Brantôme. Pendant le siége de Bourdeilles, les Anglais s’emparèrent de Roussille (château situé en Douville, Dordogne, arr. Bergerac, c. Villamblard) et firent des tentatives infructueuses contre Auberoche (château situé au Change, arr. Périgueux, c. Savignac-les-Églises) et Montignac (Dordogne, arr. Sarlat). Dessalles, Ibid., p. 90.
[161] Ernaudon et Bernardet de Badefol étaient les deux fils naturels de Seguin de Gontaut, sire de Badefols (auj. Badefols-de-Cadouin Dordogne, arr. Bergerac, c. Cadouin), père du fameux Seguin de Badefol, empoisonné par le roi de Navarre à la fin de 1365. Seguin de Gontaut, qui avait aussi donné le jour à trois filles naturelles, vivait encore au commencement de 1369; il mourut peu après, le 23 août 1371, et fut enterré dans l’abbaye de Cadouin. Tandis que les deux bâtards de ce seigneur s’étaient enrôlés dans le parti français et commandaient la garnison de Bourdeilles, Gastonnet ou Tonnet, le dernier né des fils légitimes de Seguin, était, comme nous le verrons plus loin, capitaine de Bergerac pour les Anglais.
[162] Le 5 avril 1369, Charles V manda à Jean le Mercier, trésorier des guerres, de fournir cinquante payes à son «amé et feal Jehan de Bueil, chevalier, pour la garde de la ville d’Angers et du pays d’environ.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 258.—Dans deux actes datés des 16 et 18 juillet suivants, Jean de Beuil est mentionné comme faisant alors la guerre sur les confins de la Touraine et du Poitou (Arch. Nat., JJ 100, no 526).
[163] Ce combat, qui fut livré près de Lusignan vers le milieu de 1369, paraît avoir eu une certaine importance. Froissart est le seul chroniqueur qui le mentionne, mais nous avons découvert un acte relatif à un chevalier français qui y perdit la vie, où l’on donne à cet engagement le nom de «bataille». Par cet acte daté du bois de Vincennes en septembre 1369, Charles V donna les biens confisqués de Simon du Feloux, de Robin du Portau et de Jean de Maisoncelles, sis en Loudunois, à Philippe de Montjehan, veuve de Robert Fretart, fils de feu Robert Fretart, en son vivant chambellan de Philippe de Valois, afin de la dédommager de ce qu’elle avait payé «pour la reançon de feu Robert Fretart son filz lequel, pour nous servir en nos guerres, fu plusieurs fois prisonnier à Montbason et ailleurs et darriennement perdi un cheval, du pris de cent livres, en la bataille qui fu emprè Lizignam, en laquelle aussi fu mort le dit Robert.» Arch. Nat., JJ 100, no 393. Cf. JJ 100, nos 112 et 280.
[164] Simon Burleigh avait été élevé avec le prince de Galles qui le chargea, ainsi que Guichard d’Angle, de diriger l’éducation de son second fils, depuis Richard II. Froissart fut mis de bonne heure en relation avec ce chevalier auquel il dut sans doute quelques-uns de ses récits. «De ma jeunesse, dit le chroniqueur racontant la mort violente de Simon Burleigh en 1387, je l’avoie trouvé courtois chevallier et à mon semblant pourveu de bon sens et entendement.» Froissart de Buchon, éd. du Panthéon, II, 613.—Simon Burleigh avait épousé Marguerite de Beaussé, veuve du seigneur de Machecoul (Loire-Inférieure, arr. Nantes), laquelle lui avait fait donation de tous ses biens au détriment de son héritière naturelle Catherine de Machecoul, mariée à Pierre de Craon. Par acte daté de Paris, au mois de juillet 1369, Charles V déclara cette donation nulle et non avenue, et il importe de signaler cet acte parce qu’il mentionne l’occupation à cette date de Saumur par les Français, contrairement à l’assertion de tous les historiens anciens et modernes de l’Anjou (Arch. Nat., JJ 100, no 540).
[165] Ce chevalier dont le véritable nom est resté un mystère pour tous les éditeurs et commentateurs de Froissart, s’appelait Adam Chel, dit d’Agorisses; il était originaire du pays de Galles et marié à la dame de Mortemart (Haute-Vienne, arr. Bellac, c. Mézières). Le 2 mars 1370, Charles V déclara confisqué le château de Gençay (Vienne, arr. Civray) qui appartenait à Adam Chel, et le donna à Jean de Villemur; puis, deux jours après, le 4 du même mois, il révoqua la précédente donation et transporta le dit château à Louis, sire de Malval. Au reste, ces donations ne tiraient guère à conséquence, puisque Gençay n’avait pas cessé d’être au pouvoir d’Adam Chel. Arch. Nat., JJ 100, fo 242 (charte barrée) et nos 804 et 472.
[166] Dès la fin de janvier 1369, Jean Chandos devait être arrivé à Montauban, puisque Thomas de Wetenhale, voulant relever le courage et soutenir la fidélité des habitants de Millau, après la défaite des Anglais au mont d’Alazac arrivée le 17 de ce mois, leur disait que Chandos et Bertucat d’Albret, à la tête de troupes considérables, étaient en route pour venir protéger le Rouergue et en chasser les ennemis (Le Rouergue sous les Anglais, p. 137). La mention de Bertucat d’Albret, désigné par Thomas de Wetenhale comme le compagnon d’armes de Chandos, prouve en outre, contrairement à l’assertion de Froissart, que ce chef de Compagnies était encore, à cette date, dans le parti anglais.
[167] Le 27 mars 1369, c’est-à-dire au moment même où Anglais et Français se disputaient le Quercy à main armée, le prince d’Aquitaine donna le comté de Bigorre à Jean de Grailly, captal de Buch, dont il récompensait ainsi l’inaltérable fidélité à sa cause (Carte, Rôles gascons, p. 157). Cette donation fut confirmée par Édouard III, le 8 juin suivant.
[168] Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay. Par acte daté du bois de Vincennes en juin 1369, Charles V donna à son amé écuyer d’écurie Guillaume Goffier les château et châtellenie de Rugny en Touraine (aujourd’hui Rigny, Indre-et-Loire, arr. Chinon, c. Azay-le-Rideau), confisqués sur Guillaume Larchevêque, sire de Parthenay, qui les possédait du chef de sa femme, «pour ce que le dit Guillaume s’est renduz nostre ennemi et a tenu et tient le parti du dit prince de Gales, duc de Guienne, et s’est armez et arme contre nous et noz subgiez, en faisant et portant de jour en jour tous les dommages qu’il peut à nostre dit royaulme, et lequel chastel a esté pris par force de noz gens.» Arch. Nat., JJ 100, no 197.—Le 9 du mois suivant, le roi de France, apprenant que la terre de la Fougereuse en la vicomté de Thouars (aujourd’hui section de Saint-Maurice-la-Fougereuse, Deux-Sèvres, arr. Bressuire, c. Argenton-Château), appartenant à Briand de la Haye, chevalier du parti français, avait été donnée par le prince de Galles au sire de Parthenay, assigna au dit Briand 500 livres de rente sur les biens confisqués de Guillaume Larchevêque. JJ 100, no 201.
[169] Le «Cerrières» du texte (Terrières n’est sans doute qu’une mauvaise leçon provenant de la similitude du t et du c dans l’écriture des quatorzième et quinzième siècles), situé en Toulousain, suivant la remarque du chroniqueur, doit être identifié selon toute vraisemblance avec Roqueserrière (Haute-Garonne, arr. Toulouse, c. Montastruc). Ce que Froissart dit ensuite d’une tentative infructueuse contre Lavaur, confirme cette identification. Les gens d’armes du prince d’Aquitaine attaquèrent sans doute avec un acharnement particulier les châteaux et manoirs de ce Pierre Raymond de Rabastens, seigneur de Campagnac (Tarn, arr. Gaillac, c. Castelnau-de-Montmiral) et de Mezens (c. Rabastens), successivement sénéchal d’Agen, de Beaucaire et en dernier lieu de Toulouse (Arch. Nat., JJ 102, no 224), l’agent dont le duc d’Anjou s’était surtout servi dans ses négociations avec les appelants du Quercy et du Rouergue (Ordonn., VI, 500 et 501). Quoi qu’il en soit, les Anglais ravagèrent alors à tel point l’Albigeois que la population déserta en masse les campagnes pour chercher un refuge dans les villes fermées. Les vignobles restèrent incultes faute de bras pour les cultiver, et, sur la plainte des habitants de Castres, Charles V dut défendre aux campagnards de transporter leurs vins et vendanges à l’intérieur de cette ville et dans sa banlieue, «cum major pars territorii et pertinentiarum dicte civitatis habundet in vineis plusquam in aliis terris fructiferis, que vinee, tam propter pestiferas mortalitates quam eciam guerrarum discrimina, pro majori parte inculte et derelicte remanserunt, presertim ille que distant et sunt longe a dicta civitate, et ob hoc depopulatur civitas antedicta.» Arch. Nat., JJ 100, no 573.
[170] On a vu plus haut qu’Archambaud V, comte de Périgord, était à Caussade en Quercy le 15 avril et à Toulouse en mai 1369. Le 24 et le 28 novembre 1368, Charles V avait assigné 40 000 francs au comte de Périgord et 12 000 à Taleyrand, frère du comte, payables tous les ans dans le cas où le comte adhérerait à l’appel, depuis le moment où le prince de Galles lui aurait déclaré la guerre jusqu’à la fin de la lutte (Delisle, Mandements de Charles V, p. 240 à 242).
[171] Par acte daté de Toulouse le 20 décembre 1369, Louis, duc d’Anjou, donna à Roger de Comminges, vicomte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne, arr. Montauban, c. Monclar), 200 livres de rente assises sur divers lieux du diocèse de Cahors (Arch. Nat., JJ 102, no 140).
[172] Tarn-et-Garonne, arr. Montauban, c. Caussade. Au premier abord, en lisant dans le texte le récit de ce long siége de Réalville par les gens du duc d’Anjou, on serait tenté d’accuser Froissart d’une de ces erreurs de date dont il est coutumier. On sait en effet que, dès le 18 mars 1369, les habitants avaient adhéré à l’appel au roi de France, après avoir massacré la garnison anglaise (Arch. Nat., J 716, no 18; art. de M. Léon Lacabane dans Bibl. de l’École des Chartes, XII, 107). D’ailleurs, à la date même de cette adhésion, Louis, duc d’Anjou, donna à messire Regnault de Donerel, doyen de Cayrac (Tarn-et-Garonne, arr. Montauban, c. Caussade), la justice haute, moyenne et basse de Cayrac, 60 sous sur un moulin de la rivière de Vayron et le tiers du port de Réalville en la sénéchaussée de Quercy (Arch. Nat., JJ 100, no 243). Toutefois, il y a lieu de supposer que Réalville fut repris par les Anglais peu après l’expulsion de ceux-ci, et que par conséquent les Français, pour rentrer en possession de cette place, durent la soumettre à un siége en règle. Cette supposition se fonde sur un acte daté de Jumiéges en août 1369, où l’on voit que Réalville, redevenu une seconde fois français à cette date, et donné au sire de Puycornet, avait été à peu près détruit à l’occasion de la guerre. Par cet acte, Charles V, à la prière de ce même Regnault de Donerel, doyen de Cayrac, dont il vient d’être question, met hors de tout autre ressort que celui de Cahors la temporalité du doyenné de Cayrac ressortant auparavant à la bailie de Réalville, «licet, occasione guerre per dictos Edwardum (Édouard III) et Edwardum (Édouard, prince d’Aquitaine) commote et habite, locus de Regalivilla fuerit et sit destructus et devastatus sicque in eodem non est neque speratur quod sit aliquis bajulus seu baillivus qui ibidem remanere esset ausus...; et una cum hoc prefatus locus de Regalivilla domino de Puichcornet fuerit et sit concessus.» Arch. Nat., JJ 100, no 242.
[173] C’est Jean d’Armagnac, fils du comte d’Armagnac, qui fut le principal chef des opérations militaires dans le Rouergue et l’Albigeois au commencement de 1369. Parti du Charollais, il traversa l’Auvergne, puis le Gévaudan par où il pénétra en Rouergue et inaugura la campagne, dans les premiers jours de janvier, par la prise de la Roque-Valsergue. Pendant ce temps, le comte d’Armagnac, secondé par Pierre Raymond de Rabastens, sénéchal de Toulouse, que le duc d’Anjou lui avait adjoint (Ordonn., VI, 500 et 501), se chargeait surtout des négociations avec les principales villes (Ordonn., V, 702 à 707; Arch. Nat., JJ 100, no 881).
[174] Par acte daté de Toulouse en février 1369, Louis, duc d’Anjou, donna à Roger de Beaufort, chevalier et seigneur de Beaufort, les lieux de Montfaucon (Lot, arr. Gourdon, c. Bastide) et «de Avaro», en la sénéchaussée de Quercy (Arch. Nat., JJ 100, no 303).
[175] Cet archevêque s’appelait Geoffroi de Vayroles. Le 5 juin 1369, il fut gratifié par Charles V d’une somme de 800 livres d’or (Gall. Christ., XIII, 41); et la même année, Louis, duc d’Anjou, constituait une rente annuelle et perpétuelle de 1000 livres au profit de Gauselm de Vayroles, seigneur de Lalbenque (Lot, arr. Cahors), frère de l’archevêque de Toulouse (Arch. Nat., JJ 102, no 111). Dès le mercredi 31 janvier 1369, le duc d’Anjou avait envoyé ce chevalier, qualifié sénéchal du Quercy, avec cent hommes d’armes, prendre le gouvernement du Périgord et du Quercy et traiter avec les habitants de ces deux provinces. Gauselm était de retour à Toulouse le 3 juillet suivant, jour où il donna quittance de 400 francs d’or pour ses gages en la présente guerre de Gascogne (Bibl. de l’École des Chartes, XV, 199). Du reste, l’évêque de Cahors était alors Begon de Castelnau; et ce n’est pas l’évêque, comme Froissart le dit sans doute par confusion (p. 124), c’est le sénéchal de cette ville et du Quercy, qui était le frère de Geoffroi de Vayroles archevêque de Toulouse. Sauf cette erreur, l’assertion de Froissart, relative aux services exceptionnels rendus par l’archevêque de Toulouse et par son frère, est confirmée d’une manière éclatante par un acte authentique, daté de Paris en avril 1371, où Charles V, ratifiant la donation de 1000 livres tournois de rente faite à Gauselm de Vayroles par le duc d’Anjou son frère, ainsi que l’assignation de cette rente sur un certain nombre de seigneuries du Quercy et de l’Albigeois, motive cette faveur dans les termes suivants: «considerantes et ad memoriam reducentes omnia et singula premissa et laudabilia et utilia servicia que Goffredus, archiepiscopus Tolosanus, Gauselmi de Vairoliis germanus, et miles predictus ac eorum antecessores ab antiquis temporibus nobis et predecessoribus nostris regibus Francie, ut predicitur, fideliter impenderunt, et quod eadem civitas Caturcensis et multa alia fortalicia, ville et loca solempnia ducatus Aquitanie per ipsorum archiepiscopi et militis diligenciam atque penam, et mediantibus tractatibus per ipsos factis, ad nostram subjeccionem et obedienciam, ut dictum est, devenerunt, pro quibus faciendis et eciam prosequendis et pro expensis per eumdem Gauselmum factis eidem tenemur in summa viginti mille francorum auri, de qua summa eidem militi satisfaccionem legitimam facere tenemur, prout per litteras ipsius germani nostri (Louis, duc d’Anjou, lieutenant en Languedoc) nobis directas fuimus certiorati et debite informati.» Arch. Nat., JJ 102, no 91. Cf. JJ 100, no 878, et JJ 102, no 281.
[176] Cahors avait déjà secoué le joug anglais le 15 janvier 1369, quoique son acte d’appel ne soit que du 3 février suivant (Ordonn., VI, 500 et 501; Bibl. de l’École des Chartes, XII, 105, note 1, art. de M. Léon Lacabane). Dans un acte daté de Toulouse le 7 février 1369 (n. st.), contenant une donation faite à Marquès de Cardaillac, seigneur de Cardaillac et de Montbrun, Louis, duc d’Anjou, reconnaît que «revera tota patria Caturcensis erga dominum meum et nos, inter omnes Aquitanenses partes, ultro se monstravit magis prompta.» Arch. Nat., JJ 100, no 648.
[177] Lot, arr. et c. Figeac. A la date du 18 mars 1369, Capdenac et Figeac avaient fait leur soumission au roi de France.
[178] Ce chiffre de soixante, donné par Froissart, est fort au-dessous de la vérité. Aussitôt que les lettres de citation de Charles V eurent été signifiées à Bordeaux au prince de Galles à la fin de 1368 ou dans les premiers jours de 1369, le mouvement insurrectionnel contre les Anglais se propagea avec une telle rapidité que, dès le 18 mars suivant, 921 villes, châteaux et lieux forts, tant des comtés d’Armagnac, de Rodez et de la vicomté de Lomagne que du Quercy et de l’Agenais, avaient adhéré à l’appel au roi de France et avaient protesté ainsi, au moins indirectement, contre la domination anglaise. Un rôle, conservé aux Archives Nationales (J 655, no 18), donne les noms de ces 921 localités.
[179] Guillaume de Dormans, chancelier du duché de Normandie, puis du Dauphiné, succéda le 21 février 1372, comme chancelier de France, à son frère Jean de Dormans, cardinal, évêque de Beauvais, et mourut le 11 juillet 1373.
[180] Charles V était trop sincèrement religieux pour ne pas convier ses sujets à des prières publiques au début d’une entreprise dont nul ne mesurait mieux que lui les difficultés; mais en même temps il empruntait à son adversaire une de ses ordonnances les plus sages, une de celles qui avaient le plus contribué à préparer les victoires de Crécy et de Poitiers. Le 3 avril 1369, défense était faite par tout le royaume de jouer aux dés, aux tables ou dames, à la paume, aux quilles, au palet, à la soule, à la bille, sous peine d’une amende de quarante sous. Le roi enjoignait à ses sujets, par la même ordonnance, «d’eulz exercer et habiliter en fait de trait d’arc ou d’arbalestres, ès biaux lieux et places convenables à ce ès villes et terrouoirs, et facent leurs dons aux mieulx traians et leurs festes et joies pour ce.» Charles V renouvelait cette ordonnance le 23 mai suivant, et allouait le quart de l’amende, soit dix sous, aux sergents qui constateraient le délit et prendraient les délinquants. Ordonn., V, 172 et 173.
[181] Le 3 juin 1369, Édouard III reprit le nom et le titre de roi de France (Rymer, III, 868, 869).
[182] En 1340, Jean de Werchin (aujourd’hui Verchain-Maugré, Nord, arr. et c. Valenciennes), fils de Gérard de Werchin et d’Isabeau d’Antoing, fit hommage à Philippe de Valois de la terre de Fontenay (aujourd’hui Fontenoy, château situé à Houdain, Nord, arr. Avesnes, c. Bavay) que son père avait possédée, et le 11 novembre 1350 le don de cette terre lui fut confirmé par le roi Jean (Arch. Nat., JJ 80, no 134). Le 30 juillet 1366, Charles V lui confia la garde des château et ville de Mortagne (Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux), qu’il promit de garder loyalement et de remettre entre les mains du roi quand il en serait requis (J 400, no 61).
[183] Louis de Châtillon, comte de Blois et de Dunois, seigneur d’Avesnes, fils de Louis de Châtillon et de Jeanne de Hainaut, comtesse de Soissons, dame de Beaumont et de Chimay, mort célibataire en 1372.
[184] Jean de Châtillon, marié à Mathilde de Gueldre en 1372, l’année même où il succéda comme comte de Blois et de Dunois à son frère aîné. Gui de Châtillon, frère cadet de Louis et de Jean, n’est pas nommé, parce qu’en 1369 il guerroyait en Prusse.
[185] Jean III, sire de Barbençon (Belgique, prov. Hainaut, arr. Thuin, c. Beaumont), marié à Yolande de Gavre et mort le 4 septembre 1378.
[186] Guillaume, sire de Ligne (Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Leuze), marié à Berthe de Schleiden. Le 28 février 1374, Jean de Werchin, Jean, sire de Barbençon et Guillaume, sire de Ligne, apposèrent leurs sceaux à Middelburg en Zélande à la ratification du contrat de mariage conclu à Saint-Quentin, le 3 mars de l’année précédente, entre Marie de France, fille de Charles V, et Guillaume, fils aîné d’Aubert de Bavière, gouverneur des comtés de Hainaut, Hollande et Zélande (Arch. Nat., J 412, no 1). Par son mariage avec Jean, sire de Ligne, fils de Guillaume, Eustachie, l’aînée des filles de Jean III, sire de Barbençon, mort sans héritiers mâles, porta la terre de ce nom dans la maison de Ligne.
[187] Wenceslas, duc de Luxembourg, frère puîné de l’empereur Charles IV, marié à Jeanne, duchesse de Brabant et de Limbourg, était l’oncle maternel de Charles V, fils de Bonne de Luxembourg. Sur les relations d’intimité qu’entretenaient alors le roi de France, le duc et la duchesse de Brabant, voyez Pinchart, Études sur l’histoire des arts, Bruxelles, 1855, p. 17, 18, 30.
[188] On ne saurait nier que, sur cette question des dispenses pour mariage, Urbain V n’ait fait preuve d’une véritable partialité en faveur du roi de France. Le mercredi 2 octobre 1364, le pape donnait dispense pour le mariage de Marie de France, fille du roi Jean, avec Henri, duc de Bar, parrain et parent au troisième degré de consanguinité de la dite Marie (Arch. Nat., J 437, no 32); et, le jeudi 30 octobre de l’année suivante, par deux bulles adressées aux archevêques de Cambrai et de Canterbury, il révoquait toutes les dispenses de mariage en termes généraux concédées par Clément VI et Innocent VI aux empereurs, rois, princes, ducs et marquis; et il commandait aux dits archevêques de déclarer à Edmond, fils d’Édouard III, qui avait obtenu pareille dispense pour contracter mariage avec Marguerite, fille de Louis, comte de Flandre, parente aux troisième et quatrième degrés, que la dispense qu’il avait obtenue était révoquée, et que le dit Edmond et la dite Marguerite tomberaient sous le coup des censures, s’ils passaient outre (J 558, nos 6 et 6 bis). Enfin, par une bulle datée de Saint-Pierre de Rome le 3 novembre 1367, Urbain V déclarait Edmond et Marguerite libres de contracter ailleurs mariage et les absolvait du serment qu’ils pouvaient s’être fait mutuellement (J 558, no 7).
[189] Ce mariage, «qui longuement avoit esté traictié», fut passé et accordé le samedi après Pâques (Pâques tomba en 1369 le 1er avril), c’est-à-dire le 7 avril 1369 (Gr. Chron., VI, 271).
[190] A ces deux châtellenies, mentionnées par Froissart, il faut ajouter celle d’Orchies (Nord, arr. Douai).
[191] Ce mariage fut en effet célébré à Gand, le 19 juin 1369, en l’abbaye de Saint-Bavon. Charles V et les communes flamandes eurent soin de prendre leurs sûretés. Le 12 septembre 1368, le roi de France se fit remettre une contre-lettre secrète où le duc de Bourgogne son frère s’engageait à restituer les trois châtellenies de Lille, de Douai et d’Orchies, dès que Louis de Male, comte de Flandre, serait mort; et, le 27 mars 1369, Marguerite de Male dut prêter entre les mains de son père le serment solennel de ne jamais consentir, après son entrée en possession de Lille, de Douai et d’Orchies, à l’aliénation de «ces anciennes parties de la Flandre.» Invent. des Archives de Bruges, Bruges, 1873, II, 155 à 157.
[192] Le rédacteur des Grandes Chroniques dit que le roi de Navarre «vint par la mer en Constantin» au mois de septembre 1369 (Gr. Chron., VI, 318). Ce n’est pas tout à fait exact. Charles le Mauvais arriva à Cherbourg dès le 13 août de cette année, ainsi que l’établit l’article de compte suivant: «A messire Jaques Froissart, clerc de monseigneur (le roi de Navarre), par mandement de monseigneur d’Avranches et de Ferrando d’Ayenz, lieutenanz de monseigneur, donné le VI aoust mil CCCLXX pour despens de ses gens et chevaliers, depuis le XIII aoust mil CCCLXIX que monseigneur vint et arriva dans sa ville de Cherebourg jusqu’au XIII avril mil CCCLXXX, VI sous par jour, IX livres par mois, ce qui fait LXXII livres, franc pour XXXVIII sous pièce, valant L frans, I tiers, III sous.» Bibl. Nat., registre des revenus du roi de Navarre en Normandie, ms. fr. no 10367, fo 136.—Aussitôt après son arrivée à Cherbourg, le roi de Navarre entama des négociations avec Édouard III auprès de qui il dépêcha, «l’an LXIX, à la mi aoust», Jaquet de Rue et Pierre du Tertre. Le 29 août 1369, Édouard III octroya des lettres de sauf-conduit à Baudouin de Beaulo, chevalier, à Sanche Lopez, huissier d’armes, à Pierre du Tertre, secrétaire du roi de Navarre, à Guillaume Dordan, bailli du Cotentin pour Charles le Mauvais, envoyés par le dit roi en Angleterre, «pro quibusdam negotiis et tractatibus nos et præfatum regem Navarræ tangentibus.» Rymer, III, 879.—A la mi-juin de l’année suivante, Pierre du Tertre et Guillaume Dordan étaient encore en Angleterre où ils se firent délivrer des passe-ports pour se rendre en Navarre (Rymer, édit. de 1740, III, 170). Mais c’est seulement dans le courant du mois d’août 1370 que Charles le Mauvais passa la mer en personne et reçut l’hospitalité au manoir de Clarendon où résidait alors le roi d’Angleterre (Rymer, III, 899). C’est alors que les deux rois arrêtèrent les bases d’un traité d’alliance en vertu duquel Édouard promettait à Charles la Champagne, la Bourgogne et le Limousin. Le prince de Galles, qui reprit Limoges le 19 septembre suivant, s’étant opposé à la cession de cette dernière province, le traité de Clarendon resta non avenu: ce qui décida le Navarrais à traiter avec Charles V.
[193] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer. Cette bastide d’Ardres était une sorte de poste avancé qui gardait les approches de Calais. Le 1er décembre 1369, une convention ou, pour employer le terme de la chancellerie anglaise, une endenture fut conclue à Calais entre Jean, duc de Lancastre, sénéchal d’Angleterre, lieutenant en ces parties de France, et Jean, sire de Gommegnies. En vertu de cette convention, le seigneur de Gommegnies fut institué capitaine d’Ardres avec une garnison de 100 hommes d’armes, à savoir lui chevalier banneret, 10 chevaliers bacheliers, 89 écuyers et 200 archers (Rymer, III, 882). Ce texte prouve que l’homme d’armes, tel que l’entendaient les Anglais en 1369, comprenait 3 personnes, 1 chevalier ou 1 écuyer et 2 archers. On remarquera aussi la part prise à cette démonstration militaire par Jean de Werchin, le chef du parti français en Hainaut, et par suite l’ennemi personnel du seigneur de Gommegnies, qui, non content de servir Édouard III, faisait de la propagande dans son pays en faveur de l’alliance anglaise.
[194] Cette prise de Réalville par les Français et la participation du comte de Périgord et de son frère Taleyrand à ce fait de guerre sont rappelées dans un acte, daté de Paris le 27 juillet 1371, par lequel Charles V donne à Pierre de Campagnac, chevalier, frère de maître Bertrand de Campagnac, en considération de services rendus en la compagnie de nos féaux cousins le comte de Périgord et Taleyrand de Périgord, 100 livres tournois de rente confisquées sur Evrard de la Roche, chevalier, assises à Réalville et à nous advenues depuis que «dicta Regalis Villa vi armorum per gentes nostras capta fuit.» Arch. Nat., JJ 102, no 305.—L’occupation de Réalville avait été précédée de la soumission d’une bourgade voisine, de Caussade, en latin Calciata, soumission qui en avril 1369 était un fait accompli (JJ 100, no 768).
[195] Le 24 juin 1369, Thomas de Wetenhale, «se dicens senescallum Ruthenensem», assiégeait la tour de Valady (Aveyron, arr. Rodez, c. Marcillac), sur le sommet de laquelle les habitants, vassaux du vicomte de Murat, avaient arboré une bannière aux armes de France (Arch. Nat., JJ 100, no 830).
[196] Froissart prétend que Thomas de Wetenhale tint Millau plus d’un an et demi et ne rendit cette place qu’à du Guesclin. Lorsqu’à la fin de mai 1370, Millau ouvrit ses portes au duc d’Anjou et au roi de France à la suite de négociations qui duraient depuis le 5 décembre de l’année précédente (Arch. Nat., JJ 100, nos 761, 727 et 797), il y avait plus de huit mois que le sénéchal anglais du Rouergue était mort; il avait succombé aux blessures reçues au combat de Montlaur vers le milieu du mois de septembre 1369. Le chroniqueur de Valenciennes paraît avoir confondu Thomas de Wetenhale, sénéchal du Rouergue, avec Thomas de Walkefare, sénéchal anglais du Quercy, dont un fief, appelé en latin «Naotavernas» et situé près de Cahors, fut confisqué en janvier 1370 (n. st.) au profit de Gauselm de Vayroles, sénéchal français de la même province (Arch. Nat., JJ 108, no 183). Nous ne savons si Thomas de Walkefare contribua à retenir Millau sous la domination anglaise pendant les premiers mois de 1370; le sénéchal anglais du Quercy fut pendu sur un échafaud à Toulouse, au mois de septembre de cette année, par ordre du duc d’Anjou (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 346).
[197] Le lieu fort, appelé par Froissart «Vauclère» et situé en Rouergue, doit certainement être identifié avec la Roque-Valsergue (Aveyron, arr. Millau, c. Campagnac), château qui était au moyen âge le chef-lieu d’une des quatre grandes châtellenies du Rouergue. En 1368, Guillaume Pevret, châtelain anglais de la Roque-Valsergue, avait été tué par un écuyer du pays, nommé Bernard Broissin (Arch. Nat., JJ 100, no 827). Ce fut la première place de cette sénéchaussée dont les Français s’emparèrent dans les premiers jours du mois de janvier 1369, au début de la campagne contre les Anglais. Jean d’Armagnac, fils du comte de Rodez, à qui le duc de Berry, campé en Auvergne, avait confié un détachement de ses troupes, après avoir traversé le Gévaudan, vint mettre le siége devant la Roque-Valsergue, et livra plusieurs assauts à cette forteresse. Au dernier de ces assauts, le capitaine de la garnison anglaise fut tué et la place emportée. Amauri de Narbonne, qui avait pris part à ce fait d’armes, en transmit aussitôt la nouvelle à Rodez. Mais Thomas de Wetenhale, qui se trouvait alors à Villefranche avec Diego Massi, châtelain de Millau, était resté étranger, quoi qu’en dise Froissart, à la courageuse résistance de la garnison de la Roque-Valsergue.
[198] Vienne, arr. Châtellerault, c. Pleumartin. La Roche-Posay est sur la rive gauche de la Creuse, au confluent de cette rivière avec la Gartempe, à la limite du Poitou au sud-ouest, du Berry au sud-est et de la Touraine au nord. Cette forteresse commandait la route, ancienne voie romaine, qui mettait en communication, de temps immémorial, Poitiers et Tours. Occupée, peu après 1356, par le Basquin du Poncet, elle avait servi de base d’opérations à ce chef de bande dans toutes ses entreprises contre la Touraine, dans ses pointes sur Cormery et sur Véretz. Témoin vénérable de cette période de luttes, l’église actuelle, dont la construction remonte au quatorzième siècle, a conservé des restes de fortifications. A la date du 11 mai 1369, la Roche-Posay était encore au pouvoir des Anglais, ce dont Charles V se plaignait en ces termes dans une sorte de memorandum diplomatique adressé à Édouard III, et où le roi de France énumère tous ses griefs contre son adversaire d’Angleterre: «Item, que aucunes des forteresses ne furent oncques delivrées; ainsois ont toujours esté occupées et encores sont par le dit roy d’Angleterre ou par ses subgiés ou aliés, c’est assavoir la Roche de Posay.» Gr. Chron., VI, 296 et 297.—D’un autre côté, Charles V, par acte daté de Paris en août 1369, donna les biens confisqués de Jean de Surgères, chevalier, seigneur d’Azay-sur-Cher, et de Guillaume du Plessis, chevalier, partisans des Anglais, à Jean de Besdon, «qui nous a servi en noz guerres, et par especial à prendre la Roche de Posay où il est continuelment.» Arch. Nat., JJ 100, no 91.—D’où l’on peut conclure que la prise de la Roche-Posay par les Français eut lieu entre le 11 mai et le mois d’août 1369, vers le milieu de cette année.
[199] Dès le 12 septembre 1369, par acte daté de Sainte-Catherine sur Rouen, Charles V assigna à son amé et féal huissier d’armes Jean de Kerlouet 4500 francs d’or à payer chaque année en quatre termes pour la garde des châteaux et ville de la Roche-Posay, et il confirma cette donation à Paris le 18 septembre (Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 434). Les environs de la Roche-Posay eurent beaucoup à souffrir du voisinage de la garnison de cette forteresse, comme le prouvent des lettres de rémission délivrées en mars 1379 (n. st.) à Jean Faugereux, de Saint-Savin en Poitou (auj. Saint-Savin-sur-Gartempe, Vienne, arr. Montmorillon), «comme pour le temps que feu Karalouet tenoit le fort de la Roche de Ponzay, ouquel temps le prince de Galles nostre ennemi occupoit le pays de Poitou, pour lequel fort advitailler et garder, comme il feust assiz en frontière d’ennemis, il estoit de necessité le dit suppliant et ses compaignons, pour la garnison du dit fort, aler et chevauchier en fourrage, querir et avoir des vivres en plusieurs et divers lieux loing du dit fort, mesmement que le dit pays de Poitou environ ycellui fort estoit lors gasté et destruit et comme tout desimé de vivres et autres biens par le fait et occasion de noz guerres. Et, en chevauchant par le dit pays de Poitou querant des diz vivres, prindrent douze beufs lesquelz leur furent ostez en la ville d’Escuillé en Touraine (auj. Écueillé, Indre, arr. Châteauroux). En laquelle ville, pour cause des diz beufs à eulz ainsi ostez il prindrent par manière de marque douze personnes, que hommes, que femmes, et par force les menèrent ou dit fort et les firent composer à eulz à la somme de cent francs d’or. Et avecques ce chevauchèrent par plusieurs foiz en la terre du seigneur de Prully (auj. Preuilly, Indre-et-Loire, arr. Loches) et de plusieurs autres noz subgiez ou dit pays et environ, en prenant toutes manières de vivres....» Arch. Nat., JJ 114, no 204.
[200] Guichard d’Angle avait été créé maréchal d’Aquitaine par le prince de Galles. Par acte daté de son hôtel Saint-Pol le 19 février 1371 (n. st.), Charles V donna à Geffroi de la Celle, chevalier, 60 livres tournois de terre en Touraine sur les biens confisqués de Guichard d’Angle, «chevalier, rebelle.» Arch. Nat., JJ 102, no 182.
[201] Par acte daté de Paris en novembre 1369, Charles V donna à Jean VI, comte de Harcourt, comme assiette des 2000 livres de terre assignées en dot à sa belle-sœur, Catherine de Bourbon, comtesse de Harcourt, le château de Mazères (auj. Mézières-en-Brenne, Indre, arr. le Blanc), avec l’Isle-Savary (auj. commune de Clion, Indre, arr. Châteauroux, c. Châtillon-sur-Indre), confisqué sur Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, oncle du dit comte, ainsi que la ville et forteresse de Saint-Christophe en Touraine (auj. Saint-Christophe-sur-le-Nais, Indre-et-Loire, arr. Tours, c. Neuvy-le-Roy), confisquée sur Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay, «noz desobeissanz et rebelles et qui tiennent contre nous la partie de nos ennemis.» Arch. Nat., JJ 100, no 552.—Le dernier avril 1371, Charles V gratifia Louis de Maillé, chevalier, du fort du «Peu Milleron, sis ès frontières de Guienne, qu’il a pris n’a gaires et mis en nostre obeissance», confisqué sur Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, «nostre ennemi et rebelle.» JJ 102, no 259.
[202] Outre la confiscation de Rugny et de la Fougereuse rapportée plus haut (p. LV, note 168) et celle de Saint-Christophe dont il est question dans la note précédente, Charles V confisqua, en novembre 1369, sur Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay, les château et ville de Semblançay (Indre-et-Loire, arr. Tours, c. Neuillé-Pont-Pierre) et les donna à son très-cher et amé frère le comte de Harcourt. JJ 100, no 551.
[203] Les ruines du château des Brosses se voient encore dans la commune de Chaillac, Indre, arr. du Blanc, c. de Saint-Benoît-du-Sault. Par acte daté de Paris le 13 décembre 1369, Charles V donna à Gui, sire de Chauvigny et de Châteauroux, vicomte de Broce, chevalier, 500 livrées de terre, pour le dédommager de la perte de son château de la Broce en Poitou, «que les ennemis tiennent», évalué avec ses appartenances à 4000 livrées de terre. Arch. Nat., JJ 100, no 470.—Il y a aussi un château de la Brosse dans la commune de Thollet (Vienne, arr. Montmorillon, c. la Trimouille), qui est, comme le premier, un vestige de l’ancienne vicomté de Brosses.
[204] Louis, vicomte de Rochechouart, fils de Jean, 1er du nom, tué à la bataille de Poitiers, et de Jeanne de Sully, dame de Corbeffy, frère de Jean de Rochechouart, archevêque de Bourges (Anselme, Hist. généal., IV, 653; Gall. Christ., I, 580). Par acte daté de Paris en juin 1369, Charles V assigna à son amé et féal cousin Louis, vicomte de Rochechouart, 2000 livres de rente assises sur les château et châtellenie de Rochefort sur Charente, au diocèse de Saintes, et au besoin sur l’île d’Oléron au dit diocèse. Arch. Nat., JJ 100, no 137.
[205] Sur ce titre de sénéchal du Poitou donné par Froissart à James d’Audeley, voyez plus bas, p. LXXIV, note 226.
[206] Jean Harpedenne, chevalier anglais, s’intitule «seneschal de Xaintonge», châtelain et capitaine de Fontenay-le-Comte, dans un acte daté de Niort le 27 novembre 1369 (Fillon, Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, Fontenay, 1856, p. 30 et 31). D’un autre côté, Baudouin de Fréville est déjà mentionné comme sénéchal du Poitou dans une obligation souscrite à Burgos par don Pèdre le 2 mai 1367 (voyez plus haut, p. XIX, note 65). D’où il y a lieu de conclure qu’en 1369 Baudouin de Fréville n’était plus depuis longtemps sénéchal de Saintonge.
[207] Dès son avénement, Jean IV, duc de Bretagne, avait donné à Robert Knolles les terres de Derval et de Rougé (Loire-Inférieure, arr. Châteaubriant) et en outre 2000 livres de rente sur la terre de Conq (auj. Beuzec-Conq, Finistère, arr. Quimper, c. Concarneau). Arch. dép. de la Loire-Inférieure, E 154, cassette 59; Invent., p. 60.—Cette dernière donation nous explique pourquoi Knolles, voulant se rendre par mer de Bretagne à Angoulême, s’embarqua, comme Froissart a soin de nous le dire (p. 140), au port de Conq.
[208] Dans une lettre datée de Castelmus le 22 janvier 1369 et adressée par Jean de Levezou, seigneur de Castelmus, aux consuls de Millau, on lit que presque tous les gentilshommes de l’Agenais avaient embrassé le parti français et que la ville d’Agen elle-même était dès lors entrée en pourparlers avec le duc d’Anjou pour se faire française: «E may novel que totz los gentils homes d’Ajanez so Frances, fora d’un; e Agen que es en cert patu am lo duc (d’Anjou) de far Frances.» Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 137.—Quoi qu’il en soit, Agen ne se soumit d’une manière définitive qu’au commencement de l’année suivante, et le séjour que fit alors le duc d’Anjou dans cette ville, dont il voulait en quelque sorte prendre possession et dont il confirma les priviléges, est du mois de février 1370 (Ordonn., XV, 636).
[209] Par acte daté de Toulouse le 1er mai 1369, Louis, duc d’Anjou, prit au service du roi de France Berard d’Albret, chevalier, capitaine de Lavardac (Lot-et-Garonne, arr. Nérac), de Durance (arr. Nérac, c. Houeilles) et de Feugarolles (arr. Nérac, c. Lavardac), lui et 25 hommes d’armes, pour la garde des dites places, aux gages de 15 francs par mois pour chaque homme d’armes (Bibl. Nat., Titres originaux, XXIV, no 12). Troisième fils de Bernard Ezy, sire d’Albret et de Mathe d’Armagnac, par conséquent frère cadet d’Arnaud Amanieu, sire d’Albret, marié le 8 mai de l’année précédente à Marguerite de Bourbon, Berard d’Albret était aussi seigneur de Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande) par son mariage avec Hélène de Caumont. Il est possible que Bertucat d’Albret, après avoir promis de se rallier au parti français en même temps que Berard d’Albret, c’est-à-dire dans les premiers jours de mai 1369, ait ensuite manqué à sa parole, comme le raconte Froissart, sur les instances de Robert Knolles. Quoi qu’il en soit, c’est seulement pendant la première moitié de 1370 que Bertucat d’Albret se rallia effectivement au parti français. Au mois d’août de cette année, Charles V donna à perpétuité à l’avide partisan, en récompense de ses services en ces présentes guerres, Bergerac, Lalinde, Castillonnès, Beaumont-du-Périgord et quatre autres petites places encore occupées par les Anglais. Arch. Nat., JJ 100, no 645.—Le roi de France donnait, comme on le voit, ce qu’il n’avait pas. Bertucat n’était pas homme à se payer d’une telle monnaie; aussi ne tarda-t-il pas à se remettre avec les Anglais au nom desquels lui et Bernard de la Salle surprirent Figeac le 14 octobre 1372 (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, V, 351).—Quoique Froissart, dans le manuscrit d’Amiens (p. 340), ait rangé Garcia du Castel parmi les chefs de Compagnies qui se rallièrent dès le commencement de 1369 au parti français, il y a lieu de croire que Garcia quitta le service du prince d’Aquitaine à peu près à la même date que Bertucat, mais il fut plus fidèle que ce dernier à la nouvelle cause qu’il avait embrassée. Garcia du Castel, comme son prénom l’indique clairement, appartenait à la région pyrénéenne. D’ailleurs, dans le troisième livre des Chroniques (Buchon, édit. du Panthéon, II, 383), Espaing ou Espan du Leu (fief situé à Oraas, Basses-Pyrénées, arr. Orthez, c. Sauveterre), chevauchant en compagnie de Froissart sur la route de Lourdes, constate formellement cette origine: «messire Garcis du Chastel, un moult sage homme et vaillant chevalier de ce pays ici et bon françois.» On est donc un peu surpris de voir rattacher Garcia du Castel à la famille exclusivement bretonne et léonaise de Tannegui du Chastel: «Garsis du Chastel était le cinquième fils de Tannegui du Chastel et de Tiphaine de Plusquellec.» Œuvres de Froissart, XX, 549, au mot Chastel.—Il faut avouer que, si l’on n’avait lu ce qui précède, on se laisserait prendre à tant d’assurance et de précision généalogique.
[210] Lot, arr. Cahors, c. Puy-l’Évêque, sur la rive droite du Lot. Le prieuré de Duravel dépendait de l’abbaye de Moissac (Longnon, Pouillé du diocèse de Cahors, Paris, 1877, p. 87 et 88). Ce siége de Duravel doit être antérieur au 11 mai 1369, jour où le duc d’Anjou infligea le dernier supplice à cinq chefs de Compagnies, inculpés de trahison, dont quatre, Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Noli Pavalhon et Bosonet de Pau, après avoir été longtemps à la solde du roi d’Angleterre, avaient été enrôlés par Bertrand du Guesclin dès la fin de février 1368 pour faire le siége de Tarascon. Lorsque Froissart parle de l’adhésion passagère au parti français, puis de la défection de Bertucat d’Albret, il confond peut-être le rôle de ce dernier avec celui de quatre routiers qui avaient été longtemps ses compagnons d’armes. Quoi qu’il en soit, le duc fit noyer dans la Garonne Perrin de Savoie et le Petit Meschin et écarteler Amanieu de Lartigue, Noli Pavalhon et Bosonet de Pau: «En l’an MCCCLXIX, a XI de may, lo dich mossenhor lo duc d’Anjo fes neguar a Tholosa los sobredits Perrin de Savoya e Petit Mesquin, e fes scapsar e scartayrar Ameinen (lisez: Ameineu) de Lartigua e Noli Pavalhon e Boulhomet (on lit ailleurs: Bosoniet) de Pau, capitanis de las dichas companhas, per so car avian conspirada tracion contra lo dich mossenhor lo duc de redre el prizonier als Angles o d’aucir luy.» Thalamus parvus, p. 383 et 384.
[211] La reddition de cette ville à Jean Chandos, s’il fallait ajouter foi au récit de Froissart, donnerait lieu de ranger Moissac parmi les places qui avaient secoué le joug anglais dès les premiers mois de 1369, puisque, suivant le chroniqueur, il n’y avait nul gentilhomme, et que les habitants livrés à eux-mêmes n’en essayèrent pas moins de résister aux Anglais. Il est vrai que, dès le mois de septembre 1367, Castelsarrasin, qui est à peu de distance au sud de Moissac, avait une garnison française assez forte, dont Olivier de Mauny était capitaine (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 335). Quoi qu’il en soit, Moissac ne se rendit définitivement au duc d’Anjou que le 23 juillet 1370 (Thalamus parvus, p. 384). L’identification du «Montsach» de Froissart avec Monsac (Dordogne, arr. Bergerac, c. Beaumont), qui se présente au premier abord, ne serait admissible que si le chroniqueur faisait jouer à un détachement de la garnison anglaise de Bergerac, envoyé contre Duravel, le rôle qu’il prête dans cette affaire à Jean Chandos, capitaine de Montauban. D’ailleurs, le prieuré de Duravel dépendait, comme nous l’avons dit plus haut, de l’abbaye de Moissac. Fredol de Lautrec, qui gouvernait alors cette abbaye et qui appartenait à une famille très-attachée au parti français, fut peut-être accusé d’une certaine connivence dans cette occupation d’un de ses prieurés par des gens d’armes à la solde du duc d’Anjou, et l’on ne saurait par conséquent s’étonner de voir le siége de Moissac coïncider avec celui de Duravel.
[212] Dordogne, arr. Sarlat, sur la rive gauche de la Dordogne, au nord de Duravel et un peu au sud de Sarlat.
[213] Lot, arr. Gourdon, à l’est de Domme.
[214] Lot, arr. et c. Figeac, un peu au nord-ouest de Figeac.
[215] Lot, arr. Gourdon, c. Gramat, le plus célèbre pèlerinage du Quercy et l’un des plus fréquentés du midi de la France au moyen âge.
[216] Froissart semble s’être embrouillé au milieu des nombreux Villefranche que l’on trouve sur les bords de la Garonne et de ses affluents. Après avoir placé d’abord en Toulousain (p. 149) le Villefranche occupé dans cette campagne par les Anglais, il le transporte ensuite en Agenais, sur les marches du Toulousain (p. 150). Si l’on ne se place qu’au point de vue stratégique, on peut hésiter entre Villefranche-de-Belvès (Dordogne, arr. Sarlat) et Villefranche-d’Albigeois (Tarn, arr. Albi), car si Villefranche-de-Rouergue, qui se trouve également dans la région où opérait alors Chandos (auj. chef-lieu d’arr. de l’Aveyron), avait reconnu la souveraineté de Charles V dès le commencement de mars 1369, on ne voit pas que cette place soit retombée à aucun moment pendant le cours de cette année au pouvoir des Anglais.
[217] Jean de Montagu, neveu, dit ailleurs Froissart (p. 219), de Guillaume de Montagu, comte de Salisbury, dont il devait plus tard recueillir la succession et porter le titre. Le 11 juin 1369, Édouard III fit délivrer des sauf-conduits à Jean «Mountagu, chivaler», et à Guillaume «Mountagu», écuyer, qui allaient passer la mer pour prendre part à la chevauchée de Jean, duc de Lancastre (Rymer, 111, 870).
[218] Raymond de Montaut, seigneur de Mussidan, l’un des chefs du parti anglais en Périgord, détenait encore à la fin de 1369 la châtellenie d’Aubeterre (Charente, arr. Barbezieux). Par acte daté de Toulouse au mois de novembre de cette année, Louis, duc d’Anjou, donna à Hélie de Labatut, fils et héritier de maître Pierre de Labatut, secrétaire du roi, 200 livres tournois sur les revenus de certaines paroisses de la châtellenie d’Aubeterre confisqués «per ipsius Edouardi et domini de Muscidano et aliorum sibi adherencium rebellionem.» Arch. Nat., JJ 100, no 764.
[219] Auj. château ruiné situé près de Bagneux (Allier, arr. et c. Moulins, sur la rive droite de l’Allier, entre cette rivière et la forêt de Bagnolet), à 15 kilomètres au nord de Moulins. La prise de Belleperche par les Compagnies anglaises, certainement antérieure au 10 novembre 1369 (Arch. Nat., sect. adm., P 13782, no 30982), eut lieu probablement pendant la première quinzaine du mois d’août précédent. Nous inclinons à croire comme M. Chazaud (La chronique du bon duc Loys de Bourbon, Paris, 1876, p. 352) que la duchesse douairière de Bourbon était déjà prisonnière des Compagnies lorsqu’elle adressa, le 18 août 1369, à ses receveurs de Murat, Chantelle et Chaveroche, l’ordre de délivrer à son conseiller Jean Saulnier diverses quantités de seigle et d’avoine jusqu’à concurrence de 530 francs d’or qu’elle lui avait empruntés (P 13782, no 30981).
[220] Indre, arr. la Châtre, sur la rive droite de l’Indre supérieure, près des confins du Berry et de la Marche. Les Compagnies anglaises occupaient encore le château de Sainte-Sévère à la fin de 1371, «lequel tenoient et tiennent encore les Anglois», lit-on dans un acte daté du mois de septembre de cette année. Arch. Nat., JJ 102, no 371.
[221] Le 20 juin 1368, Jean de Mauquenchy, dit Mouton, sire de Blainville (Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Buchy), et Louis de Sancerre furent nommés maréchaux de France, aux gages de 2000 francs d’or par an, le premier en remplacement de Jean le Meingre, dit Boucicaut, mort à Dijon le 15 mars précédent; le second par suite de la démission d’Arnoul, sire d’Audrehem, institué gardien de l’oriflamme (Anselme, Hist. généal. VI, 754 et 756; Gr. Chron. VI, 253).
[222] Le dimanche 15 juillet 1369, Charles V partit de Paris et se rendit en Normandie pour surveiller lui-même ces préparatifs maritimes (Gr. Chron., VI, 317, 318); il passa à Rouen ou dans les environs les mois de juillet, d’août et les 20 premiers jours de septembre de cette année. Nous avons les instructions qui furent données le samedi 14 juillet à Pierre de Soissons, clerc de la présente armée de la mer. Toutes les dépenses étaient à la charge du roi qui se réservait la moitié des prises (Arch. Nat., P 2294, fo 740). L’Aragonais François de Périllos (auj. village des Pyrénées-Orientales, arr. Perpignan, c. Rivesaltes), amiral de la mer depuis le commencement de juin 1368, avait été mis à la tête de l’expédition en vue de laquelle Jean des Portes, dit Benedicite, haubergier du roi, Gilles Evrard, clerc de l’échansonnerie, Étienne Castel, armurier, étaient allés faire de grands achats d’armes, de fers de glaive et de harnois en Flandre, en Allemagne et en Brabant (Arch. Nat., JJ 102, no 240). Ce projet d’une invasion en Angleterre avait peut-être été provoqué par une descente que les ennemis avaient faite dans les premiers jours de juillet à Saint-Denis au Chef de Caux (auj. section de Sainte-Adresse, Seine-Inférieure, arr. et c. le Havre), où, non contents d’avoir saccagé l’église et le cimetière bâtis sur le sommet d’une falaise au bord de la mer, d’avoir violé les tombeaux, enlevé les calices et les autres ornements servant au culte, ils ne s’étaient retirés qu’après avoir fait de cette église un monceau de ruines et avoir passé une partie des habitants au fil de l’épée (JJ 100, no 240). Le débarquement du duc de Lancastre à Calais, dans les premiers jours d’août, fit ajourner ce projet d’une invasion en Angleterre, qui ne fut repris dans de moindres proportions par Owen de Galles qu’au mois de décembre suivant. Toutefois, la flotte que le roi de France avait rassemblée à si grands frais, parut en vue des côtes d’Angleterre, où elle alla brûler Portsmouth au commencement du mois de septembre suivant: «cum dicta villa (de Portsmouth) per inimicos nostros de Francia combusta existat», lit-on dans un mandement d’Édouard III en date du 29 septembre 1369. Rymer, III, 880.
[223] Le débarquement de Jean, duc de Lancastre, à Calais eut lieu dans les premiers jours d’août 1369.
[224] C’est au commencement du mois de juillet 1369 que les Anglais mirent le siége devant la Roche-sur-Yon, et cette forteresse se rendit dans les premiers jours d’août. Le 29 juillet 1369, Charles V avait mandé à Guillaume du Merle, chevalier, d’amener autant de gens d’armes qu’il pourrait à Amauri, sire de Craon, «sur esparance d’aler lever le siege que nos ennemis avoient mis devant la Roche sur Yon; et avant que il y peussent estre, il avoit esté pris par les dis ennemis.» Delisle, Mandements, p. 332 et 333.—Le 16 août suivant, Amauri, sire de Craon, était à Baugé, où il manda à Jean le Mercier, trésorier des guerres, de payer les gages d’un certain nombre de gens d’armes (Pierre de Craon, son oncle, Pierre, sire de Mathefelon, Amauri de Clisson, Gui de Laval, Jean de Kerlouet, Alain de Taillecol, dit l’Abbé de Malepaye), «comme le roy, nostre sire, nous eust mandé que nous assemblissions le plus de gens d’armes que nous pourrions pour aller lever le siege que nos ennemis avoient mis devant le chastel de la Roche sur Yon, et il soit ainsi que, avant que les dites gens d’armes fussent assemblés, le dit chastel s’estoit rendu; et avecques ce nous avoit mandé que, ou cas que nous ne pourrions lever le dit siege, que nous allissions en la compagnie de monseigneur le duc de Bretagne pour combattre les Anglois qui se sont partis de Chastieau Gontier....» Nous voyons par un autre mandement, daté de la Suze-sur-Sarthe, le 8 septembre, que le seigneur de Craon donna la chasse à ces Anglais qui, après leur départ de Château-Gontier, avaient pénétré en Bretagne et les poursuivit jusqu’à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, 1, 1632 à 1634.
[225] Froissart, en appelant ce chevalier Jean Blondeau, peut-être pour Belonneau, diminutif poitevin et angevin de Belon, a posé une énigme qui est restée jusqu’à présent insoluble pour tous les historiens du Poitou. Un de ces heureux hasards qui consolent l’érudit de l’aridité de ses recherches, nous a mis en mesure de deviner cette énigme. Le traître qui livra pour de l’argent la Roche-sur-Yon aux Anglais, s’appelait en réalité Jean Belon, et il était originaire de l’Anjou, peut-être même d’Angers, où il avait une maison au tertre Saint-Laurent. Par acte daté de Jumiéges, le 24 août 1369, Charles V confisqua cette maison et la donna à un clerc, nommé Jean de la Barre, «comme Jehan Belon, chevalier, n’a gaires capitaine du chastel de la Roche sur Yon, ait vendu et delivré faussement auz ennemis et de nostre royaume le dit chastel, et ait tenu et encore tiengne la partie de noz dis ennemis contre nous et nostre dit royaume.» Arch. Nat., JJ 100, no 298, fo 87 vo.—Le 12 janvier suivant, Jean Belon était prisonnier à Angers, et Charles V chargea, par un mandement rendu à cette date, Pierre d’Avoir, seigneur de Châteaufromont, chevalier, l’un de ses chambellans et des chambellans du duc d’Anjou, de faire assigner sur les biens confisqués du dit Jean, 200 livres de terre ou de rente à son amé huissier d’armes Guyot Mauvoisin, «comme nous aions entendu que Jehan Belon, chevalier, garde n’a gaires et capitaine de la tour ou chastel et de la ville de la Roche sur Yon, laquelle nostre très chier frère le duc d’Anjou li avoit bailliée, confians de sa loyalté et preudommie, a yceulx chastel et ville bailliez et livrez à noz ennemis, pour prouffit qu’il en a receu d’eulz, pour laquelle chose a esté prins et amené prisonnier à Angers et y est encore detenus, et pour ce, s’il est ainsy, ait commis crime de lèse majesté et trahison envers nous.» JJ 102, no 4.—Un Gascon, nommé Philippot Loubat, qui commandait la garnison anglaise de Talmont (Vendée, arr. les Sables), avait pris sans doute une part importante à la reddition de la Roche-sur-Yon, car James d’Audeley lui fit payer, à cette occasion, 100 livres dans les premiers jours d’août 1369 (voyez la note suivante). L’assertion du chroniqueur, relative à l’exécution de Jean Belon, est aussi confirmée par l’article de compte suivant: «Des hoirs feu Pierre Guedon, par composicion à eulx faite par Jehan Chaperon, escuier, de la voulenté de monseigneur le duc, pour pluseurs biens prins par le dit feu Pierre sur et des biens feu messire Jehan Belon, chevalier, en soy enfuyant de la Roche sur Yon, qui par ses demerites fut après executé, lesquiex biens ainsi prins par le dit Pierre furent estimez à la somme de VIIxx frans. Pour ce par la main de Jehan Chapperon, escuier, cappitaine de Diex Aye, le XXe jour de mars MCCCLXXV.» Arch. Nat., KK 242, fo 4 vo. Cf. fo 19.
[226] Il est établi par des actes authentiques que Thomas Percy était déjà sénéchal du Poitou, le samedi 3 mars 1369 (Bibl. Nat., fonds latin, no 17147, fo 113 vo), et Jean Harpedenne, sénéchal de Saintonge, le 27 novembre de la même année (B. Fillon, Jean Chandos, Fontenay, 1856, p. 30, 31); et l’on voit par un autre acte que ces deux chevaliers remplissaient encore les mêmes fonctions le 25 septembre 1371 (Fillon, Ibid., p. 33, 34). Il est vrai, comme nous le dirons tout à l’heure, que Jean Chandos fut incontestablement sénéchal du Poitou pendant la seconde moitié de 1369; mais, sauf cette interruption, les actes de la première moitié de cette année, et aussi de la fin de 1370, nous montrent Thomas Percy investi de ces fonctions. Thomas est mentionné comme sénéchal du Poitou lorsqu’il assiste, à Poitiers, vers le milieu du mois de novembre 1370, en compagnie de Nicol Dagworth, de Guichard d’Angle et du sire de Parthenay, à un duel qui se livre dans cette ville entre le bour de Caumont et le breton Yves de Launay, de Plounévez-Lochrist en Léon (Bibl. Nat., fonds latin, no 5381, t. II, fo 56). Froissart s’est trompé par conséquent en prêtant à James d’Audeley, en 1369, le titre de sénéchal du Poitou. Après avoir fait appel, pour éclairer et rectifier sur ce point le récit de Froissart, aux érudits qui ont étudié le plus à fond les sources de l’histoire du Poitou, nous avons trouvé, sans le chercher, un acte authentique qui donne la solution du problème. L’acte dont il s’agit est une quittance, en date du 7 août 1369, par laquelle Philippot Loubat, capitaine de Talmont, reconnaît avoir reçu de Regnaut de Vivonne, 100 livres à lui octroyées pour le fait de la Roche-sur-Yon, «par le commandement de James d’Audelee, seigneur d’Oleron, lieutenant en Poitou et Limousin de monseigneur le prince d’Aquitaine et de Galles.» Bibl. Nat., fonds Doat, 197, fo 51.—D’après James, auteur d’une histoire du Prince Noir, qui a adopté une opinion déjà exprimée par le savant généalogiste Dugdale, Froissart se serait trompé grossièrement en rapportant à l’année 1369 la mort de James ou Jacques d’Audeley. Ce chevalier aurait simplement quitté le Poitou à cette date, pour retourner en Angleterre, où Édouard III l’aurait fait comte d’Audeley l’année suivante, et il ne serait mort que le 1er avril 1386. Quoique Froissart, après la mort de Philippa de Hainaut sa bienfaitrice et son retour sur le continent, en 1369, n’ait plus entretenu de relations directes et suivies avec la chevalerie anglaise, le James ou Jacques d’Audeley, mort en 1386, qui institua son légataire un de ses oncles et laissa un héritier, âgé de seize ans seulement, ne serait-il pas le fils de celui dont parle le chroniqueur, et qui fut remplacé, comme chevalier de la Jarretière, par Thomas de Grantson, mort lui-même en 1376? Suivant M. l’abbé Auber, à qui nous sommes redevables d’une monographie consacrée à la cathédrale de Poitiers, le tombeau de James d’Audeley, qui ornait cette cathédrale, aurait été détruit par les protestants en 1562.
[227] Dans un mandement de Jean Harpedenne, chevalier, sénéchal de Saintonge, châtelain et capitaine de Fontenay-le-Comte, daté de Niort, le 27 novembre 1369, Jean Chandos est mentionné comme «connestable d’Acquytayne et seneschal de Poitou.» Fillon, Jean Chandos, p. 30, 31.—Chandos avait dû quitter Montauban avant le 15 juin 1369, date de la soumission de cette ville au duc d’Anjou (Arch. Nat., JJ 100, nos 500, 811). D’un autre côté, c’est après la prise de la Roche-Posay par Jean de Kerlouet, c’est-à-dire vers le mois de juillet de cette année, que les Français commencèrent à menacer sérieusement les frontières du Poitou, et que le prince d’Aquitaine dut éprouver le besoin de leur opposer dans cette région le plus renommé de ses capitaines. On est ainsi amené à placer, avec assez de vraisemblance, l’arrivée de Jean Chandos à Poitiers, et sa nomination comme sénéchal du Poitou, vers le milieu de 1369. Le 1er octobre de cette année, Édouard III confia au célèbre homme de guerre la garde des châteaux de Melle, de Chizé (Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Brioux) et de Civray (Carte, Rôles gascons, p. 157). Dès le 3 août précédent, Charles V, qui se trouvait alors à Rouen, avait confisqué le fief le Roi, sis à Corbon (Calvados, arr. Pont-l’Évêque, c. Cambremer), dans la vicomté du Neubourg et le bailliage de Beaumont-en-Auge, que tenait de lui Chandos, «nostre ennemi et rebelle,» et l’avait donné à Regnault, seigneur de Maulevrier et d’Avoir (Arch. Nat., JJ 100, no 248). Le mois suivant, par acte passé à l’abbaye de Sainte-Catherine-lez-Rouen, le roi de France avait aussi confisqué la terre de Romilly, lez le Pont-Saint-Pierre (auj. Romilly-sur-Andelle, Eure, arr. les Andelys, c. Écouis), ainsi qu’une rente de 70 livres tournois sur les paroisses de Cressenville et de Crestot, appartenant à «Jehan de Chandos, chevalier anglois, nostre ennemi et rebelle,» et en avait disposé en faveur d’Aude Martel, sa commère, dame de «Presegny» et châtelaine de son château du Pont-de-l’Arche, veuve de Jean de Giencourt, chevalier, et mère de feu Charles de Giencourt, son filleul (JJ 100, no 205).
[228] Froissart semble désigner ici la rivière, dite d’Hem ou de Hem, qui, après avoir passé à Audrehem, à Tournehem, à Nordausque, se sépare en deux bras, dont l’un se jette dans l’Aa, près de Holque, et dont l’autre va alimenter le canal de Calais à Saint-Omer.
[229] Pas-de-Calais, arr. Boulogne, c. Guines. Abbaye de Prémontrés, au diocèse de Saint-Omer, fondée au XIIe siècle, reconstruite en partie en 1783, détruite en 1794.
[230] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Ardres, sur le Hem, à 121 mètres d’altitude. Le duc de Bourgogne vint camper à Tournehem, le 23 août 1369, en face des Anglais, logés entre Guines et Ardres, à une petite lieue des Français. Gr. Chroniques, VI, 318.
[231] Tous les éditeurs de Froissart, et tout récemment encore M. Kervyn de Lettenhove (Œuvres de Froissart, XXV, 114, 115, au mot Mortagne-sur-Mer), ont pensé qu’il s’agit ici de Mortagne-sur-Gironde, Charente-Inférieure, arr. Saintes. Il est vrai que le chroniqueur de Valenciennes, plus familier avec les noms de lieu des bords de la Gironde, fleuve où il avait sans doute navigué lorsqu’il était venu d’Angleterre à Bordeaux, qu’avec ceux du Poitou, place par erreur «sur mer,» le Mortagne dont le comte de Pembroke était capitaine. Mais outre que le jeune comte, qui ne cherchait que l’occasion de faire des chevauchées et de hautes emprises contre l’ennemi, avait dû choisir pour cela un poste d’honneur, situé à l’extrême frontière, au lieu d’aller tenir garnison au cœur même des possessions anglaises, tout le contexte où l’on nous montre Jean de Hastings guerroyant sans cesse sur les confins de l’Anjou et de la Touraine, donne lieu de croire que la forteresse, dont le gendre d’Édouard III avait fait son quartier général, dans cette campagne en Poitou, est le Mortagne situé à la limite de cette province et de l’Anjou (auj. Mortagne-sur-Sèvre, Vendée, arr. la Roche-sur-Yon). Il est certain, d’ailleurs, que cette importante forteresse appartenait dès lors aux Anglais; et ce fut même, avec Lusignan et Gençay, l’une des trois places poitevines qui seules résistèrent à du Guesclin et n’étaient pas encore redevenues françaises à la fin de 1372 (Gr. Chron., VI, 337). Aussi lorsque Froissart raconte le siége de ce Mortagne par Clisson, en 1373, il continue de l’appeler «Mortagne sur mer.» V. Froissart de Buchon, éd. du Panthéon, I, 660.
[232] Le 4 février 1367 (n. st.), Charles V avait donné à son frère Louis, duc d’Anjou et comte du Maine, les château et châtellenie de Loudun en dédommagement des château et châtellenie de Champtoceaux (Maine-et-Loire, arr. Cholet), cédés au duc de Bretagne, en exécution d’un des articles du traité de Guérande. Arch. Nat., J 375, no 1.
[233] Le 4 septembre 1371, Thibaud du Pont était encore capitaine de Rochechouart, et Charles V fit payer 40 francs d’or à Jean du Rocher, «écuyer de Bretagne», que Thibaud avait envoyé vers le roi de France. Dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, I, 1603.
[234] Dans une donation faite le 16 juillet 1369 à Plotart de Cluis, seigneur de Briantes (Indre, arr. et c. la Châtre), des biens confisqués de Jean de Pommiers, chevalier rebelle, il est fait mention du «chastel de Flach et d’un aultre sien chastel (sien se rapporte à Plotart de Cluis), appellé Sodun sur Creuse (auj. Issoudun, Creuse, arr. Aubusson, c. Chénérailles), remis en la main de nostre mareschal de Sancerre, pour le faire garder de par nous.» JJ 100, no 525; cf. nos 107 et 108.—De cette pièce et d’une foule d’autres dont l’indication serait trop longue, on peut conclure qu’en 1369, Louis de Sancerre, maréchal de France, fut surtout chargé de tenir tête aux Anglais sur les confins du Berry, de la Marche et du Poitou.
[235] Pendant tout le cours de cette campagne, Jean, sire de Beuil, nous apparaît dans les actes comme préposé surtout à la défense d’Angers et de la frontière d’Anjou (JJ 100, no 526; JJ 102, no 135); mais, de même que Jean Chandos, sénéchal du Poitou, lorsqu’il voulait entreprendre une expédition, faisait appel au comte de Pembroke, capitaine de Mortagne-sur-Sèvre, de même Jean de Kerlouet, capitaine français de la Roche-Posay, projetant un coup de main contre l’ennemi, associait pour la circonstance les forces dont il pouvait disposer à celles de Louis de Sancerre, qui dirigeait les opérations sur la marche de Berry, et à celles de Jean, sire de Beuil, qui remplissait le même rôle sur la marche d’Anjou.
[236] Auj. hameau de la commune de Verrue, Vienne, arr. Loudun, c. Monts-sur-Guesnes. D’après Froissart, la localité qu’il appelle «Puirenon» devait se trouver sur les confins de l’Anjou (le Loudunois avait été cédé au duc d’Anjou par Charles V) et du Poitou, et à sept lieues de Poitiers (p. 377, 382). Purnon répond à peu près à ces conditions; mais, quoique M. Kervyn de Lettenhove (Œuvres de Froissart, VII, 542) affirme, j’ignore sur quelle autorité, que l’hôtel des Templiers de Purnon a fait place à un prieuré de Saint-Augustin maintenant détruit, mes savants confrères, MM. Redet et Richard, m’écrivent que Purnon, ancien prieuré de l’ordre de Saint-Augustin, dépendant de l’abbaye de Fontaine-le-Comte près Poitiers et fief relevant de la baronnie de Mirebeau, n’a jamais appartenu à l’ordre du Temple. En 1350, Briant de Montjehan en était seigneur. La commanderie du Temple la plus rapprochée de Purnon est Montgauguier (Vienne, arr. Poitiers, c. Mirebeau), dont les bâtiments subsistent encore dans un lieu bien sec. L’auteur d’une étude récente sur la baronnie de Mirebeau, M. de Fouchier (Mém. de la Société des Antiquaires de l’Ouest, année 1877), appelé à se prononcer sur ce point, incline à penser qu’il ne s’agit pas d’une localité poitevine, mais bien d’un château situé plus au sud vers le Limousin. C’est aussi l’opinion de l’érudit M. Mannier, si profondément versé dans l’histoire des commanderies: il identifie le «Puirenon» de Froissart avec Puydenut, dont le nom s’écrivait au moyen âge Puydenou, et pouvait se lire Puydenon. Puydenut était, en 1369, une ancienne commanderie de Templiers, devenue une commanderie de Saint-Jean-de-Jérusalem au grand prieuré d’Auvergne (aujourd’hui hameau de la commune de Lavignac, Haute-Vienne, arr Saint-Yrieix, c. Chalus).
[237] Philippa ou Philippe de Hainaut, la protectrice dévouée de Froissart, son compatriote, qu’elle avait attaché à sa personne, mourut le 15 août 1369. C’est seulement dans la première rédaction de ses Chroniques (p. 181 à 183), il importe de le faire remarquer, que l’ancien clerc de la bonne reine s’est étendu avec complaisance et une émotion communicative sur les qualités de sa bienfaitrice.
[238] Guillaume, seigneur de Spontin (auj. Belgique, prov. Namur, arr. Dinant, c. Ciney), choisi en 1367 comme l’un des exécuteurs testamentaires de Robert de Namur, mort le 7 avril 1385.
[239] Belgique, prov. Namur, arr. et c. Philippeville.
[240] Le duc de Bourgogne leva son camp de Tournehem et reprit le chemin de Hesdin, le mercredi 2 septembre 1369 (Gr. Chron., VI, 319). En mai 1381, on fit grâce à un écuyer, nommé Guiot d’Arcy, qui, environ douze ans auparavant «que le duc de Bourgogne fist son mandement pour aller à Tournehem et au retour qu’il firent,» avait volé à Condé chez son hôte, en complicité avec un autre écuyer, appelé Jean de Maligny, un cheval valant 50 francs, sous prétexte de se dédommager de la perte d’un bassinet qu’ils n’avaient pu retrouver. Arch. Nat., JJ 119, no 54.
[241] D’après la version beaucoup plus vraisemblable des Grandes Chroniques, Jean, duc de Lancastre, loin de retourner à Calais après le départ du duc de Bourgogne, continua sa marche en avant et entra en Picardie (Gr. Chron., VI, 319).
[242] Robert de Sancerre, troisième fils de Louis I, comte de Sancerre, tué à Crécy, et de Béatrix de Roucy, était le frère cadet de Jean III, comte de Sancerre et de Louis de Sancerre, institué maréchal de France le 20 juin 1368. Le frère aîné de Louis et de Robert, que Froissart oublie de mentionner, joua, comme les deux cadets, un rôle actif et même dirigeant dans la guerre du «border» poitevin en 1369. Jean III, comte de Sancerre, avait épousé Marguerite de Mermande, fille unique du seigneur du dit lieu (auj. Marmande, hameau de Vellèche, Vienne, arr. Châtellerault, c. Leigné-sur-Usseau) et de Faye-la-Vineuse (Indre-et-Loire, arr. Loches, c. Richelieu). Au mois d’octobre 1369, Charles V donna au comte, son amé cousin, des biens situés sur les confins du Poitou et de la Touraine et confisqués sur un certain nombre de rebelles (Guillaume du Plessis, Pierre de la Broche, chevaliers, la Thomasse, veuve de feu Imbert Gui, chevalier, etc.), pour dédommager le dit comte de ce que les gens des Grandes Compagnies avaient occupé l’année précédente pendant quatre mois son château de Faye-la-Vineuse, et pour l’aider à tenir en bon état de défense plusieurs beaux et notables forts qu’il possédait ès parties d’Anjou et de Touraine, les uns à une lieue, les autres à une demi-lieue, d’autres enfin à un quart de lieue des frontières du Poitou occupées par les Anglais (Arch. Nat., JJ 100, no 297). A la même date, comme nous l’avons vu, Jean, III du nom, sire de Beuil, tenait tête aux Anglais sur les confins de l’Anjou et du Poitou, et c’est alors que se noua entre les représentants des deux familles cette intimité qui aboutit, un demi-siècle plus tard, au mariage de Jean, IV du nom, sire de Beuil, avec Marguerite de Sancerre, et par suite, en 1441, à l’adjudication du comté de Sancerre à Jean, V du nom, sire de Beuil, amiral de France, le célèbre auteur du Jouvencel (Anselme, VII, 848 à 850).
[243] Maine-et-Loire, arr. Angers, à 5 kil. au sud de cette ville. Les Ponts-de-Cé, sorte de faubourg d’Angers, situés au milieu de la Loire, sur trois îles, que relie une série de ponts, se composent d’une rue de plus de 3 kil. de long, traversant le canal de l’Authion et trois larges bras de la Loire. Un château bâti sur un tertre au bout du premier pont, quand on vient de la rive droite du fleuve, entre l’île Saint-Aubin et l’île Forte, commandait le passage de la Loire, ainsi que la route qui met la rive gauche de ce fleuve en communication avec la rive droite et avec Angers. Le château, dont les Anglais s’emparèrent en 1369, avait été reconstruit en 1206 par Guillaume des Roches, sur les ruines d’une forteresse plus ancienne, rasée par Philippe-Auguste; sous sa forme actuelle, ce château ne remonte guère qu’à 1438. Maîtres du cours de la Mayenne par l’occupation du Lion-d’Angers et du cours de la Loire par la prise des Ponts-de-Cé, les chefs des Compagnies anglaises tinrent, pendant un moment, la capitale de l’Anjou enserrée au nord et au midi. L’occupation du Lion-d’Angers fut assez courte, mais celle des Ponts-de-Cé dura jusqu’à la victoire remportée par du Guesclin à Pontvallain, c’est-à-dire jusque vers la fin de 1370. On conserve aux Archives Nationales un registre provenant de la Chambre des comptes d’Anjou (coté P 1336), qui est tout entier relatif aux Ponts-de-Cé, et nous donne la statistique de cette localité, si importante au point de vue stratégique, vers la fin du quatorzième siècle.
[244] Abbaye de Bénédictins, au diocèse d’Angers, fondée vers 543 par saint Maur, disciple de saint Benoît. Les ruines de cette abbaye, convertie en ferme, se voient encore sur la rive gauche de la Loire, à Saint-Georges-le-Thoureil (Maine-et-Loire, arr. Saumur, c. Gennes), à 28 kil. au sud-est d’Angers et à 21 kil. au nord-ouest de Saumur. D’après une inscription en lettres gothiques, encastrée encore aujourd’hui dans le pilier qui sépare les deux nefs de la petite église Saint-Martin remontant au treizième siècle, l’abbaye de Saint-Maur aurait été occupée dès 1355 par Jean Cressewell et Hugh de Calverly:
C’est le prieuré de Trèves-Cunault, situé également sur la rive gauche de la Loire, un peu au sud-est de l’abbaye de Saint-Maur, qui fut occupé vers cette époque et fortifié par les Compagnies anglo-gasconnes (Cont. G. de Nangiaco, II, 318). L’occupation des Ponts-de-Cé et de Saint-Maur par les Anglais doit remonter aux derniers mois de 1369. Le fameux routier Jean Cressewell fut probablement mis dès lors à la tête de la garnison de Saint-Maur dont il était certainement capitaine lorsque «l’an MCCCLXX, ou mois de decembre, monseigneur Bertran de Guesclin, connestable de France et lieutenant du roy nostre sire, ordenna certain subside, trespas ou acquit sur les marchandises montans, descendans et traversans par la rivière de Loire, entre Candes (Indre-et-Loire, arr. et c. Chinon) et Chastecaux (auj. Champtoceaux, Maine-et-Loire, arr. Cholet), pour paier certaine somme promise et accordée à Jehan Kerssoualle anglois et à ses compaignons, ennemis du royaume, pour rendre et delivrer le fort de Saint Mor, sur la dite rivière, qu’ilz tenoient alors.» Arch. Nat., sect. adm., P 13341, fo 38. Cf. Gallia Christiana, XIV, 685; Paul Marchegay, Archives d’Anjou, Angers, 1853, in-8o, t. II, p. 287 à 292; Célestin Port, Dict. hist. du dép. de Maine-et-Loire, aux mots Ponts-de-Cé et Saint-Maur.
[245] Auj. Saint-Savin-sur-Gartempe, Vienne, arr. Montmorillon, à environ 35 kil. au sud de la Roche-Posay, à 41 kil. à l’est de Poitiers, à 25 kil. à l’ouest du Blanc.
[246] Abbaye de Bénédictins au diocèse de Poitiers.
[247] Le 4 juin 1370, cet abbé, nommé Jocelin Badereau, adressa une requête à Charles V au sujet des déprédations commises au préjudice de son monastère par les gens d’armes qui s’en étaient emparés, ainsi que par les garnisons bretonnes de la Roche-Posay et du Blanc. Gallia Christiana, II, 1288.
[248] Auj. Pernes en Artois, Pas-de-Calais, arr. Saint-Pol-sur-Ternoise, c. Heuchin. La dame, appelée par Froissart (p. 192) madame du Doaire, est Jeanne de Luxembourg, veuve de Gui, comte de Saint-Pol, qui avait reçu en douaire le château et la seigneurie de Pernes.
[249] Somme, arr. et c. Doullens.
[250] Seine-Inférieure, arr. le Havre, c. Montivilliers. Le duc de Lancastre dut mettre le siége devant Harfleur peu avant le 21 octobre 1369, car, dans un mandement de Charles V en date de ce jour, on lit ce qui suit: «Nous avons entendu que noz ennemis se sont deslogez de devant Harfleu et ont entencion d’euls traire vers la rivière d’Oise pour ycelle passer, s’il pevent.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 294.
[251] Il s’agit ici du matériel naval rassemblé en vue de cette descente dans le pays de Galles d’Owen de Galles pour laquelle Charles V avait fait tant de sacrifices et qui avorta si misérablement à la fin de décembre 1369 (Gr. Chron., VI, 320 à 322). Philippe d’Alençon, archevêque de Rouen, avait prêté 2000 francs pour cette expédition, et, le 16 janvier 1370 (n. st.), le roi donna l’ordre de lui rembourser les trois quarts de cette somme (Mandements de Charles V, p. 317). Pour recruter les équipages de cette flotte improvisée, on fit flèche de tout bois, et en novembre 1369 un malfaiteur eut sa grâce, «parmi ce toutes voies qu’il promettroit que avecques la première armée des gens d’armes que nous ferons passer en Engleterre il iroit souffisamment appareilliez.» Arch. Nat., JJ 100, no 307.—Telle fut la popularité, «la grant mencion de l’armée qui se fist en la mer par Yvain de Galles», qu’il y eut jusqu’à un orfèvre de Paris, Andriet le Maître, «qui fist chevance de deux chevaux, quant Yvain de Galles se mist en la mer, et s’en ala avec icelui Yvain.» JJ 100, no 633; JJ 102, no 131.—Dans un acte, daté de Paris le 10 mai 1372, où il se reconnaît redevable envers Charles V d’une somme de 300 000 francs d’or, Owen de Galles accuse les rois d’Angleterre, «meus de convoitise damnée», d’avoir occis ou fait occire quelques-uns de ses prédécesseurs, rois de Galles (Arch. Nat., JJ N, fo 55, no 27).
[252] Auj. Estouteville-Écalles, Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Buchy. Tout le tableau de la chevauchée du duc de Lancastre dans le pays de Caux est retracé dans une lettre de grâce délivrée en mai 1376 à un certain Guillaume le Cordier qui s’était retiré avec son père et ses enfants dans le fort de Raimes (un château ruiné de Ramé, situé à Gomerville, entre Montivilliers et Bolbec, est marqué sur la carte de Cassini, feuille du Havre, no 60), «en l’an MCCCLXIX, ou moys d’octobre ou environ, le duc de Lancastre et pluseurs autres noz ennemis estanz sur le pais de Caux.» Moyennant un sauf-conduit acheté de Gautier Hewet, chevalier anglais, logé près de Raimes, Guillaume le Cordier va voir si son manoir n’est pas brûlé et s’il n’y aurait pas moyen d’y rentrer. Le comte de la Marche, dont les gens occupent ce manoir, refuse de le rendre à Guillaume; il ne consentirait à y recevoir que la femme de Guillaume, parce qu’elle est enceinte. Guillaume le Cordier prend le parti de retourner à Raimes à l’aide d’un nouveau sauf-conduit acheté comme le premier de Gautier Hewet. Au retour, comme il passe à Étienville, il donne une somme de 70 francs à Thomas Caon, à la condition que l’hôtel où ce chevalier anglais est logé et deux autres ne seront pas brûlés; puis il court au manoir de son père où il trouve des hommes d’armes allemands à la solde du duc de Lancastre, qui veulent y mettre le feu; il parvient à les faire renoncer à leur projet en leur distribuant huit pots de cidre et une douzaine de blanc pain petit. Il retourne ensuite au hameau d’Etienville où l’on a brûlé depuis son départ les trois maisons pour le rachat desquelles il avait payé 70 francs. Il se rend à Bolbec, où il apprend que le duc de Lancastre se trouve, pour se plaindre à Thomas Caon, mais là on lui vole son cheval; las d’adresser en vain des réclamations à Gautier Hewet, logé chez Jean le Bouleur, homme de fief du comte de Harcourt, il achète au prix de deux francs une jument aux Anglais pour retourner chez lui. Arch. Nat., JJ 108, no 382.
[253] Hue ou Hugues de Châtillon, seigneur de Dampierre, de Sompuis et de Rollencourt, avait succédé dans la charge de grand maître des arbalétriers de France à Baudouin d’Annequin tué à la bataille de Cocherel le 16 mai 1364 (Anselme, Hist. généal., VI, 112; VIII, 46 et 47). Le châtelain de Beauvais fut fait prisonnier en même temps que Hugues de Châtillon (Gr. Chron., VI, 320).
[254] Waleran de Fauquemont, seigneur de Borne, rallié à Charles V le 19 septembre 1373 moyennant une pension annuelle de 1200 livres (Arch. Nat., J 626, no 115).
[255] Thomas Percy, sénéchal du Poitou, à la date du 3 mars 1369, avait-il été transféré dans les mêmes fonctions à la Rochelle vers le milieu de cette année, au moment où il avait été remplacé par Jean Chandos comme sénéchal du Poitou? La qualification de sénéchal de la Rochelle, attribuée ici (p. 198) pour la première fois à Thomas, donnerait lieu de le croire. Thomas Percy ou de Percy, fils puîné de Henri Percy et de Marie de Lancastre-Plantagenet, fille de Henri, comte de Lancastre et de Leicester, avait par sa mère du sang royal dans les veines, puisque le comte de Lancastre, son grand-père, était le petit-fils de Henri III, roi d’Angleterre. Shakspeare a immortalisé Thomas Percy et son neveu Henri Percy, surnommé Hotspur, en les faisant figurer dans ses drames de Richard II et de Henri IV.
[256] Vienne, arr. Montmorillon, sur la Vienne, à 24 kil. à l’est de Poitiers.
[257] Auj. Lussac-les-Châteaux, Vienne, arr. Montmorillon, sur la Vienne, à 36 kil. au sud-est de Poitiers et à 12 kil. au sud de Chauvigny. Au moyen âge, quand on remontait le cours de la Vienne, le premier pont que l’on rencontrait après celui de Chauvigny était le pont de Lussac.
[258] D’après Cuvelier, un archer breton, nommé Alain de Guigueno, aurait d’abord percé d’une flèche l’armure de Chandos (Charrière, II, p. 201 et 202, vers 19213 à 19218); et un homme d’armes, appelé Aimeri, lui aurait ensuite plongé sa lance dans la poitrine (Ibid., p. 204 et 205, vers 19310 à 19315). Le témoignage si précis de Froissart mérite ici plus de créance que celui de Cuvelier.
[259] Le combat où Jean Chandos fut blessé mortellement eut lieu le matin du jour de l’an, mardi 1er janvier 1370 (p. 199 et 391). D’après la première rédaction, Chandos aurait survécu trois jours (p. 395), et, d’après la seconde, un jour et une nuit seulement à sa blessure (p. 207). Le chevalier anglais serait mort par conséquent, suivant la première version, le 3, suivant la seconde, le 2 janvier 1370. Cuvelier dit que Chandos mourut à Chauvigny (Ibid., p. 206, vers 19377), mais la tradition constante du pays, d’accord avec Froissart, est que l’illustre guerrier expira à Mortemer (Vienne, arr. Montmorillon, c. Lussac), où il fut enterré et où son tombeau existait encore, dit-on, au commencement de la Restauration, époque où on l’aurait détruit pour placer un autel latéral (Briquet, Hist. de Niort, II, 68). Jean Bouchet nous a conservé l’épitaphe suivante, que l’on avait gravée sur ce tombeau, mais qui semble très-postérieure à la mort de Chandos:
Cette date de 1369 se rapporte à l’ancien style d’après lequel l’année 1369 ne finit qu’à Pâques (14 avril) de l’année 1370 nouveau style. Indépendamment de ce tombeau, un monument fut élevé à l’endroit même où Chandos avait été frappé mortellement, à l’extrémité occidentale du pont de Lussac aujourd’hui détruit, sur le territoire de la paroisse de Civaux (Vienne, arr. Montmorillon, c. Lussac). Ce monument se composait d’un entablement soutenu par six colonnes et surmonté d’une bannière (Affiches du Poitou, année 1775).
[260] Par acte daté de Paris le 20 mars 1370 (n. st.), Charles V donna les biens confisqués de Jacques le Tailleur, rebelle, sis en la vicomté de Brosse, à Jean du Mesnil, écuyer, «pris prisonnier par plusieurs fois et darrainement en la besoigne de Chandos et mis à très excessive raençon montant à sept cens frans.» Arch. Nat., JJ 100, no 785.—D’après Cuvelier (Chron. de B. Duguesclin, II, 207, vers 19382 à 19386), la ville de Tours aurait payé aux Anglais la rançon de Jean de Kerlouet fixée à 3000 francs d’or. Nous aurions voulu contrôler l’assertion du trouvère picard en compulsant les registres des comptes de cette ville; malheureusement, le registre correspondant à l’année 1369, où la dépense dont il s’agit a dû être inscrite, est en déficit (communication de notre savant confrère M. Delaville le Roulx).
[261] D’après M. Fillon (Jean Chandos, p. 23, note 1), ce ne serait pas, comme le dit ici Froissart, Thomas Percy, ce serait Baudouin de Fréville qui aurait succédé immédiatement à Jean Chandos; mais il n’est fourni aucune preuve à l’appui de cette assertion. Comme Thomas Percy était certainement redevenu sénéchal du Poitou en novembre 1370 (voyez plus haut, p. LXXIV, note 224), la version du chroniqueur reste très-vraisemblable.
[262] Par acte daté de Paris le 8 juin 1369, frère Gui Moriac, chevalier de l’hôpital, de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et Guillaume de Lussac, écuyer, déclarèrent adhérer, «de la partie et commandement de monseigneur Loys de Malevaut, chevalier du pais de Guienne», à l’appel fait par le comte d’Armagnac par-devant le roi de France, comme souverain seigneur du duché de Guyenne, contre le duc de Guyenne. Arch. Nat., J 642, no 1613.
[263] L’acte d’adhésion de Raymond de Mareuil est daté de Paris le vendredi 29 juin 1369, et voici le texte de ce document: «A tous ceulz qui ces lettres verront, Raymon de Marueil, chevalier du pais de Guienne, salut. Comme, pour cause de plusieurs griefs et oppressions à nous faiz par Edwart, le prince de Galles, duc de Guienne, et ses genz et officiers, indeuement et contre raison, nous nous soions adhers aus appellacions faites par le conte d’Armignac et plusieurs autres nobles du dit pais de Guienne à l’encontre du dit prince par devant le roy de France nostre souverain seigneur ou sa court de parlement et par ainsi ayens pris et recongneu, prenons et recongnoissons le dit roy de France à nostre souverain seigneur, savoir faisons que nous avons promis et juré, promettons et jurons aus saintes Ewangiles que à nostre dite adhesion nous ne renoncerons en aucune manière senz la licence et exprès commandement du roy nostre souverain seigneur, maiz la poursievrons pardevant lui ou sa dite court de parlement. Et avecques ce promettons et jurons estre bons, vrais et loyaulx françoiz et servir le roy nostre dit seigneur loyaulment en ses guerres et autrement et tenir sa partie contre le dit prince et tous autres ennemis du roy nostre dit seigneur de tout nostre povoir; et se nous faisions le contraire, nous voulons et nous consentons estre tenuz et reputez par devant tout homme, faux, mauvaiz, parjure et traitre chevalier. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Donné à Paris le penultime jour de juing l’an mil ccc soixante et neuf.» Arch. Nat., J 642, no 165.—Par acte daté de son château de Monfort le lundi 7 mai 1369, Regnault, sire de Pons et de Ribérac, vicomte de Turenne et de Carladez, donna pleins pouvoirs pour prêter la même adhésion à Regnault de Montferrant, chevalier (J 642, no 168), lequel la prêta à Paris le 8 juin suivant (J 642, no 167). Parmi les autres adhésions dont les actes nous ont été conservés, les plus importantes à signaler sont celles de frère Ytier de Peruce, chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, commandeur de Belle-Chassagne (Corrèze, arr. Ussel, c. Sornac), en date du 8 juin (J 642, no 166), de Jean de Saint-Chamant, chevalier (J 642, no 1612), de Jean de Rochefort, chevalier, sire de Chastelvert en Limousin (J 642, no 163), enfin de Nicolas de Beaufort, seigneur de Limeuil (Dordogne, arr. Bergerac, c. Saint-Alvère), en date du 27 mai 1369 (J 642, no 162).
[264] Cette ordonnance ne se trouve pas dans Rymer; elle est datée du 5 ou du 15 novembre de l’an 44 du règne d’Édouard III, qui correspond à la fin de 1370, quoique Froissart l’ait intercalée au milieu du récit des événements du commencement de cette année. Elle dut être promulguée à l’instigation de Jean, duc de Lancastre, envoyé par Édouard III, le 1er juillet 1370, au secours du prince d’Aquitaine avec pleins pouvoirs d’accorder toute espèce de grâce et de pardon, «ut dicto primogenito nostro principi ac aliis partium illarum incolis ex adventu tuo letitia et securitas eo major accrescat.» Delpit, Documents français, p. 129 et 130.—Du reste, le prince d’Aquitaine et de Galles lui-même, effrayé sans doute des progrès de l’insurrection, venait d’entrer dans la voie des concessions. Par acte daté d’Angoulême le 28 janvier 1370, il avait, sur la plainte des Bordelais, abaissé et remis comme autrefois à 13 sous 4 deniers par tonneau le droit sur l’entrée des vins élevé depuis cinq ans à 20 sous et attribué à la Couronne (Arch. de Bordeaux, livre des Bouillons, I, 147 et 148). La lettre adressée par Édouard III, le 30 décembre 1369, aux seigneurs de Guyenne et l’ordonnance, en date du 1er janvier suivant, par laquelle ce prince établit sur le continent une juridiction d’appel, de suzeraineté et de ressort dont il fixa le siége à Saintes, ces deux actes visaient également à donner satisfaction aux légitimes réclamations des vassaux de la principauté d’Aquitaine (Rymer, III, 883 à 885). Le tableau du produit des fouages a été publié par M. Delpit (Documents français en Angleterre, p. 173 et 174).
[265] Le 13 mars 1370 (n. st.), Charles V retint à son service le vicomte de Rochechouart et Regnaut de Dony avec 120 combattants (Delisle, Mandements, p. 332), dont il ordonna de payer les gages le 11 mai suivant (Ibid., p. 348).
[266] Le 12 juillet 1369, Charles V assigna à Louis de Malval, en récompense de son adhésion à l’appel des barons de Gascogne, 1000 livres de rente à héritage sur le château du Metz-le-Maréchal (situé à Dordives, Loiret, arr. Montargis, c. Ferrières), à la condition que Louis rendrait le dit château en échange d’une donation équivalente en Guyenne, et Raymond de Mareuil se porta garant de ce dernier engagement (Arch. Nat., J 642, no 162).
[267] Par acte daté de Paris le 12 juillet 1369, le roi de France donna à Raymond de Mareuil 2000 livres de rente à héritage assises sur les château et châtellenie de Courtenay (J 642, no 1610), et cette donation fut confirmée le 25 janvier 1370 (n. st.). Delisle, Mandements, p. 320.
[268] La prise de Châtellerault par les Français, fait militaire dont il faut savoir gré à Froissart d’avoir compris l’importance, dut avoir lieu dans les premiers jours du mois de juillet 1370, comme le prouve l’article de compte suivant, emprunté au registre de la Chambre aux deniers de Jean, duc de Berry (1370-1373): «A Rougier Piquet, heraut du Baudrin de l’Euse, qui a porté lettres à mon dit seigneur (Jean, duc de Berry), faisant mencion que noz gens avoient pris Chasteleraut que les ennemis tenoient, pour don du dit seigneur fait ou dit Rogier pour une fois tant seulement, par mandement du dit seigneur donné le VIIIe jour du dit mois (juillet 1370); randu à cort: X livres.» Arch. Nat., sect. hist., KK 251, fo 26.
[269] A quelle date Louis, duc de Bourbon, entra-t-il en campagne pour mettre le siége devant Belleperche? Cette date nous est fournie par un mandement du 26 septembre 1369 par lequel Charles V retint à son service le duc de Bourbon avec 300 hommes d’armes, dont 5 chevaliers bannerets et 60 chevaliers bacheliers, «pour nous servir en nos presentes guerres ou pays de Bourbonois.» Mandements de Charles V, p. 290 et 291.
[270] Froissart oublie de mentionner les Bourguignons qui allèrent renforcer le duc de Bourbon trois mois environ après que le siége avait été mis devant Belleperche. Le 3 décembre 1369, le duc Philippe nomma Eudes de Grancey gouverneur de son duché (dom Plancher, Hist. de Bourgogne, III, 32); puis il se rendit à Paris où il resta jusqu’au 11 février suivant. Le 21 février 1370, Nicolas Corbeton, bailli d’Auxois, fit porter lettres aux seigneurs de Marigny, Sombernon, Malain, «facens mencion comment monseigneur (le duc de Bourgogne) venoit devant Belleperche pour combattre à l’aide de Dieu les ennemis qui estoient venuz, affin que les diz seigneurs alassent par devers li.» Arch. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des comptes de Bourgogne, reg. B 2757; Invent., I, 304 et 305. Communication du savant M. Garnier.
[271] Creuse, arr. Guéret, sur les confins du Limousin et de la Marche. On trouvera de curieux détails sur l’occupation de la Souterraine par les Anglais dans une lettre de rémission de juillet 1378 (Arch. Nat., JJ 112, no 345, fo 172 vo) et dans une autre de juillet 1379 (JJ 115, no 177).
[272] Edmond ou Aymon, comte de Cambridge, le troisième fils, et Jean de Hastings, comte de Pembroke, le gendre d’Édouard III. L’expédition des deux princes anglais, tendant à faire lever le siége de Belleperche, eut lieu en janvier et février 1370, comme le prouve un article de compte relatif aux frais de distribution de vingt paires de lettres adressées par le bailli de Chalon, en vertu d’un mandement du duc de Bourgogne, aux nobles du dit bailliage. Ce mandement daté de Paris le 11 février 1370 leur intimait l’ordre de s’armer incontinent pour aller servir le duc «sur la Loire, contre Ainmon, fils du roi d’Engleterre, qui, avec quatre mil combatans, venoit lever le siege des gens d’armes du royaulme de France estans devant le fort de Belleperche.» Arch. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des comptes de Bourgogne, reg. B 3572; Invent., I, 422.
[273] Il est difficile d’admettre, malgré l’analogie du nom, que Froissart ait voulu désigner la Roque-Valsergue, auj. hameau de Saint-Saturnin, Aveyron, arr. Millau, c. Campagnac. Cette importante forteresse n’était pas située en Limousin, comme le dit Froissart; elle était le chef-lieu d’une des quatre grandes châtellenies du Rouergue. Les Français l’avaient reprise aux Anglais dès le commencement du mois de janvier 1369 (voyez plus haut, p. LXIII, note 196). M. Kervyn place le château de la Roche-Vauclair sur la rive droite de l’Alagnon, à six lieues de Saint-Flour, où, d’après ce savant, on en verrait encore quelques ruines (Œuvres de Froissart, XXV, 237). Si cela est, on s’explique difficilement que ces ruines ne soient marquées ni sur la carte de Cassini ni même sur celle de l’État-major, et que le nom ne figure point dans le Dictionnaire des lieux habités du Cantal, publié à Aurillac en 1861 par M. Deribier-du-Chatelet.
[274] Louis, duc de Bourbon, dut prendre possession de Belleperche dans les premiers jours de mars 1370, car les hommes d’armes qui revenaient du siége reçurent leurs gages le 31 de ce mois (Bibl. Nat., fonds Gaignières, t. 772, p. 379, 405).
[275] Nous avons identifié plus haut ce Mortagne avec Mortagne-sur-Sèvre, mais ce n’est point parce que notre chroniqueur place cette localité en Poitou. Froissart dit aussi «Saintes en Poitou» et ne donne en général d’autres limites à cette province que celles qu’elle avait eues au siècle précédent sous Alphonse de Poitiers.
[276] Il s’agit ici du rocher de Saint-Michel, situé à l’extrémité du pays de Cornouailles, et près duquel se trouve une baie du même nom. Une certaine analogie entre ce site et celui de notre Mont-Saint-Michel fit fonder en cet endroit un monastère, au dixième siècle, sorte d’imitation anglaise de la célèbre abbaye française.
[277] Louis, duc d’Anjou, qui était encore à Toulouse pendant la première quinzaine d’avril 1370 (Ordonn., V, 316 à 314, 586), dut arriver à Paris dans les premiers jours de mai. Dès le 7 de ce mois, il était dans cette ville où il retint Gontier de Baigneux, évêque du Mans, comme conseiller de son grand Conseil, à 8 francs ou 10 florins d’or de gages par jour (Bibl. Nat., Titr. orig., au mot Baigneux). Le 11, il rendit visite à Bureau de la Rivière en sa belle résidence de Croissy, et Charles V donna une chapelle, à l’occasion de cette visite, à son premier chambellan (Mandements de Charles V, p. 361). C’est pendant le séjour du duc d’Anjou à Paris que le roi son frère, non content d’avoir confisqué et réuni à la Couronne, par acte en date du 14 mai, le duché d’Aquitaine (Ordonn., VI, 308 à 310), déclara en outre confisqués, le lendemain 15, tous les biens possédés par les Anglais en Guyenne (Arch. Nat., JJ 104, no 51). Le 16, Charles V, mettant à exécution, en partie du moins, une promesse faite au duc d’Anjou six ans auparavant, le 13 avril 1364 (Chron. de J. Froissart, VI, LIX, note 225), donna en viager à Louis le duché de Touraine, à la condition qu’à défaut d’héritiers mâles ce duché, le comté du Maine et le Loudunois feraient retour à la Couronne (Arch. Nat., J 375, no 2; P 2294, fos 768 et 769). Enfin, le 18 mai, un différend assez grave, qui s’était élevé entre les ducs de Bourbon et d’Anjou au sujet de la succession de Regnault de Forez, fut aplani; et le duc d’Anjou se désista de toutes ses prétentions sur le pays de Forez (P 1334, no 110).
[278] Ce n’est pas à l’entrée, c’est au contraire à la fin de mai 1370, que Louis, duc d’Anjou, partit de Paris pour retourner en Languedoc.
[279] De passage à Roquemaure (Gard, arr. Uzès), le 12 juin, à Nîmes le 28 du même mois, le duc d’Anjou était à Montpellier le 2 juillet et n’y resta que quelques jours; il arriva à Toulouse le 11 juillet (Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 345).
[280] De ces quatre chefs de Compagnies, deux sans aucun doute, le petit Meschin et Perrot de Savoie, et probablement aussi un troisième, celui auquel Froissart donne le prénom d’«Ernaudon», appelé ailleurs Boulhomet (Thalamus parvus, p. 384) ou Bosoniet de Pau (acte du 1er septembre 1368, aux Archives de Vaucluse), avaient été mis à mort à Toulouse, le 11 mai de l’année précédente. Voyez plus haut, p. LXVIII, note 210.
[281] On voit par une cédule autographe de Jean le Mercier, attaché à cette expédition en qualité de trésorier des guerres, que Charles V avait assigné à son frère Jean, duc de Berry, pour les frais de cette campagne, 2000 francs en juillet, 2000 francs en août, et en outre, 1552 francs pour les gages des gens d’armes de son hôtel pendant les dits deux mois (Arch. Nat., KK 251, fo 108). Jean le Mercier était en Berry dès le 7 juin 1370, jour où le duc Jean lui avait fait présent d’une haquenée. Ibid., fo 25 vo.
[282] Jean, duc de Berry, chef de l’expédition, alloua, par mandement du 27 juillet 1370, 700 livres tournois de gages par mois à Louis, duc de Bourbon, «tant pour lui que pour les gens d’armes que le dit devoit amener en ceste chevauchée devant Limoges». Ibid., fos 23 vo et 24.
[283] Pierre II, comte d’Alençon et du Perche, ne prit aucune part à la chevauchée de Limoges; il servait alors en Normandie, où Charles V l’avait nommé, le 16 mars 1370, son lieutenant en deçà de la rivière de la Seine; le comte d’Alençon licencia ses gens d’armes à Caen, le 7 septembre suivant. Arch. Nat., K 49, no 49.
[284] On cherche en vain la montre de Gui de Blois parmi celles qui furent passées à Châtellerault, le 12 août 1370, «pour cause de certaine entreprise que mgr le mareschal (de Sancerre) avoit faite pour le recouvrement de la ville de Limoges». En revanche, Alard de Barbençon, seigneur de Donstiennes (Belgique, prov. Hainaut, arr. et c. Thuin, à 19 kil. de Charleroy), dit Happart, vicomte et gouverneur de Blois, fut un des chevaliers que le maréchal de Sancerre enrôla pour cette expédition. La Roque, Hist. de la maison de Harcourt, addit. aux preuves, IV, 1568.
[285] L’expédition de Robert Knolles avait été décidée dès la fin de 1369. Robert devait d’abord débarquer en basse Normandie, et l’on ne renonça à ce projet que dans la crainte de s’aliéner le roi de Navarre qui s’y opposa avec énergie pour sauvegarder ses possessions du Cotentin (Secousse, Recueil de pièces sur Charles II, roi de Navarre, p. 427 et 428). Le but d’Édouard III était de forcer, par cette diversion, le roi de France à renoncer à son projet de descente dans le pays de Galles. Personne n’ignore que cette entreprise, dont les préparatifs se firent au Clos des Galées de Rouen dans le courant du mois de décembre 1369 (Bibl. Nat., Quittances, XVIII, 812, 813, 815, 818), sous la direction d’Owen de Galles et de Jean Win, dit le Poursuivant d’Amours, avorta misérablement après avoir coûté plus de 100 000 francs (Gr. Chron., VI, 320, 322). Deux mandements du roi d’Angleterre, relatifs aux préparatifs de l’expédition de Robert Knolles, sont datés des 6 et 12 mai 1370 (Rymer, III, 890, 892). Le 1er juillet suivant, Robert fut mis à la tête de l’armée d’invasion; et Alain de Buxhill, Thomas de Grantson, Jean Bourcher lui furent adjoints comme lieutenants (Ibid., 894, 895). Le 10 juillet, ces quatre chefs reçurent le serment d’obéissance de leurs principaux compagnons d’armes (Ibid., p. 897, 898). Vers le 12 ou le 15 de ce mois, une flotte de transport, dont Raoul de Ferrières fut nommé amiral, dut appareiller de Rye et de Winchelsea pour le pays de Caux, mais elle fut poussée plus au nord par des vents contraires et jeta l’ancre à Calais (Ibid., p. 896, 897; Secousse, Recueil sur Charles II, p. 428).
[286] Froissart a commis ici une des fautes de chronologie les plus grossières qu’on puisse lui reprocher. Comme M. Chazaud l’a parfaitement établi (La chronique du bon duc Loys de Bourbon, Paris, 1876, p. 355 et 356), Isabelle de Valois, duchesse douairière de Bourbon, ne recouvra la liberté qu’au mois d’août 1372, entre la reddition de la Rochelle (15 août) et la prise du captal de Buch (22 août). Au moment de sa délivrance opérée par le duc de Bourbon son fils, Bertrand du Guesclin et le duc d’Anjou (Chron. des quatre premiers Valois, p. 244), la duchesse était enfermée dans la tour de Brou (Charente-Inférieure, arr. et c. de Marennes, commune de Saint-Sornin). Dès le 23 juillet précédent, en vertu d’un traité conclu avec le duc de Bourbon, Simon Burleigh et Nicolas Dagworth s’étaient engagés à mettre en liberté la duchesse et à la ramener à Tours ou à Chinon à la Toussaint suivante (Arch. Nat., P 13581, no 504; Huillard-Bréholles, Invent. des titres de la maison de Bourbon, I, 565 et 566). Mais on avait prévu et excepté le cas où, «par force d’armes de la part des François ou autrement, il avendroit que ma dite dame seroit delivrée». Ce cas se produisit sans doute, car Simon Burleigh, par acte daté de Saintes le 24 septembre 1372, reconnut devoir à Louis, duc de Bourbon, 1000 francs d’or dont le duc avait sans doute fait l’avance à ce chevalier anglais comme à-compte sur la rançon de sa mère (Arch. Nat., P 13582, no 567; Huillard-Bréholles, Invent., I, 567).
[287] Ces négociations s’ouvrirent directement entre les rois de France et de Navarre, à Vernon, du 25 au 29 mars 1371 (Gr. Chron., VI, 329 à 331).
[288] Le roi de Navarre n’alla pas à Rouen, et c’est seulement le 24 mai 1371 qu’il se rendit à Paris où il passa en fêtes la dernière semaine de ce mois (Gr. Chron., VI, 332).
[289] Charles le Mauvais ne se mit en route pour retourner dans son royaume de Navarre qu’à la fin de 1371. Le 3 janvier 1372 (n. st.), il était de passage à l’abbaye de Cluny, où il déclara vouloir être «d’ores en avant frère et filz des ditz religieux et de la dite abbeye». (Arch. de Cluny, layette Priviléges, péages et amortissements, d’après une copie de Lambert de Barive). Les savants auteurs de l’Art de vérifier les dates (I, 602, 1re col.), par une distraction véritablement incroyable, ont attribué cet acte à Charles V, qu’ils font voyager en Bourgogne en janvier 1372, tandis qu’en réalité ce prince était alors à Paris (Delisle, Mandements, p. 430 à 443).
[290] D’après Cuvelier (Chronique de B. du Guesclin, II, 130), du Guesclin aurait été mandé cinq fois par le roi de France:
Bertrand était encore occupé au siége de Tolède lorsqu’il reçut le premier messager, «un escuier d’onnour bel et puissant» (Ibid., p. 122, vers 16883 à 16946). Il travaillait à faire rentrer dans le devoir un certain nombre de vassaux révoltés de son duché de Molina lorsqu’un nouveau message lui fut apporté par Jean de Berguette:
L’Artésien Jean de Berguette, capitaine de Vatteville (auj. Vatteville-la-Rue, Seine-Infér., arr. Yvetot, c. Caudebec), fut en effet avec l’Aragonais François de Périllos, le Comtois Jean de Rye et le Breton Yvon de Keranbars, l’un des quatre agents diplomatiques qui prirent part aux négociations avec le roi de Castille et furent envoyés en Espagne pendant les années 1368 et 1369. Le 8 juin 1369, Jean de Berguette, cher, chambellan du roi de France, et Yvon de Keranbars, huissier d’armes du dit roi, étaient présents dans le palais de Tolède lorsque don Enrique, roi de Castille et de Léon, signa certains articles additionnels et interprétatifs du traité d’alliance conclu au siége devant Tolède le 20 novembre de l’année précédente (Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 324). A cette date, il y avait déjà plusieurs mois que la guerre était rallumée, notamment en Guyenne ainsi qu’en Picardie, et Charles V put très-bien charger Jean de Berguette d’inviter le comte de Longueville à rentrer en France. S’il fallait en croire Cuvelier (Ibid., p. 134 à 136), le cinquième messager (le trouvère ne nomme pas les deux autres), dépêché auprès de du Guesclin, n’aurait été autre que le plus ancien compagnon d’armes du chevalier breton, le vieux maréchal d’Audrehem lui-même:
Au moment de l’arrivée du maréchal, Bertrand était venu renforcer Jean et Alain de Beaumont, ses neveux, qui avaient mis le siége devant Soria; car ce bourg, donné par don Enrique au célèbre capitaine français, n’en refusait pas moins de reconnaître celui-ci comme son seigneur. Le duc de Molina répondit d’abord avec une certaine brusquerie qu’il avait à faire ses affaires avant de se charger de celles du roi de France:
Le trouvère ajoute qu’aussitôt après la prise de Soria, Bertrand consentit à suivre le maréchal d’Audrehem et se mit en route pour la France. Il est certain que du Guesclin se trouvait dans sa ville de Soria le 26 avril 1370, jour où le duc de Molina, comte de Longueville, seigneur de Soria et de la Roche-Tesson, assigna en viager à son cousin Alain de Mauny la seigneurie d’Anneville (Seine-Infér., arr. Dieppe, c. Longueville), autrefois donnée à feu Guillaume du Guesclin son frère (dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, I, 1638 et 1639).
[291] Bertrand du Guesclin, duc de Molina, comte de Longueville et de Borja, était encore à Borja le 26 juin 1370, jour où il donna à son cousin Alain de Mauny la seigneurie de Ricarville (Seine-Inf., arr. Dieppe, c. Envermeu) relevant du comté de Longueville (Bibl. de l’Arsenal, fonds des Belles-Lettres, ms. fr. no 168; copies du 16e siècle sur parchemin reliées à la suite du poëme de Cuvelier). Borja, qui faisait alors partie du royaume d’Aragon, est une petite ville située sur la rive droite de l’Èbre (d’où, pour le dire en passant, la célèbre famille des Borgia a tiré son nom modifié par la prononciation et l’orthographe italiennes); et en supposant que Bertrand se soit mis en route pour la France dans les derniers jours de juin, il ne put guère arriver à Toulouse avant la mi-juillet 1370. Louis, duc d’Anjou, de son côté, arrivé à Toulouse le 11 de ce mois, dut se mettre en campagne le 15, car, dès le lendemain 16, il datait un acte de Grenade-sur-Garonne (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 345) et, le 18, un autre acte, de Beaumont (auj. Beaumont-de-Lomagne, Tarn-et-Garonne, arr. Castelsarrazin), où il fit halte dans sa marche sur Moissac.
[292] Bertrand de Guesclin, duc de Molina et comte de Longueville, était à Moissac le 26 juillet 1370 et donna quittance dans cette ville de 6800 francs d’or à valoir sur une somme de 25 320 francs qu’il avait prêtée au duc d’Anjou (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot du Guesclin). On connaît aussi un certain nombre d’actes délivrés par Louis, duc d’Anjou, à Moissac, dont trois sont datés des 28 (Arch. Nat., JJ 163, no 117), 31 juillet (Ordonn., VI, 403, 404) et 1er août (JJ 102, no 243; JJ 156, no 260) 1370. D’après la chronique provençale du Thalamus parvus, Moissac se rendit au duc d’Anjou le 23 de ce mois: «Item, lo XXIII jorn de julh (1370), se rendit lo luoc de Moyssac e motz autres entorn al dit mossenhor lo duc.» Thalamus parvus, p. 384.—Les comtes d’Armagnac, de l’Isle-Jourdain, de Montlezun ou de Pardiac, le vicomte de Caraman, le sire de Beaujeu, Jean de Vienne, les seigneurs de Vinay, de la Barthe, de Puycornet et de Malauze, apposèrent leurs signatures au bas de la capitulation accordée à Moissac (dom Vaissete, IV, 345).
[293] Agen avait fait sa soumission dès le mois de février 1370, et c’est alors et non, comme le raconte Froissart, à la fin de juillet, que le duc d’Anjou alla prendre possession de cette ville, du moins pour la première fois, au nom du roi de France; il accorda, entre autres faveurs, aux habitants une exemption perpétuelle de contributions, aux consuls le droit de justice en matière criminelle, l’établissement d’un hôtel des monnaies; et il profita de son voyage à Paris pour faire confirmer ces priviléges à Vincennes le 18 mai suivant (Ordonn., XV, 636). Toutefois, il est certain que le duc d’Anjou, une fois maître de Moissac, se rendit à Agen; il était dans cette ville le 8 août, jour où il fit payer 238 francs d’or à Antoni Doria, cher, «pour avoir fait venir du pais de Gennes et de Savoie les arbalestriers en nostre service et pour les conduire au duché de Guienne en notre compaignie et sequelle.» Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Doire ou Doria.—Dès le 31 janvier de cette année, il avait envoyé messire Jean de Chantemerle, licencié en lois, institué juge mage d’Agenais, tenir garnison à Condom, sur les confins de cette sénéchaussée (Bibl. Nat., Quitt., XVIII, 836). Par acte daté de Toulouse le 4 février suivant, il avait donné pouvoir à son cher cousin le comte d’Armagnac «de luy transporter en ou devant la ville d’Agen et par toutes les aultres villes, forteresses, chasteaux et lieux de l’Agenois, et toutes aultres qu’il saura non estre obeissans à monseigneur et à la couronne de France, et de induire et requerir les nobles, consuls et habitans,» afin de les amener à faire leur soumission (Ibid., fonds Doat, 197, fos 78 et 79).—Le mois suivant, les services rendus par Geraud de Jaulin, cher, «in multis, arduis et magnis actibus» avaient été récompensés par la donation des bastides de Sainte-Maure (auj. Sainte-Maure-de-Peyriac, Lot-et-Garonne, arr. Nérac, c. Mézin) et de Boulogne (auj. Saint-Pé-de-Boulogne ou Saint-Pé-Saint-Simon), «que sunt de conquesta terrarum Aquitanie.» Arch. Nat., JJ 102, no 335.—Enfin, au commencement du printemps, les deux plus puissants seigneurs de cette région, Arnaud Amanieu, sire d’Albret, beau-frère du roi de France, et son frère Berard d’Albret, seigneur de Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande), étaient entrés en campagne dans la partie orientale de la sénéchaussée d’Agenais et dans le Bazadais où le sire d’Albret avait brillamment inauguré cette levée de boucliers par la prise de Bazas (Arch. Nat., JJ 100, no 889). Pendant ce temps, Puymirol (Lot-et-Garonne, arr. Agen; JJ 100, no 784), Villeneuve-d’Agen (JJ 102, no 104), suivant l’exemple donné pendant la première moitié de 1369 par Nérac, Casteljaloux, Mézin et un certain nombre d’autres localités de l’Agenais oriental (Bibl. de l’École des Chartes, XII, 105; JJ 100, no 744), plus récemment par Agen et par Penne (JJ 102, no 104), Puymirol, dis-je, et Villeneuve-d’Agen avaient fait leur soumission. Dans le courant de juillet, une rencontre avait eu lieu près d’Aiguillon entre les Anglais et les Français (voyez plus bas, note 295), et le 26 de ce mois, Charles V, à la fois pour récompenser Berard d’Albret et pour l’encourager, avait donné à ce chevalier Monségur (Gironde, arr. la Réole), Sauveterre en Bazadais (auj. Sauveterre-de-Guyenne, Gironde, arr. la Réole), Sainte-Foy en Agenais (auj. Sainte-Foy-la-Grande, arr. Libourne), la prévôté d’Entre-deux-Mers, en Bordelais, «lesquelles choses tiennent et occupent à present noz ennemis et rebelles» JJ 100, no 670.—Il ressort de ce rapide exposé que les hostilités étaient ouvertes dans l’Agenais longtemps avant l’arrivée du duc d’Anjou; mais ce prince, qui connaissait le prestige irrésistible du nom de du Guesclin, encore accru par les événements dont l’Espagne venait d’être le théâtre, n’en tint pas moins à faire une apparition à Agen en compagnie du célèbre capitaine et aussi du vicomte de Caraman (JJ 102, no 116). Il ne fit pour ainsi dire que passer dans cette ville, car il se rendit ensuite dans le Périgord, principal objectif de l’expédition, et notamment à Sarlat où sa présence pendant la première quinzaine d’août est attestée par une lettre de rémission (JJ 101, no 139); dès le 18 de ce mois, il était de retour à Toulouse (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Doria), après avoir passé par Gourdon (JJ 151, no 198) et par Cahors d’où il a daté plusieurs actes (Ordonn., V, 353, 354; JJ 100, no 608; K 166b, no 222).
[294] Lot-et-Garonne, arr. Agen, au nord-ouest d’Agen, sur la rive droite de la Garonne. La bailie du Port-Sainte-Marie ne fut définitivement soumise qu’au mois d’août 1372 (Arch. de Lot-et-Garonne, Compte de la sénéchaussée d’Agenais du 24 juin 1372 au 24 juin 1374, communiqué par mon savant confrère, M. Tholin).
[295] Lot-et-Garonne, arr. Agen, c. le Port-Sainte-Marie, au nord-ouest du Port-Sainte-Marie, sur la rive gauche du Lot, près de son confluent avec la Garonne. Par acte daté de Moissac le 31 juillet 1370, Louis, duc d’Anjou, donna 2000 francs d’or à Pierre Raymond de Rabastens, sénéchal de Toulouse, capitaine général en Agenais, pour l’aider à payer sa rançon, lequel Pierre Raymond avait été fait prisonnier en dernier lieu par les ennemis auprès d’Aiguillon (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Rabastens). D’où l’on peut conclure que les opérations des Français, commandés par Pierre Raymond de Rabastens, contre Aiguillon, avaient commencé avant l’arrivée du duc d’Anjou en Agenais, et probablement même avant l’entrée en campagne de ce prince et de Bertrand du Guesclin. Le seigneur de Montpezat reconquit la bailie d’Aiguillon et s’en fit céder les revenus par le duc d’Anjou en juillet 1372. C’est aussi la date de la réduction complète des bailies de Penne (soumise le 12 septembre 1372), de Castelnaud et Saint-Pastour, de la Gruère (soumise par Jean de Caumont, le 24 août 1372), de Castelseigneur (soumise par Bertrand du Fossat, fils d’Amanieu), de Monflanquin (soumise en septembre 1372 par Jean de Durfort), de Miramont (soumise le 20 septembre 1372), de Sainte-Livrade (soumise en septembre 1372). Arch. de Lot-et-Garonne, Compte précité de la sénéch. d’Agenais.
[296] Lot-et-Garonne, arr. Marmande, au nord-ouest d’Aiguillon, sur la rive droite de la Garonne. C’est seulement en août 1372 que Guillaume Ferréol remit en l’obéissance du roi de France la bailie de Tonneins, dont le duc d’Anjou l’autorisa à percevoir les revenus (Ibid.). Contrairement à l’opinion du très-savant historien de Marmande, M. Tamizey de Larroque (Notice sur Marmande, Villeneuve-sur-Lot, 1872, p. 53), il nous est impossible de placer vers 1369 l’occupation de cette ville par les Français. Sans doute, Charles V, par acte daté de Paris le 28 janvier de cette année, «tesmoing le seel de nostre secret mis en ceste cedule», donnait à Othon de Lomagne 600 livres de rente annuelle et viagère sur le péage de Marmande (Arch. Nat., JJ 100, no 793); mais dans une confirmation par Louis duc d’Anjou, à Toulouse, au mois d’avril suivant, de la donation d’une rente annuelle de 220 livres sur le péage de Marmande, faite par Jeanne de Périgord à Anissant des Pins, chevalier, seigneur de Taillebourg, on constate que la dite ville de Marmande est encore au pouvoir des Anglais, «ex eo quia villa de Marmenda est adhuc in obediencia principis Aquitanie», JJ 102, no 134.—D’un autre côté, Marmande avait été repris par les Français avant le 12 novembre 1371, jour où les gens des Comptes mandèrent au sénéchal et receveur d’Agenais de faire payer à Anissant des Pins «emolumentum dicti pedagii», Bibl. Nat., Doat, 197, fo 24 vo.—Par acte daté d’Agen en juillet 1372, le duc d’Anjou donna la seigneurie de Gontaud (Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande) au fameux routier Gassion ou Garcia du Castel, «qui est venus humblement japieça à l’obeissance de mon dit seigneur et de nous», Arch. Nat., JJ 104, no 356.—Dans le compte de la sénéchaussée d’Agenais, qui va du 24 juin 1372 au 24 juin 1373, on trouve ce même Garcia du Castel en possession du château et du péage de Marmande, tandis que Garcia de Jusix tient la bailie du même lieu, en vertu d’une donation viagère faite par le duc d’Anjou (Arch. de Lot-et-Garonne, ibid.). Aussi, lorsqu’au mois d’août 1373, Charles V assigna au sire d’Albret: 1o les château et ville de Marmande, comme assiette de 4000 livres de rente; 2o la terre de Caumont, comme assiette de 2000 livres de rente, données au dit sire dès le 19 novembre 1368, Arnaud Amanieu se vit disputer la jouissance de la bailie par Garcia de Jusix, et celle du péage par Garcia du Castel (Arch. Nat., J 474, no 5; JJ 105, no 67). Le 18 avril 1374, ce dernier fut remplacé, comme châtelain de Marmande, par Arnaudot de Podensac, écuyer (J 400, no 68). Le 3 mars précédent, le sire d’Albret avait fait hommage par-devant notaires au roi de France pour cette seigneurie (J 477, no 5 bis), hommage qui fut renouvelé et prêté personnellement, le lendemain 4 mars, par Arnaud Amanieu (J 477, no 6).
[297] Dordogne, arr. Bergerac, au nord d’Agen, sur la route qui va de cette ville à Sarlat et dans le Périgord oriental.
[298] La ville forte de Bergerac, située sur la rive droite de la Dordogne, commandait à la fois le cours de cette rivière et la route d’Agen à Périgueux. Aussi, le roi d’Angleterre s’était-il fait céder cette ville en toute propriété, moyennant un échange conclu le 2 janvier 1362 entre le comte de Périgord et Jean Chandos (Bibl. Nat., Doat, 241, fos 181 vo et 182), échange qui avait été ratifié par Jean II, à Avignon, le 6 mai 1363 (Ibid., fo 177 vo) et par le prince d’Aquitaine, à Périgueux, le 20 juillet 1364 (Ibid., fo 180). Aucun historien du Périgord ne donne la date de ce siége de Bergerac, raconté ici par Froissart; il importe donc, pour fixer cette date au moins d’une manière approximative, de reprendre les choses de plus haut. A l’instigation de Taleyrand de Périgord, frère du comte Archambaud V, secondé par plusieurs Périgourdins dévoués au parti français, tels que: Nicolas de Beaufort, écuyer, frère du cardinal de Beaufort et seigneur de Limeuil sur Dordogne (Arch. Nat., JJ 100, no 177), Hélie de Labatut, fils de Pierre de Labatut, secrétaire du roi sous Philippe VI et Jean II (JJ 100, no 764), Lambert Boniface (JJ 102, no 314), Hélie Séguin, alors maire de Périgueux, cette ville avait adhéré à l’appel au roi de France, vers le 21 août 1369. Toutefois, la capitale du Périgord continuait encore à la fin de cette année de rester soumise à la domination étrangère, comme le prouvent deux proclamations adressées aux bourgeois de Périgueux, l’une par Charles V, le 30 novembre 1369, l’autre par le duc d’Anjou, le 8 janvier 1370. Ces deux proclamations invitaient les habitants à ne plus reconnaître désormais les autorités anglaises, et c’est le 28 février seulement que le maire et les consuls les firent publier à son de trompe sur la place de la Clautre (Dessalles, Périgueux et les deux derniers comtes, p. 95 à 99). Pendant l’hiver de 1369-1370, Anglais et Français n’avaient pas cessé de se faire la guerre en Périgord, ainsi que l’attestent plusieurs lettres de donation délivrées par Charles V, en novembre 1369, en faveur de Hélie de Sermet, chevalier (JJ 100, no 291), le 15 février 1370, en faveur de maître Hélie de Labatut (JJ 102, no 1), et le 12 mars suivant, en faveur d’Adémar Raoul, écuyer (JJ 100, no 482). Cette première campagne avait abouti à la prise de Saint-Astier, et à la réduction d’un certain nombre d’autres localités sous l’obéissance du roi de France. Dès les premiers jours de mai, les opérations avaient été poussées avec plus de vigueur encore qu’auparavant. Le 11 de ce mois, Charles V avait mandé de faire payer 28 000 francs d’or par an à Taleyrand de Périgord, «qui a eu et a la charge de la guerre,» et 12 000 francs au comte son frère, tant comme la dicte guerre dureroit (Delisle, Mandements de Charles V, p. 346, 347). Enfin, par acte daté de Paris le 1er juin suivant, le roi avait donné à son très cher cousin, Taleyrand de Périgord, comme assiette des 3000 livres de rente dont il avait été gratifié par le duc d’Anjou, le 3 mars 1369 et le 23 mai 1370, «villam et castrum de Bergeraco sub obediencia Edwardi Anglie, hostis nostri, nunc existentes.» JJ 102, no 20.—De la teneur de cet acte, on est fondé à conclure que les opérations des Français, tendant au recouvrement de Bergerac, commencèrent dans les premiers jours de juin 1370, car autrement la donation de cette place forte, occupée alors par l’ennemi, eût été absolument dérisoire. Dans un acte, en date du 12 du même mois, Arnaud d’Espagne, chevalier, sénéchal de Carcassonne, est qualifié capitaine de par le roi de la ville de Périgueux et du pays de Périgord (JJ 100, nos 563 et 564).
[299] Il n’y eut pas, à proprement parler, de siége de Limoges, mais une simple prise de possession de cette ville au nom du roi de France, comme le prouve l’itinéraire du duc de Berry que nous avons dressé jour par jour. Le duc partit de Bourges le 11 août 1370. (Arch. Nat., KK 251, fo 5 vo); le lendemain 12, il était à Vouillon (Indre, arr. et c. Issoudun) d’où il envoya Moussac, son écuyer de corps, à Montluçon porter finance au duc de Bourbon pour faire venir à son service un certain nombre de gens d’armes (Ibid., fo 45 vo). Le 14, il passa à la Châtre où il fit une offrande de quarante sous aux reliques. Le 15, il entendit la messe à Sainte-Sévère (Indre, arr. la Châtre) et donna vingt sous «ou chief» vénéré dans l’église du dit lieu. Le même jour, il fit donner cent livres tournois à messire Renaut de Montleon, cher, «en recompensacion des bons et agreables services qu’il luy a fais et fait chascun jour, en poursuyant certains traitiés que monseigneur a comanciés en Limozin (Ibid., fo 26 vo). Le 16, il s’arrêta à Dun (auj. Dun-le-Palleteau, Creuse, arr. Guéret, sur la route de la Châtre à Limoges) où il perdit quatre livres tournois en jouant au jeu de paume avec Guichard de Marsé son chambellan (Ibid., fo 18) et remit vingt sous au capitaine du Maupas (Ibid., fo 26 vo). Le duc de Berry n’arriva devant Limoges que le 21 août, et le jour même de son arrivée fit remettre soixante sous tournois par Guillaume Bonnet, son chambellan, aux Jacobins devant Limoges. Le même jour, il distribua cent quarante livres tournois entre Vésian de Lomagne, Jean de la Châtre, chers, et Aubert de Garait, écuyer, «pour baillier et donner à trois certains messagiers envoiés ès parties de Llimosin, pour suievre certains traitiés que le dit seigneur y a encomansés avec certaines gens du dit pais.» Ibid., fo 27.—Arrivé devant Limoges le 21, nous verrons tout à l’heure que le duc de Berry en repartit le 24 août.
[300] Jean de Cros de Calmefort, évêque de Limoges depuis le 26 octobre 1348, fut certainement le principal instigateur de la reddition de cette ville au roi de France. Le 24 août 1370, le duc de Berry, étant logé à Hencmoustiers (auj. Eymoustiers, Haute-Vienne, arr. Limoges), envoya trois messagers «pourter lettres de monseigneur à Limoges à l’evesque d’illec, à l’abbé du Borc de Dieux et au mareschal de Sancerre.» KK 251, fo 39 vo.—Gui de Cros, parent et peut-être frère de l’évêque de Limoges, était l’un des religieux de l’abbaye de Grandmont (située à Saint-Sylvestre, Haute-Vienne, arr. Limoges, c. Laurière, à 25 kil. au nord-est de Limoges); or, dès le 15 août 1370, cette abbaye était occupée par les Français sous les ordres de Jean d’Armagnac (Ibid., fo 39 vo). Aussi, six semaines plus tard, Gui de Cros et les autres religieux de Grandmont évacuèrent-ils leur abbaye pour échapper à la vengeance des Anglais qui avaient repris Limoges: «A frère Guy de Cros et cinq autres moines de l’abbaie de Grandmont en Llimozin, lesquieux avoient laissié leur abbaie pour doubte des Angloix et s’en alloient en France pardevers le roy, pour don et aumosne de mon dit seigneur (le duc de Berry) fait à eulx par mandement du dit seigneur le XIXe jour du dit mois (de septembre 1370): XII livres tournois.» Ibid., fo 28.
[301] Dix mois environ avant l’expédition du duc de Berry, le 31 octobre 1369, un capitaine berrichon, Guichard de Culan, s’était emparé de Chalusset, château fort situé à 10 kil. au sud de Limoges qui commandait les deux routes conduisant de cette ville dans le bas Limousin et le Périgord (Delisle, Mandements de Charles V, p. 309, 349). Six jours avant cette occupation, le 25 octobre, Louis, sire de Sully, avait cédé ce château au roi de France (Chalusset fait aujourd’hui partie de la commune de Boisseuil, Haute-Vienne, arr. Limoges, c. Pierre-Buffière), ainsi que deux autres forts, Chalus (Haute-Vienne, arr. Saint-Yrieix) et Courbefy (auj. hameau de Saint-Nicolas, Haute-Vienne, c. Chalus), dont le premier est situé au point de jonction des deux routes qui mettent Périgueux et Nontron en communication avec Limoges; et, le même jour, Charles V avait donné au sire de Sully, pour le dédommager, les châtellenies de Moret et de Grés en Gâtinais (Arch. Nat., J 400, no 63). Dès la première moitié de cette même année 1369, Louis, vicomte de Rochechouart, s’était, comme nous l’avons vu, rallié à Charles V et avait mis une garnison française dans sa forteresse de Rochechouart, la plus importante du haut Limousin occidental (voyez plus haut, p. LXVI, note 198). En mai et juin 1370, la soumission de Tulle (JJ 100, nos 719, 757, 758, 780, 781, 834) et de Regnault, seigneur de Pons, vicomte de Carlat et de Turenne en partie (JJ 100, nos 833, 717, 718, 831), avait fait rentrer sous l’obéissance du roi de France une notable portion du bas Limousin. Vers le même temps, enfin, la ville du Dorat, à l’extrémité septentrionale du haut Limousin, sur les confins de cette province et du Poitou, avait embrassé ouvertement la cause française (Ordonn., V, 304, 305). On voit par cet exposé qu’au moment où Limoges se rallia à Charles V, c’est-à-dire dans le courant du mois d’août 1370, le Limousin était déjà à moitié perdu pour les Anglais.
[302] Par acte daté de Cognac le 8 octobre 1370, Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, donna à son frère Jean, duc de Lancastre, Bergerac et la Roche-sur-Yon (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 130 et 131).
[303] Dordogne, arr. Bergerac, sur la rive droite de la Dordogne, à l’est de Bergerac et à l’ouest de Limeuil. Le siége de Lalinde eut lieu probablement au mois d’août 1370, et Bertucat d’Albret, rallié au parti français, y prit sans doute une part importante, car c’est à cette date que Charles V donna au célèbre partisan, en récompense de ses services en ces présentes guerres, Lalinde, Castillonnès (Lot-et-Garonne, arr. Villeneuve-sur-Lot), Beaumont-du-Périgord (Dordogne, arr. Bergerac, sur la rive gauche de la Dordogne, au sud de Lalinde), Villefranque en Sarladois (auj. Villefranche-de-Belvès, Dordogne, arr. Sarlat) et trois autres petits fiefs, «lesquelles choses tiennent et occupent à present noz ennemis, sitost qu’elles seront mises et revenues en nostre obeissance.» Arch. Nat., JJ 100, no 645.—Limeuil, qui commande le cours de la Dordogne en amont de Lalinde, appartenait alors, ainsi que Miremont (auj. Mauzens-et-Miremont, Dordogne, arr, Sarlat, c. le Bugue), à Nicolas de Beaufort, veuf de Marguerite de Galard, dame de Limeuil, fille de Jean de Galard et petite-fille de Pierre de Galard. Louis, duc d’Anjou, qui avait besoin de ces deux places pour pousser avec plus de vigueur les opérations contre Lalinde, accorda à Nicolas de Beaufort, par acte daté de Toulouse le 6 août 1370, les avantages suivants: 1o 2000 livres de rente assises sur les seigneuries du Mas-Saintes-Puelles et de Belleplaine; 2o 5000 francs d’or pour s’équiper dans la guerre contre les Anglais, dont 3000 comptant, et les 2000 restants au terme de la Toussaint suivante; 3o la solde de 50 hommes d’armes pendant un mois pour faire la guerre en Périgord, «pro faciendo guerram de presenti et incontinenti contra dictos inimicos in patria Petragoricensi.» En retour, Nicolas de Beaufort donna au duc, comme garants des engagements qu’il venait de contracter, le comte de Périgord, Arnaud d’Espagne, Bertrand de Chanac, chevaliers, ainsi que le seigneur de Canillac son frère, et il remit en l’obéissance du roi de France tout ce qu’il possédait en Guyenne, soit de son chef, soit du chef de sa femme, «et pro faciendo exinde guerram aptam inimicis predictis, loca sua de Limolio, de Miramonte et alia omnia et singula que ipsi conjuges, ambo insimul et quilibet per se, habent in dicto ducatu Aquitanie..., pro felici expedicione guerre predicte.» JJ 102, no 319.—Charles V confirma d’autant plus volontiers, en juillet et en octobre de l’année suivante, les donations faites par le duc d’Anjou au seigneur de Limeuil que, dans l’intervalle, Pierre Roger de Beaufort, frère de Nicolas de Beaufort, avait ceint la tiare sous le nom de Grégoire XI (JJ 102, no 139).
[304] Ce Tonnet de Badefol (Tonnet est une abréviation familière de Gastonnet, diminutif de Gaston) était l’un des quatre fils légitimes de Seguin de Gontaut, sire de Badefols, et de Marguerite de Berail. Le fameux Seguin, Jean et Pierre de Gontaut-Badefol étaient les frères aînés de Gastonnet.
[305] Une trêve de quatorze ans, conclue avec l’Angleterre le 18 juin 1369, fut confirmée le 5 juillet 1370 (Rymer, III, 895 et 896). David Bruce n’en était pas moins en secret tout dévoué à Charles V au service duquel les plus illustres chevaliers d’Écosse s’empressaient de mettre leur épée. Au mois de juillet 1370, c’est-à-dire à la date même de la confirmation de cette trêve, le roi de France amortit 100 livres parisis de rente annuelle et perpétuelle, destinées à l’entretien d’un ou de plusieurs étudiants en l’Université de Paris, en faveur de son amé Jean Gray, Écossais, secrétaire de son très-cher cousin le roi d’Écosse, «qui tanquam fidelis noster, licet a regno nostro non traxerit originem, semper et continue partem nostram contra Anglicos et alios inimicos nostros tenuit et sustinuit suo posse.» Charles V ajoute que cet amortissement est octroyé, «contemplacione dilecti nostri Archebaldi de Douglas, Scoti ac militis dicti consanguinei nostri.» Arch. Nat., JJ 102, no 220. Cf. Delisle, Mandements de Charles V, p. 339.
[306] Le rédacteur des Grandes Chroniques (VI, 323 et 324) évalue les forces de Robert Knolles à 1600 hommes d’armes et à 2500 archers, et dit qu’il commença sa chevauchée à travers la France, à la fin de juillet.
[307] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Guines.
[308] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Aire-sur-la-Lys.
[309] Pas-de-Calais, arr. Arras, c. Vimy. Abbaye d’hommes de l’ordre de Saint-Augustin au diocèse d’Arras. L’abbé du Mont-Saint-Éloi était alors un Artésien, Nicolas de Noyellette (Gall. Christ., III, 430).
[310] Pas-de-Calais, arr. Arras.
[311] Somme, arr. Montdidier.
[312] Somme, arr. Péronne.
[313] La récolte fut aussi abondante en 1370 qu’elle avait été insuffisante l’année précédente où les Chartreux, près Paris, n’avaient engrangé que six muids de blé, «tant pour la stérilité de l’aost comme pour la gresle» (Delisle, Mandements de Charles V, p. 357).
[314] Froissart désigne ici, non-seulement la baronnie de Coucy, mais encore le comté de Soissons acheté par Enguerrand trois ans auparavant. Robert Knolles, en effet, après avoir remonté la vallée de la Somme jusqu’à Ham, s’engagea dans celle de l’Aisne. Les vingt-deux paroisses, que comprenait alors la baronnie de Coucy, sont énumérées dans un acte d’affranchissement octroyé par Enguerrand, sire de Coucy, au mois d’août 1368 (Arch. Nat., JJ 99, no 424).
[315] Abbaye de l’ordre de Cîteaux au diocèse de Noyon; auj. section de la commune de Chiry-Ourscamps (Oise, arr. Compiègne, c. Ribecourt), sur la rive gauche de l’Oise, un peu au sud de Noyon. Il est regrettable que le savant M. Peigné-Delacourt, dans son Histoire de l’abbaye d’Ourscamps, où les chartes et autres pièces authentiques ont été analysées avec tant de conscience, ne fasse aucune mention de cette halte de Robert Knolles à Ourscamps, dont Froissart nous a conservé le souvenir. Il y aurait presque autant d’inconvénients, pour les progrès de la science historique, à négliger les chroniqueurs qu’à ne pas prendre soin de les contrôler par l’étude des documents originaux.
[316] Par mandements en date du 20 février et du 7 mars 1370, Charles V avait chargé Pierre de Villiers et le Baudrain de la Heuse de faire mettre en bon état de défense les forteresses de Normandie et de Picardie (Delisle, Mandements de Charles V, p. 322, 324, 325).
[317] Le 23 mars 1361 (n. st.), Jean de Lorris, dit Lancelot, écuyer, jadis gardien du château de Beaurain, fut condamné à payer une amende de 60 livres parisis pour avoir fait défaut dans un appel porté devant le Parlement par les religieux de Clairmarais (Arch. Nat., JJ 117, no 210). Quoi qu’on en ait dit (Œuvres de Froissart, XXII, 121), ni Jean de Lorris, fils aîné de Robert de Lorris et de Perronnelle des Essarts, filleul du roi Jean, marié avant le 4 août 1353 à Marie de Châtillon, ni Guérin, leur second fils, marié à la même date à Isabelle de Montmorency, ne portèrent jamais le surnom de Lancelot (JJ 82, no 85).
[318] Ces deux jeunes damoiseaux étaient frères; ils étaient les fils de Mathieu de Roye, dit le Flamand, seigneur du Plessis-de-Roye (Oise, arr. Compiègne, c. Lassigny), marié en 1350 à Jeanne de Cherisy.
[319] Oise, arr. Compiègne, c. Noyon, sur la rive gauche de l’Oise et un peu au sud de Noyon, à mi-chemin de cette ville et d’Ourscamps.
[320] Robert Knolles alla faire une démonstration devant Reims (Gr. Chron., VI, 324); mais toutes les précautions étaient prises pour le bien recevoir. En vertu d’un mandement des conseillers généraux sur le fait des aides du 27 avril 1370, le quart de l’aide levée sur la dite ville et montant à 3000 francs, avait été appliqué aux fortifications de Reims (Varin, Archives de Reims, III, 338).
[321] Knolles passa devant Troyes et poussa même une pointe jusqu’en Auxerrois, dans le courant du mois d’août 1370, puisque, le 9 de ce mois, attendu que «l’on se doubtoit de la venue des ennemis», les habitants de Vermanton, au bailliage de Sens, portèrent «leur fourment en l’esglise du dit lieu, qui est forte, et en laquelle ceulz de la dite ville ont leur retrait, en temps de guerre et de peril». (Arch. Nat., JJ 100, no 669).—Henri de Poitiers, évêque de Troyes, ce belliqueux prélat qui, onze ans environ auparavant, le 23 juin 1359, avait battu Eustache d’Auberchicourt à Chaude-Fouace, près de Nogent-sur-Seine (Anselme, II, 191), Henri de Poitiers, dis-je, avait présidé à la mise en état de défense de sa ville épiscopale, mais il avait dépensé ce qui lui restait d’énergie dans ce suprême effort; et, après avoir fait son testament le 21, il rendit le dernier soupir le 25 août. Au mois d’octobre suivant, Charles V légitima les quatre enfants, un fils et trois filles, que cet évêque, plus valeureux qu’édifiant, avait eus avec Jeanne de Chevry, religieuse du Paraclet près Nogent-sur-Seine (JJ 100, nos 616 à 619).
[322] En quittant l’Auxerrois pour se diriger sur Paris, les Anglais passèrent à Villeneuve-la-Guyard (Yonne, arr. Sens, c. Pont-sur-Yonne; JJ 122, no 317); ils avaient sur leurs derrières un certain nombre de chevaliers bourguignons, tels que Guillaume, bâtard de Poitiers, Jean de Bourgogne, Gui de Pontailler, Guillaume de la Tremouille, qui les poursuivirent à Montargis, à Moret en Gâtinais et jusqu’à Paris (Archives de la Côte-d’Or, B 3757; Invent., I, 305). Le 20 septembre, Étienne Braque, trésorier des guerres, fit payer 770 francs aux gens d’armes préposés à la défense du Chartrain, parmi lesquels on remarquait Barthélemi de Pologne et Henri de Wallenstein, chevaliers d’Allemagne, et le lendemain 21, une somme de 938 francs fut appliquée à la solde de ces mêmes gens d’armes (Archives Nicolaï, fonds du marquisat de Goussainville, troisième numéro, liasse 18); mais les Anglais firent route par Château-Landon, Nemours, Fontainebleau, Corbeil et Essonnes (Gr. Chron., VI, 324).
[323] Parti de Montefiascone au mois d’août et embarqué à Corneto, sur la Marta, le mois suivant, Urbain V débarqua à Marseille le 17 et fit son entrée à Avignon le 25 septembre 1370 (Thalamus parvus, p. 384).
[324] Le 8 août 1370, Louis, duc d’Anjou, était à Agen où il fit compter 238 francs d’or à Antoni Doria, chevalier, pour avoir fait venir en son service des arbalétriers de Gênes et de Savoie (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Doria). Entre le 8 et le 18 de ce mois, divers actes attestent la présence du duc à Cahors (Ordonn., V, 353, 354; K 166, no 222) et à Gourdon (JJ 151, no 198). Enfin, dès le 18 août, il était de retour à Toulouse, où il donnait l’ordre de payer à Doria une nouvelle somme de 125 francs d’or (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Doria).
[325] Le 30 juillet 1370, Bertrand du Guesclin, qui arrivait de Moissac, était encore à Toulouse où il donna quittance de 1500 francs d’or pour ses gages et ceux de 1000 hommes d’armes de sa compagnie enrôlés par le duc d’Anjou (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot du Guesclin). Le 8 août suivant, il dut accompagner le duc d’Anjou à Agen (voyez plus haut, p. XCIX, note 293), puis à Sarlat, qui était le principal objectif de cette chevauchée du lieutenant royal en Languedoc. Cette ville avait fait sa soumission pleine et entière le mois précédent (Arch. Nat., JJ 100, nos 599 à 602, 643, 649, 671, 906, 908), et le duc d’Anjou venait en prendre possession au nom du roi son frère, en compagnie du sire de Beaujeu, de Jean de Vienne, des seigneurs de Vinay et de Revel, de Pierre de Saint-Jory et de son maître d’hôtel Artaud de Beausemblant (JJ 101, no 139). Les érudits périgourdins les plus spéciaux, notamment le savant historien des deux derniers comtes de Périgord, paraissent avoir ignoré complétement cette campagne de du Guesclin en Périgord, sur les confins de cette province et du Limousin, pendant les trois dernières semaines d’août 1370. Le peu que l’on en sait atteste au plus haut degré l’instinct stratégique du chevalier breton. Quel était, en effet, à cette date, le plus puissant intérêt, le plus pressant besoin militaire des Français au sud de la Loire? N’était-ce pas évidemment d’assurer, de maintenir à tout prix les communications entre le corps d’armée du duc de Berry qui opérait alors en Limousin, et les troupes que le duc d’Anjou venait de mettre en mouvement dans le Quercy, l’Agenais et surtout dans le Périgord? Quel était, au contraire, le danger qu’il importait le plus de conjurer, sinon de laisser à deux armées anglaises parties, l’une de Cognac ou d’Angoulême sous les ordres du prince de Galles, l’autre de Bordeaux sous la conduite du duc de Lancastre, la faculté de faire leur jonction après s’être avancées, la première à travers le Nontronais et le Limousin, la seconde à travers le Libournais et le Périgord? Mettre d’abord Périgueux en bon état de défense, ensuite occuper en force les trois routes qui conduisent de cette ville à Limoges par Saint-Yrieix, à Angoulême par Brantôme et Mareuil, enfin à Bordeaux par Montpont et Libourne, telles étaient les mesures les plus urgentes à prendre pour se prémunir contre le danger que nous venons de signaler. Il n’est pas une seule de ces mesures dont on ne doive attribuer l’initiative à du Guesclin, en s’appuyant uniquement sur des témoignages contemporains, si rares et si incomplets qu’ils soient. A peine arrivé à Périgueux, Bertrand délogea les Anglais d’une abbaye située dans la banlieue de cette ville (sans doute, la Chancelade, Dordogne, arr. et c. Périgueux, à 4 kil. au nord de cette ville; Cuvelier, II, vers 17376 à 17504). Le 27 août 1370, Louis, duc d’Anjou, fit don de 2500 francs aux bourgeois et aux religieuses de la ville de Périgueux, en dédommagement des pertes qu’ils avaient soutenues par le fait de l’armée royale qui avait séjourné ou séjournait encore dans la dite ville et ses appartenances (Bibl. Nat., fonds Lépine, carton Périgueux, cité par Dessalles, I, 101). Enfin, voici l’extrait d’un document authentique, que nous avons eu la bonne fortune de découvrir, et qui établit d’une manière irrécusable le passage de du Guesclin à Périgueux, à la date dont il s’agit: «Lettres de quittance en parchemin de 550 deniers d’or, aultrement appelés frans, données au comte de Périgord par Bernard Favier, marchand et compteur des consuls de Périgueux, en laquelle somme le dit comte et Bertrand du Guesclin estoient tenus au dit Favier. De l’an mil trois cent septante. Signé: Bernard de Secerone.» Bibl. Nat., fonds Doat, 241, fo 488 vo.—Non content d’avoir fait mettre Périgueux en état de résister à toutes les attaques de l’ennemi, Bertrand assiégea et prit, soit par lui, soit par les frères Mauny, Budes et Beaumont, ses cousins et ses lieutenants, Saint-Yrieix, Brantôme et Montpont, ces clefs des trois routes qui mettent la capitale du Périgord en communication avec Limoges, Angoulême et Bordeaux. Cuvelier (II, vers 17323 à 17327) et Froissart sont d’accord pour faire honneur à du Guesclin de la prise de ces trois forteresses.
[326] On a vu plus haut que Jean, duc de Berry, arriva devant Limoges le 21 août. Ce jour-là même, Bertrand du Guesclin fit porter, du Périgord où il se trouvait alors, une lettre au duc Jean qui répondit lui-même immédiatement au message du chevalier breton, comme cela ressort des deux articles de compte suivants: «Au messaigier de messire Bertrant du Claquin qui a pourté lettres à monseigneur (Jean, duc de Berry), de par le dit messire Bertrant, pour don fait à luy le XXIe jour d’aoust (1370) ensuivant: IIII livres tournois». Arch. Nat., KK 251, fo 34 vo.—«Au dit Cambray, prisonnier des Anglois, lequel monseigneur (Jean, duc de Berry) a envoié pourter lettres à monseigneur Bertrant de Clasquin, pour don fait à luy par le dit seigneur, pour aider à paier sa rançon, par mandement du dit seigneur donné le XXIe jour du dit mois (août 1370): XL livres». Ibid., fo 27.
[327] Cela est parfaitement exact. Arrivé le 21, le duc de Berry partit de Limoges le 24 au matin et fit remettre, à titre d’aumône, le jour même de son départ, quatre livres tournois aux Carmes, huit livres tournois aux Cordeliers et aux Augustins de cette ville (Ibid., fo 27). Dès l’après-midi du 24, il se fit conduire d’Eymoutiers à Masléon et donna quarante sous à un écuyer du pays qui lui avait servi de guide (Ibid., fo 27 vo).
[328] Le duc de Berry, prévoyant cette colère du prince de Galles, avait envoyé, le jour même où il prit possession de Limoges, c’est-à-dire le 22 août 1370, cinq messagers au prince de Galles, sans doute pour assumer toute la responsabilité de la reddition et en décharger, autant que possible, les habitants de cette ville: «A cinq messagiers envoiés en Angolmois pourter lettres de par mon dit seigneur au prince de Gales..., par la main Ymbaut du Peschin, par mandement du dit seigneur donné le XXIIe jour du dit mois (d’août 1370): randu à court: XXX livres tournois.» KK 251, fos 39 vo et 40.
[329] Jean de Cros avait tenu sur les fonts du baptême un des enfants du prince d’Aquitaine. Le 27 août, le duc Jean, retournant du Limousin en Berry, fut rejoint à Felletin (Creuse, arr. Aubusson), par un écuyer qui lui remit, de la part de l’évêque de Limoges, une lettre où cet infortuné prélat le priait sans doute de ne pas abandonner les habitants de sa ville épiscopale (KK 251, fo 27 vo); mais le futile et égoïste prince passait ses journées à jouer aux dés avec ses chambellans, et la veille même il avait déboursé quarante livres tournois, pour «raimbre» ou racheter ses patenôtres de corail, mises en gage à la suite d’une dette de jeu (Ibid., fo 18). Il n’était pourtant pas incapable d’un bon mouvement, ainsi que l’atteste le touchant article de compte suivant: «A un pauvre enffant de village qui fu trouvés tout seul en l’oustel où mon dit seigneur se lougha à Saint Denis du Chastel (auj. hameau de la Courtine, Creuse, arr. Aubusson, c. Felletin): LX sous.» Ibid., fo 27.—Le 14 septembre, le jour même où le prince de Galles mit le siége devant Limoges, le duc de Berry envoya Bertrand du Montail porter une lettre, où il devait faire appel à la clémence d’Édouard en faveur des assiégés. Ibid., fo 40.
[330] Le dimanche 22 septembre 1370, Robert Knolles et ses gens vinrent camper vers Mons (auj. Athis-Mons) et Ablon (Seine-et-Oise, arr. Corbeil, c. Longjumeau), et le mardi 24, ils se rangèrent en bataille entre Villejuif et Paris. Quoique Paris eût alors une garnison de 1200 hommes d’armes, Charles V refusa de faire donner ses troupes. Les Anglais mirent alors le feu à Villejuif, à Gentilly, à Cachan, à Arcueil, à l’hôtel de Bicêtre, et allèrent loger, ce même mardi, au soir, à Antony. Puis, dès le lendemain, ils levèrent leur camp et se dirigèrent vers la Normandie, à travers la Beauce (Gr. Chron., VI, 324, 325). Le jeudi 26, ils étaient déjà dans les environs de Gallardon (Arch. Nat., JJ 100, no 911), et le dimanche 29, un de leurs détachements saccageait la paroisse Saint-Gervais de Séez (Bibl. Nat., Quitt., XVIII, 1054). On voit par les registres du chapitre de Notre-Dame, qu’avant de s’éloigner des environs de Paris, ils avaient prélevé de fortes rançons sur Orly, Itteville et presque tous les villages de cette région (Arch. Nat., LL 210, fos 527, 532, 586).
[331] Par acte daté de Paris le 9 juillet 1369, Jeanne de Penthièvre, vicomtesse de Limoges, avait donné la vicomté de Limoges à Charles V (Arch. Nat., J 242, no 51); mais cet acte était de pure forme et destiné à permettre au roi de France d’arracher le Limousin aux Anglais. Charles V, par une contre-lettre secrète, de même date que l’acte précédent, déclarait la dite donation non avenue, et s’engageait à restituer intégralement à sa cousine, Jeanne de Penthièvre, et à ses héritiers, la vicomté de Limoges (Arch. départ. des Basses-Pyrénées, série E, no 137). Cette importante contre-lettre a été signalée et publiée pour la première fois par dom Plaine (Jeanne de Penthièvre, Saint-Brieuc, 1873, p. 44 à 46).
[332] Divers documents mentionnent la soumission de Saint-Yrieix, au roi de France, dès le milieu de 1370 (Ordonn., VI, 242; Arch. Nat., JJ 114, no 146). On sait même, par un autre document, qu’à cette date des Bretons y tenaient garnison (Arch. Nat., JJ 109, no 386).
[333] Bertrand ne fit qu’une très-courte apparition sur les confins du Limousin et du Périgord; le 30 août 1370, il était à Montauban où le duc de Molina, comte de Longueville et de Soria, donna quittance de 10 000 francs d’or, pour ses gages et ceux des gens d’armes de sa compagnie servant en Guyenne, «tant en la compaignie du dit monseigneur le duc (d’Anjou) comme autrement, estant ès frontieres de Limosin et autre part ou dit duché de Guienne, où le dit monseigneur le duc a ordenné estre en frontiere contre les ennemis du royaume.» Bibl. Nat., Titres originaux, au mot du Guesclin.—Le 14 septembre suivant, du Guesclin était de retour à Toulouse où le duc de Molina, comte de Longueville, seigneur de Soria, donna quittance de 3000 francs d’or pour ses gages et ceux des gens d’armes «estans du comandement du dit monseigneur (le duc d’Anjou) avec nous et en nostre compaignie ou pais de Perregueurs et sur le pais d’Angoulesme.» Ibid.—La chevauchée de Bertrand sur les confins du Périgord, du Limousin et de l’Angoumois, se place ainsi entre le 30 juillet, date d’une quittance de 1500 francs d’or donnée à Toulouse, et le 30 août suivant, date d’une autre quittance de 10 000 francs, délivrée à Montauban et analysée dans les lignes qui précèdent. D’ailleurs, dans un acte daté de Poitiers le 9 août 1372, du Guesclin, duc de Molina et connétable de France, fait allusion à sa campagne de 1370, sur les confins du Limousin, et rappelle qu’il avait rallié au parti français les trois frères Jean, Aimeri et Rouffaut de Bonneval, «du pays de Limousin, en la vicomté de Limoges, pour lors que nous venismes d’Espaingne.» Arch. Nat., JJ 109, no 64.
[334] Le siége de Limoges ne dura pas un mois, mais seulement six jours, du 14 au 19 septembre 1370. «Item, aquel an meteyss (1370), a XIX jorns del mes de setembre, fon preza et destrucha la cuitat de Lymotges per lo princep de Galas loqual y avia tengut seti per alcun temps petit.» Thalamus parvus, p. 385.
[335] Hugues de la Roche était marié à Dauphine de Beaufort, l’une des filles de Guillaume Roger, comte de Beaufort, et de sa première femme Marie de Chambon, et par conséquent l’une des sœurs de Roger de Beaufort et du cardinal de Beaufort, élu pape à la fin de cette même année sous le nom de Grégoire XI (Anselme, Hist. généal., VI, 317).
[336] Roger de Beaufort, émancipé par son père le 26 mars 1361 (n. st.), était le troisième fils de Guillaume Roger, comte de Beaufort, IIe du nom, et de Marie de Chambon; Guillaume Roger, comte de Beaufort, IIIe du nom, et Pierre Roger, né en 1339, qui allait bientôt devenir le pape Grégoire XI, étaient ses aînés (Anselme, Hist. généal., VI, 316). Le 25 septembre 1371, Grégoire XI intercéda auprès d’Édouard III pour la mise en liberté de son frère, prisonnier de Jean de Grailly, captal de Buch (Rymer, III, 923). Les démarches du pontife restèrent sans résultat, puisque Roger de Beaufort et son neveu, Jean de la Roche, étaient encore prisonniers des Anglais le 27 juin 1375 (Ibid., 1033, 1034) et le 27 mai 1377 (Ibid., 1078).
[337] «Civitas Lemovicensis capta fuit cum omnibus in ea existentibus, tam incolis quam aliis, qui pro sui tuitione ad eam confugerant, ac multis nobilibus viris qui pro ejus succursu et adjutorio illuc advenerant; fuit que demum totaliter demolita et destructa ac ædificia ejus ad terram prostrata, et exinde effecta inhabitabilis et deserta, sola ecclesia cathedrali dumtaxat remanente.» Baluze, Vitæ pap. Avenion., I, col. 392.
[338] «Fortuna eos (il s’agit des doyen et chanoines de la cathédrale de Limoges) capi per dictos inimicos permisit et sic omnia bona et jocalia ipsius ecclesie una cum suis propriis perdiderunt, et eos redimi oportuit quasi ultra posse,» lit-on dans un privilége du 27 janvier 1372 (n. st.) où Charles V soustrait les chanoines de Limoges à toute autre juridiction que celle du Parlement de Paris, pour les dédommager de ce qu’ils ont souffert pour la cause française (Arch. Nat., JJ 104, no 287). Le prince de Galles, de son côté, affectant de rejeter sur l’évêque seul toute la responsabilité de la reddition de Limoges, avait fait grâce au chapitre de cette ville par acte daté de Bordeaux le 10 mars 1371 (Arch. dép. des Basses-Pyrénées, fonds de la vicomté de Limoges, série E); mais les chanoines durent trouver cette clémence un peu tardive.
[339] On fit grâce de la vie à Jean de Cros, évêque de Limoges, mais non de sa rançon, au payement de laquelle le roi de France contribua, le 4 février 1371, pour une somme de 100 francs (Gall. Christ., II, 534). Jean de Cros était le cousin du pape Grégoire XI qui le fit cardinal dans un conclave tenu six mois après son élection, le 6 juin 1371 (Vit. pap. Avenion., I, 427). Le massacre de Limoges avait soulevé dans toute la chrétienté une réprobation générale, et l’élection de Grégoire XI elle-même, qui eut lieu le 30 décembre 1370, environ trois mois après ce massacre, doit être considérée comme une sorte de protestation du sacré collége contre la conduite barbare du prince de Galles. Pierre Roger, dit le cardinal de Beaufort, n’avait pas encore, au moment de son élection, reçu la prêtrise (il ne fut ordonné prêtre que le 4 janvier 1371), mais il était originaire de ce Limousin livré alors à la vengeance d’un vainqueur impitoyable, il était le cousin de cet évêque de Limoges que le prince de Galles avait voulu faire mettre à mort, il était enfin le propre frère de ce Roger de Beaufort, le beau-frère de ce Hugues de la Roche, l’oncle de ce Jean de la Roche, tombés aux mains des Anglais après avoir défendu Limoges avec tant d’héroïsme; et les membres du sacré collége obéirent sans aucun doute à l’une des plus nobles inspirations de l’esprit chrétien en donnant, dans de telles circonstances, leurs suffrages à Pierre Roger.
[340] De nombreux actes attestent que Charles V n’eut rien plus à cœur que de dédommager, autant qu’il était en son pouvoir, les habitants de Limoges de ce qu’ils avaient souffert pour la cause française. Non content d’avoir réuni inséparablement leur ville à la Couronne, il les mit, le 2 janvier 1372, en possession du château (Ordonn., V, 439, 443). Le 27 du même mois, il autorisa les doyen et chanoines de Limoges à faire construire pour leur usage une forteresse, entièrement distincte et indépendante de la cité proprement dite, afin de pouvoir s’y renfermer et s’y défendre au besoin contre l’ennemi (Arch. Nat., JJ 104, no 263; Ordonn., V, 446, 447). Enfin, le 16 juin 1376, il décida que les affaires de l’église et de l’évêque de Limoges ne pourraient être jugées que par le Parlement de Paris (Ordonn., VI, 204).
[341] Les provisions de l’office de connétable de France, vacant par la démission de Robert, sire de Fiennes, dit Morel, en faveur de Bertrand du Guesclin, duc de Molina et comte de Longueville, sont datées de Paris en l’hôtel Saint-Pol le mercredi 2 octobre 1370 (Mém. de la Chambre des Comptes coté D, fo 101, cité par Blanchard, Compil. chronol., p. 155). On lit dans un acte, en date du 5 de ce mois, que du Guesclin fut pourvu de cet office sur l’avis du grand Conseil du roi et d’une assemblée de prélats, de nobles, de bourgeois et d’habitants de Paris: «par la deliberation et advis de nostre grant Conseil et de plusieurs prelas, nobles, bourgoiz et habitans de nostre bonne ville de Paris, avons ordenné de mettre sus sans delay certaine provision pour la deffense de nostre dit royaume, pour laquelle briefment executer et mener à bonne et desiderable conclusion, avons, par la dicte deliberation et advis, fait et establi nostre connestable de France, nostre amé et feal Bertran du Guesclin.» (Arch. Nat., sect. hist., K 49, no 52.)
[342] Le manuscrit d’Amiens donne ici la charte que nous avons publiée tome VI, § 480, p. 27 à 33.
Entrée du prince de Galles en Espagne.—1367, 6 janvier. Naissance à Bordeaux du prince Richard, depuis Richard II.—Du 10 au 29 janvier. Concentration de l’armée anglaise à Dax; arrivée du duc de Lancastre; occupation de Miranda et de Puente-la-Reina; entrevue de don Pèdre, du prince de Galles et du roi de Navarre, à Peyrehorade.—Du 14 au 20 février. Passage des Pyrénées et du défilé de Roncevaux par les trois corps de l’armée anglaise.—13 mars. Arrestation concertée du roi de Navarre par Olivier de Mauny.—Reddition de Salvatierra à don Pèdre et arrivée des Anglais devant Vitoria; défaite de Thomas Felton; mort de Guillaume Felton.—Mouvement rétrograde de l’armée anglaise; passage à Laguardia, à Viana; occupation de Logroño et de Navarrete.—1er avril. Lettre du prince de Galles à don Enrique.—2 avril. Réponse de don Enrique campé à Najera. —Sommaire, p. I à XII. —Texte, p. 1 à 31. —Variantes, p. 259 à 279.
Restauration de don Pèdre.—1367, 3 avril. Bataille de Najera; Bertrand du Guesclin et le maréchal d’Audrehem prisonniers des Anglais.—Fin d’avril et mai. Don Pèdre et le prince de Galles à Burgos.—Mai. Arrivée de don Enrique en Languedoc.—Juin. Séjour du prince de Galles à Valladolid et départ de don Pèdre pour Séville; dissentiments entre le prince et le roi de Castille.—13 août. Traité d’alliance de don Enrique avec le duc d’Anjou.—Août et septembre. Retour du prince de Galles et de l’armée anglaise en Guyenne.—27 décembre. Mise en liberté de Bertrand du Guesclin.—1368, du 4 mars au 22 mai. Siége et prise de Tarascon par du Guesclin et le duc d’Anjou; ravages des Compagnies anglaises en Bourgogne, en Champagne, dans l’Auxerrois, la Sologne, la Beauce et le Gâtinais.—4 mai. Mariage du seigneur d’Albret avec Marguerite de Bourbon.—Fin de mai. Arrivée de Jean Chandos en basse Normandie. —Sommaire, p. XIII à XXVIII. —Texte, p. 32 à 69. —Variantes, p. 279 à 311.
Restauration de don Enrique.—1367, fin de septembre. Entrée de don Enrique en Castille.—Fin d’octobre. Reddition de Burgos.—1368, 432 fin de janvier. Prise de Léon.—1368, avril à 1369, fin de mars. Siége de Tolède.—1368, 20 novembre. Traité d’alliance avec le roi de France; retour de Bertrand du Guesclin en Espagne.—1369, 14 mars. Bataille de Montiel.—23 mars. Mort de don Pèdre.—4 mai. Bertrand du Guesclin créé duc de Molina. —Sommaire, p. XXVIII à XXXV. —Texte, p. 70 à 84. —Variantes, p. 311 à 319.
Rupture du traité de Brétigny.—1368, 26 janvier. Levée d’un fouage en Aquitaine.—Mai et juin. Appel porté devant le roi de France par les barons de Gascogne.—3 décembre. Naissance du dauphin Charles, depuis Charles VI.—1368, fin de décembre et 1369, janvier. Réception de l’appel des barons de Gascogne et citation adressée au prince de Galles.—1369, premiers mois. Défaite de Thomas de Wetenhale, sénéchal anglais du Rouergue, près de Montauban.—Retour de Jean Chandos en Guyenne; son arrivée à Montauban.—Rupture des négociations et déclaration de guerre.—29 avril. Reddition d’Abbeville et du Pontieu au roi de France. —Sommaire, p. XXXV à XLVII. —Texte, p. 84 à 113. —Variantes, p. 319 à 335.
Préparatifs militaires et ouverture des hostilités sur toutes les frontières du royaume.—1368, 2 et 17 août. Prise de Vire et de Château-Gontier par les Compagnies.—1369, avril et mai. Les comtes de Cambridge et de Pembroke en Périgord; siége de Bourdeilles.—Jean Chandos à Montauban; prise de Roqueserrière.—Siége de Réalville par les gens du duc d’Anjou; reddition de soixante places fortes de la Guyenne aux Français.—7 avril. Mariage du duc de Bourgogne avec Marguerite de Flandre.—Août. Arrivée du roi de Navarre en basse Normandie et négociations entre ce prince et le roi d’Angleterre.—Exploits des Français en Poitou; prise de la Roche-Posay par Jean de Kerlouet.—Avril et mai. Campagne de Robert Knolles et de Jean Chandos en Quercy; siége de Duravel et de Domme; prise de Moissac, de Gramat, de Fons, de Rocamadour et de Villefranche.—Reddition de Réalville aux Français et de Bourdeilles aux Anglais. —Sommaire, p. XLVII à LXX. —Texte, p. 113 à 155. —Variantes, p. 335 à 366.
1369, août. Occupation de Belleperche par les Compagnies anglaises.—Projet et préparatifs d’une invasion française en Angleterre.—Reddition de la Roche-sur-Yon aux Anglais.—Mort de James d’Audeley; Jean Chandos, sénéchal du Poitou.—Descente du duc de Lancastre à Calais; chevauchée de Tournehem.—Affaire de 433 Purnon; le comte de Pembroke est surpris et assiégé par Louis de Sancerre.—Mort de Philippa de Hainaut, reine d’Angleterre.—Prise des Ponts-de-Cé et de Saint-Maur-sur-Loire par les Anglais, de Saint-Savin par les Français.—1370, 1er janvier. Combat du Pont de Lussac et mort de Jean Chandos.—Premiers jours de juillet. Prise de Châtellerault par Jean de Kerlouet.—1369, derniers mois, et 1370, premiers mois. Siége et reprise de Belleperche par le duc de Bourbon. —Sommaire, p. LXXI à XCII. —Texte, p. 155 à 220. —Variantes, p. 366 à 403.
1370, mai. Le duc d’Anjou à Paris; préparatifs de guerre des rois de France et d’Angleterre.—1372, du 15 au 22 août. Délivrance de la duchesse douairière de Bourbon prise à Belleperche.—1371, du 25 au 29 mars. Entrevue de Vernon; traité de paix entre les rois de France et de Navarre.—1370, vers le 15 juillet. Arrivée de Bertrand du Guesclin, rappelé d’Espagne, en Languedoc.—Du 15 juillet au 15 août. Campagne du duc d’Anjou et de du Guesclin en Guyenne; occupation de Moissac, d’Agen, de Tonneins, du Port-Sainte-Marie, de Montpazier et d’Aiguillon; siége de Bergerac et de Lalinde par les Français.—De la fin de juillet à la mi-septembre. Chevauchée de Robert Knolles à travers l’Artois, la Picardie et l’Ile de France.—Du 16 au 24 août. Le duc de Berry et du Guesclin en Limousin; reddition de Limoges au duc de Berry.—Du 14 au 19 septembre. Siége, reprise et sac de Limoges par le prince de Galles.—24 septembre. Robert Knolles devant Paris.—2 octobre. Du Guesclin à Paris; sa nomination à l’office de connétable de France. —Sommaire, p. XCII à CXVI. —Texte, p. 220 à 255. —Variantes, p. 403 à 430.
FIN DE LA TABLE DU TOME SEPTIÈME.